(Moniteur belge n°68, du 8 mars 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure et 1/4. La séance est ouverte.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Théodore-Edmond Plaideau, négociant à Menin, né à Lille (France), demande la naturalisation ordinaire. »
« Le sieur Jacques-Prosper Plaideau, négociant à Menin, né à Lille (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Les pilotes, matelots, rameurs et autres employés attachés à la station du pilotage d’Anvers, présentent des observations sur la proposition de la section centrale pour le projet de loi sur les pensions, de supprimer la caisse établie pour leurs veuves et leurs orphelins. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les pensions.
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j’ai quelques observations à présenter à la chambre sur l’affaire de la forêt de Chiny dont les pièces ont été imprimées aujourd’hui au Moniteur. Mais je pense qu’il convient d’attendre que l’honorable M. Smits soit présent.
M. de Haerne. - Messieurs, je prendrai la liberté d’appeler votre attention sur un arrêté qui a été porté, il y a quelque temps, par M. le ministre des finances et qui est relatif au transit des bestiaux de Hollande vers la France. Je n’ai pas besoin de vous dire, messieurs, que cet arrêté a fait naître les alarmes dans tout le pays et a surtout consterné l’agriculture. D’après les nouvelles qui m’arrivent tous les jours, je dois vous déclarer que cette perturbation est loin d’avoir cessé ; que le transit continuant, on conçoit de plus en plus des alarmes.
D’ailleurs, messieurs, il est évident aussi que si le transit du bétail hollandais vers la France continue, le marché qui jusqu’ici avait été placé en Belgique, se déplacera et se transportera sur la frontière hollandaise, et que, par conséquent, lors même que ce transit serait peu considérable dans le moment, le mal qui en résulterait serait grand et peut-être irréparable.
Messieurs, je ne vois pas pourquoi il faut faire de pareilles concessions à la France et à la Hollande. Dans mon opinion, il ne faut faire des concessions à des nations étrangères que pour autant qu’elles en fassent elles-mêmes en notre faveur. Or, la France, loin de se montrer favorable à notre égard, semble, au contraire, augmenter tous les jours ses rigueurs ; et, sur ce point, je pourrais vous citer des faits qui peut-être n’ont pas un rapport assez direct avec la question que j’ai l’honneur de traiter, mais qui cependant rentrent dans cette question, en ce qu’ils font voir que la France ne se montre nullement favorable envers nous. Les faits se rapportent particulièrement au commerce des toiles et, en particulier, au maintien toujours rigoureux du fatal amendement Delespaul, qui pèse encore sur notre commerce.
Messieurs, je désirerais avoir à cet égard quelques explications de M. le ministre des finances, afin de savoir si cet arrêté sera bientôt retiré comme tout le monde s’y attend.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, il a été plusieurs fois déjà question de cet objet dans cette enceinte ; j’ai même soumis à la chambre un rapport. Je croyais m’être expliqué à cette occasion d’une manière telle que l’inquiétude devait disparaître. J’ai déclaré à la chambre que, si le transit du bétail hollandais prenait quelque accroissement, je croirais qu’il serait de mon devoir de proposer au Roi le retrait de l’arrêté ; mais il n’en a pas été ainsi depuis que j’ai fait mon rapport. Ainsi, pendant le mois de janvier dix têtes de bétail seulement ont transité par notre pays ; je crois qu’il n’y a pas là un sujet d’alarme ; pendant le mois de février, le transit a été aussi presque insignifiant.
D’après ces faits, serait-il convenable de rapporter immédiatement l’arrêté ? Ne suffit-il pas à la chambre de savoir que le gouvernement tient un œil attentif sur les faits qui se produisent, et qu’aussitôt qu’il s’apercevra que notre industrie agricole se trouve le moins du monde menacée, il fera ce qu’il a annoncé, c’est-à-dire qu’il proposera au Roi le retrait de l’arrêté ?
M. Delehaye. - Messieurs, il s’agit d’une question très importante pour les Flandres et pour le Hainaut ; aussi, d’ici à quelques jours, il vous arrivera de cette dernière province une pétition contre l’arrêté dont il s’agit.
Il est donc de toute nécessité que le gouvernement s’explique dès aujourd’hui. J’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre des finances ; s’il veut interroger à cet égard les commissions d’agriculture des Flandres et du Hainaut, il connaîtra le véritable état des choses.
La réponse que M. le ministre des finances vient de faire à notre collègue M. de Haerne, me prouve qu’il n’a pas bien compris la question. Le nombre de têtes de bétail livré au transit est, dit-il, extrêmement limité. Cela n’est nullement étonnant ; je crois même que pendant quelque temps encore il diminuera. Aussi ce n’est pas sur ce point qu’ont porté nos plaintes. Le grand mal que produit l’arrêté, c’est que nos propriétaires engraisseurs, qui devraient acheter dans ce moment du bétail pour le mettre plus tard dans les prairies grasses, n’en feront rien s’ils ne sont pas assurés que l’arrêté sera rapporté.
