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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 28 janvier 1833

(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1833)

(Présidence de M. Fallon.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal à une heure. Il donne ensuite lecture du procès-verbal, dont la rédaction est adoptée sans réclamation.

Pièces adressées à la chambre

Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. A. Rodenbach écrit pour demander un congé ; le congé est accordé.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

M. le président. - L’ordre du jour est le vote sur les élections de Liége. La question est l’adoption ou le rejet des conclusions de la commission, et, dans ce dernier cas, l’admission de MM. de Laminne et Marcellis.

Un de MM. les secrétaires procède à l’appel nominal.

72 membres ont répondu à l’appel : 46 ont voté l’admission de MM. de Laminne et Marcellis, 7 ont voté contre l’admission.

En conséquence, MM. de Laminne et Marcellis sont proclamés membres de la chambre.

Ont voté pour les conclusions de la commission ou pour l’annulation des élections de Liège : MM. Berger, Coppens, Corbisier, Dumont, Ernst, Zoude, Fallon.

Ont voté le rejet des conclusions de la commission, ou l’admission de MM. de Laminne et Marcellis comme membres de la chambre : MM. Boucqueau de Villeraie, Brabant, Coghen, de Bousies, Deleeuw, Dellafaille, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, Robiano de Borsbeek, de Sécus, Desmanet de Besme, de Terbecq, de Theux, Dewitte, Domis, Donny, Dubois, Dubus, Dugniolle, Duvivier, Fortamps, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jacques, Jonet, Lebeau, Levae, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, Speelman, Thienpont, Ullens, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen, Verhagen, Vilain XIIII, Vuylsteke.

Se sont abstenus : MM. Angillis, Dams, Dautrebande, Davignon, de Brouckere de Smet, d’Hoffschmidt, Fleussu, Gendebien, Jaminé, Osy, Pirson, Rouppe, Seron, Vergauwen, Watlet, de Renesse

M. le président. - Aux termes du règlement, les membres qui se sont abstenus doivent exposer les motifs de leur abstention.

M. Angillis. - Les mots de de mon abstention sont bien simples. Vous ne voudriez pas, messieurs, que je votasse sans connaissance de cause : or, n’ayant pas assisté à la discussion, et n’ayant aucune connaissance de toute cette malheureuse contestation, j’ai dû m’abstenir de voter.

M. Dams. - Je m’abstiens de voter parce que je proteste contre la manière dont la discussion a été étouffée dans la séance d’avant-hier.

M. Dautrebande. - La réplique aurait dû être admise ; on aurait pu avoir de nouveaux renseignements, un nouveau jour aurait pu éclairer la question.

M. Davignon. - J’étais disposé, messieurs, et c’est un fait connu de plusieurs de mes honorables collègues, à donner un vote négatif sur les conclusions de la commission chargée de la vérification des pouvoirs, pour contribuer à mettre un terme à une affaire dont nous devons désirer de ne plus voir le renouvellement. Les explications données par MM. Dubus et Raikem avaient à peu près complété ma conviction sur cette question délicate.

Des objections que j’entendu faire dans les derniers débats par des membres de l’opinion contraire m’ont rendu quelques doutes, que de nouveaux éclaircissements auraient pu lever. Une prononciation de clôture peu en harmonie avec les précédents de la chambre, peu généreuse alors que le triomphe des partisans de l’élection était évident, ayant rendu la chose impossible, j’ai cru devoir m’abstenir : je l’ai fait avec d’autant moins d’hésitation, qu’il ne s’agit pas d’une proposition du gouvernement, mais d’une question d’élection à laquelle il est bon qu’il soit entièrement étranger.

M. de Brouckere. - Messieurs, s’abstenir n’est point voter, a dit avant-hier l’un des membres de la majorité, et la majorité a paru partager cet avis bien que la chambre en ait toujours décidé autrement. Or, je n’ai pas abandonné l’opinion que j’avais au moment où, samedi, on a fermé une discussion qui n’était pas épuisée. Je ne crois pas pouvoir voter. Avec une précipitation, avec une hâte dont on n’avait pas encore vu d’exemple, on a fermé la bouche à des membres qui demandaient à être entendus, et qui annonçaient de nouveaux arguments qu’ils voulaient produire. Je n’ajouterai qu’une seule observation. On a traité de ridicule notre opinion lorsque nous avons dit qu’il pouvait exister un individu portant le nom de Rococo ; j’ai sous les yeux le catalogue des livres en vente, et je trouve qu’un écrivain Lococo compare entre elles les méthodes de Lancastre, d’enseignement mutuel et hollandaise ; si on s’appelle Lococo, on peut bien s’appeler Rococo. (On rit.)

M. de Renesse. - Quoique membre de la commission de la vérification des pouvoirs, et de la majorité qui avait conclu à l’annulation des élections de Liége, je crois devoir m’abstenir, puisque l’on a produit une pièce qui n’a pas été communiquée à la commission, et que la majorité de la chambre, en adoptant la clôture, n’a pas permis à la commission d’en prendre connaissance.

M. Desmet. - J’ai refusé de voter parce que, en ma qualité de membre de la commission nommée par la chambre pour la vérification des pouvoirs de l’élection de Liége, je proteste contre la décision prise avant-hier, par laquelle la discussion sur les élections de Liége fut clôturée immédiatement après un discours où M. le président de la chambre a fait usage, pour combattre les conclusions de ladite commission, d’une pièce adressée à elle, et dont on ne lui avait donné aucune communication.

M. Tiecken de Terhove. - Je me suis abstenu parce que je n’aime pas voir sabrer les discussions ; j’aurais voulu qu’on entendît les répliques.

M. d’Hoffschmidt. - Je m’abstiens, non parce que ma conviction n’est pas formée, mais parce que je considère mon abstention en ce cas comme une protestation contre la manière arbitraire dont la discussion a été étouffée par une majorité formée d’avance.

M. Fleussu. - L’accueil fait à une demande de clôture prématurée, alors que quelques orateurs seulement avaient été entendus, que la liste était loin d’être épuisée, qu’il restait des faits à éclaircir, que la moitié de la chambre avait manifesté le désir de voir continuer la discussion m’a paru contraire aux convenances et à nos usages parlementaires. Je considère mon abstention comme moyen de protestation contre un pareil antécédent.

M. Gendebien. - Messieurs, je me suis abstenu parce que j’ai voulu protester contre un antécédent qu’on cherche à établir. Depuis quelque temps, messieurs, certains journaux salariés par d’autres que par leurs abonnés, ont donné le conseil à la chambre de clore les discussions, de faire taire ainsi les hommes qui déplaisent au pouvoir. Je crains que ceci ne soit un prélude à ce qui se prépare ; j’ai voulu protester afin de conserver dans cette chambre apparence de liberté, alors qu’on se dispose à les attaquer toutes.

Je proteste parce que la discussion a été close prématurément et violemment ; je proteste par les motifs exposés à cet égard par mes collègues ; je proteste enfin parce qu’il était tout au moins inconvenant de clore la discussion au moment même où un orateur est venu donner connaissance à la chambre, pour la première fois, de plusieurs pièces qui étaient en contradiction avec les procès-verbaux qui ont caractère d’authenticité et contre lesquels aucune preuve n’est admissible jusqu’à inscription de faux.

Nous avons pu vérifier la vérité de ce principe que toute précipitation est coupable. Jamais un tribunal n’a passé outre alors qu’on demandait communication de pièces qui n’étaient pas au dossier ; et ici on a introduit, à la fin de la discussion, des pièces qui étaient en opposition avec les actes auxquels nous devons croire ; nous avons demandé communication de ces nouveaux documents qui n’auraient dû parvenir à la chambre que par l’intermédiaire de la commission ; rien de régulier n’a été fait, et notre demande a été refusée ; je proteste donc pour empêcher qu’on n’abuse d’un précédent semblable.

M. Jaminé. - Je me suis abstenu par les motifs exposés par M. Fleussu.

M. Jullien. - Messieurs, j’ai écrit les motifs de mon abstention ; je les ai fait courts pour qu’ils pussent être insérés en entier dans le Moniteur de demain : je dis en entier parce que le discours que j’ai prononcé avant-hier n’a été publié que par moitié ; cependant la discussion valait bien la peine que le Moniteur fît un supplément.

Je me suis abstenu parce que la discussion a été close violemment, et lorsque j’annonçais à la chambre que j’avais à répondre au dernier orateur, notamment sur l’emploi qu’il venait de faire d’une pièce toute nouvelle qu’il disait avoir été envoyée à la commission de la vérification des pouvoirs, tandis que, dans le moment même où il parlait, cette pièce inconnue m’a été remise à mon banc par M. le rapporteur, en ma qualité de président de la commission.

