(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1837 et Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837)
(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Les administrations communales et les habitants propriétaires des communes de Blargnies et Dour (Hainaut) réclament contre les pétitions tendant à obtenir l’entrée des houilles étrangères. »
« Le sieur Léon Heldenbergh, marchand de boissons distillées à Courtray, propose des modifications à la loi sur les distilleries.»
« Des négociants détaillants de Châtelet et communes environnantes demandent qu’il soit pris des mesures pour empêcher les ventes à l’encan. »
- La pétition concernant les houilles sera renvoyée aux ministres de l’intérieur et des travaux publics, comme on l’a fait à l’égard d’autres pétitions sur le même objet.
Les autres pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
M. de Puydt. - Je dépose sur le bureau de la chambre diverses pétitions pour obtenir l’établissement de routes :
1° Quatre pétitions de Stavelot, Profondris, Wilverwilt et Hosinghen, réclament l’exécution de la route de Stavelot à Diekirch.
2° Quatre pétitions de Wardin, Vinseler, Goesdorff et Atcheid, demandent que la route de Bastogne vers Ettelbruck soit dirigee par Wiltz.
Désirant appuyer ces pétitions lors de la discussion du budget des travaux publics, je prie la chambre d’inviter la commission à faire son rapport avant la discussion de ce budget.
- La proposition de M. de Puydt est adoptée.
M. Beerenbroeck. - Messieurs, la commission de finances nommée au commencement de la session ne s’est pas encore assemblée, elle a des pièces concernant le budget de la guerre dont je désire avoir connaissance.
M. Angillis. - Effectivement la commission de finances ne s’est pas encore constituée ; nous attendons la présence de MM. Fallon et Dubus. Aussitôt qu’ils seront arrivés, je m’occuperai de constituer la commission, et nous ferons la besogne dont nous sommes chargés.
M. le président. - Vous avez à décider comment sera nommée la commission dont le principe a été adopté dans la séance d’hier.
Plusieurs voix. - Par le bureau, par le bureau !
M. Lejeune. - J’entends dire que cette commission soit nommée par le bureau ; je pense que la question sur laquelle vous avez décidé hier ayant donné lieu à une discussion plus ou moins irritante, et tous les membres s’étant prononcés pour un appel nominal, il serait plus convenable que la commission fût nommée par la chambre ; j’en fais la proposition formelle.
M. Desmet. - Je propose de ne statuer sur la nomination de la commission qu’après le vote définitif du budget de l’intérieur. Vous avez adopté un amendement, et son importance est telle que vous ne pourrez vous dispenser de le soumettre à un second vote.
Il sera assez tôt de nommer la commission si le premier vote est confirmé. Nous avons été plus ou moins surpris par la motion d’ordre qui a été adoptée : je ne veux pas incriminer, mais personne ne savait qu’une proposition aussi importante aurait été faite. Certainement tout le monde aurait été à son poste. Je ne rentrerai pas dans le fonds de la question, cependant j’aurais quelque chose à dire. Une proposition aussi importante devra être soumise à un second vote. Je demande qu’on attende ce second vote pour s’occuper de la nomination de la commission.
M. Verhaegen. - Quant à nous, nous pensons qu’il ne faut pas s’écarter du principe reçu dans cette assemblée. C’est parce que la discussion a été irritante qu’il faut maintenir ce qui a eu lieu jusqu’à présent, en pareil cas. Nous avons pleine confiance dans le bureau ; nous nous réunissons à ceux qui ont demandé qu’on lui abandonnât la nomination de la commission.
M. Verdussen. - En lisant la rédaction de M. le ministre de l’intérieur qui a été adoptée hier, il me semble qu’il est possible de laisser au gouvernement la nomination de la commission. Il a été dit qu’une commission sera nommée afin de présenter un rapport à la chambre. J’ai voté contre la proposition, parce que je pensais qu’il était plutôt dans les attributions du gouvernement de faire cette enquête que dans les attributions de la chambre. La rédaction du ministre admet la possibilité que la nomination de la commission soit confiée au gouvernement. Je désire qu’il en soit ainsi. La chambre désire être éclairée, elle pourrait l’être par la commission qui serait nommée par le gouvernement. Le vote de la chambre aurait pour effet d’imposer au gouvernement l’obligation de nommer une commission pour rechercher le véritable propriétaire des objets dont il s’agissait.
M. de Jaegher. - J’appuie la proposition de M. Desmet. Il faut que le budget de l’intérieur soit soumis à un second vote ; en attendant, il est inutile de nous arrêter à une discussion qui pourrait empêcher de terminer la discussion du budget de l’intérieur. Quant à la proposition de M. Verdussen, je ne pense pas qu’elle puisse être admise. La chambre ne peut pas appeler le gouvernement à nommer la commission dont il s’agit. D’abord le gouvernement serait de cette manière rendu juge dans sa propre cause, il serait juge et partie. Il s’agit de voir jusqu’à quel point le gouvernement a droit sur une propriété qui peut-être serait contestée ; ce serait le gouvernement lui-même qui nommerait les personnes chargées d’examiner ses droits, il préjugerait en quelque sorte la question.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837) M. Verhaegen. - Je demande la parole sur la question d’ajournement ; j’ai dit toute ma pensée sur la manière de nommer la commission, je persiste à demander que cette nomination soit faite par le bureau dans lequel nous plaçons notre confiance. Quant à l’ajournement, je dois le combattre, parce que je ne puis pas admettre la conséquence ; il ne s’agit pas d’amendement, il ne peut pas être question de second vote. Il y a eu tout simplement une motion d’ordre ; cela est si vrai que j’aurais pu la faire après le vote du budget, sans qu’il dût pour cela être soumis à un second vote, car le chiffre est resté le même ; il n’a pas été amendé, il ne peut pas être question de second vote.
M. Pirmez. - Je ne vois pas ce que l’ajournement amènerait s’il ne doit pas y avoir de second vote, et si on est résolu à déléguer au bureau le soin de nommer la commission, à moins qu’on ne veuille lui donner le temps de réfléchir.
La chambre consultée décide qu’il sera statué sur le mode de nomination de la commission après le vote définitif du budget de l’intérieur.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - M. le ministre de la guerre étant indisposé m’a chargé de présenter le projet de loi sur le contingent de l’armée.
_ M. le ministre dépose ce projet.
Il est donné acte à M. le ministre de la présentation dudit projet. Il sera imprimé et distribué aux membres.
La chambre en ordonne ensuite le renvoi à la section centrale du budget de la guerre, constituée en commission spéciale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je propose à la chambre de mettre à l’ordre du jour le budget des travaux publics après le vote du budget des voies et moyens. Car s’il était impossible de voter le budget régulier avant le 1er janvier, je serais forcé de demander des crédits provisoires. J’ai pris des renseignements, ils m’ont convaincu qu’à moins de m’exposer à de grandes irrégularités, il me sera impossible de me passer de crédits provisoires si mon budget n’est pas voté.
M. Desmanet de Biesme. - La chambre a mis le budget des voies et moyens après celui de l’intérieur. La chambre avait décidé précédemment que ce budget serait discuté le dernier. M. le ministre, en présentant ce budget, a cru, et devait croire, que deux mois et demi suffiraient pour voter les budgets, et qu’on ne serait pas forcé de revenir aux errements des années précédentes. Je suis forcé de demander une explication à M. le ministre. Il est impossible de voter le budget des voies et moyens tel qu’il a été présenté.
En effet, les augmentations demandées sont principalement relatives au budget de la guerre. La section centrale a demandé des réductions très fortes qui, peut-être, pourraient rendre inutile le vote des centimes additionnels demandés par différentes lois qui se rapportent au budget, l’abonnement pour les boissons distillées, le timbre des journaux, la loi sur les sucres. On supposait que ces lois seraient votées quand on s’occuperait du budget des voies et moyens. Nous ne pouvons pas agir comme si ces lois étaient votées, nous devons voter le budget comme les années précédentes d’après les ressources votées, et si on n’adopte pas les réductions proposées sur le budget de la guerre, on votera un budget supplémentaire quand les lois qui se rattachent au budget des voies et moyens seront votées.
Je demande si c’est dans ce sens que le gouvernement entend qu’on discute le budget des voies et moyens.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la motion de M. Desmanet est prématurée. M. le ministre des finances donnera à la chambre toutes les explications désirables, quand nous en serons à la discussion du budget des voies et moyens ; mais je pense dès maintenant que la motion de l’honorable membre ne peut être accueillie. Il est possible qu’il y ait quelques modifications à introduire dans le budget des voies et moyens, à raison de quelques lois sur le vote desquelles on avait compté avant la discussion de ce budget ; ce sera une explication à donner par M. le ministre des finances ; mais quant au principe, je le répète, il y a lieu de maintenir le budget des voies et moyens tel qu’il a été présenté.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je pense qu’il faut attendre la présence de M. le ministre des finances, avant de prendre une résolution sur la motion qui a été faite par l’honorable M. Desmanet ; je ferai néanmoins remarquer qu’un budget supplémentaire de voies et moyens offrirait de graves inconvénients, et je ne pense pas que le gouvernement puisse adopter cette mesure. S’il y a quelques modifications à apporter dans le budget des voies et moyens, tel qu’il a été présenté, il faudra prendre, avant le 1er janvier, une résolution définitive, relativement à l’impôt supplémentaire qu’on pourrait faire percevoir pour l’exercice prochain.
Toutefois, je le répète, il n’y a aucune décision à prendre, avant que la chambre ait entendu M. le ministre des finances.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je me permettrai d’engager l’honorable M. Desmanet à retirer sa motion, qu’il pourra reproduire peut-être aujourd’hui même. Nous sommes à la veille de la discussion du budget des voies et moyens ; quand elle commencera, M. le ministre des finances sera ici pour donner toutes les explications désirables.
M. Desmanet de Biesme. - Je n’avais pas remarqué que M. le ministre des finances ne se trouvait pas à la séance. Je retire donc ma motion, me réservant de la reproduire quand arrivera la discussion du budget des voies et moyens.
M. le président. - La chambre en est restée à l’article premier du chapitre VII.
« M. Ecole de gravure, 20,000 fr. »
- Adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’article premier.
M. Rogier. - Je demande la parole.
Messieurs, je pense que l’intention de plusieurs membres de cette chambre a été hier, en votant le chiffre de la bibliothèque nationale, d’en faire un article séparé. (Non ! non !) Je ferai alors la proposition de faire du littera consacré à la bibliothèque un article spécial, vu l’importance de l’institution en elle-même. De cette manière, la somme de 60,000 fr. qu’on a votée pour la bibliothèque, lui sera bien acquise.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne pense qu’il soit nécessaire de faire un article sépare du chiffre de 60,000 fr., pour que ce chiffre demeure acquis à la bibliothèque. Il me semble que j’ai mis assez d’empressement pour la formation de cette bibliothèque, pour qu’on n’ait aucun motif de douter que les 60,000 fr. seront employés à cette destination. Je ne vois aucune espèce d’utilité à créer un article spécial pour la bibliothèque. Ce que la chambre a voulu hier, c’était simplement de réunir deux litteras en un seul. Je demande que l’on demeure dans les termes de la décision d’hier.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour savoir comment sera libellé l’article de la bibliothèque dont les deux chiffres ont été réunis en un seul. Je désirerais que la désignation de bibliothèque des ducs de Bourgogne fût conservée, parce que c’est là une institution qui a une réputation européenne. Quant à moi, je pense que l’on pourrait conserver les deux libellés et dire : « Bibliothèque nationale, et bibliothèque des manuscrits de l’Etat dits des ducs de Bourgogne. »
M. Desmet. - Messieurs, je ne pense pas qu’on puisse admettre le libellé proposé par M. Verdussen, car ce serait remettre en question ce qui a été décidé hier par la chambre. Sur la proposition de l’honorable M. Gendebien, il a été résolu qu’il n’y aurait qu’une seule bibliothèque nationale.
M. Gendebien. - Si j’ai bien compris l’honorable préopinant, je crois que nous sommes d’accord. Il demande qu’il n’y ait qu’un seul intitulé, celui de bibliothèque nationale, qui comprendra tout naturellement aussi la bibliothèque des ducs de Bourgogne : qu’on appelle simplement notre bibliothèque, bibliothèque nationale, cela me paraît fort rationnel.
M. Verdussen. - Si on l’entend de cette manière, ce que j’ai craint doit arriver ; vous supprimez dès lors le nom de Bibliothèque des ducs de Bourgogne qui, est aujourd’hui attaché à la bibliothèque des manuscrits, et comme je l’ai dit tout à l’heure, je tiens beaucoup à ce que ce nom soit conservé dans nos budgets ; c’est dans cette intention que je voulais proposer de réunir les deux libellés en un seul. Je sais fort bien que la bibliothèque de Bourgogne sera la bibliothèque nationale tout comme l’autre. Mais comment parvenir au but que je désire, si l’on n’admet pas la rédaction que j’ai proposée ? Voulez-vous dire : Bibliothèque des imprimés, et bibliothèque des manuscrits des ducs de Bourgogne ? Je ne sais si cette rédaction serait bien convenable. Je pense donc qu’il y a lieu d’admettre la rédaction que j’ai déjà indiquée.
M. Rogier. - Messieurs, la bibliothèque nationale est maintenant une institution nouvelle qui ne se trouverait pas consacrée dans le budget, si on la plaçait seulement dans un littera, attendu que les litteras ne font pas partie du budget, mais sont relégués dans les développements. Je ne comprends donc pas dans quel but M. le ministre s’oppose à ce qu’on donne une place dans le budget à cette nouvelle institution nationale, qui ne peut que faire honneur à M. le ministre de l’intérieur. Il n’est nullement entré dans mes intentions de critiquer M. le ministre, et de lui reprocher un manque de zèle en ce qui concerne cet établissement.
J’ai dit qu’il était désirable que le chiffre restât acquis à la bibliothèque nationale ; ce chiffre me paraît convenable et de nature à rendre cette institution florissante. Ce chiffre sera acquis à la bibliothèque, non seulement vis-à-vis du ministre de l’intérieur et de ses successeurs, mais encore vis-à-vis de la chambre elle-même. C’est la considération du chiffre de 60,000 fr. qu’il me semble utile de maintenir et de faire ressortir en lui donnant une mention spéciale au budget. Si cependant M. le ministre de l’intérieur voit des inconvénients à ma motion, je la retirerai.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne vois aucune utilité dans la proposition de l’honorable M. Rogier. Pourquoi faire un article spécial pour la bibliothèque, alors que les académies et toutes les autres institutions littéraires sont comprises dans l’article en discussion ?
