(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
Il est procédé à la composition des sections par la voie du tirage au sort.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Des marchands de bois de Blargnies et des communes environnantes adressent des observations contre les pétitions tendant à admettre les charbons étrangers en franchise de droits. »
- Cette pétition est renvoyée à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics.
« Les fabricants de fer-blanc de la province de Liége demandent une augmentation des droits d’entrée sur les fers-blancs étrangers.
- Sur la proposition de M. de Behr., la chambre ordonne l’insertion de cette pétition au Moniteur. Voici cette pétition : (Le Moniteur reprend ensuite le texte de cette pétition, qui n’est pas intégrée dans la présente version numérisée.)
M. de Sécus, que des affaires de famille obligent de quitter Bruxelles, demande un congé de plusieurs jours.
- Accordé.
M. le président. - La chambre est parvenue au littera L de l’article premier du chapitre VII.
La parole est à M. Verhaegen sur ce littera L : « Bibliothèque nationale, 35,000 fr. »
M. Verhaegen. - Je lis ce qui suit à la page 22 du rapport de la section centrale :
« L. Bibliothèque nationale, 35,000 fr.
« La première section a ajourné l’adoption du chiffre, la deuxième a demandé des renseignements sur l’emploi de cette somme, la quatrième fait la même demande, la sixième manifeste le désir de voir la bibliothèque placée au plus tôt.
« La section centrale, déférant aux vœux manifestés par les sections, a demandé des renseignements à M. le ministre. Il lui a été répondu que cette nouvelle allocation est le résultat de la loi en vertu de laquelle la bibliothèque Van Hulthem a été acquise ;
« Qu’en attendant la construction d’un local spécial, la bibliothèque nationale va être placée dans l’une des salles du musée des arts et de l’industrie ;
« Que la répartition du crédit demandé aura lieu comme suit :
« Traitement du conservateur, fr. 7,000 ;
« de deux sous-bibliothécaires, fr. 6,000 ;
« d’un secrétaire-adjoint, fr. 2,000 ;
« d’un expéditionnaire, fr. 1,200 ;
« de deux huissiers, fr. 1,600 ;
« Frais de bureau, entretien des salles, chauffage et matériel, fr. 1,500 ;
« Acquisitions, fr. 15,700 ;
« Total, fr. 35,000.
« Que la bibliothèque Van Hulthem, quoique très belle et très riche, ne peut être considérée que comme un noyau de bibliothèque de l’Etat. Cette collection est incomplète dans plusieurs parties importantes ; il faudra successivement acheter les principaux ouvrages qui manquent. Il est indispensable aussi de s’abonner aux ouvrages scientifiques et littéraires, qui paraissent périodiquement et qui offrent un véritable intérêt.
« Comme, dans la répartition que le gouvernement se propose de faire de la somme pétitionnée, figure une somme de 7,000 fr. pour traitement du conservateur, on a soulevé à la section centrale la question de savoir s’il y a nécessité de créer cette place. On a soutenu qu’elle était inutile, que la bibliothèque Van Hulthem pourrait être réunie à celle des manuscrits de l’Etat, dite des ducs de Bourgogne, à laquelle est attaché un bibliothécaire qui pourrait suffire, ou n’en faire qu’une section. Ces motifs ont déterminé la majorité de la section centrale (cinq voix contre deux) à rejeter le chiffre de 7000 fr. pour traitement du conservateur ; le reste de la somme a été voté à l’unanimité, de sorte que le crédit de fr. 35,000 est porté à fr. 28,000. »
En faisant taire, dans l’occurrence, des affections, en ne voyant dans cette question qu’une question de choses et non une question de personnes, et en ne parlant des personnes qu’autant que la question le comporte, je crois devoir adopter l’opinion de la section centrale.
Nous avons à Bruxelles une bibliothèque nationale : c’est la bibliothèque qu’on appelle la bibliothèque des ducs de Bourgogne. Faut-il que l’accessoire devienne le principal ? En d’autres termes, faut-il qu’une bibliothèque nationale, formée par la bibliothèque Van Hulthem dont on a fait l’acquisition et à laquelle on se propose d’ajouter par de nouvelles acquisitions, devienne le principal, et que la bibliothèque de Bourgogne en soit l’accessoire ?
Nous croyons qu’il faut établir d’abord l’importance de la bibliothèque des ducs de Bourgogne, et lui assurer le rang auquel elle a droit. Nous verrons ensuite ce qu’il faut faire de la bibliothèque nationale, et je pense que nous arriverons au résultat que se propose la section centrale.
La bibliothèque des ducs de Bourgogne date d’une époque antérieure à l’invention de l’imprimerie, de 1430. L’invention de l’imprimerie remonte au milieu du 15ème siècle. La bibliothèque des ducs de Bourgogne fut créée, comme vous savez, par le duc Philippe-le-Bon, et prit son nom de la maison de Bourgogne.
Cette bibliothèque a été ouverte au public en 1712, comme bibliothèque nationale, Au fur et à mesure des progrès de l’imprimerie, des livres y ont été envoyés. A cette époque, elle était où est le passage de la Bibliothèque, rue Royale ; et même ce passage a conservé son nom de cette bibliothèque. On l’a démoli en 1797, pour cause d’utilité publique.
Cette bibliothèque, sous le règne de Marie-Thérèse, de Joseph II et même de l’empereur Léopold, renfermait entre autres une masse d’excellents ouvrages de droit, que les avocats du conseil de Brabant allaient consulter.
L’importance de la bibliothèque de Bourgogne ne peut être contestée par personne. Cette importance est telle qu’on porte la valeur de cette bibliothèque à 3 millions. La bibliothèque fut dispersée en 1795 par l’enlèvement fait par les commissaires de la république, et on trouve, dans un ouvrage de Lacerna, un reçu qui fut délivré par les commissaires de la république des objets qu’ils ont fait transporter en France, portant qu’ils ont fait enlever en vertu, de leurs pouvoirs, les ouvrages composant la bibliothèque royale.
Quoiqu’à cette époque le mot royal ne fût pas à l’ordre du jour, ou reconnaissait la bibliothèque de Bourgogne comme bibliothèque royale. Cette bibliothèque était la bibliothèque royale, la bibliothèque nationale. On a réintégré, en 1815, ce qui lui a été enlevé quant aux manuscrits. On sait la disposition prise, quant à cette bibliothèque, en 1830 et 1831. Je m’arrêterai seulement à ce qui fut déterminé le 24 avril 1831, par un arrêté du régent portant : « Art. 3. Notre ministre de l’intérieur nous fera une proposition pour convertir la bibliothèque de Bourgogne en un musée historique, destiné à recevoir des livres, médailles et autres documents relatifs à l’histoire belgique. » Cette bibliothèque était donc destinée, depuis cet arrêté, à renfermer, avec des manuscrits, des livres, des médailles et autres documents relatifs à l’histoire belgique.
Maintenant que nous avons une bibliothèque nationale dont le nom est européen, que tous les étrangers connaissent et viennent visiter, il me semble qu’il y aurait de grands inconvénients à ne pas conserver ce nom, qui date de si loin, pour y substituer toute autre chose.
J’ai dit qu’on donne à la bibliothèque de Bourgogne une valeur de 3 millions. D’un autre côté, la bibliothèque Van Hulthem a été acquise pour 375,000 fr. Je ne sais pas ce que vaut cette bibliothèque. Je parle du chiffre. Maintenant faut-il une bibliothèque nationale dont le noyau serait la bibliothèque Van Hulthem, acquise pour 375,000 fr., et dont la bibliothèque nationale des ducs de Bourgogne, estimée à 3 millions de fr, serait l’accessoire ? Ou bien faut-il l’inverse, c’est-à-dire une bibliothèque nationale dont la bibliothèque nationale de Bourgogne serait le noyau, et la bibliothèque Van Hulthem l’accessoire ? Ou bien encore faut-il deux bibliothèques nationales ? D’après l’opinion de M. le ministre de l’intérieur, c’est à cela qu’il faudrait s’arrêter. Il y aurait deux bibliothèques nationales : une pour les imprimés, une pour les manuscrits, et de là la conséquence de l’augmentation dans les dépenses ; pour le matériel, pour les imprimés, les bibliothécaires, les sous-bibliothécaires, etc.
Mais ne vaut-il pas mieux faire quelque chose de grand, de bien, que de diviser les choses, surtout dans un pays tel que le nôtre ? Ne vaut-il pas mieux réunir dans une même enceinte tout ce qui a rapport au même objet ? Voulez-vous une bibliothèque nationale, grande et belle, qui excite l’admiration de tous les étrangers ? Cela est parfait ; nous le voulons bien. Mais vouloir deux bibliothèques nationales, dans un pays comme le nôtre, c’est impossible.
La conservation de la bibliothèque est importante en raison de la valeur des manuscrits qui composent cette bibliothèque. Cette conservation est telle qu’elle doit être, et ici je ne parle des personnes que pour démontrer qu’on n’a pas à se plaindre de l’état actuel des choses quant à cette bibliothèque nationale.
La bibliothèque des ducs de Bourgogne a un conservateur ayant 4,000 francs d’appointements ; on veut pour la bibliothèque nationale un conservateur qui aurait 7,000 francs d’appointements. Ainsi, à celui qui conserve une valeur de trois millions, 4,000 fr. d’appointements ; à celui qui conserverait une valeur de 375,000 fr., 7,000 fr. d’appointements.
De même qu’hier je faisais une proposition pour que les artistes ne soient pas découragés, de même aujourd’hui je fais une proposition pour qu’on ne décourage pas des employés qui méritent notre approbation. M. Marchal, conservateur de la bibliothèque de Bourgogne, est membre de l’académie, auteur de plusieurs ouvrages, décoré récemment de la croix de la légion d’honneur, se trouve à la tête de cet établissement, depuis que la bibliothèque de Bourgogne a été de nouveau ouverte au public. Il a 4,000 fr. d’appointements. Maintenant vous voulez charger de la conservation de la nouvelle bibliothèque un individu dont les talents ne peuvent être mis en doute par personne, et vous voulez lui donner un traitement de 7,000 fr.
Si cet état de choses était admis, ce serait une disgrâce pour le conservateur de la bibliothèque de Bourgogne, car ces deux conservateurs sont tous deux dans la même position : l’un et l’autre sont membres de l’académie ; l’un et l’autre sont auteurs de plusieurs ouvrages ; l’un et l’autre sont décorés. Et qu’on ne vienne pas dire que le conservateur de la bibliothèque de Bourgogne est un vieillard, un homme dans la décrépitude ; il n’en est rien ; M. Marchal est un homme de 52 à 53 ans, à la fleur de l’âge, dans toute sa force ; j’en appelle à cet égard à tous ceux qui le connaissent.
La section centrale a proposé de retrancher les 7,000 fr., montant du traitement du conservateur de la bibliothèque à créer
Puisqu’il y a un conservateur à la bibliothèque nationale de Bourgogne, si on donnait à ce conservateur 2 ou 3,000 fr. de plus, il conserverait la bibliothèque des manuscrits et la bibliothèque des imprimés ; si au contraire on veut deux bibliothécaires, 2 sous-bibliothécaires, 1 secrétaire-adjoint, 1 expéditionnaire et 2 huissiers, il en résultera peut-être que les deux bibliothécaires qui seront des hommes très instruits, très savants, et les deux sous-bibliothécaires qui seront également savants, ne s’occuperont de rien ; ce serait donc le secrétaire-adjoint qui ferait la besogne. Je ne pense pas que la chambre veuille qu’il en soit ainsi. Lorsqu’on donne à quelqu’un l’emploi de conservateur d’une bibliothèque, il faut qu’il en remplisse les obligations.
Si, au lieu de deux conservateurs, il n’y en avait qu’un ; si, au lieu de deux sous-bibliothécaires, il n’y en avait qu’un, on ferait une grande économie et l’on arriverait à de grands résultats.
Je ne puis donc sous ce rapport que m’en rapporter à l’avis de la section centrale, à moins que quelqu’un ne propose un terme moyen.
Si, par exemple, quelqu’un proposait de faire une bibliothèque avec deux sections, la section des manuscrits et la section des livres imprimés, en mettant à la tête de la section des manuscrits le conservateur actuel de la bibliothèque de Bourgogne, et à la tête de la section des livres imprimés la personne nommée par le gouvernement conservateur de la nouvelle bibliothèque, dans ce cas il faudrait mettre les appointements de ces deux conservateurs au même niveau, en leur donnant à tous deux soit 7,000 fr., soit 4,000 fr. ; car il est impossible d’admettre la proposition du gouvernement qui serait une disgrâce pour l’un des deux conservateurs au profit de l’autre. Il est impossible, je le répète, de donner à celui qui conserve 3 millions, 4,000 fr. d’appointements, et à celui qui conserve 375,000 fr., 7,000 fr. d’appointements.