Je me suis abstenu, parce qu’il entre dans mes intentions que cette abstention me tienne lieu, autant que faire se peut, d’une protestation pour le présent comme pour l’avenir, contre de semblables moyens, que je considère comme oppressifs de la part de la majorité contre la minorité.

M. Osy. - Je m’abstiens de voter parce que le dernier orateur entendu samedi nous a parlé de nouvelles pièces reçues et qu’on avait remises, et sur lesquelles j’aurais voulu entendre l’opinion de la commission ; ce qui nous a été refusé par le prononcé de la clôture à la majorité d’une voix, et, comme cela se pourrait, elles auraient pu changer mon opinion sur les élections que j’avais regardées jusqu’alors comme irrégulières.

M. Pirson. - Les motifs de mon abstention seront peut-être un peu irritants ; ils le seront cependant le moins que je pourrai ; voulez-vous les entendre ? (Oui ! oui !)

Messieurs, s’il n’y avait eu à l’ordre du jour que le vote sur les élections de Liège, je n’aurais pas assisté à la séance ; mais je ne pouvais me dispenser de m’y rendre pour les autres objets à l’ordre du jour, notamment pour entendre ce qui sera dit sur la pétition de la banque tendante à faire établir une commission d’enquête sur son établissement.

Mais je ne veux pas que mon nom figure en un sens quelconque dans un scrutin dont la majorité s’est formée d’avance d’une manière illégale, la chambre n’étant plus en nombre, après avoir refusé d’entendre des observations sur une pièce lue par le président de la chambre, discutant sur les bancs des députes, pièce qui paraissait adressée ou à la chambre ou à la commission et dont ni l’une ni l’autre n’avait eu communication… majorité au reste qui s’est formée soit d’après le principe d’omnipotence, soit fatiguée des intrigues de Liége.

Je me rappelle à cette occasion l’omnipotence de la convention nationale de France. J’étais alors comme je suis encore républicain par principes, et cependant alors aussi j’étais de l’opposition comme on peut s’en assurer par le procès-verbal de la séance de ladite convention du 4 brumaire an IV.

Il y avait alors, je crois, quelque courage d’être alors de l’opposition.

Jugez, messieurs, si je dois craindre d’y figurer aujourd’hui, lorsque vous apprécierez à leur juste valeur les hommes qui nous mènent mal. Je me rappelle encore l’omnipotence de la chambre introuvable.

Messieurs, toutes les omnipotences doivent disparaître devant la souveraineté de la loi. Il n’y a pas d’autre omnipotence après que le peuple a usé de celle qui lui appartient dans la position unique où il peut se trouver de l’absence de tout gouvernement par suite d’événements qui l’auraient placé dans cette position.

Voilà, messieurs, comme j’entends les principes de la souveraineté. La loi succède nécessairement à celle du peuple qui n’en use que dans des cas heureusement très rares.

Les révolutions ne finiraient point, si sous prétexte de circonstances, le gouvernement et les gardiens de la loi sortaient de la légalité à tous propos.

M. Rouppe. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la séance.

M. Seron. - Les motifs de mon abstention sont les mêmes que ceux de M. Pirson.

M. Vergauwen. - Après les motifs d’abstention que plusieurs de mes honorables collègues ont déjà fait valoir et auxquels je me rallie, je me contente de vous dire en deux mots que je proteste de toutes mes forces contre ce qui a été fait à la séance de samedi, et que j’en considère le résultat comme attentatoire à la liberté de la discussion.

M. Watlet. - Je me suis abstenu par les motifs exposés par M. Fleussu.

Rapports sur des pétitions

La suite de l’ordre du jour appelle le rapport des pétitions.

M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur N. Duisberg, ex-médecin de bataillon, demande de nouveau à être réintégré dans son grade. »

Messieurs, le pétitionnaire, primitivement chirurgien à Arlon, fut admis dès les premiers mois de la révolution dans un corps-franc luxembourgeois, en qualité d’aide-major, médecin de bataillon ; ayant fait une blessure à un sous-lieutenant, soit en duel, ou de toute autre manière qui n’est pas à ma connaissance, il fut détenu ou mis aux arrêts pendant plusieurs mois, puis traduit devant un conseil de guerre, qui prononça son acquittement.

Vers cette époque eut lieu le licenciement du corps de volontaires, auquel il était attaché, ou plutôt sa fusion dans un régiment de ligne ; lors de cette organisation, le pétitionnaire fut du nombre de ceux qui ne furent pas replacés ; on lui en fit connaître les motifs. Le sieur Duisberg réclama, et n’ayant pu obtenir sa réintégration dans l’armée, il s’adressa à la chambre qui, dans la séance du 16 mars, renvoya sa pétition à M. le ministre de la guerre. Depuis, messieurs, vous avez alloué à ce département une somme de « 60,000 fl. (27,000 fr.), pour fournir au gouvernement le moyen de se procurer transactionnellement le désistement de toutes les prétentions de la part des officiers des corps francs et des bataillons de volontaires, qui n’ont pas été replacés depuis la réorganisation de l’armée, ordonnée par arrêté du 19 août 1831, etc. » Telles sont les expressions textuelles du rapport de la commission, qui fut nommée ad hoc.

Le pétitionnaire a été traité comme tous les officiers de volontaires de la même catégorie ; il a touché 500 florins pour sa part dans la même allocation susmentionnée. Il paraît qu’après avoir épuisé cette somme, il a adressé une nouvelle demande à M. le ministre de la guerre, qui lui a fait, sous le 4 novembre passé, la réponse suivante :

« Le ministre de la guerre de la guerre statuant sur la requête du sieur Duisberg, en date du 25 du mois passé, après s’être fait représenter les pièces qui le concernent, l’informe qu’il résulte de l’examen scrupuleux de ses titres que ses antécédents, comme officier de santé du corps franc, s’opposent à ce qu’il puisse être admis dans les cadres de l’armée régulière, et qu’il ne peut conserver aucun espoir à cet égard, ayant du reste été traité en tout comme les autres officiers de corps francs de la même catégorie. »

En présence de ces faits, messieurs, et par les considérations ci-dessus développées, votre commission a pensé qu’elle ne pouvait que recommander le sieur Duisberg aux sentiments d’humanité de M. le ministre de la guerre, mais qu’il y avait lieu à passer à l’ordre du jour sur sa nouvelle pétition.

M. Gendebien. - Le sieur Duisberg, messieurs, fut une des nombreuses dupes qu’a faites la révolution. Il a quitté la ville de Luxembourg dès les premiers jours de la révolution et fut incorporé dans le bataillon luxembourgeois, en qualité de chirurgien-major, je pense. Il eut le malheur d’avoir un duel ; son adversaire fut blessé mortellement à ce que l’on crut d’abord, mais il survécut. Dans le premier moment, le commandant et les officiers de son corps dénoncèrent le fait, et le sieur Duisberg fut traduit devant un conseil de guerre. Il était sous cet état de prévention alors qu’au mois d’août 1831 son bataillon reçut l’ordre de se rendre à l’armée de la Meuse. Il demanda au commandant d’Arlon l’autorisation de rejoindre son corps, mais il lui fut répondu par lettre du mois d’août qu’il ne pouvait le faire aussi longtemps que le conseil de guerre n’aurait pas prononcé sur son sort.

En février 1832, le sieur Duisberg, qui avait réclamé précédemment sa réintégration et sa solde, reçut du ministre de la guerre d’alors une réponse lui annonçant qu’il avait été rayé des cadres de l’armée parce qu’il avait refusé de rejoindre son bataillon, au moment de l’entrée en campagne. Vous voyez donc, messieurs, que c’est sur une erreur grave, une erreur matérielle qu’a été motivée la destitution du pétitionnaire, puisqu’il prouve par la lettre authentique du commandant d’Arlon que l’autorisation qu’il avait demandée de rejoindre son corps lui a été refusée. Il y a plus, messieurs, c’est que dès les premiers jours du mois d’août 1831, le sieur Duisberg était déjà rayé des contrôles de l’armée.

C’est donc par erreur, je le répète, qu’on lui a imputé son absence forcée à crime, et par injustice qu’on l’a rayé des cadres de l’armée, d’autant plus que le 3 décembre 1831, il a été acquitté à l’unanimité par le conseil de guerre à Namur.

Dans tous les cas, messieurs, un officier qui occupait un grade ne pouvait être destitué ainsi selon le caprice d’un ministre ; il fallait pour cela des formalités et un jugement.

C’est pourquoi je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre, avec ou sans demande d’explications, suivant que le décidera la chambre ; mais je pense qu’elle ne peut passer à l’ordre du jour, alors que je puis déposer des pièces constant le fait que je viens de signaler.

M. Davignon, rapporteur. - S’il s’agissait ici de déposer des pièces, je pourrais aussi communiquer à la chambre celles qui m’ont été confiées par M. le ministre de la guerre ; mais je pense qu’il y a des choses qu’il ne faut pas dire publiquement.

