(Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Lejeune lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre :
« Des industriels de Gembloux demandent la libre entrée des houilles étrangères. »
« Des habitants de Frameries adressent des observations contre les pétitions qui réclament l’entrée des charbons étrangers. »
Ces pétitions sont renvoyées à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics, avec demande d’un prompt rapport.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, dans la séance d’avant-hier vous avez entendu l’analyse d’une pétition des ferblantiers de Liège ; l’honorable M. de Behr demanda que cette pétition fût renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, à cause des rapports qu’elle a avec la loi relative au tarif des douanes ; la chambre a jugé qu’elle devait prendre connaissance de la pétition avant de statuer sur la proposition de M. de Behr, et elle a décidé que la pétition serait insérée dans le Moniteur ; cette insertion ayant eu lieu, je viens maintenant appuyer la proposition de M. de Behr, et demander que la chambre prononce le renvoi à M. le ministre de l'intérieur de la pétition dont il s’agit, pétition qui se rapporte à la loi relative au tarif des douanes, sur laquelle la chambre aura à se prononcer sous peu.
- La proposition de M. Eloy de Burdinne est adoptée ; en conséquence la pétition des ferblantiers de Liège est renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
M. de Renesse fait connaître la composition des bureaux des sections de décembre ; ces bureaux sont formés comme suit :
Première section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. de Behr
Secrétaire : M. Lejeune
Rapporteur de pétitions : M. de Man d’Attenrode
Deuxième section
Président : M. Angillis
Vice-président : M. Desmaisières
Secrétaire : M. Troye
Rapporteur de pétitions : M. Zoude
Troisième section
Président : M. Liedts
Vice-président : M. Dubus (aîné)
Secrétaire : M. Dubois
Rapporteur de pétitions : M. Berger
Quatrième section
Président : M. Raymaeckers
Vice-président : M. Duvivier
Secrétaire : M. Mast de Vries
Rapporteur de pétitions : M. Desmet
Cinquième section
Président : M. Coppieters
Vice-président : M. Desmanet de Biesme
Secrétaire : M. Milcamps
Rapporteur de pétitions : M. Donny
Sixième section
Président : M. de Nef
Vice-président : M. de Roo
Secrétaire : M. de Longrée
Rapporteur de pétitions : M. Corneli
M. le ministre des finances (M. d’Huart) monte à la tribune et donne lecture de l’exposé des motifs et du projet de loi qui suivent. - Messieurs, le peu de temps qui reste d’ici à la fin de l’année est insuffisant pour que le budget des dépenses du département de la guerre et celui des travaux publics puissent être achevés pour cette l’époque, et pour que la loi des voies et moyens et ses importantes annexes puissent être discutées d’ici là, par vous, messieurs, et par le sénat.
Dans cette position, et pour que le vote des diverses mesures qui vous sont soumises ait lieu dans un ordre logique et rationnel, le gouvernement croit devoir vous proposer une disposition temporaire qui permettra aux deux chambres d’accomplir toute la tâche qu’elles ont encore à remplir pour assurer les services de l’exercice de 1838.
Cette disposition consiste, messieurs, à autoriser le recouvrement des impôts tels qu’ils existent aujourd’hui, jusqu’au 1er février prochain, sans préjudice toutefois à l’application à toute l’année des centimes additionnels supplémentaires qu’il serait jugé nécessaire d’ajouter aux contributions directes.
L’époque du 1er février que nous avons fixée ne pourrait être dépassée ; messieurs, sans les plus graves inconvénients pour la marche des affaires, attendu qu’un ajournement plus prolongé de la perception des impôts directs, laisserait dans le trésor un vide qui empêcherait de faire régulièrement face aux dépenses courantes de l’Etat. Mais l’espace de six semaines suffit pour achever, en s’en occupant exclusivement, la discussion des budgets et des lois financières qui en sont la conséquence.
Les mouvements de la dette flottante ne pouvant également être interrompus, le même projet de loi porte aussi l’autorisation de renouveler et de maintenir en circulation, jusqu’à la même époque, les bons du trésor dont l’émission est autorisée par diverses lois.
La mesure que nous avons l’honneur de vous proposer, messieurs, n’est point nouvelle. Déjà, par le décret du 28 décembre 1830, le congrès national a ordonné le recouvrement des impôts existants, pendant le premier semestre de 1831, et ce n’est que vers la fin de cette époque que le véritable budget des recettes a été voté. De même en France, à diverses reprises, et notamment par les lois des 12 décembre 1830, 16 décembre 1831 et 15 décembre 1853, le gouvernement a été autorisé à percevoir provisoirement les impôts pendant les premiers mois des années suivantes.
Le but du gouvernement dans cette circonstance, étant de suppléer par un moyen légal au temps qui manque pour achever régulièrement vos travaux indispensables, je ne puis douter, messieurs, que vous donniez votre assentiment au projet de loi que le Roi vient de me charger de vous présenter, et dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture :
« Projet de loi,
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Sur la proposition de notre ministre des finances et sur l’avis de notre conseil des ministres,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté, en notre nom, à la chambre des représentants, par notre ministre des finances.
« Art. 1er. Les impôts directs et indirects existant au 31 décembre 1837, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires tant pour le fonds de non-valeurs qu’au profit de l’Etat, des provinces et des communes, continueront à être recouvrés jusqu’au 1er février 1838, d’après les lois et tarifs qui en règlent l’assiette et la perception, et sans préjudice au recouvrement des centimes additionnels supplémentaires qui pourraient ultérieurement être ajoutés aux contributions directes, à partir du 1er janvier 1838.
« Art. 2. Jusqu’à la même époque, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation les bons du trésor dont la création a été autorisée par la loi du 16 février 1833 (n°157), jusqu’à concurrence de 25 millions, y compris les émissions autorisées par les lois du 25 mai 1837 (n°129), et du 12 novembre 1857 (n°593).
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1838.
« Donné à Laeken, le 14 décembre 1837.
« Léopold,
« Par le Roi : Le ministre des finances, E. d’Huart. »
M. le ministre continue en ces termes. - Il me paraît, messieurs, que pour gagner du temps, il convient de faire insérer ce projet au Moniteur au lieu d’en ordonner l’impression séparée, et si l’on désirait en renvoyer l’examen à toutes les sections, on pourrait le faire copier immédiatement par les sténographes ; mais ce renvoi vous paraîtra peut-être inutile :la portée de la loi est très facile à saisir, et il suffirait de prendre l’avis de la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget des voies et moyens, et qui pourrait dès demain vous présenter son rapport. Vous remarquerez, messieurs, que le projet de loi dont il s’agit ne peut présenter aucun inconvénient et qu’il offre l’immense avantage de nous donner un mois de plus pour discuter, en temps utile, toutes les lois financières et tous les budgets. Je dis que c’est là un immense avantage, car il serait de toute impossibilité, sans cela, de discuter à fond, ici et au sénat, le budget des voies et moyens et toutes les lois qui s’y rattachent, avant le 31 décembre prochain.
M. Demonceau. - Je pense, messieurs, qu’il sera impossible de discuter convenablement, d’ici au 1er février, toutes les lois qui se rapportent à notre système financier. Je crois donc que nous devons nous occuper immédiatement du budget des voies et moyens qui se trouve à l’ordre du jour ; il est probable que cette discussion ne sera pas très longue, puisque les propositions de la section centrale sont absolument conformes aux propositions du gouvernement, c’est-à-dire que la section centrale propose en général le maintien de la législation actuelle sur les impôts. Il n’y a qu’un seul point sur lequel la section centrale n’était pas d’accord avec le gouvernement, ce sont les centimes additionnels qu’elle n’a pas cru devoir admettre. Sauf cette différence, les propositions de la section centrale sont entièrement conformes à celles du gouvernement.
M. Gendebien. - De ce que vient de dire l’honorable préopinant, il résulte tout simplement que le projet de M. le ministre des finances est susceptible d’amendements ; eh bien, messieurs, ce sera à la commission d’examiner cette question ; mais nous en occuper maintenant, ce serait perdre notre temps.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il me semble, messieurs, qu’il ne peut pas y avoir d’opposition au renvoi du projet à la section centrale, car il est tellement simple que si on le mettait immédiatement en discussion, chacun de nous, après une seconde lecture, serait à même d’émettre un vote en pleine connaissance de cause. Je persiste donc à demander le renvoi à la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens.
Quant aux observations de l’honorable M. Demonceau relativement à un ajournement plus long que jusqu’au 1er février pour le vote du budget des voies et moyens, je ne les rencontrerai pas maintenant, quoiqu’il me serait très facile de réfuter ce qu’il vient de dire ; ce n’est que quand le projet même que j’ai déposé tout à l’heure sera en discussion que nous pourrons nous occuper de cette question.
M. Demonceau. - Ainsi, messieurs, il doit résulter du renvoi à la section centrale que la discussion du budget des voies et moyens sera remise à un autre jour ?
M. de Brouckere. - Certainement ! Et il n’y a aucun mal à cela. Le projet de loi présenté par M. le ministre des finances est envoyé à la section centrale du budget des voies et moyens, comme commission spéciale.
M. de Roo. - Messieurs, dans une séance précédente deux pétitions adressées à la chambre par des colporteurs ont été renvoyées à M. le ministre des finances avec prière de nous donner des explications avant la discussion du budget des voies et moyens. Je désirerais savoir si M. le ministre est à même de nous donner ces explications.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, les pétitions dont vient de parler l’honorable M. de Roo ont pour objet de faire ranger dans une classe moins imposée qu’on ne l’exige parfois aujourd’hui des patentables qui vendent sur des tréteaux ou échoppes non couverts, ou couverts seulement d’une toile mobile ; j’ai examiné ces pétitions, et je pense qu’il ne faut pas de mesure législative pour faire droit à la demande des pétitionnaires ; je pourrai les satisfaire complétement par une simple mesure administrative, car il ne sera contraire ni à l’esprit ni au texte de la loi des patentes que les petits marchands dont il s’agit soient rangés dans une catégorie subséquente de patentables.
M. de Muelenaere. - Puisque probablement la discussion du budget des voies et moyens sera ajournée, je prierai M. le ministre de l’intérieur de vouloir bien, s’il est possible, s’occuper du projet de loi relatif aux ventes à l’encan, qui se rattache, au moins indirectement, au budget des voies et moyens, puisqu’il est assez probable que ce projet de loi nécessitera quelques modifications à la loi sur les patentes.