Il existe deux espèces de bétail que la Hollande et la Belgique transportent en France : la première, c’est le bétail engraissé dans les prairies agricoles ; la seconde, c’est le bétail engraissé dans les distilleries agricoles. Quant à la première, tout le monde comprend que l’exportation ne peut avoir lieu qu’à la fin de l’année, alors qu’on retire le bétail des prairies, et c’est ce bétail dont la concurrence est nuisible. Quant au bétail engraissé dans les distilleries, la Hollande, réduite à ce bétail, n’y trouverait qu’à satisfaire ses propres besoins. Que le gouvernement examine la question, il verra que ce qu’il nous faut, c’est la libre entrée du bétail maigre et la prohibition du transit.
M. le président. - La section centrale propose de diviser le projet du gouvernement en deux projets. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il se rallie à cette division.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - La division est proposée à la chambre avec le consentement du gouvernement.
M. le président. - Dans ce cas, la discussion s’établit d’abord sur le projet de loi relatif à la conversion de l’emprunt.
Pour qu’il n’y ait pas de confusion dans la discussion, je prierai les orateurs de ne pas parler dans la discussion générale actuelle du second projet, qui fera l’objet d’une seconde discussion générale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, en présence du rapport de votre section centrale qui propose l’adoption de toutes les mesures essentielles du projet du gouvernement, je ne prendrais pas la parole en ce moment, si une circonstance toute particulière ne me paraissait m’en faire un devoir.
Un journal français qui nous est parvenu hier soir donne le texte d’une pétition qui aurait été adressée à M. le ministre des affaires étrangères de France par des porteurs de titres de l’emprunt de 100,800,000 fr., à l’effet de réclamer son intervention près du gouvernement belge. Dans cette pétition les intéressés nous contestent le droit de rembourser au pair la partie de cet emprunt qui n’est pas encore amortie.
Déjà vous avez pu prendre connaissance de cette pétition reproduite par nos journaux de ce matin, et vous aurez sans doute remarqué qu’elle ne repose sur aucun motif sérieux ; en effet, prétendre que le gouvernement belge, en s’imposant par le contrat l’obligation de créer un amortissement de 1 p. c. par an pour le rachat d obligations de cet emprunt, sans jamais dépasser le pair, s’est par cela même interdit la faculté, qu’il tire du droit commun, de rembourser à toutes époques la dette au pair, c’est recourir à un véritable sophisme et prouver l’absence de toute raison solide. Aussi, je ne vous aurais pas entretenus de cette pétition, si elle ne renfermait une allégation qui, si elle était vraie, ne pourrait rien ôter à notre droit, mais serait de nature à faite supposer à ceux qui ne connaissent pas les faits, que nous avons pu un instant douter de ce droit.
Messieurs, je vais lire le passage de la pétition auquel je fais allusion. Il s’agit d’une citation tout à fait inexacte d’une clause du contrat d’emprunt de 1842. Les intéressés s’expriment de cette manière :
« En présence de stipulations aussi claires, aussi positives, les soussignés, en se rendant, avec confiance, acquéreurs de fonds belges de l’emprunt dont il s’agit, et cela, pour le plus grand nombre, à des prix bien au-dessus du pair, ont dû se considérer comme parfaitement à l’abri de toute réduction d’intérêt ou de tout remboursement au pair, autre que celui stipulé et limité par le contrat dans les termes si précis qui viennent d’être (mot illisible). Ils ont dû avoir à cet égard une sécurité d’autant plus grande que dans le contrat de l’emprunt de 1842, le gouvernement belge voulait se réserver une faculté qu’il n’avait ni prévue ni stipulée dans l’emprunt de 1831-1832, a senti lui-même la nécessité d’insérer la clause suivante :
« Le gouvernement a la faculté d’augmenter l’importance de l’amortissement. »
Messieurs, c’est précisément le contraire qui se trouve dans le contrat de 1842. Le gouvernement belge n’a pas stipulé qu’il aurait la faculté d’augmenter l’importance de l’amortissement ; cela eût été absurde mais il a consenti à renoncer pendant six ans à l’exercice du droit de remboursement, ce qui est bien différent. Voici le texte de cette clause :
« Le gouvernement belge s’interdit formellement, pendant six années, à compter de ce jour, la faculté de rembourser au pair les obligations partielles du présent emprunt. »
On voit qu’il y a loin de là à la clause imaginaire invoquée dans la pétition.
Il a donc fallu une disposition spéciale pour que, pendant ces six années, le gouvernement ne pût user de la faculté qu’il a toujours de rembourser ses emprunts, et puisqu’une disposition semblable n’à pas été insérée dans les contrats de 1831 et de 1832, il est évident que le droit de rembourser l’emprunt dont nous nous occupons a toujours existé.
