(Moniteur belge n°34, du 3 février 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques fait l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Jacques annonce que les ministres ont adressé plusieurs réponses sur diverses pétitions :
1° Une réponse du ministre des finances sur la pétition du sieur Vandenbosche, relative aux rentes domaniales.
- Sur la proposition de M. Osy, cette réponse est renvoyée à la commission des finances.
2° Une réponse de M. le ministre de la guerre sur la pétition du capitaine Varnier. Par cette réponse, dont il est donné lecture, les pensions militaires pour le service des Indes ne peuvent être payées pour le moment en Belgique parce que le gouvernement hollandais a tous les titres et la cause de ces pensions.
M. Gendebien. - Je demande que la réponse soit envoyée au bureau des renseignements, afin que, s’il y a lieu, un membre puisse faire une proposition pour venir au secours des militaires qui ont servi dans les Indes, comme on vient au secours des pensionnés pour services civils.
- Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.
3° Une lettre de M. le ministre de la justice, contenant des notes sur les attributions de son département, notes propres à éclairer la chambre dans la discussion du budget.
- Ces notes sont renvoyées à la section centrale des finances.
4° Une lettre de M. le ministre de l’intérieur, relativement aux barrières.
M. de Roo écrit pour demander une prolongation de congé de 12 jours.
M. de Laminne écrit qu’il viendra partager les travaux de la chambre le plus tôt possible.
M. Coppens. - Je demanderai au bureau de la chambre si les ministres de la guerre et de l’intérieur ont envoyé les renseignements relatifs à la garde civique de Gand. Des individus se trouvent mis en jugement et en prison depuis plusieurs semaines ; il y en a même qui ont été traduits devant un conseil de guerre, lequel s’est déclaré incompétent.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - M. le ministre de l’intérieur doit se rendre dans le sein de l’assemblée ; il donnera les explications que l’on demande.
M. Osy. - Au mois de novembre, au commencement de cette session, la chambre a renvoyé au ministre de la justice une pétition pour avoir des renseignements. Cette pétition était relative à l’affaire du sieur Vanderschrick. Les renseignements ne nous sont pas parvenus. L’affaire est jugée, il est vrai ; mais à la pétition il y avait une pièce…
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - J’ai donné des renseignements très détaillés sur la pétition du sieur Vanderschrick et sur celle des membres du conseil de guerre d’Anvers ; la discussion a occupé toute une séance, et j’ai lieu d’être surpris que le préopinant puisse croire que le ministre soit resté en demeure de donner les explications demandées. Quant à la pièce à laquelle il fait allusion, elle m’a semblé ne présenter aucune authenticité. Jusqu’à ce que la justice ait prononcé, il serait inconvenant d’entretenir la chambre de cet objet.
M. le président. - Le rapport de la section centrale, sur les crédits provisoires, a été imprimé et distribué ; quand veut-on discuter ce projet de loi ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je crois que l’on pourrait procéder immédiatement à la discussion, puisque le rapport a été imprimé et distribué (Non ! non !). S’il y avait obstacle pour aujourd’hui, je demanderai que la discussion commence tout au moins demain.
M. Fleussu. - Le règlement veut que les rapports soient lus à la tribune ; je demande que l’on se conforme au règlement ; quand le rapport sera lu, nous fixerons le jour de la discussion.
M. Jullien. - Le rapport a été imprimé et distribué.
M. Fleussu. - Je ne l’ai pas reçu.
M. de Brouckere. - L’article 63 du règlement dit que les rapports des commissions seront imprimés et distribués au moins trois jours avant la discussion, à moins que la chambre n’en décide autrement ; si la chambre n’a pas de motifs péremptoires pour hâter la discussion, je demande que cette discussion ait lieu dans le délai déterminé par le règlement.
M. Jullien. - Qu’on fasse déjà le rapport.
M. Dubus, rapporteur de la section centrale, est appelé à la tribune. (Note du webmaster : Le Moniteur reprend ensuite la lecture du rapport dont il est question ci-dessus. Le contenu de ce rapport n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
M. Jullien. - Il est de mon devoir de justifier la quatrième section, que j’ai l’honneur de présider, du reproche qui lui est fait, dans le rapport, de n’avoir pas envoyé son rapporteur à la section centrale et de ne s’être pas occupée du budget provisoire.
Ce reproche se trouve dans le Moniteur ; on le tire d’une phrase de l’honorable M. Davignon ; tous ces faits-là sont inexacts. La quatrième section a été convoquée ; la majorité des membres qui la composent ont pensé, comme la chambre, que l’on ne devait pas s’occuper des budgets des dépenses avant d’avoir la loi des comptes ; ces membres ont dit qu’ils ne voulaient pas se réunir avant la présentation des comptes. Mais, depuis qu’un simulacre de comptes a été fourni, la quatrième section s’est réunie, et si on avait eu la complaisance d’envoyer demander quel était son rapporteur, elle l’aurait indiqué.
Pendant le temps qu’on imprimait le rapport, où l’on parle d’une prétendue négligence, la quatrième section s’était mise en relation avec la cour des comptes pour avoir des renseignements sur une multitude d’objets qui ont passé ailleurs inaperçus, et elle a obtenu des documents qui éclaireront l’assemblée ; ainsi, loin de mériter des reproches, elle pourrait mériter vos éloges.
M. Davignon. - J’appuie tout ce que vient de dire M. Jullien. On m’a fait dire dans le Moniteur ce que je n’ai pas voulu dire. Les paroles que j’ai prononcées étaient pour exciter la tiédeur de quelques membres,
M. Dubus. - On dit qu’il y a inexactitude dans les faits consignés dans le rapport que je viens de lire.
Il y est dit que la quatrième section n’a point envoyé de rapporteur à la section centrale : messieurs, ce fait est tout à fait exact.
Nous avons ajouté qu’il paraissait que la quatrième section ne s’était pas occupée du projet sur les crédits provisoires. Ce qui a été consigné dans les journaux vient à l’appui de ce que nous avons dit. On prétend qu’il y avait un rapporteur de nommé ; pourquoi ne l’a-t-on pas fait savoir à la section centrale ? Il eût été convoqué comme les autres : il était du devoir de la quatrième section de faire connaître son rapporteur.
M. Gendebien. - Si les vices que j’ai déjà signalés dans l’ordre et la distribution de la besogne à faire dans les sections avaient disparu, nous ne serions pas dans le cas d’entendre des explications semblables. J’ai proposé à diverses reprises que M. le président de la chambre s’entendît avec les présidents des sections pour l’ordre du travail et pour leurs relations avec la section centrale. Aussi longtemps qu’on n’arrivera pas à en ordonner les travaux, on tombera dans les mêmes inconvénients.
M. le président. - Conformément au règlement, les rapporteurs nommés par les sections ont été convoqués dans la section centrale, et pour savoir si des rapporteurs avaient été nommés, j’ai eu soin d’envoyer le demander dans les sections mêmes.
M. Davignon. - Cela a eu lieu aujourd’hui pour la première fois.
M. le président. - J’ai toujours envoyé... A quel jour veut-on fixer la discussion de la loi sur les crédits provisoires ?
- Plusieurs voix. - Demain ! Demain !
- D’autres voix. - Lundi ! Lundi !
- La chambre consultée renvoie la discussion à lundi.
M. Corbisier, rapporteur de la section centrale chargée de l’examen de la proposition relative aux membres de la légion d’honneur, est appelé la tribune. - Messieurs, vos sections ont examiné le projet de loi relatif aux légionnaires belges, qui leur fut renvoyé dans votre séance du 11 décembre dernier.
La première section, sans aborder la question de savoir si, en droit, l’Etat est réellement soumis à acquitter les pensions dont jouissaient ces légionnaires sous le gouvernement français, reconnaît cependant que des considérations d’équité doivent le déterminer à payer ces pensions à l’avenir ; toutefois elle se refuse à voter la moindre allocation pour en couvrir les arriérés.
La seconde section a cru que, la France ayant conclu avec le gouvernement des Pays-Bas une transaction pour régler l’arriéré de la somme due aux légionnaires, si le syndicat d’amortissement a reçu cette somme, celle-ci doit faire l’objet d’une liquidation avec la Hollande. Considérant ensuite que la plupart des légionnaires occupant des places salariées par l’Etat sont à même d’attendre cette liquidation, elle pense qu’il n’y a pas lieu de régler immédiatement, d’une manière définitive, la somme à laquelle ils peuvent avoir droit ; mais désirant, quant à présent venir au secours de ceux d’entre eux qui se trouvent dans le besoin, et ne voulant rien préjuger, elle estime qu’il convient d’accorder une somme quelconque, à titre de subside, laissant à la section centrale le soin d’en fixer le montant, qui serait porté au titre 4 de la dette publique.