M. de Puydt. - Il semblerait, messieurs, d’après ce qui vient d’être dit par quelques orateurs, qu’on veuille reculer la discussion du budget des voies et moyens ; cependant, cela ne résulte pas de la présentation du projet de loi qui vient de nous être soumis par M. le ministre des finances : ce projet ne change rien au budget des voies et moyens en lui-même ; on pourrait donc commencer la discussion du budget des voies et moyens, sauf à discuter en dernier lieu les articles qui pourraient avoir des rapports avec d’autres projets de loi. Le budget des voies et moyens a été mis le premier à l’ordre du jour, et le budget des travaux publics le dernier. Il résulte de là que tout le monde s’est préparé à la discussion du budget des voies et moyens, tandis que beaucoup de membres ne sont pas prêts à s’occuper du budget des travaux publics, qu’on ne s’attendait nullement à voir aborder aujourd’hui.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Si, contre mon attente, l’on ne se trouve pas en mesure d’aborder à l’instant même le budget des travaux publics, la section centrale pourrait examiner immédiatement le projet de loi que j’ai eu l’honneur de vous présenter tout à l’heure ; de cette manière il n’y aurait pas de plus longue séance aujourd’hui, ce qui serait un mal, j’en conviens, mais que je ne verrais pas moyen d’éviter.
Je dirai à l’honorable M. de Puydt que le principal objet du projet de loi que je viens de soumettre à la chambre, est de le mettre à même de discuter, avant le budget des voies et moyens, tous les budgets des dépenses, la loi sur les sucres, la loi relative aux débitants de boissons distillées, enfin toutes les dispositions qui doivent influer sur le chiffre du budget des voies et moyens. Il me semble donc, messieurs que nous ne pouvons pas discuter immédiatement ce budget. Pour éviter l’inconvénient de ne pas avoir séance complète aujourd’hui l’on pourrait, je le répète ouvrir la discussion générale du budget des travaux publics ; il est possible que quelques membres soient préparés ; on ferait toujours bien de les entendre.
M. Gendebien. - Je ne comprends pas, messieurs, quel inconvénient il pourrait y avoir à commencer la discussion du budget des voies et moyens ; quel mal y aurait-il à discuter tous les articles de ce budget qui ne se rapportent pas aux lois spéciales qui nous seront soumises ? Nous pourrions par exemple nous occuper de la contribution foncière et personnelle et des centièmes additionnels…
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Les centimes additionnels dépendent de la décision qui sera prise sur le budget de la guerre.
M. Gendebien. - Il résulterait de là que nous ne pourrions pas discuter le budget des voies et moyens avant le budget de la guerre. Or, le ministre de la guerre est malade et on ne sait quand il viendra ; mais il avait été proposé plusieurs fois de discuter le budget des travaux publics, et trois fois la discussion de ce budget a été reculée pour faire place au budget des voies et moyens. Il faut cependant bien en venir au budget des voies et moyens. Du reste, on peut sans inconvénient ajourner la discussion des centimes additionnels ; qu’on discute dès à présent le principal, le personnel, les patentes, les redevances des mines, les douanes, etc. Voilà plus qu’il n’en faut pour occuper la chambre jusqu’à la fin de la séance.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je ferai d’abord remarquer à l’honorable préopinant qu’il y aura probablement une discussion générale sur le budget des voies et moyens. Or, on ne pourrait utilement ouvrir cette discussion générale, sans avoir examiné préalablement les diverses questions qui se rattachent au budget des voies et moyens.
Je ferai remarquer ensuite que le budget des travaux publics a été également mis à l’ordre du jour ; les orateurs qui se sont préparés, pourraient être entendus. Mais enfin si l’on ne peut pas aborder cette discussion aujourd’hui, on pourrait inviter la section centrale à s’occuper immédiatement du projet de loi que le gouvernement a présenté, et remettre la séance à demain.
M. Demonceau. - Messieurs, je demande la parole pour annoncer que si la chambre le désire, la section centrale se réunira immédiatement, à l’effet de présenter son rapport sur le nouveau projet de loi, pour ce soir, par exemple. (Ce n’est pas nécessaire !) Dans tous les cas, la section centrale est à la disposition de la chambre, pour lui soumettre le plus tôt possible son rapport. Mais je persiste à dire que si l’on veut s’occuper préalablement du budget de la guerre, et de toutes les questions qui se rattachent au budget des voies et moyens, il faudra plus d’un mois pour toute cette besogne.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous avons devant nous six semaines.
M. Rogier. - Messieurs, il me semble que le projet de loi qui vient d’être soumis par M. le ministre des finances est susceptible d’un prompt examen. Il me paraît même que ce projet aurait pu être discuté immédiatement ; c’est simplement une demande d’ajournement de la discussion du budget des voies et moyens. Les motifs qui ont engagé le gouvernement à présenter ce projet peuvent être appréciés dès maintenant par la chambre, et si l’on tient à suivre les formalités ordinaires, la section centrale, se réunissant à l’instant même, pourrait peut-être nous présenter aujourd’hui même des conclusions à l’égard du projet ; de manière que la séance ne serait que suspendue.
La question est très simple, je le répète ; ce n’est qu’une demande d’ajournement de la discussion du budget des voies et moyens, jusqu’à ce que les lois de recette qui doivent exercer de l’influence sur le budget aient pu être votées.
En attendant, j’appellerai l’attention de la chambre sur une question extrêmement importante, qui est aussi de nature à exercer de l’influence sur le budget des voies et moyens, et que, pour ma part, je désire beaucoup voir entamer enfin par la chambre ; je veux parler de la question des indemnités. Il y a aujourd’hui quatre ans qu’un projet de loi, sollicité par la chambre à plusieurs reprises, fut présenté par le département de l’intérieur. Ce projet resta dans les sections, sans rapport, jusqu’à l’année dernière, où un rapport fut déposé par M. Quirini. Mais jusqu’ici la question des indemnités n’a pu trouver place dans le grand nombre de discussions, ou plutôt dans les longues discussions (car elles sont plus longues que nombreuses) qui ont occupé les moments de la chambre ; et cependant la mise à l’ordre du jour de la question a été décidée plusieurs fois, et notamment à la fin de la dernière session.
Messieurs, quand nous avons présenté un projet de loi sur les indemnités, nous l’avons fait sérieusement ; aussi, nous sommes déterminés à provoquer enfin la discussion de cette question qu’il faut enfin terminer d’une manière ou d’autre.
Je sais, messieurs, que la question présente de graves conséquences, en ce qui concerne les charges nouvelles dont la loi sur les indemnités pourra grever le trésor. Je crois cependant qu’il y a des moyens d’obtenir cette réparation d’un grand mal national sans charger le budget de telle sorte que l’accroissement de dépenses se fasse sentir d’une manière trop onéreuse à la nation. Lorsque nous en viendrons aux moyens de couvrir cette nouvelle dépense, je pense que le ministre des finances ne sera pas embarrassé de les indiquer. Quoi qu’il en soit, il est urgent que la question vienne à l’ordre du jour. Le pays n’est pas dans des circonstances telles qu’il doive reculer devant la solution de la question. Au contraire, on reconnaît que sa situation généralement est prospère. Des temps de crise peuvent se présenter ; la vie des nations comme celle des individus, est susceptible de semblables crises ; et si nous remettons indéfiniment la solution de la question, il pourrait arriver telles circonstances que la Belgique ne soit plus en mesure d’indemniser les victimes de la révolution.
Eh bien, messieurs, si la loi des indemnités est enfin votée, il faudra naturellement porter au budget des voies et moyens une somme destinée à faire face à la charge nouvelle qui résultera de cette loi pour le pays, soit qu’on paie les perdants en une somme, soit plutôt, comme je pense, qu’on les transforme en rentiers de l’Etat, et qu’il faille porter, de ce chef, une somme au budget de la dette publique. Quoi qu’il en soit, ii faudra toujours trouver le moyen de faire face à cette nouvelle dépense, et ce sera le budget des voies et moyens qui devra y pourvoir.
Je conclus donc à ce que la chambre mette à l’ordre du jour la loi sur les indemnités, en même temps que les autres lois qui sont de nature à exercer de l’influence sur le budget des voies et moyens.
M. de Brouckere. - Messieurs, j’appuie sous tous les rapports la motion de l’honorable M. Rogier ; mais je demanderai qu’avant que l’on discute le projet de loi sur les indemnités, la commission des pétitions soit invitée à présenter son rapport sur la pétition de la ville de Bruxelles. Si je suis bien informé, le rapport est presque achevé. Je prierai donc M. le rapporteur de vouloir bien déposer son travail dans le courant de la semaine prochaine, pour qu’on puisse le discuter en même temps que le projet de loi sur les indemnités.
M. de Langhe. - Je demande qu’en même temps qu’on présentera le rapport sur la pétition de la ville de Bruxelles, on dépose celui sur toutes les autres pétitions relatives au même objet.
M. Verdussen. - Messieurs, j’appuie et j’ai toujours appuyé de toutes mes forces la discussion de la loi sur les indemnités. Mais permettez-moi de vous dire que je ne me fie plus aux bonnes intentions que peut manifester la chambre, de porter la loi dont il s’agit à l’ordre du jour. Rappelez-vous, je vous en prie, ce qui s’est passé, il y a un an, lorsque nous nous sommes occupés de la même question, à l’occasion du budget des voies et moyens, puis à l’occasion surtout du budget de l’intérieur, qui n’était pas encore comme aujourd’hui divisé en deux parties.
Alors on n’a pas voulu qu’on portât dans ce budget la somme de 300,000 fr., qui avait été votée précédemment et à plusieurs reprises pour venir au secours des personnes les plus malheureuses d’entre les victimes des inondations et des autres dégâts occasionnés par la guerre de la révolution.
Je crains, messieurs, que le budget des travaux publics dont la chambre va s’occuper, et d’autres objets encore qui peuvent être envisagés comme plus urgents, ne viennent ajourner à une époque assez éloignée la discussion de la loi des indemnités.
Je préviens donc la chambre que pour ne pas laisser plus longtemps en souffrance des malheureux dont la détresse s’accroît tous les jours, je proposerai, dans le courant de la discussion du budget des travaux publics, de rétablir le crédit de 300,000 fr. qui. a été voté au budget de 1836, comme dans celui de 1833, bien persuadé que ce crédit, quand même il ne serait destiné qu’à soulager la détresse de ceux qui n’ont pu rien recevoir dans le courant de cet exercice, ne sera qu’un acte de justice. Je désire sans doute vivement que l’on ne doive pas faire appliquer ce crédit ; mais je suis convaincu qu’on devra l’employer, attendu que ce ne sera peut-être qu’à la fin de l’exercice 1838 que la loi sur les indemnités sera portée par la législature.