Au surplus, messieurs, les dispositions des contrats de 1842 et de 1840, qui sont relatives à l’amortissement, ne sont que la reproduction de celles qui se trouvent dans les contrats des emprunts de 1831-1832, sauf seulement que, d’après les intentions du gouvernement belge, le tirage au sort des obligations, pour en effectuer le remboursement au pair, a été supprimé dans les derniers contrats.
Voici comment sont conçues ces dispositions dans les contrats du 19 décembre 1831 et du 11 septembre 1832, qui concernent l’emprunt dont nous proposons la conversion, et dans ceux du 12 novembre 1840 et du 8 octobre 1842 :
« Par le présent contrat le gouvernement belge assure aux maisons contractantes et par suite, aux porteurs des obligations partielles, la jouissance des intérêts à 5 p. c. l’an. Le gouvernement belge assure en outre la formation d’un fonds d’amortissement annuel de 1 p. c. du capital nominal du présent emprunt, qui devra être employé à Paris, semestre par semestre, au rachat successif des obligations partielles, comme il sera stipulé ci-après ;
« Il sera donc prélevé et réservé, chaque semestre, sur les revenus et biens de l’Etat, la somme nécessaire pour assurer non seulement le paiement exact et régulier du présent emprunt, mais encore son amortissement successif, faisant ensemble une somme de …. à payer chaque année, à Paris, soit … par semestre ; l’intérêt annuel de 5 p. c. sur les obligations amorties devant être ajouté successivement au fonds d’amortissement, de manière que ladite somme de … soit régulièrement employée à servir les intérêts et à accroître progressivement l’amortissement du présent emprunt jusqu’à son extinction totale, par le moyen dudit amortissement progressif. »
La maison avec laquelle ont été contractés les emprunts de 1831-1832 est intervenue aussi dans les contrats de 1840 et de 1842 ; en faisant insérer dans ces derniers une clause qui suspendait pendant six ans l’exercice du droit de remboursement, elle a elle-même implicitement reconnu ce droit sans réserve quant aux premiers emprunts.
Messieurs, je ne vous entretiendrai pas plus longtemps de la pétition qui a fait l’objet des observations que je viens de vous présenter, mais puisque j’ai la parole, j’appellerai un instant votre attention sur un passage de l’exposé des motifs du projet de loi, où il est parlé des 80 millions de florins mentionnés au n°6 de l’art 63 du traité du 5 novembre 1842.
Quoique le gouvernement ne se soit exprimé, au sujet de cette partie de la dette, que d’une manière tout à fait hypothétique, quelques personnes ont cru qu’une négociation approchant de son terme était entamée avec le gouvernement néerlandais. Je dois déclarer que c’est là une erreur et qu’il ne s’agit que d’une simple éventualité ; le gouvernement a voulu faire connaître à la chambre que, dans des circonstances favorables, une pareille négociation pourrait avoir lieu.
M. Rodenbach. - Messieurs, je demanderai si M. le ministre des affaires étrangères de France s’est adressé à M. le ministre des affaires étrangères belge, relativement à cette pétition. S’il n’en est pas ainsi, je crois qu’il est au-dessous de la dignité de la chambre, et au-dessous de la dignité d’un ministre de répondre à des assertions de journaux français.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je n’ai reçu aucune communication de mon collègue, M. le ministre des affaires étrangères. Mais le journal qui a reproduit cette pétition est fort répandu, et son opinion est de nature à exercer quelque influence. J’ai d’ailleurs fait l’observation que je n’aurais pas parlé de cette pétition, si elle ne renfermait une allégation erronée sur un fait très important. C’est surtout pour rectifier ce fait que j’ai pris la parole.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, la pétition dont on vient de parler ne porte aucune signature. Elle ne nous a pas été communiquée par la voie diplomatique, et dès lors il me semble que nous ne devons y faire aucune attention.
Nous devons y faire d’autant moins d’attention qu’aucun des créanciers belges, dont certainement les droits et les intérêts doivent nous être beaucoup plus chers que ceux des porteurs français, n’a fait la moindre observation ; que dans les sections également la question de droit n’a pas soulevé la moindre discussion.
Je bornerai là mes observations, me réservant de répondre dans le cas où la question de droit serait contestée.
M. d’Huart. - Messieurs, je trouve, contrairement à ce que viennent de dire deux honorables préopinants, que M. le ministre des finances a très bien fait de prendre la parole dans cette circonstance ; c’est ici une affaite de confiance, de crédit public, et il est bon que toutes les objections, n’importe d’où elles viennent, soient réfutées et que le plus léger doute ne puisse subsister sur notre droit d’adopter et d’adopter loyalement la mesure proposée.
Je sais donc gré à M. le ministre des finances des explications qu’il a données ; j’étais à me demander, messieurs, en présence de la pétition dont on vous a parlé, si je n’avais pas mal lu le contrat de l’emprunt de 1842, car cette pétition rapporte comme étant l’une des stipulations de ce contrat une disposition qui se trouve dans la réalité être le contraire de celle qu’elle renferme réellement. Les explications de M. le ministre des finances ont rétabli la vérité des faits et prouvé surabondamment que la Belgique a le droit, comme tout particulier, de rembourser sa dette et qu’elle peut user librement de ce droit, si elle le juge convenable.