Il me paraît, messieurs, qu’en recevant ses 500 florins, le sieur Duisberg, qui connaissait les conditions auxquelles cette répartition se faisait, y a donné par le fait son adhésion formelle, et qu’il a renoncé tacitement à toute autre prétention. Il doit en être ainsi de tous ceux qui ont participé à cette distribution.

Quant aux causes qui ont su déterminer M. le ministre de la guerre à ne pas le réincorporer dans l’armée, faut-il donc, messieurs, que le ministre vienne ici vous déclarer si c’est pour des motifs d’inconduite, d’incapacité, ou pour toute autre raison qu’il se voit dans la nécessité de refuser d’employer l’un ou l’autre des nombreux postulants qui ne cessent de se présenter dans ses bureaux ?

Lorsqu’on voit ce budget de la guerre, dont les détails et le chiffre sont atterrants, et dont l’examen a provoqué dans nos sections un véritable découragement ; lorsque vous avez donné extraordinairement près de 130,000 fr. pour mettre un terme à toutes ces réclamations ; lorsque la nécessité de recourir de nouveau à la voie si onéreuse des emprunts est patente, vous sentirez-vous portés, messieurs, à accueillir cette nouvelle demande, pour vous en attirer mille autres de ce genre ?

Ouvrez le budget, messieurs, et vous y trouverez au chapitre VII, lettres U et V :

Traitement des officiers en disponibilités, avec tous les détails y relatifs : fr. 97,460.

Traitement des officiers en non-activité : fr. 325,300.

Pour l’année, ensemble : fr. 422,760.

Pour moi, messieurs, si je suis forcé d’admettre le chiffre, je suis peu disposé à coopérer à l’augmenter. Par ces motifs, j’appuie les conclusions de la commission.

M. Gendebien. - Personne plus que moi ne désire voir diminuer le chiffre du budget ; mais ce n’est pas en consacrant des injustices qu’on parviendra à ce résultat. Il faut rendre justice à chacun ; et si d’une part nous y voyons figurer de très grosses sommes pour des officiers ayant obtenu trois ou quatre grades pendant la révolution, il me semble qu’on peut être juste envers les autres. Il ne s’agit pas de savoir si le sieur Duisberg a droit à une gratification ; s’il la demandait, je m’y opposerais tout le premier ; mais il s’agit de savoir si c’est par erreur et en conséquence par injustice qu’il a été rayé des cadres de l’armée. C’est pour cela que je demande le renvoi au ministre de la guerre, et je le verrai moi-même pour avoir des explications à cet égard. Mais pour que je puisse vérifier ce fait, il faut renvoyer la pétition au ministre de la guerre. On sait, d’ailleurs, que je n’ai pas l’habitude d’importuner les ministres.

M. F. de Mérode. - Je voudrais savoir ce que M. le ministre de la guerre a répondu à ce pétitionnaire.

M. Davignon, rapporteur donne une deuxième lecture de la décision du ministre de la guerre.

- L’ordre du jour, qui est d’abord mis aux voix, est adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Les habitants des communes de Kermpt, Curange, Stockray, etc., du district de Hasselt, ayant des logements militaires depuis plus de deux années, réclament l’intervention de la chambre, afin d’être exemptés des corvées qu’ils doivent faire tous les deux jours pour chercher les fourrages, leur industrie se trouvant en souffrance et presque paralysée par cette charge continuelle. »

Messieurs, les pétitionnaires exposent qu’ils sont forcés d’aller chercher tous les deux jours au magasin les rations de fourrages nécessaires à la cavalerie qui séjourne dans leurs communes ; ils représentent la chose comme une corvée onéreuse et qui les empêche de faire leurs propres ouvrages. Ils n’allèguent pas cependant qu’on leur ait refusé le paiement de ces courses, ni qu’ils aient réclamé près du ministre que la chose concerne.

D’après un grand nombre de précédents établis par la chambre de n’accueillir que les pétitions qui font mention d’un déni de justice constaté, votre commission avait d’abord conclu à l’ordre du jour sur celle-ci ; mais prenant en considération qu’elle tend à signaler un abus que le retard à son redressement, s’il y a lieu, pourrait être préjudiciable aux pétitionnaires, abus qu’il importe du reste de soumettre à l’investigation de M. le ministre de la guerre, organe de votre commission, j’ai l’honneur, messieurs, de vous proposer le renvoi de la pétition à ce ministre.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je vois avec plaisir que la commission, qui d’abord semblait vouloir proposer l’ordre du jour sur la pétition, vous en demande maintenant le renvoi au ministre de la guerre. Je crois ce renvoi absolument indispensable, et quelques détails dans lesquels je vais entrer, vous en donneront la conviction.

Messieurs, les communes de Kermpt. Curange, Stackray et celles qui réclament avec elles, sont d’une très petite étendue. Depuis les premiers temps de la révolution, elles ont été continuellement obérées de logements militaires, et ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’elles sont entourées de communes beaucoup plus grandes et beaucoup plus peuplées, qui au contraire ont très peu de logements.

Toutefois, les communes qui réclament ne se seraient probablement pas plaintes, si à cette charge ne s’en joignait une autre, plus onéreuse et bien plus pénible encore. Elle consiste en ce qu’on requiert leurs chevaux et leurs voitures pour le service des fourrages militaires. C’est faire un préjudice considérable à des habitants de la campagne. Ils se sont adressés comme ils devaient le faire au gouverneur de la province qui a transmis leur réclamations au colonel, et celui-ci à l’intendant en chef. Voici la réponse de ce dernier, que vous trouverez sans doute comme moi très peu rationnelle.

L’orateur lit cette lettre ainsi conçue :

« Monsieur le colonel

« Je m’empresse de répondre à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, n°937, litt. B., relativement aux difficultés qui se sont élevées sur le transport des vivres dans les cantonnements.

« L’obligation de pourvoir aux transports n’étant imposée à l’entrepreneur que pour les approvisionnements en magasin, il parle de soi-même qu’on ne peut le contraindre à supporter les frais résultant du transport dont il s’agit.

« L’article 19 du cahier des charges de cette entreprise est positif à cet égard ; cet article inséré dans la quatrième section, ayant pour titre : Etablissements, approvisionnements et inspection des magasins, porte : « Tous les transports de vivres, bois de chauffage et paille de couchage, seront également à sa charge. » Mais en imposant cette obligation à l’entrepreneur, le gouvernement n’a eu en vue que le transport en magasin.

« Le second paragraphe de l’article, portant : « La troupe ira recevoir au magasin vivres et bois de chauffage, » ne laisse aucun doute à cet égard, et il me semblerait d’autant plus absurde d’interpréter de toute autre manière les termes de cet article, qu’en premier lieu toutes les stipulations mentionnées dans la quatrième section ont trait seulement, ainsi que le porte le titre précité, à tout ce qui a rapport à l’approvisionnement en magasin ; et, qu’en second lieu, le gouvernement n’a pu assujettir l’entrepreneur à une charge d’autant plus exorbitante, que les denrées à transporter pour chaque détachement, ne sont jamais la charge complète des voitures qui, néanmoins doivent être payées comme si elles étaient chargées à plein.

« J’ignore, M. le colonel, si les différents corps en cantonnement dans la province de Luxembourg sont ou non pourvus de fourgons, comme ceux des autres divisions de l’armée ; mais, dans le cas de l’affirmative, rien de plus simple, à mon avis, que de les employer aux transports dont il s’agit ; et de cette manière on tranche les difficultés et l’on évite des frais considérables à l’Etat. Ce n’est qu’à défaut de ces fourgons que les corps peuvent employer des voitures de réquisition, dont ils acquittent les frais au prix du tarif fixé par l’arrête du 3 août 1811.

« L’intendant-général de l’armée,

« Signé, Ulens. »

Ainsi voilà une réponse contenant beaucoup de belles phrases et ne décidant rien du tout. Pour moi je raisonne autrement que M. l’intendant-général et je dis : De deux choses l’une : ou, dans le Luxembourg, les troupes en cantonnements ont des fourgons, ou elles n’en ont pas ; si elles en ont, c’est à lui de leur ordonner de s’en servir au lieu de mettre en réquisition les voitures des habitants des campagnes ; si elles n’en ont pas, ce ne peut être d’après les termes mêmes de la lettre de M. l’intendant-général, qu’une exception, et c’est au gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour leur en procurer.

Par ces motifs, je demande le renvoi de la pétition au ministre de la guerre, et j’insiste instamment pour qu’il prenne des mesures, afin que les pétitionnaires ne soient plus chargés de corvées semblables à celles qu’elles supportent depuis deux ans,

- Les conclusions de la commission, appuyées par M. H. de Brouckere, sont mises aux voix et adoptées.