M. Zoude. - J’ai l’honneur d’annoncer à la chambre que la commission des pétitions arrêtera demain son rapport sur la pétition de la ville de Bruxelles, et qu’elle sera sans doute en mesure de vous le présenter pour après-demain.
M. de Muelenaere. - Messieurs, on a demandé qu’on fît un rapport sur les pétitions de Bruxelles et d’Ypres, relativement aux indemnités. Mais il est dans le royaume plusieurs villes qui n’ont pas pétitionné et qui ont le même droit à une indemnité que les villes de Bruxelles et d’Ypres. Je ne pense pas qu’une pétition soit indispensable pour que l’indemnité à laquelle ces villes ont droit soit comprise dans la somme qui serait allouée de ce chef.
Je crois, messieurs, qu’il est indispensable que, lorsqu’il s’agira de cette discussion, la chambre ait sous les yeux toutes les pièces relatives à l’indemnité qui peut être due aux différentes villes. Je demanderai au gouvernement s’il est nanti de ces pièces ; car le premier désir qu’on exprimera, lorsqu’on en arrivera à la discussion, sera de connaître le taux de l’indemnité qui serait due.
Je ne m’oppose nullement à ce que l’on mette à l’ordre du jour la loi relative aux indemnités ; mais je ferai remarquer que cette loi soulèvera de graves questions, et que dès lors il conviendrait que tous les membres de la chambre fussent prévenus quelque temps à l’avance que l’on abordera bientôt cette discussion ; car il faudra un examen sévère des différentes questions ; il faudra se procurer des renseignements qui ont peut-être manqué jusqu’à présent ; il faudra que le gouvernement lui-même prenne probablement encore des informations ultérieures autres que celles qu’il peut déjà avoir. Je demanderai dès lors que, si l’on veut mettre la loi des indemnités à l’ordre du jour, on la fixe à une époque plus ou moins reculée.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je crois avec l’honorable préopinant qu’il est bon que la chambre ait connaissance de tous les faits sur lesquels repose la question des indemnités, en prenant même la question dans toute son extension possible. Car, pour que la discussion puisse avoir toute sa portée, il faut que tous les faits soient connus.
Je pense donc qu’il y a lieu de déposer sur le bureau de la chambre, d’ici à une époque assez rapprochée, des pièces, que j’appellerai des documents à consulter sur la question des indemnités.
Je me suis occupé de recueillir ces renseignements. D’ici à peu de temps toutes les pièces seront coordonnées. Je pourrai, je l’espère, vous remettre ce travail avant la fin du mois.
La question urgente en ce moment (il faut bien en revenir là), ce sont les budgets des dépenses et le budget des voies et moyens.
On ne peut se le dissimuler, c’est une question de gouvernement ; il faut que les départements ministériels puissent se constituer régulièrement en matière de comptabilité, en matière de dépenses et de recettes. Il faut donc voter les deux budgets qui manquent encore et le budget des voies et moyens.
La question des indemnités que je ne prétends pas préjuger viendra à son tour. Mais je pense que la chambre, pénétrée de la nécessité d’un ordre régulier, doit donner la priorité aux questions de budgets.
C’est la proposition que je fais, sans vouloir pour cela renvoyer indéfiniment la question des indemnités.
M. Gendebien. - Je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics que tout ce qu’il a dit ne fait pas obstacle à ce que l’on fasse rapport après-demain sur la pétition de la ville de Bruxelles. Cette pétition sera renvoyée au ministre, qui donnera des explications ou fera une proposition ; ce sera toujours un pas de fait vers une solution qui ne s’est déjà que trop fait attendre.
Je ferai remarquer que la ville de Bruxelles est dans une position particulière. Il y a urgence, et la plus grande urgence de venir à son aide.
Elle est abîmée depuis longtemps par toute espèce de prestations. Ses finances étaient déjà en très mauvais état avant la révolution par toute espèce de dépenses qu’elle s’était laissée aller à faire pour complaire au roi Guillaume. La révolution a surpris la ville de Bruxelles presque ruinée par les dépenses faites pour l’embellissement de la ville et pour l’élargissement et l’approfondissement du canal, qui avait absorbé alors une somme de 700,000 florins, et qui depuis a coûté 4 ou 500,000 fr., je pense. La révolution lui a imposé d’accablants sacrifices en réduisant momentanément une grande partie de ses ressources.
La ville de Bruxelles ne peut plus satisfaire à ses engagements ; elle est dans une position à ne trouver d’espoir de salut ni dans ses ressources ordinaires, ni dans ses ressources extraordinaires. Les ressources ordinaires sont insuffisantes ; des ressources extraordinaires, elle ne peut en créer. Elle ne peut avoir aucun crédit, inspirer aucune confiance, aussi longtemps qu’il y aura incertitude sur la question de savoir si elle sera obligée de payer des indemnités de plusieurs millions pour les pillages ; il n’est personne qui veuille lui prêter aucune somme dans cette incertitude, et c’est tout naturel alors qu’on ne sait si cette malheureuse cité ne va pas être déclarée débitrice de 6 ou 7 millions de plus.
La position est si grave, que dans la séance du conseil municipal qui a lieu aujourd’hui, et à laquelle je me rends à l’instant, il est possible que nous prenions une résolution désespérée. Oui, messieurs, désespérée, car notre position n’est pas tenable. Il y a donc urgence ; il est impossible de laisser dans cette position critique la capitale qui a été le grand champ de bataille où ont été conquises nos libertés.
Eh bien, au lieu de la récompenser, toutes les fois qu’on peut spolier la ville de Bruxelles, on la spolie ; toutes les fois qu’elle réclame faveur ou même justice, on la repousse : il faut que cet état de choses change ; il ne peut pas durer, parce qu’il n’est pas tolérable.
Si, au lieu de la liberté, c’eût été le despotisme de Guillaume qui eût triomphé, la ville de Bruxelles eût été livrée au pillage ; ainsi la fortune publique a été anéantie par le succès ; les fortunes particulières eussent été anéanties, si nous eussions été vaincus. Voilà pour Bruxelles les chances et les bénéfices de la révolution. A vous à voir maintenant si vous voulez nous rendre justice. (M. Gendebien quitte la salle.)
M. Dolez. - Je suis loin de vouloir combattre les observations de l’honorable M. Gendebien. Mais je crois que dans l’intérêt même de la ville de Bruxelles il importe de ne pas séparer sa réclamation des autres réclamations du même genre. Je crois donc devoir appuyer la proposition faite par M. de Langhe, qui a demandé que la commission spéciale fît un rapport, non seulement sur toutes les réclamations formées par les régences, mais encore sur la question des indemnités en général.
M. Desmet. - Je crois que la cause de Bruxelles est tout à fait particulière. Si on veut revenir sur la question d’indemnité et de pillage, je demanderai que tout le pays soit entendu, que le gouvernement nous donne l’état de toutes les pertes qui ont eu lieu ; mais quant à la cause de Bruxelles, je la considère comme spéciale ; je prie M. le ministre d’instruire cette affaire et d’informer la chambre du résultat de l’instruction : on peut s’occuper de cette affaire sans décider le principe d’indemnité. M. le ministre pourrait faire un rapport pour le moment où on discutera son budget.
M. de Brouckere. - L’intention de la commission des pétitions est de présenter un rapport sur toutes les pétitions ayant pour objet de réclamer une indemnité pour pillages.
M. Corneli. - Il y a quatre pétitions sur cet objet, le rapport les comprendra toutes.
M. de Brouckere. - Mais on voudrait que la commission s’occupât des pertes éprouvées par des villes qui n’ont pas adressé de réclamation.
M. le président. - On n’a pas demandé que la commission s’occupât des villes qui ont éprouvé des pertes et n’ont pas adressé de réclamation, mais que le gouvernement fît un rapport sur ces pertes.
M. de Brouckere. - Je répondais à M. Dolez et je voulais faire remarquer que la commission des pétitions ne peut faire de rapport que sur les pétitions dont elle est saisie. Le moment n’est pas venu de nous occuper du fonds de la question d’indemnité.il s’agit de savoir quand le rapport sur la pétition de Bruxelles sera fait. Il ne sera pas question de prendre une décision définitive, mais de savoir si la pétition sera renvoyée au ministre et si on demandera des explications. La discussion du fonds ne vient pas aujourd’hui.
M. de Muelenaere. - J’avais demandé la parole pour faire l’observation que vient de présenter M. le président. Je n’avais pas demandé que la commission des pétitions s’occupât des pertes éprouvées par les villes qui n’ont pas fait de réclamation ; j’avais invité le ministre des travaux publics à recueillir des renseignements, afin d’avoir un travail complet pour l’époque où l’on s’occupera de cet objet. Car la première demande de la chambre sera : A combien pourra s’élever l’indemnité qui sera due ?
M. Dolez. - L’observation de l’honorable M. de Brouckere est exacte. La commission des pétitions ne peut faire de rapport que sur les pétitions dont elle est saisie ; cela est vrai ; aussi ai-je demande qu’on invitât cette commission à rechercher toutes les pétitions produites sur la matière. D’après ce que m’a dit M. Cornéli chargé du rapport des pétitions il n’en a que quatre et ne les a pas toutes, car je sais de science personnelle que la régence de Mons a fait une réclamation analogue à celle de Bruxelles, et dont il n’a pas connaissance.
Je demande donc que la commission, restant dans les limites de son mandat, fasse un rapport sur toutes les pétitions analogues à celle de Bruxelles. Quant à moi, je reconnais que si je devais, habitant de Bruxelles et en même temps député de Mons, me prononcer sur la pétition de Bruxelles, je voterais contre, tandis que si toutes les pétitions étaient réunies, je regarderais comme un devoir de voter pour. Il importe à la question, à la ville de Bruxelles comme aux autres, que les pétitions ne soient pas séparées et marchent de pair.
M. Rogier. - J’ai fait la proposition qu’on s’occupât d’un projet de loi présenté en 1833 et dont le rapport a été fait en 1836.
Qu’avait en vue le projet de 1833 ? D’indemniser ceux qui ont éprouvé des pertes par suite de l’agression hollandaise. A cette époque, il n’a pas été question d’indemniser ceux qui ont souffert des pillages en 1834. Je crois que l’intention de la chambre à cet égard a toujours été la même.
Le rapport fait par M. Quirini en 1836 n’est relatif qu’à l’indemnité à payer par suite de l’agression hollandaise. Voilà le but du projet du gouvernement sur lequel le rapport a été fait. Faut-il venir au secours des villes condamnées à payer des indemnités à ceux qui ont souffert de pillages ? C’est une tout autre question : ces pertes ne résultent pas de l’agression hollandaise, elles ont été souffertes pour d’autres motifs ; les pillages ont été provoqués par d’autres causes. Je pense que si la chambre entend que ces deux questions seront réunies, il vaut autant dire qu’il y aura ajournement indéfini sur la question d’indemnité.