Je ne veux faire diminuer les appointements de personne ; mais si l’on veut conserver le chiffre des appointements de l’un, alors qu’on élève les appointements de l’autre.
Si on voulait admettre un simple tempérament, il ne faudrait pas un denier de plus ; et voici comment : on propose pour traitement de deux sous-bibliothécaires 6,000 francs ; qu’on se borne à avoir un seul sous-bibliothécaire, et l’on aura une économie de 3,000 fr. ; qu’on ajoute ces 3,000 fr. au traitement du conservateur de la bibliothèque de Bourgogne, et ce traitement sera ainsi égal à celui du conservateur de la nouvelle bibliothèque. Ainsi, la dépense ne sera pas plus forte, il n’y aura pas d’augmentation, et vous échapperez à l’inconvénient de mettre dans une position d’argent différente deux personnes qui sont d’ailleurs dans la même position.
Maintenant, puisqu’il s’agit de bibliothèques de l’Etat, puisqu’on a fait une acquisition de 375,000 francs et qu’on se propose de faire de nouvelles acquisitions, puisque tous nous voulons une bibliothèque nationale, vous ne serez pas fâchés probablement que je vous indique quelques sources où vous pourrez puiser pour compléter votre bibliothèque, sans qu’il vous en coûte une obole ! (Mouvement d’attention.)
Eh bien, si vous voulez m’accorder quelques instants d’attention, je vais vous indiquer ces sources où vous pouvez puiser. Je veux parler de la bibliothèque de l’ancienne université de Louvain et de tout ce qui s’y rattache.
L’ancienne université de Louvain, qui était une université de l’Etat, avait une bibliothèque. Nous convenons qu’une partie fut enlevée en l’an XI de la république ; mais le fonds resta. Nous ne savons ce qui fut fait dans la suite et quelles furent les négociations qui eurent lieu du temps de l’empire ; toutefois ce qui paraît certain, c’est qu’en 1817, lors de l’érection de l’université de Louvain, la propriété de la bibliothèque fut reconnue en faveur de l’Etat.
Cette question qu’il s’agit d’examiner devient même indifférente quant à la proposition que j’aurai l’honneur de vous soumettre ; car si j’ai égard aux acquisitions faites depuis 1817 au moyen des fonds du gouvernement, vous allez voir à quel résultat je vais arriver.
Depuis 1817 l’université de Louvain, comme les universités de Gand et de Liége, a fait des achats annuels au moyen de subsides qui lui étaient accordés, et, d’après nos renseignements, ce subside annuel était de 7,000 fl. ! Il était accordé aux termes de l’article 111 de l’arrêté du 25 septembre 1810.
La bibliothèque de Louvain contient environ 150,000 volumes ; la partie philosophique et littéraire contient à elle seule 60,000 à 80,000 volumes. C’est la collection la plus riche de la Belgique ; peut-être il n’en existe pas même de semblable en France ; car en France il n’y a rien sur la littérature allemande et sur l’histoire littéraire de la Belgique. C’est au professeur Becker qu’on doit la partie philologique qui est de 25,000 volumes. Pour la partie historique c’étaient les professeurs Holtens et Birnbaum ; ils étaient compétents dans cette matière.
L’autre jour on disait qu’il fallait prendre des professeurs célèbres ; ne doit-on pas dès lors regretter que l’on n’ait pas attaché à l’une ou l’autre des universités de l’Etat les deux professeurs que je viens de nommer ? Les parties concernant la philosophie du droit et le droit criminel sont parfaitement complètes ; on y trouve tout ce qui a été publié en Allemagne ; il en est de même du droit romain. On trouve à la bibliothèque de Louvain les plus belles éditions des Basiliques, les collections anté-justiniennes, la plus belle édition de Meirman, etc. ; il en est de même de la partie médicale et de celle des sciences physiques et naturelles. Cette riche collection s’est toujours trouvée sous la direction d’un bibliothécaire pris dans le sein de l’université, aux termes des articles 112, 113 et 114 de l’arrêté que j’ai cité.
Il y a plus, c’est qu’il fallait, aux termes des articles 115 et 116, un catalogue de tous les livres qui composaient la bibliothèque. Ce catalogue doit exister ; rien ne doit être plus facile que d’établir par ce catalogue à qui les livres appartiennent. La bibliothèque est d’ailleurs dans la même position que sous le gouvernement précédent.
Il y avait, indépendamment de la bibliothèque, des cabinets de préparations anatomiques, physiologiques et pathologiques, aux termes des articles 117 et 120, auxquels étaient alloués des subsides annuels de 20,000 florins.
Le cabinet de physique avait un subside annuel de 2,000 fl., aux termes des articles 122 et 125 ; il en était de même pour le laboratoire de chimie, de même encore pour les cabinets d’histoire naturelle et de zoologie, de géologie, pour les collections d’instruments d’agriculture près de l’université, aux termes de l’article 131 ; il en était de même encore pour le jardin botanique qui devait exister près de chaque université.
La direction de tout cela était dévolue au gouvernement, aux termes de l’article 133 du même arrêté.
Les frais de premier établissement et l’entretien de ces différentes collections sont, comme la bibliothèque, portés au budget annuel, aux termes de l’article 134.
Le directeur de la bibliothèque, qui était agent du gouvernement, était responsable de cette propriété aux termes de l’article 136 de l’arrêté.
Maintenant voulez-vous voir ou j’arrive, indépendamment du fonds que j’établis propriété de l’Etat ?
Si je ne comprends que ce qui a été acquis depuis 1837, il y a sept cabinets à 2,000 fl. chacun, ce qui fait 14,000 fl. ; à quoi il faut ajouter 7,000 fl. pour le bibliothécaire, ce qui fait 21,000 fl. multiplié par 16 donne 336,000 fl., à peu près 800,000 fr. Ces bibliothèques sont donc la propriété de l’Etat.
Puisque l’on veut une bibliothèque nationale, j’y consens ; mais que l’on prenne la bibliothèque nationale où elle se trouve.
On en doutait tout à l’heure ; eh bien, je vous en indique le moyen. Tout ce que j’ai dit est évident, et tout ce que j’ai dit est fondé sur l’arrêté de 1816. A cet égard la chambre voudra s’éclairer, il y aura lieu à la nomination d’une commission pour s’assurer du véritable état des choses.
En ajoutant au fonds de la bibliothèque de Van Hulthem la belle bibliothèque que j’ai indiquée, vous aurez en fait de littérature, en fait de droit, les collections les plus belles et les plus complètes ; vous aurez en outre des cabinets d’histoire naturelle, de physique, de zoologie, etc. Tout y est.
Peut-on faire des donations des propriétés de l’Etat au profit de quelqu’un, au profit d’une ville ? Nous entendrons le ministre sur ce point.
Nous pensons avoir établi que la bibliothèque nationale, c’est la bibliothèque de Louvain ; que l’accessoire doit suivre le sort du principal, et que les imprimés doivent être joints à la bibliothèque de Bourgogne.
Il y a lieu de préférer l’ancien bibliothécaire, le bibliothécaire de Bourgogne, à moins de mettre les deux bibliothécaires dans la même position.
Puisque l’on veut une bibliothèque nationale et des cabinets, il faut prendre la propriété de l’Etat où elle se trouve. J’ai dit où elle se trouve, et je déposerai une proposition formelle sur ce sujet.
M. Dumortier. - Le préopinant nous dit qu’il faut prendre la propriété de l’Etat où elle se trouve, et que l’on peut former une bibliothèque nationale sans bourse délier. Il a prétendu qu’il trouverait un moyen facile pour arriver à ce résultat. Dans le cas où la chambre adopterait les conclusions du préopinant, je viens signaler une autre bibliothèque que l’on pourrait prendre.
La bibliothèque de Bruxelles, avant la révolution, était la bibliothèque nationale. Cette bibliothèque qui, suivant le préopinant, renfermait d’excellents ouvrages de droit que les conseillers consultaient, a été placée dans l’ancienne cour où elle se trouve aujourd’hui, et elle devint la bibliothèque de l’école de droit.
Lorsque l’empereur fit don à la ville de Bruxelles du bâtiment de l’ancienne cour, il ne donna pas à la ville de Bruxelles la bibliothèque, qui était celle de l’école de droit.
Il y a plus, en 1820 environ, lors de la mort de M. Gérard, le roi Guillaume acquit sa bibliothèque, qui contenait à peu près 50,000 volumes, et ils furent déposés à la bibliothèque de Bruxelles dont ils formèrent la meilleure partie. La ville de Bruxelles n’a aucun droit à ces 50,000 volumes ; elle n’en est que dépositaire. Et en effet, il a suffi d’un simple arrêté du roi Guillaume pour faire rendre, par la ville de Bruxelles, la bibliothèque des manuscrits qu’elle avait également en dépôt.
Si donc un arrêté a pu faire rendre les manuscrits qui se trouvaient dans le même dépôt et dans les mêmes collections que les livres imprimés, il suffirait d’un semblable arrêté pour faire rendre par la ville de Bruxelles à la bibliothèque des livres imprimés.
Vous comprenez pourquoi j’ai fait cette observation.
J’ai vu avec étonnement l’orateur, directeur d’une université, vouloir dépouiller une université rivale qui est dans la même position.
Si nous devons tout reprendre, je demanderai pourquoi le ministre de l’intérieur ne revendique pas les tableaux que la ville de Bruxelles a en dépôt. Cette collection de tableaux se trouvait à Paris quand l’empereur a donné les bâtiments de l’ancienne cour, et il se serait bien gardé de donner ces tableaux.
En 1814, quand on a repris les tableaux à la France, le roi Guillaume a obtenu tous les tableaux pris à nos contrées, et l’on en fit deux dépôts, l’un à Anvers, l’autre à Bruxelles. Ainsi, la ville de Bruxelles a en dépôt plusieurs millions ; car les tableaux de Rubens valent chacun plusieurs centaines de mille francs.
J’aurai quelques mots à dire pour faire sentir à la chambre l’exagération des chiffres posés par l’honorable préopinant.
Je n’ai pas vu la bibliothèque de Louvain ; je n’en ai vu que l’écorce ; mais cette bibliothèque était anciennement la propriété de Louvain. Il y avait anciennement trois bibliothèques appartenant à des localités : celle de Louvain, celle de Tournay et celle de Bruxelles.
La bibliothèque de Tournay est restée en cette ville ; la bibliothèque de Louvain étant celle de l’université est restée à Louvain. Je ne connais pas les agrandissements successifs apportés à cette bibliothèque de Louvain, agrandissements dont le préopinant a porté le chiffre trop haut. Mais quand je lui ai entendu dire que les cabinets d’histoire naturelle et de physique ont une valeur de 750,000 francs...
M. Verhaegen. - C’est avec la bibliothèque.
M. Dumortier. - Je crois qu’il y a de grandes exagérations dans ces évaluations, et je le prouve.
Il y a, dit-on, sept cabinets qui ont reçu chacun 2,000 florins par an, ou 14,000 florins en sept ans.
Si on devait évaluer les choses d’après ces chiffres, il faudrait que le cabinet d’histoire naturelle valût 60,000 fr. ; j’ai visité ce cabinet, et la chambre comprendra que j’y ai quelques connaissances ; eh bien, si on me l’offrait pour 2,000 fr., je n’en voudrais pas ; et si je devais en fournir un pareil pour 3,000 fr., cela ne me serait pas difficile. C’est là une spécialité dans laquelle je crois pouvoir dire un mot en connaissance de cause.
Il existe à Tournay un cabinet d’histoire naturelle depuis 9 années ; nous y avons dépensé 9,000 fr., et il vaut dix fois celui de Louvain. Ceci suffit pour démontrer l’inexactitude des observations de M. Verhaegen.
M. Gendebien. - J’appuie les observations présentées par M. Verhaegen. Relativement à la réunion des deux bibliothèques, la bibliothèque nationale à la bibliothèque de Bourgogne, j’aurai l’honneur de déposer tout à l’heure une proposition formelle. En faisant tout ce qui est convenable, il y aura économie, et nous ne froisserons personne, pas même celui qu’on veut mettre à la tête de la bibliothèque nationale, car son talent le rappelle au professorat où on fera bien de le maintenir.