Je ne vois pas non plus une grande utilité à discuter sur le titre à donner à la bibliothèque. Qu’on l’appelle simplement bibliothèque nationale, comme l’a proposé l’honorable M. Gendebien, et il sera entendu qu’elle comprend les livres et les manuscrits.
M. Desmet. - Messieurs, je tiens beaucoup a ce que l’on conserve à la bibliothèque le nom national de Bibliothèque des ducs de Bourgogne. L’on se trompe fortement lorsque l’on croit que la bibliothèque de Bourgogne ne comprend que des manuscrits, mais elle contient aussi des livres imprimés.
Je fais donc la proposition formelle pour que l’on conserve le nom de bibliothèque des ducs de Bourgogne.
M. Gendebien. - Messieurs, je n’ai rien proposé ; seulement j’ai dit que j’adhérerais aux propositions qui seraient présentées, afin de finir cette discussion sans nouvelle perte de temps. Je demanderai donc, pour terminer promptement, qu’on libelle l’article ainsi qu’il suit : « Bibliothèque nationale et manuscrits de l’Etat dits des ducs de Bourgogne. » (Adhésion.)
M. Dumortier. - Messieurs, je partage l’opinion qui a d’abord été émise par l’honorable M. Gendebien, de se borner au mot bibliothèque nationale ; mais il a été admis hier qu’il n’y aurait qu’une seule bibliothèque ; eh bien, il faut subir les conséquences de cette décision, en n’admettant qu’un seul titre pour la bibliothèque.
Quant au mot de bibliothèque de Bourgogne, dont quelques honorables préopinants paraissent si charmés, je vous avoue que ce mot n’excite pas chez moi le même enthousiasme. Le règne des ducs de Bourgogne n’a jamais été assez favorable à la Belgique. (Interruption.) Si je parle des ducs de Bourgogne, c’est comme un homme qui sait ce qu’ils ont fait, qui n’ignore pas que ce sont ces ducs qui ont renversé les libertés communales et tous les pouvoirs constitutionnels en Belgique. Sous les comtes de Flandre, les ducs de Brabant, la Belgique jouissait d’une véritable liberté, la Belgique était heureuse et libre. C’est cette liberté, cette prospérité que la maison de Bourgogne est venue nous ravir. Je ne pense pas qu’on doive se glorifier de cela, et pour ma part, j’aime beaucoup plus une bibliothèque nationale que toutes les bibliothèques de Bourgogne possibles.
Je demande donc que l’on conserve simplement le mol de bibliothèque nationale.
M. Rogier. - Je retire la proposition que j’ai faite.
M. le président. - Je mets aux voix le libellé « Bibliothèque nationale et manuscrits de l’Etat dits des ducs de Bourgogne. »
- Ce libellé est adopté.
L’ensemble de l’article premier est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Monument de la place des Martyrs : fr. 50,000. »
- Adopté.
La chambre passe à la discussion de l’article 3, nouveau, proposé par la section centrale, lequel est ainsi conçu :
« Art. 3. Subsides aux villes et communes dont les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments : fr. 20,000. »
M. Verdussen. - Je crois devoir m’opposer à l’introduction dans le budget de l’intérieur, d’un semblable article. Lors de la discussion du budget de l’exercice courant, nous avons rejeté un article à peu près dans les mêmes termes. A la vérité, il était plus général, car il était, si ma mémoire est fidèle, conçu à peu près dans les termes suivants :
« Subsides aux villes et communes dont les ressources sont insuffisantes. »
Maintenant on spécialise en affectant principalement le subside à la conservation des monuments. Mais le principe que nous avons décidé, en rejetant l’article du budget de 1837, milite contre l’adoption d’un semblable article, quoique réduit aux seuls monuments. Ce qui nous a engagés à rejeter cet article pour le budget de 1837, c’est qu’il était contraire d’abord à l’esprit de l’article 108 de la constitution, qui a posé le principe de « l’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal. »
Ensuite nous nous sommes appuyés en cela sur les lois provinciale et communale, dont l’esprit est que, s’il y a insuffisance dans les ressources des communes pour concourir à certaines dépenses, c’est en premier lieu aux provinces que les communes doivent s’adresser.
En effet, nous trouvons dans l’article 69 de la loi provinciale :
« Art. 69. Le conseil est tenu de porter annuellement au budget des dépenses toutes celles que les lois mettent à la charge de la province, et spécialement les suivantes :
« 18° Les secours à accorder aux communes pour l’instruction primaire et moyenne, et pour les grosses réparations des édifices communaux. »
Vous voyez donc qu’en cas d’insuffisance des ressources communales pour réparation des édifices communaux, les communes doivent s’adresser d’abord à la province.
L’article 87 de la même loi provinciale porte :
« Art. 87. Si le conseil ne porte point au budget, en tout ou en partie, les allocations nécessaires pour le paiement des dépenses obligatoires que les lois mettent à charge de la province, le gouvernement, la députation du conseil préalablement entendue, y portera ces allocations dans la proportion des besoins ; si, dans ce cas, les fonds provinciaux sont insuffisants, il y sera pourvu par une loi.
Si nous adoptons maintenant l’article tel qu’il a été proposé par la section centrale, nous semblerons trancher une question que je voudrais laisser intacte ; et je ne voudrais pas admettre que, dans tous les cas où les communes n’auront pas des ressources suffisantes, elles pourront s’adresser au gouvernement où à la chambre pour obtenir des subsides.
Le gouvernement, avant d’accorder un subside ou d’en faire la proposition à la chambre, devra s’assurer que les ressources de la province sont insuffisantes ; et chaque fois que cette recherche aura été faite par le gouvernement, l’objet du crédit spécial devra être stipulé spécialement dans le budget.
Si, par exempte, M. le ministre de l’intérieur pouvait nous dire que ta province de la Flandre orientale n’avait pas de fonds pour venir au secours de la ville d’Audenaerde, pour grosses réparations de sa maison-de-ville, nous pourrions adopter un article ainsi conçu :
« Subside à la province de la Flandre orientale, pour subvenir à l’insuffisance des ressources de la commune d’Audenaerde, pour réparations de sa maison communale. »
Mais mettre un fonds de 20,000 fr. à la disposition du gouvernement, il me paraît que ce serait admettre ce que nous avons rejeté l’an passé. Je désire que la chambre ne donne pas le spectacle désagréable de défaire ce qu’elle a fait l’an passé, et ait une espèce de versatilité, au lieu de s’en tenir à des principes qui devraient être religieusement conservés. Je m’oppose donc à l’adoption de l’article. Mais s’il est prouvé plus tard que les ressources de la province de la Flandre orientale sont insuffisantes pour aider la ville d’Audenaerde dans les dépenses d’entretien de sa maison-de-ville, alors que M. le ministre de l’intérieur demande un crédit spécial, je serais loin de m’y opposer ; car il est loin de ma pensée de laisser dépérir les monuments de notre ancienne splendeur, et qui excitent l’admiration générale ; comme, par exemple, le monument de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde.
M. de Jaegher. - C’est une requête de la ville d Audenaerde tendant à obtenir un subside de 12,000 fr. pour réparations à sa maison-de-ville, qui a donné lieu dans la section centrale à la discussion dont le résultat a été de proposer un nouvel article au budget.
Il existait antérieurement un article de 21,000 fr. au budget pour secours à donner aux communes dont les ressources seraient insuffisantes. Par suite de la suppression de cet article, il n’y a plus de fonds au budget pour un pareil objet ; néanmoins dans plusieurs circonstances la chambre a alloué des subsides pour réparations de monuments, notamment pour la réparation des églises de Ste-Gudule à Bruxelles, et de St-Jacques à Liége.
La question qui se présente ici et celle de savoir si la maison-de-ville d’Audenaerde doit être envisagée comme un édifice purement communal, ou comme un des monuments qui font l’admiration des étrangers. Je crois inutile de démontrer que l’hôtel-de-ville d’Audenaerde doit être rangé dans cette dernière catégorie.
Un artiste distingué, ayant entrepris la lithographie de trente principaux monuments de l’Europe, n’a pas hésité à comprendre dans cette collection l’hôtel-de-ville d’Audenaerde ; c’est même une des premières lithographies qu’il ait publiées. Il est donc superflu que je vous démontre ultérieurement que la maison-de-ville d’Audenaerde figure en première ligne au nombre de nos principaux monuments.
Sur quoi s’est-on fondé lorsque l’on a accordé des subsides pour réparations des églises de Ste-Gudule à Bruxelles et de St-Jacques à Liége ? On a dit dans ces deux cas qu’il ne fallait pas que le pays souffrît que des monuments si remarquables, faisant l’admiration des étrangers, tombassent en ruines à défaut de ressources suffisantes des localités. Pourtant il est de fait que l’église de St-Jacques à Liége est loin de pouvoir figurer comme monument sur la même ligne que la maison-de-ville d Audenaerde. Les artistes sont compétents en cette matière ; or l’église de St-Jacques ne figure pas dans la collection des principaux monuments de l’Europe, tandis que la maison-de-ville d’Audenaerde figure en première ligne dans cette collection.
Maintenant on dit que le devis estimatif des réparations à exécuter à la maison-de-ville d’Audenaerde s’élève à une somme à laquelle ne paraissent devoir contribuer ni la ville, ni la province. A cet égard il y a lieu d’observer que la ville d’Audenaerde a fait construire récemment des casernes pour l’armée, qu’elle a fait pour ces constructions des dépenses considérables et au-delà de ses ressources ; et aujourd’hui elle a à pâtir de sa trop grande déférence envers le gouvernement ; elle a à regretter d’être venue à son aide en cette occurrence.
La province, a-t-il été observé, ne devrait-elle pas préalablement allouer pour cet objet ? Mais nous ne demandons pas qu’un subside soit accordé par l’Etat sans conditions. Que la chambre accorde un subside en y mettant les conditions qu’elle jugera convenables. Je suis persuadé que le conseil provincial comprendra son devoir, qu’il sentira que la province doit contribuer pour quelque chose à la conservation d’un monument qui attire l’admiration des étrangers.
J’ai la confiance que la chambre ne voudra pas prendre, à l’égard de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde, une disposition autre que celle qu’elle a prise au sujet de l’église de St-Jacques à Liége ; car ces deux monuments ont les mêmes droits à vos subsides, si même la maison-de-ville d’Audenaerde n’en a pas davantage.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Jusqu’à présent le conseil provincial n’a pas été appelé à se prononcer sur cette question ; mais je ne doute pas que si le gouvernement accordait un subside quelconque à la ville d’Audenaerde pour réparations de son hôtel-de-ville, la province ne contribuât de son côté à cette dépense.
Je dois faire connaître à la chambre qu’Audenaerde n’est pas la seule localité qui réclame. La ville de Louvain réclame aussi comme ayant fait et devant faire encore des dépenses considérables pour la restauration de son hôtel-de-ville ; elle demande que le gouvernement vienne à son aide.
Qu’il y ait au budget un fonds quelconque pour la réparation des monuments en Belgique, certainement nous pourrons en faire un emploi utile, et ce sera un moyen pour provoquer la générosité des provinces.
Je ne sais jusqu’à quel point les provinces pourraient ne pas se croire obligées à de semblables dépenses, attendu que dans la loi provinciale on trouve formellement qu’elles doivent accorder des secours aux communes pour les grosses réparations des édifices communaux.
Peut-être pourrait-on objecter que ces mots ne s’appliquent pas aux monuments des arts ; cependant il a bien été entendu que les monuments devaient être entretenus au besoin par des subsides des provinces.
Mais je dois convenir que la rédaction laisse à désirer.
On a fait la comparaison de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde avec l’église St-Jacques à Liége ; ce sont des monuments tout à fait différents ; toutefois il est incontestable que l’église de St-Jacques est un des plus beaux du pays.
Constamment, depuis l’époque où l’Etat a supprimé les dîmes, et s’est approprié les biens des églises, il est venu en aide pour l’entretien des églises. Jamais il n’y a manqué depuis cette époque. C’est même une des conditions que l’Etat s’est imposées en s’appropriant les biens des églises.
Je ne m’oppose en aucune manière à l’allocation d’une somme destinée spécialement à l’entretien des monuments communaux ; je trouverai facilement moyen d’en faire emploi.
M. Liedts. - Messieurs, quand je n’appartiendrais pas à la ville d’Audenaerde, je n’en féliciterais pas moins sa régence d’avoir appelé l’attention des chambres et du gouvernement sur la nécessité de réparer un des plus beaux monuments gothiques de notre pays. Je n’entreprendrai pas de faire le parallèle entre l’hôtel-de-ville d’Audenaerde et l’église de St-Jacques à Liége ou tout autre ; mais toujours est-il que cet hôtel, construit dans le style le plus élégant, et je dirai presque le plus coquet, fait l’admiration de tous les amateurs des arts et des antiquités, et que plus d’un touriste a détourné sa route pour le visiter.
M. le ministre vous l’a fort bien dit, il ne s’agit pas de grosses réparations, mais de réparations artistiques : il est certain que la ville d’Audenaerde ne peut les commencer sans l’intervention de la commission des monuments, à laquelle vous allouez des sommes au budget : en effet, ce sont des statuettes qui tombent, des galeries qui menacent ruine, des ornements mutilés par le temps ; ce sont enfin des travaux qui exigent la main des artistes.
Messieurs, le ministre sent fort bien qu’on peut faire exception à l’égard de ce monument sans violer la loi communale ; qui ne voit, en effet, que ce que l’on a fait pour l’église Saint-Jacques à Liége, on peut le faire pour l’hôtel-de-ville d’Audenaerde ! Je m’étonne que M. Verdussen, qui est un ami des arts fasse des objections contre l’article en discussion, ou qu’il n’ait pas fait ses observations quand il s’est agi de l’église Saint-Jacques : nous ne devons pas examiner ici quelle est la destination du monument à réparer ; que ce soit une église ou un hôtel-de-ville, peu importe. Il suffit qu’il soit question d’un monument qui exige des réparations ; vous ne pouvez, messieurs, avoir deux poids et deux balances ; vous ne pouvez accorder un subside pour réparer les églises de Bruxelles et de Liège et en refuser pour un monument non moins précieux ; le principe est le même.