Qu’on vote d’une manière ou d’autre sur la question d’indemnité, chacun reconnaît qu’il y a convenance de s’en occuper, de ne pas laisser plus longtemps ceux qui souffrent de la révolution dans la position où ils se trouvent depuis sept ans. Que la chambre prenne un parti afin qu’eux aussi puissent en prendre un.
A différentes époques la chambre a reconnu la nécessité de s’occuper de cet objet, elle a mis plusieurs fois le projet à l’ordre du jour. Probablement on décidera que le budget des voies et moyens sera ajourné à deux mois. Puisqu’on veut auparavant s’occuper des lois qui doivent exercer de l’influence sur ce budget, la loi d’indemnité pourrait se présenter comme les autres. Si cela ne se fait pas, la session se passera encore sans qu’on s’occupe de cette loi. Cela n’est ni juste ni convenable. Qu’on vote contre la loi si on juge que le trésor ne doit pas de réparation, mais que l’on vote. C’est là le but de ma proposition. Je la renouvellerai aussitôt que M. le ministre des travaux publics aura présenté le rapport qu’il a annoncé. Jamais on ne devra confondre la question de pillage et celle de l’agression hollandaise, ce sont deux questions différentes et même contraires à plusieurs égards.
M. le président. - Ainsi M. Rogier ajourne sa proposition jusqu’après le rapport annoncé par M. le ministre des travaux publics.
Quant à la proposition de M. de Brouckere, il y a été satisfait.
M. de Brouckere. - Oui, puisque le rapporteur a dit que le rapport serait fait après-demain.
M. Zoude. - Il ne sera pas possible de joindre les autres pétitions dont a parlé M. Dolez ; elles sont entre les mains de divers rapporteurs, et celle de la ville de Mons entre autres, on ne sait pas où elle est.
M. de Brouckere. - La ville de Mons en fera bien une autre.
M. le président. - Nous avons maintenant à l’ordre du jour le budget des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je ferai remarquer que les questions qui trouvent place dans la discussion générale pourraient n’être traitées qu’au chapitre IV qui est relatif aux routes, de sorte que s’il n’y avait pas d’orateurs inscrits, rien ne serait préjugé ; on pourrait voter les chapitres qui précèdent.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je me rallie sous la réserve des explications que j’aurai à donner.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. de Puydt. - Je veux faire remarquer qu’on ne s’est pas attendu à discuter ce budget ; beaucoup de membres qui se proposaient de parler ne sont pas ici.
M. de Brouckere. - Il n’y a pas d’inconvénients à laisser parler les orateurs qui sont prêts.
M. Devaux. - Nous éprouvons ce qui arrive toujours quand l’ordre de nos travaux est dans une très fausse situation. La nécessité de postposer à la nouvelle année le budget des voies et moyens prouve que nous sommes entrés dans une voie vicieuse dont il faut tâcher de sortir. En ouvrant la discussion du budget des travaux publics, nous nous y enfonçons de plus en plus ; vous êtes dans la nécessité de postposer le budget des dépenses ou celui des voies et moyens au 1er janvier. Je ne sais où cela peut nous mener, si la discussion sera longue ou courte. Si cette discussion doit être longue, ce sera aux dépens du budget des voies et moyens. Il est déjà facile d’apprécier que le délai fixé n’est pas assez long ; ce ne sera au 1er février qu’on aura terminé le budget des voies et moyens et les diverses lois qui s’y rattachent.
Il faut donc tâcher de rapprocher autant que possible le vote du budget des voies et moyens ; car pour le budget des dépenses y a toujours un remède. Les crédits provisoires sont un mal auquel on peut remédier ; car ils peuvent se régulariser. Mais si vous perdez 2 ou 3 mois de recettes, vous ne pourrez les retrouver ; vous perdrez 2 ou 3 mois d’impôt.
Si le budget des voies et moyens n’est voté qu’au mois de mars, sur les nouveaux impôts sur les sucres et sur les débitants de boissons, vous aurez perdu 3 mois d’impôt ; car vous ne pourrez donner d’effet rétroactif à la loi, quant à ces dispositions-là. Ce serait plusieurs centaines de mille francs que vous perdriez. Je crois donc, je le répète, qu’il faut tâcher de rapprocher la discussion du budget des voies et moyens. Pour cela il ne faut pas s’occuper des budgets des dépenses avant le budget des voies et moyens à l’exception du budget de la guerre, parce que les dépenses de ce budget sont si fortes qu’il est nécessaire de les connaître. Si donc on est prêt à discuter le budget de la guerre, je demande qu’on le discute. Mais M. le ministre de la guerre est malade, nous ne pouvons donc discuter le budget de ce département. Que faire donc ? Se hâter de discuter le projet de loi présenté par M. le ministre des finances, et ensuite aborder les dispositions du budget des voies et moyens relatives à l’impôt sur les sucres et sur les débitants de boissons.
Un membre. - Et la loi relative au timbre des journaux.
M. Devaux. - Cette loi n’est pas aussi pressée, parce qu’elle ne peut pas influer sur le chiffre.
Il faut aujourd’hui examiner la loi présentée par M. le ministre des finances, et ensuite aborder la discussion des deux lois que je viens d’indiquer, et qui doivent fournir des ressources nouvelles au trésor. Ces lois pourront être mises à exécution avant le vote définitif du budget des voies et moyens, et ainsi vous éviterez un déficit de 2 ou 3 millions.
Je pense donc que la commission pourrait se réunir pour examiner le projet de loi présenté par M. le ministre des finances, qu’on pourrait ensuite examiner le budget des voies et moyens en commençant par l’impôt sur les sucres et sur les débitants de boissons, et en s’occupant ensuite de la question des ventes à l’encan, s’il est pris une disposition à cet égard ; en réglant enfin en premier lieu toutes les dispositions qui doivent fournir des ressources nouvelles à l’Etat, pour le cas où l’adoption du budget des voies et moyens serait reculée jusqu’au mois de mars.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous avons tout le temps de terminer avant le 1er février toutes les lois dont vient de parler l’honorable préopinant, car remarquez qu’il reste ainsi 48 jours devant nous. Il ne s’agira pas, j’espère, cette année, d’aller en vacances au 1er janvier ; on pourra les prendre en février aussi longues que l’on voudra. L’intérêt du pays avant tout, messieurs ; il me semble que nous pouvons bien sacrifier les huit jours de vacances que nous avons l’habitude de prendre au 1er janvier, lorsque l’intérêt du pays le réclame si impérieusement.
Je suis d’accord avec l’honorable M. Devaux qu’il faut aborder en premier lieu les lois qui peuvent influer sur le budget comme celles sur les sucres et les débitants de boissons distillées ; mais il me semble que d’ici à lundi, jour où l’on pourrait utilement commencer la loi sur les sucres, rien n’empêche d’entreprendre le budget des travaux publics ; commençons aujourd’hui la discussion générale, sauf à ne pas la clore et à la continuer demain ; de cette manière, il serait facile de terminer samedi la discussion de ce budget. On saurait du reste assez d’avance que lundi commencerait la discussion sur la question des sucres, et qu’immédiatement après viendrait la discussion sur les débitants de boissons distillées, de sorte que le temps serait bien employé.
Pendant la discussion générale du budget des travaux publics, la section centrale pourrait se réunir dans un autre local pour examiner le projet que j’ai présenté à l’ouverture de la séance, et rien n’empêcherait que le rapport fût fait dans cette séance même ainsi que l’ont demandé deux honorables préopinants.
M. de Brouckere. - Le budget des travaux publics sera terminé samedi.
M. Devaux. - Je ne m’oppose pas à la discussion du budget des travaux publics, du moment qu’il doit en résulter l’ajournement des lois de finances à lundi seulement.
M. Rogier. - L’ordre du jour de lundi est donc la question des sucres.
- La chambre consultée décide que la question des sucres sera mise à l’ordre du jour de lundi.
M. le président. - La discussion est ouverte sur du budget. La parole est à M. de Renesse.
M. de Renesse. - Les soins particuliers que les sections et la section centrale ont donnés à l’examen du budget des travaux publics démontrent l’intérêt que l’on attache en général à tout ce qui peut améliorer le système de communication entre les diverses parties du royaume, que l’on désire voir se lier entre elles et avec le chemin de fer ; aussi, lorsque le gouvernement proposa le projet de loi de l’emprunt de six millions, les chambres s’empressèrent de le voter, avec l’intention évidemment de l’affecter au plus tôt à l’établissement des routes pavées et ferrées, surtout dans les localités où le besoin s’en faisait le plus sentir ; cependant, d’après le rapport de la section centrale, il paraît qu’au 30 septembre dernier, M. le ministre des travaux publics n’avait encore dépensé qu’une somme très minime pour les constructions de routes, tandis que plusieurs conseils provinciaux, et particulièrement celui du Limbourg, à la suite de leur premier session de 1836, demandèrent avec instance d’obtenir des subsides réclamés par tous, pour les diverses localités dont le bien-être matériel ne peut s’améliorer que par la facilité de communications avec les marchés où elles doivent nécessairement vendre les produits de leur agriculture ; il paraîtrait, en outre, que M. le ministre aurait disposé, l’année dernière, d’une partie de l’excédant du produit des barrières, pour acquitter les intérêts de l’emprunt de 6 millions, tandis que la loi sur la taxe des barrières exige impérieusement que cet excédant soit exclusivement consacre à l’ouverture de routes nouvelles. Je ne sais jusqu’à quel point M. le ministre a été fondé à faire un tel emprunt à ce fonds, et ainsi lui donner une autre destination que celle voulue par la loi. Il me semble qu’il eût été plus rationnel d’employer cette somme, avec une partie de l’emprunt de 6 millions, en subsides à accorder pour constructions de routes dans les districts qui jusqu’à présent ont été presque oubliés par le gouvernement, et qui manquent de communications pendant une partie de l’année, par suite de l’état déplorable des chemins vicinaux.
Je crois ici devoir recommander à l’attention toute particulière de M. le ministre des travaux publics les districts de Ruremonde et de Maestricht, dont les habitants depuis 1831, ainsi que leurs députés, n’ont cessé de réclamer d’être traités sur le même pied que les autres parties de la Belgique, et demandent surtout une plus juste répartition des fonds entre les diverses localités de la province de Limbourg, dont l’un des districts a été singulièrement favorisé au détriment des réclamants.