La troisième section à l’unanimité de sept membres, adopte les deux premiers articles du projet. L’article 3 n’a eu l’approbation que de trois membres : les autres voudraient que les traitements des légionnaires ne fussent pays qu’à dater de 1er janvier 1833, sauf à voter plus tard, à la paix, la somme de 80,000 fl. demandée. La suppression de l’article 4 a été unanimement réclamée par la même section, dont l’intention est de laisser ainsi, quant aux arriérés de leurs traitements, les membres de la Légion d’Honneur dans les termes du droit commun.
La quatrième section ne s’est pas fait représenter à la section centrale.
La cinquième a émis une opinion conforme à celle exprimée par la première.
Dans la sixième section, deux membres ont proposé la question préalable, qu’ils ont appuyée des mêmes motifs qui ont dicté la décision prise par la seconde. Ce nonobstant, la majorité de la sixième section adopte les articles 1 et 2 du projet ; elle propose d’ajouter à ce dernier une disposition qui admettrait à la jouissance de la pension les légionnaires qui ont reçu la décoration postérieurement au mois d’avril 1814, pour des services rendus à l’Etat avant cette époque. Quant à l’article 3, elle l’a modifié en ce sens que, suivant elle, il ne devrait être alloué au budget de la dette publique qu’une somme nécessaire pour payer l’année courante aux légionnaires qui déclareraient se trouver dans le besoin et qui ne sont point employés par le gouvernement ; la même section a adopté l’article 4, sans observation.
Après avoir analysé les divers avis des sections, il me reste, messieurs, à vous exposer le résultat des délibérations de la section centrale.
Celle-ci, pour s’éclairer sur le droit que peuvent avoir les légionnaires d’obtenir du trésor public le paiement de leurs pensions, a eu recours à la loi constitutive de la légion d’honneur, aux traités de 1814 et 1815, et aux conventions des 26 novembre 1815 et 25 avril 1818. Bien qu’on puisse soutenir qu’il résulte implicitement de ces documents que les traitements des membres de la légion d’honneur qui n’étaient plus sujets belges au 30 mai 1814 sont dus par les gouvernements sous la dénomination desquels ils passèrent alors, il n’est est pas moins vrai qu’on pourrait peut-être contester, jusqu’à un certain point, le bien-fondé du droit invoqué contre le gouvernement actuel en faveur des légionnaires.
La section centrale, messieurs, n’a pas cru devoir chercher à résoudre cette grave question ; partageant l’avis des première, troisième, cinquième et sixième sections, elle pense que des raisons de haute convenance politiqué autant que de puissants motifs d’équité doivent porter le pouvoir législatif à reconnaître par un acte de munificence nationale les services de toute nature qui ont valu à nos légionnaires les traitement dont ils étaient dotés sous l’empire. Elle estime qu’il est de la dignité de la nation d’acquitter surtout la dette du sang répandu sur presque tous les champs de bataille de l’Europe, par des braves qui surent toujours y faire respecter le nom Belge. Elle a donc admis qu’à dater du 1er janvier de cette année, les pensions des Belges, membres de la légion d’honneur, seront liquidées par le trésor public et, bien qu’adoptant ainsi les conséquences de l’article premier du projet, elle en a changé entièrement la rédaction.
La section centrale n’est pas d’avis que les légionnaires nommés avant le 3 avril 1814 doivent seuls jouir de la pension. C’est le 3 avril 1814, à la vérité, que le sénat conservateur a proclamé la déchéance de Napoléon ; mais ce n’est que le 11 du même mois que l’empereur a signé son acte d’abdication et que son armée a pu se croire déliée du serment de fidélité. Cette dernière époque a paru devoir être préférée pour fixer la démarcation entre les brevets donnant droit à la pension et ceux qui, aux termes de l’ordonnance du roi de France du 19 juillet 1814, sont purement honorifiques.
C’est le seul changement qu’ait subi l’article 2 du projet.
L’article 3 a été supprimé, à la majorité de 2 voix contre une. Les membres de la section centrale qui forment cette majorité ont jugé que la situation présente de nos finances ne permet pas de faire remonter au 1er octobre 1830 les effets de la loi proposée, qu’ils regardent, je le répète, messieurs, comme un pur acte de munificence nationale.
En vertu de la convention du 25 avril 1818, le chef du gouvernement précédent a reçu de la France un capital d’environ 25,000,000 de francs, pour l’extinction des dettes que cette puissance avait à payer aux habitants du royaume des Pays-Bas ; il est notoire que le roi Guillaume n’a jamais rendu compte de cette somme aux chambres législatives, et il est incontestable que parmi les dettes qu’elle devait éteindre, figure celle de la légion d’honneur.
Ces considérations ont porté la section centrale à écarter entièrement, à jamais, toutes réclamations à la charge du gouvernement actuel, pour les arriérés des années antérieures. Les légionnaires belges restent à cet égard entiers dans leurs droits vis-à-vis du roi de Hollande. Voilà, messieurs, ce qui a motivé les modifications apportées à l’article 4.
Je vais avoir l’honneur de donner lecture à la chambre de la loi, telle que la section centrale m’a chargé de la soumettre à vos délibérations.
« Léopold, etc.
« Art. 1er. A partir du 1er janvier 1833, le gouvernement liquidera, au profit des Belges membres de la légion d’honneur, une pension égale au traitement non servi actuellement, dont ils jouissaient, à ce titre, sous le gouvernement français.
« Art. 2 Cette pension ne sera payée que sur la production de brevets en due forme, constatant que la nomination des titulaires est antérieure au 1er avril 1814.
« Art. 3. Aucune indemnité ne pourra être réclamée du gouvernement belge pour les arriérés des années précédentes.
« Mandons, etc. »
M. Jullien. - Il vient encore d’être fait un reproche à la quatrième section. Mais il s’agit ici d’une autre quatrième section, c’est celle de décembre ; celle dont j’ai parlé est de novembre.
- La discussion du projet de loi concernant les légionnaires aura lieu après les crédits provisoires.
M. d’Elhoungne, organe de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi sur l’émission des bons du trésor, est aussi appelé à la tribune. Il donne lecture d’un très long rapport dont l’impression et la distribution sont ordonnées. La commission propose un emprunt au lieu d’une émission de bons.
M. le président. - A quel jour veut-on fixer la discussion de la loi sur laquelle on vient de faire le rapport ?
- Des voix. - Après la loi sur les crédits provisoires ou sur les légionnaires.
M. Lardinois. - Messieurs, la longueur du rapport, les réflexions importantes qu’il présente, les questions qu’il agite exigent 15 jours, ou au moins 8 jours, pour être lu et médité convenablement. Je ne sais si je me trompe, mais je considère la proposition de la section centrale, qui substitue un emprunt à une émission de bons, comme une idée audacieuse.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je voudrais que la chambre, considérant l’importance de la loi, décidât qu’elle sera promptement soumise à discussion. Le service du trésor dépend absolument de la décision que prendra la chambre sur la proposition qui lui est soumise. Je ne pourrai véritablement pas répondre du service si l’on ne mettait pas la plus grande promptitude à discuter le projet de loi.
M. Gendebien. - A vendredi prochain !
">M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je désirerais que cette loi fût discutée immédiatement après la loi sur les crédits provisoires. Le placement des bons du trésor dépend de la promptitude avec laquelle vous prendrez une décision, et ce placement doit contribuer puissamment à assurer la marche du service. Si vous retardez la discussion, vous compromettrez le service du trésor.
M. Gendebien. - Pendant que nous discuterons les crédits provisoires, nous n’aurons pas un seul moment à donner à l’examen du projet de loi sur les bons du trésor ; il faut au moins 24 heures entre les deux discussions pour que nous puissions nous éclairer.
En renvoyant la discussion à vendredi, nous pourrons mûrir nos idées.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Permettez que j’insiste pour obtenir un délai moins long ; il est extrêmement important d’abréger le délai.
M. Gendebien. - Le sénat n’est pas convoqué.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je demande que la loi sur les bons du trésor soit discutée après la loi sur les crédits provisoires, c’est- à-dire, le lendemain.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Il me semble que la fixation du jour où l’on devra discuter la loi, ne peut guère avoir lieu aujourd’hui. Le rapport est fort long ; il faut qu’il soit imprimé et distribué ; il entre, comme l’a très bien dit l’honorable M. de Lardinois, dans des considérations très importantes ; il faut que la chambre ait le temps moral de l’examiner. Fixer actuellement l’époque de la discussion serait une décision prématurée. Puisque la chambre s’occupera lundi des crédits provisoires, on peut attendre jusque-là pour déterminer le jour de la discussion ; il faut au moins attendre que le rapport soit imprimé et distribué avant de prononcer.