A ce qu’a dit M. Dumortier sur la démonstration juridique faite par M. Verhaegen, il n’y a qu’une réponse fort simple à faire.
Si la ville de Bruxelles n’est pas propriétaire de sa bibliothèque ni de ses tableaux, eh bien, qu’on les revendique, et qu’une bonne fois on réunisse en un seul local toutes les richesses nationales qui perdent beaucoup à être divisées et qui décupleront de valeur par leur réunion.
Je déclare que, comme Bruxellois et membre du conseil municipal de cette cité, je suis prêt à restituer et à faire restituer les livres et objets d’art qui ne lui appartiennent pas. C’est pour nous un devoir de conscience, et nous n’hésiterons pas.
Nous verrons, messieurs, si tous ceux qui possèdent un bien qui ne leur appartient pas en feront autant, et j’aime à croire qu’ils le feront. Nous voilà donc d’accord, et la question est résolue ; il ne s’agit plus que d’établir les droits du gouvernement. Nous ne pouvons pas le faire aujourd’hui ; nous ne pouvons d’ailleurs pas décider une question de propriété. Mais je crois qu’il y a lieu de nommer une commission à l’effet d’examiner : j’attendrai, pour insister sur ce point, la proposition qui nous est annoncée par l’honorable M. Verhaegen.
Quant aux évaluations qu’a faites l’honorable M. Verhaegen, en supposant qu’il y avait de l’exagération dans ces calculs, ce qui ne m’est pas prouvé, à coup sûr il y a une exagération bien plus grande dans ce que M. Dumortier a dit de la valeur actuelle du cabinet d’histoire naturelle : M. Verhaegen dit qu’on a dépensé telle somme (2,000 fl.) chaque année, et que la réunion de toutes les sommes qui ont été dépensées pendant tel nombre d’années pour le cabinet d’histoire naturelle représente un total de 60,000 francs ; M. Dumortier a répondu que ce cabinet ne vaut pas 2,000 francs, et qu’il se fait fort de le remplacer moyennant 3,000 fr. ; il a dit en outre une chose bien plus étrange, c’est que le cabinet d’histoire naturelle de Tournay, qui n’a coûté que 9,000 fr., vaut dix fois plus que celui de Louvain. Eh bien, messieurs, je félicite la ville de Tournay, et je féliciterai le pays, si M. Dumortier peut lui procurer un cabinet d’histoire naturelle d’une valeur décuple de celui de Louvain, moyennant 3,000 fr. ; mais j’engage l’honorable membre à réserver ses bons soins pour remplacer le cabinet que nous revendiquerons de la ville de Louvain ; cette ville ne devra pas se mettre fort en peine de notre proposition ; elle sera, j’espère, peu disposée à contester nos droits, puisque l’honorable M. Dumortier est à même de lui procurer, pour la modique somme de 3,000 fr., quelque chose de beaucoup mieux que ce que nous réclamons. De cette manière, la ville de Louvain n’aura pas de bien grands regrets ni un bien grand sacrifice à faire. Je l’en félicite et je m’en félicite aussi.
Je me résume, messieurs, pour ne pas abuser de vos moments, puisque nous devons discuter, le plus tôt possible, le budget des voies et moyens ; je demande qu’on réunisse la bibliothèque nouvelle à l’ancienne et si justement estimée bibliothèque, dite des ducs de Bourgogne ; et à cet effet, je demande qu’on ajoute au littera E une somme de 25,000 fr., ce qui portera le crédit total pour la bibliothèque à 50,000 fr. ; outre les avantages qui résulteront, pour les sciences, de la réunion des deux bibliothèques, il en résultera encore une économie de 10,000 fr. par an.
- La proposition de M. Gendebien est appuyée.
M. Scheyven, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a rejeté, par cinq voix contre deux, le chiffre de 7,000 francs demandé, par le gouvernement pour traitement du conservateur ; je n’ai pas besoin de rappeler les motifs de ce rejet, chacun a sous les yeux le rapport, dans lequel ces motifs se trouvent exposés. Je crois pouvoir déclarer que mon opinion n’a pas été conforme à celle de la majorité de la section centrale ; j’ai cru, messieurs, que pour une place de la nature de celle dont il s’agit, il faut laisser au gouvernement la latitude de nommer celui qu’il croit le mieux convenir. M. le ministre ayant fait choix d’un homme dont le talent est généralement reconnu, je n’ai pas voulu indirectement annuler cette nomination en refusant le crédit demandé pour faire face au traitement qu’elle nécessite.
Cependant je pense qu’il y aurait une économie à faire sur le personnel qu’on destine à la bibliothèque. Je demanderai à M. le ministre si, au lieu de deux sous-bibliothécaires, on ne pourrait pas se contenter d’un seul, s’il est indispensable d’avoir un secrétaire-adjoint ? Cela formerait une réduction de 5,000 fr. qu’on pourrait employer à l’acquisition de livres. Je désirerais que M. le ministre voulût bien donner quelques explications à cet égard.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable rapporteur de la section centrale demande si tous les employés inférieurs indiqués dans le rapport sont indispensables, et si l’on ne pourrait pas opérer, sous ce rapport, des économies dont le produit serait employé à l’acquisition de livres. Je répondrai, messieurs, que les indications qui se trouvent à cet égard dans le rapport sont celles qui ont été données par la commission de la bibliothèque, mais que rien n’a jusqu’à présent été statué sur ce point, et que j’ai toujours entendu que si tous les employés n’étaient pas indispensables, les économies qui pourraient être faites de ce chef seraient employées à l’acquisition de livres ; de sorte que les indications dont il s’agit ne doivent être considérées que comme de simples renseignements.
L’honorable M. Verhaegen, en soutenant la suppression proposée par la majorité de la section centrale, a déclaré qu’il ne s’occuperait nullement de questions de personnes ; cependant vous avez entendu, messieurs, que la plus grande partie de ses observations étaient réellement personnelles, et qu’il a dit peu de chose sur le fond. Il a proposé de réunir sous une seule administration les deux bibliothèques ; je ne puis pas repousser cette idée d’une manière absolue ; il est possible que le moment viendra où il sera opportun d’opérer la réunion proposée par l’honorable membre ; mais dans mon opinion ce moment n’est pas encore venu ; jusqu’à présent les deux bibliothèques ne peuvent pas être placées dans le même local ; cela sera possible lorsque le gouvernement possédera le local qu’il a en vue ; mais en admettant même que les deux bibliothèques soient réunies dans un même local et qu’elles puissent être immédiatement administrées par un seul chef, l’économie ne serait pas encore de 7,000 fr., car il faudrait certainement à la tête de la section qui se composerait de la bibliothèque de Bourgogne, un employé qui eût un traitement convenable ; le traitement du conservateur actuel de la bibliothèque de Bourgogne ne pourrait donc pas tomber en économie, car il faudra toujours un personnel pour la section des manuscrits et un personnel pour la section des livres imprimés. Il ne résultera donc, dans tous les cas, qu’une faible économie de la réunion des deux bibliothèques ; mais je dis que cette question est prématurée, qu’elle ne peut pas être résolue actuellement.
Je n’entrerai point dans des questions de personnes, mais je ferai cependant remarquer, messieurs, qu’il est essentiel d’avoir à la tête de la bibliothèque nouvelle quelqu’un qui ait des relations très étendues, car c’est là le moyen de procurer plus promptement de l’extension à la bibliothèque, puisque les rapports qu’ont entre eux les littérateurs distingués conduisent nécessairement à l’augmentation des collections à la tête desquelles ils se trouvent ; cela est incontestable, l’expérience le démontre.
Je ne dirai que peu de chose, messieurs, relativement à la question qui a été soulevée par l’honorable M. Verhaegen touchant les collections de l’ancienne université de Louvain. Lors de la suppression de l’université de Louvain en 1835, la régence de Louvain a insisté auprès du gouvernement pour conserver la jouissance de ces collections ; elle a insisté à deux titres, d’abord à titre de propriété, et ensuite par des considérations politiques et de justice ; elle a dit sous le premier rapport, en ce qui concerne la bibliothèque, qui est l’objet principal, qu’elle en avait assurément la propriété, que les acquisitions nouvelles, faites depuis 1817, n’étaient pas d’une grande importance et qu’elles n’étaient d’ailleurs qu’une compensation de ce qui avait été distrait des anciens dépôts.
Quant aux autres cabinets, je pense que l’importance n’en est guère aussi grande que l’honorable préopinant l’a cru, et qu’ils étaient dans un état très peu satisfaisant ; je dirai même qu’en ce qui concerne la bibliothèque, on a été loin de faire un emploi utile des diverses sommes qui ont été allouées pour cet objet ; il est reconnu, messieurs, qu’à une certaine époque l’administration de l’université de Louvain a été très défectueuse, spécialement en ce qui concerne la bibliothèque.
Ce qui est assurément une propriété de l’Etat, non contestée, c’est le jardin botanique ; mais, messieurs, s’il fallait vendre cet établissement, je pense qu’on n’en obtiendrait pas une somme très considérable.
Dans cet état de choses, je me suis borné à faire avec la régence le Louvain une convention provisoire, réservant tant à l’Etat qu’à la ville de Louvain tous leurs droits respectifs ; j’ai fait dresser un catalogue et un inventaire de tout le matériel tel qu’il se trouvait en 1835. Cette convention a été communiquée à la chambre à la suite du rapport sur les universités en 1836.
M. Verhaegen. - Messieurs, j’avais à répondre à l’honorable M. Dumortier et ensuite à M. le ministre de l’intérieur, mais mon honorable collègue M. Gendebien s’est déjà chargé d’une partie de cette tâche, et je n’ai plus qu’à dire quelques mots sur un fait qui m’est en quelque sorte personnel.
Je ne sais pourquoi l’honorable M. Dumortier vient toujours parler de ma qualité de recteur de l’université. Je fais abstraction de toute qualité étrangère à mon mandat de représentant, je parle ici comme député de la nation ; dans la question que j’agite il n’y a aucun intérêt personnel ni aucun intérêt de parti ; je désire qu’il en soit de même pour tout le monde. Je tâcherai toujours de ne m’occuper que des intérêts généraux du pays ; si je réclame pour l’Etat ce qui appartient à l’Etat, je remplis mon devoir et je ne recule pas devant les conséquences de mon mandat.
Je dirai à l’honorable M. Dumortier que si la ville de Bruxelles possède des collections qui sont la propriété de l’Etat, je serai le premier à concourir de tout mon pouvoir à faire rentrer l’Etat dans la propriété de ces objets ; nous ne ferons pas plus d’exception pour la ville de Bruxelles que pour la ville de Louvain ; nous ne représentons pas la ville de Bruxelles, mais nous représentons tout le pays. Ce ne sont pas les intérêts d’une ville que nous devons soigner dans cette enceinte, mais nous devons y défendre les intérêts généraux. Et ici, ma réponse sera celle de l’honorable M. Gendebien. Si l’honorable M. Dumortier est disposé à proposer un amendement dans le sens de celui que nous avons annoncé, qu’il le fasse, et l’on examinera quels sont les droits de l’Etat à cet égard.
Messieurs, vous voulez une bibliothèque nationale ; vous avez fait des acquisitions pour 375,000 fr. ; vous annoncez qu’au budget de chaque année une certaine somme sera portée pour le même objet. Eh bien, l’on vient vous dire qu’à Louvain il se trouve 150,000 volumes qui appartiennent à l’Etat, et qui forment un ensemble de livres les plus précieux sur la littérature et la philosophie ; ne doit-on donc pas s’empresser de réclamer ces livres, pour les déposer à la bibliothèque nationale ?
Mais on veut équivoquer sur la propriété du fonds de la bibliothèque de Louvain ; eh bien, lorsque la question sera placée sur ce terrain, il ne sera pas difficile de démontrer que ce fonds est la propriété de l’Etat. Que l’on consulte la correspondance qui existe à cet égard dans les archives de la ville de Louvain, et l’on aura bientôt cette conviction. Nous avons dit tous les premiers que la bibliothèque dont nous entendons parler était la bibliothèque de l’ancienne université de Louvain, qui avait été dispersée, il est vrai, en l’an II, circonstance au sujet de laquelle il a été pris des mesures sous l’empire.