Je demande donc que l’on conserve l’article. Il est impossible que l’on en abuse. Pour obtenir des fonds, il faut deux conditions. Il faut d’abord qu’on les réclame pour un monument ; il faut ensuite que la ville soit dans l’impossibilité de faire les frais de réparation ; enfin le gouvernement peut exiger que la province et la commune contribuent pour une part à la dépense. Par cette double coopération de la province et de la commune le gouvernement n’aura pas de grands frais à faire pour rendre au monument sa beauté et sa perfection primitives.
M. de Man d’Attenrode. - J’ai entendu avec plaisir la proposition du rapporteur de la section centrale d’une allocation nouvelle de 20,000 fr. destinée à la restauration des monuments dans les communes dont les moyens seront jugés insuffisants.
L’hôtel-de-ville d’Audenaerde, qui a été l’occasion de cette proposition, m’a fait songer à celui de Louvain, que tout le monde a eu l’occasion d’admirer, comme un des plus imposants monuments de ce genre. Construit en 1440, il était dans un état déplorable vers la fin du siècle dernier : les pierres s’en détachaient au moindre mouvement produit, soit par le mouvement du roulage, soit même par le vent ; l’administration, à cette époque, moins éclairée sur l’importance de la conservation des monuments dont s’enorgueillit le pays, ne crut avoir rien de mieux à faire que de précipiter à bas de l’édifice toutes les pierres qui menaçaient de se détacher : ce moyen était expéditif et peu coûteux, mais devait consommer sa ruine. La paix ayant ramené plus de richesses et plus de lumières, l’on délibéra sur la question de savoir, si l’on mutilerait complétement l’édifice pour assurer la sûreté publique, ou si l’on entreprendrait une restauration dispendieuse, et qui devait entraîner dans des dépenses indéfinies.
L’administration municipale de Louvain eut assez le sentiment de sa dignité, pour adopter courageusement le parti d’une restauration complète ; l’on commença à mettre la main à l’œuvre en 1828 ; des sommes furent votées annuellement par le conseil communal, et en 1836 139,444 fr. 22 c. avaient été dépensés, les tourelles restaurées, la façade principale remise à neuf. Celle de l’ouest reste à rétablir, et l’on présume que 80,000 fr. seront encore nécessaires.
Vous avez pu juger tous, messieurs, du soin ingénieux avec lequel s’exécute cette restauration. Ce grand travail fait l’admiration de l’étranger, et des ouvrages périodiques importants en ont parlé avec le plus grand éloge. C’est un artiste de cette ville, aussi habile que modeste, qui l’a entrepris, secondé par des ouvriers, des sculpteurs, transformés par lui en artistes du moyen-âge.
La ville de Louvain se trouve obérée dans ce moment par des dépenses considérables exigées, paraît-il, par les intérêts du commerce ; elle ne pourra plus à l’avenir se montrer aussi généreuse, elle se verra obligée de restreindre le chiffre de ses allocations annuelles.
Ne serait-il pas convenable que le pays encourageât des entreprises de ce genre en contribuant à la restauration d’un monument tout national, dont la nation s’enorgueillit à juste titre ? L’hôtel-de-ville de Louvain est, avec quelques autres monuments, de ces constructions connues dans le monde, dont le voyageur emporte la gravure comme un des objets qui l’aident à se représenter la Belgique entière. J’espère, en conséquence, que la chambre adoptera le chiffre de 20,000 fr., et que le gouvernement en fera une part proportionnée à la ville de Louvain ; il me semble convenable de lui en laisser fixer le chiffre.
M. Verdussen. - On s’est trompé si l’on a compris que je m’opposais à ce que l’hôtel-de-ville d’Audenaerde fût réparé aux dépens de l’Etat. Je me suis élevé simplement contre la rédaction de l’article. J’adopterais cet article si on le formulait ainsi : « Subsides pour conservation des monuments de la Belgique. » Mais je ne veux pas qu’on dise : « Réparations pour les bâtiments communaux. » Quand il s’agit de semblables bâtiments, il faut s’adresser à la province. Si la province ne peut fournir de subsides, le gouvernement doit venir au secours. Si la province refuse de donner des subsides aux communes, le gouvernement a le droit de porter au budget de la province la somme nécessaire.
M. Dumortier. - Je vois avec un vif plaisir et avec un grand intérêt que la ville d’Audenaerde songe à réparer son hôtel-de-ville. Toutefois, je ne crois pas que l’affaire soit instruite. Je suis prêt à voter des subsides, mais il faut savoir quelles sont les offres du conseil communal et celles du conseil provincial : nous ne pouvons allouer des sommes sans renseignements. L’an dernier, un crédit semblable a été supprimé au budget sur ma proposition. Savez-vous ce que l’on avait fait précédemment de ce crédit ? On en avait réparé les aubettes du Parc. Est-ce là remplir le but qu’on se proposait en votant ?
Si vous votez le crédit dans les mêmes termes, il est manifeste que les mêmes abus auront lieu, car j’appelle de tels résultats des abus.
La ville d’Audenaerde a-t-elle des moyens suffisants de réparer son monument ? Elle n’est pas fort riche ; sa population n’est pas considérable, et la réparation d’un si bel édifice coûtera beaucoup. Mais la province pourra-t-elle subvenir ? Tout en étant partisan de cette réparation, je désirerais qu’elle pût se faire par l’intervention de la province.
Je ferai remarquer que la ville de Louvain a réparé son hôtel-de-ville, et qu’elle n’a rien demandé au gouvernement.
Mais, dit-on, on accorde des fonds pour les églises : la chose est bien différente. Il y a un décret qui dit positivement que quand la commune est dans l’impossibilité de faire les réparations, il faut que l’Etat intervienne. L’Etat a pris les biens des églises, et a pris en même temps l’engagement de les réparer.
La cathédrale de la ville de Tournay exige de promptes réparations : comment a-t-on procédé pour obtenir les fonds nécessaires ? On s’est adressé au conseil provincial du Hainaut qui a voté des sommes pour la cathédrale de Tournay, comme il en avait voté pour l’église de Sainte-Waudru, à Mons.
Je voudrais qu’il fût fait de même pour Audenaerde ; c’est-à-dire, que les Etats provinciaux de la Flandre orientale votassent des fonds. Si quelque part l’Etat devait intervenir, c’était bien plus pour la cathédrale de Tournay que pour tout autre monument. Il me paraît que l’affaire n’est pas suffisamment instruite, et je désire que l’affaire soit renvoyée à l’an prochain. Une année n’est rien pour un monument qui existe depuis 400 ans. Si vous admettiez en principe que c’est vous qui devez donner des fonds, je pose en fait qu’aucun conseil provincial n’accorderait plus un denier pour ces sortes de réparations.
Toutes les dépenses arriveraient inévitablement à l’Etat ; or, c’est ce qu’on n’a pas voulu. La loi provinciale a coordonné les dépenses, elle a dit quelles dépenses incombaient à la commune, et quelles dépenses incombaient à la province.
Les grosses réparations sont à la charge de la province ; c’est donc la province de la Flandre orientale qui doit pourvoir à cette dépense, et je ne pense pas qu’elle refuse de voter au moins 20,000 fr. Si un conseil provincial se refusait à porter de pareilles dépenses à son budget, j’engagerais le conseil du Hainaut de ne rien voter pour Sainte-Waudru ni pour la cathédrale de Tournay
Il n’y a rien à répondre à cet argument. On a beau dire qu’il s’agit d’un beau monument ; je le sais tout aussi bien que les autres, mais il est question ici d’un principe.
Je persiste à demander l’ajournement de la dépense.
(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1837) M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je n’ai que deux mots à répondre touchant l’emploi de 10,000 fr. pour la restauration des aubettes du Parc. Il y avait au budget une somme pour les villes dont les revenus étaient insuffisants.
S’il y avait une ville dont les revenus fussent insuffisants, à coup sûr c’était la ville de Bruxelles ; s’il y avait des motifs d’équité pour allouer un subside, c’était certes dans ce cas, puisque les dégradations dont il s’agissait avaient été causées par les combats livrés pour l’indépendance du pays ; s’il y avait intérêt public à faire des réparations, c’était encore bien là.
D’ailleurs, je ferai remarquer que le libellé de l’article portait simplement à cette époque : « secours aux communes dont les revenus sont insuffisants ; » eh bien, c’est à titre d’insuffisance des revenus de la commune et à cause de l’urgence des réparations dont il s’agissait, que le subside a été accordé.
En ce qui concerne la demande faite pour l’hôtel-de-ville d’Audenaerde, jusqu’à présent le conseil provincial n’a alloué aucun subside ; mais si la chambre accorde le crédit demandé, il ne sera fait emploi qu’autant que le conseil provincial contribue pour une bonne part dans la dépense, car il serait absurde que l’Etat se chargeât à lui seul de la réparation des monuments communaux.
Je m’opposerai, messieurs, à ce qu’on fasse exclusivement mention de la ville d’Audenaerde, parce que je pense que la ville de Louvain a aussi des titres à faire valoir, comme, par exemple l’énormité des dépenses qu’elle a déjà faites et de celles qui lui restent encore à faire.
Toutefois, messieurs, je suis loin de prendre aucun engagement envers aucune localité ; mais, après un mûr examen des diverses demandes et après avoir vu quelles sont les ressources des communes, je pourrai prononcer en pleine connaissance de cause. Quant à présent, je n’entends prendre aucune espèce d’engagement.
(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1837) M. Scheyven, rapporteur. - Messieurs, j’aurai encore quelque chose à ajouter aux considérations qu’a fait valoir l’honorable M. Liedts, en faveur de la proposition de la section centrale. Quand j’ai demandé la parole, ce n’était que pour répondre à l’honorable M. Verdussen ; si j’ai bien compris cet honorable membre, il désire la suppression des mots : « dont les ressources sont insuffisantes. » Messieurs, je crois pouvoir dire que la section centrale a eu des motifs importants pour introduire ces mots dans le libellé de l’article qu’elle vous a proposé ; elle a reconnu d’abord que les frais d’entretien et de réparation des monuments communaux sont à la charge des communes, et qu’en cas d’insuffisance des ressources des communes, les conseils provinciaux doivent porter à leur budget les sommes nécessaires pour cet objet ; mais elle a cru aussi que dans quelques circonstances l’Etat doit intervenir, et elle a cru que ces circonstances existent dans le cas dont il s’agit.
Les monuments, messieurs, honorent non seulement les localités où ils sont situés, mais en même temps tout le pays ; il est donc juste que l’Etat intervienne pour une certaine somme dans les frais de réparation de ces monuments, quand les communes sont dans l’impossibilité d’y pourvoir en totalité.
L’honorable M. Dumortier dit que, si nous allouons le crédit demandé, les conseils provinciaux ne voteront plus aucune somme pour ces sortes de dépenses ; mais qu’il voie ce que la section centrale a eu en vue, et il se convaincra que M. le ministre de l’intérieur ne pourra jamais disposer du crédit que pour autant que la province intervienne, de son côté, pour une certaine somme ; ce n’est qu’à cette condition expresse que la section centrale propose l’allocation ; de sorte que, si la province ne donne rien, M. le ministre ne pourra pas disposer de la somme qui sera, j’espère, accordée par la chambre.
Quant aux observations de l’honorable M. Verdussen, je pense que, si on ne laisse pas subsister les mots : « dont les ressources sont insuffisantes, » la somme demandée par la section centrale serait insuffisante, et qu’il faudrait alors la porter au moins à 100,000 fr. ; si les provinces n’interviennent pas et si l’on accorde des subsides à toutes les communes qui en demandent, que leurs ressources soient insuffisantes ou non, il faudrait au moins allouer 100,000 fr., et c’est, certes, ce que la section centrale n’a pas voulu.
M. Desmanet de Biesme. - Je viens appuyer l’allocation demandée pour réparations de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde. L’honorable M. Dumortier vient de dire que le gouvernement ne doit pas avoir deux poids et deux mesures ; eh bien, je pense, messieurs, qu’il y a des circonstances où il doit avoir deux poids et deux mesures : la ville d’Audenaerde se trouve dans une position toute spéciale ; quand Audenaerde bâtit son hôtel-de-ville, c’était une des cités les plus florissantes de la Belgique ; tout le monde sait qu’elle était tellement populeuse, qu’on prétend qu’il fallait sonner les cloches au moment où les ouvriers sortaient des ateliers afin que les rues ne fussent pas encombrées ; le commerce et les fabriques de cette ville se sont malheureusement portés à l’étranger, et aujourd’hui ce n’est plus qu’une ville de quatrième ou de cinquième ordre.
Serait-il juste, messieurs, d’imposer Audenaerde, pour son hôtel-de-ville, comme on imposerait, par exemple, Anvers ou Gand ? Il s’agit de la conservation d’un objet d’art, et la ville d’Audenaerde n’en peut certainement rien si elle ne se trouve pas en position de faire seule une dépense aussi grande que celle dont il s’agit. Si une localité mérite le secours du gouvernement, c’est certainement Audenaerde dans cette circonstance. Quant à l’intervention de la province, le gouvernement pourra l’exiger et elle ne sera évidemment pas refusée ; je crois donc, messieurs, que nous devons voter le crédit demandé.
- Sur la demande de dix membres, la chambre prononce la clôture de la discussion.
Le crédit de 20,000 fr. pour subsides aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la réparation des monuments est mis aux voix et adopté ; il formera l’article 3 du chapitre VII.
« Art. 3 (qui devient l’art. 4.) Primes et encouragements aux arts et à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, sur les fonds provenant des droits des brevets et frais de délivrance de brevets : fr. 16,000. »
- Adopté.
« Art. 4 (qui devient l’art. 5.) Service de santé : fr. 45,000. »
- Adopté.
« Art. 1er, Frais d’administration. Personnel : fr. 21,550. »
Adopté.
« Art. 2. Matériel : fr. 2,600. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais d’impression des inventaires des archives : fr. 4,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, depuis quelques années la chambre a manifesté le désir de voir transporter les archives à la porte de Hal ; je demanderai à M. le ministre s’il a pris des mesures pour qu’il puisse être satisfait à ce désir. Il n’y a pas dans toute la Belgique un local aussi convenable pour déposer des archives que la porte de Hal.
- L’article est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier. - J’avais demandé une explication à M. le ministre de l’intérieur sur l’article qui était en discussion ; il me semble qu’avant de mettre l’article aux voix, il aurait dû être répondu à la demande que j’avais faite. J’insiste pour obtenir l’explication que j’avais demandée.