- La proposition de M. le ministre de la justice est adoptée.
M. Zoude est appelé à la tribune pour présenter un rapport sur les distilleries.
Il conclut à l’adoption du projet de loi, dont la pensée a été conçue l’année dernière par quelques membres de la chambre.
- L’impression et la distribution de ce rapport sont ordonnées.
M. Corbisier demande que le rapport soit imprimé à un nombre assez grand, pour qu’on puisse en envoyer à chaque chambre de commerce.
M. Zoude. - Je demanderai que la chambre veuille fixer le jour de la discussion de cette loi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Après l’impression et la distribution du rapport, on fixera le jour de la discussion.
M. Desmet demande que l’on discute cette loi après le projet sur les bons royaux.
- Cette proposition est admise sans opposition.
M. le président. - L’ordre du jour appelle maintenant la discussion sur la prise en considération des propositions de M. de Brouckere et de M. C. Rodenbach.
M. Gendebien. - Il me semble, messieurs, qu’on ne doit discuter sur la prise en considération d’une proposition, qu’autant que cette proposition présente quelque chose d’inconstitutionnel, ou une fin de non-recevoir tellement palpable, qu’il soit impossible d’aborder la discussion du fonds. Pour épargner le temps de la chambre, je demande qu’on prenne immédiatement en considération les deux propositions dont vient de parler M. le président. Nous avons à délibérer sur des choses extrêmement urgentes, et notamment une soixantaine de pétitions dont les rapports ont été ajournés de semaine en semaine. (Appuyé ! appuyé !)
- La prise en considération de la proposition de M. de Brouckere est mise aux voix et adoptée.
Sur la demande de M. Berger, la chambre ordonne l’impression et la distribution de la proposition, et la renvoie à l’examen des sections.
M. H. de Brouckere. - Sans insister pour un examen très bref de ma proposition, je demanderai cependant que le bureau ne la perde point de vue, et prie les sections de vouloir bien s’en occuper.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix la prise en considération de la proposition de M. C. Rodenbach.
- Plusieurs voix. - Il est absent.
M. H. de Brouckere. - Je crois devoir demander la remise de la prise en considération, parce que, vendredi dernier l’auteur de la proposition étant absent, son honorable frère a lui-même demandé la remise en son nom. Aujourd’hui, l’un et l’autre sont absents. Je crois donc qu’il y a lieu d’ajourner encore la prise en considération, parce que M. C. Rodenbach pourrait avoir des considérations à nous présenter.
M. Pirmez. - L’auteur de la proposition ne peut demander quelque chose de plus favorable que la prise en considération de sa proposition. Il n’y a donc point d’inconvénient à la mettre aux voix.
M. F. de Mérode. - Tout à l’heure personne n’appuyait la prise en considération de la proposition de M. H. de Brouckere, et cependant elle a été renvoyée immédiatement en sections. Il me semble que les motifs qu’a fait valoir M. Gendebien, consistant à dire que la prise en considération d’une proposition ne peut souffrir de difficulté, quand cette proposition n’est pas inconstitutionnelle, on ne présente pas de fin de non-recevoir évidente ; il me semble, dis-je, que ces mêmes motifs militent encore ici. Il n’y a donc aucun inconvénient à prendre la proposition en considération dès à présent.
M. Mary. - Je ferai remarquer que la position de la question est différente. Pour la proposition de M. de Brouckere il n’y avait pas d’opposants, mais il y en aura pour celle de M. C. Rodenbach. Plusieurs membres se proposent de combattre la prise en considération.
M. Gendebien. - D’ailleurs, il n’y a rien d’urgent.
M. F. de Mérode. - Dès lors que des membres se proposent de combattre la prise en considération, je n’insiste pas.
- La prise en considération de la proposition de M. C. Rodenbach est ajournée à huitaine.
M. le président informe la chambre que M. Pirmez a déposé sur le bureau une proposition qui sera renvoyée à l’examen des sections.
La parole est ensuite donnée à M. Thienpont, rapporteur de la commission des pétitions.
M. Thienpont, rapporteur. - « Le sieur A.-C. Cardinael, à Wulveringhen, signale plusieurs griefs existant dans la composition des administrations communales. »
Le pétitionnaire expose que dans cette commune, le maître d’école, qui est en même temps clerc d’église et crieur public, dessert aussi les fonctions de bourgmestre. Il se plaint de ce que l’instruction publique souffre de ce cumul, et demandé que la nouvelle loi communale établisse que, pour être bourgmestre ou secrétaire, il faut réunir les qualités voulues par les articles 1 et 52 de la loi du 3 mars 1831 ; de plus, que les brasseurs, boulangers, instituteurs, boutiquiers, etc., à moins qu’ils ne paient une patente annuelle de 25 fl., soient déclarés inhabiles à remplir lesdites fonctions.
- La demande du pétitionnaire ne pouvant être prise en considération que lors de la discussion de la loi communale, votre commission a l’honneur de vous proposer, par mon organe, le dépôt au bureau des renseignements.
Adopté.
M. Thienpont, rapporteur. - « Cinq receveurs communaux du canton de Westerloo adressent des observations relatives aux impositions communales. »
Les pétitionnaires observent que les frais majeurs afférant à une exécution mobilière pour obtenir le paiement d’impositions communales souvent très minimes empêchent d’y donner suite ; que la rentrée desdites impositions en souffre ; ils demandent que, par dérogation aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 2 de la loi du 29 avril 1819, les porteurs de contraintes en général, et particulièrement celui de Westerloo, soient autorisés à poursuivre cette exécution.
Attendu que cette demande se rattache au mode de perception et recouvrement des contributions, dont la surveillance rentre dans les attributions du ministère des finances, votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi audit ministre afin qu’il provoque, s’il y a lieu, une disposition législative conforme aux vues des pétitionnaires.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Le sieur Ghyselinck, à Gavre, présente un projet pour faire revivre le commerce des lins et des toiles. »
Le pétitionnaire, déplorant l’état languissant de nos manufactures de toiles, trouve un moyen efficace de le ranimer dans les améliorations qu’il désire voir apporter dans la culture des lins. Il pense qu’en s’en tenant pour la semence de cette plante à la graine de Riga, on obtiendrait ce résultat. Il demande, afin d’obvier à la fraude qui se commet par le mélange, dans le débit actuel, que le gouvernement en fasse acheter sur les lieux et en établisse des dépôts dans chaque district où les cultivateurs puissent s’en procurer.
Votre commission ayant pris en considération que plusieurs honorables membres de cette assemblée avaient, à la fin de la session dernière, manifesté l’intention de présenter un projet de loi tendant à ranimer cette branche importante de notre industrie et de notre agriculture,, et les observations du pétitionnaire tendant au même but, elle a cru devoir vous en proposer le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi à la commission d’industrie.
M. Desmet. - Messieurs, je propose qu’au double renvoi que portent les conclusions de la commission, il y soit ajouté « comme simples renseignements. » Et voici mes raisons : quand nous appuyons le renvoi quelconque d’une pétition, c’est que nous reconnaissons que la demande et les motifs y énoncés sont justes et fondés ; mais je ne rencontre pas ceci dans la pétition qui nous occupe.
je suis loin de croire, comme le pétitionnaire, que la cause de la décadence de notre commerce de toiles doive uniquement se trouver dans la plus ou moins bonne qualité de graine de lin que nous tirons du Nord, et qu’un moyen assuré pour faire revivre ce commerce serait d’envoyer sur les lieux pour y faire le choix des meilleures semences. On doit, au contraire, chercher la principale cause de la décadence de notre fabrication de toiles dans ce que, depuis que les Anglais nous accaparent de si grandes quantités de lin, le cultivateur, trompé par l’appât d’un gain mal calculé, force la culture de lin et se met dans l’impossibilité de suivre cet ordre rigoureusement indispensable aux assolements de la terre.
Si le pétitionnaire est un cultivateur, qui est réellement instruit dans la matière, ce dont j’ai lieu de douter fortement, il doit savoir qu’aujourd’hui cet ordre naturel d’assolements est extraordinairement interverti ; qu’au lieu de semer le lin de 6 à 7 ans sur la même terre, comme on faisait jadis, on le ressème tous les 3 à 4 ans ; et c’est cet intervertissement de l’ordre naturel des assolements qui a détérioré la bonne qualité et ôté à la filasse du lin cette finesse et solidité primitive, qui donnaient à nos tissus cette qualité supérieure.
