(Moniteur belge n°69, du 9 mars 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure et 1/4. La séance est ouverte.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur François-Joseph Vanuffeter, préposé de deuxième classe des douanes à Gheluwe, né à Oudvrostemeer (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d’enregistrement. »
« Même demande du sieur Pierre Snyers, brigadier des douanes à Gheluwe, né à Ritthem (Pays-Bas). »
Renvoi au ministre de la justice.
« Plusieurs habitants riverains de la Senne réclament l’intervention de la chambre afin d’obtenir la prompte exécution des travaux nécessaires pour empêcher les inondations de la Senne. »
M. Verhaegen. - Plusieurs habitants riverains de la Senne se plaignent des malheurs qui ont eu lieu par suite des inondations récentes. En effet, tous ceux qui veulent se promener du côté de la porte d’Anderlecht peuvent s’en assurer, il y a des dégâts considérables. Cependant tous les ans nous portons à notre budget 30 à 36 mille francs pour travaux à exécuter dans la vallée de la Serine ; et il paraît que rien n’a été fait jusqu’ici. Je désire que la pétition soit envoyée à M. le ministre des travaux publics avec demande d’explications et invitation de prendre promptement les mesures que commanderaient les circonstances. L’affaire est des plus urgentes.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Les crues d’eau extraordinaires qui viennent d’avoir lieu ne sont pas seulement relatives à la Senne, mais à toutes les rivières du pays, des inondations ont effrayé les habitants du littoral de la Meuse, de la Sambre et de l’Escaut.
Des sommes ont été votées pour porter remède aux inondations de la Senne. Une partie de ces sommes a déjà été employée. Il n’est donc pas exact de dire que rien n’a été fait. Une commission a été nommée depuis plusieurs années pour rechercher les moyens d’obvier aux inondations de la Senne, une partie de ceux qu’elle a indiqués ont été appliqués. D’autres restent à employer, on ne tardera pas à les essayer. J’ai chargé un ingénieur de se rendre sur les lieux et de me faire un prompt rapport sur les mesures d’urgence à prendre.
M. Verhaegen. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
M. Rodenbach. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si, comme on me l’a annoncé, il est vrai qu’on ait changé le tarif des transports de marchandises vers l’Allemagne, notamment pour les huiles. Des marchandises, d’après mes renseignements, auraient été transportées de la deuxième à la troisième classe, ce qui fait une augmentation de 15 à 20 p. c. Le commerce des huiles est devenu important entre la Belgique et l’Allemagne. Je m’étonne qu’on ait pu prendre une mesure de nature à entraver des exportations qu’on devrait encourager. Il est possible que mes renseignements ne soient pas exacts. Je serais bien aise que M. le ministre des travaux publics voulût nous donner sur ce point des explications.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - L’honorable M. Rodenbach est dans l’erreur. Je ne connais pas de décision définitive qui ait fait passer les huiles de la première à la deuxième classe. J’ai pris deux mesures récentes, ayant pour but de faire passer à la première classe des objets importants, les sucres et les cotons filés qui se trouvaient à la deuxième. Si un employé inférieur a pu interpréter le tarif dans le sens que vient d’indiquer l’honorable préopinant, c’est là un fait qui ne peut avoir aucune importance.
M. Rodenbach. - Le fait dont j’ai été informé est probablement le résultat d’une erreur d’un employé, j’étais persuadé que M. le ministre des travaux publics partagerait mon opinion à cet égard, je le prie de faire cesser l’erreur, si elle a eu lieu.
M. Lys. - Vous vous rappellerez, messieurs, que les cultivateurs des cantons de Herve et d’Aubel vous avaient adressé une pétition, tendant à obtenir l’exemption de l’impôt sur le sel nécessaire à la salaison de leurs fromages Vous savez aussi, messieurs, que cette pétition ne vous arriva qu’après le premier vote. Né dans cette localité, je connaissais leurs besoins, et je fis valoir avant ce premier vote combien il serait juste de leur accorder cette exemption, si on continuait à en accorder à diverses fabriques ; qu’il y avait eu injustice de les oublier, ainsi qu’on l’avait fait jusqu’à présent ; je présentai même un amendement stipulant l’exemption dont s’agit, mais ne prévoyant aucune chance de succès, vu l’opposition des ministères, je le retirai. Je me bornai à recommander la position de ces cultivateurs à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères.
J’eus aussi l’honneur de voir particulièrement M. le ministre des finances, et de lui exposer qu’un drawback devrait être établi lors de l’exportation des fromages. Je rappelle à M. le ministre des affaires étrangères, qu’il devrait faire tous ses efforts pour obtenir l’abolition des droits d’entrée en Allemagne sur ces fromages. Nous avons accordé assez de faveurs à la Zollverein, en assimilant jusqu’à présent ses vins et ses soieries, aux vins et soieries de France, pour qu’elle nous accorde une légère compensation par l’exemption de cet impôt sur nos fromages.
Lors de la discussion de la loi d’impôt sur le sel, au sénat, ces cultivateurs lui adressèrent une nouvelle pétition, par laquelle ils se bornaient à demander le drawback dont s’agit.
L’honorable sénateur Biolley fit valoir leurs droits, et il obtint l’aveu de M. le ministre des finances, qu’il ne voyait pas d’inconvénient à admettre une espèce de drawback pour le sel que renferme les fromages livrés à l’étranger. Il promit d’examiner cette question et dit qu’il croyait pouvoir promettre une loi pour accorder cette restitution.
Ceci se passait, messieurs, le 30 décembre ; je prierai M. le ministre des finances de bien vouloir nous faire part de sa résolution.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Le gouvernement a reconnu le fondement des observations de l’honorable M. Lys. Un projet de loi est préparé, et sera bientôt présenté pour accorder à l’exportation des fromages la décharge du droit payé sur le sel qui est entré dans leur confection.
« Art. 3. Le gouvernement est autorisé à convertir en dette consolidée une valeur effective de dix millions de la dette flottante, au moyen d’une ou de plusieurs émissions d’obligations à 4 1/2 p.c.
Les émissions de bons du trésor auxquelles le gouvernement est autorisé en vertu des lois antérieures, seront réduites en proportion des émissions d’obligations à 4 1/2 p. c. qui auraient lieu pour leur consolidation. »
M. Delfosse propose d’ajouter au premier paragraphe, après les mots plusieurs émissions ceux-ci : « à un taux, qui ne soit pas inférieur au pair net. »
M. Devaux. - En vertu de cet article, dix millions de la dette flottante vont être consolidés. Je désirerais être éclairé sur cette disposition. M. le ministre des finances dans la situation du trésor qu’il nous a présentée à l’ouverture de la session, a dit que le découvert, y compris les dépenses de 1844, était de 37 millions. M. le ministre présentait ensuite comme moyen de couvrir ce déficit 1° 13 millions en numéraire qui devaient rentrer par suite de la convention conclue avec la Hollande et la société générale ; 2° 13 millions en valeurs disponibles et consistant principalement dans l’ancien encaisse de la société générale, du roi Guillaume.
Voilà donc 26 millions de couverts par ces deux ressources. Il restait 10 millions à couvrir. Or, dans la loi qui a ratifié la convention avec la société générale, il a été stipulé qu’il sera aliéné pour dix millions de biens domaniaux et qu’ils serviraient à l’extinction de la dette. Les moyens étaient donc faits pour couvrir la dette flottante ; mais il y avait retard dans la rentrée des fonds ; car les biens domaniaux ne pouvaient être alloués en une fois ; l’encaisse ne pouvait pas être brusquement jeté sur la place pour être vendu.
Maintenant le ministre des finances propose de diminuer la dette flottante de dix millions en les consolidant. Je désirerai savoir en remplacement de quelles ressources vient cette extinction de 10 millions de la dette flottante. Est-ce en remplacement de l’aliénation des biens domaniaux ? Dans ce cas, que fera-t-on des fonds provenant de la vente de 10 millions de biens domaniaux quand elle aura lieu ? ou bien est-ce pour remplacer les fonds de l’encaisse qui ne peuvent être négociés en ce moment ? Compte-t-on annuler dix millions de cet encaisse ? Je suis assez tenté de croire que c’est là l’intention. De cette manière nous annulerons nos fonds à 4 p. c. pour les remplacer par un fonds nouveau à 4 1/2 p. c. S’il en est ainsi, je voudrais au moins qu’on dît dans la loi qu’il y aura annulation des 4 p. c. du fonds de l’encaisse.
Ecrire dans la loi la consolidation d’une dette flottante n’est pas une mesure régulière. Convertir une dette à courte échéance en une dette à longue échéance, n’est pas une mesure très favorable au crédit. J’aurais désiré même qu’elle ne figurât pas dans la loi, à côté de la conversion à laquelle elle ne peut faire de bien ; mais, si on veut l’adopter, je désirerais qu’elle fût expliquée ; si l’intention du gouvernement est d’annuler 10 millions de l’encaisse, il serait utile que cela fût écrit dans la loi. Sinon, je voudrais que M. le ministre nous dît ce qu’on fera des ressources qui devaient former un jour les voies et moyens pour couvrir la dette flottante, c’est-à-dire, ce que deviendra l’encaisse. Je ne parle pas des 15 millions en numéraire, ceux-là seront nécessairement versés dans le trésor, et diminueront d’autant la dette flottante ; je parle de ce que deviendront les 13 millions en valeurs négociables. Je demande ensuite quelle destination l’on donnera au prix des bois domaniaux qui doivent être vendus en vertu de la loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, chacun de vous se rappellera qu’en toute occasion la chambre s’est prononcée ouvertement sur les inconvénients d’un découvert considérable ; elle a reconnu que, dans certaines éventualités, un pareil découvert pourrait occasionner au gouvernement les plus graves embarras. Dans la discussion du budget des voies et moyens, l’honorable M. Dumortier a surtout insisté sur la nécessité de faire disparaître la dette flottante dans le plus bref délai possible, et, en cela, il était d’accord avec beaucoup d’honorables membres qui se sont exprimés dans le même sens.
Lorsque j’ai présenté le budget des voies et moyens, j’ai établi quelle était notre situation financière ; j’ai indiqué que le découvert total se serait élevé 37 millions, si l’on n’avait pu le balancer en partie par des valeurs en numéraire et par des valeurs négociables, qui le réduisaient en réalité à 10 millions environ ; abstraction faite des valeurs négociables, qui ne peuvent pas se réaliser immédiatement, le découvert est encore de 23,500,000 francs, mais cette somme est réduite par une opération que j’ai expliquée, à 21,500,000 fr.
Eh bien, messieurs, un semblable découvert présente de graves dangers, et c’est pour ces écarts que j’ai saisi la première occasion qui se présentait pour le réduire à 11,500,000 fr.
Ainsi que je l’ai déjà fait observer, messieurs, les valeurs négociables ne peuvent pas se réaliser immédiatement, et le découvert subsisterait longtemps encore si nous n’avions que ces valeurs pour le couvrir ; l’honorable membre a fait observer que l’opération dont il s’agit, consisterait, en quelque sorte, à convertir du 4 p. c. en 4 1/2 p. c., ce qui ne serait point avantageux.
M. Devaux. - Je n’ai pas dit cela.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Vous avez fait des observations dont il m’a paru résulter que, dans votre opinion, il s’agirait de remplacer un fonds à 4 p. c. par un emprunt à 4 1/2 p. c.
Du reste, messieurs en versant sur le marché une grande partie de 4 p. c. on ferait nécessairement baisser le cours de ce fonds ; j’ai donc pensé qu’il fallait employer un autre moyen pour réduire la dette flottante, sauf à régler ultérieurement l’emploi des fonds à provenir de la vente des biens domaniaux et de ceux qui rentreraient dans le trésor, par suite du placement des obligations à 4 p. c. dans le cas où la chambre autoriserait la négociation de ces obligations ; car remarquez bien, messieurs, que j’ai pris l’engagement de ne point négocier le 4 p. c. avant que la chambre ne se soit prononcée sur le projet de loi que je me suis également engagé à lui présenter et qui doit régler tout ce qui est relatif au traité avec les Pays-Bas en ce qui concerne les finances.
C’est donc sous ce point de vue général, messieurs, que la question doit être envisagée ; si nous ne consolidons pas 10 millions de la dette flottante, pendant nombre d’années encore nous serons sous le poids de ce découvert de 10 millions. D’abord la vente des forêts ne se fera que successivement ; elle produira peut-être un million par an ; en second lieu, les valeurs négociables ne peuvent être réalisées qu’en petites parties ; pour en réaliser une fraction le gouvernement doit même obtenir encore l’autorisation des chambres.
Je pense ne pas devoir répondre directement à la demande faite par l’honorable préopinant, et tendant à savoir si les valeurs qui forment l’encaisse pourraient être supprimées immédiatement. La chambre aura à se prononcer à cet égard, lorsque le projet de loi dont j’ai parlé lui sera soumis.
Du reste, messieurs, on a maintes fois aussi reconnu dans cette enceinte la nécessité d’avoir une réserve. Lorsque 10 millions de la dette flottante seront convertis en dette consolidée, il n’en résultera pas encore que nous aurons une réserve ; au contraire, nous aurons encore un découvert de 11,500,000 francs ; mais si plus tard nous voulons former une réserve, cette conversion d’une partie de la dette flottante ne pourra que nous aider à y parvenir, ne pourra que nous faire arriver plus facilement à cette situation si souvent désirée pour le trésor public.
Voilà, messieurs, les explications que je puis donner à l’honorable membre. En résumé, je ne puis répondre sur le point de savoir si les valeurs qui forment l’encaisse peuvent être supprimées ; c’est la chambre qui aura à se prononcer sur cette question lorsqu’elle examinera le projet de loi qui lui sera présenté.
(Moniteur belge n°72, du 12 mars 1842) M. de Foere. - En prenant la parole, je réclame l’indulgence de la chambre. D’autres occupations ont pris mon temps ; je n’ai pu me préparer à la discussion. Néanmoins, je hasarderai quelques opinions sur le principe déposé dans l’article du projet de loi. Les opinions que je me propose d’émettre intéressent suffisamment la haute finance du pays pour m’engager à les présenter à la chambre, quoique je n’y sois pas préparé.