M. le président. - Comme M. Dumortier n’avait déposé aucune proposition sur le bureau, je n’avais rien à mettre aux voix que le chiffre. J’ai demandé si personne ne réclamait la parole, et personne ne la réclamant, j’ai mis le chiffre aux voix.
M. Dumortier. - Il me semble que nous pourrions bien voter les budgets sans marcher si vite.
M. le président. - On se plaint, au contraire, de ce que nous marchons trop lentement.
De toutes parts. - Sans doute.
M. Dumortier. - J’insiste pour que M. le ministre de l’intérieur veuille répondre à l’interpellation que je lui ai faite.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable M. Dumortier trouve, messieurs, que nous allons trop vite dans la discussion des budgets ; je trouve, moi, que nous allons trop lentement, non pas pour ce qui me concerne personnellement, car il m’est bien indifférent que la discussion de mon budget prenne quelques jours de plus ou de moins, mais dans l’intérêt de la marche de nos travaux, parce qu’il est important que nous abordions la discussion du budget des voies et moyens. C’est cette seule considération, messieurs, qui m’a empêché de répondre immédiatement à l’honorable M. Dumortier en ce qui concerne la porte de Hal, parce que j’ai prévu que cela pourrait de nouveau donner sujet à une discussion d’une heure, ce qui, en ce moment, n’aurait abouti à rien. Il arrive très fréquemment qu’on adresse des interpellations aux ministres et que ceux-ci ne s’empressent pas de répondre.
M. Dumortier. - Je réitère l’interpellation que j’ai faite à M. le ministre ; il ne s’agit pas de savoir comment nos discussions marchent ; j’ai fait une question relative au vote que la chambre avait à émettre, je demande que M. le ministre y réponde, qu’il me dise si les archives seront, oui ou non, transportées à la porte de Hal.
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, j’ai bien vu dans notre régiment que les ministres doivent être entendus quand ils le demandent, mais je n’y vois aucun article qui les oblige de parler quand ils ne le veulent pas, et il me semble que tout ce qu’on peut faire quand on est mécontent de leur silence, c’est de voter contre leur proposition.
M. le président. - Les ministres doivent donner des explications quand la chambre en demande ; tout membre peut faire une proposition à cet égard, mais c’est à la chambre à décider si ces explications doivent être données.
M. Rogier. - Messieurs, le premier volume de l’inventaire des archives vient d’être publié : c’est un travail qui fait honneur à l’administration. Je rappellerai que le même travail a été promis, en ce qui concerne la bibliothèque des ducs de Bourgogne. Je demanderai si nous pouvons espérer de voir ce travail livré incessamment à l’impression.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Ce travail doit paraître au mois de mars prochain. Déjà des épreuves en ont été tirées.
« Art. 4. Archives de l’Etat dans les provinces et frais de recouvrement de documents provenant des archives tombées dans des mains privées ; frais de copie des documents concernant l’histoire nationale existant à l’étranger : fr. 15,300. »
- Adopté.
« Art. 5. Location et frais d’entretien de la maison servant de succursale au dépôt général des archives de l’Etat : fr. 5,162 fr. 96. »
M. Dumortier. - Voici, messieurs, une somme que vous n’auriez pas à payer, si le vœu réitéré de la chambre de voir transporter les archives à la porte de Hal avait été rempli par le gouvernement. Vous dépensez chaque année une somme de plus de 3,000 francs pour frais de loyer, alors que vous avez à votre disposition un excellent local qui est vide depuis sept ans.
Ce sont là de ces dépenses inutiles, ridicules même, qui obèrent le trésor sans aucun profit.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne dirai que deux mots, pour ne pas donner lieu à une plus longue discussion.
Le local de la porte de Hal est évidemment insuffisant ; il y aurait de grandes dépenses à faire pour établir une succursale. Il est inexact de dire que la législature ait déjà pris une décision à l’égard de ce local ; car je déclare que je n’ai pas les fonds suffisants pour faire face aux dépenses indispensables pour le transfert des archives ; je pense, au reste, que dans le courant de l’année prochaine je serai à même de présenter un rapport aux chambres sur la question des archives.
M. Desmet. - Messieurs, je n’ai pas demandé la parole pour discuter sur la question du local de la porte de Hal. Je rappellerai seulement que dans un rapport fait par l’honorable M. Dubus, ce local était suffisant pour le placement des archives ; je m’étonne, après cela, qu’on n’ait pas songé jusqu’à présent à établir les archives dans ce bâtiment qui est très bon et fort sec.
- L’article 5 est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Article unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et d’humanité : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Article unique. Frais de publication des travaux de la direction de la statistique générale : fr. 540. »
- Adopté.
« Article unique. Mesures de sûreté publique : fr. 80,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, je propose de réduire ce chiffre à 50,000 fr. Nous savons tous, messieurs, que ce qu’on appelle chez nous police, ne sert pas à grand’chose, si ce n’est à imaginer parfois des conspirations, ou à inventer des machines infernales que l’on croit découvrir dans des filtres que l’on importe en Belgique.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant, à ce qu’il paraît, ne s’est pas mis en mesure de vérifier l’exactitude de ses assertions. Je puis déclarer formellement à la chambre que l’administration de la sûreté publique n’a été pour rien dans la prétendue invention d’une machine infernale que l’on aurait cru voir dans un filtre.
L’administration de la sûreté publique ne passe pas son temps à inventer des conspirations ou des machinations. J’ai eu assez de rapports avec cette administration depuis que je suis au département de l’intérieur, l’administrateur n’est pas homme à imaginer des conspirations ou des machinations.
Je crois, messieurs, que le moment est très mal choisi, pour proposer une réduction sur le chiffre de la sûreté publique. Il y a une grande utilité à le conserver encore dans son entier.
Il est probable que lorsque nous serons à l’état de paix, nous pourrons réduire les fonds de la police ; mais quant à présent, je m’oppose formellement à toute réduction.
M. Liedts. - Messieurs, si je crois qu’il y a lieu, jusqu’à la paix, de conserver au budget de l’intérieur un fonds quelconque pour les frais de police, je pense cependant que je serai forcé de voter contre toute allocation si l’on n’adopte pas une meilleure direction de la police. Il n’est peut-être personne d’entre nous qui n’ait un abus à signaler au ministre. Pour ma part, je puis lui en indiquer un qui lui donnera la mesure de la manière d’agir de ses agents.
Un des principaux négociants de Bordeaux arrive à Lille, porteur d’un passeport pour l’intérieur de la France. Il était curieux de connaître notre chemin de fer dont il avait entendu parler ; il se hasarde donc, avec son passeport français, de se rendre à Bruxelles où il avait des relations avec une des principales maisons de commerce. Arrivé à Bruxelles, il est mandé près du chef de la police qui avait été instruit de son arrivée, et qui lui demande des explications sur son voyage ; le négociant s’empresse de les donner en ajoutant que, pour convaincre la police de la véracité de ses assertions, il demandait qu’on l’accompagnât près d’une maison de commerce dont le chef était en relation avec lui. Malgré ses allégations, le chef de la police le fit conduire à l’Amigo, où il resta jusqu’à ce que le chef de la maison de commerce qu’il avait indiquée, vînt le réclamer.
Voilà, messieurs, de ces actes qui rendent un pays odieux ; car il est positif que des faits de cette nature ne peuvent se rencontrer que dans des pays où il n’existe pas la moindre idée d’ordre. Il me semble que M. le ministre doit veiller à ce que ses agents ne renouvellent plus de semblables actes, qui ne peuvent avoir d’autre effet que de rendre la Belgique odieuse aux étrangers.
M. Dumortier. - Le fait que vient de citer M. Liedts est sans doute très grave ; eh bien, il m’est arrivé cent fois, deux cents fois, d’apprendre des faits absolument semblables. J’ai eu maintes fois occasion de voir des négociants hollandais ou français qu’on expulsait du pays où ils venaient paisiblement faire leurs affaires, et cela uniquement à cause qu’il plaisait à M. le directeur de la police de les expulser. J’ai vu sans autre raison expulser des hommes établis dans le pays et y exerçant un commerce paisible. Ce sont là des actes scandaleux qui, comme l’a dit l’honorable M. Liedts, ne peuvent que rendre la Belgique odieuse.
Si nous avons donné au gouvernement le droit d’expulser les étrangers, il faut que cette faculté se restreigne aux étrangers qui compromettent par leur conduite la tranquillité publique ; et ceux qui ne la compromettent pas doivent trouver chez nous asile et protection. Or, c’est ce qui n’a pas lieu.
On expulse tous les jours des étrangers de la Belgique, sans aucune espèce de forme ni procès ; on les expulse, les uns sous prétexte qu’ils n’ont pas de passeport ou que leur passeport n’est pas en règle, et les autres sous aucun prétexte ; car, tel est le bon plaisir de celui qui les expulse.
Messieurs, c’est là une chose réellement déplorable. J’ai voté la loi sur les étrangers, mais si j’avais pu prévoir l’usage qu’on en ferait, je me serais opposé à la loi de toutes mes forces. Comme la loi n’est que transitoire, et qu’elle doit cesser dans le courant de cette session, les faits qui ont été signalés à l’attention de la chambre la convaincront de la nécessité de ne plus renouveler une loi qui n’a été votée qu’à raison des circonstances graves où se trouvait le pays.
En résumé, je pense que puisque la Belgique jouit actuellement d’une tranquillité parfaite, nous pouvons réduire les frais de police, et qu’en allouant au gouvernement 50,000 fr., il aura plus qu’il ne lui est nécessaire d’avoir. Je crois me souvenir que dans les premiers temps de la révolution ces fonds n’étaient que de 30 ou 40,000 fr. ; on en demande aujourd’hui 80,000. Moi, je propose de réduire cette somme à 50,000 fr., et nous donnerons encore trop à la police.
La police, dit le ministre, n’invente pas de conspirations : ce que je sais, c’est qu’elle a inventé une machine infernale qu’elle a cru voir dans un filtre. Je maintiens que ce que j’ai dit est vrai ; et c’est tellement vrai que j’ai moi-même réclamé en faveur de l’homme victime de l’aventure ; je me suis chargé de ses intérêts, parce que cet homme m’inspirait de la compassion, et qu’il me paraissait être l’objet d’une scandaleuse injustice. Aussi l’on ne pourra pas venir prétendre que je ne connais pas cette affaire, puisque j’ai réclamé moi-même en faveur de l’individu. C’est le même homme qui s’est présente plus tard au lord maire de Londres, lequel, à cette occasion, crut devoir blâmer la conduite du gouvernement belge.
En Angleterre, messieurs, on a jugé que le filtre qu’on avait pris ici pour une machine infernale pouvait être très utile.
Et remarquez que ce filtre aurait été très utile à la ville d’Anvers, où l’absence d’eau pure se fait souvent sentir. Eh bien, on a arrêté cet homme, on l’a mis en prison et on l’a ruiné ; on lui a fait manger six ou huit cents francs qu’il avait pour faire marcher sa machine ; il a été traduit devant les tribunaux qui l’ont acquitté ; malgré cela on l’a expulsé sans lui donner de quoi vivre, sans lui rembourser ce qu’on lui avait fait manger. Ce malheureux qui était venu pour enrichir la Belgique de son industrie, s’est trouvé expulsé plus pauvre qu’il n’était à son arrivée.
M. Gendebien. - Ce que vient de dire M. Dumortier au sujet du filtre qu’on a traduit en machine infernale, est exact ; je connais cette affaire comme M. Dumortier. Le propriétaire de ce filtre s’est adressé à nous deux ; j’atteste que c’est la vérité.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je le nie.
M. Gendebien. - Vous niez, cela est fort commode, mais ne suffit pas ; les faits sont trop bien circonstanciés, ils doivent être détruits ; une dénégation ne suffit pas. On dira que ce n’est pas la police qui a inventé cette machine infernale, que c’est la police judiciaire qui a poursuivi ; mais c’est sous ce prétexte qu’on a retenu l’inventeur prisonnier, qu’on lui a fait faire des dépenses qui l’ont ruiné ; oui, ruiné, car il n’avait que l’argent nécessaire pour utiliser son invention ; il a été obligé de recourir à des hommes charitables pour avoir les moyens de faire son voyage à Londres ; ou ne lui a pas laissé le temps de faire venir de l’argent de France. Voilà la vérité des faits, voilà l’utilité de la police : vexer, molester des artistes ou des artisans qui arrivent en Belgique pour travailler ; ils arrivent attirés par la bonne renommée d’hospitalité de notre pays et des récompenses qu’on y promet au travail, à cause du manque de bras dont on se plaint, et à peine ont-ils touché notre sol qu’on les expulse sous mille prétextes, et après les avoir ruinés pour leur ôter l’envie d’y revenir.
Un autre fait : Un jeune seigneur hongrois arrive à Bruxelles avec un de ses compagnons d’étude, pour achever son instruction, et vivait paisiblement, et même dans l’isolement, lorsque l’ambassadeur autrichien le réclame, et aussitôt d’obéir et de l’expulser, il demanda quinze jouis pour avoir le temps de recevoir l’argent qu’il attendait ; c’est avec la plus grande difficulté et à l’intervention du bourgmestre et de moi, qu’on lui accorda quinze jours, mais on n’accorda à son compagnon que quatre jours. C’était un coup de mort pour lui, car il ne pouvait partir qu’à l’aide des fonds qu’attendait son ancien camarade d’étude. Ce jeune homme, désespéré d’être renvoyé de brigade en brigade dans son pays, et sans argent, s’empoisonna.
Dans notre pays, aujourd’hui inhospitalier, autrefois si bienveillant pour les étrangers, on s’empoisonne pour se soustraire aux tracasseries d’une infâme police. Heureusement, on découvrit à ses souffrances qu’il s’était empoisonné ; il l’avoua, et on lui administra à temps le contrepoison.
Le seigneur hongrois quitta alors la Belgique inhospitalière avant le temps fixé ; il trouva des personnes généreuses qui lui procurèrent la somme qui lui était nécessaire, et huit ou dix jours après, les fonds qu’il attendait arrivèrent à Bruxelles.
Voilà les services que rend la police ; voilà comment elle traite des étrangers inoffensifs.