M. Davignon, rapporteur. - « Les sieurs Beys, ex-capitaine au 12ème régiment de ligne, et Simon, ex-officiers volontaires, signalent un prétendu déni de justice comme envers eux et leurs camarades, en retranchant de leur part à l’indemnité des 60,000 fl. les trois mois de 1831, pendant lesquels ils avaient été soldés. »

- La commission conclut à l’ordre du jour qui est adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Peruwelz demandent qu’il soit établi dans leur ville une direction des postes au lieu d’un bureau de distribution. »

La commission conclut au renvoi au ministre des finances.

- Adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Kock Mouligneau, à Flabecq, chevalier de la légion d’honneur, demande que la chambre s’occupe du sort des légionnaires. »

Conclusion : renvoi au ministre des finances et à la section centrale chargée de l’examen d’un projet de loi relatif aux légionnaires.

- Adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur C.-J. Coffaux, à Bruxelles, réclame la restitution de son mémoire de requête avec les pièces y jointes, adressé par lui au gouvernement provisoire. »

Conclusion : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Scheys, cabaretier à Bruxelles, réclame le paiement de l’indemnité qui lui revient pour pertes et dommages essuyés dans les journées de septembre. »

Conclusion : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Davignon, rapporteur. - « Seize habitants de Targnion demandent que, lors de la discussion de la loi communale, leur chapelle soit continuée comme annexe à la succursale de Lorée, et que le desservant jouisse d’un traitement annuel sur l’état de fl. 100. »

Conclusion : Ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Davignon, rapporteur. - « Le sieur Bergeron, à Bruxelles, habitant la Belgique depuis 1810, demande la grande naturalisation. »

« Le sieur J. Deacon, à Enghien, renouvelle sa demande tendant à être relevé de la déchéance qu’il a encourue pour se faire naturaliser Belge. »

« Le sieur J. Deacon, à Enghien, adresse la même demande que dessus, par pétition non datée. »

« Le sieur Bistou, géomètre du cadastre à Namur, demande la petite naturalisation. »

« Le sieur Georges Frédéric, né à Beyruith, qui a adressé, en mars 1831, à M. le régent une demande en naturalisation, demande que la chambre ordonne qu’il y soit fait droit. »

La commission conclut à ce que les cinq pétitions concernant le même objet soient renvoyées au ministre de la justice et à la commission de naturalisation.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Poschet, deuxième rapporteur. - « La régence d’Elvervinghe réclame contre le projet de l’administration des douanes, de former, au milieu du territoire de la commune la ligne de séparation du territoire libre. »

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

- Adopté.


M. Poschet, deuxième rapporteur. - « Les gouverneur et directeurs de la société générale pour favoriser l’industrie demandent que la chambre nomme dans son sein une commission d’enquête, chargée d’examiner la situation actuelle de la société vis-à-vis de l’ancien royaume des Pays-Bas. »

M. le rapporteur conclut à l’ordre du jour par le motif que la commission n’a pas cru que c’était d’après la pétition que l’on devait décider une enquête.

M. Meeus. - C’est dans cette assemblée même, lors de la discussion de la loi des voies et moyens, que des allégations de la nature la plus grave ont été avancées contre la banque : la banque, a-t-on dit, doit des sommes considérables à l’Etat.

Bientôt après, des écrits violents paraissent contre la banque et l’on sait, messieurs, d’où ces écrits partent.

Calomnier la banque, essayer de lui faire perdre de sa popularité, au moment où l’on cherche à lui ôter les fonctions de caissier-général de l’Etat c’est, il faut l’avouer, une tactique déloyale, mais adroite cependant, pour parvenir aux fins que l’on se propose.

La banque dédaigne, comme ils doivent l’être, les écrits calomnieux ; mais alors, messieurs, que dans cette assemblée, d’honorables membres, induits en erreur, avancent des faits contestés par la banque, quoi de plus loyal et de plus franc de la part de l’administration de la banque que de demander à la chambre des représentants de nommer dans son sein une commission d’enquête ? Quoi de plus loyal que de s’engager d’avance à donner les explications les plus minutieuses sur la fausseté des faits avancés, et à prouver enfin qu’à la liquidation qui doit avoir lieu avec les deux parties de l’ancien royaume des Pays-Bas, loin que la banque ait un solde considérable à payer, elle pourra plutôt en prétendre un en sa faveur ?

Cependant, votre commission des pétitions s’oppose à ce qu’une commission d’enquête ait lieu, et conclut à l’ordre du jour sur la pétition des gouverneur et directeurs de la banque.

Quoi que vous décidiez sur les conclusions de votre commission, le but des pétitionnaires se trouvera bien certainement atteint vis-à-vis de tout homme, ami de la vérité.

Mais, messieurs, pourquoi n’useriez-vous pas, à cette occasion du droit d’enquête ? Quoi, le ministère des finances vient avancer que la banque est redevable à l’Etat de sommes considérables, et cependant depuis plus de deux ans il reste dans l’inaction, il ne la force pas à payer ! Mais de deux choses l’une : ou le ministère des finances a trahi ses devoirs et est coupable de mauvaise gestion, et alors, messieurs, il est de votre droit d’en acquérir par vous-mêmes la certitude ; ou bien, il a simplement posé des faits faux et erronés, et alors encore il est de votre dignité, je dirai de votre justice, à l’égard d’une des premières institutions du pays, de vous en convaincre par vous-mêmes, et de ne plus ajouter foi à de telles assertions.

Je le répète, messieurs, quelle que soit votre décision sur la nomination d’une commission d’enquête, le ministère des finances ne peut sortir de cette alternative fâcheuse pour lui, ou d’être, à juste titre, accusé de mauvaise gestion et d’avoir trahi ses devoirs, ou bien d’avoir avancé contre la banque des allégations dont il reconnaît lui-même la fausseté.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, soit que vous considériez la société générale pour favoriser l’industrie nationale comme étrangère au gouvernement, soit que vous l’envisagiez comme agent de l’Etat en sa qualité de caissier-général, je crois que le droit d’enquête que vous confère l’article 40 de la constitution et que le gouverneur et les directeurs de cette société vous demandent d’exercer, relativement à sa situation actuelle vis-à-vis l’ancien royaume des Pays-Bas, serait indûment appliqué dans ce moment, cet objet appartenant préalablement au domaine du pouvoir exécutif.

Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur les statuts de cet établissement, pour se convaincre que la surveillance suprême de ses opérations, comme société étrangère à l’Etat, appartient au roi, et que ce droit privé est un principe d’existence pour cette société.

Les pétitionnaires ont donc tort de la qualifier de libre et indépendante, puisque la puissance du roi domine toutes ses opérations et peut les empêcher ou les suspendre (article 61).

En sa qualité de caissier-général, la société n’est qu’un agent du pouvoir exécutif, et comme ce n’est pas au trésor de l’ancien royaume des Pays-Bas que le caissier-général est supposé redevable, mais à celui dont la Belgique, de la même manière que tous les receveurs des deniers publics qui étaient en fonctions au moment de la révolution, le débat doit s’établir d’abord entre le gouvernement et son caissier, et c’est de clerc à maître que ce dernier doit compter.

La responsabilité du ministre garantit aux chambres le résultat de l’action du pouvoir exécutif contre son agent. Si ce résultat ne les satisfaisait pas, alors le droit d’enquête pourrait et devrait s’exercer ; mais en user avant que l’action ne soit engagée ou que son résultat ne soit connu, serait de la part de la chambre un acte d’exécution conséquemment en dehors des limites que trace la constitution aux pouvoirs qui en émanent.

Je pense donc, messieurs, que la chambre n’est pas, quant à présent, compétente pour s’occuper de cet objet, et que vous devez passer à l’ordre du jour sur la pétition du gouverneur et des directeurs de la société générale.

Un acte relatif à la situation du caissier de l’Etat était préparé par le gouvernement, mais il en a suspendu l’exécution afin de ne pas venir à la traverse de cette discussion : il le publiera et réalisera ses intentions dès que vous vous serez prononcés.

Je crois devoir ajouter quelques réflexions sur ce que vient de dire l’honorable préopinant. Il paraîtrait, selon lui, que le chef du département des finances aurait dit dans cette enceinte que la banque redevait à l’Etat des sommes plus ou moins considérables. Comme plusieurs ministres se sont succédé à ce département, je ne sais duquel il a voulu parler. Pour ce qui me concerne, je crois n’avoir parlé de la banque qu’avec une extrême réserve et n’avoir point émis de pareille allégation. Ce n’est donc pas à moi qu’on doit en faire un reproche. Il en est de même pour ce qui est de la brochure signalée par notre honorable collègue. C’est à juste titre que le ministre des finances repousse toute insinuation qui tendrait à la faire considérer comme émanant de lui ou de ses agents.