Je crois bien que les raisonnements du pétitionnaire sur cette intéressante branche de notre industrie nationale ne sont pas assez spécieux pour entraîner dans l’erreur la commission de l’industrie et du commerce, et la porter à croire que c’est dans la graine à semer qu’elle doit aller chercher un moyen propice pour faire revivre le commerce de toiles ; mais la matière est trop importante ; et le sort de la richesse ou de la pauvreté de nos provinces de Flandre en dépend trop, pour ne pas saisir cette occasion pour faire connaître ce qu’on demande généralement pour améliorer l’état de nos filatures et tissanderies, et pouvoir procurer du pain à des milliers d’habitants qui ne vivent que de ce travail.
On assigne comme moyen d’encourager cette industrie nationale, sinon une prohibition absolue et illimitée de la matière première du lin, du moins une imposition très forte de 25, 20 ou 15 p. c. sur l’exportation des lins non peignés, et des impositions moins fortes lorsqu’ils auront subi des premières mains-d’œuvre.
En général, on indique ou la prohibition à l’entrée des toiles étrangères, ou au moins des impositions plus élevées pour leur admission que celles qui sont établies au tarif actuel.
Enfin, un vœu généralement manifesté est celui que nos relations commerciales soient réouvertes avec la France, l’Espagne. L’Amérique méridionale, le Brésil, etc., etc. Et on trouve fort étrange qu’étant si intimement liés d’amitié avec les Français, les deux gouvernements laissent toujours exister les mêmes barrières qui empêchent que les échanges des productions des deux pays ne se fassent déjà librement. Si un intérêt privé et individuel met obstacle à l’ouverture de ces relations et veut toujours tenir séparés, sous le rapport du commerce, ces deux peuples amis, c’est bien contre le gré de la grande masse des Français, qui la désirent autant que les Belges.
Lors de la réunion de la Belgique à la France, l’industrie française conçut aussi des inquiétudes que l’importation de nos produits eût porté un coup funeste à ses fabriques ; mais elles furent bientôt dissipées ; toutes les manufactures continuaient leurs travaux comme auparavant, et le nivellement des prix pour les différentes fabriques que nous avions communes, s’opéra promptement et sans secousse. Si nous avions acquis de nouveaux consommateurs parmi les nombreux habitants des villes et campagnes de l’ancienne France, en retour elle nous a livré, en quantité, de ses productions dont nous avions un indispensable besoin.
Les deux nations regrettèrent longtemps leur séparation et les relations libres de commerce, si considérables et si avantageuses à l’une et à l’autre… Je ne vois pas que les temps et les positions soient tellement bouleversés que d’autres intérêts nationaux vinssent mettre obstacle à ce que les liaisons de commerce fussent renouées.
Nous nous flattons que le gouvernement, éclairé sur les véritables intérêts du pays, n’épargnera aucun effort pour les faire rétablir sur le même pied de liberté et de réciprocité et franchise de tous droits, comme ils existaient avant que la sainte-alliance nous vendit à la Hollande. Croyant donc que le pétitionnaire ne traite aucunement la question, et par les motifs que je viens d’énoncer, j’ai l’honneur de proposer à la chambre qu’au double renvoi, proposé par la commission, soit ajouté : « comme simples renseignements. »
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées avec l’addition proposée par M. E. Desmet.
M. Thienpont, rapporteur. - « Le sieur Louis de Lannée de Contreras, à Bruges, propose, par forme de renseignements, diverses modifications au projet d’organisation provinciale. »
Le pétitionnaire demande : 1° que la loi d’organisation provinciale et communale crée des commissaires du gouvernement près ces dernières administrations, chargés de surveiller l’exécution des lois.
2° Que, par ladite loi, il soit pourvu aux travaux publics civils, autrement qu’au moyen d’un corps permanent d’ingénieurs.
Et enfin, 3° il demande qu’il soit examiné s’il ne conviendrait point d’établir une marine ou port militaire à Nieuport.
Les deux premières demandes du pétitionnaire ne peuvent être prises en considération que lors de la discussion des lois en question, et la troisième présentant des vues d’intérêt, dont l’utilité ou l’opportunité exigent un mûr examen, votre commission a cru devoir vous proposer le dépôt au bureau des renseignements.
- Le dépôt au bureau des renseignements est adopté.
M. Thienpont, rapporteur. - « Le sieur Louis Thomas, vétérinaire à Gosselies, sollicite une loi sur l’exercice de la médecine vétérinaire. »
Le pétitionnaire se plaint de ce que plusieurs individus, sans être admis ou brevetés à cette fin par la commission existante, exercent la médecine vétérinaire ; il demande qu’une loi règle l’exercice de cet art.
Votre commission a cru devoir vous proposer le renvoi de cette pétition au ministère de l’intérieur, afin qu’il prenne cette demande en considération s’il y a lieu.
- Le renvoi au ministre de l’intérieur est adopté.
M. Thienpont, rapporteur. - « Plusieurs habitants notables de Braine-le-Comte demandent la réparation de la grande route à travers leur ville. »
Les pétitionnaires exposent que de fréquents malheurs se font déplorer dans leur ville, occasionnés par la mauvaise direction et état de la grande route qui la traverse, laquelle, après une pente rapide, présente d’un côté un précipice et de l’autre un étang. Ils demandent, pour y obvier, que le plan d’une nouvelle direction qui en a été dressé, soit mis à exécution.
Votre commission, considérant que les faits signalés par les pétitionnaires intéressent la sécurité publique, a cru devoir vous proposer le renvoi de cette pétition au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. - Je propose d’ajouter aux conclusions de la commission ces mots : « avec demandé d’explications. » Voici pourquoi.
Il m’est arrivé de passer par Braine-le-Comte, et j’ai vu avec frayeur le danger que la route présente aux piétons et aux voitures. D’un autre côté, rien n’est plus facile que de la réparer. Mais comme la pétition pourrait rester dans les cartons du ministre, vu qu’il ne connaît peut-être pas le danger dont j’ai parlé, je demande qu’il soit obligé à nous fournir à cet égard des renseignements.
M. Mary. - Je viens appuyer la demande de M. Gendebien, et je puis confirmer le fait qu’il a signalé à la chambre. Je crois que nous devons renvoyer la pétition avec invitation au ministre de s’expliquer, pour être sûrs qu’elle sera prise en considération.
- Le renvoi au ministre de l’intérieur avec demande d’explications est ordonné.
M. Thienpont, rapporteur. - « Un grand nombre de propriétaires et cultivateurs de la Flandre occidentale demandent le rapport de la loi qui permet le transit des grains, et l’arrêté du gouvernement provisoire du 21 octobre 1830, qui défend l’exportation des grains indigènes. »
Les pétitionnaires exposent que les arrivages considérables de grain étranger, encouragés par la faculté de les réexporter si le prix de nos marchés ne convient pas aux propriétaires, ont amené une baisse effrayante dans le prix de ces céréales indigènes.
Ils demandent que l’arrêté du gouvernement provisoire du 21 octobre 1830, qui défend l’exportation du froment, soit rapporté, et que les grains étrangers soient à leur entrée frappés d’un impôt qui mette nos cultivateurs à même de soutenir la concurrence.
Votre commission, en tant que les pétitionnaires signalent d’un côté des abus dans l’exécution des lois financières et notamment de la loi sur le transit, et provoquent d’un autre coté la révocation d’une disposition législative d’intérêt général, a l’honneur de vous proposer le renvoi au ministre des finances.
M. Osy. - Messieurs, j’adopte une partie de la pétition, celle relative à l’arrêté du gouvernement provisoire ; mais je n’adopte nullement celle qui tend à faire rapporter la loi qui permet le transit des grains. Vous avez vu que cette loi, proposée par moi l’année dernière, a fait beaucoup de bien au pays et n’a nullement nui à l’agriculture. Je disais alors que je ne voulais pas prendre sur moi de réformer entièrement l’arrête du gouvernement provisoire, mais qu’en des temps tranquilles on pourrait le faire et laisser toute liberté au commerce des grains, moyennant un droit que l’on imposerait sur ceux qui viendraient de l’étranger. Je pense que si M. le ministre des finances avait fait attention à ce que je disais dans cette circonstance, il aurait examiné cette grave question, et qu’il ferait bien de nous présenter aujourd’hui un projet de loi tendant à rapporter entièrement l’arrêté prohibitif dont il s’agit.