M. de Corswarem. - Comme la chambre doit rechercher le plus grand intérêt de la nation dans tout ce qu’elle contribue à faire, nous devons examiner, avec la plus grande attention, si dans le projet qui nous est soumis, l’intérêt national n’a pas été perdu de vue, et je crois qu’il en est ainsi dans le projet soumis à nos délibérations par la fixation à 4 1/2 p. c. de l’intérêt. J’essayerai de le prouver plutôt en l’indiquant qu’en le développant, car je n’en ai pas suffisamment les moyens.
D’après le prix courant formé pour fixer la valeur des effets publics, afin de régler le droit de succession, notre fonds 4 p. c. avait atteint dès
le 5 décembre 1843, 98
le 12 décembre, 98
le 19 décembre, 98
le 26 décembre, 98
le 5 mars 1844, il était à 99 1/4.
Ce qui fait espérer qu’il atteindra bientôt le pair.
Si l’ancien 4 p. c. atteint le pair, pourquoi un nouveau ne l’atteindrait-il pas ? Je ne vois vraiment pas pourquoi. Mais pour ne pas éprouver le mécompte, prenons la chance la plus désavantageuse, et supposons que le nouveau fonds à 4 p.c. ne s’émette qu’à fr. 98, soit à 1/4 en-dessous de ce que l’ancien est en ce moment, nous perdrons 2 p. c. sur le capital ; mais comme nous regagnerons chaque année 1/2 p. c. sur les intérêts, ceux-ci compenseront en quatre ans la perte essuyée sur le capital. A l’expiration des 4 ans, nous gagnerons donc chaque année, 426,000 fr. sur les intérêts, dont le taux se trouvera alors bien plus rapproché de 3, ce qui donnera, dans la suite, une facilité inappréciable pour réduire votre taux à 3, si tant est que nous voulions le faire un jour.
Je n’admettrai donc pas l’intérêt à 4 1/2 et ne puis admettre le paragraphe de l’art. 8 portant, etc.
Avec cette disposition nous ne pourrions amortir, lorsque les obligations seront au-dessus du pair. Et quand le seront-elles ? Lorsque l’Etat se trouvant dans une ère de prospérité, inspirera une grande confiance au public. Ainsi, plus l’Etat sera prospère, plus il inspirera de confiance et plus il sera à même de se libérer de ses dettes, et moins il pourra le faire. Mais, dès que l’Etat se trouvera dans la gêne, dans l’embarras, qu’il éprouvera des difficultés extérieures ou des troubles intérieurs, que la confiance qu’il inspire diminuera, que son crédit décroîtra, les obligations vont descendre au-dessous du pair, alors l’Etat, quand il le trouvera moins convenable, sera obligé d’employer 1 p.c. à l’amortissement et il devra donner fr. 1,000 pour le rachat d’un titre qui n’en aura peut-être coûté que 700 ou 800 au porteur.
Ainsi, la chance défavorable est laissée à l’Etat, et la chance favorable est laissée à ses créanciers, tandis que les chances devraient au moins être égales.
Aujourd’hui on dit que l’amortissement est cause que nos fonds 1 p. c. ne se sont pas élevés davantage, parce que personne n’a osé donner plus de fr. 107 pour un titre qu’il risquait de se voir rembourser pour fr. 100. Mais la même chose va arriver si vous laissez l’intérêt à 4 1/2 ; car alors les obligations dépasseront immédiatement le pair, puisque le pair est déjà à peu prés atteint par celles à 4.
L’amortissement ne doit pas être restrictif de l’élévation de nos fonds, comme il l’est aujourd’hui et comme il le sera si l’intérêt est fixé à 4 1/2 ; au contraire, il doit être impulsif de cette élévation, et il le sera si l’intérêt est fixe 4, et il le sera tellement, qu’à ce taux d’intérêt les obligations resteront constamment au pair ou n’en différeront que de peu de chose en plus ou en moins.
Lors de la discussion des articles, je proposerai donc la réduction de l’intérêt à 4 p. c. et la suppression de la disposition qui interdit au gouvernement la faculté d’amortir lorsque le fonds aura atteint le pair, à moins qu’il ne me soit prouvé que je suis dans l’erreur.
M. d’Hoffschmidt. - Je commencerai par féliciter le gouvernement d’avoir présenté le projet de loi qui nous est soumis, Depuis longtemps la conversion de notre emprunt de 1832 est réclamée. En proposant cette grande opération financière, le gouvernement est sûr d’avoir l’assentiment public, et l’accueil que le projet a reçu dans les sections et dans la section centrale démontre qu’il peut aussi compter sur le concours de la législature.