Le gouvernement vous propose, messieurs, de consolider une partie de la dette flottante. Il y a longtemps que d’autres membres et moi nous avons fait ressortir les graves inconvénients de ce malheureux système qui consiste à combler tous les ans le déficit de notre budget des recettes par une émission de bons du trésor. En effet, au lieu d’établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses, nous empruntons, chaque année, une somme égale au montant du déficit. Il n’y a pas de système plus désastreux que celui -là.
Le principe d’équilibrer les recettes et les dépenses est tellement important qu’en Angleterre le dernier ministère whig est tombé devant un amendement présenté par le parti tory, pour y être introduit dans la réponse au discours du trône. Déjà les whigs avaient eu recours, pendant deux ou trois ans, à la dette flottante pour rétablir l’équilibre dans l’exercice précédent, sans proposer en même temps des moyens sûrs d’atteindre ce but par des impôts. L’amendement présenté par leurs adversaires avait pour but de faire déclarer, par un vote de la majorité, l’insuffisance du ministère whig, basée sur cette erreur financière qui consiste à ne pas faire balancer les recettes avec les dépenses, à augmenter les charges futures du pays, et à ne pas créer des moyens d’amortissement par des excédants de recettes.
En Angleterre on ne s’escrime pas, comme chez nous, sur chaque paragraphe de l’adresse. Le parti opposé au ministère ne présente qu’un seul amendement et le choix qu’il a fait, il y a deux ans, pour faire tomber ses adversaires, prouve la haute importance que, dans ce pays, on attache non seulement à l’équilibre des recettes et des dépenses, mais à un excédant de revenus comme moyen d’amortissement.
La dette flottante comme la dette consolidée est constituée par des emprunts. La seule différence qu’il y a entre l’une et l’autre, c’est que le chiffre de la dette consolidée est fixe et ne varie plus selon les besoins éventuels que l’Etat éprouve chaque année, tandis que le chiffre de la dette flottante est toujours mobile et incertain ; le capital et les intérêts de cette dette flottent chaque année entre deux termes variables, selon les besoins de l’Etat.
Le budget accorde au ministère le droit d’émettre des bons du trésor jusqu’à concurrence tantôt de dix millions, tantôt de seize millions, tantôt de vingt millions ; le chiffre de cette dette diffère d’une année à l’autre et c’est pour cette raison qu’elle est appelée dette flottante. Ce n’en est pas moins un emprunt réel comme tous les autres emprunts que vous créez et que vous consolidez.
Le ministère vous propose de nouveau de convertir en dette consolidée une partie de la dette flottante que vous avez créée pour combler les déficits du trésor. C’est, en matière de finances, la politique habituelle de tous les ministères qui ont précédé celui-ci. Jamais ils n’ont établi un véritable équilibre entre nos recettes et nos dépenses ; toujours les chambres ont suivi ses funestes errements ; toujours les déficits ont été comblés par des emprunts levés au moyen d’effets de la dette flottante, et c’est en empruntant tous les ans que les Etats se jettent lentement dans un gouffre dangereux et finissent par se ruiner ; c’est aussi ainsi que, avant d’arriver à cette extrémité, vous finirez par imposer au pays des charges insupportables.
Dans plusieurs autres sessions, messieurs, je vous ai proposé d’adopter un autre mode d’émission des bons du trésor ; je vous ai proposé la pratique adoptée en Angleterre ; car j’ai, sur les avantages d’une dette flottante, lorsqu’elle est bien administrée, une opinion tout à fait opposée à celle de mon honorable ami M. Dumortier. Je désire la conservation de la dette flottante, mais avec un autre mode d’émission et une dette flottante substituée dans des proportions convenables, à une partie de la dette consolidée, c’est-à-dire, je désire lever un emprunt au moyen de bons du trésor sans échéances rigoureuses et bien administrés plutôt que de lever un emprunt comme dette consolidée. Ajoutez à ce système d’avoir chaque année des excédants de recettes et faites servir ces excédants à l’amortissement de la dette flottante. Vous connaissez tous les déplorables résultats de notre système d’amortir la dette consolidée, résultats si désastreux pour notre crédit public. C’est devant cet amortissement que les preneurs de nos rentes s’arrêtent ; ils reculent parce qu’ils savent que le sort désigne tous les ans un certain nombre d’obligations, qui sont remboursées au pair. Voilà pourquoi notre 5 p. c. n’est pas aujourd’hui au cours de 115 ou de 120 p.c. Il faut maintenir la dette flottante, en établir un autre mode d’émission, rendre la circulation de ses effets avantageuse pour toutes les parties intéressées et faire porter l’amortissement sur cette dette au moyen d’excédants annuels des recettes.
Le mode d’émission de la dette flottante, suivi en Angleterre, y est tellement populaire, que si un seul individu s’avisait de le blâmer, il serait considéré comme ayant perdu l’esprit et aujourd’hui les Anglais sont eux-mêmes surpris des graves erreurs qu’ils ont commises en établissant des commissions et des caisses pour amortir la dette consolidée.
Vous vous trouvez, messieurs, devant deux devoirs dont l’accomplissement est rigoureusement nécessaire pour conduire avantageusement la haute finance du pays : Le premier, c’est d’amortir ses dettes ; le second, c’est d’établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses, et de créer, en outre, des moyens d’amortissement. Or, si vous amortissez tous les ans une partie de la dette consolidée, vous arrêtez le mouvement de votre crédit public. En portant l’amortissement sur la dette flottante, vous laissez le libre essor au crédit public du pays. Tel est le premier avantage de ce système financier, avantage qui est considérable dans ses effets ; il conduit à des conversions successives aussi faciles que favorables à l’Etat.
Le mode d’émission de la dette flottante, en usage en Angleterre, est en outre utile à l’Etat, au commerce, à la banque, au capitaliste, et de plus il favorise singulièrement la circulation. Il est utile à l’Etat, parce qu’il lève des emprunts pour subvenir à ses besoins à un intérêt minime. Il est utile à toutes les parties de l’Etat, parce qu’il leur fournit un moyen facile et avantageux de placer momentanément des valeurs qui resteraient sans application et sans profit. Dans ces cas, les Anglais prennent des billets de l’échiquier et obtiennent ainsi un intérêt de leur argent jusqu’au jour où ils placent ces billets soit en payement des contributions, soit dans des transactions de toute nature.
Remarquez, messieurs, combien ce mode d’emprunt est avantageux à l’Etat. On n’émet des effets de la dette flottante qu’au fur et à mesure des besoins, et les intérêts en sont toujours au-dessous de l’escompte. Ainsi cet intérêt n’est aujourd’hui qu’à 1/2 p. c., et il s’élève rarement à 2 1/4. La dette flottante s’élève aujourd’hui, en Angleterre à 7 ou 8 cent millions de notre monnaie. L’Etat ne paye que 1 1/2 à 2 p. c. d’intérêt. Ensuite, comme l’amortissement agit particulièrement sur la dette flottante, c’est la raison pour laquelle la dette consolidée anglaise se trouve dans une position si favorable et que le 3 p. c. de ce pays aura bientôt atteint le pair.
Vous avez donc à choisir, messieurs, entre des emprunts que vous consolidez immédiatement et entre des emprunts que vous constituez en dette flottante et que vous amortissez. D’un autre côté, le devoir de la chambre est non seulement d’établir un équilibre entre les recettes et les dépenses, mais de faire arriver le trésor à un excédant de recettes ; c’est avec cet excédant que vous devriez amortir la dette flottante. De cette manière vous abandonnerez la dette consolidée à la libre action de sa prospérité. Vous ne la comprimerez pas pat la crainte que l’amortissement inspire aux porteurs. Il importe d’ailleurs fort peu à l’Etat qu’il fasse des emprunts consolidés ou des emprunts flottants pour subvenir à ses besoins. Les avantages sont dans le taux inférieur de leurs intérêts, dans un mode de leur amortissement qui ne soit pas visible et dans une circulation de leurs effets profitable à toute la communauté.
La seule objection que l’on puisse élever contre le système que je propose, c’est qu’il sera peut-être difficile d’arriver à un excédant de recettes ; mais il dépend de vous d’obtenir un excédant ; si la chambre veut remplir ses devoirs envers le pays, elle doit, dans tous les cas, prendre tous les moyens nécessaires pour y arriver.
Peut-être le gouvernement croit il qu’il rencontrerait dans le commencement des difficultés à faire entrer dans la circulation des effets de la dette flottante administrés comme le sont, en Angleterre, les billets d’échiquier ; mais il pourrait, pendant une année ou deux, conserver latéralement le mode en usage aujourd’hui, et n’émettre d’abord qu’une petite quantité d’effets de la nouvelle dette flottante.
Après la restauration, l’Angleterre avait une dette flottante de 1,700,000,000 de notre monnaie ; elle est réduite aujourd’hui à 7 ou 8 cent millions. Si elle n’avait point eu recours à ce mode de lever des emprunts pour subvenir à ses besoins, elle aurait payé, en dette consolidée, des intérêts bien plus considérables. Elle a été réduite à de justes proportions en consolidant une partie et a été consolidée, et sur l’autre l’amortissement a toujours été exercé. Les banques ne doivent pas craindre de voir restreindre considérablement la circulation de leurs billets par suite de cette émission de dette flottante, car il y a chaque année, en Angleterre, une circulation de billets de banque qui s’élève de 17 à 20 millions de liv. sterl.
Je sais que dans notre pays les transactions ne sont pas aussi considérables qu’en Angleterre ; aussi faudrait-il réduire l’importance et la circulation des effets de notre dette flottante, à la proportion des transactions du pays.
Je me résume : en adoptant le système suivi en Angleterre, et pour l’amortissement et pour l’émission de la dette flottante, vous arriverez aux résultats les plus heureux, vous ferez des économies considérables, et vous faciliterez considérablement les transactions journalières.
(Moniteur belge n°69, du 9 mars 1844) M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’honorable membre semble préférer le système d’amortissement adopté en Angleterre, et qui consiste, ainsi qu’il vient de le rappeler, à consacrer l’excédant des recettes sur les dépenses à l’amortissement de la dette. Messieurs, ce système a été blâmé par tous ceux qui se sont occupés de finances en Angleterre même. En effet, depuis qu’il a été adopté, il n’y a plus eu d’amortissement, parce que les recettes ne se sont pas élevées au-dessus des dépenses. Je ne crois donc pas qu’on puisse conseiller un pareil système à la Belgique.
Quant aux billets de l’échiquier dont vient de parler l’honorable membre, je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’en occuper. Le mode anglais ne peut être adopté par nous, puisque notre intention bien formelle est de ne pas maintenir un découvert du trésor au moyen de la dette flottante.
D’ailleurs, le système anglais n’obvierait pas aux inconvénients que présentent nos bons du trésor.
Nos bons du trésor sont remboursables à des époques fixes. En Angleterre, il n’en est pas ainsi, du moins pour une catégorie de bons du trésor, et ce sont ceux qui sont principalement dans la circulation. Ils sont bien remboursables à une époque déterminée, mais le gouvernement n’est pas tenu d’en acquitter le montant à cette époque ; les détenteurs peuvent alors les donner en payement de contributions. Or, je vous demande si les dangers ne seraient pas à peu près les mêmes avec ce système. Dans des circonstances critiques, nous refuserions, en vertu de la loi, le remboursement de nos bons du trésor, et les intérêts continueraient à courir. Mais le lendemain nous serions privés de toute ressource, parce que ces bons du trésor afflueraient dans les caisses publiques en payement des impôts, et nous nous trouverions aussi embarrassés que si nous avions dû les rembourser à époque fixe.
Je pense donc, messieurs, que nous ne pourrions appliquer utilement dans notre pays le système anglais pour couvrir le découvert du trésor ; il ne présente sur le nôtre qu’un seul avantage, qui consiste en une faculté que la chambre n’accorderait peut être pas au gouvernement, celle de ne pas rembourser les bons du trésor à l’échéance, sous la condition de les recevoir en payement des contributions.
Quant à la forme de ces billets du trésor, le système anglais présente un véritable perfectionnement ; sur les billets du trésor anglais se trouve indiquée l’augmentation de valeur que reçoit chaque jour le capital. C’est là une amélioration, j’en conviens. Pour l’introduire chez nous, il faudrait diviser les bons du trésor en quelques catégories bien déterminées, quant aux sommes dont ils sont la valeur représentative ; il serait alors facile d’établir quel serait l’intérêt de chaque jour, et ainsi chacun pourrait, à toute époque, calculer, sans le moindre effort, la valeur qu’il a en mains. Voilà quels sont les bons du trésor les plus répandus dans la circulation en Angleterre. Il y en a bien de deux ou trois autres catégories, mais je ne sais si je n’abuserais pas de votre temps en vous en parlant dans la discussion actuelle ; je rappellerai seulement, qu’en Angleterre, on émet des bons du trésor à l’occasion d’avances faites pour des travaux d’utilité publique, la construction d’édifices, etc., soit à des provinces, soit à des villes, soit à des corporations ; ces bons du trésor sont remboursables à des époques déterminées ; ils ont en quelque sorte une garantie hypothécaire.
Les bons du trésor de la troisième catégorie sont semblables à ceux que l’on a proposé de créer ici ; ils ne sont qu’un moyen de faciliter le mouvement de la caisse publique ; ainsi lorsque la rentrée des impôts ne suffit pas aux dépenses immédiates, on émet des bons du trésor ; ils sont créés chaque trimestre et déposés à la banque d’Angleterre, qui fait les avances nécessaires au trésor ; ils n’entrent même pas dans la circulation.
Voilà, messieurs, les observations que j’avais à présenter en réponse à celles de l’honorable préopinant.