M. Angillis. - Il serait fastidieux maintenant de rentrer dans le fond de la question. Je me bornerai, tout en appuyant les conclusions de la commission, à demander qu’on renvoie en outre la pétition à la commission d’industrie et d’agriculture. Cette pétition, messieurs, est très importante ; elle est riche de choses, et mérite d’être examinée avec soin par la commission d’industrie qui nous présentera un rapport avec le zèle dont elle a fait preuve ; et ce rapport pourra servir de base à une décision, dans le cas où M. le ministre resterait en retard.
M. Donny. - J’ai demandé la parole pour appuyer les conclusions de la commission et la proposition de l’honorable M. Angillis. Il y a deux pétitions ; mais elles tendent au même but. Elles ont toutes deux pour objet de provoquer une disposition législative quelconque qui fasse cesser un état de choses très préjudiciable à l’agriculture.
Les pétitionnaires attribuent l’état de souffrance dans lequel ils se trouvent à trois causes : la première, c’est la défense d’exporter les céréales indigènes. Cette défense paraît ne devoir pas être maintenue, aujourd’hui que l’on a eu une récolte abondante et que le pays se trouve dans un état de calme. C’est l’opinion de M. Osy. J’ajouterai à ce qu’il vous a dit, que la défense d’exporter les grains indigènes est une espèce d’injustice lorsqu’on maintient en même temps la faculté de transit pour les céréales étrangères.
La deuxième cause est cette même faculté de transit, qui n’en est une que parce que l’exportation des grains indigènes est prohibée ; car si cette défense n’existait pas, le transit en lui-même n’est pas si préjudiciable.
Enfin la troisième cause est l’importation des grains étrangers. M. Osy a fait sentir le besoin d’établir un droit sur ces grains.
Vous verrez d’après cela, messieurs, que la pétition qui vous est soumise mérite toute votre attention et celle du gouvernement ; c’est pour cela que j’ai appuyé la double proposition qui vous a été faite.
M. d’Elhoungne. - Je partage l’opinion de M. Osy, tendant à ce qu’on examine immédiatement s’il ne conviendrait pas de rapporter l’arrêté du 21 octobre 1830, qui interdit l’exportation de nos céréales. Cette question, si l’on entre dans le fond de la chose, ne peut pas même en être une ; mais dans l’état actuel des choses, sa solution doit être prompte. La raison, c’est que depuis trois mois nos grains subissent de marché en marché une baisse considérable. Depuis trois mois, messieurs, sur le marché de Louvain, qui est probablement le plus important du pays, cette baisse est d’un tiers, et déjà au-dessous de la limite que les agronomes considèrent comme étant le prix naturel de la denrée, celui qui tourne au profit du producteur, sans froisser essentiellement le consommateur.
La question d’exportation des grains dans un pays comme le nôtre, voisin de deux nations où il y a disette, cette question, dis-je, ne devrait pas en former une par une raison toute simple, c’est que l’exportation est toute à notre avantage. Nous produisons au-delà de nos besoins, et les consommateurs de notre superflu se trouvent à notre portée. Ce sont l’Angleterre et la Hollande ; c’est encore la France où tous les quatre ans il y a habituellement disette.
Je pense que la liberté qui en tout est de principe, doit être rendue au commerce de l’une des branches de notre industrie qui concourt si puissamment à la prospérité nationale.
Je ferai remarquer que si l’on croit que le transit des grains étrangers fait baisser le taux de nos céréales, on se trompe. Le transit est tout à notre avantage, et je ne pense pas que l’on doive rapporter la loi qui le permet.
Quant au renvoi au ministre des finances, c’est sans doute par erreur que la commission l’a proposé. Cet objet rentre tout à fait dans les attributions de M. le ministre de l’intérieur. Il n’y a rien de financier dans la demande que l’on fait d’anéantir des entraves établies dans des temps de trouble. Je propose donc le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Mary. - Je ne partage pas l’avis de l’honorable préopinant. Ce sont des lois de douanes qui permettent l’entrée et l’exportation des grains ; je crois donc qu’il faut renvoyer la pétition au ministre des finances avec demande d’explications, et en même temps à la commission d’industrie. De cette façon on arrivera à une mesure qui rapporte l’arrêté du gouvernement provisoire. Je ne conçois pas, quant à moi, que l’on puisse prohiber d’une manière absolue l’exportation des grains indigènes, dans un pays comme le nôtre. Nous avons des exemples à puiser à cet égard dans les législations française et anglaise : c’est ce qu’il faut faire le plus promptement possible.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je m’étonne qu’un esprit aussi judicieux que le préopinant se trouve en désaccord avec la demande de M. d'Elhoungne, que moi j’appuie pour mon compte. Il n’a vu dans les lois d’entrée et d’exportation des grains que la partie financière qui n’en est que l’accessoire ; et il a oublié la partie commerciale. Dans tous les pays les lois de douanes sont élaborées au ministère de l’intérieur, et elles sont ensuite communiquées au ministre des finances pour la partie fiscale qui, je le répète, n’est qu’un accessoire. D’ailleurs, M. Mary semble en contradiction avec lui-même, puisqu’il demande le renvoi à la commission d’industrie, qui rentre dans les attributions du ministre de l’intérieur. Je crois qu’il y aurait lieu à faire le renvoi aux deux ministres à la fois.
Je dois dire ici que la question de savoir s’il faut anéantir l’arrêté du 21 octobre 1830 ne peut être tranchée à la légère. Selon moi, le gouvernement provisoire a pris, en le rendant, une mesure fort sage, ayant pour but d’empêcher que le pays ne fût livré à des commotions dangereuses. Il n’y aurait à examiner au département de l’intérieur s’il n’existe pas encore des motifs pour la conserver. Je demande donc le double renvoi aux ministres de l’intérieur et des finances, sans m’opposer au renvoi à la commission d’industrie.
M. Osy. - Je demande aussi le renvoi au ministre des finances et en outre au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.
M. Gendebien. - Je voulais également proposer ce double renvoi, mais il me reste à relever ce qu’a dit un préopinant, qu’il ne concevait pas comment, dans un pays comme le nôtre, on établissait des prohibitions sur les grains indigènes. Si cet honorable membre s’était rappelé les circonstances qui ont motivé la mesure prise par le gouvernement provisoire, je suis sûr qu’il n’aurait pas hésité à l’approuver, et que, s’il s’était trouvé dans la même position, il aurait fait comme nous. Veuillez bien remarquer, messieurs, que dès le 17 du mois d’octobre 1830 on commençait des pillages de grains, organisés par nos ennemis, à l’effet de faire croire à une disette. Il est vrai que la récolte n’avait pas été ce qu’elle est ordinairement, et les bruits perfides semés par nos ennemis étaient de nature à faire croire à une disette réelle ; mais ce n’était qu’une disette factice.
C’est pour calmer les alarmes du peuple et déjouer les projets de nos ennemis que nous avons rendu l’arrêté dont il est question.
Maintenant je dirai un mot à mon tour relativement à la liberté des grains. Je ne crois pas qu’il faille admettre cette liberté d’une manière absolue. Il me semble qu’il vaudrait mieux imiter la France qui a fixé un maximum et un minimum. Sans cela il pourrait dépendre de l’Angleterre et de la Hollande de nous affamer quand elles le voudraient. Je sais bien que nous pouvons faire des demandes de grains dans le Nord ; mais avant qu’on y eût satisfait, vous pourriez avoir une disette factice. Je crois donc qu’il serait de la plus haute imprudence d’établir la liberté illimitée en principe. La fixation d’un maximum et d’un minimum offre tous les résultats désirables sans aucun inconvénient.
M. Mary. - L’honorable M. Gendebien m’a sans doute mal compris. Je n’ai pas dit qu’il fallût accorder au commerce des grains une liberté illimitée, mais j’ai dit que je ne comprenais pas de prohibition absolue sur les céréales indigènes dans un pays comme le nôtre. J’ai bien conçu la mesure du gouvernement provisoire dans le temps où elle a été prise ; mais les mêmes motifs n’existent plus maintenant. La preuve que je n’ai pas voulu de liberté illimitée, c’est que j’ai proposé de suivre en partie les législations d’Angleterre et de France, qui l’une et l’autre admettent un maximum. Je crois donc que nous sommes d’accord sur ce point. Du reste, je suis d’avis de renvoyer la pétition au ministre des finances, puis à la commission d’industrie et au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.