Jusqu’à présent, on leur a toujours opposé que leur situation politique ne permettait point la construction de certaines routes. Il me semble cependant qu’il faut prendre en considération que les intérêts de l’industrie et de l’agriculture de ces deux districts seraient gravement compromis, si le gouvernement persistait dans sa résolution de leur refuser les routes qui leur sont indispensables pour exporter lents produits, avec concurrence et avantage, vers les divers marchés de la Belgique.
Ces districts, depuis la révolution, n’ont eu guère aucun avantage de leur réunion à la Belgique ; ils ont à supporter toutes les charges et surtout celles, si vexantes, qui résultent des diverses lois de douanes qui atteignent particulièrement le district de Maestricht. Si ainsi les habitants de ces districts doivent supporter des vexations et des gênes par l’exercice des douanes ; s’ils doivent, dans l’intérêt général, se soumettre, avec l’espoir d’un meilleur avenir, à ces lois exceptionnelles, il est équitable de leur donner, en compensation, de bons moyens de communication, et faciliter ainsi le progrès de leur bien-être matériel qui n’a été que déjà trop longtemps méconnu.
Dans les sessions du conseil provincial du Limbourg de 1830 et de 1837, ce conseil a voté un plan général de routes, et a demandé au gouvernement de lui accorder des subsides ; cette démarche n’a obtenu aucun résultat, et la province, faute de pouvoir contracter un emprunt, s’est adressée à la législature pour obtenir la garantie qui lui est nécessaire pour être en état de le contracter. Cette pétition a été renvoyée à MM. les ministres des travaux publics et des finances ; mais jusqu’à présent ces ministres ne se sont pas encore expliqués à l’égard de cette demande ; je me vois donc forcé de les interpeller et de leur demander si le gouvernement compte mettre cette province en état de pouvoir construire les routes les plus indispensables, soit en lui garantissant l’emprunt, soit en lui avançant à intérêts les 500,000 fr. demandés ?
Les districts de Ruremonde et de Maestricht, sous un autre rapport, adressent aussi des réclamations au gouvernement ; il paraît, d’après les plans du chemin de fer, que toute la province de Limbourg n’obtiendrait qu’un bout de chemin, dont l’établissement, évalué à un million, doit seulement aboutir à l’extrême frontière de cette province ; aussi le conseil provincial et une masse des habitants de ces districts se sont adressés au gouvernement pour obtenir un embranchement qui, en se dirigeant vers le canal près de Maestricht, faciliterait aux populations des districts de Ruremonde et de Maestricht l’accès au chemin de fer de Liége : ce serait une compensation raisonnable pont la part pour laquelle elles contribuent chaque année à la construction des chemins de fer ; construction qui coûtera, certes, à l’Etat plus de 50 millions de fr. avant son achèvement. Il serait donc injuste et hors de toute proportion de n’accorder au Limbourg qu’un échantillon du chemin de fer, qui ne serait d’aucune utilité pour la plus grande partie des habitants de ce pays.
Si cependant de graves difficultés (ce que je ne pense pas) se présentaient à l’exécution du chemin de fer réclamé par le conseil provincial et par les habitants des districts les plus populeux de cette province, je demanderais du moins qu’un embranchement soit construit jusqu’à Tongres, ou que l’on accorde à la province la somme qui eût été destinée à l’établissement d’un chemin de fer, afin de pouvoir l’employer à la construction de routes ordinaires et canaux, ce qui faciliterait la communication de ces districts avec le chemin de fer principal.
J’espère que M. le ministre des travaux publics aura égard aux légitimes réclamations des habitants des districts de Maestricht et de Ruremonde ; que non seulement ils obtiendront une part équitable dans l’emprunt des 6 millions, mais aussi l’embranchement du chemin de fer, qui sera le plus utile à la majorité de la population de cette province. Si je n’obtenais pas l’assurance formelle, pendant la discussion actuelle, que M. le ministre compte faire au plus tôt droit aux nombreuses réclamations de ces deux districts, je me croirais forcé de ne pas donner mon vote approbatif à son budget, parce que je vois que, jusqu’à présent, il n’y a pas eu une juste et convenable répartition des différents fonds alloués pour les constructions de routes, et que certaines localités ont été singulièrement avantagées au détriment des districts pour lesquels je réclame dorénavant une plus juste répartition.
M. Beerenbroeck. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics me fournit l’occasion de me plaindre du système que M. le ministre des travaux publics a adopté dans les autorisations des subsides de nouvelles routes dans les différentes provinces du royaume ; et bien que mes plaintes se rapportent spécialement à une partie d’une province que j’ai l’honneur de représenter dans cette assemblée, elles ne rentrent pas moins dans l’intérêt général, puisque la justice distributive doit être la base d’un gouvernement.
A chaque discussion du budget, les députés du Limbourg vous ont signalé le manque absolu de routes dans cette province ; ils ont reproché au gouvernement l’indifférence qu’il montrait pour ce pays, et toujours vous avez entendu les ministres protester de leurs bonnes intentions envers nous. Ils s’occupaient sérieusement des projets de routes ; les autorisations seraient accordées au fur et à mesure que les plans seraient examinés : mais le gouvernement n’avait pas assez de fonds à sa disposition, il attendait l’adoption du projet de loi des 30 millions dont 6 pour constructions des routes ordinaires.
Ce projet fut convertit en loi l’année dernière ; dès lors nous étions fondés à croire qu’on allait mettre la main à l’œuvre, d’autant plus que le ministre proclama, dans la discussion de ce projet dans cette enceinte et au sénat, que les provinces qui manquaient le plus de routes, et probablement on voulait faire allusion au Limbourg et au Luxembourg, auraient une large part dans cet emprunt.
Vous seriez dans l’erreur, messieurs, si vous croyiez que le gouvernement a exécuté des engagements aussi formels. Il est vrai que plusieurs routes ont été mises à l’étude, mais aucune n’a été autorisée. Depuis la loi des 30 millions on ne peut plus nous opposer le manque de fonds ; mais on a trouvé un autre moyen pour ne pas nous ouvrir le trésor de l’Etat, c’est maintenant le génie militaire qui s’oppose à presque toutes les routes que le conseil provincial a votées, sous prétexte qu’elles doivent faciliter l’invasion de l’armée hollandaise.
Puisque le gouvernement, pour nous condamner au silence, veut nous opposer le système du comité du génie, je suis forcé de dire mon opinion sur ce système.
Ce comité raisonne comme si nous devions être attaqués, mais s’il est vrai, ce que je suis loin d’admettre, que les routes vers la frontière hollandaise peuvent favoriser l’invasion d’une armée ennemie, je puis tout aussi bien tourner l’argument en ma faveur et dire que ces mêmes routes nous seraient tout aussi utiles, si un jour nous voulions entreprendre une guerre offensive, car personne ne contestera à la Belgique la possibilité d’envahir tout aussi bien le Brabant septentrional que le Hollandais peut envahir la Belgique ; et d’ailleurs il m’est facile de prouver que l’absence de grandes communications dans le Limbourg n’est pas un obstacle au passage d’une armée. Nous avons l’expérience pour nous, lorsque par nos chemins vicinaux qui sont praticables en toute saison, surtout ceux qui se dirigent vers la frontière hollandaise, nous avons vu passer une grande partie de l’armée française avec son matériel qui se rendait en Russie.
Si le système du génie devait prévaloir dans les décisions du ministre, malheur au Limbourg, situé à la frontière. Presque toutes les routes que le conseil provincial a projetées resteront inachevées ; l’emprunt de 6 millions qui devait en grande partie être employé dans cette province disparaîtra de la caisse de l’Etat, et le Limbourg, qui fait de si énormes sacrifices depuis 7 ans, devra renoncer à tout espoir d’amélioration ou de prospérité. Ses habitants contribueront dans toutes les charges du pays, son argent servira à construire des chemins de fer, d’élever des palais somptueux ; mais on ne lui accordera rien pour se relever de la position critique dans laquelle il est plongé...
Mais M. le ministre croit-il par exemple que la décision du comité du génie suffit pour nous fermer la bouche ? Il se tromperait : nous savons que son avis n’est que consultatif ; rien n’oblige le ministre de s’y conformer, il peut proposer à l’approbation du Roi la construction d’une route, quand même le génie s’y oppose ; et d’ailleurs, ce ne serait pas la première fois qu’une pareille décision serait prise.
Je voudrais être dans l’erreur, mais il faut que je dise toute ma pensée : je crois, et cette opinion est généralement partagée par les habitants de mon arrondissement, que le gouvernement évite autant qu’il le peut d’accorder la construction de nouvelles routes dans cette partie de la province, pour ne pas être obligé de lui accorder des subsides. Si tel est son système, j’en conviens, rien de plus commode pour lui que de se retrancher derrière l’opposition du génie. Je m’attends à une réponse du ministre, il me dira qu’on a construit plus d’une route dans le Limbourg : oui, on y a construit des routes ; mais est-ce dans l’arrondissement de Ruremonde ou de Maestricht ? Non ; l’arrondissement de Hasselt seul a paru mériter l’attention du gouvernement ; dans celui de Ruremonde rien n’a été fait, si ce n’est la route de Ruremonde à Venloo, qui n’a rien coûté à l’Etat ; la province seule en paie les frais.
Le conseil provincial a voté entre autres une route des frontières de Prusse par Ruremonde et Weert sur Beeringen. Cette route est incontestablement la plus importante qu’on puisse faire en faveur de l’arrondissement de Ruremonde et de la Campine, parce qu’elle nous mettrait en relation directe avec le Brabant, Anvers, et une partie des provinces rhénanes ; mais puisqu’il ne plaît pas au comité du génie de l’approuver, elle ne sera pas faite. On nous promet maintenant une partie de cette route entre Ruremonde et la grande route, distante d’une lieue, qu’on aurait dû faire depuis longtemps, tellement elle est urgente. Mes collègues savent quelles démarches nous avons dû faire pour arracher cette concession au ministre. C’est l’absence de cette route qui, l’hiver dernier, a coûté la vie à sept personnes, et peut-être a-t-il fallu ce triste événement pour déterminer le gouvernement à céder enfin à nos pressantes sollicitations.
La loi du 6 mai dernier ordonne que la province du Limbourg sera rattachée au chemin de fer : j’ignore à quelle époque nous verrons l’achèvement de cette entreprise, et sans vouloir contester l’utilité d’un chemin de fer, je n’hésite pas à dire que si le gouvernement se borne, comme il paraît qu’il en a l’intention, à faire un embranchement de deux lieues, il serait plus avantageux pour cette province agricole où l’absence de routes se fait partout sentir, que cette somme fût appliquée à des routes pavées ou empierrées : de cette manière les trois arrondissements en profiteront, tandis que, par le chemin de fer proposé, ce n’est qu’une très petite partie du Limbourg qui en retirera quelques avantages.