M. de Haerne. - Messieurs, s’il est vrai, en général, que le parfait est souvent l’ennemi du bien, c’est surtout en matière de finances qu’on peut le dire. Nous devons surtout, en cette matière, user de prudence, et hier encore c’est la prudence qui a dicté à la majorité de la chambre le vote relatif à la conversion à 4 1/2 p. c. au lieu de 4 p. c.
Messieurs, j’ai pris la parole, non pas pour trancher la grave question qui vous est soumise, mais pour émettre quelques opinions qui s’y rapportent et pour m’éclairer par la discussion.
M. le ministre des finances propose de consolider 10 millions de la dette flottante ; mais d’un autre côté, d’après un projet qui vous est soumis et qui sera discuté également, projet auquel il a été fait allusion dans la séance d’hier par l’honorable M. Dumortier, il faudra créer une nouvelle dette flottante, d’après le projet ministériel, dans le cas où les détenteurs du 5 p. c. ne voudraient pas consentir à la conversion et demanderaient le remboursement. Je désirerais savoir jusqu’à quelle somme cette dette flottante pourrait s’élever, car remarquez bien que si elle s’élève au-dessus du chiffre de 10 millions, au lieu d’avoir réduit la dette flottante, vous l’auriez augmentée. C’est là une observation qui a été faite aussi par l’honorable M. Dumortier.
Messieurs, la dette flottante présente des dangers dans les circonstances graves, et je vous avoue que c’est là la raison principale qui me fait pencher pour le système de M. le ministre des finances.
La dette flottante peut se rapporter à deux espèces différentes, elle peut d’abord consister dans un déficit réel, dans une avance faite pour plusieurs années, alors que l’on n’a pas l’espoir de pouvoir couvrir les dépenses par les revenus annuels ordinaires ; ou bien la dette flottante est une simple anticipation sur les recettes qui doivent se faire dans le courant même de l’année ; dans le second cas, lorsque la dette flottante ne se rapporte qu’à des anticipations sur les paiements de l’année, je ne vois pas qu’elle offre, en général, les mêmes dangers qu’elle présente lorsqu’on anticipe sur des exercices futurs. En effet, lorsque les détenteurs de ces billets sont persuadés que les revenus du pays sont suffisants pour couvrir les remboursements qui seraient demandés, alors la confiance doit s’établir sur ces obligations, et dès lors dans les moments de crise ils sont moins portés à en demander le remboursement. Mais dans l’autre cas, messieurs, je crois que la dette flottante présente de très graves dangers, et c’est à cause de ces dangers que, dans tous les pays, les financiers les plus éclairés ont toujours travaillé à réduire la dette flottante, soit par la consolidation, soit au moyen d’économies ou de revenus extraordinaires. Je prendrai la liberté de vous citer, messieurs, quelques faits relatifs aux opérations financières qui ont eu lieu en France.
Déjà avant la première révolution, la dette flottante s’est constamment accrue dans ce pays jusqu’à l’époque de la révolution ; et vous savez, messieurs, que les embarras financiers dans lesquels la France se trouvait alors engagée, n’ont pas peu contribué à ce bouleversement. Voici, messieurs, quelle était la situation de la dette flottante en France, à diverses époques, à partir de 1715.
En 1715, elle était portée à 186 millions.
En 1770, lors de l’avènement de l’abbé Terray au ministère, elle s’élevait à 154 millions.
En 1773, à la retraite du même ministère, elle était de 30 millions.
En 1775, la deuxième année du ministre de Turgot, elle était de 78 millions.
En 1776, elle s’élevait à 50 millions.
En.178l, lors de l’avènement de Necker, le chiffre en était de 119 millions.
En 1782, sous le cardinal Fleury, elle s’élevait à 184 millions.
En 1788, elle était à 255 millions.
Enfin, en 1789, elle s’élevait encore à 225 millions.
On ne peut contester que cette énorme dette flottante ne contribuât à faire éclater la révolution.
Messieurs, ces rapprochements m’ont paru assez frappants pour faire naître des réflexions sérieuses sur les dangers qu’offre une dette flottante trop considérable. Du reste, je le répète, je fais une distinction entre la dette flottante qui s’étend au-delà de l’exercice et celle qui ne sert qu’à faciliter les opérations du trésor et qui est couverte par les revenus de l’exercice courant.
Eh bien, messieurs, la plupart des dettes que je viens d’énumérer étaient de véritables déficits appartenant à la première catégorie de dette flottante.
Depuis 1830, la dette flottante, en France, s’est élevée, il est vrai, à un chiffre plus considérable encore que celui qu’elle avait atteint avant la première révolution ; mais remarquez bien, messieurs, qu’elle avait en grande partie changé de nature, car ce n’était plus qu’une anticipation sur les revenus de l’exercice ; d’ailleurs, elle avait encore une autre garantie, en ce que les bons royaux consistent principalement en capitaux de communes, de départements et d’établissements divers, capitaux qui sont restés dans la caisse d’amortissement.
En 1835, messieurs, le montant de la dette flottante, en France, était de 546 millions, somme bien supérieure à celles que j’ai citées tantôt, pour l’époque qui a précédé immédiatement la révolution de 1789 ; en 1836, elle s’élevait à 430 millions, mais, comme la France s’était aperçue, à cette époque, qu’elle s’engageait dans une voie périlleuse, elle a reculé, et déjà en 1837, la dette flottante était réduite de 430 millions à 280 millions ; cette réduction était dictée par la prudence.
Messieurs, on vous a beaucoup parlé de l’Angleterre. Avant d’aborder les faits financiers qui se rapportent à ce pays, je dois répéter encore que je ne fais qu’émettre ici des opinions pour tâcher d’éclairer la discussion et surtout pour m’éclairer moi-même ; on nous a, dis-je, beaucoup parlé de l’Angleterre ; on nous a parlé des bills de l’échiquier et l’on a établi une différence assez marquante entre les bills de l’échiquier et les bons du trésor. Sous le rapport de l’échéance et du payement journalier des intérêts, les bills de l’échiquier sont tout à fait différents des bons royaux ; mais messieurs, sont-ils sans danger au point de vue de la question que nous traitons, au point de vue des perturbations qu’ils peuvent occasionner dans les moments de crise ? Sont-ils sans danger sous ce rapport ? Je ne le crois pas, et je puis à cet égard citer des autorités imposantes.
Lorsque les bills de l’échiquier ont été établis, en 1696, par Montaguë, il y avait d’autres billets tout à fait semblables à nos bons du trésor, c’étaient les billets de la marine. Les bills de l’échiquier ont eu faveur, je le sais, et ont fait écarter les premiers billets ; mais les hommes d’Etat d’Angleterre ont reconnu, à différentes reprises et au sein du parlement, qu’une trop grande émission de bills de l’échiquier pouvait mettre l’Etat dans les plus graves dangers. C’est ainsi que s’est exprimé M. Goulburn dans la chambre des communes, le 8 mai 1829 ; il a déclaré formellement qu’une dette flottante trop considérable, consistant en bills de l’échiquier, peut offrir de très grands dangers dans les circonstances difficiles. Un auteur anglais qui a beaucoup écrit sur les finances, M. Parnell, parle de la même manière dans son traité sur la réforme financière.
Messieurs, pour ce qui regarde la différence que présente l’Angleterre avec notre pays et la France, en ce qui concerne les dettes flottantes, je crois aussi devoir émettre ici mon opinion à cet égard. La situation géographique de l’Angleterre n’est pas sans influence sur son crédit.
En effet, elle est beaucoup plus à l’abri des dangers de la guerre, et cette opinion qu’on en a, et qui est fondée, doit nécessairement donner une grande sécurité aux Anglais qui, comme on le sait, sont en général les détenteurs des obligations de leur dette ; c’est par esprit national que les Anglais tiennent à être détenteurs de ces obligations. Or, messieurs, si la situation géographique de l’Angleterre lui donne cet avantage, nous ne pouvons entrer en parallèle avec cette valeur sous ce rapport.
On a beaucoup critiqué la consolidation de la dette, et l’on a dit que le système qui consistait à convertir la dette consolidée en dette flottante, serait préférable.
Il est possible qu’il en soit ainsi sous le rapport purement financier ; mais je ne pense pas qu’on doive donner la préférence à ce système, au point de la vue de la sécurité qu’une telle opération doit offrir à une nation.
Comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre des finances, l’Angleterre elle-même a consolidé une grande partie de sa dette flottante. Et pourquoi a-t-elle pris cette mesure ? Evidemment parce qu’elle a dû reconnaître le danger qu’offrait une dette flottante trop grande, ainsi que l’a reconnu un membre du parlement dont j’ai cité les paroles tout à l’heure.
Le chiffre de la dette flottante d’Angleterre a été porté de 17 à 20 millions par un honorable membre ; et ce chiffre provenait d’un milliard 38 millions, dont on a retiré un milliard 21 millions. Cette consolidation prouve que même les billets de l’échiquier offrent parfois des dangers, et que cette opération ne serait pas toujours bonne à imiter, si on la faisait sur une grande échelle.
D’ailleurs, il y a d’autres désavantages qui accompagnent l’opération. Dans les circonstances extraordinaires, les dépenses qui résultent de la dette flottante, sont plus fortes que celles auxquelles donne lieu toute autre dette. C’est ainsi qu’à l’avènement de Necker au ministère des finances, les dépenses de la dette flottante s’élevaient annuellement de 8 à 10 p. c. ; il est vrai que ce ministre a réduit ces dépenses considérablement ; il les a réduites à 4 1/2 p.c.
D’après tout ce que je viens de dire, je crois devoir donner mon appui à la disposition contenue dans l’art. 3 du projet de loi. Je désire la consolidation de la dette flottante ; la France à réduit sa dette flottante, l’Angleterre l’a fait aussi, ce sont des exemples à imiter. Je ne m’opposerais pas cependant d’une manière systématique à l’émission de toute dette flottante, pourvu qu’elle soit circonscrite dans des limites sages et prudentes, et qu’elle ne présente aucun danger réel dans des moments de crise.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, je crois que cette discussion sur la dette flottante a déjà été assez longue, je ne vois pas qu’on s’oppose à la consolidation. Je dirai donc en peu de mots pourquoi elle est tout à fait nécessaire à l’exécution de la mesure dont nous nous occupons principalement.
Déjà vers la fin de 1840, nous vous avons signalé le danger que présentait une dette flottante trop considérable ; le 2 novembre 1840, le montant des bons du trésor en émission était de 27 millions, dont 17 millions payables au mos de février et au mois de mars. C’est cette situation critique qui obligea le gouvernement à passer par des conditions très onéreuses pour l’emprunt qu’il avait été forcé de contracter.
Il est essentiel qu’aujourd’hui le gouvernement, pour faciliter la conversion et pour parer éventuellement aux besoins de fonds qu’il pourrait avoir pour le remboursement, diminue, autant que possible, la somme de la dette flottante, afin que cette dette ne vienne pas lui créer des embarras.
Du reste, il n’en résultera aucun préjudice pour le trésor, car l’intérêt que vous paierez à 4 1/2 p.c., sans aucuns frais, équivaudra à peu près aux intérêts des bons du trésor, si vous y ajoutez les commissions et les autres frais.
Quant à ce qui regarde l’introduction d’une dette flottante semblable à celle qui existe en Angleterre, je serai le premier à en recommander l’essai ; mais il est impossible de tenter cet essai, à propos de la mesure qu’il s’agit de prendre, car pour cela le temps est trop court, et cet essai ne pourrait se faire que par l’émission de petites sommes qu’on lancerait et que peut-être on ne placerait pas facilement parce que la situation de la Belgique sous ce rapport est bien différente de celle de la France et de l’Angleterre, où il y a une quantité de fonds oisifs, où il y a de très grands banquiers, des caisses d’épargnes, des compagnies d’assurance et d’autres établissements qui ont toujours des fonds à placer, et où les bons du trésor, d’une création très ancienne, forment, pour ainsi dire, un papier-monnaie portant intérêt.
Comme l’article n’a pas rencontré d’opposition, je bornerai là mes observations, sauf à reprendre la parole si un membre combattait la consolidation proposée.
M. Devaux. - Je n’ai pas combattu la disposition dont il s’agit ; M. le ministre des finances s’est trompé à cet égard ; il m’a mal compris. Voici le résumé de mes observations :
J’ai dit que la dette flottante se trouvait couverte par les moyens que M. le ministre des finances a indiqués dans l’exposé de situation ; mais que seulement ces moyens n’étaient pas immédiatement réalisables. (Interruption.)
M. le ministre des finances me dit toujours : « Sauf 10 millions » ; je réponds que ces 10 millions sont couverts par l’aliénation de domaines. Ainsi, d’après l’exposé de situation et en vertu de la loi relative à la convention faite avec la société générale, la dette flottante se trouverait couverte, sauf l’époque de la réalisation des valeurs. Maintenant M. le ministre des finances propose d’en consolider 10 millions. Il restera donc 10 millions sans emploi, parmi les voies et moyens que M. le ministre des finances a indiqués pour couvrir un jour la dette flottante.
Puisqu’on pense devoir inscrire dans la loi de conversion cette opération qui, en finances, n’est pas une opération brillante, car elle consiste à couvrir un déficit par un emprunt ; pourquoi ne dirions-nous pas dans la même loi que nous annulons en même temps les 10 ou 11 millions d’obligations 4 p. c. qui forment l’ancien encaisse de la société générale ? De cette manière, nous serions dans une voie extrêmement régulière. D’un côté, il est vrai que nous créerions un emprunt de 10 millions, mais, d’un autre côté, nous amortirions un emprunt de la même somme.
Quel usage le gouvernement peut-il faire de l’encaisse des 10 millions ?
M. le ministre des finances a parlé d’une réserve. Mais ces 10 millions ne peuvent pas servir de réserve de guerre ; évidemment si la guerre éclatait, la valeur de ces 10 millions baisserait. Le gouvernement pourrait-il les vendre ? je ne le crois pas. Quel meilleur usage pourrait-on donc en faire que de les annuler ?