Quant aux possesseurs du fonds 5 p. c. de 1832, ils doivent également être satisfaits du projet de loi. Depuis longtemps, ils devaient s’attendre à la conversion de ce fonds. En 1835, il en avait été grandement question. En 1838, mon honorable ami, M. d’Huart avait présenté un projet de loi dans ce but. Vous connaissez les circonstances qui en ont empêché la mise à exécution. Depuis lors, on peut dire que cette question a toujours été en quelque sorte à l’ordre du jour.
D’un autre côté, les conditions stipulées dans le projet de loi sont de nature à apporter tous les ménagements possibles en faveur des rentiers.
D’abord on ne vous propose de réduite que d’un 1/2 p. c. l’intérêt dont ils jouissent ; Ensuite on leur assure la jouissance pendant 8 ans, de l’intérêt de 4 1/2. Enfin, on leur assure l’intérêt à 5 p c. jusqu’au 1er novembre de cette année.
Aussi, il en est résulté qu’aucune réclamation ne s’est élevée contre le projet qui nous est présenté.
En effet, je ne pense pas que nous devions nous arrêter à celle dont vous a entretenus tout à l’heure M. le ministre des finances. Cette réclamation ne peut exercer aucune influence sur vos décisions. D’ailleurs M. le ministre a répondu victorieusement aux objections présentées dans cette réclamation que nous avons tous lue dans les journaux.
J’ajouterai avec un honorable préopinant que j’approuve complètement M. le ministre des finances d’avoir réfuté les assertions erronées contenues dans cette pétition. Il est essentiel, dans une opération aussi importante pour le pays qu’il ne puisse rester le moindre doute sur les conditions du contrat, ni sur le droit de rembourser de la part de l’Etat.
Comme personne, en Belgique, ne conteste ce droit, nous n’avons donc ici à examiner que l’opportunité de la mesure, et le mode de la conversion projetée.
Quant à l’opportunité politique, elle est de toute évidence. L’Europe jouit d’une paix profonde, que rien ne semble devoir troubler. L’entente cordiale qui règne entre l’Angleterre et la France (on rit) ; cette entente cordiale, dis-je (car c’est le mot adopté), qui avait paru un moment menacée par les événements de Taïti, semble maintenant tout à fait raffermie, et c’est une nouvelle garantie de la paix du monde.
Quant à l’opportunité financière de la mesure, elle n’est pas moins évidente que l’opportunité politique. Nos différends financiers avec la Hollande sont terminés ; les questions qui restaient à résoudre avec la société générale sont aujourd’hui résolues. Notre crédit public, quoiqu’il ne soit pas aussi élevé qu’il devrait l’être, est cependant bien affermi et tend constamment à s’élever. Ainsi, sous le rapport de l’opportunité et de l’utilité, la mesure ne peut être contestée.
Quant aux moyens d’exécution, il paraît qu’ils n’ont pas reçu tous l’approbation des sections. Plusieurs sections voudraient la conversion en un emprunt à 4 p.c., et tout à l’heure vous avez encore entendu un honorable préopinant soutenir cette opinion. La section centrale a repoussé cette proposition ; à l’unanimité, elle a adopté le système du gouvernement. Quant à moi, je partage entièrement cette manière de voir. Que devons-nous chercher principalement dans l’opération si importante qu’il s’agit d’autoriser ? Nous devons chercher avant tout à assurer le succès de cette opération ; et, en second lieu, à ne point froisser les rentiers, à obtenir leur approbation.
Le gouvernement n’est point un débiteur ordinaire ; il doit, dans l’intérêt de son crédit, ménager l’opinion des rentiers, surtout lorsqu’il doit leur faire encore un appel. Eh bien, messieurs, avec le 4 1/2 p. c. le succès de l’opération n’est point douteux. La conversion se fait sans accroissement de capital ; elle se fait sans avoir besoin du secours des banquiers, dont l’intervention est toujours plus ou moins coûteuse ; elle se fait avec les moyens si simples qui vous sont indiqués par l’art. 4 du projet. Aussi, messieurs, que vous dit la section centrale ? Voici en quels termes la section centrale vous expose les inconvénients qu’il y aurait à réduire à un taux moindre que 4 1/2 p. c.
« Une nouvelle émission de 4 p.c. pour une somme de 85 millions ne pourrait donc avoir lieu qu’au moyen d’une prime ou d’une augmentation de capital, qui détruirait tout l’avantage obtenu par la réduction dans le taux de l’intérêt.
« Il est bon d’ailleurs d’opérer les conversions graduellement, et de manière à ce qu’il n’en résulte pas de perturbations dans les revenus d’une certaine classe de rentiers, qui se verraient engages peut-être, en cas d’une réduction trop brusque, à chercher des placements plus productifs en apparence, mais bien moins assurés, que sur le crédit de l’Etat. »
Ainsi, messieurs, nous devons songer avant tout à assurer le succès de l’opération. Nous débutons en quelque sorte dans cette carrière, nous entrons, comme on l’a fort bien dit, dans une voie nouvelle, des réductions successives ne peuvent pas manquer d’avoir lieu ; dès lors il importe essentiellement au succès des opérations à venir que celle-ci, non seulement ne puisse pas manquer, mais ne soit entravée par aucune espèce d’embarras.