M. Gendebien. - C’est aux autres préopinants et non pas à M. Mary que j’ai répondu relativement à la liberté illimitée.
- Le renvoi au ministre des finances proposé par la commission est mis aux voix et adopté.
Le renvoi au ministre de l’intérieur avec demande de renseignements est aussi adopté.
Enfin, le renvoi à la commission d’industrie est également adopté.
M. Thienpont, rapporteur. - « Trente-six habitants de Gistoux demandent que les revenus de leur église cessent d’être attribués à celle de Chaumont. »
MM. les pétitionnaires exposent que leur église annexe de celle de Chaumont est dotée de revenus suffisants pour son entretien. Ils se plaignent de ce que ces revenus sont exclusivement employés aux restaurations et embellissement de celle de Chaumont, et que le curé de cette dernière église néglige de venir célébrer l’office divin dans celle de leur hameau. Ils demandent la séparation de ces deux fabriques.
Considérant que la demande des pétitionnaires ne tend qu’à une séparation des revenus de la fabrique, ce qui entre dans le domaine de l’autorité ecclésiastique et du ministre de l’intérieur, votre commission a cru devoir vous proposer l’ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Douze habitants de Hooglede demandent une disposition qui ordonne d’établir les cimetières hors de l’enceinte des communes. »
Les pétitionnaires exposent que les exhalaisons qui émanent des cimetières occasionnent de fréquentes épidémies ; qu’à l’époque de leur pétition, où le choléra commençait à se manifester, il était urgent d’avoir recours à tous les moyens quelconques pour éviter la contagion. En conséquence, ils demandent que dans toutes les communes ayant une population de 1,000 âmes, les cimetières soient établis à une certaine distance du centre desdites communes.
Votre commission, messieurs, a pensé que, puisque les administrations locales étaient à même de provoquer l’exécution de cette mesure si elles le jugeaient utile, elle pouvait vous proposer de passer à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Messieurs, je ne pense pas que nous puissions passer purement et simplement à l’ordre du jour sur cette pétition ; je crois que dans tous les temps il est fâcheux que les cimetières soient dans l’enceinte des villes et des villages ; et quand une épidémie vient à se déclarer, le danger devient imminent. Je pense donc que, plutôt que de passer à l’ordre du jour, il serait plus convenable de renvoyer la pétition à M. le ministre de l’intérieur et d’en ordonner le dépôt au bureau des renseignements.
M. Angillis. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de l’honorable M. Gendebien. Je connais la commune d’Hooglede ; cette commune se trouve hors du cas de la loi du 23 prairial an XII, qui ordonne que les cimetières soient placés hors de l’enceinte des villages. Cette loi est encore en vigueur, c’est pourquoi je demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole, et c’est aussi pour appuyer le renvoi demandé par M. Gendebien ; cependant je voudrais d’abord savoir si les pétitionnaires ont commencé par s’adresser à l’autorité supérieure ; elle se montre d’autant plus disposée à accueillir des demandes de cette nature, que beaucoup de communes résistent aux ordre donnés pour faire exécuter la loi ; je l’ai éprouvé pendant mon administration. Dans beaucoup de communes, les cimetières sont placés près de l’église, et les habitants refusent de les transporter ailleurs.
M. de Robiano de Borsbeek. - Je craindrais que le renvoi à M. le ministre de l'intérieur ne donnât trop d’importance à la pétition. Comme l’a dit M. le ministre de l'intérieur, beaucoup de communes, presque toutes, tiennent à conserver les cimetières où ils sont, parce que c’est là que reposent les cendres de leurs pères. Changer les cimetières, c’est les avilir. (Légers murmures.) Jusqu’ici on n’a pas signalé des faits qui prouvent qu’ils y ait des inconvénients réelles à cet ordre de choses, et les personnes habitants autour des cimetières se portent aussi bien que les autres. Si l’on demandait des cimetières supplémentaires, j’y consentirais volontiers ; mais l’opinion est généralement prononcée d’une manière si forte contre tout déplacement, qu’il faut bien se garder d’avoir l’air d’appuyer à cet égard une mesure générale.
M. Fleussu. - Messieurs, il y a des lois et des règlements sur la matière, ils doivent être exécutés ; je ne connais pas les localités, mais il est évident qu’avant de saisir la chambre de cette question, les pétitionnaires auraient dû s’adresser à l’autorité compétente. S’ils ne l’ont pas fait, nous ne devons pas faire droit à leur pétition ; car si l’on pouvait de plein abord nous adresser des pétitions avant d’avoir épuisé tous les degrés de juridiction, nous serions inondés de pétitions semblables, et ce serait à n’en plus finir. Ce sont ces considérations qui ont déterminé la commission à vous proposer l’ordre du jour.
M. Angillis. - Je ne suis pas certain que les pétitionnaires se soient adressés d’abord à l’autorité compétente ; mais la chose est vraisemblable : c’est une question à approfondir. J’ai déjà dit que la commune d’Hooglede m’était connue : c’est une commune très populeuse, une des plus populeuses des Flandres, et le cimetière est placé au milieu des habitations, et touchant à l’église. On dit que certaines communes veulent qu’il en soit ainsi. Des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer. Mais il ne s’agit ici ni de goûts ni de couleurs ; il s’agit d’un décret ayant force de loi, décret non abrogé, celui du 23 prairial. D’ailleurs, le renvoi à M. le ministre de l'intérieur ne préjuge rien. Le ministre prendra des renseignements et si les pétitionnaires ne se sont pas d’abord adressés à l’autorité compétente, alors ce sera le cas de passer à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Messieurs, je crois qu’il y a d’autres manières d’honorer la cendre des morts que de faire gémir sans cesse les vivants par un aspect qui leur rappelle des souvenirs fâcheux et désagréables, et de les exposer à des maladies dangereuses. Je répondrai maintenant à ce qu’a dit un honorable préopinant qu’il faudrait que les pétitionnaires eussent épuisé tous les degrés de juridiction pour que nous puissions faire droit à leur demande.
Je ferai remarquer qu’il s’agit moins ici d’une question d’intérêt privé que d’une question d’intérêt général. S’il s’agissait d’une demande faite dans l’intérêt particulier de tel ou tel individu, de l’intérêt même d’une commune si l’on veut, je concevrais qui exigeât qu’une telle demande suivît la hiérarchie administrative ; mais il s’agit ici d’ordre public, d’une question qui tient à la salubrité du pays. Et comment voulez-vous que nous repoussions par l’ordre du jour la demande d’une commune qui nous met sous les yeux les inconvénients d’un état de choses qu’il peut être de l’intérêt général de faire disparaître ? Cela est impossible. J’ajouterai que la chambre pourrait très bien, de son propre mouvement, saisir le ministre de l’intérieur d’une telle question. Nous n’avons pas besoin de stimulant pour appeler l’attention du ministère sur une question d’intérêt général. Ordonner le renvoi que je demande, ce n’est donc pas tant appeler l’attention du ministre de l’intérieur sur la pétition des habitants d’Hooglede, que sur une question qui intéresse généralement le pays. Loin de voir un inconvénient au renvoi de la pétition, j’y vois un avantage réel, car nous fournissons à M. le ministre de l'intérieur l’occasion de préparer un projet de loi sur la matière.
M. de Robiano de Borsbeek. - Je reconnais qu’il peut y avoir des localités où un cimetière supplémentaire serait nécessaire ; mais comme la question a dégénéré, ou plutôt est arrivée (car je ne veux pas me servir d’expressions peu convenables), comme la question, dis-je, est arrivée à une prétention de mesure générale, je dis qu’il faut agir avec la plus grande circonspection
Messieurs, pendant plusieurs siècles l’Europe a eu des cimetières dans l’enceinte de ses villes, et on ne voit pas qu’il en soit résulté aucun mal (rumeurs) ; il faut donc agir avec prudence quand il s’agit de porter atteinte à un ordre de choses auquel le peuple est attaché. Il y a une loi, dit-on ; oui, dans doute, mais voyez combien de résistances ne se sont pas soulevées contre son exécution. Je crois vraiment que nous ferions fort mal d’accueillir légèrement de semblables demandes ; ces demandes de translation de cimetières sont faites très souvent dans l’intérêt particulier, je pourrais en citer beaucoup d’exemples. Je le répète donc, agissons avec prudence ; pour être convaincu de cette nécessité, il suffit de se souvenir des obstacles qu’a rencontrés l’exécution de la loi dont on a parlé. Je voterai pour l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est mis aux voix et rejeté. Le renvoi au ministre de l’intérieur est ordonné ainsi que le dépôt au bureau des renseignements.