M. Pirson. - On ne peut passer à l’ordre du jour sur la pétition. Je ne prétends pas cependant qu’on doive nommer une commission d’enquête ; mais on pourrait désigner purement et simplement une commission pour examiner l’affaire compliquée relative à la banque. L’abandon de nos forêts ne fut pas plus tôt fait à cette société que des protestations s’élevèrent et qu’il y eut devant les états-généraux des propositions tendantes à faire annuler cette cession, et cela dans le délai du code civil, pendant lequel tout individu tombé dans une convention peut s’en relever. M. de Stappers, dont l’autorité n’est pas très estimable, a fait plusieurs démarches à cet égard. Cet objet est donc assez intéressant pour qu’on y fasse quelque attention. Il est de fait qu’on a abandonné pour dix millions ce qui était reconnu en valoir vingt.

Eh bien, aussitôt après la révolution, la banque a vendu une partie de ces domaines, et elle continue de les vendre encore. Or, quelle garantie nous reste-t-il que ces 20 millions nous soient payés par la société à sa dissolution ?

Je demande donc que l’on nomme, non pas une commission d’enquête, mais une commission spéciale, qui s’occupe d’examiner cet objet et qui se concerte à cet égard avec M. le ministre des finances.

M. H. de Brouckere. - Je crois que ce n’est pas ici le cas de nommer une commission d’enquête ; mais je dois déclarer que j’approuve la mesure prise par la banque dans cette occasion, et que je regarde sa démarche comme une preuve de loyauté de sa part. Je déclare en outre que je regarde la conduite du ministère des finances à l’égard de la banque comme étant au moins inconséquente. Et comment cette conduite a-t-elle été inconséquente ? Parce qu’on s’est plu à jeter dans cette enceinte, de la manière la plus légère, des accusations contre cette banque ; parce qu’on l’a représentée comme débitrice envers l’Etat d’un solde considérable. M. le ministre des finances actuel sait que ce n’est pas à lui que doit s’adresser ce reproche. Il est possible que M. Duvivier n’ait pas avancé directement une pareille allégation, mais ce qui est certain, c’est que M. Coghen l’a dit de la manière la plus formelle ; et comme, pendant la discussion des voies et moyens, M. le ministre des finances actuel avait l’habitude de s’en rapporter à son prédécesseur et que même il le priait de répondre à sa place sur certains points, je conclus que les paroles de M. Coghen étaient officielles.

Maintenant, de deux choses l’une : Ou la banque est débitrice envers l’Etat, et, dans ce cas, il fallait employer tous les moyens convenables pour la constituer votre débitrice ; ou elle ne vous doit rien, et alors il ne fallait pas alléguer des faits que vous ne pouvez espérer faire triompher devant la justice. Et cependant on est allé jusqu’à établir le quantum de ce qu’on prétendait être dû par la banque.

Je n’irai pas plus loin, messieurs mais, je préviens M. le ministre des finances que je reviendrai sur cette question à l’occasion du budget des dépenses, et d’une manière bien plus expresse.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Bien que l’honorable préopinant m’ait pour ainsi dire mis hors de cause, je dois cependant déclarer que je n’ai jamais eu l’intention d’avancer que la banque fût débitrice envers l’Etat. Je ne pense pas qu’il me soit échappé aucune expression semblable lors de la discussion du budget des voies et moyens. C’est quand cette question fut agitée par d’honorables collègues que mon prédécesseur dit que la banque devait ; je ne sais sur quoi il étayait son opinion, et dans tous les cas ce serait à lui à la développer s’il était présent.

Il est de fait que d’après un compte arrêté qui se trouve au ministère des finances, il semblerait que la banque doit effectivement à l’Etat ; mais je présume que ce compte est sujet à être débattu, et que du moment où l’on se mettrait en contact avec la banque, on arriverait peut-être de tout autres résultats.

Je dois ajouter que depuis plusieurs mois un projet a été arrêté pour satisfaire aux intérêts de la banque elle-même. Or, si l’on considère le peu de temps depuis lequel je suis au ministère des finances, on verra que cet objet a été le sujet de ma sollicitude,

Quant à ce qui aurait dû être fait par mes prédécesseurs, cela ne me regarde en rien, et j’aime à déclarer que chaque fois qu’il sera question de cet établissement, j’y apporterai la plus grande réserve et la plus grande circonspection.

M. Mary. - Je crois avec la commission que la chambre ne doit pas faire une enquête sur la demande seule des pétitionnaires ; mais nous ne devons pas reculer devant cette demande. On a dit dans cette enceinte qu’en septembre 1830 la banque était débitrice de plus de 10 millions de florins, que la chambre des comptes vient de réduire à un peu plus de 6 millions de florins, après défalcation des mandats fournis, mais non encore payés avant la fin de septembre. Elle doit aussi 500 mille florins par an à la liste civile, et presque autant à l’amortissement ; elle doit, en outre, au séquestre l’intérêt des actions de l’ancien roi.

Eh bien ! aujourd’hui que la banque demande elle-même des investigations, ne reculons pas, et renvoyons la pétition au ministre des finances avec demande d’explications sur les mesures qui auront été prises ; car si la banque devait effectivement, il fallait la mettre en demeure pour la constituer débitrice des intérêts sur le pied de 5 p. c. des sommes qu’elle avait à l’Etat, On ne l’a pas mise en demeure : ainsi donc elle jouit de ces sommes sans être passible des intérêts. Remarquez, messieurs, que la banque ne dit point qu’elle ne doit pas, mais que seulement elle conteste la qualité de son créancier. Eh bien en attendant que ce point soit résolu, qu’on la mette en demeure, pour qu’elle soit tenue aux intérêts. J’insiste donc pour le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications. (Oui ! oui ! Appuyé !)

M. Gendebien. - J’avais demandé la parole pour proposer le dépôt de la pétition au bureau des renseignements, mais je pense maintenant qu’il vaut mieux adhérer à la motion de M. Mary. Je ne crois pas, comme la commission, qu’on doive passer à l’ordre du jour sur cette pétition. Il me semblait plus convenable de la renvoyer au bureau des renseignements, afin que les membres de la chambre vissent s’il y avait lieu de former une enquête et d’en faire la proposition formelle.

Un autre motif qui me confirmait dans cette opinion, c’est que la pétition de la banque protestait contre des allégations faites dans cette enceinte, et il me paraissait bon de donner à cette société la satisfaction de constater au moins dans nos bureaux sa protestation. Mais, je le répète, je crois qu’il vaut mieux maintenant adopter la proposition de M. Mary, qui arrive plus directement au but, et qui aura le double avantage d’amener des explications, et de mettre en demeure le ministre des finances, d’où il résultera pour lui la nécessité d’agir ou de justifier son inaction. Je demande donc comme M. Mary le renvoi au ministre, et dans le cas où cette proposition serait repoussée, je propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - J’appuie les conclusions des deux honorables préopinants. Je crois en effet que si l’on veut donner suite à la démarche de la banque, démarche qui, j’aime à le croire, a été dictée par une susceptibilité fort honorable ; si l’on veut, dis-je, donner à cette démarche la suite qu’elle mérite, le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d’explications est la mesure la plus convenable comme la plus constitutionnelle. Toutefois je crois que le gouvernement ne peut admettre la proposition avec le caractère qu’a voulu lui donner l’honorable M. Gendebien. Il prétend qu’elle aura pour but de constituer le gouvernement en demeure. Or, messieurs, si on l’entendait dans ce sens, elle impliquerait un reproche contre le ministère. Il n’y a que 4 mois que nous sommes au cabinet, et, malgré la gravité des circonstances, la question n’a pas cessé de nous occuper, et plusieurs membres de cette chambre pourraient attester qu’avant la proposition de la banque, le ministère avait arrêté une mesure capable de concilier les intérêts de la banque avec la vive sollicitude de l’assemblée.

M. Angillis. - Si la commission avait mieux établi ses conclusions, j’aurais pu admettre l’ordre du jour ; mais en l’adoptant sans aucune considération, je le regarderais comme un déni de justice envers la banque. Des plaintes graves ont été élevées contre cette société dans l’enceinte de la représentation nationale ; elles ont retenti dans le public, et si la banque n’avait rien fait pour les repousser, son crédit eût été perdu. Eh bien ! messieurs, elle a fait ce qu’elle devait faire. Je ne suis pas d’avis que la chambre n’ait pas le droit d’ordonner une enquête ; elle a le droit de faire des investigations. Mais j’abandonne cette question grave sur laquelle nous reviendrons lors du budget, et j’appuierai avec M. Gendebien la proposition de l’honorable M. Mary. (Appuyé ! appuyé !)