D’ailleurs, le système de la conversion, par des réductions modérées et successives, paraît être généralement préféré maintenant. On vous a déjà cité l’Angleterre. En Angleterre, quatre conversions de la rente ont eu lieu depuis 1822 ; trois de ces réductions ont été de 1/2 p. c. d’intérêt chacune ; en 1826, il y a eu conversion de 70 millions de rente, 4 p.c. en 3 1/2 p. c. ; en 1830, 151 millions de rente 4 p. c. ont été converties en 3 1/2 p. c., et en 1834 10 1/2 millions de rente 4 p. c. ont été également réduits en 3 1/2 p. c. ; ces trois opérations ont eu lieu sans augmentation de capital. La quatrième a été faite en 1822 ; on a réduit alors pour 187 millions de rentes à 5 p. c. en 4 p. c., ainsi avec une diminution d’un pour cent sur l’intérêt, mais il en est résulté une augmentation considérable de capital.
Quant à la France, messieurs, vous connaissez tous le projet de réduction proposé en 1824 par M. de Villèle ; ce projet tendait à réduire 140 millions de rente 5 p. c. en 3 p. c. ; on conseilla à M. de Villéle de réduire à 4 1/2 ; il ne le fit point, et ce fut là un des principales causes de l’échec qu’il essuya à la chambre des pairs. Les rentiers français, les rentiers de Paris surtout, effrayés d’une diminution de 5 à 3 p. c. sur leurs revenus se plaignirent vivement, et la chambré des pairs, influencée par ces plaintes, rejeta la proposition de M. de Villèle.
Vous savez, messieurs, qu’en 1840 un autre projet de conversion fut discuté en France ; ce projet tendait à réduire la rente en 4 1/2 et en 3 1/2, au choix des rentiers ; la chambre des députés rejeta la proposition en ce qui concernait le 3 1/2, mais elle adopta la réduction en 4 1/2 p. c ; vous connaissez tous, du reste, messieurs, les circonstances qui empêchèrent la mise à exécution de ce projet.
En Prusse, d’après ce que nous voyons dans l’exposé des motifs, il paraît que le système d’une réduction modérée et successive de la rente a été également adopté.
Or, messieurs, pour nous, qui, je le répète, débutons dans cette carrière, comment irions-nous brusquer la conversion, dans l’espoir de faire une économie un peu plus forte, économie qui ne peut manquer de se réaliser plus tard ; comment irions-nous, en voulant marcher trop vite, nous exposer à faire manquer peut-être complètement la conversion ?
Aussi, messieurs, je n’hésite pas, quant à moi, à approuver complètement le projet de conversion en ce qu’il a de plus essentiel, la réduction à 4 1/2 p. c.
Une autre disposition du projet a été aussi combattue dans les sections, c’est celle qui fixe à 8 ans le terme pendant lequel le remboursement ne pourra avoir lieu ; plusieurs sections ont proposé de réduire ce terme à 6 années, mais la section centrale, à la majorité, a adopté le terme de huit ans. Je ne vois pas d’abord que cette différence de deux années puisse avoir une grande importance pour l’Etat, et maintenant que le terme de 8 ans est déjà annoncé, que les rentiers en ont connaissance, il y aurait certes des inconvénients à le diminuer. D’ailleurs on a prévu, sans doute, comment seraient échelonnées les réductions successives et je pense qu’il ne faut pas déranger de semblables plans.
En second lieu, cette disposition est de nature à favoriser l’essor que doit prendre le nouveau fonds, et cela est d’autant plus important que l’élévation de ce nouveau fonds à 4 1/2 peut exercer une influence heureuse et sur l’emprunt qui doit avoir lieu bientôt et sur les réductions successives de notre rente qui seront sans doute opérées dans l’avenir.
Messieurs, je n’en dirai pas davantage maintenant sur les conditions de la conversion qui nous est proposée, sauf à y revenir dans la discussion des articles, si je le crois nécessaire, Je me résume donc, et je dis que l’utilité et l’opportunité du projet me paraissent évidentes, que le mode d’exécution me semble parfaitement conçu et que l’économie qui doit en résulter est fort avantageuse dans un moment où nous cherchons à rétablir l’équilibre dans notre situation financière.
En conséquence, je donnerai mon approbation au projet.