S’il pouvait rester le moindre doute à cet égard, ce qui s’est passé en 1817 doit le faire cesser. Car, quelle a été en quelque sorte la condition de l’établissement de l’université à Louvain ? Cette condition a été la reconnaissance au profit de l’Etat de la propriété de la bibliothèque de la ville. Lorsque le moment sera venu, nous serons à même d’établir ce fait à la dernière évidence.
Mais comme il s’agissait pour le moment de ne pas donner prise à des équivoques, nous avons dit, l’arrêté de 1816 à la main, que, supposât-on même que le fonds de la bibliothèque n fût pas la propriété de l’Etat, au moins les acquisitions annuelles qui ont été faites avec les fonds prélevés sur le budget, constituent une propriété de l’Etat. Je me suis dispensé de vous lire tous les articles de l’arrêté de 1816 qui se rapportent à l’objet qui nous occupe, parce que je n’ai pas voulu abuser de vos moments ; mais, dans chacun des articles que j’ai indiqués, l’on voit à la dernière évidence que 1’Etat veut si bien conserver sa propriété, qu’il a des agents chargés de faire sous leur responsabilité des catalogues qui établissent la hauteur du fonds qui est la propriété de l’Etat. Cela a eu lieu, et toujours sous la responsabilité des mêmes agents, jusqu’au moment où l’université de Louvain a cessé d’exister.
J’ai fait des calculs, on n’y a pas répondu ; mais aussi il est impossible de répondre à des chiffres. J’ai dit qu’il avait été annuellement alloué pour la bibliothèque de Louvain 7,000 florins des Pays-Bas, et ceux qui ont été chargés des acquisitions étaient experts dans la matière. MM. Holtius et Birnbaum qui, entre autres, étaient chargés de ces acquisitions, ne laissaient échapper aucune occasion pour compléter la bibliothèque. Tout ce qui paraissait de remarquable en Allemagne et en France, en fait de littérature, de philosophie et de droit, était acquis pour le compte de l’Etat, au moyen du subside annuel qui était affecté à cet objet. Chacun des sept cabinets de l’université touchait annuellement 2,000 florins, ce qui faisait 14,000 fl. Ajoutez-y les 7,000 fl. pour la bibliothèque, et vous aurez 21,000 fl., ce qui pour 16 ans donne un capital de 326,000 fl.
L’on vient dire que c’est là une bagatelle ; si c’est là une bagatelle, je ne sais réellement pas quelle est la somme qui doive fixer notre attention. On crie à l’économie, lorsqu’on vient vous demander de légères majorations pour tel ou tel service ; et quand on vous dit que l’Etat possède à Louvain une propriété incontestable d’une valeur de 800 mille francs, on a l’air de dire que cela n’en vaut pas la peine.
Mais, dit-on, il y a contestation ; la ville prétend qu’elle est propriétaire. Nous ne demandons pas que la chambre déclare immédiatement que l’Etat est propriétaire ; nous demandons seulement qu’on nomme une commission qui sera chargée d’examiner la question, et toutes celles du même genre qui pourront surgir.
Messieurs, si je suis entré dans ces considérations, c’est pour faire voir que mes réclamations ne reposent pas sur des chimères ; et que ce que je demande est fondé en droit. Mais je ne veux pas qu’on tranche la question immédiatement. Je veux au contraire qu’en en fasse l’objet d’un mûr examen, et que si, comme je n’en doute pas, la propriété de l’Etat est reconnue, l’Etat soit réintégré dans cette propriété : c’est là l’objet de la proposition que je vais déposer.
En ce qui concerne maintenant la bibliothèque nationale, et les dispositions à prendre sur ce point, je me rallie à la proposition qui a été déposée par M. Gendebien ; l’accessoire, comme je l’ai déjà dit, doit suivre le principal. Nous avons déjà une bibliothèque nationale, et nous aurions grand tort de lui faire perdre le nom européen qu’elle possède ; nous avons la bibliothèque des ducs de Bourgogne, et tout le monde sait que cette bibliothèque est d’une valeur considérable. Comme je l’ai déjà dit, pourquoi irions-nous négliger cette bibliothèque nationale, pour en créer une autre ? Ce serait dire : L’accessoire devient le principal, et le principal devient l’accessoire. L’on doit donc prendre le fonds de la bibliothèque de Van Hultem, pour le joindre à la bibliothèque nationale des ducs de Bourgogne, et puis l’on fera rentrer dans le domaine de l’Etat ce qui appartient à l’Etat ; et de cette manière on aura un beau commencement de bibliothèque.
Maintenant, faut-il deux conservateurs, deux sous-bibliothécaires et un secrétaire-adjoint ? Je ne le pense pas ; je n’en veux pas moins maintenir l’allocation telle qu’elle est proposée ; mais tout ce qui ne sera pas nécessaire à l’administration du personnel pourra être employé à des acquisitions de livres. Les frais d’administration sont portés aujourd’hui à la somme de près de vingt mille francs, et cela pour une bibliothèque qui a coûté 37,000 francs, tandis qu’il n’est pour ainsi dire rien demandé pour la bibliothèque de Bourgogne, qui a une valeur de plusieurs millions.
Messieurs, il faut mettre les choses dans l’état où elles doivent être, et le ministre de l’intérieur a eu tort de dire que j’en avais fait une question de personne ; car, en commençant mon discours, j’ai eu soin de dire que je faisais taire des affections personnelles pour remplir ce que je considère comme un devoir. Je suis le premier peut-être à désirer voir M. de Reiffenberg s’établir à Bruxelles ; mais s’il s’agissait, dans ce cas, de mon propre frère, je dirais que sa présence est inutile à Bruxelles ; je ne pense pas que l’on puisse me blâmer à cet égard.
Messieurs, si l’on considère la chose comme accomplie, s’il faut deux conservateurs ; sans en faire une question de personne, mais bien une question de convenance, je l’ai déjà dit, et je le répète : pourquoi mettre l’un des conservateurs dans une condition différente de celle où l’autre se trouve ? Pourquoi traiter différemment deux individus qui sont exactement dans une même position sociale ? Pourquoi décourager un fonctionnaire qui n’a pas démérité du gouvernement et qui s’est constamment acquitté de ses devoirs de manière à satisfaire tout le monde ; pourquoi le décourager, dis-je, en le maintenant dans la position où il se trouve actuellement, et en plaçant à côté de lui un nouveau fonctionnaire de la même catégorie, qui aura un traitement double du sien ?
Si l’on veut proposer un tempérament, si l’on veut conserver ce qui est, je crois que dans ce cas il y aurait moyen, sans augmenter le chiffre, de donner aux deux conservateurs la même position. Que l’on retranche l’un des deux sous-bibliothécaires qui sont portés chacun pour 5,000 francs ; voilà une somme de 5,000 fr. qui deviendra disponible, et que l’on pourra donner en supplément au conservateur des manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne, pour qu’il soit placé dans les mêmes conditions pécuniaires que le conservateur de la bibliothèque nationale.
Comme il n’est pas impossible que la proposition de l’honorable M. Gendebien, que je regarde comme très efficace, ne soit pas adoptée, j’aurai l’honneur de proposer dans cette hypothèse un amendement tendant à supprimer la place d’un des sous-bibliothécaires, pour que le traitement du conservateur de la bibliothèque de Bourgogne soit mis sur le même pied que le traitement du conservateur de la bibliothèque nationale.
M. le président. - Voici le premier amendement de M. Verhaegen :
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre de nommer une commission qui sera chargée d’examiner les droits de l’Etat à la bibliothèque, aux cabinets de préparations anatomiques, physiologiques et pathologiques, au laboratoire de chimie, aux cabinets de physique, d’histoire naturelle, zoologie, géologie, aux collections d’instruments d’agriculture, etc., et au jardin botanique, qui se trouvaient établis près de l’ancienne université de Louvain.
- L’amendement est appuyé.
M. le président. - Voici le second amendement de M. Verhaegen :
« J’aurai l’honneur de proposer, pour le cas où les deux bibliothèques resteraient divisées, de fixer le traitement du conservateur des manuscrits au même taux que le traitement du conservateur des imprimés, en supprimant une des places de sous-bibliothécaire.
M. Desmet. - J’avais demandé la parole quand l’honorable rapporteur de la section centrale avait déclaré qu’il faisait partie de la minorité de la section qui avait voté pour le projet du ministre, et que le motif de son vote avait été parce que déjà le ministre avait nommé, et qu’il ne voulait pas mettre obstacle à l’exécution de cette nomination ; pour moi, messieurs, j’aime aussi à faire une déclaration que je faisais partie de la majorité qui avait rejeté le projet du ministre, et j’aime aussi à communiquer à la chambre mes motifs ; d’ailleurs, je commence à faire connaître que, dans la délibération de la section centrale, il n’y a pas eu question de la nomination faite ni de la personne nommée ou à nommer, mais on a seulement considéré la nécessité ou l’utilité d’ériger une telle nouvelle administration, comme le ministre la propose, pour conserver les livres achetés l’an dernier aux héritiers Van Hulthem, et la majorité a pensé que cette nouvelle administration n’était pas nécessaire, que, quand le pays est en présence d’un budget de dépenses de 100 millions, quand on doit augmenter les contributions foncières de cinq centimes additionnels, et quand il y a encore augmentation dans les impôts indirects, on devait un peu songer à faire des économies et ne pas jeter continuellement l’argent du pays en créant des sinécures et une nouvelle administration bibliothécaire pour conserver une bibliothèque nouvelle, quand déjà nous avons une bibliothèque nationale qui a son conservateur. Voilà, messieurs, les motifs du vote de la majorité de votre section centrale.
Mais avant de continuer la discussion sur l’objet de la création de la nouvelle bibliothèque nationale, comme on veut la nommer au département de l’intérieur, je désire dire quelques mots sur la proposition de l’honorable député de Bruxelles, qui tend à faire nommer par la chambre une commission qui ferait une enquête par 6 membres pour investiguer les droits des habitants de Louvain sur la bibliothèque de cette ville et les en déposséder.
Messieurs, je regrette qu’à cette occasion l’honorable M. Quirini ne siège plus parmi nous ; il aurait certainement défendu en ce moment la cause de la ville de Louvain, comme il l’a fait dans une autre circonstance ; je n’ai pas, quant à moi, des renseignements précis sur la question ; mais ce que je sais, c’est que quand les universités de Liége et de Gand ont été érigées, il a été stipulé que si ces universités venaient à être supprimées, la bibliothèque de l’université resterait à la ville.
Mais pour l’université de Louvain rien n’a été stipulé, la bibliothèque y était, et le gouvernement n’a pas déclare que la bibliothèque resterait à la ville, si un jour l’université venait à être supprimée. Cela prouve assez que le gouvernement n’avait aucun droit sur cette bibliothèque, car autrement il aurait fait les mêmes conditions pour la ville de Louvain, comme il a fait pour celles de Liége et de Gand.
Je crois qu’on vous présenterait aussi le décret par lequel le gouvernement français avait doté la ville de Louvain de sa bibliothèque immédiatement, si je ne me trompe, après l’ancienne université de Louvain, comme alors d’autres biens furent encore rendus ou donnés, provenant de cette université.
D’ailleurs, messieurs, vous aurez beau nommer des commissions pour contester à la ville de Louvain la propriété de sa bibliothèque, elle vous attendra en justice réglée, et comme nous l’a dit à maintes reprises notre ancien collègue Quirini, elle ne craint point du succès de sa cause ; de sorte que tout ce que vous aurez avec cette commission d’enquête qui jouera le rôle de l’inquisition, vous porterez le trouble et le mécontentement dans la ville de Louvain, comme vous porterez l’inquiétude dans plusieurs endroits du pays qui devront aussi se voir à la veille que vous nommerez encore d’autres commissions pour venir les déposséder de leurs objets d’art et de sciences dont ils sont en possession depuis longtemps. Non, jamais je ne pourrai donner mon vote à la nomination d’une telle commission, qui, je le répète, est une véritable inquisition.
Mais, je dois encore le dire, que je suis fâché qu’il n’y ait ici aucun député de Louvain qui puisse expliquer la chose, car je sois certain que l’honorable membre retirerait sa proposition.
Allons au fait : Le principal point de la discussion, c’est la nouvelle bibliothèque à laquelle on veut donner le nom de nationale. Le rapporteur vous a dit qu’il avait voté avec la minorité qui était de 3 contre 5, parce qu’il y avait une nomination faite. Je le déclare encore, que dans la section centrale aucun membre n’a fait de question de personne, ou avec une sinécure ; et on a dit que ce n’était pas quand on était obligé de voter des centimes additionnels, qu’on pouvait laisser créer de nouvelles sinécures.