Pourrait-on dire à quelle époque la police a rendu des services, a arrêté des malfaiteurs ou prévenu un crime ? Oui, quelquefois, lorsqu’elle a reçu des rapports de la police particulière de Vidocq ; non seulement on se saisit d’un homme, mais on n’attend pas même que les formalités prescrites par la loi d’expulsion soient remplies. En revanche, tous les escrocs sont libres dès qu’ils veulent servir la police. Mais il suffit d’être réfugié politique pour être l’objet de mille tracasseries : la moindre petite irrégularité dans le passeport sert de prétexte.
C’est ainsi que dernièrement, il y a cinq à six mois, un réfugié politique est arrivé d’Angleterre avec un passeport en règle et revêtu, je pense, de l’autorisation de notre ambassadeur, A Ostende, il remet son passeport en déclarant qu’il se rend à Bruxelles où est son frère marié, pour vivre plus économiquement et en famille. Au lieu de lui donner sa destination pour Bruxelles, on la met pour Bruges ; il n’y fait pas attention, il met son passeport en poche et arrive à Bruxelles.
Ce n’est que quelque temps après qu’il s’aperçut de la mention faite sur son passeport ; il effaça Bruges et mit en place Bruxelles ; on l’expulsa, quoique son passeport fût très en règle, parce qu’il avait substitué Bruxelles à Bruges.
D’après la loi d’expulsion, le ministre a droit d’assigner une résidence à un étranger et peut-être à un réfugié politique, mais il n’appartient pas à M. François, ni à un agent à Ostende, de prescrire à un étranger le lieu qu’il devra habiter ; par conséquent le réfugié était dans son droit en biffant une chose que personne n’avait le droit de mettre sur son passeport. Il n’en fut pas moins expulsé ; il retourna en Angleterre et revint porteur d’un passeport en règle. Je ne sais sous quel prétexte on veut l’expulser encore ; on ne daigne pas même donner des motifs.
Il a obtenu un sursis de 15 jours. Quand le crédit pour la police sera alloué, on l’expulsera très probablement. C’est un homme qui ne demande rien à personne, qui s’occupe de littérature ; il m’a montré des déclarations et des certificats de citoyens très honorables, et les quittances de ses dépenses de logement quinzaine par quinzaine, toujours payées d’avance, ses quittances de boulanger et de boucher ; et, messieurs, si tous nos hommes à gros traitement voyaient ce budget de deux honorables réfugiés, je crois que pour peu qu’il leur reste de pudeur ou de sensibilité, au lieu de les expulser, ils demanderaient un subside pour venir su secours de ces malheureuses et honorables victimes. Et pour ceux qui se rappellent qu’ils ont été exposés à de pareils malheurs ils ne trouvent pas d’expressions assez fortes pour flétrir l’infâme conduite qu’on tient vis-à-vis d’hommes qui n’ont d’autre tort que de les avoir imités. Le gouvernement devrait se rappeler que si nous n’avions pas fait ce qu’ont tenté ces malheureux proscrits, ce gouvernement n’existerait pas en Belgique. Et c’est de cette police tracassière, infâme, qu’on vient vous dire avec un imperturbable sang-froid qu’il y a nécessité de la conserver, que tout est pour le mieux, et qu’il n’y a jamais la moindre irrégularité dans ses actes.
Je ne souhaite pour toute peine au ministre chargé de l’administration de la police, que d’être un jour réfugié à son tour. Mais cela ne lui arrivera pas, il ne s’y exposera jamais ; il saura toujours attendre la fin de la crise, pour l’exploiter ensuite.
Messieurs, une Belge qui, avant la révolution, avait épousé un officier suisse, vient en Belgique pour voir sa famille ; eh bien on l’expulse. Que doit dire cette Belge, quand elle retournera en Hollande si elle juge de l’état des choses d’après les rigueurs qu’elle a éprouvées. Elle devra penser et elle ne manquera pas de dire que son pays est sur un volcan, que le gouvernement est tellement inquiet, qu’il arrête tout le monde, qu’il ne souffre pas même le séjour d’une femme belge en Belgique.
Si vous n’étiez pas si maladroits, au lieu de les expulser, vous convieriez tous les Hollandais à venir dépenser leur argent chez nous, et ils emporteraient de nous une opinion tout autre que celle qu’ils avaient conçue d’abord et dans laquelle on cherche à les maintenir. Ce serait peut-être le meilleur moyen de forcer le roi Guillaume à devenir moins déraisonnable. Quand un grand nombre de Hollandais, en parcourant notre pays, se seront convaincus qu’en définitive cette Belgique qu’on menace et qu’on espère d’écraser est dans un état de prospérité et de sécurité complète et en mesure de se défendre ; quand on reconnaîtra l’inutilité de continuer des dépenses d’armements ruineux, on forcera Guillaume à désarmer, à en finir.
Ce moyen vaudrait bien tous les espionnages ; car, au lieu de vous faire dépenser de l’argent en pure perte en entretenant une méchante police, il en rapporterait au pays et au trésor, car les Hollandais en ont encore, bien qu’on leur en demande au-delà de toute mesure. Si on les laissait circuler librement, si on leur donnait protection, si on leur faisait comprendre que nous les considérons comme s’il n’y avait jamais eu d’hostilité entre la Belgique et la Hollande, il n’y a pas de raison pour qu’on ne voie pas, l’été prochain, 50 mille Hollandais parcourir la Belgique, qu’ils ont une envie démesurée de visiter depuis que nous avons des chemins de fer, depuis que des établissements d’industrie se sont élevés de toutes parts.
Mais il est bien plus utile pour le pays, il est bien plus glorieux pour le gouvernement et la police d’expulser une malheureuse femme, Belge de naissance, parce qu’elle a épousé un officier au service de la Hollande !
Laissons de pareils procédés à M. Van Maanen, mais ne l’imitons pas, car c’est lui et ses rigueurs qui ont été la cause principale de la chute du roi Guillaume. Pour moi je considère le crédit demandé pour la police haute, moyenne ou basse, comme inutile. Veuillez-vous rappeler que sous le congrès, au moment de l’agitation de tous les esprits, des intrigues de tous nos voisins, quand les diplomates abusant de leur caractère soudoyaient des conspirateurs et des émeutes, le congrès décréta que la police cesserait d’exister au 1er avril 1831.
Et on n’alloua qu’un crédit tellement minime que le traitement du chef de police et ses bureaux en absorbaient une grande partie ; qu’il n’y avait pas, j’en suis persuadé, 6,000 fr. à dépenser pour la police ; et en définitive c’était des aumônes qu’on donnait, plutôt que des agents de corruption qu’on salariait. Quand on arrêtait un perturbateur, et qu’interrogé sur le motif pour lequel il troublait l’ordre, il répondait que c’était parce qu’il n’avait pas de pain, on lui donnait du pain. Quand des hommes qui avaient rendu des services à la révolution étaient dans la détresse, on ne pouvait être récompensés par des emplois publics, on leur donnait quelques secours. Voilà à peu près quelle était la principale dépense de la police.
On a dépensé, en certaine circonstance, par exemple lors de la conspiration de Grégoire à Gand, 1,000 ou 1,800 fl., pour connaître les ramifications de cette conspiration et pour s’assurer de quel hôtel de Bruxelles était partie la conspiration. Je ne sache pas qu’il ait été dépensé plus de 1,800 fl. pour cet objet ; et aujourd’hui, 7 ans après l’époque des conspirations, après sept ans de consolidation et de calme, alors que le peuple belge ne s’occupe que d’industrie et de commerce, on demande 80,000 fr. pour la police. Mais demander une pareille somme, c’est la critique la plus amère que vous puissiez faire de la conduite du gouvernement ; c’est l’injure la plus forte que vous puissiez adresser au gouvernement que de lui allouer 80,000 fr., que de supposer qu’il a encore loin d’une police préventive...
Le vice essentiel de la police est dans le chef de la police. Vous avez entendu un membre du congrès, ancien ministre de la juste, vous dire, en pleine séance, en sa qualité de ministre de la justice, que « si on voulait écouter M. François, on se croirait toujours sur un volcan ; qu’il voyait partout des conspirations, parce que M. François avait toujours peur, parce qu’il est essentiellement poltron. » (Hilarité générale.)
M. Duvivier. - Il l’a bien dit.
M. Lebeau. - C’est vrai.
M. Gendebien. - Ainsi s’exprimait un ancien ministre de la justice. Qu’on recoure au compte-rendu des séances du congrès, et on sera convaincu que telles ont été ses paroles. Veuillez remarquer que cet honorable membre était un homme grave et réfléchi
Et aujourd’hui le ministre se scandalise lorsque M. Dumortier vient dire que la police invente des conspirations. Sans doute elle invente, sans malice peut-être, car je n’en crois pas M. François capable ; elle en invente par peur ou autrement. Mais puisque son chef a toujours eu si peur, il n’est pas étonnant qu’elle en voie partout.
Si je voulais aller plus loin, je vous dirais que cet homme est si méticuleux, si tracassier, si poltron, pour me servir de l’expression d’un ancien ministre de la justice, qu’il est constamment en désaccord et en discussions très graves et très pénibles pour les magistrats chargés de la police judiciaire. Si ces magistrats avaient la faiblesse d’écouter M. François, ils croiraient qu’il y a des conspirations tous les jours ; les prisons ne seraient pas assez grandes pour contenir tous les conspirateurs.
On pourra proposer autant d’amendements qu’on voudra, quant à moi, comme je considère que la police est inutile en Belgique pour le moment, puisque je la considère comme dangereuse aussi longtemps que l’homme qui la dirige y sera, je voterai contre cette allocation.
On a des fonds au ministère de la guerre pour l’espionnage à la frontière. C’est tout ce qu’il faut pour la sûreté du pays.
Soyez tranquilles. Si des conspirations venaient à éclater, le peuple belge a assez d’intérêt à les étouffer, pour ne pas manquer de le faire ainsi qu’il l’a fait en 1831. Ce n’est pas la police qui les étoufferait ; ce serait le bon sens du peuple. J’ai toujours eu confiance dans le bon sens du peuple belge ; j’y ai encore aujourd’hui autant de confiance que j’en ai peu dans la police et surtout dans le chef de la police.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il n’y a pas de matière sur laquelle il soit plus facile de dire des histoires que la police.
Je puis dire qu’il m’est souvent arrivé, en vérifiant des plaintes qui m’étaient portées, de trouver que les faits allégués étaient opposés à des faits constatés par des pièces écrites et probantes.
Voyez avec quelle légèreté on parle contre la police. C’est M. François, dit-on, qui a découvert une prétendue conspiration, qui a pris un filtre pour une machine infernale ! Eh bien, M. François est complétement étranger à cette affaire.
Cette affaire a été uniquement poursuivie par l’autorité judiciaire, avec laquelle M. François serait toujours en désaccord parce qu’il verrait partout des conspirations, s’il faut en croire un honorable préopinant. Si je déclare que les poursuites ont été faites par l’autorité judiciaire, ce n’est pas que je veuille déverser à cette occasion sur elle ni blâme, ni ridicule, ni admettre en aucune manière ce qui a été dit sur cet objet ; car je suis persuadé que l’autorité judiciaire n’a ordonné des perquisitions que parce qu’il y avait des motifs suffisants de prévention.
A entendre un honorable préopinant, l’étranger auquel on a fait allusion devait enrichir la Belgique ; ce serait un homme honorable ; on en ferait presque un héros. Mais, messieurs, si je mettais sous vos yeux sa biographie, je crois que ceux qui prennent ses intérêts à cœur seraient étonnés de s’être intéressés à lui. C’est à ce point que je n’ai pas hésité à proposer au Roi de signer l’arrêté d’expulsion de cet homme.
Maintenant dans cette discussion on a confondu complétement la loi d’expulsion et la loi sur les passeports. A entendre l’honorable M. Dumortier, on expulserait les étrangers honorables, on ferait un usage abominable de la loi d’expulsion. Messieurs, je ne craindrais pas de soumettre à l’inspection de la chambre tous les arrêtés d’expulsion pris en vertu de la loi de 1835. Je défie d’élever le reproche le moins du monde fondé contre aucun des arrêtés d’expulsion.
Quant à la loi des passeports, je conviens que l’application de cette loi peut donner lieu à des désagréments ; qu’il peut arriver qu’en quelques circonstances on prenne des mesures que l’on regrette ensuite, eu égard à la qualité des personnes qui en ont été l’objet ; mais il n’est pas toujours facile de deviner la qualité des personnes dépourvues de passeports.
On sait que rien n’est plus difficile que la matière des passeports ; car si vous n’exigez des passeports que des personnes suspectes, vous ne pourrez atteindre les personnes dangereuses. Il faut qu’un étranger se munisse d’un passeport, sans quoi il s’expose de se le voir réclamer, et de devoir justifier des motifs de son voyage à l’administrateur de la sûreté publique.
Je ne prétends pas que dans cette matière il n’y ait jamais eu d’erreur ; mais, dans quelque pays que ce soit et quelle qu’ait été la police, il y a toujours eu des plaintes. Il n’y a pas de charge plus pénible et plus désagréable que celle d’administrateur de la police. Jamais il n’a existé une administration de police qui n’ait été en butte à de nombreuses accusations ; les personnes qui veulent bien se charger de ce service sont rares, et surtout lorsqu’on désire dans ces personnes des qualités éminentes. Ce n’est pas avec un traitement de 8,000 fr. que vous aurez un homme transcendant pour le mettre à la tête de la police.
Je n’entrerai pas dans les questions de personnes qu’on a soulevées, parce que, pour y répondre, il faudrait que j’eusse sous la main les dossiers qui les concernent ; cependant, à la simple audition de quelques noms, je puis assurer que les honorables membres qui les ont cités sont dans l’erreur sur les faits. Il est quelques-unes des affaires dont on a parlé, dont je n’ai pas eu à m’occuper, je le déclare, parce que ce sont de simples affaires de passeports qui naturellement ne me reviennent point.
On dit que voter des fonds pour la police, c’est faire injure au gouvernement, dans un pays prospère où règne la tranquillité ; si c’est là une injure, le gouvernement peut en prendre son parti comme font tous les gouvernements voisins.
Je sais qu’il y aurait une manière fort commode de se tirer d’affaire pour l’administrateur de la sûreté publique. Ce serait de ne s’occuper jamais de personne et de se borner à toucher son traitement. Alois il ne serait jamais critiqué ; alors aussi la Belgique étant signalée comme un pays hospitalier qui reçoit tout le monde, les malfaiteurs et les brigands y afflueraient de tous côtés. Ce serait au détriment de votre propre sécurité et de celle d’honorables étrangers paisibles et honnêtes qui habitent le pays, que la tolérance serait poussée à ce point.