M. le ministre des finances me demande de sa place pourquoi je veux compliquer la discussion.
Mais toute idée jetée dans la discussion la complique. Il ne s’agit pas de savoir si une idée émise complique la discussion, mais si elle est utile. Je crois qu’il est utile à notre crédit, au moment où nous créons un emprunt pour couvrir un déficit, de montrer que cette opération est compensée par l’extinction d’une partie égale d’une autre dette consolidée.
Il faudra très probablement finir par annuler l’encaisse qui est entre les mains du gouvernement et qui y reste inactif. Il conserve, il est vrai, la faculté de l’émettre, mais tout le monde est convaincu qu’il ne l’émettra pas. Pourquoi dès lors ne pas l’annuler ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Dans la première réponse que j’ai faite à l’honorable préopinant, j’ai indiqué un inconvénient qui résulterait de l’annulation qu’il proposé.
L’honorable membre pense que la chambre a décidé qu’on ne pourrait négocier aucune partie de l’encaisse ; mais, messieurs, cette question est restée intacte. Si nous ne pouvons négocier une partie de l’encaisse, le découvert qui restera, après la déduction des 10 millions, sera encore de 15,500,000 fr. ; si nous n’avions par la faculté d’en disposer successivement et avec prudence, nous serions trop longtemps sous le poids d’une dette flottante ou plutôt d’un déficit. Voilà une des raisons qui me déterminent à repousser tout amendement qui serait proposé pour annuler immédiatement 10 millions d’obligations 4. p. c. Cette question du reste, pourra être examinée mûrement lorsqu’on discutera le projet dont j’ai parlé tout à l’heure et qui sera bientôt présenté à la chambre. Je pourrais faire valoir d’autres considérations contre l’annulation immédiate de 10 millions, mais je pense que l’honorable préopinant, eu égard à l’engagement que j’ai pris de présenter le projet de loi en question, n’insistera pas pour l’introduction d’une disposition conforme à ses observations dans le projet de loi qui est en discussion.
M. Osy. - Messieurs, dans le sein de la section centrale, j’avais soulevé les mêmes observations que vient de faire l’honorable M. Devaux. M. le ministre des finances nous a engagés à ne pas proposer d’annuler une partie de l’encaisse, en nous déclarant formellement qu’il nous présenterait le projet de loi dont il vient de parler.
La section centrale a également pensé qu’il valait mieux comprendre cela dans une loi séparée. Le gouvernement d’ailleurs ne peut pas disposer des 10 millions de 4 p. c. qui se trouvent dans l’encaisse.
M. d’Huart. - Je demanderai aussi que la question soit laissée intacte. S’il était question de la traiter en ce moment, je pourrais présenter quelques considérations qui démontreraient qu’en annulant les 4 p. c. on ferait une opération qui serait très désastreuse pour le pays. Vous allez émettre un fonds 4 1/2 p.c. que vous garantissez contre le remboursement pendant huit années. Il est à espérer que ce fonds dépassera le pair ; il arrivera que le 4 p. c. lui-même atteindra le pair.
Que devons-nous faire alors ? Vendre, bien entendu avec l’assentiment de la législature, ces obligations et faire ainsi un emprunt à 4, au lieu de 4 1/2, que nous serions obligés de faire. Il faut donc conserver ces obligations pour pouvoir éventuellement les mettre sur la place. Comme M. le ministre des finances veut soumettre cette question à la législature, en lui présentant un projet de loi, je pense qu’il y a lieu de l’ajourner et je demanderai à l’honorable M. Devaux de ne pas présenter d’amendement pour décider du sort des 10 millions de 4 p. c. compris dans l’ancien encaisse de la société générale.
M. Devaux. - Je consens à réserver la question pour la discussion de la loi spéciale, mais je ne trouve pas que la raison que m’oppose l’honorable préopinant soit concluante, car le gouvernement peut en tout temps émettre un nouvel emprunt 4 p. c.
M. de Mérode. - Je ne voterai pas pour la consolidation de la dette flottante parce que cette consolidation aboutit toujours tôt ou tard à une nouvelle création de bons du trésor.
Pour arriver à de sages combinaisons financières, il faut se rappeler le passé, il faut considérer les effets du régime constitutionnel. Je l’ai dit à l’occasion du budget des voies et moyens. Rien de plus facile que de décréter de nouvelles dépenses ; rien de plus difficile à obtenir que de nouvelles recettes ; mais pour les obtenir il faut que le besoin soit très pressant.
Quand une partie de la dette flottante sera consolidée, j’ai lieu de craindre que la promesse qu’on nous a faite, de nous présenter des voies et moyens nouveaux n’aboutisse à rien, et que la session se passe, et que les fonds que nous pensions recueillir de quelques contributions nouvelles ne soient pas fournis au trésor. Si la loi sur les tabacs était votée, je consentirais volontiers à la consolidation dont il s’agit, mais cette loi est encore en perspective, et jusqu’à ce que son objet se réalise, je m’abstiendrai de voter la consolidation d’aucune partie de la dette flottante.
- La discussion sur l’article 3 est close.
L’amendement proposé par M. Delfosse à cet article est adopté.
L’article ainsi amendé est également adopté.
M. le président. - Nous passons à l’art. 4. M. le rapporteur m’a fait observer qu’une omission a été commise à l’impression dans le projet de la section centrale. Je le lis avec la rectification :
« Art. 4. Les porteurs d’obligations ou propriétaires d’inscriptions de l’emprunt de 100,800,000 fr., et de l’emprunt de 1,481,481 fr. 48 c., émis en vertu de l’arrêté royal du 21 mai 1829, qui, dans les trente jours, à partir de la date des dispositions qui seront prises par arrêté royal pour l’exécution des articles précédents, n’auront pas réclamé le remboursement desdites obligations ou inscriptions, seront considérés comme ayant accepté la conversion rendue facultative par l’art. 2.
« L’échange des obligations à 5 p. c. contre les nouveaux titres à l’intérêt de 4 1/2 p. c., se fera sans frais à Bruxelles et dans chaque chef-lieu de province, ainsi qu’à Paris.
«Cet échange se fera en obligations de 2,000 fr., 1,000 fr. et 500 fr. Les fractions qui ne pourraient pas être liquidées au moyen de la conversion seront remboursées en numéraire.
« Le gouvernement est autorisé à émettre, à un taux qui ne soit pas inférieur au pair net, des obligations nouvelles à 4 1/2 p. c., jusqu’à concurrence des sommes partielles à rembourser, ou à pourvoir à ce remboursement par les moyens indiqués à l’article suivant. »
M. Castiau. - Cet article consacre un principe nouveau trop important pour n’être pas signalé à l’attention de la chambre. Ce principe déroge, en effet, au droit commun, aux dispositions de la législation et me paraît constituer un abus de pouvoir.
Les porteurs d’obligations, dit l’article, qui, dans les trente jours à partir de la date des dispositions qui seront prises par arrêté royal, n’auront pas réclamé le remboursement desdites obligations, seront considérés comme ayant accepté la conversion.
Nous avons été tous d’accord, dans cette enceinte, sur la légalité du remboursement, et pourquoi ? C’est parce qu’ici nous ne faisions que réclamer en faveur du pays l’application du droit commun. C’est le droit commun qui autorise le débiteur à se libérer, c’est le droit commun qui déclare que le terme de paiement est stipulé en sa faveur. Nous ne faisions donc que nous placer, en cette occurrence, sous l’empire des principes et l’autorité du droit commun,
Mais ici il ne s’agit plus de remboursement, il s’agit de la conversion. On interdit au créancier qui n’aura pas réclamé le remboursement dans les trente jours, on lui interdit ce remboursement. On le frappe de déchéance et on le contraint d’accepter les obligations du nouvel emprunt. Ceci me paraît excéder les limites de la compétence de la chambre.
La conversion est un nouveau contrat. La première condition pour la validité des contrats et des contrats synallagmatiques, c’est le consentement des parties intéressées. Ce consentement ne peut se supposer et on ne peut, dans tous les cas, l’induire d’un silence prolongé pendant trente jours seulement, alors surtout qu’il n’y a pas eu de mise en demeure régulière.
Que dirait-on d’un débiteur qui, après avoir annoncé à son créancier l’intention de le rembourser, déclarerait qu’à défaut par lui de s’être prononcé dans les trente jours, il substituera, de son autorité, une créance nouvelle à la créance ancienne et réduira l’intérêt du capital. La loi et les tribunaux n’auraient-ils pas bientôt fait justice d’une telle prétention ?
Eh bien dans cette occurrence, les exigences de la légalité et du droit sont les mêmes pour nous que pour les particuliers. Nous pouvons, sans doute, imposer le remboursement ; mais pouvons-nous rendre la conversion obligatoire ? Je ne le pense pas, et je voudrais que M. le rapporteur nous donnât quelques explications sur cette délicate question de droit et d’équité.
M. Cogels, rapporteur. - La question que l’honorable M. Castiau vient de soulever n’avait pas échappé à l’attention de la section centrale. Les motifs qui ont dicté son assentiment au système adopté par le gouvernement se trouvent suffisamment expliqués pages 7 et 8 du rapport. La section centrale ne s’est pas autorisée ici seulement de l’exemple de tous les Etats qui ont fait des conversions, mais après avoir mûrement examiné la question, elle a vu que la disposition qu’elle sanctionnait était prise dans l’intérêt des porteurs eux-mêmes.
Je vais vous rappeler ce qui s’est passé dans d’autres Etats. Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire hier, il y a eu quatre conversions en Angleterre : la première en 1822, la seconde en 1824, elle a été proposée le 23 février 1824 et complétée en 1826 ; une troisième a eu lieu en 1830, et une quatrième en 1834.
Dans les conversions de 1822, 1830 et 1834, on a fait un appel aux dissenters : on a décidé, comme nous l’avons fait, que ceux qui n’auraient pas demande le remboursement dans un délai déterminé, seraient considérés comme ayant consenti à la conversion. En 1824 seulement, on a fait exception, parce que dans le contrat du 4 p. c. qu’on convertissait alors, il y avait une disposition par laquelle le gouvernement s’était engagé à ne pas rembourser les porteurs, à moins de les prévenir six mois à l’avance. On a fait alors appel à l’assentiment, chacun a été appelé à venir donner son consentement à la conversion. Le gouvernement n’a pris l’engagement que de rembourser un tiers à une époque déterminée sur les sommes dont on aurait demandé le remboursement, ou plutôt dont on n’aurait pas demandé la conversion. et pour les deux autres tiers, il s’était réservé la faculté de les rembourser à des époques à déterminer par la législature, et par dixième.
En Prusse, il s’est fait trois conversions toujours en faisant appel aux dissenters, c’est-à-dire, que tous ceux qui ne demandaient pas le remboursement étaient considérés comme ayant accepté la conversion.
En Autriche, il en a été de même pour la conversion d’une partie des obligations métalliques 5 p. c., converties en 4 p. c. à la fin de 1829.
En Danemark, il en a été de même pour la conversion, en 1825, du 5 p.c. en 3 p. c. et dans la conversion des anciens 4 p. c. danois en 3 1/2.
Vous voyez que nous pouvons, dans cette circonstance, invoquer l’exemple de tous les Etats, de l’Angleterre même, dont la bonne foi est reconnue ; car remarquez que c’est le seul Etat qui ait toujours fait face à ses engagements, le seul qui, pendant sa guerre contre l’empire, n’ait jamais manqué à ses engagements, même envers les sujets des autres Etats ; c’est-à-dire, que les inscriptions au nom des sujets français ou hollandais étaient payées aussi bien que celles des sujets britanniques.
Mais quel est l’intérêt des porteurs d’obligations ? Leur faire un appel est chose extrêmement difficile, parce que les obligations étant au porteur, il est impossible de savoir en quelles mains elles se trouvent. On ne l’a pas fait en Angleterre, où il y a un grand-livre dont toutes les inscriptions sont nominatives. Si nous faisons un appel aux porteurs, si nous ne considérons comme acceptant la conversion que ceux qui la demandent, d’abord tous ceux qui ne feront pas preuve de diligence perdront l’agio auquel ils pourraient négocier les nouveaux titres ; de plus ils perdront les intérêts échus depuis l’époque que nous devrons fixer pour le remboursement. C’est ce qui arrive pour les obligations désignées par le sort pour être remboursées, sans que les porteurs en aient connaissance.
En adoptant le système que propose l’honorable M. Castiau, en invoquant le strict droit, nous exposerions un grand nombre de porteurs d’être victimes de leur négligence, de leur oubli.
Voilà les motifs qui ont engagé la section centrale, et qui, je crois, engageront la chambre à adopter une mesure toute dans l’intérêt des porteurs.
M. Castiau. - J’avais posé une question de droit. J’avais examiné si, en principe, le débiteur pouvait changer les conditions du contrat primitif, substituer, de son autorité, une créance nouvelle à une créance ancienne et, à la place du remboursement, se prévaloir du silence du créancier pour lui faire accepter un capital nouveau et une réduction d’intérêt.
L’honorable rapporteur a remplacé la question de droit par une question de fait. Il nous a cité des précédents, il nous a dit qu’en Angleterre, en Prusse, dans d’autres pays, on avait admis ce système. Ce rapprochement est loin d’être décisif, car en matière de crédit, je crois qu’un peuple ne doit prendre conseil que de lui-même, de sa probité et de sa législation. Or, il n’est rien dans nos lois qui autorise le débiteur à imposer au créancier une novation de créance que celui-ci repousse.
Un autre argument a été produit par M. le rapporteur à l’appui de son système. Il invoque l’intérêt même des porteurs des obligations de l’emprunt. Il prétend que cet intérêt exige la conversion. Mais de quel droit viendrions-nous stipuler à leur place ? Sommes-nous leurs tuteurs ? N’est-ce pas à eux à connaître et à défendre leurs intérêts ? Qu’aurait-on à leur répondre, si, armés des principes de la loi, ils venaient réclamer le remboursement et refusaient la conversion ? Pourriez-vous, quand il s’agit ainsi de nos propres intérêts, suspendre en votre faveur les principes du droit ? N’êtes-vous pas ici juge et partie ?