M. Dumortier. - Messieurs, le projet en discussion repose sur deux principes différents : la conversion de la rente de 5 en 4 1/2 p. c., et l’anéantissement du fonds de l’amortissement acquis jusqu’à ce jour au trésor. Quant à la conversion de la rente, je n’ai aucune objection à y faire ; il me paraît que lorsque l’intérêt de l’argent est diminué considérablement dans le pays, l’Etat est en droit d’offrir aux porteurs des titres de l’emprunt, soit le remboursement, soit un intérêt réduit, et que puisque nous pouvons aujourd’hui voir diminuer l’intérêt de notre dette sans en augmenter le capital, nous devons certainement appuyer une semblable mesure, qui d’ailleurs avait déjà été proposée en 1838 par mon honorable ami M. d’Huart.
Mais, messieurs, en est-il de même quant à la deuxième question dont j’ai parlé ? Est-ce une chose bonne et utile que d’absorber le fonds acquis pour l’amortissement de l’emprunt ? Est-ce là une bonne politique, est-ce là une politique d’avenir ? Je dois le dire, sur cette deuxième question, je partage une opinion tout à fait différente de celle de M. le ministre des finances et de la section centrale.
Comment l’emprunt de 1831 et les emprunts contractés plus tard ont-ils été organisés ? Le premier de ces emprunts, dont les conditions ont servi de base à la conclusion de tous les autres, cet emprunt a été organisé de manière que chaque année 1 p. c. du capital était affecté à son amortissement et que les intérêts composés de ces sommes ainsi que des obligations amorties profitaient à l’amortissement, ce dont il devait résulter qu’au bout de 32 ans, au moyen des intérêts composés, l’emprunt aurait été entièrement éteint. Vous comprenez, messieurs, que dans cette opération les premières années sont fort peu productives.
Mais vous savez aussi qu’au moyen de calculs d’intérêts composés, quand vous arrivez aux années les plus rapprochées du terme, l’amortissement s’avance avec une rapidité considérable, et qu’en peu d’années, vous avez des capitaux énormes acquis à l’amortissement.
Jusqu’aujourd’hui, nous avons amorti pour une période de 12 ans et depuis 1831 jusqu’à 1844, les fonds étant votés pour l’année, nous avons fait face à l’amortissement de douze années pleines.
Ainsi, nous avons fait déjà les deux cinquièmes de la course que nous avons à parcourir, pour arriver à l’amortissement complet de l’’emprunt ; en d’autres termes, si nous continuons le mode actuel d’amortissement, tout en admettant la réduction de la rente, dans 22 ans la Belgique sera sublevée d’une charge de 100 millions qui pèse sur le trésor public.
Voilà maintenant la question que je me pose :
Est-ce une bonne opération, au point de vue de l’avenir du pays, que de sacrifier le fonds que nous avons annuellement consacré à l’amortissement pendant douze années, lorsqu’il est manifeste qu’au bout de vingt-deux ans nous arriverons à l’amortissement de l’emprunt de 100 millions, qui est la charge la plus lourde de notre dette publique.
Depuis la révolution, nous avons contracté environ 300 millions d’emprunt : le premier emprunt, fait en 1831, a été de 100 millions ; celui de 1832, de 30 millions ; celui de 1838, de 50 millions ; celui de 1840, de 87 millions, et celui de 1842, de 28 millions ! Ce qui fait un chiffre rond de 300 millions de francs en onze années.
Nous ne sommes pas au bout de nos emprunts et quoique nous devions désirer de voir la Belgique sortir de la voie des emprunts, nous ne devons pas nous faire illusion ; plus d’une fois nous serons encore obligés de contracter des emprunts ; or, je vous le demande, en présence d’une pareille éventualité, ne serait-ce pas un bien que de maintenir le système actuel d’amortissement au moyen duquel nos emprunts étaient échelonnés, système par lequel nous devrions arriver en 32 ans à l’anéantissement de notre premier emprunt et successivement de tous les autres ?
Messieurs, dans les gouvernements, la première pensée de l’homme d’Etat est de voir l’avenir et surtout quand il s’agit de finances. Eh bien, il me paraît qu’on ne tient pas assez de compte de l’avenir, en sacrifiant pour un besoin présent et auquel nous pouvons satisfaire par d’autres moyens ; en sacrifiant, dis-je, les deux cinquièmes de la course que nous avons faite pour arriver à l’extinction totale de notre premier emprunt, et cela au moment où les capitaux acquis à l’amortissement vont commencer à produire des résultats réellement fructueux.
J’appuie donc, pour mon compte, la conversion de la rente ; mais je ne saurais admettre la suppression du fonds d’amortissement, parce que ce fonds doit produire d’année en année des capitaux plus considérables et nous montrer, dans un avenir peu éloigné, la suppression d’une partie de la dette publique.
Si cette réduction qu’on nous propose doit avoir pour résultat d’alléger quelque peu les charges de notre budget des dépenses, nous allons, d’un autre côté, ajourner à 34 années, l’acquittement de l’emprunt de 100 millions ; et évidemment, c’est là l’ajourner indéfiniment, Or, un pays comme un particulier doit songer au payement de ses dettes, s’il ne veut voir obérer son avenir.