M. Fleussu, autre rapporteur, monte à la tribune. - « Le sieur Vanderwildt, à Wolverthem, demande l’exemption du service pour son cousin, J.-B. Hulsbosch, soldat au 10ème régiment de ligne, retenus selon lui illégalement sous les drapeaux. »
Vous savez, messieurs, qu’aux termes de l’article 94, paragraphes mm, de la loi de 1817, lorsque dans une famille il se trouve deux frères, l’appel de l’un sous les drapeaux exempte l’autre. C’est en effet sur cette loi que le pétitionnaire demande que son cousin soit exempté du service. Il paraît, en effet, que les deux frères Hulsbosch sous tous les deux sous les drapeaux ; mais vous remarquerez que ce ne sont pas les miliciens eux-mêmes qui réclament, mais un tiers, et nous ne savons pas si les miliciens ont eux-mêmes réclamé en temps utile. Par ces considérations, votre commission a l’honneur de vous proposer de passer à l’ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Fleussu, rapporteur. - « La dame J.-T. Hams, veuve de J.-B. Declercq, à Vlierzele (Alost), demande de pouvoir se remarier sans produire l’acte de décès de son mari, parti il y a 24 ans en qualité de pionnier. »
Votre commission vous propose de passer à l’ordre du jour sur cette pétition ; ces conclusions sont fondées sur le texte de la loi qui défend de contracter un second mariage avant d’avoir fourni la preuve de la dissolution du premier, et sur un avis du conseil d’Etat qui défend d’accorder des dispenses sous aucun prétexte.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur A. Geens, cultivateur à Werchter (Louvain) demande l’exemption du service du premier ban de la garde civique pour son troisième fils, les deux aînés ayant satisfait à la milice et le quatrième étant en activité de service. »
La commission a été d’avis d’adopter l’ordre du jour, parce qu’il a été établi en fait que l’aîné des enfants n’a pas servi réellement mais a été substitué. Or, la loi sur la milice n’exempte les substitués que tant que dure la substitution.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur Steens, chapelier à Bruxelles, étant marié le mois depuis le mois d’août dernier, demande son exemption du service dans la garde civique mobilisée, et que son remplaçant soit renvoyé. »
Nous avions proposé l’ordre du jour, parce que nous n’avions pas rencontré au dossier les pièces annoncées par le pétitionnaire. Toutefois, d’après l’article 27 de la loi du 22 juin 1831, il est certain que le garde civique qui se marie a droit à l’exemption du service. Le pétitionnaire prétend qu’il s’est adressé au conseil cantonal au moment où il était assemblé, et que le conseil a admis son exemption. Il l’a envoyée au ministre de la guerre qui, dit-il, a refusé de faire droit à sa demande. Ce sont, il faut le dire, des allégations dont la preuve n’est pas rapportée par le pétitionnaire ; c’est à la chambre à voir s’il ne conviendrait pas de renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gendebien. - Je pense que ce serait abuser de l’ignorance où se trouve peut-être le pétitionnaire sur les pièces qui lui auraient été nécessaires pour prouver les faits qu’il allègue ; mais, quoique ces faits ne soient pas prouvés, il faut croire que le pétitionnaire n’aurait pas allégué une décision du conseil cantonal si cette décision n’existait pas. Dans une telle position, si la cause était soumise à un tribunal, il ordonnerait un interlocutoire ; ordonnons un interlocutoire nous-mêmes pour éclaircir les faits. Je suis d’avis qu’on doit renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur et à M. le ministre de la guerre.
M. Fleussu. - Je dois encore faire observer que le pétitionnaire allègue s’être adressé au ministre de la guerre ; mais ce ministre ne s’entend pas sur la question avec le ministre de l’intérieur. Celui-ci est d’avis que le pétitionnaire doit être exempté ; le ministre de la guerre croit, au contraire, que tant que la garde civique mobilisée est en activité de service, il n’a pas droit à l’exemption.
M. Gendebien. - Renvoyons la pétition au ministre de l’intérieur et au ministre de la guerre, avec demande d’explications. C’est le seul moyen de faire rendre justice au pétitionnaire. Si en effet il y a conflit entre ces deux ministres sur la question, le conflit pourrait durer longtemps, et, en attendant, le pétitionnaire resterait en souffrance. Or, je ne connais au-dessus des ministres, dans l’ordre hiérarchique législatif, que les chambres ou le Roi ; en portant la question devant nous, nous ferons cesser le conflit ; car, c’est à nous, d’ailleurs, qu’appartient le droit d’interpréter la loi.
- L’ordre du jour est mis aux voix est rejeté.
La chambre ordonne le renvoi au ministre de l’intérieur et au ministre de la guerre, avec demande d’explications.
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur P.-J. Philippe, à Nivelles, fermier locataire et père de 8 garçons, demande à la chambre d’annuler la décision de l’autorité communale qui appelle sous les drapeaux son 3ème fils, dont les deux aînés ont satisfait à la milice. »
La commission conclut à l’ordre du jour par les motifs ; 1° que l’aîné s’est fait substituer dans la milice, et qu’aux termes de l’article 74 de la loi du 8 janvier 1817, la substitution ne donne droit à l’exemption du frère du milicien substitué que pendant la durée du service actif du substituant ; que ce droit à l’exemption cesse avec la substitution, conformément aux articles 22 et 23 de la loi du 27 avril 1820 ; 2° que la chambre n’a point mission de relever des décisions des états provinciaux.
- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur Ives Vanderhaghe, milicien de 1830, à Roulers, réclame contre une décision de la députation de la province, prise à son égard, en vertu de l’article 8 de la loi du 4 juillet 1832. »
La commission conclut à l’ordre du jour, par le motif que le pétitionnaire n’a pas épuisé tous les degrés de juridiction.
M. Gendebien. - Je demanderai à l’honorable rapporteur de vouloir bien nous dire en quoi consistent les dispositions de l’article 8 de la loi du 4 juillet 1832.
M. Fleussu, rapporteur. - Je ne pourrais pas répondre à cette question ; mais j’ai fait connaître le motif des conclusions de la commission, c’est que le pétitionnaire n’est point passé par le dernier degré de juridiction.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Les députations des états jugent en dernier ressort.
M. Gendebien. - Je demande qu’un nouveau rapport sur cette pétition soit fait à la séance prochaine.
M. Fleussu. - Il a été fait une proposition tendant à faire passer les décisions des états députés dans les attributions de la cour de cassation. Cette proposition est restée indécise, et nous avons pensé que jusqu’à présent on suivait la marche de l’ancienne loi fondamentale, d’après laquelle le roi annulait les décisions des états-députés quand elles n’étaient pas conformes à la loi.
M. Jullien. - J’ai entendu dire qu’on s’occupait au ministère de l’intérieur d’une loi nouvelle sur la garde civique. Déjà dans plusieurs circonstances, j’ai insisté pour la révision de l’ancienne loi à cause des injustices criantes auxquelles elle donne lieu. Je désirerais savoir de M. le ministre de l’intérieur s’il se propose de présenter une loi nouvelle pour remplacer ou du moins pour modifier celle qui existe actuellement, et notamment pour régler le recours sur les décisions des députations permanentes ; car il paraît qu’on a adopté comme jurisprudence certaine que les états jugent en dernier ressort. Une infinité de réclamations sont parvenues au ministère de l’intérieur, et on a répondu qu’on ne pouvait y faire droit, attendu que les députations permanentes jugent en dernier ressort. C’est pour cela que, l’année dernière, j’avais proposé d’ouvrir du moins le recours en cassation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, ainsi que cela a été annoncé à l’ouverture de la session, une nouvelle loi sur la garde civique a été élaborée ; et peut-être vous serait-elle soumise en ce moment si la chambre n’était pas déjà saisie d’un très grand nombre de projets de lois qui n’en permettraient pas la discussion. Je crois aussi qu’il est urgent de décider plusieurs points sur la législation de la garde civique qui donne lieu à beaucoup d’abus et de plaintes. En fait mon opinion est que les états-députés jugent en dernier ressort quant à la voie administrative, quant au ministre de l’intérieur, et non pas quant à la cour de cassation qui pourrait certainement réformer une fausse application de la loi. Il est vrai que des recours en cassation ont déjà eu lieu de la part de gardes civiques sur des décisions des états-deputés.
Si je pensais que la chambre fût à même en ce moment de s’occuper d’un projet de loi sur la garde civique, je pourrais hâter le travail de manière à le lui soumettre prochainement.
M. Fleussu. - Je ferai remarquer que la loi sur la garde civique n’a placé dans les attributions de la cour de cassation que les questions disciplinaires.