On dit que jamais la police n’a aidé à découvrir des malfaiteurs. C’est là une assertion très hasardée, alors qu’il est à ma connaissance qu’en plusieurs circonstances l’administration de la police a découvert et arrêté des malfaiteurs.
Quant aux Hollandais, l’honorable M. Gendebien demande qu’ils soient tous admis sans distinction dans le pays. Mais, messieurs, les Hollandais sont admis à voyager en Belgique avec beaucoup de facilité. On a poussé la facilité au point d’admettre des fonctionnaires publics et même des militaires, mais naturellement moyennant une permission et moyennant qu’ils fissent connaître les motifs pour lesquels ils voyageaient.
Quant à ceux qui voyagent pour des motifs de commerce, jamais ils n’ont éprouvé aucunes entraves, lorsqu’ils se sont soumis à la formalité préalable de la demande d’autorisation.
Mais il n’y a pas la moindre comparaison à faire entre la facilité avec laquelle les Hollandais sont admis à voyager en Belgique, et toutes les difficultés qu’éprouvent pour aller en Hollande les Belges ou les étrangers qui habitent la Belgique. Je dirai même que dans quelques circonstances nous avons été obligés de prendre les mesures de représailles pour forcer les Hollandais à user de plus de tolérance. Je pourrais citer une occasion importante où ces mesures nous ont été très utiles.
Au surplus, je ne prétends pas soutenir que jamais il n’y ait eu ni erreurs, ni abus dans l’administration de la sûreté publique ; un tel soutènement serait sans doute exagéré ; mais je déclare que la plupart des accusations dont cette administration a été l’objet sont dénuées de fondement, et dorénavant, si les fonctionnaires chargés de la police doivent être exposés à des désagréments de telle nature, vous ne trouverez plus personne qui veuille accepter ces fonctions. Rien n’est plus fait pour décourager ces fonctionnaires que les accusations odieuses dont ils sont l’objet, du moment qu’ils ont le courage de se mettre en évidence.
Si ceux-là sont toujours en butte à toutes les critiques passionnées, à toutes les exagérations qu’on se plaît à répandre ; et si ceux qui ne font rien, qui s’effacent, sont des hommes distingués, des hommes de mérite, alors je plaindrai le pouvoir exécutif dans ses divers agents.
M. de Brouckere. - Chaque année nous nous sommes plaints des vexations et des tracasseries de l’administration de la police, et nos plaintes ont eu si peu de résultat que nous pourrions aujourd’hui les répéter et redire tous ce que nous avons dit les années précédentes. L’administration de la police marche toujours de même, sans règles, et n’écoutant que ses caprices.
Je pourrais ajouter quelques petites anecdotes à celles qui ont été racontées par les préopinants ; mais je n’y gagnerais rien, puisque le ministre dirait que lorsqu’on cherche à vérifier les faits allégués, on les trouve toujours différents.
L’administration de la police n’a pas de règles de conduite ; quelquefois elle laisse facilement entrer les étrangers, d’autres fois elle est très difficile, et sans motifs. Je n’ai pas attendu jusqu’à ce jour pour le dire au ministre ; je le lui ai dit en particulier. Trois Hollandais demandaient à passer quelques jours en Belgique, deux n’ont pu entrer sans qu’on en sache la cause.
On a dit que la police s’attaquait même aux femmes, et ceci est très vrai. Pendant les fêtes de septembre on a forcé des femmes étrangères à quitter Bruxelles. De hauts fonctionnaires venaient s’offrir pour répondre de leur conduite, et de celle d’autres étrangers ; mais sans pitié on a repoussé ces étrangers.
Le ministre de l’intérieur avoue que quelquefois on a pu être sévère, parce qu’on l’était en Hollande ; eh bien, voulez-vous agir par représailles, dites-le franchement, et ne tracassez pas : quand on agit en ne suivant de règles que le caprice, on est toujours blâmable. Mais si je devais être consulté, je dirais : Laissez entrer les Hollandais ; nous devons être fiers de notre pays, et nous devons être désireux qu’on le visite : on l’a assez calomnié ; faisons voir que la méchanceté seule a inventé les calomnies. Laissons entrer tous les étrangers, et ne repoussons pas ceux qui troublent l’ordre et la paix publique.
Selon le ministre de l’intérieur, la direction de la police est chose difficile, et dans cette place on ne s’attire pas l’affection des populations. Cela n’est pas exact ; car nous pourrions citer un magistrat qui a été chef de la police dans une très grande cité et qui s’y est acquis l’estime générale ; maintenant il occupe avec distinction une position importante dans la magistrature. Mais pourquoi a-t-il commandé l’estime et le respect en dirigeant la police ? C’est qu’il agissait en suivant les règles de la justice et de la modération.
Je regarde l’administration de la police comme très importante, et je voudrais que le ministre de l’intérieur s’en occupât davantage.
Il faudrait que la place d’administrateur de la police fût supprimée, et qu’il y eût un simple chef de division au ministère de l’intérieur ; alors toutes les questions seraient soumises à la décision du ministre, et j’aime mieux m’en rapporter aux vues plus élevées d’un membre du cabinet qu’aux vues étroites d’un agent subalterne.
Nous pouvons donc faire réduction sur le chiffre de 80,000 fr., et ne le porter qu’à 50,000 fr. comme le propose M. Gendebien ; et nous aurons mis le ministre à même de remplir tous ses devoirs.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je déclare que si le ministre de l’intérieur devait diriger personnellement la police et ne devait avoir qu’un chef de division, l’on trouverait difficilement quelqu’un pour se charger du portefeuille, et que le ministère serait longtemps vacant. Il faut un administrateur qui ait la signature ; tout ce que le ministre de l’intérieur peut faire, c’est de tracer des règles générales et d’examiner la direction donnée à la police. Pour ma part, je ne voudrais plus être à la tête de ce département si l’on voulait mettre la police dans mes attributions immédiates. (On rit).
M. F. de Mérode. - Lorsqu’on vérifie les faits à la charge de la police, on vous a dit qu’on les trouvait peu exacts. Cela m’est arrivé à moi-même. Comme d’autres je me suis pris d’un vif intérêt pour des hommes que je croyais estimables ; mais après avoir pris des renseignements à la police, j’ai su qu’ils n’étaient que des escrocs bien caractérisés.
Il est possible que quelquefois la police mette trop de raideur envers les étrangers ou envers des régnicoles, quand elle est chargée d’exécuter certaines mesures ; quoi qu’il en soit, j’ai été fort étonné d’entendre le préopinant se récrier si fort contre les expulsions.
Je me souviens que parce qu’il a éprouvé quelques contrariétés relativement aux bonnets de coton, en conséquence de renseignements fournis par un négociant de cette capitale, il a engagé le ministre à expulser le négociant qui, depuis vingt ans, est en Belgique, et qui avait l’audace de n’être pas du même avis que cet honorable membre sur les bonnets de coton. (Hilarité générale et prolongée ; tous les regards se portent sur M. Dumortier. Lorsque le silence est rétabli, l’honorable M. de Mérode continue ainsi :)
Je pense aussi que l’on devrait admettre facilement les Hollandais en Belgique, et ne pas les obliger à des formalités semblables à celles auxquelles on soumet les Belges qui veulent aller en Hollande. Que les Hollandais qui ne viennent pas chez nous pour des motifs politiques ne soient pas gênés ; mais il est au milieu de nos cités des hommes qui, sans être Hollandais, excitent le trouble, et ce sont ceux-là dont la police devrait s’occuper. Il y a ici des réunions populaires, dans lesquelles on provoque au désordre d’une manière scandaleuse ; et cependant ni la police, ni l’autorité judiciaire n’ont rien fait contre de telles réunions ; il me semble que les lois du pays sont suffisantes pour les réprimer.
M. Dumortier se lève et s’apprête à parler.
Des voix. - Vous avez parlé plus de deux fois sur la question !
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. (On rit.) L’honorable préopinant a eu grand tort de dénaturer mes paroles. Je n’ai pas demandé qu’un industriel fût expulsé pour n’avoir pas été de mon avis ; je sais que chacun peut avoir son opinion ; il n’y a personne qui soit plus tolérant que moi sur les opinions ; mais je me suis plaint de ce qu’un étranger fût venu sciemment tromper la législature. (Bruit.)
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cela n’est pas exact.
M. le président. - Comment peut-on dire qu’il a trompé sciemment !
M. Dumortier. - Je parle d’un fait et je le prouve. Les opinions sont libres.
M. le président. - Personne ne conteste la liberté des opinions ; mais il ne s’agit pas de cela !
M. Dumortier. - Lorsqu’on me prête un ridicule, lorsqu’on me signale comme ayant demandé ce que je n’ai pas demandé, il faut que je me justifie ; dès qu’on s’est permis l’attaque, il faut qu’on me permette la défense.
Des voix. - Défendez-vous ; mais n’incriminez pas.
M. Dumortier. - Je me suis plaint que l’étranger avait sciemment trompé la législature... (Bruit.)
M. le président. - On peut induire en erreur sans tromper sciemment.
M. Dumortier. - Et je le prouve. Son second tableau était l’aveu de la fausseté du premier. Ce second tableau avait été établi sur les mêmes bases, sur les mêmes données que le premier, et cependant il présentait des résultats différents du premier. (Bruit.)
M. le président. - En voilà assez sur cet objet.
M. Dumortier. - Si vous avez permis l’attaque, vous ne pouvez interdire la défense.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Mais le négociant ne vous a pas attaqué !
M. Dumortier. - Ai-je demandé l’expulsion de ce négociant ?
De toutes parts, en riant. - Oui ! oui !
M. Dumortier. - C’est alors parce que je voulais faire voir le ridicule des expulsions. Je montrais combien le ministre était intolérant quand il expulsait des réfugiés politiques, et quand il laissait des négociants qui trompaient la législature. (Bruit.)
J’arrive maintenant à la question...
M. le président. - Je devrai alors consulter la chambre pour savoir si elle vous autorise à parler une troisième fois sur la question.
M. Dumortier. - J’arrive maintenant à un autre fait personnel. (Aux voix ! aux voix !) M. le ministre de l’intérieur m’a porté le défi de faire la critique d’un arrêté d’expulsion…
Plusieurs membres. - Ce n’est pas là un fait personnel.
M. le président. - Si j’ai bien compris M. le ministre de l’intérieur, il n’a pas adressé de défi à M. Dumortier, il a parlé en général.
M. Dumortier. - Je ne sais par quel hasard M. le président ne me laisse pas achever mon discours ; depuis que j’ai commencé de parler, il ne cesse de m’interrompre.
M. le président. - Si j’ai interrompu M. Dumortier, c’est parce que je dois faire observer le règlement, qui ne permet pas qu’un orateur parle plus de deux fois sur la même question sans y avoir été autorisé par la chambre ; j’ai dû l’interrompre en outre lorsqu’il a accusé un négociant d’avoir voulu sciemment tromper la chambre, parce que le règlement ne me permet pas de tolérer de semblables expressions. On peut très bien commettre des erreurs de calcul et les reconnaître ensuite, sans pour cela les avoir commises sciemment.
M. Dumortier. - C’étaient les mêmes chiffres et les mêmes bases, ce qui prouve bien...
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 80,000 fr. demandé par le gouvernement.
Plusieurs membres. - L’appel nominal
- On procède à l’appel nominal ; en voici le résultat :
72 membres prennent part au vote.
43 adoptent.
29 rejettent.
En conséquence le chiffre est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Van Hoobrouck, Verdussen, Vilain XIIII, Raikem.
Ont voté le rejet : MM. Angillis, Berger, Corneli, de Brouckere, de Jaegher, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Renesse, de Roo, Desmaisières, d’Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dumortier, Gendebien, Liedts, Maertens, (erratum inséré au Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837) Metz, Seron, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Volxem, Verhaegen, Vergauwen, Zoude et Lecreps.
« Art. unique. Crédit ouvert pour les dépenses imprévues : fr. 40,000. »
- Adopté.
(Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837) M. le président. - Voici la proposition additionnelle proposée par M. Gendebien :
« Article additionnel et transitoire. Majoration de crédit pour faire face aux frais extraordinaires de l’administration de la province de Hainaut : fr. 10,000. »
M. Gendebien. - Messieurs, il y aurait un moyen d’abréger la discussion. Si vous vouliez remarquer que ma proposition n’est qu’un article transitoire allouant, pour 1838 seulement, un crédit supplémentaire en raison du surcroît de besogne qui est survenu dans la province de Hainaut, par l’instruction des nombreuses demandes en concession de mines et en construction de routes, usines, etc., je crois que vous pourriez adopter le chiffre, sauf à exiger qu’il en soit rendu compte au budget prochain et à examiner le fond de la question lorsqu’il s’agira d’allouer définitivement le crédit. Si cependant la chambre croit qu’il y a lieu de discuter immédiatement, j’entrerai en matière, mais je désire lui éviter une perte de temps assez considérable. Dans tous les cas, je me charge de prouver qu’il est impossible que le Hainaut soit administré si ma proposition n’est plus adoptée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Remarquez, messieurs, que l’honorable M. Gendebien demande 10,000 fr. à titre de crédit pour faire face aux frais extraordinaires de l’administration de la province du Hainaut ; je ne connais point pour l’administration des provinces des crédits ordinaires et des crédits extraordinaires ; il n’existe qu’un seul crédit pour frais d’administration dans chaque province ; ce crédit se trouve au budget, et il a été voté sans amendement ; je ne crois pas qu’on puisse y revenir.
Je ferai cependant une seule observation sur l’amendement de M. Gendebien, c’est que le gouverneur de la province n’a demandé que 2,000 fr., tandis que l’honorable M. Gendebien en demande 10,000.
Je pense messieurs, qu’il ne faut pas s’occuper en ce moment de la proposition de M. Gendebien ; si pour le budget prochain je suis convaincu qu’il y a réellement lieu à augmenter davantage les frais d’administration dans la province de Hainaut, je prendrai moi-même l’initiative à cet égard.
M. Gendebien. - Messieurs, il me paraît que M. le ministre est disposé à opposer à mon amendement une espèce de fin de non-recevoir ; je lui répondrai à cet égard lorsque j’aurai développé ma proposition.