Toutefois, je n’insisterai pas davantage ; seulement je voudrais qu’on adoucît quelque peu la rigueur de la disposition de cet article. Il prive du droit d’exiger son remboursement le créancier qui ne réclamera pas dans les 30 jours de l’arrêté royal qui réglera la conversion. Cc délai est évidemment insuffisant. Les porteurs d’obligations qui se trouvent à l’étranger seront pris au dépourvu. L’arrêté royal n’aura pas le retentissement de nos discussions, il ne sera guère connu à l’étranger. De nombreux créanciers seront donc privés du droit d’exiger le remboursement du capital, et seront ainsi frappés de déchéance, sans même connaître l’époque à compter de laquelle cessera le délai de la déchéance. Ne pourrait-on pas, en leur faveur, augmenter le délai évidemment trop court de 30 jours, et le remplacer par un délai de 3 mois ?
M. Cogels, rapporteur. - La présentation du projet de loi, la discussion qui a lieu, ont suffisamment averti les porteurs étrangers, qui, généralement habitent des villes ayant des relations fréquentes avec la Belgique ct avec lesquelles on peut correspondre en moins de 3 jours.
Ici la section centrale a encore invoqué l’autorité des autres pays. Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je dirai seulement ce qui s’est passé en Angleterre.
Pour la première conversion, en 1822 (142,500,000 liv. st.), la proposition fut faite par le chancelier de l’échiquier le 2 février 1822 ; elle fut discutée et votée le même jour. Le délai dont nous nous occupons fut fixé au 16 mars. Le 16 mars, le chancelier rendit compte de l’exécution de la mesure.
En 1824, la réduction fut proposée à l’occasion de l’exposé de la situation générale du pays ; elle fut proposée, discutée et votée en un seul jour, le 23 février ; le délai accordé aux porteurs expirait le 23 mars. Vous voyez que là il fut de 30 jours, tout au plus, tandis que nous proposons le même délai majoré de tout le délai qu’il y aura eu depuis la présentation de la loi jusqu’à l’arrêté royal.
M. le président. - Il n’y a pas d’amendement présenté.
- L’art. 4 est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Il pourra éventuellement être émis des bons du trésor pour faire face aux remboursements à effectuer. »
- Adopté.
« Art. 6. L’exercice du droit de remboursement au pair des nouvelles obligations à créer est suspendu pendant huit ans, à partir du 1er mai 1844. »
M. Rogier. - Dans la section dont je faisais partie, il a été proposé de réduire à 6 ans le terme de 8 ans demandé par M. le ministre à l’art. 6. Cette proposition a été faite aussi dans d’autres sections. La section centrale l’a examinée, mais il ne semble pas qu’elle se soit livrée à une discussion approfondie de cette question qui a cependant une certaine importance.
La loi de conversion que nous faisons est une loi d’essai. Je conçois que M. le ministre des finances ait procédé avec une extrême prudence à l’égard des créanciers. Je crois que la Belgique, entrée une première fois dans la voie des conversions, a raison d’y procéder avec beaucoup de réserve et de prudence. Cependant il ne faut pas que cette prudence aille trop loin ; il ne faut pas accorder aux créanciers plus qu’ils n’ont le droit de réclamer en stricte équité. Il me semble qu’assurer aux nouveaux créanciers le non-remboursement pendant 6 ans, c’était les garantir suffisamment dans l’avenir. Pour l’emprunt qui a été effectue en 1830, on n’a pas stipulé un plus long délai.
Ce n’est pas peu de chose que d’enchaîner le crédit public à 4 1/2 p. c. pendant 8 ans. Vous connaissez l’influence qu’exerce sur l’escompte particulier l’intérêt des fonds publics. Si, pendant 8 ans, on était assuré de trouver 4 1/2 dans le placement en rentes sur l’Etat, l’argent ne se dirigera pas avec la même abondance vers l’industrie manufacturière ou agricole. Nous nous plaignons qu’à certains égards ces industries luttent difficilement avec l’industrie des pays étrangers. Une des conditions vitales de leur prospérité, c’est de trouver des capitaux à de bonnes conditions. Si les capitaux trouvent de grands avantages dans les fonds publics, ils ne se tourneront pas vers les industries manufacturière ou agricole, où ils ne trouvent pas d’avantages égaux.
Sous ce rapport, j’aurais désiré qu’on rapprochât l’époque du remboursement.
Cette conversion à 4 12 sera sans doute suivie bientôt d’un emprunt au même taux. Je demande si l’on y introduira également la condition du non-remboursement pendant 8 ans. Ce serait ajouter un deuxième inconvénient à un premier.
L’on nous dit, messieurs, que dans huit années on pourra convertir le 4 1/2 en 4 p. c. Oui, messieurs, on le pourra, si les circonstances le permettent. Mais qui nous répond que dans huit ans les circonstances seront aussi favorables qu’aujourd’hui ?
Dans la situation où nous nous trouvons, alors que le crédit public de la Belgique est aussi bien consolidé que le crédit public de la plupart des Etats plus anciens, je crois que c’est faire une bien large part aux détenteurs d’obligations, que de leur accorder 4 1/2 p. c. J’aurais voulu que la proposition de l’honorable député de Hasselt eût été discutée d’une manière plus approfondie dans cette enceinte. Je crois que cet honorable membre vous a présenté, en faveur d’un 4 p. c., des considérations qui méritaient d’être examinées avec plus d’attention.
Mais, enfin je conçois aussi que, dans l’état actuel des choses, la chambre n’ait pas voulu procéder avec plus de hardiesse que le gouvernement. La plupart des membres reconnaissent que le système proposé par le gouvernement, s’il est moins avantageux au point de vue financier, présente plus de sûreté et plus de garantie de succès.
Le trésor ne profitera pas autant, mais l’opération sera mieux assurée, et la part des créanciers meilleure. Cependant nul ne veut, sans doute, que cette part soit trop bonne.
J’espère donc que M. le rapporteur de la section centrale voudra bien nous expliquer quels sont les motifs qui ont engagé à maintenir le terme de huit années, alors qu’en 1840 on avait trouvé suffisant celui de six années ; alors surtout que nous allons avoir à créer un emprunt nouveau qui probablement sera basé sur les mêmes conditions que la conversion.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, le terme de six années, qui avait été proposé par quelques sections, a été mis aux voix dans la section centrale, et il a été repoussé par 5 membres contre 2. Voici les considérations qui ont guide la majorité dans cette circonstance : elle a pensé que, pour une première opération de cette nature, la chambre ne devait pas être moins généreuse que ne l’avait été le gouvernement ; qu’elle ne devait pas diminuer les avantages qui étaient offerts au porteur, d’autant plus que déjà les premières opérations qui s’étaient faites après la présentation du projet de loi, avaient pu faire juger du succès que l’opération pouvait obtenir. La mesure avait été bien mieux accueillie qu’on ne pouvait l’espérer, et à moins d’événements tout à fait imprévus, l’accueil que la conversion a reçue à la bourse nous assure du succès.
Telles sont les considérations qui ont guidé la majorité de la section centrale.
L’honorable M. Rogier nous a fait valoir ce qui a eu lieu pour l’emprunt de 1840, où la garantie contre le remboursement n’a été que de six années. Mais il ne faut pas perdre de vue que pour cet emprunt l’intérêt nominal était de 5 p. c. et que cet intérêt nominal constituait un intérêt réel beaucoup plus considérable, Car l’emprunt a été conclu à une moyenne de 94 p. c., si je me le rappelle bien. Il y avait donc là pour les porteurs garantie contre le remboursement, c’est-à dire garantie contre la réduction de l’intérêt pendant 6 ans, et de plus, garantie d’une majoration de capital de 6 p. c., qui, répartie sur les six années, donnait encore au-delà d’un pour cent par an.
L’honorable M. Rogier nous a parlé de l’influence qu’avait le taux de l’intérêt des fonds publics sur l’intérêt des prêts commerciaux et des prêts particuliers. Messieurs, c’est une doctrine qui a été professée également en France, lois de la présentation du projet de M. de Villèle, mais que l’expérience des faits est venue démentir à chaque instant.
Ainsi, nous avons vu en Angleterre, après la crise américaine, le 3 p. c. consolidé anglais se soutenir aux environs de 90 p. c , tandis que les prêts dans le commerce s’élevaient à 7 et 8 p. c., et que la banque d’Angleterre elle-même était obligée de recourir à la banque de France pour un prêt de 50 millions.
A cette même époque, le taux de l’intérêt était resté invariable à Paris, et les prêts de la banque, les prêts du commerce étaient au maximum de 4 p. c., tandis que le 3 p. c. français se trouvait à 10 p. c. au-dessous du 3 p c. anglais, et que le 5 p c. ne se trouvait qu’à environ 118 et donnait, par conséquent, un intérêt d’environ 4 1/2 pour cent.
Nous avons vu la même chose en Hollande, mais dans un sens inverse ; nous avons vu le 2 1/2 p. c. hollandais à 50, et le 5 p. c. au dessous du pair, tandis que les prêts sur fonds public et l’escompte à la banque d’Amsterdam était à 2 1/2 p. c.
Vous voyez donc que cette influence du taux de l’intérêt des fonds publics n’agit très rarement sur les transactions commerciales et sur les transactions particulières. Et vous en concevrez facilement les motifs : c’est que les fonds publics se trouvent justement dans les mains des personnes qui se sont retirées du commerce et de l’industrie, et que ceux qui se trouvent dans le commerce et l’industrie ne placent guère leur argent en fonds publics.
Messieurs, je pense que, d’après ces considérations, la majorité de la chambre voudra bien se rallier à l’opinion de la majorité de la section centrale et maintenir le terme de huit années qu’elle vous propose.
M. Rogier. - Mais pour quels motifs ?
M. Cogels, rapporteur. - Je viens de vous faire connaître ces motifs : c’est que la section centrale n’a pas voulu être moins généreuse que le gouvernement, et qu’elle n’a voulu en rien porter préjudice à l’accueil que la mesure avait déjà reçu.
M. Osy. - Messieurs, dans la section centrale j’ai fait partie de la minorité. Je suis de ceux qui avaient cru que nous aurions fort bien pu nous borner à une garantie de 6 années.
Je partage tout à fait l’opinion de l’honorable M. Rogier, que le bas taux de l’intérêt est favorable au commerce et à l’industrie, de manière que j’aurais voulu arriver à une conversion en 4 p. c.
Cependant, depuis 15 jours que le projet du gouvernement est connu, des opérations ont déjà pu être faites, beaucoup de personnes ont pu acheter du 5 p c. même avec un agio pour être certaines d’avoir du 4 1/2 p. c. Je crois donc qu’il ne serait pas convenable d’introduire un amendement dans la loi.
Tout en regrettant donc que le gouvernement n’ait pas proposé le terme de six années, je ne présenterai pas d’amendement, et si l’on en proposait un, je ne pourrais l’adopter.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, le terme de huit années a été jugé nécessaire par le gouvernement pour garantir le succès de la conversion, succès si désirable dans l’intérêt de notre avenir financier. J’ai pensé que ce terme de huit années était de nature à donner de l’essor à notre crédit et à réagir, par conséquent, d’une manière très favorable sur les opérations financières que nous aurons bientôt à faire.
Je suis persuadé, messieurs, que l’effet d’une conversion sagement dirigée sur notre crédit public, sera tel que nous gagnerons largement dans les opérations qui seront faites ultérieurement, l’excédant des dépenses qui résultera d’un 1/2 p. c. de plus pendant deux ans. C’est cette considération qui a surtout guidé le gouvernement.
J’insiste donc très fortement pour que la chambre maintienne le terme de huit années qui est proposé par le gouvernement et adopté par la majorité de la section centrale.
M. Rogier. - Messieurs, l’honorable rapporteur de la section centrale vient de faire valoir un argument que la chambre ne peut pas accepter. Il vient de dire qu’il ne fallait pas toucher à la loi, parce que des spéculations avaient déjà eu lieu en vue de la loi.
M. Cogels, rapporteur. - Je n’ai pas parlé de spéculations ; j’ai dit que des calculs avaient déjà été établis.
M. Rogier. - Des calculs, des spéculations, de l’agiotage.
M. Cogels, rapporteur. - Je n’ai pas parlé d’agiotage. Je demande la parole.
M. Rogier. - Un honorable membre, de même que M. le rapporteur de la section centrale, nous a dit qu’un des motifs qui avaient engagé la section centrale à ne pas toucher au terme de 8 années, c’était le bon accueil que le projet d’emprunt avait reçu à la bourse et les opérations qui avaient eu lieu en conséquence, que des changements dans le projet viendraient gêner ces opérations. Mais dès lors il était inutile de discuter le projet ; il fallait l’accepter tel qu’il est dès le premier jour. Nous ne pouvons, messieurs, être enchaînés par des opérations de bourse, quelles qu’elles soient ; si la chambre croit utile d’introduire des modifications dans le projet qu’elle discute, elle ne doit pas s’inquiéter des jeux de bourse qui ont pu avoir lieu, en vue de ce projet.
Messieurs, je conçois que le projet de conversion ait été accueilli avec faveur par les créanciers, qu’il n’ait pas donné lieu à la moindre réclamation. On ne pouvait, en effet, faire une conversion plus douce, plus pacifique, plus amicale. Comment ! partout l’intérêt des fonds publics est à 3, 3 1/2 ou à 4 p.c., et on offre aux créanciers 4 1/2 p.c. Non seulement on leur donne 4 1/2 p.c., mais ils sont assurés de recevoir, pendant huit ans, cet intérêt élevé. Il n’est pas étonnant qu’une pareille opération ne donne lieu à aucun mécontentement.
Mais c’est précisément parce que l’opération a été trouvée si douce par les créanciers, que nous aurions pu réduire à six années la garantie du non-remboursement. Je suis convaincu qu’il ne se convertirait pas cent mille francs de moins, parce qu’on substituerait le terme de six années à celui de huit années.