L’honorable ministre de l’intérieur, qui n’a pas répondu aux observations de la section centrale, a plus ou moins appuyé l’amendement de M. Gendebien ; mais il a dit que ce n’était pas le moment de l’admettre parce qu’il n’y a pas de local. Cependant je crois qu’il y a assez de locaux pour établir la bibliothèque Van Hulthem ; on pourrait la placer dans le même local que les manuscrits de la bibliothèque des ducs de Bourgogne.
Ce n’est pour défaut des locaux qu’on doit attendre à joindre les livres de Van Hulthem à la bibliothèque de Bourgogne. Mais, messieurs, les locaux ne sont qu’un prétexte pour M. le ministre ; tout ce que veut le département de l’intérieur, c’est une nouvelle administration pour les livres imprimés qu’il a achetés et les séparer de la collection de Bourgogne ; mais si M. le ministre s’était donné la peine de voir la chose un peu de plus près, et en plus songé à l’économie du trésor, il aurait bien vite senti que la nouvelle administration n’était que pour créer des places de sinécures, et que la bibliothèque de Bourgogne qui a toujours été notre bibliothèque nationale n’a jamais eu une telle grande administration, et que cependant la collection de livres, qui consistait en manuscrits et imprimés, a souvent été beaucoup plus volumineuse.
Ce fut le roi Philippe II qui le premier rendit la bibliothèque de Bourgogne publique, et qui la rendit plus considérable au monde entier ; outre tous les livres imprimés et manuscrits qu’elle contenait déjà, et qui avaient été rassemblés de toutes les bibliothèques des comte de Flandre et duc de Brabant, ce souverain donna encore l’ordre de faire rassembler pour cette bibliothèque tous les livres qui se trouvaient dans ses possessions, et même dans celles d’outre-mer, et nommément ceux délaissés par feu la reine de Hongrie et de Bohème, qui formaient une immense et très riche collection.
Pour conserver cette immense bibliothèque, qui, comme je viens de le dire, était considérée commue la première du monde entier, il y avait un seul individu, qui dut le président et savant Viglius, et voulez-vous savoir de combien était le traitement de ce savant bibliothécaire, sa nomination portait qu’il aurait eu pour gages 150 livres du prix de 40 gros, monnaie de Flandre.
Après Viglius, la bibliothèque de Bourgogne a eu pour conservateurs Damant, Bartns ; ce fut sous ce dernier qu’un catalogue fut fait, qui se trouve encore conservé dans la bibliothèque du Louvain à Paris. Sous Albert et Isabelle, la conservation de la bibliothèque fut confiée au savant Miroeus qui, quoiqu’elle était beaucoup augmentée, avait lui seul la garde. Enfin, toujours il n’y a eu près de cette bibliothèque qu’un seul bibliothécaire, et le dernier qui la garda dans toute son intégrité fut Laccrua de Santander, qui la garda jusqu’en 1812, époque de sa mort, et qui fut toujours seul ; comme après lui, et quand la ville de Bruxelles en avait déjà une partie, fut aussi l’unique bibliothécaire, notre ambassadeur près du gouvernement anglais. Quand donc cette bibliothèque a toujours été gardée par un seul bibliothécaire, comment a-t-on pu s’expliquer au département de l’intérieur qu’il en est besoin quatre et cinq ?
Quand le ministre a dit qu’il fallait un homme capable pour placer à la tête d’une bibliothèque, j’étais très disposé à l’approuver ; mais je veux savoir ce qu’il entend par un homme capable. Pour moi, en fait de bibliothécaire, un homme capable c’est celui qui soigne bien les livres, qui ne les laisse pas sortir, et les augmente selon le progrès des sciences et des arts.
Mais je ne sais pas si tous les savants, poètes ou journalistes, peuvent faire de bons bibliothécaires. On a proposé de nommer un directeur, deux sous-bibliothécaires et un secrétaire ; mais ce sera le secrétaire qui fera tout, les autres recevront leur gros traitement et s’occuperont à autre chose.
Faites bien attention à une chose. Nous sommes à une époque où on fait le commerce des manuscrits. Je cite un exemple arrivé à Alost où on entreprend de copier des manuscrits. Il est fort dangereux de ne pas placer à la tête des bibliothèques des hommes capables et vraiment conservateurs.
Il faudrait tâcher d’avoir un seul bibliothécaire, comme conséquence de l’amendement de M. Gendebien. Il serait imprudent d’aller établir à côté d’une bibliothèque qui date de six siècles, la plus belle, la plus riche de l’Europe, une autre bibliothèque qu’on appellerait nationale pour la déprécier.
Je reviens sur la question de Louvain ; la ville prononcera par un décret que tout est à elle. On voulait aussi disputer à Bruxelles sa bibliothèque ; elle a prouvé que par un décret daté de Bruges de 1809 ou 1810 l’empereur avait donné tout à Bruxelles, le palais, le musée et tout ce qui était dedans, et de plus les remparts de la ville. Comment s’est-il fait qu’elle n’a pas eu les manuscrits ? C’est qu’ils n’étaient pas dans le local du musée, ils étaient à Paris. C’est en 1815 qu’on les a repris avec les tableaux. Voilà la raison pour laquelle on n’a pas compris les manuscrits dans le don de la bibliothèque.
Après Lacerna, le bibliothécaire fut M. Van Hulthem. Je cite son nom parce qu’on a été très léger dans l’acquisition qu’on a fait de sa bibliothèque, car on a reconnu depuis des volumes qui appartenaient à l’Etat et qu’on a payés.
Au lieu d’établir une nouvelle administration bibliothécaire, il vaut mieux en nommer un seul qui soit un homme capable, et ici je viens encore le répéter, je ne fais point acception de personnes, je ne veux seulement que le nécessaire, et je m’oppose formellement à créer des sinécures pour pensionner des personnes, des privilégiés sans titre, aux dépens du trésor national.
M. Liedts. - Le chiffre qui nous occupe soulève deux questions ; la première est celle de savoir si on réunira la bibliothèque des ducs de Bourgogne à celle désignée sous le nom de bibliothèque nationale ; la seconde est celle de savoir si, en supposant cette première proposition rejetée, il faut allouer 35,000 fr. pour la conservation de la bibliothèque nationale dans l’état actuel.
Quant à la première question tout a été dit par MM. Gendebien et Verhaegen ; la preuve, c’est que M. le ministre n’a rien à répondre. En effet, qu’a-t-il dit pour repousser la réunion proposée ? Il a dit qu’il était loin de la rejeter dans un sens absolu, mais qu’il croyait que le moment de cette réunion n’était pas arrivé. Je lui demanderai quand ce moment arrivera-t-il ? Sera-ce quand le personnel de la bibliothèque sera composé ? Vous verrez alors que chacun tenant à sa place, il sera impossible d’opérer cette réunion.
La réunion proposée est indispensable ; dans une petite capitale comme Bruxelles, c’est trop d’avoir trois bibliothèques ; on a tort de vouloir faire une bibliothèque nationale séparée, de la bibliothèque Van Hulthem quand déjà il y a la bibliothèque de la ville et la bibliothèque des ducs de Bourgogne. La ville de Bruxelles n’offre pas assez de lecteurs pour occuper ces trois bibliothèques. L’intérêt des lettres exige que ces trois bibliothèques n’en fassent qu’une ; car, soit que la bibliothèque dite bibliothèque de Bruxelles appartienne à la ville ou non, il faudra qu’un peu plus tôt ou un peu plus tard elle se réunisse aux deux autres.
En supposant la proposition de réunion rejetée, il est évident que le chiffre de 35,000 fr. est exagéré. Sur quoi M. le ministre l’a-t-il motivé ? Il a dit qu’il avait puisé les raisons qui lui avaient fait poser ce chiffre dans le rapport de la commission royale instituée pour l’organisation de la bibliothèque nationale. M. le ministre n’aurait pu dû se borner à recueillir ces raisons, mais les peser ; et un moment de réflexion lui aurait suffi pour voir que le chiffre dont il s’agit est exagéré.
En effet, de quoi se compose la bibliothèque Van Hulthem qu’on veut ériger en bibliothèque nationale ? De 60,000 volumes ; la proposition, pour une bibliothèque semblable, d’un personnel aussi nombreux que celui énuméré dans le rapport, ne peut qu’exciter la pitié. A Gand, il y a 300,000 volumes, et cependant il n’y a que deux bibliothécaires. A la bibliothèque de Bruxelles, il y a trois fois plus de volumes qu’à la bibliothèque Van Hulthem, qui ne sont pas du même prix, il est vrai ; mais il n’y a également que deux employés, M. Goethals et un aide. Pour la bibliothèque Van Hulthem on veut nommer un conservateur, deux sous-bibliothécaires, un secrétaire-adjoint, un expéditionnaire et deux huissiers.
Si on nomme un sous-bibliothécaire, un expéditionnaire et un huissier, il est très possible de faire marcher au gré de tout le monde la bibliothèque nationale telle qu’elle est composée. Le chiffre de 35,000 fr. peut très bien être réduit à 28,500 fr. sans rien retrancher sur le traitement des employés. C’est la proposition que je ferai pour le cas où la première disposition ne serait pas adoptée.
M. de Brouckere. - Après tout ce qui m’a été dit, il me paraît hors de doute que nous ferions chose blâmable si nous consentions à créer à Bruxelles deux bibliothèques nationales. J’abonde dans ce qu’a dit l’honorable préopinant relativement à la bibliothèque de Bruxelles. Je pense que nous ne devons avoir ici qu’une bibliothèque ; et je crois qu’il ne sera pas difficile d’obtenir de l’administration de la ville que sa bibliothèque soit réunie aux bibliothèques du gouvernement. Nous aurons alors un ensemble que nous pourrons présenter avec orgueil, tandis qu’en divisant en trois bibliothèques et en ajoutant, comme il en était question, trois ou quatre bibliothèques supplémentaires, nous n’aurons que des débris, que des morceaux de bibliothèque et rien complet. L’observation du ministre de l’intérieur, qu’on ne peut pas réunir tous les livres dans le même local, ne fait rien à la chose. Il faut qu’il y ait un seul chef, une seule administration, alors même que les livres se trouveraient dans différents locaux. Qu’arriverait-il si vous admettiez deux bibliothécaires en chef ? Que l’un et l’autre seraient intéressés à ce que les bibliothèques ne fussent pas réunies ; ils opposeraient entraves sur entraves, difficultés sur difficultés, quand le moment de la réunion serait arrivé, d’après l’avis de M. le ministre de l’intérieur.
Dès aujourd’hui, il faut qu’il y ait un seul et même chef pour les deux bibliothèques, et j’invite le gouvernement à faire des démarches auprès de l’administration de la ville de Bruxelles, qui, sauf les conditions qu’elle croira devoir y mettre, consentira, j’en suis persuadé, à ce que sa bibliothèque soit réunie à la bibliothèque de l’Etat.
Une autre question a été soulevée ; c’est celle de savoir s’il convient d’examiner les titres de l’Etat sur les bibliothèques et les collections qui sont à Louvain. On s’est opposé à la nomination de cette commission, pourquoi ? Parce qu’on a prétendu qu’il était convenable de laisser cette bibliothèque et ces cabinets dans la ville de Louvain qui les possède. Ce n’est pas là la question. La question n’est pas de savoir si la bibliothèque et les collections de Louvain doivent être transportées à Bruxelles, mais de savoir quels sont les droits du gouvernement sur cette bibliothèque et ces collections.
Quant aux collections, les droits ne sont pas contestés ; cependant il est bon que cela soit établi d’une manière positive, afin qu’on sache à n’en pas douter à qui elles appartiennent, du gouvernement ou de la ville de Louvain : si vous ne faites pas cela, il arrivera que des revendications seront faites par la ville de Louvain qui prétendra qu’elle a fait des dépenses pour compléter les collections telles qu’elles existent aujourd’hui, et qu’elle en est ainsi devenue propriétaire. Il faut prévenir ces objections. Il faut établir le droit de propriété, peu importe la valeur. M. Dumortier a trouvé qu’il y avait exagération dans l’évaluation de M. Verhaegen. Il y en a aussi de la part de M. Dumortier, qui a évalué à deux mille francs des collections qu’on a prouvé avoir coûté 60,000 fr. Il a mis un zéro de moins comme dans une autre circonstance il en avait mis un de trop ; il y a de sa part compensation. Pour la bibliothèque, vous voyez que la question de propriété n’est pas établie.