Peu de temps après la révolution, il était question de continuer le grand canal du Nord, commencé sous l’empire, et qui était destiné à réunir le Rhin à l’Escaut. Ce projet d’une si haute importance pour le Limbourg, qu’il traverse sur une longueur de plus de 12 lieues, a été abandonné à cause des événements politiques qui sont survenus, mais qui, me semble-t-il, n’existent plus. Il y a deux ans, on nous fit espérer un projet qui, sans être d’une aussi grande utilité pour tout le Limbourg que le canal du Nord, était cependant destiné à lui procurer un grand bien-être, je veux parler du projet de la canalisation de la Campine, pays intéressant, négligé par tous les gouvernements précédents et si susceptible d’importantes améliorations. Une commission d’enquête sur ce projet a été nommée dans les provinces d’Anvers et de Limbourg ; elle devait se réunir à Anvers. On s’imaginait qu’on allait s’occuper de cet important projet : huit mois se sont écoulés, et jamais la commission d’enquête n’a été convoquée par le ministère.
Vous voyez, messieurs, que tout ce que le gouvernement a fait pour nous s’est borné à quelques démonstrations ; on nous a fait des promesses et rien de plus, et toutes les assertions de nos ministres, que nous jouissons d’une égale protection, sont démenties par les faits. Nous avons contribué à remplir les coffres vides de l’Etat, mais depuis qu’ils sont remplis, ils sont fermés pour nous. Nous avons enfin besoin de connaître les intentions du gouvernement à notre égard ; nous ne demandons pas de faveur, mais justice, et rien de plus.
Je demande donc formellement que M. le ministre veuille s’expliquer ; je désire savoir si, pour ce qui regarde les routes, il continuera se conformer à l’avis consultatif du comité du génie ; je désire enfin savoir si nous aurons des routes. Des promesses comme celles qu’on nous a faites depuis trois ans ne peuvent plus me satisfaire, j’en veux de plus formelles, sinon je saurai quel sera le vote que j’émettrai dans ce budget ; et que le gouvernement le sache bien, en agissant ainsi, je n’aurai pas seulement satisfait à ma conviction, mais encore aux vœux unanimes de mes commettants.
La chambre voudra bien me pardonner d’avoir défendu ce qu’on appelle les intérêts de localité dans une assemblée où l’on ne devrait traiter que d’intérêts généraux ; mais il n’est qu’un moyen d’éviter cette discussion, c’est d’être juste envers toutes les localités : mais comme le gouvernement ne l’a pas été envers l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter, c’était un devoir pour moi de ne pas garder le silence, qu’on aurait pu envisager comme une approbation aux actes du ministère des travaux publics.
M. de Nef. - Messieurs, je ne puis que répéter ce que j’ai dit souvent dans cette enceinte. Vous êtes tous convaincus qu’une province entière est à conquérir dans la Campine anversoise et limbourgeoise, en y rendant fertiles les bruyères nombreuses qui sont susceptibles de l’être.
Pour arriver à cet heureux résultat, qui constituerait un bénéfice énorme pour le pays tout entier, il ne manque que des communications propres au transport de l’engrais ; jusqu’ici les projets dont il a été successivement question à ce sujet sont restés sans exécution, et cependant, outre qu’il y va de l’intérêt général, la Campine, par le patriotisme qu’elle a montré en 1830 et par les sacrifices et les charges de tout genre qu’elle a supportés depuis lors, a certes bien acquis le droit de n’être point oubliée.
Des chemins de fer sur une petite échelle existent déjà dans le Hainaut ; je pense que l’on pourrait avec bien moins de frais en établir de pareils dans la Campine, où le terrain est plat et ne coûterait presque rien à acquérir. On pourrait employer à cet effet une partie des six millions destinés pour l’établissement de nouvelles communications. Toutefois le gouvernement devrait encore prendre en considération que dans cette contrée, qui a toujours été abandonnée, les communes sont en général dénuées de ressources, de sorte que si on voulait y appliquer la règle de n’accorder que des subsides proportionnés aux sacrifices faits par les communes, ces subsides se réduiraient à presque rien. Cette règle qui est très bonne pour les localités renfermant des communes très florissantes, doit nécessairement souffrir exception là où la plupart des communes sont pauvres ou du moins dotées de peu de moyens ; vouloir y suivre également cette proportion serait une amère dérision, et j’espère bien que le gouvernement n’enlèvera pas à ces dernières communes un espoir bien légitime, en exigeant d’elles des sacrifices qui leur sont impossibles. Comptant enfin sur le zèle et l’activité de M. le ministre des travaux publics, j’espère que loin de se borner à des projets, le gouvernement fera mettre une bonne fois la main à l’œuvre en exécutant des communications d’une utilité incontestable, et je prie, en conséquence, M. le ministre de vouloir nous donner une explication satisfaisante et qui nous donne l’assurance d’une prochaine exécution.
M. Peeters. - Je partage entièrement ce que viennent de vous dire mes honorables collègues, représentants de la Campine, pour vous prouver l’oubli où on a laissé jusqu’à présent cette intéressante partie de notre pays : je viens demander à mon tour quelques explications à M. le ministre des travaux publics.
Je désirerais savoir si M. le ministre s’occupe de la construction de la route de Turnhout à Diest, et s’il compte d’en faire commencer le pavement pour la saison prochaine.
Cette route a été décrétée il y a quatre ans ; le tracé en figure même sur des cartes géographiques faites il y a vingt ans : aussi le voyageur est bien étonné d’y trouver, au lieu d’une route pavée, des chemins presque impraticables.
Je désirerais aussi savoir si M. le ministre s’occupe également d’autres travaux d’utilité publique et constructions de routes demandés unanimement pour la Campine par le conseil provincial d’Anvers, afin de mettre la province d’Anvers en rapport direct avec la province du Limbourg. Il est plus que temps, messieurs, qu’on s’occupe d’un pays qui a été oublié par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis quarante ans.
Malgré les grands efforts qu’a faits la province d’Anvers pour doter la Campine de quelques communications, l’arrondissement de Turnhout, d’une étendue de 140,000 hectares, et contenant une population d’environ 90,000 habitants, par conséquent la quarante-sixième partie de la population de toute la Belgique, ne possède jusqu’à ce jour en routes pavées ou autres bonnes communications qu’un petit bout de la route d’Anvers à Turnhout d’environ sept mille mètres ou une lieue et demie de longueur.
Comparez cet état de choses avec le grand nombre de routes que vous trouvez dans d’autres parties du pays, et vous serez convaincus que la Campine n’a pas la dixième partie des routes qui lui reviendraient de droit en proportion de sa population et de son étendue ; il serait impossible de citer une localité si mal partagée en routes et autres moyens de communication que l’arrondissement de Turnhout.
Cette disproportion a été rendue encore plus grande par l’établissement des chemins de fer, que je n’ose pas espérer de voir s’établir dans la Campine, pays qui, sans aucune compensation, a été obligé de contribuer pour sa part dans les constructions des routes et autres travaux d’utilité publique qu’on a exécutés dans notre pays depuis quarante ans.
Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir s’expliquer à cet égard, et si ces explications ne sont pas satisfaisantes, je déclare que je voterai contre le budget.
M. de Langhe. - Je suis fâché de ne pas avoir un bout de chemin de fer dont je puisse vous entretenir ; mais j’ai beau chercher, je n’en trouve pas. Sous ce rapport, c’est nous qui sommes des parias. Cependant j’aurais des considérations générales à faire valoir pour obtenir un chemin de fer d’Ypres à Courtray joignant celui de Gand à la frontière française.
Ce chemin de fer aurait l’avantage de communiquer avec deux points du littoral de la mer, savoir : Nieuport au moyen du canal d’Ypres, vers cette ville et Dunkerque au moyen du canal d’Ypres vers Furnes et de là à Dunkerque.
Mais je ne demande rien pour le moment, Je me bornerai à prier M. le ministre des travaux publics, dont l’activité nous est connue, d’achever les grandes communications à construire. Si après cela il reste encore des fonds pour des chemins de fer, alors si j’ai encore l’honneur de siéger dans cette enceinte, je ferai une demande pour ma localité.
Pour le moment je ne demande rien. Je demande seulement que la chambre et le gouvernement prennent note de mon observation.
Mais si, en fait de chemin de fer, je ne demande rien, j’ai quelque chose à demander en fait de routes pavées. On s’occupe exclusivement de chemins de fer. On néglige les routes pavées. Je désirerais qu’on se remît à s’en occuper, pour savoir si le gouvernement s’est occupé de ce moyen de communication et quelles sont ses intentions à cet égard. Je citerai les communications de Dixmude à Pervyse, et de Poperinghe à Steenvoorde (France).
Je citerai le besoin généralement éprouvé d’une communication entre les deux routes d’Ypres à Dunkerque et d’Ypres à Furnes et vers Westvleteren, qui traverserait un pays fort intéressant et qui ne demande que des communications pour prospérer.
Je prie M. le ministre de me répondre un mot à cet égard pour éclairer mon vote.
M. Angillis. - Je n’étais nullement préparé à parler dans la discussion, et par une raison très simple ; je croyais parler et même assez longuement, contre mon habitude, sur les voies et moyens ; mais comme plusieurs orateurs ont élevé la voix pour ce qu’on appelle leur clocher, et que je trouve leurs réclamations très justes, je me permettrai aussi de demander pour le mien ; et je me le permettrai d’autant plus que jamais dans cette chambre je n’ai fait de semblables réclamations.
Dans ma contrée il existe une lacune importante pour joindre deux grandes voies de communication, ou deux grands pavés ; afin de remplir cette lacune, il faudrait une route de Roulers à lseghem, passant par Rumbeke.
Les petites villes et les villages que cette nouvelle communication traverserait ont une population de 20 à 30 mille âmes, et les populations des environs font un total de peut-être 60 mille âmes. Les frais de construction de cette route sont évalués à 112,000 fr. Les localités proposent 57,000 fr. ; la province ajoutera 25,000 fr. ; il resterait une somme de 30,000 à 40,000 fr. à demander au gouvernement.
Le chemin de terre qui existe à présent est peut-être le plus fréquenté de tout le pays ; mais il est impraticable actuellement, ou tous les hivers.
Je suis donc dans mon droit en réclamant la somme de 30 à 40,000 fr., parce que si nous payons une large part dans l’intérêt de l’association politique, il faut aussi que nous ayons part dans les travaux que fait faire cette association.