Dans une des dernières séances vous avez admis, messieurs, pour la province de Hainaut, le chiffre tel qu’il était proposé pour les frais ordinaires de l’administration de la province de Hainaut. Je vous soumets aujourd’hui, comme article additionnel et transitoire et pour satisfaire à des frais extraordinaires, une disposition qui devrait être définitive, et que vous jugerez, messieurs, devoir devenir définitive lorsque vous m’aurez fait l’honneur de m’entendre.
M. le ministre de l’intérieur n’a élevé, à la première discussion, qu’une seule objection : Il y a un principe adopté, a-t-il dit, c’est que la population doit être considérée comme le premier élément de l’évaluation des frais nécessaires à l’administration de la province ; et il a cité la Flandre orientale où la population est plus forte et où, néanmoins, les frais d’administration sont moindres que dans la province du Hainaut.
Eh bien, messieurs, la Flandre orientale où la population est un peu plus forte que dans le Hainaut n’a que 293 villes et communes, tandis que dans le Hainaut il y en a 421 ; par conséquent, s’il y a dans le Hainaut 100,000 âmes de moins, il y a 132 communes de plus que dans la Flandre orientale ; or, je demande, messieurs, si c’est en raison de la population ou en raison du nombre des administrations avec lesquelles l’administration provinciale est en rapport, qu’il faut évaluer les frais de l’administration provinciale et le travail qui se fait dans l’administration provinciale ? Dans la Flandre occidentale où la population est, je crois, la même que dans le Hainaut, il n’y a que 248 communes, donc 177 de moins que dans la province du Hainaut. Dans la province d’Anvers il n’y a que 141 communes, par conséquent 284 de moins que dans le Hainaut ; enfin la province de Hainaut est celle où il y a le plus grand nombre de communes.
Messieurs, si l’on veut prendre en considération la population sous le rapport des difficultés de l’administration, du nombre d’affaires qu’elle a à expédier, il faut la prendre, non pas in globo, mais dans les divisions par communes ; car qu’une commune ait 600 habitants ou qu’elle en ait 700, l’administration est toujours la même ; c’est donc au nombre de communes qu’il faut avoir égard. Eh bien, sous ce rapport, messieurs, savez-vous quelle devrait être la majoration pour frais d’administration dans la province du Hainaut ? La province de Hainaut devrait avoir 205,990 francs au lieu de 145,557, pour être traitée de la même manière que la Flandre orientale ; elle devrait recevoir 239,920 francs, pour être en rapport avec la Flandre occidentale, et au-delà de 300,000 francs, par rapport à la province d’Anvers.
Voilà, messieurs, pour la population. Si de la population nous arrivons maintenant à l’importance et au nombre des affaires, vous verrez qu’il faudrait donner au Hainaut une somme double de celle qu’il serait déjà nécessaire de lui donner à raison de sa population, c’est-à-dire de ses villes et communes. Vous savez, en effet, messieurs, que le Hainaut a une administration toute particulière qui ne se trouve pas dans les provinces que j’ai citée jusqu’à présent : je veux parler de l’administration des mines, qui à elle seule donne autant de besogne au gouverneur, aux états-députés et à l’administration provinciale, que toutes les affaires dans aucune des autres provinces.
Pour se faire une idée de la difficulté de traiter les affaires qui se rattachent aux mines, je voudrais qu’on prît connaissance au gouvernement du Hainaut d’un dossier concernant une demande en concession de mines. Il semble au premier abord qu’une demande en concession soit la chose du monde la plus simple à traiter ; il n’en est rien : ces demandes se compliquent d’opposition et de demandes en concurrence en grand nombre ; il s’y rattache les questions les plus délicates, des vérifications de plans, qu’il est souvent difficile de comprendre et qu’on ne conçoit bien qu’après les avoir étudiées pendant plusieurs jours. J’en parle par expérience, messieurs : il m’est arrivé plus d’une fois de devoir consacrer plusieurs jours à l’étude de pareilles vérifications. Il y a plus ; j’ai dû, quelquefois, me rendre plusieurs fois sur les lieux, tous les plans à la main, souvent de compagnie avec l’ingénieur ou avec le directeur des travaux et autres employés de diverses sociétés, et souvent nous n’avons pu tomber d’accord sur les limites des plans, quoiqu’elles eussent été bien déterminées dans les décrets ou dans les anciens titres de concession.
Eh bien, messieurs, le nombre de semblables demandes s’élèvent à plusieurs centaines, et toutes sont urgentes.
D’après un rapport de M. le gouverneur du Hainaut, que je ne vous lirai pas, mais que l’on trouvera au Moniteur, il y aura au moins 300,000 pièces expédiées à l’administration provinciale pour l’année 1837, et il y aura près de 14,000 affaires contentieuses.
Jugez, d’après cela, si vous pouvez traiter le Hainaut sur le même pied que les autres provinces. Notez bien que je ne vous parle pas des nombreuses demandes pour construction de routes, usines, et de tous les rapports qui se multiplient à l’infini par le mouvement industriel.
Dans un tableau analytique que j’ai dressé, j’ai comparé entre elles plusieurs provinces. Il en résulte que le Hainaut, pour être traité sur le même pied que la province d’Anvers, à part son importance, plus grande sous tous les rapports, et seulement en raison de sa population, devrait recevoir 61,638 fr. de supplément ; et cependant nous ne demandons que 10,000 fr. (Erratum inséré au Moniteur belge n°350, du 16 décembre 1837 :) La province de Hainaut devrait recevoir 165,868 fr. de plus que la province de Namur, et cependant elle n’en demande que 10,000 : 60,843 fr. de plus que la province de Liége, et elle n’en demande que 10,000 ; 65,255 fr. de plus que la province de Limbourg, encore une fois elle n’en demande que 10,000. Vous reconnaîtrez sans peine que sa demande est non seulement juste, mais excessivement modérée
On vous a dit qu’il fallait comparer la province de Hainaut à celle qui avait la plus forte population, savoir à la Flandre orientale ; mais je pourrais la comparer à mon tour à la province qui a la population la plus faible. Ce serait nous jeter de part et d’autre dans une extrémité contraire. Je n’admets donc pas l’observation du ministre de l’intérieur, comme il aurait raison de ne pas admettre la mienne.
Mais prenons la moyenne des deux provinces qui s’éloignent le plus, en ne tenant compte que de la population, pour point comparaison.
La Flandre orientale a 733,938 habitants ; la province de Namur, 212,725, total 946,665.
La Flandre orientale reçoit, pour frais d’administration, 142,748 fr. ; la province de Namur, 109,508 ; total : 252,256 fr.
La moyenne de la population pour les deux provinces est de 473,331 habitants, et la moyenne de leurs frais d’administration 126,128 fr. Or, nous arrivons au problème suivant. Si 473,331 habitants coûtent 126,128 fr., combien coûtera la population du Hainaut qui est de 604,957 habitants ? Question qui se résout par la proportion suivante :
473,331 : 126,125 : : 604,957 : x
x = 161,202.
Ainsi, pour être traitée sur le même pied que la moyenne des deux termes extrêmes, et à part la différence du nombre des communes qui est double dans le Hainaut, et sans tenir compte plus en plus de l’importance et du nombre d’affaires administratives qui est décuple, la province de Hainaut devrait recevoir 161,202 fr. Eh bien, si vous accordez la majoration que nous demandons, l’allocation globale pour le Hainaut ne s’élèvera qu’à 155,557 fr., ainsi 5,655 fr. moins que la moyenne.
Voici un autre point de comparaison : la province de Liége a une population de 369,957 habitants, elle reçoit pour ses frais d’administration 132,530 fr. ; et la province d’Anvers, pour une population de 354,974, reçoit 121,577 fr. ; donc la province de Liége reçoit 10,953 fr. de plus que la province d’Anvers. Or si l’on ne tient compte que de la population, Liége ne devrait recevoir que 5,829 fr. de plus que la province d’Anvers ; elle reçoit donc 5,829 francs de plus que la province d’Anvers, à raison de sa plus grande importance administrative. Et pourquoi cette importance plus grande ? A cause des exploitations de mines et de l’administration qui en résulte. Or, les exploitations de mines dans le Hainaut sont à celles de la province de Liége comme 4 est à 1, ou même comme 5 est à 1. Ainsi, pour traiter la province de Hainaut, à raison de sa population et de son importance administrative plus grande, sur le même pied que la province de Liége, que j’ai comparée à la province d’Anvers, il faudrait donner au Hainaut un supplément de 71,886 fr., et cependant je ne demande que 10,000 fr. ; je ne demande que 4,300 fr. de plus que la province de Liége, comparée à la province d’Anvers, bien que, sous tous les rapports, le Hainaut ait au moins une administration triple de celle de Liége.
D’après les détails dans lesquels je viens d’entrer, je crois, messieurs, qu’il y aurait une injustice flagrante à ne pas faire droit à la réclamation de la province de Hainaut.
On vous dit que l’administration provinciale s’est bornée à demander 4,000 fr. Mais, messieurs, c’est ce qui arrive toujours aux personnes qui réclament justice, et qui l’ont réclamée en vain pendant plusieurs années ; elles se contentent de peu, dans l’espoir d’obtenir un peu plus tard une justice plus complète. Voyons du reste quelle a été la réclamation de l’administration provinciale du Hainaut.
Le 18 juillet dernier, le conseil provincial du Hainaut a adopté, à l’unanimité, une délibération par laquelle il demande avec instance que le personnel des bureaux, qu’elle déclare être tout à fait insuffisant, soit complété, et que les traitements actuels soleil augmentés. Voici cette délibération ainsi que le rapport que le gouverneur du Hainaut y a joint, en en faisant l’envoi au ministre de l’intérieur :
(Le Moniteur reproduit ensuite ces documents, qui ne sont pas repris dans la présente version numérisée en raison de leur longueur et de leur intérêt relatif. Le discours se poursuit ainsi :)
Eh bien, messieurs, peu de temps après la délibération du conseil provincial du Hainaut (ce conseil en avait déjà adopté une dans le même sens l’année précédente), deux de nos honorables collègues, députés des Flandres, se sont rendus dans le Hainaut, et ils vous ont dit, dans une séance précédente, que ce voyage leur avait donné la conviction de l’indispensable nécessité d’augmenter le personnel administratif de cette province et de majorer les traitements.
Ils vous ont dit qu’arrivés à 4 heures du matin au gouvernement du Hainaut, ils avaient vu un grand nombre d’employés se rendant à leur besogne, et d’autres déjà occupés ; et c’est à des employés aussi zélés, à une administration aussi accablée de travaux les plus importants pour le pays, que vous refuseriez un supplément de la modique somme de 10,000 fr.
Voici le tableau des employés ; vous jugerez s’ils sont en nombre suffisant et s’ils sont suffisamment rétribués :
Il y a deux chefs de division à 2,520 fr. ; les autres ont 2,160, 1,800 et 1,600 fr.
Dans la province d’Anvers ils ont 3,840 fr. Dans la province de Liége et des Flandres ils ont de 3,150 à 3,500 fr. ; les chefs de bureau ont jusqu’à 2,580 fr. Dans le Hainaut nous sommes plus modestes, quoique le nombre des communes soit triple de celui de la province d’Anvers ; nous nous bornons à demander que les chefs de division soient payés sur le pied de 2,520 fr., c’est-à-dire beaucoup moins que les chefs de division, et même moins que les chefs de bureau de vos provinces.
Voici le tableau de tous les employés et des diverses augmentations demandées : (suit ce tableau dans le Moniteur, lequel tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
Enfin, la province de Hainaut demande 12,155 fr. 40, on a alloué 2,000 fr. ! Je demande un complément de 10,000 fr. Je retranche donc encore 155 fr. 40.
Si vous vouliez comparer la dotation des chefs de division et de bureau des diverses provinces, vous trouveriez que dans la province de Namur on dépense 20,900 fr. pour les chefs de division et de bureau, c’est-à-dire 1,780 fr. de plus que dans la province de Hainaut ; que dans la province d’Anvers on dépense 19,440 fr., 320 fr. de plus que dans le Hainaut, quoique dans le Hainaut la population soit à peu près double et que le nombre des communes soit triple de celui de la province d’Anvers ; on dépense dans la province de Hainaut 1,180 fr. moins de que dans le Limbourg ; dans la Flandre orientale, où il y a la moitié moins de communes que dans le Hainaut, on dépense 23,900 fr., 4,780 fr. de plus que dans le Hainaut. Je vous demande si la majoration que je réclamé est exagérée, alors que la province dont l’importance administrative est triple de celle des autres, est celle où on dépense le moins pour l’état-major.
Messieurs, je crois qu’alors qu’on réclame de toutes parts des constructions de routes, de canaux, de ports, des constructions de navires, des primes d’encouragement de toute espèce, aux frais du trésor et aux dépens du Hainaut, on ne pourra pas refuser à la province de Hainaut 10,000 fr., non à titre de prime quelconque, mais pour s’administrer. Quand cette province verse tous les ans au trésor 6 à 700,000 fr., provenant du bénéfice qu’elle fait sur l’entretien de ses routes, on ne voudrait pas lui accorder 10,000 fr. pour s’administrer ! Mais vous vous exposez à tarir la source de produits que vous vous partagez tous les ans. Prenez garde que nous ne prenions la résolution de nous administrer d’une manière moins productive. Au lieu de 10,000 fr., cela pourrait vous coûter des millions.
On vient de surcharger la province du Hainaut d’un surcroît accablant de contribution foncière : a-t-elle jeté les hauts cris, a-t-elle murmuré ? Non, elle a doublé d’activité, elle a payé. Elle n’a pas imité le député d’Anvers qui a menacé de rébellion, lorsqu’au lieu de 4 1/2 p. c. on a fait payer à la ville d’Anvers 7 1/2 ; et notez bien que c’est 11 1/2 p. c. qu’elle devrait payer. La province de Hainaut ne récrimine pas, elle ne se plaint pas ; elle ne demande qu’une chose : c’est qu’on veuille lui donner le moyen de s’administrer ; quand elle fournit, du produit de ses barrières seulement et au préjudice de son industrie, un revenu net de 6 à 700,000 fr. au trésor, elle a droit de demander ce qui lui est nécessaire surtout quand elle voit du superflu ailleurs. De deux choses l’une, ou il y a du superflu ailleurs, ou le Hainaut n’a pas le nécessaire ; ou si le Hainaut a le nécessaire, il y a du superflu ailleurs. Force vous est d’accepter ce dilemme, car je vous défie de le réfuter.