Messieurs, lors de la suppression de l’université de Louvain, le gouvernement a voulu faire valoir ses droits. Mais la ville de Louvain a répondu : Cette bibliothèque m’appartient, je demande à la conserver comme propriétaire ; et subsidiairement, si elle ne m’appartenait pas, il faudrait encore me la laisser. Nous n’examinons pas aujourd’hui s’il faut laisser à Louvain la bibliothèque dont il s’agit, mais nous voudrions que l’on sût à qui elle appartient. C’est dans ce but que M. Verhaegen a demandé la nomination d’une commission. Maintenant supposons qu’il soit établi que c’est la propriété de l’Etat, la conséquence serait-elle qu’il faudra la transporter à Bruxelles ? Non ; ce sera une seconde question à examiner ; et si on donne de bonnes raisons de convenance ou autres, pourvu qu’elles soient bonnes, pour prouver que la bibliothèque doit rester à Louvain, je voterai pour qu’on la lui laisse.
Il n’est écrit nulle part que toutes les collections et bibliothèques de l’Etat doivent être réunies à Bruxelles. Cela doit être en général, mais ce principe doit souffrir des exceptions ; personne ne soutiendra qu’il faut faire venir à Bruxelles les bibliothèques de Liége et de Gand ; on les laissera où elles sont et on viendra soutenir qu’à Louvain aussi il faut laisser le dépôt scientifique appartenant à l’Etat. Mais c’est une question nouvelle. La question à examiner pour la commission, ce serait celle de savoir quels sont les droits de l’Etat sur la bibliothèque et les collections de Louvain. Je voudrais qu’elle examinât aussi quels sont les droits de l’Etat sur la bibliothèque de Bruxelles et toutes les collections scientifiques qui sont dans le pays.
M. Devaux. - Dans la discussion qui nous occupe je ne ferai pas de question de personnes. Je ne connais ni l’une ni l’autre des personnes qui y sont intéressées. Je voudrais que tout le monde en eût fait de même. Mais, dans son discours, l’honorable M. Verhaegen conclut par une question de personne. Il demande une économie ; c’est par raison d’économie qu’il conclut à la suppression d’un traitement de 7,000 fr., et dans le cas où sa proposition ne serait pas adoptée, il demande une augmentation de 3,000 fr. en faveur du conservateur de la bibliothèque des ducs de Bourgogne pour porter son traitement à 7,000 fr., et le mettre sur le même pied que le conservateur de la bibliothèque nationale. Je ne puis voir faire ainsi des questions de personnes.
Vous avez institué une bibliothèque nationale pour améliorer les travaux intellectuels dans le pays. Il me semblait que pour instituer une bibliothèque, deux choses étaient nécessaires : des livres et un bibliothécaire ; mais il paraît qu’il n’en est pas ainsi.
Cependant vous avez acheté une bibliothèque 300 mille francs. Ce n’est pas pour se borner au noyau, car ce serait une pauvre bibliothèque nationale. C’est un noyau qu’il faut consulter. Si un bibliothécaire est indispensable, c’est là où il n’y a qu’un commencement de bibliothèque, car c’est lui qui doit la faire ; il a une foule d’acquisitions à faire ; vous comprenez l’importance d’avoir un bon bibliothécaire. Quand le ministre lui-même vient vous dire qu’à Louvain les fonds de l’Etat n’ont pas été dépensés d’une manière convenable, il est indispensable d’avoir à la tête d’une bibliothèque un savant distingué.
On propose la réunion de la bibliothèque des ducs de Bourgogne avec la bibliothèque des imprimés. Il faut s’entendre ; pour ceux qui n’ont pas vu la bibliothèque des ducs de Bourgogne, il ne faut pas que le mot les trompe, ce ne sont pas des livres imprimés, ce sont des manuscrits ou des impressions des premiers temps de l’imprimerie. C’est une collection de très beaux manuscrits, mais enfin, ce n’est qu’une collection de manuscrits. Ce n’est pas une bibliothèque ; ce qu’on entend par bibliothèque a une autre spécialité, une autre utilité.
Maintenant, faut-il réunir la collection des manuscrits à la bibliothèque nationale ? Pour moi, je ne vois aucun inconvénient à ce que le tout soit réuni sous un même nom ; mais alors la bibliothèque devra être réunie en deux sections, car il n’y a aucune analogie entre la collection des manuscrits et la bibliothèque de livres imprimés.
Ensuite il ne faut pas vous exagérer les effets de cette réunion ; tant qu’il n’y aura pas de local, elle ne sera que nominale, et il en sera de même encore quand vous aurez un local, car vous n’allez pas mettre tout, livres et manuscrits, dans une même chambre ; vous assignerez une partie du local aux manuscrits et une autre aux livres imprimés.
Il faudra des hommes spéciaux pour les manuscrits et un conservateur pour les imprimés. Tel homme peut être un excellent conservateur de manuscrits qui n’aura pas la moindre vocation pour être directeur d’une bibliothèque d’imprimés. Vous ne pourrez pas avoir un seul bibliothécaire, il sera indispensable d’avoir là un homme spécial pour la section des manuscrits, et vous n’aurez pas un homme capable à moins de 3 ou 4,000 francs. Dès lors, que vous fassiez une seule institution ou que vous en fassiez deux, vous aurez la même dépense.
D’après ce qui a été dit dans cette discussion, le même homme n’aurait pas le temps de s’occuper des manuscrits et des imprimés, serait alors qu’il aurait la capacité nécessaire, car on vous a dit que le bibliothécaire des manuscrits était occupé depuis 6 heures du matin jusqu’au soir. Si la bibliothèque des manuscrits, qui ne comprend que deux petites chambres, lui demande tant de temps, je demande ce qu’il fera quand il devra classer une bibliothèque nouvelle, satisfaire aux demandes du public, cataloguer et faire toutes les opérations nécessaires pour compléter la bibliothèque.
Dans les grandes bibliothèques il n’y a pas seulement deux bibliothécaires, il y en a cinq ou six. A Paris il y en a six...
M. de Brouckere. - Il y a un bibliothécaire en chef.
M. Devaux. - C’est une erreur, il y a des conservateurs, mais il n’y a pas de chef.
D’après ce que me dit M. le ministre de l’intérieur, il y a huit conservateurs qui se réunissent en commission. Je savais bien qu’il n’y avait pas de chef. Ainsi, il n’y a pas d’économie à espérer dans la réunion qu’on se propose de faire. Je veux bien qu’on réunisse les deux établissements, mais pourvu qu’on conserve un bibliothécaire spécial pour les imprimés, et qu’on ne force pas un homme qui, peut-être, n’aurait pas les connaissances nécessaires pour cela, à réunir les deux fonctions de conservateur des imprimés et de conservateur des manuscrits.
Puisqu’on a voté une bibliothèque nationale, qu’on a fait la dépense, qu’on prend des mesures pour enrichir cette bibliothèque, je demande qu’on fasse la première dépense nécessaire, celle d’un bibliothécaire. Y a-t-il des retranchements à faire sur les propositions du gouvernement, je serai de facile composition là-dessus si plus tard on juge qu’il faut augmenter le personnel, on le fera ; mais que le gouvernement soit mis à même de nommer un bon bibliothécaire et ne soit pas forcé de prendre un homme qui ne serait pas capable et qu’on serait obligé de conserver parce qu’il aurait été nommé une première fois.
Je conclus donc en disant que je ne m’oppose pas à la réunion, mais que je m’oppose à la suppression du conservateur.
M. le président. - Par l’amendement de M. Liedts, la somme serait réduite à 28,500 fr.
M. Liedts. - Dans ces 28,000 fr., je n’opère aucune déduction sur le conservateur.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je persiste à maintenir le chiffre de 3,000 fr., et en insistant je n’entends nullement me prononcer sur la nomination ultérieure des sous-bibliothécaires, du secrétaire et de l’expéditionnaire, parce que je n’ai pas d’opinion arrêtée sur ce point. Si quelque économie peut être opérée, cette économie sera employée à l’acquisition de livres, et il faut convenir que le chiffre de 3,000 fr. n’a rien d’exagéré.
On est de nouveau revenu sur la question de réunion. Il y a en effet une réunion à faire, mais en quoi consiste-t-elle ? C’est de soumettre la bibliothèque des manuscrits et la bibliothèque des imprimés à la même commission de direction, tout en laissant une personne spéciale pour les manuscrits et une personne spéciale pour les imprimés. En France, il y a sept ou huit sections et un directeur à la tête de chacune ; ici, nous ne pouvons pas multiplier les sections. Il y a le bibliothécaire des manuscrits et le bibliothécaire des imprimés, et nous avons nommé les personnes notables qui forment le conseil de la bibliothèque. Si la bibliothèque de Bourgogne est soumise à cette commission, il n’en résultera aucune question d’argent, puisque la commission exerce ses fonctions gratuitement.
Les propositions que l’on a faites n’ont d’autre but que de substituer M. Marchal à M. de Reiffenberg ; ces propositions ne peuvent être accueillies par nous, parce que la chambre ne doit pas faire de nominations. Quant à nous, nous nous abstiendrons dans cette enceinte de toutes réflexions sur les personnes.
Je demande le chiffre tout entier ; j’examinerai soigneusement les économies qu’on peut faire sur le personnel, et le restant sera pour l’achat des livres.
M. Dumortier. - Je voterai le crédit de 3,000 fr. demandé par le gouvernement, mais on sentira la nécessité d’adopter les modifications indiquées par la section centrale. Selon le rapport fait au nom de cette section, 20,000 fr. seraient employés au traitement des fonctionnaires attachés à la bibliothèque et 2,000 fr. seulement pour les acquisitions des livres ; ce serait la proposition inverse qui devrait être admise ; il faudrait que le gouvernement dépensât 12,000 fr. pour le personnel et à 30,000 fr. pour les livres.
Vous avez voté 25,000 fr. pour le musée des arts et de l’industrie, 10,000 fr., pour de vieilles curiosités ; et aujourd’hui, pour la bibliothèque qui est le foyer des lumières pour le pays, vous ne voteriez que 15,000 fr. ! Voilà ce que je ne saurais comprendre. Je voudrais que les fonds servissent le plus possible à hâter chez nous le développement de l’intelligence : je suis partisan du développement de l’intelligence en Belgique, et c’est par une bonne bibliothèque que nous y parviendrons. Ce n’est pas en prélevant sur les sommes que nous allouons des traitements pour des offices inutiles que nous arriverons au but. La chambre a été si généreuse pour des établissements qui ne sauraient produire aucun fruit, que je ne sais comment elle refuserait ce qui est demandé pour la bibliothèque. Je n’admettrai donc pas l’amendement.
Je ferai remarquer que l’article relatif à la bibliothèque de Bourgogne est voté sans amendement, et qu’ainsi l’amendement de M. Gendebien serait la réduction de 10,000 fr,.sur la bibliothèque des imprimés.
J’espère qu’après avoir accordé de fortes sommes pour des futilités, on ne refusera pas les articles qui nous occupent.
Le gouvernement doit se borner pour le présent à un bibliothécaire et à un bibliothécaire-adjoint ; il y a absurdité à nommer un secrétaire-adjoint et un expéditionnaire : est-ce qu’on pense que la correspondance de la bibliothèque va occuper deux expéditionnaires ? Dans la bibliothèque de Bruxelles, il y a un seul employé qui suffit à toute la besogne, et ici on nous propose six fonctionnaires. Je le répète, il ne faut qu’un bibliothécaire et qu’un bibliothécaire-adjoint.
Quant à la réunion des deux bibliothèques, je ne puis y consentir si la réunion doit avoir lieu sous une même personne ; mais s’il ne s’agit que de les réunir dans un même local, je ne m’y oppose pas. Si l’on veut soumettre les deux bibliothèques à une seule et même administration, je m’y opposerai de tous mes moyens, parce que cela amènerait pour résultat de mettre M. Marchal sous M. de Reiffenberg. Je crois que, dans l’intérêt de ces personnes, il faut tenir les bibliothèques séparées. D’ailleurs tout le monde sait que les manuscrits n’ont rien de commun avec les imprimés.
Ce serait la même chose si on voulait réunir les deux bibliothèques sous la même commission. L’acquisition des livres imprimés et des manuscrits sont deux choses différentes ; telle personne peut être très forte dans la connaissance des livres imprimés qui ne connaîtra rien en manuscrits.
Maintenant, messieurs, j’ajouterai quelques mots à ce que j’ai dit sur la proposition de M. Verhaegen, et qui tendrait à faire nommer une commission d’examen des titres de propriété de la ville de Louvain sur sa bibliothèque.