J’ai dit qu’il y avait inconvénient alors que l’intérêt des fonds publics était partout si bas, nous engager pendant huit ans à payer un intérêt de 4 1/2 p. c. ; qu’il y avait inconvénient au point de vue du trésor et au point de vue de l’industrie et de l’agriculture.
L’honorable M. Cogels vient de nous dire qu’il n’était pas exact de prétendre que l’intérêt des fonds publies exerçât quelque influence sur l’intérêt des fonds particuliers. Il nous a cité ce qui s’était passé en Angleterre et en Hollande. Messieurs, je n’ai pas besoin de recourir à ce qui s’est passé en Angleterre, à ce qui s’est passé en Hollande. Je dis simplement ceci : Si vous pouvez placer votre argent à 4 1/2 dans les fonds de l’Etat, vous ne le placerez pas à 3 et 4 p. c. dans les fonds destinés à l’agriculture et à l’industrie. Vous attirez donc vers l’intérêt plus élevé de 4 1/2 des fonds qui, s’ils ne trouvaient pas cet avantage, s’appliqueraient probablement aux industries manufacturières et agricoles qui ont tant besoin, pour pouvoir lutter avec les industries étrangères, de crédit et d’intérêts peu élevés. Car il est certain que si la France, si l’Angleterre peuvent emprunter pour leur industrie et pour leur agriculture des fonds à 3 1/2, elles auront un avantage de 1 p. c. sur notre pays, où l’on ne trouverait des prêteurs qu’à 4 1/2.
A moins, et ceci serait une clause que nous devrions respecter, que, dans les arrangements qui ont pu avoir lieu entre M. le ministre des finances et les personnes avec qui il se serait mis en rapport avant de présenter le projet, il n’ait été pris quelque engagement, je ne trouve pas, dans les raisons qu’on a fournies, des motifs suffisants pour maintenir le terme de huit années. Je pense que M. le ministre des finances conviendra que la réduction de ce terme à six années n’exercerait aucune influence sur les dispositions des détenteurs d’obligations, et qu’ils accepteraient avec un égal empressement les 4 1/2 p. c. garantis pendant six années.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, lorsque j’ai parlé des opérations qui pouvaient avoir en lieu à la bourse et des calculs que l’on pouvait avoir établis sur la loi telle qu’elle était proposée, je n’ai nullement entendu faire allusion à des spéculations, à aucune opération qui eût quelque affinité avec le moindre agiotage. J’ai voulu simplement parler des calculs qu’avaient faits les rentiers qui se sont dit immédiatement : ce 5 p. c., qui valait 106, va être converti, mais nous estimons le nouveau fonds qui le remplace à 102 3/4 ou 103. Et c’est pourquoi les transactions réelles, et non les spéculations qui ont eu lieu ensuite de la loi, se sont faites à ce cours.
Pour en revenir encore, messieurs, à la question de l’influence du taux d’intérêt des fonds publics sur les prêts à l’industrie et à l’agriculture, puisque l’honorable M. Rogier ne veut pas que je cherche mes exemples ni en Angleterre, ni en Hollande, je lui en citerai un que je prendrai pour ainsi dire, dans l’endroit où nous nous trouvons, dans la capitale où nous siégeons.
Messieurs, que voit-on en Belgique ? Nous pouvons placer notre argent en fonds publics à 4 1/2 et 4 3/4 p. c. Et quel est le taux auquel se vendent les terres ? Pouvez-vous en trouver dans le Brabant qui donnent plus de 2 p. c, ? Pouvez-vous en trouver dans la province d’Anvers qui donnent plus de 2 1/2 p. c. ? Je ne sais pas quel est le taux auquel se vendent les terres dans le Hainaut, dans la province de Namur et dans les autres provinces ; mais je pense que, pour faire un applicat en bien-fonds, vous aurez beaucoup de peine à le faire de manière à ce qu’il donne un intérêt de plus de 2 p.c.
Vous voyez donc que l’intérêt que nous avons pu retirer des placements en fonds publics n’a nullement empêché les terres de s’élever.
Je parlerai maintenant de l’escompte,
Comment s’escompte le bon papier à Anvers ? Le bon papier s’escompte au dessous de 3 p. c. J’ai vu le taux de l’escompte à 2 1/2 et même à 2 1/4 p.c., et cela à une époque où nos fonds n’avaient pas atteint le taux où nous les voyons aujourd’hui, c’est-à-dire, à l’époque où nos emprunts 5 p. c. étaient encore au-dessous du pair ; pourquoi ? parce que pour les placements à époque fixe, les fonds publics offraient un placement qui présentait des chances d’augmentation et de diminution de capital, tandis que l’escompte offrait un placement à court terme, et qu’au bout de quelques mois les préteurs retrouvaient leur capital intégral, augmenté des intérêts. C’est encore pour ce motif que, tandis que votre emprunt donne 5 p. c. vous pouvez souvent placer vos bons du trésor à 2 1/2 ou à 3 p. c.
M. Desmaisières. - Ayant fait partie de la majorité de la section centrale, je crois, messieurs, devoir donner quelques explications sur le vote que j’ai émis. Il serait, sans doute, très désirable qu’on pût réduire le terme des années proposé à 6 années ; mais cela est-il bien possible sans compromettre la bonne réussite de la conversion, qu’il faut obtenir avant tout ? Je ne le pense pas. Il faut, messieurs, tenir compte de ce que les porteurs du 5 p. c. de 1832, qui voient convertir leurs rentes à 5 p. c. en rentes à 4 1/2 p. c., vont encore se trouver pendant 2 années en présence de deux fonds à 5 p. c., et pendant 4 années en présence de l’un de ces fonds, et tout le monde conviendra qu’aussi longtemps qu’il existera du 5 p. c., ce fonds attirera de préférence les capitaux et arrêtera dès lors l’essor du 4 1/2 p. c.
D’un autre côté, messieurs, hier l’honorable ministre des finances a cru devoir vous entretenir d’une pétition reproduite par les journaux français ; vous avez répondu à cette pétition comme il fallait y répondre, par le vote émis sur l’article 1er du projet ; mais cette pétition n’en démontre pas moins qu’il y a opposition à la conversion, et que, par conséquent vous devez vous attendre à des manœuvres tendant à faire échouer l’opération. Il faut donc prendre toutes les mesures, même au prix de quelques sacrifices, pour assurer cette opération.
M. Pirmez. - J’ai demandé la parole, messieurs, pour faire remarquer que, quel que soit le taux auquel vous fixiez l’intérêt des fonds que vous créerez, cela ne peut avoir aucune influence sur le taux de l’intérêt des sommes que l’on voudra emprunter plus tard pour le commerce et l’agriculture.
Aujourd’hui, par exemple, le commerce ne pourrait pas emprunter à 4 1/2 p. c, puisque les préteurs peuvent obtenir 4 1/2 en prenant des fonds de l’Etat ; mais que demain les capitaux soient plus abondants, le prix des fonds publics s’élèvera, et dès lors ils ne produiront plus 4 1/2 à ceux qui les prendront.
Si les capitaux deviennent très nombreux, notre 4 1/2 p. s’élèvera peut-être à 110, 115 ou 120 d’ici à 8 ans. Le taux de l’intérêt que vous fixez n’est donc en réalité que nominal ; l’abondance des capitaux se réduit plus ou moins, suivant qu’elle est plus ou moins grande. C’est en définitive sur l’abondance ou la rareté des capitaux que se règle le taux de l’intérêt de l’argent, aussi bien pour les prêts faits aux particuliers que pour les fonds de l’Etat.
- L’art. 6 est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Il sera consacré, à l’amortissement du nouveau fonds, une dotation annuelle d’un pour cent de son capital, indépendamment des intérêts des obligations qui seront successivement amorties. »
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, le fonds que nous allons créer sera probablement bientôt coté au-dessus du pair, et, par conséquent, l’amortissement ne s’y appliquera pas, si ce n’est dans des circonstances exceptionnelles. Néanmoins, il est désirable que la proposition du gouvernement soit maintenue ; cette proposition tend à fixer l’amortissement à 1 p. c. au plus et à 1/2 p. c. au moins. Voici quels sont les motifs qui m’ont porté à présenter cette disposition.
Si dans l’opération que nous avons à faire pour les 80 millions de florins mentionnés au n°7 de l’article 63 du traité du 5 novembre, nous adoptons un fonds à 4 1/2 pour cent, et que nous créons en même temps un amortissement de 1 pour cent, il en résultera que, loin d’avoir dégrevé le budget au moyen de l’opération dont il s’agit et qui serait bonne au fond, nous aurons augmenté le chiffre de nos dépenses d’une somme de 200,000 florins, Si ensuite l’opération s’étendait aux autres 80 millions de florins, à ceux que nous ne pouvons racheter qu’au moyen d’une négociation avec le gouvernement des Pays-Bas, alors l’augmentation serait de 400,000 florins. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il est assez probable que l’amortissement sera réservé, et dans ce cas la somme portée au budget pour l’amortissement recevra une autre destination qui sera déterminée par les chambres. Cette destination, aussi longtemps que nous avons une dette flottante, sera de réduire cette dette ; plus tard elle pourra être de créer une réserve ; enfin, dans d’autres circonstances, les fonds qui n’auront pas été employés à l’amortissement pourront servir à faire face à des dépenses de travaux d’utilité publique, sans recourir de nouveaux emprunts. Du reste, on ne peut préjuger dès maintenant quel emploi les chambres pourront donner à ces fonds ; mais il n’en est pas moins vrai que chaque année la somme affectée à l’amortissement devra figurer au budget les dépenses, et dans la double éventualité, que j’ai prévue tout à l’heure, le budget pourrait être grevé par suite de la bonne opération financière qui serait faite par le gouvernement ; le budget, dis-je, serait grevé d’une augmentation de 400,000 florins, au lieu de profiter de la réduction d’intérêt.
Si vous adoptez la proposition du gouvernement et que nous convertissions en fonds de 4 1/2 p. c. la dette néerlandaise, nous créerons un amortissement de 1/2 p. c. pour cette dette, qui aujourd’hui n’en a pas et nous réduirons à 1/2 p. c. l’amortissement du fonds qui va être établi par la conversion, amortissement qui sera d’abord fixé à 1 p. c.
Voilà, messieurs, quels sont les motifs qui m’ont déterminé à insister pour l’adoption de la proposition du gouvernement,
M. le président. - M. le ministre propose de remplacer l’art 7 du projet de la section centrale par la disposition de l’art. 6 du projet primitif.
Cet article est ainsi conçu :
« Il sera consacré à l’amortissement du nouveau fonds une dotation d’un pour cent au plus et d’un demi pour cent au moins, de son capital, indépendamment des intérêts des obligations qui seront successivement amorties. »
M. Devaux. - Messieurs, j’ai accueilli très favorablement le principe de la mesure qui est proposée par le gouvernement ; j’approuve le mode prudent d’après lequel il demande que cette mesure soit réalisée ; j’ai vu avec plaisir que les idées que j’avais été chargé, il y a plusieurs années, de défendre dans cette enceinte, comme rapporteur d’une section centrale, au sujet de la préférence à accorder aux fonds émis à un taux très rapproché du pair sur les fonds émis à un taux inférieur, mais à un intérêt moins élevé ; que ces idées, dis-je, paraissent aujourd’hui partagées par la plupart des membres de la chambre. Même dans la séance d’hier, un honorable collègue, qui avait ordinairement soutenu une opinion contraire, s’est borné à préférer le 4 p. c. au 4 1/2, c’est-à-dire qu’il a adopté le principe, car le 4 lui-même ne serait émis qu’à un taux rapproché du pair ; et ainsi il a abandonné le principe de la création du 3 p. c. contre lequel je m’étais encore élevé une année auparavant, à l’occasion d’un discours du même membre.
Je suis d’avis aussi que la chambre doit user de beaucoup de réserve dans toutes les mesures qui pourraient nuire à la conversion ; l’article auquel nous sommes parvenus n’intéresse en aucune façon le succès de l’opération ; mais il peut, sous un autre rapport, donner lieu à quelques observations d’une portée grave et qui, je crois, méritent toute l’attention de la chambre.
L’art. 7, avec l’article qui le suit, nous transporte dans une voie financière toute nouvelle, quant à la grande institution de l’amortissement de la dette publique.
Messieurs, l’amortissement a un double but, c’est, en premier lieu, de soutenir le crédit public, et, en second lieu, d’éteindre la dette dans un temps donné.
 l’égard des emprunts que nous avons contractés jusqu’ici, nous avons admis le principe de l’amortissement d’un p. c. du capital nominal agissant avec les intérêts des rentes amorties, c’est-à-dire, que nous avons voulu que la dette dont nous chargions l’avenir du pays, fût éteinte en 36 ou 37 ans (suivant le taux de l’intérêt du fonds).
On a pensé que quand un Etat crée une dette, il doit, comme un particulier, songer au moyen de l’éteindre, et que décider que cette dette sera éteinte en 37 ans, c’est stipuler un temps assez long pour la génération présente. Ou ne peut guère espérer que la paix, seule époque pendant laquelle les recettes ordinaires peuvent régulièrement faire face aux dépenses de l’Etat, se prolonge au-delà d’une période de 37 ans.
C’est donc en partant de ce principe, que lorsque nous avons créé dans cette chambre l’emprunt de 100 millions et ceux qui l’ont suivi, nous avons stipulé un amortissement d’un p. c.
La dette de 100 millions, créée en 1832, en supposant que tout fût racheté au pair, devait être éteinte en 36 ou 37 ans, vers 1869.
Dans le discours qu’il a prononcé hier, l’honorable M. Dumortier a prévenu quelques-unes des observations que je voulais faire. On vous propose aujourd’hui de considérer comme non-avenue tout ce que depuis 1832 la caisse d’amortissement a acquis en fonds de l’emprunt de 100 millions. Or, vous savez que l’amortissement agit très faiblement les premières années et que par suite de l’accumulation des intérêts composés, il agit avec le plus de puissance dans les années les plus avancées. Chaque année, l’amortissement reçoit du budget, quant à cette dette, une allocation d’un million ; mais les rentes qu’il a acquises antérieurement y ajoutent, chaque année, environ 700,000 francs, de sorte que l’amortissement de l’emprunt dont nous nous occupons s’élève cette année à 1,700,000 fr. Cet emprunt à taux plus que de 80 millions ; par conséquent l’amortissement agit aujourd’hui avec une force de 2 p. c.