M. Poschet. - Je ne sais pas dans quelles explications M. Angillis aurait voulu voir entrer la commission. La commission n’a pas voulu empiéter sur le pouvoir exécutif, Elle n’a pas dit que la chambre n’avait pas droit de faire des investigations, mais elle a pensé qu’elle ne devait pas se décider d’après la demande de la banque.

M. Pirson et M. de Brouckere déclarent se rallier à la proposition de M. Mary.

- L’ordre du jour est mis aux voix et écarté.

Le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications est ensuite mis aux voix et adopté.


M. Poschet, deuxième rapporteur. - « Neuf avocats du barreau de Bruxelles réclament contre la prise en considération de la proposition de M. C. Rodenbach relative aux patentes des avocats. »

Ils disent que ce serait établir de l’arbitraire en principe ; car il n’y a pas de bases sur lesquelles on puisse établir la patente ; ils disent encore qu’il serait injuste d’assujettir à la patente de jeunes avocats qui ne gagnent rien, et qu’il ne faut pas avilir une profession qui s’exerce bien plus dans l’intérêt public que dans l’intérêt particulier. La commission propose le renvoi du mémoire au ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Kemmer, instituteur à Bettendorf (grand-duché), se plaint des vexations qu’il éprouve de la part du bourgmestre et du curé de sa commune. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, nous aurons probablement à nous occuper, pendant cette session, d’une loi sur l’instruction publique ; et à l’occasion de cette loi importante, nous chercherons sans doute à nous entourer de tous les renseignements qui tendraient à faire disparaître les abus que l’on remarque dans bien des localités, relativement à l’enseignement, et qui sont du genre de ceux dont se plaint le pétitionnaire. je crois donc que nous pourrions recourir alors à la pétition dont il s’agit et qui contient une plainte de la part d’un instituteur à charge du curé et du bourgmestre de la commune, qui s’entendraient, paraît-il, pour l’abreuver de vexations ; en conséquence, je demande que cette pétition soit déposée au bureau des renseignements.

M. Poschet. - Le pétitionnaire ne dit pas qu’il se soit adressé à l’autorité compétente pour obtenir réparation ; la commission ne renvoie aux ministres que quand tous les degrés ont été épuisés.

M. Gendebien. - Je demanderai si la pétition contient des renseignements utiles sur la loi concernant l’instruction primaire.

M. Poschet. - Aucun. Le pétitionnaire dit que le maire s’est emparé de meubles qui lui appartenaient.

M. Fleussu. - C’est aux tribunaux à décider.

M. d’Hoffschmidt. - Je persiste à demander le dépôt au bureau des renseignements pour faire cesser au moins les vexations du curé.

M. Fleussu. - On ne se plaint pas du curé, on se plaint du maire.

M. Poschet. - Le pétitionnaire se plaint du maire, du curé, des gendarmes. (On rit.)

M. Gendebien. - Dès lors il n’y a pas d’inconvénient à passer à l’ordre du jour sur les motifs exposés par M. Fleussu.

M. d’Hoffschmidt. - Je retire ma proposition.

- L’ordre du jour est adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Bosch, de Liége, demande que les os soient de nouveau admis à la sortie. »

La commission propose le renvoi à la commission de l’industrie.

M. Osy. - L’année dernière, plusieurs réclamations semblables vous ont été soumises. C’est surtout par les Flandres, par Ostende, qu’on expédie beaucoup d’os. Je propose le renvoi au ministre des finances ; il verra s’il n’y a pas quelque changement à faire dans le tarif.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, le tarif des douanes contient, relativement aux os, la tarification suivante :

Os de bœufs, de vaches et d’autres animaux, sortie prohibée.

Os dont on a extrait la gélatine (valeur) 6 p. c.

Le texte hollandais exprime cette dernière condition par le terme afgekookte.

Ces deux désignations, française et hollandaise, ont donné lieu à quelque doute, qui était de savoir si les os devaient avoir subi l’opération de la coction, ou s’il suffisait qu’ils ne continssent plus de gélatine. Une résolution du 14 septembre 1824, n°76, a décidé que non seulement il fallait que les os fussent aflekookte, mais qu’en outre ils devaient aussi être dépouillés de leur gélatine. Ces dispositions ont pour but de conserver dans le pays la matière première nécessaire à la fabrication de la colle et du noir animal, deux substances employées dans plusieurs industries importantes du pays.

Des négociants, d’une part, font un commerce d’os, qui a un débouché avantageux en Angleterre, où l’on en consomme considérablement pour l’engrais des terres.

Ils demandent à ce que les os reconnus privés de gélatine (onbruikbaar) puissent être exportés lors même qu’ils n’ont point subi de coction.

Des fabricants de colle se plaignent, d’une autre part, que la sortie des os en général leur cause un grand préjudice en augmentant le prix de cette matière, que par des moyens chimiques on peut réduire totalement en gélatine.

Les premiers prétendent que la quantité d’os que fournit la consommation de bétail en Belgique est si abondante qu’elle excède considérablement les besoins des fabriques où on les emploie.

Les seconds assurent que le prix des os qui ordinairement est de 2 fr. les 100 kilog., est successivement augmenté au point qu’aujourd’hui il est parvenu au taux de 7 à 7-50 fr. les 100 kilog. ; augmentation qui, selon eux, attesterait la nécessité de maintenir la prohibition à la sortie.

L’administration, messieurs, est entièrement désintéressée dans cette question contestée entre deux industries dont les besoins sont opposés. Elle a demandé l’avis de la commission supérieure d’industrie et de commerce, qui est favorable à l’exportation appliquée aux os qui pourraient être reconnus onbruikbaer, c’est-à-dire impropres à la fabrication de la colle. Mais cette distinction, qui ne saurait être observée et qui ferait naître une foule de contestations, ne peut servir de règle.

L’on ne saurait rien prescrire de praticable à cet égard, et il faut ou maintenir la prohibition telle qu’elle existe, ou la lever entièrement et permettre la sortie de toute espèce d’os.

En France, les os de bétail sont imposés à la sortie (loi du 28 avril 1816) à 20 fr. les 100 kilog.

Il paraît convenable d’admettre en Belgique la sortie des os moyennant un droit à déterminer.

Cet objet est soumis en ce moment à des investigations dont j’attends le résultat pour proposer à la chambre une mesure qui puisse concilier les intérêts des uns et des autres.

- La proposition de la commission et celle de M. Osy sont adoptées.


M. Poschet, rapporteur. - « Un grand nombre d’habitants de la commune de Rummen (Brabant) signalent un abus commis par des particuliers pour se soustraire aux prestations militaires, en élisant domicile ailleurs. »

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Vandermissen, négociant à Saint-Josse-ten-Noode, réclame le paiement de 12,335 fr. pour plusieurs fournitures de pain faites à l’armée française en 1831. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre attendu qu’une demande de fonds a été faite par le ministre pour cet objet.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Afin qu’on ne tire pas du vote de la chambre une induction qui serait contraire au but de l’allocation demandée par le ministre de la guerre, je ferai observer que l’allocation est demandée à titre d’avance et qu’elle ne constitue pas la reconnaissance d’une dette qui aurait été contractée par le gouvernement belge.

- Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.


M. Poschet, rapporteur. - « L’administration de la société dite de bienfaisance, à Bruxelles, demande l’allocation au budget d’une somme de 25,000 fr. pour la soutenir dans son entreprise des colonies agricoles. »

La commission propose le renvoi du mémoire au ministre de la justice.

M. de Nef. - Les colonies agricoles mentionnées dans cette pétition méritent de fixer toute votre attention et celle du gouvernement ; ayant reçu à cet égard quelques renseignements locaux, qui me mettent à même de pouvoir en apprécier les résultats plus ou moins avantageux, je crois de mon devoir de vous soumettre à cet égard quelques observations.

Je suis le premier à reconnaître toute l’utilité de pareils établissements qui, d’un côté, rendent productives des terres précédemment incultes et sans rapport, et d’un autre côté, arrachent à une dégradante mendicité des individus dont le travail peut ainsi trouver utilement employé.

Mais les résultats ont été loin de répondre au but que l’on s’était proposé ; les établissements dont il s’agit, surtout la colonie libre, ont été fondés sur un terrain tellement ingrat, qu’il aurait fallu un nombre infini d’années avant de pouvoir commencer à récupérer, par les produits annuels, les capitaux considérables que le défrichement avait nécessités.

D’après cela, ces établissements, qu’on avait élevés sur une grande échelle, ne pouvaient évidemment prospérer que pour autant qu’on eût mis à leur disposition des capitaux suffisants, et dont l’intérêt n’aurait dû être payé que lorsque l’amélioration des terrains aurait majoré à un certain degré la valeur des produits.