Il n’y a pas un seul établissement du gouvernement dans la province du Hainaut ; elle ne reçoit ni primes ni encouragements ; elle ne s’en plaint pas ; elle ne demande qu’une chose, c’est-à-dire d’être bien administrée ; elle a tous les éléments d’une bonne administration ; elle a le plus capable et le plus laborieux de tous les gouverneurs, sans vouloir faire tort au mérite des autres gouverneurs, et quand il quittera la province du Hainaut, je ne sais pas comment vous ferez pour le remplacer ; il ne sort pas de son cabinet ; il travaille quinze à dix-huit heures par jour ; il est impossible qu’il suffise à toute la besogne si on ne complète pas son administration. Il y a une députation composée d’hommes capables dans la force de l’âge, dont le zèle et l’activité peuvent être cités pour modèle ; mais on ne peut pas les faire travailler comme des manœuvres, ils ne peuvent pas faire la besogne des expéditionnaires, des commis et des chefs de bureau ; on ne peut les charger de l’expédition des 300,000 pièces qui sortiront, cette année, du gouvernement du Hainaut.
En un mot, je crois en avoir dit assez pour justifier la demande d’augmentation ; j’espère que l’année prochaine vous voterez d’une manière définitive la somme que je demande comme extraordinaire et provisoire cette année. Je suis persuadé que si on interpellait M. le ministre des travaux publics, il vous dirait qu’indépendamment de l’administration générale, il y a un travail lui-même pour les constructions et pour les concessions des mines. Eh bien, dans cette province, il n’y a pas même d’archiviste, tandis qu’il y en a un à Anvers qu’on paie 1,980 fr. Je vous demande si ce n’est pas une dérision. Depuis plusieurs années, on demande au gouvernement un archiviste : eh bien, le ministre alloue au budget de cette année un supplément de 2,000 fr., et il prétend, il dit sérieusement dans ses notes explicatives que c’est pour payer un archiviste, d’autres employés, et pour compléter les traitements qui sont jugés trop faibles !
Je vous le demande, n’est-ce pas une dérision ! 2,000 fr. pour réaliser tant de choses à la fois, lorsque dans la province d’Anvers l’archiviste absorbe seul les 2,000 fr. moins 20 fr., puisqu’il reçoit 1,980 fr. !
Oui, vraiment, c’est une dérision !
Mais rien que pour le bureau de mines il faut un archiviste spécial, et il aura une rude besogne pendant plusieurs années ; et on refuse un archiviste !
Je déclare que si on ne donne pas le personnel suffisant, dans dix ans les affaires à instruire ne pourront être instruites. Cependant j’entends que dans la chambre on réclame sans cesse, on demande avec instance que le gouvernement accorde des concessions ; on se plaint de ce qu’il n’en accorde pas assez. Mais vous ne faites rien pour que l’administration provinciale puisse instruire ces concessions. Vous aurez beau faire des vœux, ils seront stériles aussi longtemps que vous ne donnerez pas au gouvernement les moyens d’accorder ces concessions.
Quelque désir que j’aie de continuer, ce m’est impossible. La toux et la fatigue m’en empêchent ; je crois du reste en avoir dit assez pour que la chambre soit convaincue de la nécessité d’admettre ma proposition. Je me réserve d’ailleurs de répliquer si ma proposition était contestée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je demande que la chambre ne mette pas en question ce qui a été voté définitivement ; car si sous le prétexte qu’un député (quelque légitime que soit d’ailleurs son excuse) n’a pas pu assister à une séance on rouvre la discussion, il n’y aura jamais un article qui soit définitivement voté, il n’y aura plus de terme à la discussion.
Si l’article proposé par l’honorable M. Gendebien était admis, qu’en résulterait-il ? Qu’au second vote, ou même demain, des députés d’autres provinces pourraient également proposer des majorations.
Veuillez remarquer cette circonstance : c’est qu’alors que le gouverneur ne demande que 2,000 fr., l’honorable M. Gendebien demande 10,000 fr. de plus. Comme en général dans les provinces on aime à avoir plus de latitude pour les employés, il est bien probable que demain d’autres députés vont proposer une majoration de 5 à 6 mille francs dans l’intérêt de l’administration de leurs provinces.
L’honorable membre dit que je n’ai eu égard qu’à la population dans la proposition du chiffre qui a été adopté pour l’administration du Hainaut. Il est dans l’erreur, j’ai eu égard à la population ; mais je n’ai pas consulté cette seule règle. Si j’avais consulté cette seule règle, j’aurais dû proposer pour la Flandre orientale 60,000 francs, alors que je proposais 45,900 fr. pour le Hainaut ; car la Flandre orientale a cent mille habitants de plus que le Hainaut. Eh bien, au contraire, nous avons demandé pour le Hainaut 10,000 fr. de plus que pour la Flandre orientale. Vous voyez que la population n’a pas été notre seule règle.
L’honorable préopinant a dit qu’il fallait tenir compte de ce que le Hainaut avait plus de communes que d’autres provinces. A cela la réponse est facile. La province correspond avec les commissaires de district ; ce sont les commissaires de district qui répondent avec les communes. Notez en outre que plus le nombre des communes est grand, plus leur population est faible ; et plus les communes sont petites, moins elles ont d’affaires, moins ces affaires ont d’importance. C’est là une chose évidente.
Dans la province de Namur, il y a 343 communes. Dans celle du Hainaut il y en a 425. Vous voyez que la différence n’est pas énorme.
L’honorable préopinant a donné la moyenne des frais d’administration des différentes provinces. Mais il a opéré sur l’ensemble des frais d’administration, tandis qu’il aurait dû raisonner exclusivement sur le chiffre des traitements des employés de l’administration provinciale ; car il y a des dépenses qui sont toujours les mêmes, quelles que soient les provinces : par exemple, le traitement du gouverneur et des membres de la députation provinciale. La moyenne est donc fausse. Vous voyez donc comme on est induit en erreur.
L’honorable membre a dit que le traitement des expéditionnaires était plus faible dans le Hainaut que dans les autres provinces. C’est une erreur. La moyenne du traitement des expéditionnaires de l’administration du Hainaut est 620 fr., tandis que la moyenne pour la Flandre orientale (quoique la population de la ville de Gand soit 3 ou 4 fois plus considérable que celle de la ville de Mons) est 554 fr. Dans la province de Liége la moyenne du traitement des expéditionnaires est 392 fr. Cependant la ville de Liége a une population double de Mons ; la cherté des vivres et des logements y est extraordinaire.
J’ai dit que je pensais qu’il y avait une réforme à faire dans les bureaux de l’administration provinciale du Hainaut. J’ai encore cette opinion. Si cependant, après cette réforme opérée, il demeurait constant qu’il y a lieu de majorer l’allocation destinée aux traitements des employés de l’administration provinciale du Hainaut pour le budget prochain, je proposerais moi-même la majoration. Mais je demande que, quant à présent, la chambre s’en tienne à ce qu’elle a voté et ne mette plus en question ce qu’elle a définitivement adopté. Sinon, il n’y aura plus de limites à la discussion.
Vous voyez les dangers de cette marche, alors qu’un simple député demande 10,000 fr., tandis que le gouverneur s’est borné à demander 2,000 fr.
Quant à moi, je persiste à croire qu’il n’y a rien à changer au budget et que la question préalable doit être adoptée.
Je le répète, si, après examen, la majoration est jugée nécessaire, je serai le premier à la proposer au budget prochain.
Vous aurez remarqué que nous avons été dominés par des considérations d’économie en général. C’est par ce motif qu’il n’a pas été déféré aux réclamations de commissaires de district, qui se sont plaints de la difficulté de pourvoir à leurs bureaux. Il y aurait lieu aussi de proposer des majorations de traitement pour plusieurs commissaires de district et peut-être pour d’autres fonctionnaires. Tout cela fera l’objet d’un examen plus spécial.
La nécessité de dépenses extraordinaires a empêché la chambre de s’occuper de majorations pour les membres de l’ordre judiciaire.
Si la tendance de la chambre était dans le sens des majorations il nous serait agréable de satisfaire aux réclamations qui nous ont été faites et à celles qui pourraient nous être adressées dans l’ordre administratif.
M. Dolez. - M. le ministre de l’intérieur oppose à la demande de M. Gendebien une sorte de fin de non-recevoir ; sans doute, s’il était question de revenir d’une manière directe sur le chiffre voté par la chambre, cette fin de non-recevoir pourrait avoir quelque poids, mais mon honorable collègue du Hainaut vous a fait remarquer qu’il s’agit non de revenir sur un chiffre adopté, mais de subvenir aux besoins urgents de l’administration d’une province par une mesure qui n’aura cette année qu’un caractère provisoire. Si vous considérez en outre que quelques députés du Hainaut n’étaient pas en séance pour faire valoir les droits de cette province à l’allocation demandée, vous jugerez, je pense, que la fin de non-recevoir proposée ne peut pas être accueillie.
Maintenant j’ajouterai quelques mots en réponse à M. le ministre de l’intérieur. J’établirai d’abord un point qu’il importe de constater, c’est que le chiffre proposé par M. Gendebien n’a pas pris naissance dans sa tête ; et si on veut nous opposer le gouverneur du Hainaut qui ne demande, dit-on, que 2,000 fr., nous opposerons à cela la lettre de la députation du Hainaut, signée par les membres de cette députation et par le greffier provincial, établissant les besoins de l’administration de cette province et la nécessité d’une allocation non pas de 4, non pas de 10, mais de 12 mille et quelques cents francs.
Une remarque à laquelle M. le ministre de l’intérieur n’a pas répondu, c’est qu’en matière de budget il faut voir non pas seulement l’économie dont je suis toujours partisan, mais encore toutes les exigences du service. Le budget doit satisfaire à toutes les exigences du service, et si M. le ministre de l’intérieur ne faisait pas des propositions dans ce sens, il manquerait au devoir de sa position.
Quand un honorable collègue, député de Gand, témoin du travail forcé des employés de la province du Hainaut, en a fait l’observation, ce n’était pas une voix guidée par des intérêts de localité, c’était une voix étrangère, juste et consciencieuse.
Je mettrai sous les yeux de la chambre un document qu’il importe d’ajouter à ceux produits par l’honorable M. Gendebien. Le chiffre accordé pour l’administration provinciale du Hainaut est le même depuis plusieurs années. Voulez-vous connaître la progression ascendante des affaires ? La voici :
En 1832, alors que le personnel des employés était le même, le nombre des affaires expédiées dans le Hainaut était de 7,429. En 1836, le nombre des affaires expédiées a été de 11,097 ; et en 1837, il est présumable qu’il atteindra 14,000. Comment peut-on concevoir qu’il soit possible de suffire aux besoins de l’administration, avec le même personnel, quand le nombre des affaires est doublé ?
En définitive la question est celle-ci : Voulez-vous que l’administration des affaires marche ou ne marche pas dans la province du Hainaut ? Si vous voulez qu’elle marche, augmentez le subside ; si vous ne voulez pas qu’elle marche, conservez le chiffre du ministre.
Il est une observation que je tiens à faire en réponse au ministre de l’intérieur. Il disait tout à l’heure que les employés étaient plus rétribués dans le Hainaut que partout ailleurs : c’est que partout ailleurs on trouve des expéditionnaires surnuméraires ; ils voient une espèce d’avenir devant eux en entrant dans l’administration, et ils consentent à devenir expéditionnaires même gratuitement ; mais, dans le Hainaut, on ne trouve pas d’expéditionnaires gratuits ; les sujets manquent à l’administration. C’est à ce point que depuis plusieurs mois on n’a pas trouvé un candidat présentable pour être chef de division des mines. Depuis huit mois le chef de division est mort, et on ne peut le remplacer. Voilà des faits qui parlent d’eux-mêmes ; et je défie le ministre de les contester. La chambre ne saurait hésiter à accorder le chiffre que nous demandons.
Tout à l’heure un honorable membre me faisait cette remarque que l’on doit joindre à celles qu’a présentées M. Gendebien : c’est que dans le Hainaut le nombre des communes est considérable, ce qui est une cause d’augmentation de travail. Autant il y a de communes, autant il y a de budgets et de comptes à examiner. Mais il y a plus, c’est que dans le Hainaut il y a plus de villes que dans les autres provinces ; or, les villes correspondent avec l’administration provinciale, tandis que les communes correspondent avec le district.
Je le répète, vous ne pouvez hésiter à adopter le chiffre proposé.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dis qu’il serait inouï qu’il y eût crédit ordinaire et crédit extraordinaire pour l’administration provinciale du Hainaut ; il ne peut y avoir qu’un seul article pour chaque administration provinciale. En résumé, j’assume sur ma responsabilité ce qui est relatif à l’administration du Hainaut. Les fonds accordés à chaque administration provinciale se confondent dans un chiffre global, et l’on pourra, au besoin, donner aux employés du Hainaut, et par forme de transfert, ce que d’autres litteras laisseront de disponible. Je ne crains pas les suites du rejet de l’amendement, mais je craindrais les suites de l’adoption du principe qu’on tend à établir.
- La chambre ferme la discussion.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur propose la question préalable sur l’amendement de M. Gendebien ; je vais la mettre aux voix.
L’appel nominal est demandé.
54 membres sont présents.
32 adoptent la question préalable
22 en votent le rejet ;
2 s’abstiennent de voter.
En conséquence, l’amendement est écarté.
Ont voté la question préalable : MM. Beerenbroeck, de Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Lejeune, Liedts, Maertens, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Raikem, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Verdussen, Vergauwen, Peeters.
Ont voté contre la question préalable : MM. Corneli, David, de Puydt, de Renesse, Desmet, Doignon, Dolez, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Gendebien, Lecreps, Meeus, Pirmez, Raymaeckers. Seron, Trentesaux, Troye, Vandenhove, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verhaegen, Zoude.
M. F. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que d’un côté il me semble nécessaire d’augmenter les frais de l’administration de la province du Hainaut, et que d’un autre côté la proposition sort entièrement des règles que l’on suit dans les budgets, et que je trouverais un grand inconvénient à méconnaître nos règles ; ainsi je n’ai pu ni la repousser ni l’admettre.
M. Desmaisières. - Je me suis abstenu parce que, dans mon opinion, on ne pouvait délibérer sur cet amendement, attendu qu’un amendement semblable de M. Dumortier avait été rejeté ; je ne pouvais pas non plus adopter la question préalable, parce que je suis convaincu que l’amendement proposé par M. Gendebien est tout à fait nécessaire.
- La séance est levée à 5 heures.