On vous propose de réduire cette force à un p. c., c’est le projet de la section centrale ; allant plus loin encore, M. le ministre des finances réclame la faculté de la réduire à 1/2 p. c. L’amortissement devait éteindre la dette en 1869 ; tout maintenant serait recommence sur nouveaux frais, et la dette que nous avons contractée en 1832, si vous adoptez l’opinion de la section centrale, ne s’éteindra plus que dans 40 ans ; elle ne serait donc seulement éteinte que vers 1884. Si vous adoptez le projet de M. le ministre des finances, vous concevez que l’extinction de la dette serait portée plus loin encore.
Ce n’est pas tout : non seulement vous diminuez l’amortissement pour l’emprunt dont il s’agit, non seulement vous reculez de 15 ou trente ans l’époque de l’extinction, mais vous posez un précédent qui va servir de règle.
Ainsi, je suppose que dans huit ans, en 1852, vous puissiez convertir le 4 1/2 p. c. en 4 p. c. ; d’après le précédent que vous auriez posé, il faudra de nouveau partir de la même base, constituer sur nouveaux frais un amortissement d’un p. c., sans tenir compte des rentes acquises dans l’intervalle, et l’extinction de la dette se trouvera reportée à 1892. Quand ensuite vous convertirez, huit ans après, votre 4 p. c. en 3 1/2, l’extinction de la dette sera reportée au commencement du 20è siècle, et enfin quand vous réduirez le 3 1/2 p. c. en 3, ainsi que l’a fait l’Angleterre, et il est à espérer que la Belgique en viendra là, vous reporterez encore plus loin l’extinction de cette dette créée en 1832.
Vous voyez, messieurs, que ce qu’on vous propose est une grave altération du système financier qui a été suivi jusqu’aujourd’hui par la Belgique.
M. Cogels, rapporteur. - Je demande la parole.
M. Devaux. - Et cependant on ne se borne pas là. D’après l’art. 8, les fonds ne sont plus, comme aujourd’hui, remboursés au pair par le tirage au sort de l’amortissement, quand la cote de la bourse excède le pair ; lorsque les fonds seront cotés au-dessus du pair, on n’amortira plus.
Or, le fonds que nous émettons est déjà au-dessus du pair au moment de l’émission.
On n’amortira plus ce fonds que dans des temps extraordinaires, par exception ; l’amortissement perd le but qu’il avait lors de son institution, celui d’éteindre la dette ; il n’a plus que celui de soutenir, en temps de crise, le taux de la rente, but respectable, mais qui n’est que la moitié de celui qu’avait et devait avoir l’amortissement. En réalité, vous créez une dette perpétuelle ; ce n’est plus que par exception qu’on amortira. On abandonne le principe, que le pays doit éteindre sa dette ; on abandonne le principe que la dette doit être éteinte en 37 années, c’est-à-dire par une seule génération, et vous en reporterez l’extinction à un terme indéfini.
Remarquez que ce qu’on propose ne se borne pas seulement à l’emprunt de 100 millions, et aux diverses conversions qu’il pourra subir par la suite ; mais on propose d’étendre la mesure à l’emprunt de 87 millions contracté en 1840, à celui de 29 millions voté en et même, par le second projet de loi, à l’emprunt de 84 millions de francs qu’on fera pour la dette hollandaise, ainsi qu’à l’emprunt de 10 millions qui sera contracté pour la consolidation de la dette flottante, Si vous faites l’addition de ces diverses sommes, vous arriverez à un emprunt de 297 millions, emprunt qui ne comprend pas encore celui qui pourrait être fait, à la suite d’arrangements avec la Hollande pour l’autre partie de la dette. Vous auriez 300 millions de dette perpétuelle que vous renonceriez à éteindre.
Je crois que ce principe ne convient pas à la Belgique. La Belgique est peut-être le pays du monde où le principe, qu’il faut acquitter ses dettes, est le mieux pratiqué. Je ne pense pas qu’il faille créer en Belgique une dette perpétuelle ; je pense surtout que cette dette non amortissable par le fait ne doit pas avoir l’immense proportion qu’on veut lui donner.
Et à quel emploi, messieurs, seront consacrés les fonds de l’amortissement pendant cette suspension que vous décréteriez pour le cas où le fonds aurait dépassé le pair ? Ils seraient destinés à éteindre la dette flottante ; si l’on disait dans la loi qu’une somme déterminée, 6 ou 8 millions, par exemple, serait destinée à l’extinction de la dette flottante, je n’y verrais pas grande difficulté, mais les termes de la disposition sont bien plus larges : les fonds de l’amortissement, d’après la disposition, pourraient être consacrés à éteindre toute la dette flottante, présente et future, c’est-à-dire, que le fonds de l’amortissement, loin d’être une garantie d’une bonne gestion financière, loin de servir à diminuer vos charges, serait au contraire une excitation à étendre chaque année la dette flottante.
On stipule même dans le même article que le fonds d’amortissement pourra être appliqué à toute autre destination, et évidemment, d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, ce fonds servirait à couvrir des dépenses nouvelles, soit dépenses extraordinaires à des travaux publics, soit à des dépenses ordinaires. Ce serait une excitation continuelle à créer des déficits, à aller au-delà des recettes ordinaires. En fait d’amortissement, la grande difficulté a toujours été de rendre ce fonds sacré, d’empêcher qu’il ne soit détourné de sa destination primitive. Ici nous sanctionnerons à l’avance le détournement dans l’acte de sa fondation même, car nous écririons dans la loi qu’il n’est pas destiné à amortir, mais en réalité à couvrir d’autres dépenses.
De cette manière, nous allégeons le présent, mais nous l’allégeons d’une manière très régulière, en chargeant l’avenir, en négligeant ces règles de prudence et de régularité financière qui doivent être respectées par le gouvernement comme elles le sont par la nation même.
La disposition relative à l’amortissement soulève donc trois ou quatre questions très graves. 1° On reporte en réalité, par ce précédent l’extinction de la dette au vingtième siècle.
La chambre consent-elle à une telle mesure, ou bien veut-elle que l’intention qui a présidé à la création de l’amortissement, en 1831, soit accomplie, c’est-à-dire, que l’amortissement continue à agir avec la puissance qu’il a déjà acquise. Alors ce ne serait pas un demi pour cent, comme le propose M. le ministre, ni un pour cent, comme le propose la section centrale, mais 2 p. c. qu’il faudrait consacrer à l’amortissement à partir de cette année. La dotation annuelle de l’amortissement était de un million, il y a 700,000 fr. d’intérêts de rentes acquises. En créant un fonds d’amortissement de 2 p. c. on ne ferait que remplacer ces ressources.
La deuxième question est celle de savoir si vous voulez suspendre l’amortissement quand la rente a dépassé le pair, en d’autres termes, si vous voulez rendre perpétuelle la rente que vous créez aujourd’hui.
Je sais que des inconvénients se rattachent au mode de remboursement usité pour cet emprunt. Aujourd’hui, je sais qu’on s’est plaint de ce que les rentiers étaient contrariés de ce tirage au sort par suite duquel on est remboursé au pair, quand la rente dépasse le pair ; je suis disposé à croire que l’influence de ce tirage au sort, pour le remboursement, sur les dispositions des rentiers et sur le crédit public a été exagérée. La preuve en est dans le peu de différence qu’il y a eu entre le taux du 5 p. c. dont nous occupons et celui des emprunts de 1840 et 1842, lesquels ne sont pas remboursables par la voie du sort. Cette différence a d’ailleurs, pour principale cause, la garantie stipulée dans les nouveaux emprunts contre toute conversion pendant plusieurs années.
Je ne proposerai pas de rétablir ce mode de remboursement, mais je demanderai s’il y a des raisons sérieuses qui s’opposent à ce que le nouveau fonds soit racheté au-dessus du pair. Remarquez que ce fonds, qui est aujourd’hui au-dessus du pair, ne s’élèvera pas indéfiniment, parce que la conversion l’attend au bout de huit ans, et la mesure prise aujourd’hui prouve l’intention de la Belgique de ramener les fonds au taux le plus bas possible.
Les détenteurs doivent s’attendre à une conversion, ce fonds n’atteindra jamais la hauteur du 5 p.c. français, parce qu’en France on croit que le gouvernement ne convertira pas. Si donc ce fonds ne doit pas s’élever au-delà d’une certaine limite, qui n’est pas très éloignée du pair, pourquoi ne pas permettre de racheter à ce taux ?
Si on craint qu’il ne soit trop élevé, ne pourrait-on écrire dans la loi que le rachat ne pourra pas se faire au-delà de 105 ou 107 ? Remarquez ce qui a lieu pour le 3 p. c., mais le 3 p. c. a été émis à 70, 71, vous vous êtes engagés à le rembourser jusqu’à 100. M. le ministre des finances me dit : c’est pour cela que je n’ai pas pris du 3 p. c., j’aurais dû rembourser 100 pour 75. Mais ici il s’agit d’une différence de 6 ou 7 p. c., et non de 33 p. c. ; ne vaut-il pas mieux amortir un peu plus cher, c’est-à-dire, un peu plus lentement, que de déclarer votre dette perpétuelle ?
Voyez la contradiction dans laquelle on tombe. M. le ministre des finances dit : c’est pour cela que je n’ai pas voulu avoir du 3. Dans son exposé des motifs, la principale raison pour laquelle il ne veut pas du 3, c’est qu’il nécessite une trop grande augmentation du capital nominal. L’inconvénient de cette augmentation n’existe que quand vous amortissez. Quand vous n’amortissez pas, quand vous ne rachetez, ni ne remboursez, quand vous créez une dette perpétuelle, que vous importe cette augmentation ? Ce n’est qu’un mot.
La troisième question que soulève la disposition relative à l’amortissement est celle-ci : faut-il affecter, dans le cas où on poserait une limite aux rachats, les fonds disponibles de l’amortissement à l’extinction de la dette flottante et à tout autre objet qu’une loi ultérieure viendra déterminer ? Ne vaut-il pas mieux dire qu’ils seront employés au rachat d’une autre dette consolidée, le 3 p. c., par exemple.
Ne pourrait-on pas, quand un fonds est trop élevé, porter l’amortissement qui lui avait été affecté sur un autre fonds qui l’est moins ? N’importe-t-il pas d’écrire dans la loi que les fonds d’amortissement ne pourront jamais être détournés de leur destination et servir à un autre usage que l’extinction des dettes publiques. La réduction des emprunts est assez forte ; ce n’est pas un contrepoids trop fort que la nécessité d’imposer dans le présent un sacrifice de 1 p. c. Les générations qui nous suivront auront les leurs.
Nous avons le bonheur de jouir de la paix, de l’abondance ; qui dit que dans 50 ans la Belgique n’aura pas à traverser des circonstances plus fâcheuses. La civilisation en avançant augmente les besoins de la société. Les besoins dans un demi-siècle, en fait d’impôts, seront plus élevés et les charges de la génération qui nous suivra seront plus fortes que les nôtres.
On a dit qu’une partie de l’emprunt avait été consacrée à la construction du chemin de fer, mais il ne s’agit pas ici d’une seule partie de la dette, on veut étendre ce système à 300 ou 400 millions de dettes ; car si la mesure passe dans cette loi, elle passera dans d’autres.
On a dit que les générations suivantes jouiraient du chemin de fer. Est-ce une raison pour reculer jusqu’au XXème siècle le remboursement de l’emprunt qui a servi à l’établir ? Qui peut répondre qu’après qu’il nous aura rendu beaucoup de services et donné beaucoup d’agrément, dans 50 ans il ne surgira pas une nouvelle invention, qui diminuera l’utilité du chemin de fer. Les routes pavées ont remplacé les chemins en terre, les canaux ont remplacé les chaussées, et après les canaux sont venus les chemins de fer, chacune de ces inventions a été plus utile et plus coûteuse que la précédente. Rien ne garantit qu’une autre invention encore ne viendra pas, pour nos petits-enfants ou arrière-petits-enfants, diminuer l’utilité des chemins de fer, et nécessiter des dépenses plus fortes que celles que avons supportées.
Ce qu’on propose est donc, messieurs, une innovation très grave. Nous devons y réfléchir mûrement avant de nous mettre dans cette position nouvelle. Je demande que cette question soit bien éclaircie, et que si nous nous engageons dans la voie où on veut nous faire entrer, nous ne le fassions qu’à bon escient et avec la certitude de ne pas nous en repentir plus tard.
M. Cogels. - C’est par les motifs développés par l’honorable M. Devaux que la section centrale avait porte à 1 p. c., comme taux définitif l’amortissement que M. le ministre des finances avait proposé d’un à un demi pour cent comme taux variable, En effet, l’amortissement à un double but. Il soutient le crédit public et sert à l’extinction de la dette. C’est en Angleterre qu’il a été créé d’abord. A cette époque il avait un but principal, le soutien du crédit public, car en même temps qu’on émettait des emprunts pour soutenir la guerre contre l’Amérique et la France on créait le fonds d’amortissement.
M. de Mérode. - C’était des impôts qu’on établissait.
M. Cogels, rapporteur. - Pardon, c’était des emprunts.
Le même système a été adopté par toutes les nations qui, tout en en reconnaissant l’avantage, en ont senti les inconvénients.
Ainsi l’Angleterre, la première, a détruit le système adopté par Pitt, la dotation de 5 millions liv. sterl. ; elle l’a remplacée par l’excédant des recettes sur les dépenses.
Je n’engage pas la Belgique à adopter ce système ; car, comme nous sommes assez disposés à dépenser notre revenu, il n’y aurait plus d’amortissement.