Aussi qu’est-il arrivé ? Que, dès l’année 1823, la commission permanente fut obligée de recourir aux emprunts, lesquels se sont successivement accrus au point de s’élever à la somme énorme de 803,000 florins, dont il n’a encore été remboursé que 134,000 fl.

L’obligation de servir annuellement les intérêts et d’amortir une partie des capitaux, a eu pour suite nécessaire de réduire toujours progressivement le salaires des colons et les secours qu’on leur accordait, de manière à pouvoir affirmer, d’après des renseignements sûrs qui me sont parvenus, que leur sort est devenu de jour en jour plus misérable.

Je désire donc que le gouvernement prenne au plus tôt des mesures efficaces à l’effet de venir au secours de ces malheureux, dont la misère est devenue telle qu’ils ont à peine les aliments nécessaires pour soutenir leur existence.

Si l’on veut conserver ces établissements sur le pied actuel, il faut absolument que le sort des colons soit amélioré, car il est révoltant pour l’humanité de les voir dans une condition pire que n’est celle des détenus qui ont subi une condamnation criminelle ou correctionnelle ; ce but ne pourra être atteint qu’en augmentant les ressources, et, à cet effet, outre l’allocation demandée, le gouvernement devrait encore favoriser les souscriptions volontaires et engager entre autres les employés à y prendre part.

Que si les ressources ne peuvent être suffisamment augmentées et que cependant on veuille persister dans la même voie, je pense que la somme portée au budget ne pourra avoir que des résultats bien plutôt nuisibles qu’utiles.

Il vaudrait mieux alors réduire le nombre des colons ainsi que l’étendue du terrain mis en culture, et convertir en bois de sapin les parties arides qu’on cesserait d’exploiter comme terres labourables.

Les familles ou colons qu’on serait obligé de renvoyer pourraient être établis et répartis dans différents villages, là où il existerait quelque partie de terre vague et susceptible d’être défrichée, ce qui pourrait avoir lieu sous la surveillance des administrations communales.

Au surplus, ce que je dis ici n’a principalement pour but que d’exciter le ministère à prendre les mesures que lui-même jugera le plus convenables pour améliorer les colonies dont il s’agit, et faire au plus tôt cesser un état de choses si contraire aux sentiments de philanthropie qui doivent être la base de pareils établissements.

Toutefois, comme nous devons encore examiner cet objet à l’occasion de la prochaine discussion du budget du ministère de la justice, je demanderai que la pétition soit renvoyée à la section centrale, chargée du rapport du budget des dépenses, et en outre à M. le ministre de la justice, qui a maintenant les colonies agricoles dans son département.

M. Mary. - Je ne suivrai pas l’honorable préopinant dans les considérations qu’il a présentées ; je crois que le moment n’est pas venu de s’occuper de cet objet ; nous devons simplement nous borner à examiner la pétition. Je crois que vous pouvez vous borner à ordonner l’impression et la distribution de la pétition : l’impression est le seul moyen de bien connaître les faits. Je ne m’oppose pas au renvoi au ministre de la justice.

M. de Robiano de Borsbeek. - Je crois que le système des colonies agricoles est faux, est mal basé.

- Des voix. - Il ne s’agit pas de cela maintenant !

M. de Robiano de Borsbeek. - Si nous renvoyons la pétition au ministre, on pensera que nous approuvons les colonies agricoles. Si on s’obstine dans la voie prise, on dépensera beaucoup d’argent sans parvenir à un résultat heureux ; le résultat pourrait même être fâcheux pour les colons.

C’est une chose qui mérite beaucoup d’attention.

Je demande le renvoi de la pétition à la section centrale.

- Le renvoi au ministre de la justice, à la section centrale, et l’impression de la pétition sont ordonnés.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Delvoie, adjudicataire de la barrière d’Overrepen, sur la route de Tongres à Hasselt, demande que la chambre lui fasse obtenir une indemnité égale à celle obtenue par ses confrères sur la même route. »

« Même demande faite par le sieur Sampermous, à Tongres. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Après un court débat relatif au droit qu’a ou n’a pas le gouvernement d’accorder des dégrèvements aux adjudicataires des barrières, débat auquel prennent part M. de Brouckere, M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier), M. le ministre de la justice (M. Lebeau), M. Poschet et M. Seron, la chambre adopte les conclusions de la commission.


M. Poschet, rapporteur. - « L’administration des hospices civils de Braine-le-Comte réclame de la chambre une décision qui la maintienne dans le droit de payer sur l’ancien pied les sœurs récollettines, qui lui a été enlevé par résolution de l’ancien gouvernement. »

- Ordre du jour.


M. Poschet, rapporteur. - « Quatre administrateurs d’une société de bateliers, à Tournay, réclame une modification dans leur droit de patente. »

- Renvoyé au ministre des finances sur les conclusions de la commission.


M. Poschet, rapporteur. - « Les sieurs Félix du Rosoir, Charles et Félix Wins, propriétaires composant le comité de la société charbonnière du Nord, du bois de Boussu, réclament de la chambre une disposition qui permette à la commission des mines de leur faire délivrer le décret de leur commission. »

D’après une loi qui vient d’être récemment portée, la pétition étant sans objet, la commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur E.-J. Thomas, chef de service aux accises, et détaché à Mons, adresse des renseignements sur les distilleries. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Barthélemy de Thier, à Vinalmont, signale deux abus qui se sont commis dans la province de Liége dans la distribution des places vacantes dans la perception des impôts. »

- Ordre du jour.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur de Clerq, négociant à Bruges, demande à comparaître devant une commission composée de membres pris dans la chambre et dans chaque province, pour développer un plan général de finances. »

- Renvoi à M. le ministre des finances, et dépôt au bureau des renseignements.


M. Poschet, rapporteur. - « Douze raffineurs de sel, de diverses villes, réclament contre l’arrêté royal du 7 septembre dernier, qui ferme les bureaux de la province d’Anvers à l’exportation. »

Cette pétition a paru d’un grand intérêt ; en conséquence la commission propose le renvoi à la commission d’industrie, et au ministre des finances.

M. Osy. - D’après la loi de 1822 le gouvernement peut fermer les bureaux d’exportation, et d’après un arrêté de 1831 on a défendu l’importation des sucres en Hollande ; l’année dernière une semblable prohibition a été prononcée pour les sels : cependant je ne conçois pas pourquoi on a supprimé toute introduction de ces marchandises en Hollande, et pourquoi on a fermé toute la ligne de douanes au sucre et au sel. On dit qu’il y a des bandes armées qui font entrer les sucres et les sels ; les renseignements que j’ai pu avoir de diverses communes ne confirment pas le fait. Comme il y a en Hollande restriction, ainsi que chez nous, des droits sur les marchandises exportées, il s’ensuit que la mesure que nous avons prise est seulement préjudiciable à notre commerce. Que le gouvernement ferme quelques bureaux, on le conçoit ; mais il ne doit pas les fermer tous. Je demande le renvoi de la pétition aux ministres.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, douze raffineurs de sels vous ont adressé une réclamation contre l’arrêté du 7 septembre dernier, désignant les bureaux admis pour le service des douanes.

Ils ont confondu dans cette réclamation deux sortes d’exportation. Celle ordinaire dont traitent les articles 63 et suivants de la loi générale et celle spéciale avec restitution des droits mentionnée aux articles 67 et suivants de la même loi.

Au moyen de cette confusion ingénieuse ils supposent que le gouvernement apporte au commerce d’exportation des entraves nuisibles à l’industrie.

Mais, messieurs, l’exportation simple de toutes les productions est non seulement permise, mais favorisée par tous les bureaux frontières ouverts en grand nombre à cette opération.

Quant à celle avec décharge ou restitution des droits, elle a fait depuis quelques temps l’objet de spéculations frauduleuses et scandaleuses au grand préjudice des ressources de l’Etat.

Un projet de loi présenté à la chambre par l’honorable M. Zoude le 10 juillet 1832 avait pour but de remédier à cet état déplorable de choses. Votre assemblée a jugé alors que cette mesure appartenait aux attributions du pouvoir exécutif, et a passé sur cette proposition à l’ordre du jour.

Le gouvernement s’est trouvé dès lors dans l’alternative de deux grands inconvénients : celui de voir s’élever des réclamations contre la suppression des latitudes ouvertes si largement à un genre de fraude qui procure des richesses aux dépens de la nation à ceux qui ne se font aucun scrupule d’en abuser ; ou celui de s’exposer aux reproches de la chambre en laissant perpétuer un mal aussi funeste aux ressources financières du pays.