Je demande que le ministre veuille bien dire si le gouvernement est décidé à faire droit à notre requête, ou les motifs qui la feraient rejeter.
M. Desmanet de Biesme. - Le budget des travaux publics est l’occasion de l’examen de nos moyens de communication, et je n’éprouve aucune espèce d’embarras pour parler sur ces grandes voies qui doivent lier l’Escaut au Rhin, l’Escaut à la France par le Hainaut. Une forte partie des travaux sont exécutés ; et l’année dernière nous avions cru le moment arrivé où nous pouvions réclamer notre part dans les chemins de fer, pour mettre Namur en communication avec Tirlemont.
Depuis lors le ministre des travaux publics a dit officieusement qu’on s’occupait de ce projet ; mais j’ai quelque crainte à cet égard. Toutes les commissions qui se sont assemblées pour examiner cet objet, ont demandé que Namur fût lié par un embranchement à Tirlemont. Le ministre des travaux publics a dit qu’on cherchait diverses directions ; mais je crains qu’on n’étudie les directions trop longtemps et que nous n’ayons rien. Je demanderai si les travaux préparatoires ou les études auront un terme prochain. Sous beaucoup de points, notre industrie est la même que celle de Liége ; et nous nous trouverions dans une situation défavorable si la province de Liége pouvait conduire ses produits à bon marché vers l’Escaut, tandis que nous ne le pourrions pas. Je demande des explications relativement à l’embranchement de Namur sur Tirlemont.
M. A. Rodenbach. - Je crois devoir appuyer ce que l’honorable député de Courtray vient de vous exposer. Voilà six années que nous demandons un complément d’allocation, et nous n’avons rien obtenu ; cette année nous serons peut-être plus heureux. Les communes et la province ont voté des fonds ; elles ont donné l’exemple, et il faut espérer que le gouvernement ne nous refusera pas une faible somme pour compléter une dépense si importante. Si nos trop justes réclamations sont toujours repoussées, je serai obligé de voter contre les budgets ; et je veux enfin que justice nous soit rendue.
M. de Roo. - Puisque l’on nous entretient des routes, je demanderai où en est celle qui, allant de la ville de Thielt, chef-lieu de district, à la ville d’Eecloo, autre chef-lieu de district, aurait un point d’intersection avec le chemin de fer à Aeltre. Les fonds de cette route sont faits par les communes, de sorte qu’il ne s’agit plus de la part du gouvernement que d’un supplément.
Comment sera-t-il possible à une population de quatre ou cinq mille âmes de se procurer les avantages du chemin de fer, si l’on n’établit pas cette route ? Cependant ceux qui ont contribué à payer le chemin de fer, doivent avoir les moyens d’en jouir ; cette demande est dans l’intérêt de l’Etat, puisqu’elle augmentera les revenus et l’utilité du chemin de fer.
Je demanderai des explications sur ce sujet.
M. Eloy de Burdinne. - Puisque tout le monde adresse des demandes au ministre des travaux publics, j’en ferai aussi. Une route est en construction depuis six ou sept ans dans la province de Liége ; elle part de Huy et va à Tirlemont ; elle est déjà à mi-chemin. A la vérité, une société d’actionnaires l’avait entreprise ; cette société recevait un subside de la province de 160,000 fr., et le gouvernement a donné aussi de petits subsides. Les actionnaires ont cédé au gouvernement les 160,000 fr., à condition qu’il terminerait la route jusqu’à Tirlemont ; mais elle est toujours à faire à partir de Huy.
Un autre point, sur lequel nous croyons devoir attirer l’attention du ministre des travaux publics, c’est sur la route, en projet, à peu près dans les mêmes contrées, et qui va rejoindre la route de Liège à Marche : il y a trois lieues à faire ; il y a une société qui présente les fonds pour en construire les deux tiers. Je prierai le ministre des travaux publics de nous dire s’il ne pourrait pas accorder des fonds pour terminer cette voie de communication qui lierait entre elles la province de Luxembourg, la Campine et Anvers. La province de Luxembourg est intéressée à la voir construire aussi bien que la province de Liége.
J’appelle l’attention du ministre des travaux publics sur ces objets, et j’attends sa réponse.
M. F. de Mérode. - Il me semble, messieurs, que loin de se plaindre de ce que M. le ministre des travaux publics ne va pas assez vite en besogne, en ce qui concerne le chemin de fer, on pourrait plutôt lui adresser des reproches contraires : un chemin de fer a été fait de Bruxelles jusqu’à Anvers et jusqu’à Gand ; un autre se dirige vers Liége, et les quatre principales villes de la Belgique se trouvent ainsi réunies ; je ne vois pas qu’il soit maintenant nécessaire de se presser tant pour la partie qui se dirige vers Ostende : Gand et Bruges sont liées entre elles par un canal, il en est de même pour Bruges et Ostende ; le commerce a donc toutes les facilités désirables pour les communications. Je crois, messieurs, que s’il faut presser quelque part les travaux du chemin de fer, c’est dans le Hainaut qui n’a aucune communication semblable à celles dont je viens de parler.
Que résulte-t-il messieurs, de l’activité extraordinaire qui a été imprimée aux travaux du chemin de fer ? C’est que la main d’œuvre augmente, c’est que le prix du fer augmente, et que par suite de cela on crée un nombre excessif d’usines partout où l’on peut en établir ; ainsi dans les environs de Charleroy, où il y a déjà un nombre considérable de hauts fourneaux, ou en ajoute encore tous les jours ; or, il ne sera pas possible d’entretenir constamment toutes ces usines, et après avoir prospéré pendant quelque temps à cause des travaux extraordinaires des chemins de fer, elles finiront nécessairement par tomber à plat. On aura ainsi réuni de grandes populations dans certaines localités, on aura fait naître des besoins excessifs, et l’on ne pourra pas continuer de satisfaire ces besoins.
Voilà, messieurs, ce que je crains. Il est possible que je me trompe, mais je crois qu’il est très imprudent de donner à une industrie des développements dont on ne peut pas lui assurer le maintien.
Qu’on ne pense pas, messieurs, que je sois opposé aux intérêts des Flandres, parce que j’ai parlé du chemin de fer de Gand à Ostende ; je ne crois pas que les Flandres puissent retirer un grand avantage de cette nouvelle communication : quant au commerce, il n’y profitera certainement pas beaucoup ; les voyageurs y trouveront un peu plus de facilité, mais ils ont déjà une facilité bien grande, puisque le chemin de fer est terminé jusqu’à Gand et qu’il y a ensuite des canaux depuis Gand jusqu’à Ostende. Je ne suis donc pas contraire aux intérêts des Flandres : on sait que dans toutes les occasions j’ai voté pour les mesures qui pouvaient être utiles à ces provinces, comme par exemple le canal de Zelzaete qui me paraît quelque chose de bien plus avantageux pour les Flandres que le chemin de fer de Gand à Ostende.
Les autres routes souffrent beaucoup, messieurs, de l’emploi de sommes si considérables consacrées tout à la fois au chemin de fer ; beaucoup de députés se plaignent de ce qu’on ne fait pas de routes ordinaires dans leurs provinces ; ainsi dans la Campine on n’a rien fait jusqu’à présent ; dans le Limbourg on n’a encore créé pour ainsi dire aucune communication. On s’est occupé d’une seule construction que je félicite beaucoup M. le ministre des travaux publics d’avoir décidée, c’est la route de Ruremonde à Venloo, qui est de la plus urgente nécessité ; j’espère qu’on continuera à faciliter un peu les communications dans la province de Limbourg qui a été plus ou moins sacrifiée par le traité du 1er novembre, et qui, par conséquent, a plus qu’aucune autre des droits à notre sollicitude. Ce que je dis ici du Limbourg s’applique également au Luxembourg.
J’ai encore une observation à faire, messieurs, qui me semble trouver sa place dans la discussion générale ; elle concerne le choix des barrières. La loi sur cette matière me paraît conçue d’une manière favorable au commerce, en ce qu’elle autorise souvent les surcharges pour le roulage qui se fait d’une grande ville à une autre, et qui sert au commerce ; mais l’agriculture est loin d’être favorisée de la même manière : ainsi l’on empêche les cultivateurs de se rendre de leur village à la ville prochaine avec un chariot à quatre roues, à jantes ordinaires, attelé de deux chevaux. Cependant, un chariot à quatre roues, attelé de deux chevaux, ne peut jamais nuire aux routes, lors même que les roues ne sont pas à larges jantes. Eh bien, messieurs, dans les pays montueux la nécessité d’avoir de larges jantes est très nuisible aux cultivateurs. Je citerai entre autres une partie du Hainaut et le Luxembourg, où il est extrêmement nuisible aux habitants de ne pas pouvoir circuler sur les routes avec des voitures à quatre roues, à jantes ordinaires, attelées de deux chevaux : je crois que les honorables députés des localités que je cite, pourraient appuyer mes observations. La facilité que je réclame pour les cultivateurs ne pourrait avoir aucun inconvénient ; elle ne ferait qu’activer la circulation, et par conséquent donner lieu à une augmentation du produit des barrières.
Je bornerai là mes observations, pour ne pas prendre plus longtemps les moments de la chambre.
M. Donny. - M. le ministre des travaux publics a réellement du malheur, messieurs, en ce qui concerne la section d’Ostende, Vous venez d’entendre l’honorable membre qui se plaint de ce que M. le ministre met trop d’activité dans les travaux de cette section, et moi je viens de mon côté me plaindre de ce qu’il n’en fait pas assez. Il n’en met pas assez, messieurs, parce que, malgré tout ce qu’on peut dire, et malgré tout ce qu’on dit, il a laissé passer la bonne saison sans faire travailler dans les bas-fonds qui se trouvent entre Bruges et Ostende, et que par là il s’est très probablement mis dans l’impossibilité de faire marcher les travaux sur ce point, avant le mois d’avril prochain, bien qu’il ait promis que la section d’Ostende pourra être ouverte pour le mois de mai.
Pourquoi l’honorable membre trouve-t-il qu’on ait travaillé avec trop d’activité ? Parce que, dit-il, on a achevé le chemin de fer entre Bruxelles, Anvers, Gand et Liége, et que, cela fait, il importe assez peu qu’on arrive plus tôt ou plus tard à l’embranchement d’Ostende et à d’autres sections similaires. » C’est là, messieurs, la reproduction du système dont je me suis plaint si souvent à la chambre, du système de certaines personnes qui n’ont jamais voulu voir dans le chemin de fer qu’une communication à établir entre quelques villes privilégiées du royaume, sans s’embarrasser le moins du monde de la question de savoir si cette communication établie en faveur de quelques villes privilégiées ne devait pas nuire à d’autres localités et sacrifier totalement, comme dans l’espèce, le port d’Ostende au port d’Anvers. Il est heureux, messieurs, que la chambre, lors du vote de la loi sur le chemin de fer, ait fait justice de ce système, que la majorité ne se soit pas prononcée alors dans le sens de l’honorable membre, qu’on ait compris que le chemin de fer, pour être vraiment national, pour être vraiment à l’abri de toutes les vicissitudes qui peuvent survenir, devait aboutir à l’Océan tout aussi bien qu’à l’Escaut.