M. Gendebien. - J’insiste sur la demande faite par mon honorable collègue, M. Jullien. Je pense que le nouveau projet de loi sur la garde civique doit nous être présenté le plus tôt possible. Avant qu’il soit imprimé et examiné, nous aurons terminé la plus grande partie de la besogne, qui semble à M. le ministre de l’intérieur un obstacle à son examen.
Quant à la pétition, je ne puis prendre part à la délibération aussi longtemps que je ne connais pas l’article de la loi dont parle le pétitionnaire.
M. Dubois. - J’ajouterai à l’appui de ce que vient de dire M. Gendebien que cet article a donné lieu à des plaintes. Si j’ai bonne mémoire, je crois qu’il a été interprété par M. le ministre de l’intérieur au point de changer toute l’économie du principe. Dans mon corps, des miliciens ont été incorporés en vertu de cet article. La décision du ministre de l’intérieur, qui les exemptait, est parvenue 24 heures trop tard, de sorte qu’il a été constamment répondu à ces miliciens que, n’ayant pas réclamé en temps utile, il n’y avait pas lieu à faire droit à leurs réclamations.
M. Fleussu. - Il s’agit ici d’une décision d’un conseil provincial. Si elle est bien motivée, M. le ministre de l'intérieur ne pourra rien y faire ; si elle repose sur une erreur, c’est encore en vain qu’on la renverrait ; car il n’est pas appelé à redresser les décisions des conseils provinciaux.
M. Dumont. - Je crois que ce n’est pas ici le cas de prononcer l’ordre du jour. C’est un article qui doit nous guider dans la discussion de la loi qui nous sera présentée. En conséquence je propose le dépôt au bureau des renseignements.
- L’ordre du jour est écarté.
Le dépôt au bureau des renseignements est ensuite mis aux voix et adopté.
M. Fleussu, rapporteur. - « La dame Catherine Carl, à Jungluister (Grand-Duché), demande que la chambre avise aux moyens de faire cesser toute recherche et arrestation des miliciens réfractaires habitant les deux parties du territoire belge, cédées à la Hollande par le traité du 15 novembre 1831. »
La commission conclut à l’ordre du jour, par le motif que les territoires cédés par le traité des 24 articles continuent à faire partie de la Belgique jusqu’à ce que ce traité soit exécuté, et jusque-là les habitants de ces territoires doivent se soumettre aux lois du pays.
- L’ordre du jour est adopté.
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur Eeckelaers, cultivateur à Heyendonck, se plaint d’une prétendue violation des lois sur la milice, exercée envers son fils, soutien de sa vieillesse. »
Voici les faits exposés par la pétition.
Les communes combinées d’Heffen-Heyendonck, arrondissement de Malines, devaient, d’après le tableau de répartition des états de la province du 28 février dernier, fournir quatre hommes pour le contingent de la levée de la milice de 1832.
La classe de cette année n’offrit dans ces communes que trois hommes en état de servir.
Il fallut, d’après les dispositions de l’article 15 de la loi du 28 novembre 1818, pour compléter le contingent, prendre le quatrième milicien sur la classe de 1831. Ce quatrième homme est le fils du pétitionnaire.
Toutefois, par arrêté de S. M., en date du 29 mars, on n’a mis en activité que les premiers tiers du contingent de 1832.
Par conséquent, le fils du pétitionnaire devait être tenu en réserve ; il n’avait été appelé sous les drapeaux que parce qu’un milicien de la classe de 1832 avait été exempté par le conseil de milice comme fils de veuve et soutien de sa famille ; mais cette décision fut annulée par les états provinciaux. D’où il suit que ce dernier devait remplacer celui qui avait été désigné à son défaut.
Par ces motifs la commission conclut au renvoi au ministre de la guerre.
M. Gendebien. - D’après l’exposé lumineux de l’honorable rapporteur, vous voyez qu’il y a ici injustice flagrante. Je pense donc qu’il ne suffit pas seulement de renvoyer la pétition au ministre de la guerre, parce qu’elle pourrait rester enfermée dans les cartons, et je demande que ce ministre soit invité à nous donner des explications. (Appuyé ! appuyé !)
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne pense pas qu’en ordonnant ce renvoi la chambre entende, comme M. Gendebien, qu’il y a injustice flagrante. Il faut, avant de se prononcer, attendre le rapport de M. le ministre de la guerre.
M. Gendebien. - Je n’ai pas dit qu’il fallût se prononcer immédiatement, mais j’ai dit que d’après l’exposé des faits, l’injustice paraissait flagrante.
- Le renvoi au ministre de la guerre, avec demande d’explications, est mis aux voix et ordonné.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je pense qu’il faut renvoyer, en outre, la pétition au ministre de l’intérieur, car c’est par lui que les hommes sont mis à la disposition du ministre de la guerre. D’ailleurs, si je ne me trompe, je pense que cette affaire regarde les deux ministres. Je crois qu’il s’agit d’un homme qui a été incorporé dans la cavalerie, et gardé par M. le ministre de la guerre qui prétend avoir le droit de le garder.
M. Fleussu. - Si cela devait influer sur la décision de l’assemblée, je pourrais dire un mot à ce sujet. M. le ministre de la guerre a répondu qu’il n’y avait point de réserve dans la cavalerie ; mais ce n’est pas là la question.
M. Gendebien. - Je demande le double renvoi avec demande d’explications aux ministres.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. Fleussu, rapporteur. - « Le sieur J.-G. Daenen, à Huy, demande son exemption du service dans la milice, auquel il a été désigné, son frère unique étant en activité. »
La commission conclut au renvoi aux ministres de l’intérieur et de la guerre.
Le pétitionnaire se fonde pour obtenir son exemption sur la disposition expresse de la loi.
M. le ministre de l'intérieur a eu connaissance de sa réclamation, mais il l’a rejetée en disant qu’il ne se trouvait pas dans un des cas d’exemption, sans en développer les motifs. Vous voyez donc que le ministre a résolu la question par la question, tandis que si le fait allégué par le pétitionnaire est exact, il doit être exempté. Il faut donc renvoyer au ministre tout le dossier afin qu’il fasse connaître les motifs de sa décision.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - De quelle date est-elle ?
M. Fleussu, rapporteur. - Du 2 novembre 1832.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - On ne peut reprocher à la décision qu’un défaut de formes, celui de ne pas donner de motifs ; mais elle doit être fondée, car on ne rend pas de décision avant d’avoir pris des renseignements auprès de l’autorité locale et de l’autorité provinciale. Il ne faut pas trop prodiguer les demandes d’explications aux ministres, ce qui leur fait perdre un temps précieux ainsi qu’à la chambre.
M. Fleussu, rapporteur. - La commission s’est montrée très sévère pour le renvoi, parce que la décision n’est pas accompagnée de motifs. Il est seulement dit que le réclamant ne se trouve dans aucun des cas d’exemption. Je crois que c’est parce qu’il n’a pas fait valoir sa réclamation en temps utile, mais il faut que la chambre soit éclairée sur ce point.
M. Gendebien. - Quel que soit le nombre des pétitions qui exigent des explications et le travail que cela occasionne, ce n’est pas une raison pour limiter nos demandes. D’après ce qui nous a été dit, il paraît que le pétitionnaire est victime d’une injustice ; peut-être cependant a-t-il fait valoir sa réclamation trop tard. Mais alors le fait est facile à vérifier, et il ne s’agit que de produire la date de la réclamation.
Peu importe que cela donne un peu plus de besogne aux chefs de bureaux ; il faut faire justice avant tout.
- Le renvoi aux ministres de l’intérieur et de la guerre, avec demande d’explications, est adopté.
M. Fleussu, rapporteur. - « Huit sous-officiers du 3ème bataillon de la garde civique mobilisée à Liége appellent la sévérité des lois sur les réfractaires et déserteurs de leur bataillon (cantons de Huy et de Heron).
La commission propose le renvoi au ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Fleussu, rapporteur. - « Dix habitants de Liége demandent que la chambre fasse disparaître de la nouvelle loi sur la garde civique l’obligation de servir en personne, soit dans la milice, soit dans le premier ban, pour être exempté du service dans le premier ban de la garde civiques. »
Conclusion : Renvoi au ministre de l’intérieur.
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.
Membres absents sans congé à la séance du 1er février : MM. de Bousies, de Foere, Deleeuw, de Muelenaere, de Robaulx, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, Domis, Coghen, Hye-Hoys, Jaminé, Pirson, Ch. Vilain XIIII.