Il a donc dû se déterminer entre ces deux positions en faveur de celle que lui indiquaient l’intérêt général et la morale publique, en faisant cesser l’exportation pure et simple de toutes marchandises, mais en refusant la décharge ou prime d’exportation par les bureaux où elle n’offrait qu’une source d’abus et de fraude, que le service des douanes le plus compact et le plus nombreux tenterait vainement d’empêcher, puisqu’en France même, où une double ligne de douane, gardée par un personnel trois fois plus nombreux que le nôtre, dans un rayon de quatre lieues de profondeur et avec un système répressif bien plus rigoureux que le nôtre, par conséquent bien plus efficace contre la fraude, n’a pas suffi pour empêcher une fraude analogue, ainsi que l’atteste un exposé fait à la chambre des députés le 7 décembre 1832 par M. d’Argout, ministre du commerce et des travaux publics, dans lequel on remarque, en effet, le passage suivant :

« L’acquittement des primes à l’exportation des marchandises exigerait un supplément de crédit bien onéreux, si l’on ne mettait un terme aux abus qu’il entraîne. En effet, la prime à l’exportation des sucres raffinés avait donné lieu en 1826 à une dépense de 5,200,000 fr. En 1832 elle coûtera 20 millions : c’est-à-dire que le trésor perd la moitié des produits de la taxe sur le sucre qui doit être le revenu le plus important de nos douanes.

« Cet état de choses ne saurait être plus longtemps maintenu, il faut y porter remède. Il vous sera présenté, dans ce but, un projet sur lequel vous ne sauriez statuer avec trop de promptitude. »

Cette citation suffit sans doute, messieurs, pour expliquer la nécessité d’une mesure que votre assemblée eût sans doute adoptée en juillet dernier si elle ne l’avait déférée à la compétence du pouvoir exécutif, qui a dû considérer comme une anomalie fort étrange, d’accorder des primes d’exportation ou des restitutions de droits sur des marchandises sortant du pays, et expédiées soi-disant vers un pays voisin où elles sont prohibées et repoussées.

L’encouragement dû à l’industrie ne doit pas s’étendre jusqu’à favoriser une fraude considérable faite au détriment de la Belgique.

Quant à l’arrêté du 7 septembre, il a été inscrit, ainsi que les tableaux qui l’accompagnent, au gouvernement provincial du Brabant, le 8 octobre 1832, comme conste d’un certificat de l’autorité provinciale. D’après l’article 313 de la loi générale, il est devenu exécutoire dans cette province le 23, et ce n’est, en effet, que depuis cette époque qu’il a reçu son exécution.

Au surplus, toute contestation sur ce point est proprement judiciaire, et l’administration est en mesure de la soutenir en justice.

Du reste, la loi générale confère au pouvoir royal l’attribution d’ouvrir, changer et former des bureaux ; et, par la règle qui peut le plus peut le moins, il est compétent pour ouvrir ou fermer des bureaux, soit d’une manière absolue, soit seulement d’une manière relative et conditionnelle pour telle ou telle attribution ou pour telle ou telle marchandise.

D’après ces observations qui renforcent celles qui ont été discutées déjà à la chambre, le 10 juillet 1832, j’ai lieu de penser que votre assemblée trouvera bon de passer à l’ordre du jour sur la pétition dont s’agit.

M. Osy. - Je suis d’accord avec M. le ministre des finances ; il n’a pas abusé de la loi : le gouvernement a le droit de fermer les bureaux, mais je crois qu’en les fermant tous il nuit à l’industrie du pays. Il faudrait au moins que deux bureaux fussent ouverts.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je ne puis répondre qu’en insistant sur le contenu de la note que je viens de communiquer à la chambre. Il est certain que le commerce loyal doit obtenir toutes les facilités qu’il mérite ; mais le commerce déloyal, le commerce qu’on ne saurait trop flétrir, s’empare de tout ce que le gouvernement accorde aux négociants honnêtes pour nuire aux intérêts du trésor et à la bonne industrie : voilà ce qui est arrivé pour le sel et pour le sucre. On a posé en principe que la réexportation serait suivie de la restitution des droits ; eh bien on fait des réexportations simulées ; les objets rentrent dans le royaume, et le trésor paie la fraude.

On dit que la Hollande nous envoie des marchandises prohibées et que nous devons à notre tour lui en envoyer qu’elle prohibe.

Je ne nie pas qu’il puisse entrer chez nous des marchandises prohibées, mais je dis que cette introduction doit être réprimée.

M. Poschet. - Aujourd’hui on nous vend des sucres qui nous viennent de France, et nos négociants ne font plus rien. Je persiste dans les conclusions de la commission.

- Le renvoi de la pétition à la commission des finances et à la commission de l’industrie est ordonné.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur L. Vanden Bosch, à Heylissen, demande le paiement des intérêts des rentes dites domein-los-renten. »

Il a été décidé que les porteurs de ces obligations recevraient en Hollande 5 p. c. ; à Amsterdam ils ont été régulièrement payés ; on demande qu’ils soient également payés en Belgique, La commission propose le renvoi au ministre des finances. Une pétition sur le même objet nous a été adressée depuis ; je crois qu’on peut aussi la renvoyer au ministre de finances.

M. Meeus. - Messieurs, la pétition qui vous est présentée mérite toute votre attention ; j’ignore en effet par quelle subtilité le ministère des finances a pu jusqu’à ce jour établir une différence entre la dette active inscrite à Bruxelles et les obligations dites domein-los-renten, quant au paiement des intérêts.

Vous le savez, messieurs, on a porté depuis le commencement de la révolution une somme au budget des dépenses pour le paiement de la dette active inscrite à Bruxelles ; mais jamais le ministre des finances ne vous a demandé d’allocation pour le paiement des intérêts des obligations dites los-renten inscrites au remboursement à la banque du royaume. Ces dernières cependant, aussi bien que les inscriptions de la dette active sur le livre auxiliaire, doivent être présumées, comme elles le sont en effet toutes, appartenir à des Belges ; et, par conséquent, on devait appliquer à ces obligations la règle adoptée pour les intérêts de la dette active ; mais il y a plus, messieurs, les intérêts de la dette active inscrite à Bruxelles ne seraient-ils point payés, qu’alors encore il faudrait payer les intérêts des los-renten dont il est parlé dans la pétition du sieur van den Bosch, à Heylissen.

En effet, ces obligations se trouvent représentées par les domaines de l’Etat ; il suffit à cet égard de lire la loi du 27 septembre 1822 et l’arrêté du gouvernement pris, je pense, en 1824, et en vertu duquel le syndicat d’amortissement fit un emprunt de 100 millions, déclarant constituer en hypothèque tous les biens de l’Etat. Or qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Le gouvernement belge reçoit les revenus des domaines et ne paie point les intérêts des charges qui leur incombent. C’est là, messieurs, une injustice criante et que vous ferez cesser sans aucun doute.

J’appuie donc de tout mon pouvoir la pétition du sieur van den Bosch en vous proposant de la renvoyer non seulement au ministre, mais aussi à votre commission des finances en lui demandant de vous faire un rapport à cet égard pour être entendu lors de la discussion du budget des dépenses.

M. Mary. - Je crois que le renvoi au ministre de la justice et au ministre des finances est suffisant. Des pétitions semblables nous ont été adressées l’année dernière, et les ministres auxquels on les a renvoyées n’ont pas fait droit aux plaintes ; à partir du 1er octobre 1830 les Hollandais ont payé 5 p. c. sur les certificats d’inscription de ces rentes ; l’agent belge a refusé le paiement : il faut faire disparaître cette anomalie. J’appuie le renvoi au ministre de finances avec demande d’explications.

M. Osy. - Cette dépense n’en est pas une ; on prend cette somme sur les sommes à payer à la Hollande. J’appuie la proposition de MM. Meeus et Mary qui demandent des renseignements. Je demanderai en outre le renvoi à la section centrale du budget.

M. Angillis. - Je ne m’oppose pas au renvoi avec demande d’explications ; mais je m’opposerai beaucoup à ce qu’aucune somme figure au budget pour payer ces rentes. Je prends l’engagement de combattre toute proposition qui aurait un but semblable.

- Le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications est ordonné.

Le renvoi à la section centrale du budget est également ordonné.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Les explications sont toutes prêtes ; elles sont rédigées et dès demain je les lirai à la chambre si elle croit devoir m’entendre.


M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Benoît Jannart, à Lessine, demande que la chambre lui fasse obtenir une remise sur l’enchère de la barrière dont il est fermier. »

- Ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l'intérieur

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) prend la parole et présente un projet de loi relatif à un crédit supplémentaire à allouer pour le Moniteur.


M. le président. - Le rapport des pétitions est continué à vendredi. Il n’y a plus rien à l’ordre du jour ; en conséquence, j’invite MM. les représentants à se rendre dans les sections.

M. Davignon. - Je prie M. le président de convoquer extraordinairement la quatrième section dont les membres, jusqu’ici, ne se sont pas réunis.

- La séance est levée à quatre heures.