Il me semble qu’une pareille proposition aurait dû être appuyée de documents un peu plus sérieux que ceux qu’a produits l’honorable membre. Il ne suffit pas de dire que l’Etat a quelques droits, il faut administrer un commencement de preuves. Mais nommer une commission pour examiner les droits de la ville de Louvain sans pouvoir rien articuler, ce serait en quelque sorte attenter à la propriété. Que diriez-vous si l’on demandait une commission pour examiner les droits de la ville de Louvain sur son hôtel-de-ville ? (On rit.) C’est la même chose. Commencez par prouver qu’il y a l’apparence d’un droit du gouvernement sur la bibliothèque, puis nous verrons.
Messieurs, je sais que la ville de Louvain a été mise en possession des bâtiments et du matériel de l’université par un arrêté du gouvernement français du 12 germinal an XII.
J’ajouterai que déjà sous l’empire français la bibliothèque de Louvain était la bibliothèque de cette ville, à la charge de cette ville et que le bibliothécaire était payé par elle. Que dirait-on si l’on demandait la nomination d’une commission pour savoir si la maison de M. Verhaegen est propriété de l’Etat ? (On rit encore.)
Il faut, avant d’élever de semblables questions, faire un commencement de preuves. Au reste, c’est une question de propriété qui n’est pas de notre ressort ; elle est du ressort des tribunaux.
Je me rappelle fort bien que lors de la discussion de la loi sur l’instruction supérieure. L’honorable M. Quirini a prononcé un discours dans lequel il prouvait à l’évidence que la bibliothèque et les collections que l’honorable M. Verhaegen veut aujourd’hui revendiquer, appartiennent à la ville de Louvain. Maintenant on vient alléguer que l’Etat a sur ces objets une propriété incontestable, et sur cette simple allégation on nous propose de nommer une commission. Je ne comprends rien à une semblable proposition, je ne comprends pas comment l’honorable M. Verhaegen, si logique en général, si bon jurisconsulte, peut prétendre que nous nommions une commission pour examiner une question de propriété qu’il commence par trancher lui-même.
Il n’y a pas même ici une apparence de preuve, et en l’absence de toute apparence de preuve on veut nommer une commission pour examiner si telle propriété appartient à telle personne.
Quant aux collections scientifiques, l’honorable M. de Brouckere a bien tort de vouloir tourner en plaisanterie ce que j’ai dit à cet égard ; l’honorable membre me permettra de croire que je me connais autant que bien des personnes en cette partie ; je n’ai point omis de zéro comme cela m’était arrivé l’autre jour par erreur et comme cela est arrivé plusieurs fois à l’honorable M. de Brouckere ; s’il insiste à cet égard, je viendrai, le Moniteur à la main, lui prouver qu’il s’est trompé souvent dans ses calculs. Je dis que je n’ai point commis d’erreur ; j’ai cité un fait dont j’ai connaissance, et je répète que si je devais faire une collection comme celle qui se trouve à Louvain et que M. Verhaegen a évaluée à 60,000 francs, il me serait très possible d’y parvenir au moyen d’une somme qui n’excéderait peut-être pas 3,000 francs.
Je repousserai, messieurs, de tous mes moyens, la spoliation qu’on veut exercer contre la ville de Louvain, contre une ville qui a pris une part si glorieuse à la révolution, dont elle a été un des principaux boulevards ; ce serait véritablement là un acte odieux, et je m’y opposerai de toutes mes forces.
M. Angillis. - Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a proposé la nomination d’une commission qui serait chargé d’examiner jusqu’à quel point l’Etat peut être propriétaire de la bibliothèque de la ville de Louvain et des collections scientifiques qui s’y trouvent. Cette question, messieurs, est très délicate, et c’est parce qu’elle est très délicate qu’elle mérite un examen réfléchi, un examen calme, un examen entouré de tous les renseignements.
Remarquez bien, messieurs, que M. Verhaegen ne propose pas à la chambre de trancher la question de propriété, ce qu’elle ne peut pas faire ; il propose seulement la nomination d’une commission pour examiner cette question. A cela l’honorable M. Dumortier répond qu’avant de nommer une commission, il faut prouver le droit de propriété, mais je demanderai, messieurs, si le droit de propriété était prouvé, à quoi servirait alors la nomination d’une commission, puisqu’elle ne doit avoir d’autre mission que d’éclairer la chambre sur ce droit de propriété.
Il ne s’agit pas ici, messieurs, d’un intérêt de clocher ; il s’agit des intérêts généraux, des intérêts de la nation, et je crois que nous sommes tous envoyés ici pour les défendre : il s’agit de maintenir l’Etat dans une propriété ; or, je crois qu’il serait très imprudent de passer à l’ordre du jour sans avoir nommé une commission, car il peut arriver que l’Etat soit propriétaire de la bibliothèque de Louvain, et si vous passiez légèrement à l’ordre du jour, on pourrait peut-être envisager cela comme une renonciation à cette propriété, renonciation que nous ne pouvons pas faire sans manquer à nos devoirs.
Je ne conçois pas, messieurs, par quel motif on peut s’opposer à la proposition de M. Verhaegen. Si la commission est nommée, comme je l’espère, elle examinera la question, et après cet examen la chambre décidera ; mais dans la supposition même que l’Etat soit propriétaire de la bibliothèque et des cabinets scientifiques qui se trouvent à Louvain, il ne sera pas encore décide pour cela que la ville de Louvain sera dessaisie de ces objets ;on examinera alors cette question, mais on ne peut pas l’examiner avant qu’une commission ait été nommée.
J’appuierai donc la première proposition de l’honorable M. Verhaegen comme j’appuierai également la proposition de l’honorable M. Gendebien ; car je pense, messieurs, qu’il est utile et nécessaire de réunir les deux bibliothèques, c’est-à-dire le dépôt de manuscrits dit bibliothèque de Bourgogne et ce qu’on appelle la bibliothèque nationale ; mais si l’on vote cette réunion, je pense aussi qu’il faudra deux conservateurs.
Je ne veux pas prolonger cette discussion, car je m’aperçois qu’elle devient irritante : ce n’est plus une discussion de principes, mais les questions personnelles s’y mêlent ; je ne veux pas aller plus loin. Je demande que la chambre veuille bien adopter la proposition de l’honorable M. Verhaegen et celle de l’honorable M. Gendebien.
M. le président. - Voici la proposition de M. Dumortier :
« Je propose l’ajournement de la proposition de M. Verhaegen ; et dans le cas où cet ajournement ne serait pas adopté, je propose d’étendre la proposition à la bibliothèque et à la collection de tableaux de la ville de Bruxelles. »
Cette proposition a été développée ; est-elle appuyée ?
- La proposition est appuyée.
Sur la demande de dix membres, la chambre prononce la clôture de la discussion.
M. le président donne lecture des diverses propositions sur lesquelles il s’agit de statuer.
M. Verhaegen déclare retirer sa seconde proposition, qui est relative au traitement du conservateur de la bibliothèque de Bourgogne, et se rallier à la proposition de M. Gendebien.
M. le président. - A quelle proposition veut-on donner la priorité ?
Des membres. - Au chiffre le plus élevé !
M. le président. - Mais avant de fixer le chiffre ne faudra-t-il pas voter sur la question de réunion ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La réunion des deux bibliothèques n’a pas été proposée d’une manière formelle, ce n’est que la réunion des deux crédits qui a été proposée.
M. le président donne une nouvelle lecture de la proposition de M. Gendebien, qui tend en effet à réunir les deux bibliothèques.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Alors il faudrait commencer par mettre un local à la disposition du gouvernement.
M. Gendebien. - Il ne s’agit pas du local en ce moment, il s’agit seulement de ne pas créer deux administrations afin qu’on ne soit pas obligé de les maintenir quand on pourra réunir les deux bibliothèques dans un même local.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il doit être bien entendu, messieurs, que si vous votez la réunion, c’est sans rien préjuger quant aux personnes. (Assentiment.)
La question de savoir si les deux bibliothèques seront réunies est mise aux voix ; deux épreuves sont douteuses.
Il est procédé à l’appel nominal ; en voici le résultat :
76 membres sont présents.
1 membre (M. Smits) s’abstient.
42 répondent oui.
34 répondent non.
En conséquence, l’amendement de M. Gendebien est adopté en ce qui concerne la réunion des deux bibliothèques.
Ont répondu oui : MM. Angillis, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coghen, Corneli, David, de Brouckere, de Jaegher, Demonceau, de Muelenaere, de Perceval, de Puydt, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus (aîné), Duvivier, Fallon, Frison, Gendebien, Jadot, Lebeau, Lecreps, Liedts, Maertens, Meeus, Metz, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Hoobrouck, van Volxem, Vergauwen, Verhaegen, Zoude.
Ont répondu non : MM. de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Theux, Devaux, d’Huart, Doignon, Dubois, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Lebeau, Lejeune, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Ullens, Verdussen, Peeters et Raikem.
M. Smits déclare s’être abstenu parce qu’il n’a pas entendu les développements de la proposition de M. Gendebien.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Maintenant qu’on a décidé la réunion des deux bibliothèques, je demande que l’on réunisse le chiffre qui a déjà été voté pour la bibliothèque de Bourgogne à celui qu’il s’agit de voter pour la bibliothèque nationale.
M. Gendebien. - Messieurs, je ne vois pas le moindre inconvénient à ce que la chambre vote contre la somme qui est pétitionnée pour le service de la bibliothèque nationale. Le ministre sait bien qu’en votant la réunion des deux bibliothèques, la chambre a voulu éviter un double emploi, et arriver à une économie, quant aux frais d’administration seulement. L’excédant à résulter de ce chef pourra très bien être appliqué à des achats de livres, et c’est ce que je demande. Je propose donc bien volontiers, dans ce sens, de voter tout le chiffre de 3,000 fr., ou le chiffre global de 60,000 francs pour les deux, au lieu des 50,000 fr. que j’avais proposés par mon amendement.
M. Desmet. - Avant que la chambre procède au vote, il faut que le ministre s’explique sur l’observation de M. Gendebien. M. Gendebien a déclaré qu’il voulait bien accorder toute la somme, à la condition que l’économie qui serait faite du chef du personnel serait appliquée à des achats de livres.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne pense pas que la question puisse être posée comme on vient de l’indiquer ; car, pour ce qui me regarde, je pense qu’après avoir obtenu un vote affirmatif sur la proposition de l’honorable M. Gendebien, nous allons reculer et que nous n’aurons rien fait. En effet, la question sur laquelle la chambre a été consultée était celle de savoir s’il y aurait deux bibliothécaires. Eh bien, si l’on vote de la manière dont on vient de l’indiquer, le ministre obtiendra le résultat qu’il désirait, et la proposition de M. Gendebien sera réduite à zéro.
M. de Brouckere. - Messieurs, l’honorable M. Gendebien s’est complétement expliqué. Il vous a dit qu’il ne vous demandait pas une réduction sur le chiffre, mais à la condition que tout ce qui ne serait pas nécessaire au paiement du traitement des employés fût destiné à des acquisitions de livres.
Ainsi, messieurs, il résulte des paroles de l’honorable M. Gendebien qu’il n’entend nullement approuver la répartition du crédit telle qu’elle se trouve dans le rapport de la section centrale. Ainsi, si nous votons le chiffre intégral qui est demandé par le gouvernement, on ne pourra pas en tirer la conséquence que nous avons approuvé d’une manière quelconque le projet du gouvernement à cet égard.
M. Gendebien. - Messieurs, l’honorable M. de Brouckere vient d’expliquer complétement ma pensée, telle que je l’avais formulée en peu de mots. M. Dumortier m’avait fait un reproche de diminuer le crédit demandé pour la bibliothèque. Eh bien, j’ai dit que le gouvernement devait bien comprendre que l’intention de la chambre était d’éviter un personnel inutile, des superfétations ; j’ai dit ensuite que l’économie que l’on pourrait réaliser sur les frais d’administration serait ajoutée à la somme que le gouvernement proposait de consacrer à des achats de livres. Maintenant s’il y a des membres qui, pour faire des économies, ne veulent pas allouer le chiffre qui est demandé par le gouvernement, ils se prononceront contre ; si le chiffre est rejeté par la chambre, l’on arrivera alors à celui que j’ai proposé, et on achètera dans ce cas quelques livres de moins. Quant à moi, je voterai pour le chiffre du gouvernement dans le sens que j’ai déjà indiqué et que M. de Brouckere a ultérieurement développé.