M. de Longrée. - Messieurs, beaucoup de demandes ont déjà été faites à M. le ministre des travaux publics sur les constructions de routes ; à mon tour je prierai aussi M. le ministre de vouloir bien nous dire s’il sera bientôt à même de prendre une décision sur celle qui, partant de Ruremonde, se lierait aux routes que le gouvernement prussien va faire construire jusqu’à nos frontières vers ce point ?
M. Eloy de Burdinne. - Je viens, messieurs, appuyer les observations de l’honorable M. de Mérode. Est-il juste, messieurs, de faire payer des droits de barrières aux voitures à quatre roues à jantes étroites, attelées de deux chevaux, tandis que les voitures à deux roues attelées seulement d’un cheval sont affranchies du péage ? Il me paraît, messieurs, qu’une voiture à quatre roues, attelée de deux chevaux, fait moins de tort aux routes qu’une voiture à deux roues attelée d’un cheval seulement. Par ces motifs, j’appellerai l’attention de M. le ministre sur la question de savoir s’il ne conviendrait pas d’apporter quelques modifications à la loi des barrières.
M. F. de Mérode. - Messieurs, ce n’est pas sous le rapport du péage que je me suis plaint des dispositions qui gênent la circulation des cultivateurs avec des voitures à quatre roues ; j’ai réclamé pour eux la faculté de circuler sur les routes avec des chariots à roues ordinaires. Aux environs de Bruxelles on n’est pas très sévère à cet égard ; là, on tolère plus ou moins que les cultivateurs viennent au marché avec des chariots à quatre roues, à jantes étroites et attelés de deux chevaux ; mais il y a d’autres provinces où l’on est beaucoup plus rigoureux sous ce rapport, et où l’on interdit complétement la circulation de ces sortes de voitures, de manière que celui qui n’a pas de voiture à la « marlborough, » dont le prix est de 400 fr., ne peut pas se rendre au marché, quoique la circulation des voitures à deux chevaux ne nuise aucunement aux routes, et que l’on tolère, d’un autre côté, des surcharges telles, que j’ai vu un pavé tout neuf céder au passage d’une seule voiture.
Comme la classe en faveur de laquelle je réclame est très nombreuse, et que la faculté que je réclame pour elle, ne peut être qu’avantageuse au trésor, j’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, comme la discussion générale ne peut être close aujourd’hui, je préférerais ne prendre la parole, que lorsque d’autres orateurs auront été entendus. Cependant, si nous sommes encore en nombre, je réitère la motion que j’ai faite de voter les trois premiers chapitres de mon budget, vote qui laissera intacte la discussion générale, puisque celle-ci trouve sa place au chapitre IV.
M. Bekaert-Baeckelandt. - J’ai demandé la parole pour solliciter de M. le ministre la construction d’une route de Vive-St.-Eloy à Kerchove. Cette route est de la plus haute importance, puisqu’elle doit joindre la Flandre occidentale et le Hainaut. Le conseil provincial de la Flandre occidentale a voté une somme de 50000 francs pour cet objet ; les communes avoisinantes qui peuvent retirer quelque avantage de la route projetée ont voté 30.000 francs. On a donc réalisé une somme de 80.000 francs, de manière que le subside que le gouvernement devrait accorder pour parfaire la somme nécessaire, serait peu élevé.
Je recommande donc instamment cette affaire à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je propose de nous occuper des trois chapitres du budget des travaux publics, en laissant la discussion générale ouverte.
M. Eloy de Burdinne. - J’appuie la proposition de M. le ministre ; je l’appuie d’autant plus que nous pourrions sans doute entendre à la fin de la séance le rapport de la section centrale sur le nouveau projet de loi de M. le ministre des finances.
M. Scheyven. - Je demande que l’on ne vote pas immédiatement sur les trois premiers chapitres du budget. Il est possible que des membres sachant que la discussion générale ne serait pas close aujourd’hui, et ayant peut-être des observations à présenter sur les trois chapitres dont il s’agit, ne soient pas présents à la séance. Je demande donc que la discussion générale continue.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Messieurs, je ne pense pas que l’on puisse clore la discussion générale, ce serait contraire aux antécédents de la chambre ; nous avons été surpris par cette discussion ; nous ne nous y attendions pas du tout ; nous avons cru que le budget des travaux publics n’aurait été discuté tout au plus que demain ; il est très possible qu’il y ait des membres qui aient des observations à faire sur le chapitre relatif la garde civique ; moi-même, j’ai à dire quelques mots sur cet objet. Je demande donc que la séance soit remise à demain, ou que du moins la discussion générale ne soit pas close aujourd’hui.
M. Rogier. - Je pense que l’observation de l’honorable M. Eloy de Burdinne mérite d’être accueillie par la chambre. Il avait été entendu que la section centrale ferait son rapport séance tenante ; c’est pourquoi elle a quitté immédiatement la salle, pour aller examiner le projet de loi ; peut-être est-elle en mesure de nous faire sans retard son rapport, surtout si le ministre des finances s’est entendu avec la section centrale. (M. le ministre des finances fait un signe affirmatif.) Il semble dès lors que M. le ministre des travaux publics, s’il est disposé à le faire, pourrait, en attendant, répondre au grand nombre d’observations qui ont été faites jusqu’à présent.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, j’ai eu l’honneur de proposer à l’assemblée de passer, sans clore la discussion générale, à la discussion des trois premiers chapitres, attendu que le vote de ces chapitres laisse intact tout ce qui concerne les travaux publics. Les discussions générales, dans beaucoup de circonstances, n’ont pas été closes ; d’ailleurs, quand elle serait close dans ce cas-ci, chacun pourrait la rouvrir au chapitre IV à son gré.
M. de Muelenaere. - Messieurs, la discussion générale ne porte pas uniquement sur le chapitre IV, mais elle porte sur tous les chapitres dont se compose le budget des travaux publics. Or, au commencement de la séance, une objection avait été faite par l’honorable M. de Puydt ; M. de Puydt avait demandé qu’on ne procédât pas aujourd’hui à la discussion du budget des travaux publics, parce qui il avait des observations à faire et qu’il n’était pas préparé à parler en ce moment. Sur l’objection faite par l’honorable M. de Puydt, l’honorable M. de Brouckere a fait observer que rien n’empêcherait qu’on ne commençât aujourd’hui la discussion du budget des travaux publics, mais qu’il restait bien entendu que la discussion générale ne serait pas close, et que des membres qui auraient l’intention de prendre la parole dans cette discussion auraient demain leur tour de parole.
Je pense donc qu’il conviendrait que la discussion générale fût laissée ouverte, même sur les trois premiers chapitres du budget des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je retire ma motion.
- La séance est suspendue. Au bout d’un quart d’heure, les membres de la section centrale, chargés de l’examen du projet de loi présenté au commencement de la séance, par M. le ministre des finances, rentrent dans la salle.
M. Demonceau, rapporteur, monte à la tribune et lit le rapport suivant :
Messieurs, la section centrale chargée, comme commission spéciale, de l’examen du projet de loi présenté par M. le ministre des finances, m’a chargé de vous présenter ses observations.
Elle a d’abord fixé son attention sur le délai pendant lequel la loi doit avoir ses effets.
En général, on a désiré que l’on pût borner les effets de la loi au délai fixé par le gouvernement. La prolonger à un plus long terme présenterait de graves inconvénients. Cependant on a craint, d’autre part, qu’on ne pût terminer le vote des budgets avant cette époque. On a donc proposé le 1er mars ; la question, mise aux voix, a été résolue en faveur de l’adoption de la proposition du gouvernement, par 5 voix contre 2. Ceux-ci auraient préféré de fixer le délai au 1er mars.
La section centrale a, en outre, fait l’observation que la clause de l’article premier, sans préjudice au recouvrement des centimes additionnels supplémentaires, qui pourraient ultérieurement être ajouter aux contributions directes, à dater du 1er janvier 1838, ne préjugeait, en aucune manière, les questions qui peuvent se rattacher à cette addition éventuelle de centimes additionnels, et que cette clause laissait toutes ce questions intactes. Elles pourront être discutées ultérieurement, et recevoir les solutions qu’on trouvera convenables.
L’article 2 est le même que la proposition faite par la section centrale à l’occasion du budget des voies et moyens.
En conséquence, la section centrale a l’honneur de vous proposer l’adoption du projet du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La section centrale, après une discussion assez longue, s’est décidée à vous proposer le maintien du projet tel que je l’ai présenté sur les observations que j’ai eu l’honneur de lui soumettre. Au lieu de prendre, comme chaque année, un congé à partir du 1er janvier, la chambre le prendra sans inconvénient un peu plus tard, et elle pourra le faire durer cinq semaines, ce qui sera plus avantageux pour les députés éloignés qu’un congé de quelques jours. Or il ne faut pas vous dissimuler que si même on augmentait le délai proposé jusqu’au 1er février, vous pourriez rester plus de 8 ou dix jours absents, tandis que si vous demeurez au poste jusqu’après la discussion des lois sur le sucre, le débit sur les boissons distillées, le budget des travaux publics, le budget de la guerre et enfin le budget des voies et moyens, le 7 ou le 8 janvier, vous pouvez avoir fini tout cela et prendre un congé de cinq semaines, sans préjudice pour les travaux législatifs pendant que le sénat examinera les lois que vous lui aurez envoyées.
Il importe donc que vous fassiez au pays le sacrifice du congé ordinaire des premiers jours de janvier, sauf à vous en dédommager après ; il importe que chacun de nous prenne l’engagement de rester ici, afin de faire, sans désemparer, toutes les lois que je viens d’énumérer.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je propose de fixer la séance de demain à 11 heures, puisque le temps est limité pour la discussion des budgets, et qu’après-demain nous aurons une séance très courte.
M. Raikem. - J’appuie la proposition de M. le ministre des travaux publics, de fixer la séance à 11 heures, et je fais observer qu’à 11 heures 1/4 l’appel nominal sera fait. Je prierai chacun des membres de se rendre ici à 11 heures.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.