Il n’en est pas moins vrai que, contrairement à ce qui a été dit dans cette séance, l’Angleterre a encore amorti. De 1828 à 1838, elle a amorti 22 millions liv. sterl. à peu près. Si ma mémoire est fidèle, il y a eu une année où l’amortissement a été de 5,700,000 liv. st, et un autre de 5,000 liv. sterl. seulement.
En France, lorsque le 3 p. c. a été créé, on a porté la loi qui interdisait le rachat de la rente au-dessus du pair. L’amortissement a opéré presque exclusivement sur le 3 p.c. de 1825 à 1830, avec annulation des rentes rachetées. Il n’y avait pas là d’intérêt composé.
Cela était fait pour contrebalancer l’effet de l’emprunt de 30 millions de l’indemnité des émigrés.
De 1830 à 1833, l’amortissement a opéré encore sur les fonds au-dessous du pair.
Par la loi du 10 juin 1833, on a supprimé 32 millions de rente acquis à l’amortissement, et l’on a fait une répartition de la dotation et des rentes acquises entre les diverses rentes du grand-livre ; par suite de cette mesure, 16 millions ont été repartis sur le 3 p. c.
Si nous suivions le même système, si nous appliquions tout l’amortissement à notre 3 p. c., si nous appliquions 2, 3 ou 4 millions au rachat de notre 3 p c., la conséquence inévitable serait de le porter au pair, taux auquel il doit venir par son amortissement spécial ; car il ne faut pas perdre de vue que l’action de l’amortissement accroît en raison inverse du fonds sur lequel il est destiné à agir.
L’honorable M. Devaux a dit que la suspension de l’amortissement pourrait être perpétuelle. Cela n’est pas exact. Cette suspension, pour les emprunts de 1840 et 1842, n’a lieu que pour 6 ans. Pour les fonds que nous substituons à notre ancien 5 p. c., elle ne sera éventuelle que de 8 ans. Voici quelles sont les sommes qui pourront n’être pas employées à l’amortissement :
Pour l’emprunt de 1840 : fr. 5,200,000
Pour l’emprunt de 1842 : fr. 1,750,000
Pour notre 4 1/2 : fr. 6,800,000
Total : fr. 13,750,000
Mais d’après l’art. 8, le fonds peut recevoir une autre destination ; il doit servir au rachat de notre dette flottante. N’est-ce pas la même chose ? Peu importe que ce soit la dette flottante, ou la dette perpétuelle qui soit amortie. Je dirai même que, dans la situation de la Belgique, il vaut mieux qu’elle n’ait pas de dette flottante, que d’avoir une dette constituée un peu moindre.
L’honorable M. Devaux a dit que, quand on emprunte à capital fictif, sans pourvoir à l’amortissement, il est parfaitement indifférent quel est ce capital fictif. Ici l’honorable M. Devaux, qui a parfaitement étudié la matière, a perdu de vue que, dans ce cas, la réduction de l’intérêt est impossible. Par exempte, vous avez du 3 p. c. émis à 75, et représentant, par conséquent, 4 p. c. Mais vous ne pouvez le rembourser qu’à 100. Si, au contraire, vous émettez un emprunt de 4 p. c. au pair, vous pouvez rembourser au pair, et réduire l’intérêt à 3 1/2 ou 3.
Voilà pourquoi l’Angleterre a pu réduire son 5 p. c. de la marine en annuités à 4 p. c. Voilà pourquoi elle n’a pu réduire son 3 p. c. qu’elle avait émis dans les temps de guerre à 56 et au-dessous.
Voilà pourquoi les Etats-Unis, dans toutes les émissions d’emprunt qu’ils ont faites, n’ont jamais fixé l’intérêt ; ils ont dit : Nous demandons un capital de 1,000,000 dollars. C’est celui qui demandera l’intérêt le plus modique qui obtiendra l’emprunt. C’est ainsi que les Etats-Unis, qui plus tard sont tombés dans de graves erreurs, il est vrai, étaient parvenus, sous la présidence de Jackson, à éteindre leur dette.
J’aurais désiré que M. le ministre des finances se fût rallié à l’opinion de la section centrale. La section centrale avait fixé le taux d’un p. c. d’autant plus volontiers que d’après la disposition de l’art. 8, en cas de suspension de l’amortissement, le fonds pourrait se reporter sur la dette flottante. Elle avait pensé que, pour le nouvel emprunt, pour la capitalisation de la dette, il valait mieux y appliquer un amortissement spécial ; de manière que pour les porteurs il n’y aurait pas eu d’incertitude.
Cependant, comme la différence n’est pas considérable, de l’avis de quelques membres de la section centrale que j’ai consultés, je n’insisterai pas sur la proposition qu’elle a faite. Nous sommes assez disposés à nous rallier à la proposition du gouvernement,
M. Devaux. - Il n’a été rien répondu sur ce qu’il y a de plus important dans mes observations.
On n’a pas contesté qu’on reculait singulièrement l’époque de l’extinction de la dette, tellement que l’amortissement sera l’exception, qu’il n’y aura plus d’amortissement. Il n’y aura d’amortissement qu’en cas de baisse au-dessous du pair d’un fonds qui, dès le moment de son émission, dépasse le pair.
Ainsi, vous entrez dans un ordre de choses tout à fait nouveau, par suite duquel vous consentez à ce que votre dette soit perpétuelle.
Ce système de ne pas payer les dettes qu’on a contractées (car il revient à cela) n’est pas un système belge. C’est le bouleversement de nos traditions financières. Avec ce système, il sera facile de créer des emprunts ; avec ce système, votre fonds d’amortissement vous excitera lui-même aux dépenses. Quand il s’agira de travaux publics, qu’on vous dira que le fonds d’amortissement vous offre une ressource, les chambres seront entraînées à les décréter ; c’est un grand danger pour les finances du pays. Vous ne pouvez rentrer dans cette voie à la légère et sans réflexion Ce changement n’est pas motivé ; il n’est pas nécessaire ; il n’y a aucun motif grave pour l’admettre.
On a répondu à l’un de mes arguments que le 3 p. c. offre le désavantage de ne pouvoir être converti. Cela est vrai ; il offre deux désavantages, l’un de ne pouvoir être converti, l’autre de ne pouvoir être racheté qu’à un taux qui peut s’éloigner beaucoup de celui de l’émission, Ce dernier désavantage disparaît, si l’on n’amortit plus, et dans ce système, par conséquent, il n’est pas vrai de dire qu’on perd un des avantages en créant du 4 1/2 sans amortissement.
Quant à moi, je désire qu’on reste dans le statu quo, qu’on respecte ce principe, que quand on crée une dette, il faut songer au moyen de décharger un jour le pays. Il n’y a, je le répète, aucun motif à ce changement.
Je demande qu’on maintienne à l’amortissement la position qu’il a.
Ainsi je n’aggrave pas la situation. Je veux qu’on profite de la conversion, mais pas aux dépens de l’avenir, aux dépens de l’amortissement. Car si l’on agit ainsi, si on viole l’amortissement au milieu de la paix et de la prospérité, qu’arriverait-il dans des temps moins heureux ? Avec quelle facilité ne s’autoriserait-on pas de cet exemple en temps de crise pour gaspiller ce dépôt qui devait être sacré.
M. Manilius. - L’honorable préopinant a parlé de paix et d’abondance ; j’ai d’abord cru que cela lui était échappé ; mais il l’a répété jusqu’à trois fois ; je demande qu’il s’explique.
M. Devaux. - Je n’ai pas l’intention de prouver à mon honorable collègue qu’on jouit d’une prospérité universelle et sans exception ; mais nous parlons finances, et la prospérité financière ne peut guère être contestée en présence du taux de nos fonds, en présence du projet de conversion qui lui-même en est la preuve, car la conversion est une mesure de prospérité, à laquelle on ne pourrait songer en d’autres temps.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, il semblerait, d’après les observations de l’honorable préopinant, que nous venons proposer à la chambre de supprimer l’amortissement de notre emprunt. Il n’en est absolument rien.
Que proposons-nous ? Nous proposons de suspendre l’amortissement alors que les obligations sont cotées au-dessus du pair. Et pour quel fonds ? Pour un fonds qui dans huit ans doit changer de nature. Voilà, messieurs, dans quels termes la question se trouve restreinte.
S’agit-il ensuite d’appliquer à des dépenses ordinaires cet amortissement qui n’aura pas été employé ? Mais non, nous venons vous proposer de le consacrer d’abord, et, avant tout, à l’extinction de la dette.
Un membre. - De la dette flottante.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - A l’extinction de la dette flottante, peu importe le nom qu’elle porte, c’est toujours une dette publique. Nous venons proposer de donner à ce fonds une destination qui est exactement la même que celle qu’il recevrait s’il était réellement consacré à l’amortissement. La chambre sait bien que, malgré tous nos efforts, nous ne parvenons pas à éteindre la dette flottante par les excédants des recettes sur les dépenses. On nous a conviés maintes fois dans cette chambre à rechercher les moyens de couvrir cette dette, qui est une source d’embarras ; notre intention est de l’éteindre complètement.
L’honorable préopinant nous dit : par la proposition que vous faites, vous encouragez l’extension de la dette flottante. Mais c’est précisément le contraire. C’est parce que nous ne voulons plus de dette flottante, que nous proposons d’affecter à l’éteindre le fonds d’amortissement resté sans emploi.
Je regarde la dette flottante comme un danger continuel. Je ne veux donc pas, par la proposition que nous discutons, faciliter la continuation ou l’augmentation de la dette flottante ; je m’y opposerais au contraire de toutes mes forces.
On prétend que nous créons une dette perpétuelle, il n’en est rien. Nous créons, je le répète, une dette qui doit changer de nature dans huit ans, et d’ici là, si nous n’avions pas d’autres ressources, nous ne parviendrions pas même à éteindre toute notre dette flottante avec l’amortissement qui sera éventuellement réservé.
Si j’ai proposé une réduction dans l’amortissement, ce n’est certes pas avec l’intention d’affecter une somme moins forte à la réduction de la dette nationale. L’honorable rapporteur de la section centrale a très bien compris les vues du gouvernement, et j’ai vu avec plaisir que, par suite des raisons que j’ai données, il n’était pas éloigné de se rallier à la proposition du gouvernement.
Je vous prie de remarquer, messieurs, que le fonds transféré des Pays-Bas n’a pas d’amortissement. Or, il vous est annoncé par le gouvernement qu’il proposera de consacrer une somme à l’amortissement de ce fonds ; comme il peut s’élever à 80 millions de florins, l’amortissement qui serait créé, et qui n’existe pas aujourd’hui, pourrait être de 200,000 fl., c’est-à-dire de plus de 400,000 fr.
M. Devaux. - Il n’agira pas.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Rien ne nous dit que ce fonds sera converti en un 4 1/2 p. c. Si le crédit public venait d’ici à quelque temps à se développer dans une large proportion, ce serait peut-être un 3 p. c., et alors l’amortissement agirait. Il est, à la vérité, possible que ce soit un 4 1/2 p. c. ; si, dans ce cas, il y a suspension de l’action de l’amortissement pendant un certain temps, ce ne sera jamais que jusqu’à la conversion de ce fonds.
Messieurs, nous avons deux buts à atteindre, c’est d’abord d’éteindre notre dette flottante ; c’est, en second lieu, de nous créer une réserve ; lorsque ce double but sera rempli, le moment sera venu de convertir votre 4 1/2 p. c. à un fonds à intérêt moins élevé.
Qu’on ne vienne donc pas prétendre que nous proposons la suppression de l’amortissement ; il n’en est rien.
Il est cependant, messieurs, un capital dont les intérêts ne seront plus portés à charge du budget ; c’est le capital des obligations déjà amorties de l’emprunt 100,800,000 fr. A cet égard, je répéterai ce que j’ai déjà répondu à l’honorable M. Dumortier ; c’est que le présent est extrêmement grevé. Sans doute, nous devons avoir égard à ceux qui doivent nous succéder, mais il faut aussi prendre en considération que, par suite des événements politiques et surtout par suite de la construction du chemin de fer, nous nous trouvons sous un fardeau très onéreux.
Je ferai une distinction entre les emprunts : quant à ceux qui prennent leur source dans les dépenses occasionnées par des événements politiques, j’admets que la génération actuelle, devant présumer que celle qui la suivra pourra se trouver dans des circonstances semblables, doive, par cette raison, en supporter tout l’amortissement. Mais en est-il de même des emprunts contractés pour les travaux publics, pour les emprunts qui sont remplacés par d’autres valeurs qu’ils servent à créer ? Il me semble qu’on ne peut admettre d’une manière absolue le principe dont a parlé l’honorable membre, et qui consisterait à faire éteindre par la génération présente des emprunts consacrés à des travaux de cette importance, alors que ces emprunts sont compensés dans la fortune publique par d’autres valeurs à peu près équivalentes.
J’ai démontré hier que nous supportions aujourd’hui plus de 5 millions d’excédant de dépenses, par suite de la construction de nos voies ferrées : un allégement de 750,000 fr. que je viens proposer à la chambre peut être considéré, dans de telles circonstances, comme une infraction au système général de l’amortissement ? Je dis 750,000 francs, parce que c’est l’intérêt à 5 p. c. des 15 millions déjà amortis de l’emprunt de 100,800,000 francs. Selon l’honorable préopinant, nous proposerions de ne plus amortir à l’avenir, de ne plus payer nos dettes, pour me servir de ses expressions ; mais j’ai déjà établi qu’il n’en était rien, qu’au contraire, nous proposions d’établir un amortissement pour un fonds qui n’en a pas aujourd’hui.
Cet amortissement, me fait-on observer, reste suspendu. Oui, pendant un temps limité. Mais encore une fois les fonds qui seront économisés seront employés d’abord à l’extinction de notre dette flottante, et plus tard, si la chambre le juge convenable, à la création d’une réserve que, de tout temps, nous avons jugée très utile et dont on a si souvent regretté la non-existence.
M. le président. - La parole est à M. Dumortier.
Plusieurs membres. - A demain.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.