Du reste, ainsi que l’a dit l’honorable ministre de l’intérieur, nous ne voulons pas trancher ici une question de personne ; nous n’avons pas à décider ici entre le conservateur de la bibliothèque de Bourgogne, et le nouveau conservateur ; c’est au gouvernement à faire un choix ; nous, nous n’avons qu’à nous occuper de la répartition des fonds.
- Le chiffre de 35,000 fr. demandé par le gouvernement pour le service de la bibliothèque nationale est mis aux voix et adopté. Il sera joint au chiffre de 25,000 fr. qui a été voté précédemment pour le service de la bibliothèque de Bourgogne.
M. le président. - Il y a à statuer maintenant sur la première proposition de M. Verhaegen. M. Dumortier a demandé l’ajournement de cette proposition. Il s’agit donc de statuer d’abord sur cet ajournement.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la parole sur la position de la question.
Messieurs, en vous faisant sa proposition, l’honorable M. Verhaegen a déclaré en même temps qu’il ne se refusait pas à ce que l’on examinât simultanément la question de la propriété de la bibliothèque de la ville de Bruxelles. Comme l’honorable M. Dumortier a présenté un sous-amendement qui a rapport à ce dernier objet, je pense qu’il faudrait réunir les deux questions pour donner un caractère de généralité à la mesure qu’on va prendre. (Adhésion.)
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable M. Dumortier devrait s’expliquer sur le sens de sa proposition d’ajournement. Entend-il un ajournement temporaire jusqu’à plus ample informé ? Ou bien est-ce un ajournement pur et simple, un ajournement illimité ?
Je déclare que, s’il ne s’agit d’un ajournement temporaire, je ne vois aucun inconvénient dans la proposition de M. Dumortier. Au fond, je ne m’opposerais nullement à ce que la question soit examinée, qu’on recueille des renseignements sur les deux collections, et qu’on y joigne même les autres collections, déposées dans d’autres localités, de manière qu’il y eût un examen complet sur tous les droits de l’Etat à la propriété des objets d’art et des bibliothèques quelconques. Je ne vois pas de quel chef on limiterait cet examen aux deux villes de Bruxelles et de Louvain.
M. de Brouckere. - Messieurs, l’honorable M. Desmanet a demandé que l’on joignît le sous-amendement de M. Dumortier à l’amendement de M. Verhaegen, et la chambre a paru goûter cette opinion que je partage aussi. Eh bien, puisque la chambre est de cet avis, je demanderai que la proposition soit généralisée encore davantage ; et à cet effet, je propose de mettre à la suite du sous- amendement ces mots « et de toutes les collections qui seraient dans d’autres villes. »
M. Dumortier. - Messieurs, il ne faut pas se tromper sur mon amendement ; cet amendement consiste dans deux propositions : la première est une motion d’ajournement sur la proposition de M. Verhaegen, jusqu’à ce qu’il ait fourni un commencement de preuve sur ce qu’il avance.
Voilà donc le premier membre de la proposition que j’ai déposée. Quant à la seconde, elle n’est que subsidiaire. On ne peut pas dénaturer ma proposition, et d’une proposition conditionnelle faire une proposition positive. Il ne faut pas se tromper, la proposition a été faite pour atteindre Louvain ; on veut sauver les apparences. Voilà le fait dans toute sa nudité. Qu’on s’explique, qu’on dise si on veut ou non spolier la ville de Louvain qui a fait tant de sacrifices à notre révolution, qui a combattu en tête de notre armée.
M. Verhaegen. - Je mettrai dans ma réponse autant de calme que M. Dumortier a mis de chaleur dans ses paroles. Je dirai que c’est dans l’arrêté de 1817 que j’ai puisé mes arguments. M. Dumortier n’a pas jugé à propos d’y répondre.
M. le président. - Voici une nouvelle rédaction que vient de déposer M. le ministre de l’intérieur :
« Une commission sera nommée à l’effet de faire un rapport à la chambre sur les diverses collections d’objets d’arts et bibliothèques sur lesquelles l’Etat peut avoir des droits à réclamer. »
Je vais d’abord mettre aux voix l’ajournement proposé par M. Dumortier.
Plusieurs voix. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
On procède à cette opération dont voici le résultat :
77 membres prennent part au vote ;
1 s’abstient ;
30 répondent oui ;
47 répondent non.
En conséquence l’ajournement n’est pas adopté.
M. Smits déclare s’être abstenu par les motifs exprimés plus haut.
Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck, Bekaert, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Renesse, Desmet, de Terbecq, Doignon, B. Dubus, Dumortier, Lejeune, Mast de Vries, Morel-Danheel, Raikem, Scheyven, Simons, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, van Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, A. Rodenbach.
Ont répondu non : MM. Angillis, Berger, Coghen, Corneli, David, de Brouckere, de Jaegher, de Langhe, de Muelenaere, de Puydt, Dequesne, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Gendebien, Heptia, Jadot, Keppenne, Lebeau, Lecreps, Liedts, Maertens, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Rogier, Seron, Trentesaux, Troye, Van Volxem, Verhaegen, Zoude.
M. Verhaegen. - Je demande que ma proposition amendée par M. Dumortier et sous-amendée par un autre honorable membre, soit mise aux voix. De la manière dont M. le ministre propose de la rédiger, ma proposition se trouve réduite à rien. Que ceux qui ont connaissance de l’existence dans quelque localité de collection appartenant à l’Etat les indiquent. J’ai indiqué celles que je connaissais ; je ne recule jamais devant les conséquences de mes paroles. J’ai indiqué les collections de Louvain, parce que ma conscience m’a dit de le faire.
M. Dumortier en a indiqué deux ; qu’on ajoute ensuite, en toutes les collections qui peuvent se trouver dans le pays ; je le veux bien ; mais réduire la proposition aux termes dans lesquels M. le ministre propose de la rédiger, c’est ne rien faire que de vague, d’incomplet. J’ai voulu atteindre les collections de Louvain, parce que je les connaissais ; si on en connaît d’autres qu’on les désigne, mais c’est sur ma proposition que je demande que la chambre veuille bien décider.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Ma proposition n’exclut pas les collections de Louvain et de Bruxelles ; mais je pense qu’alors qu’il s’agit d’éclairer la chambre sur l’état des collections sur lesquelles l’Etat peut avoir des droits à réclamer, il ne faut pas procéder par questions particulières, mais par question générale ; il y a toujours quelque chose d’odieux à poser des questions particulières à l’une ou à l’autre localité. La mesure doit être prise en termes généraux. On pourra apprécier l’état des choses, la commission pourra me réclamer les renseignements dont elle aura besoin, je ne ferai aucune difficulté de les lui fournir.
M. Verhaegen. - D’après les explications que vient de donner M. le ministre de l’intérieur et que je considère comme officielles, ma proposition reste telle qu’elle est ; je ne vois plus d’inconvénient à ce qu’on vote sur la rédaction de M. le ministre, telle qu’elle vient d’être expliquée.
M. Dumortier. - Moi je demande qu’on vote dans l’ordre des propositions, nous verrons si on reculera devant les propositions dirigées contre Louvain. Est-ce une propriété foncière qu’on réclame ? Qu’on dise franchement ce qu’on veut ! Moi je dis : c’est Louvain qu’on a voulu frapper, il faut que la question soit mise aux voix. Les auteurs des propositions ne peuvent pas reculer devant leurs œuvres.
M. Gendebien et M. Verhaegen. - C’est par esprit de conciliation qu’on se rallie au ministre de l’intérieur ! (Agitation.)
M. de Brouckere. - D’une question toute simple, comme il s’en présente souvent et dans lesquelles nous avons été toujours d’accord, M. Dumortier veut faire une question irritante ; il veut absolument mettre les partis en jeu, quand nous nous efforçons de les mettre hors de cause. M. Verhaegen avait désigné des collections sur lesquelles l’Etat pouvait avoir des droits à revendiquer. M. Dumortier en avait indiqué aussi ; on pense qu’il vaut mieux ne faire aucune désignation. M. le ministre de l’intérieur propose de rédiger l’amendement d’une manière générale, M. Verhaegen retire son amendement, M. Dumortier n’est pas content !
Je crois qu’il n’y a qu’une chose à faire, c’est de mettre aux voix l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Si M. Dumortier persiste à vouloir que les propositions soient mises aux voix dans leur ordre de présentation, je demanderai la priorité en faveur de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. Dumortier. - Il est pénible pour moi qui n’ai fait que répondre à des discours irritants, prononcés dans le cours de cette séance, d’entendre M. de Brouckere prétendre que je veux faire ici une question de parti ; n’est-il pas manifeste que c’est une question de parti que nos adversaires ont voulu faire ? Cela ne résulte-t-il pas des paroles de M. Verhaegen ? Tout ce qu’il a dit ne s’applique-t-il pas à la ville, à l’université de Louvain que vous repoussez ? Le public saura bien ce que vous voulez faire.
Si quelqu’un a fait appel aux partis, ce n’est pas moi, ce sont ceux qui ont soulevé cette question, je les rends responsables, je rejette sur eux le blâme que la discussion actuelle peut faire naître.
M. Gendebien. - Nous acceptons le blâme de votre part ; il ne eut pas nous blesser.
M. Verhaegen. - Je retire ma proposition, et je me rallie à celle de M. le ministre de l’intérieur.
M. Dumortier. - Je demande la division des villes indiquées.
Un grand nombre de membres. - Il n’y en a pas.
M. Dumortier. - Si les propositions sont retirées, j’invite M. le ministre de l’intérieur à retirer la sienne. Ainsi il ne restera rien sur le bureau.
- La proposition de M. le ministre de l’intérieur et des étrangères est mise aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
77 membres sont présents.
3 (MM. F. de Mérode, Dumortier et Trentesaux) s’abstiennent.
74 prennent part au vote.
50 votent pour l’adoption.
24 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Angillis, Berger, Coghen, Corneli, David, de de Jaegher, de Langhe, de Muelenaere, de Perceval, de Puydt, Dequesne, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Gendebien, Heptia, Keppenne, Lebeau, Lecreps, Liedts, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Rogier, Seron, Troye, Vandenbossche, Van Volxem, Verhaegen, Zoude.
Ont voté contre : MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode (Werner), Demonceau, de Nef, de Renesse, Desmet, Doignon, Dubus (Bernard), Lejeune, Morel-Danheel, Raikem, Rodenbach (Alexandre), Scheyven, Simons, Ullens, Vandenhove, Van Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, Peeters.
M. le président. - J’invite les membres qui se sont abstenus à vouloir bien, conformément au règlement, faire connaître les motifs de leur abstention.
M. F. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que d’une part la proposition semble faite en vue des intérêts de l’Etat, et que d’autre part elle me semble une mesure inquisitoriale.
M. Dumortier. - Je me suis abstenu :
1° Parce que la proposition qui vous est soumise était dans l’origine une proposition spéciale qui a été ensuite déguisée en une proposition générale, et que je ne pouvais pas plus donner mon assentiment à l’une qu’à l’autre ;
2° Parce que si le gouvernement avait des motifs de croire que certains objets appartenaient à l’Etat, il était de son devoir de présenter à cet égard un projet de loi.
Il me semble donc que sur ce point le ministre a manqué à son devoir…
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Dumortier. - Dans un pareil état de choses j’ai dû m’abstenir.
M. Trentesaux. - Je me suis abstenu, parce que cette proposition, née tout d’un coup, m’a paru insolite et extraordinaire.
J’aurais dû en quelque sorte voter contre. D’un autre côté cette proposition avait été annoncée comme conciliatrice ; et ne voulant pas être un obstacle à cette conciliation, j’ai dû m’abstenir.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne pense pas avoir abdiqué aucun droit du gouvernement ; je crois que c’est à lui seul qu’il appartient de réclamer, s’il y a lieu, les droits appartenant au domaine de l’Etat.
Il s’agit simplement d’éclairer la chambre sur les droits que peut avoir l’Etat à diverses collections.
La proposition n’a été envisagée qu’en ce sens que les renseignements seraient communiqués à la commission au lieu d’être communiqués à la chambre ; la commission pourra ensuite faire un rapport.
Je n’entends d’ailleurs rien préjuger à l’égard des conséquences qu’on voudrait tirer du rapport de la commission.
M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur la question de savoir comment la commission sera nommée.
Un grand nombre de membres. - A demain !
- La séance est levée à 4 heures et demie.