Consultez, messieurs, l’expérience de toutes les nations qui ont fait des emprunts, elles vous diront qu’aucune d’elles n’est arrivée à la fin de ses emprunts, si ce n’est au moyen d’un système combiné d’emprunts échelonnés et d’amortissement complet dans un temps donné. Et qu’est-il arrivé dans tous les pays qui n’ont pas suivi ce système ? C’est que le fonds d’amortissement, devenant un fonds vague, illusoire, un fonds roulant, n’y a amené aucun résultat sérieux, aucune suppression de la dette publique.
La Belgique, au contraire, avec son système d’emprunts et d’amortissement échelonnés, aurait la certitude d’arriver à l’extinction de ses dettes, et si les besoins du pays nous commandaient de contracter des dettes nouvelles, la Belgique n’aurait pas la perspective d’être grevée, dans l’avenir, d’une somme qu’elle ne pourrait peut-être pas payer.
Nous voulons réduire le fonds d’amortissement pour réduire un peu nos charges, et cependant il y a d’autres moyens financiers auxquels on peut recourir pour établir l’équilibre entre nos recettes et nos dépenses. Songez-y bien, la somme que nous allons effacer de notre budget et qui était consacrée à l’amortissement de l’emprunt, sera employée, non pas à anéantir notre dette, mais à nous jeter dans de nouvelles dépenses, car l’expérience démontre qu’on se laisse entraîner facilement à des dépenses nouvelles, et il arrivera donc que la somme qui était destinée à amortir notre dette sera consacrée à augmenter les dépenses, sans bénéfice pour le trésor public.
Je le répète donc, je ne puis approuver le système de suppression du fonds d’amortissement. Je désire que ce fonds reste acquis à l’emprunt ; Réduisez le taux de l’intérêt, je le veux bien, mais ne supprimez pas le fonds d’amortissement, ayez un peu soin de l’avenir du pays. Supprimer le fonds d’amortissement, ce serait un acte de mauvaise politique, de véritable imprévoyance. Je dis que dans un pays il importe d’amortir chaque année la dette, et d’une manière efficace, parce qu’il est impossible que le pays ne crée pas de temps en temps une dette nouvelle.
Il y a plus, par le projet de loi, on vous propose de suspendre l’amortissement lorsque l’emprunt aura atteint le pair. Or, le 4 1/2 p. c. est déjà un intérêt qui excède le pair, en sorte que, dès le moment de l’émission, le taux de l’emprunt dépassera le pair. C’est donc ordonner par la loi la suppression de l’amortissement des emprunts, et alors ne voit-on pas que nous créons une dette perpétuelle, au lieu d’une dette qui devait finir dans 22 ans ? Ce n’est pas tout, je vois encore un vice dans le système qui nous est présenté.
L’art. V porte
« Il pourra éventuellement être émis des bons du trésor pour faire face aux remboursements à effectuer. »
Eh bien, à mes yeux, ce système est éminemment vicieux, parce qu’il tend de plus en plus à faire augmenter le chiffre des bons du trésor qui sont, l’expérience l’a démontré, le côté vicieux de nos opérations financières.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - C’est momentané
M. Dumortier. - C’est momentané, soit ; mais nous avons à faire à des hommes très habiles en France, et ceux qui viennent de réclamer dans ce pays ne seront pas assez maladroits.
Un membre. - Pourquoi leur indiquer cela ?
M. Dumortier. - Soyez sans inquiétude, ils savent cela aussi bien que moi, car, Dieu merci, je ne me flatte pas d’être plus habile que les hauts barons de la finance en France. Voici donc ce que je voulais dire : c’est que si une ou plusieurs personnes accumulent quinze ou vingt millions de l’emprunt que vous allez convertir, et vous en demandent le remboursement, n’est-ce pas un fâcheux moyen que de devoir, pour y faire face, recourir à une émission de bous du trésor pour quinze ou vingt millions ?
Comment les négocierez-vous ? Vous devrez les négocier au-dessus du pair ; lorsque vous les aurez négociés au-dessus du pair, on vous fera ensuite la loi pour un emprunt subséquent. Il y a donc un vice réel dans le système de la loi, puisque nous mettons le trésor public à la merci de personnes qui viendront infailliblement nous faire la loi. J’aurais préféré que le gouvernement fût autorisé à émettre un emprunt de 4 1/2 p. c. jusqu’à concurrence de la somme à rembourser.
Voilà les observations que je voulais soumettre à la chambre. Elles me paraissent avoir quelque importance, et je désire qu’on les rencontre.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, les observations des honorables membres qui viennent de prendre la parole, portent principalement sur trois dispositions de la loi. La première, c’est la conversion en obligations de 4 1/2 p. c., qu’on voudrait voir remplacer par des obligations d’un moindre intérêt.
La seconde, c’est la suspension éventuelle et la suppression partielle de l’amortissement. La troisième est relative aux émissions des bons du trésor, que le gouvernement demande pour faire face aux remboursements qu’on pourrait réclamer.
La discussion générale n’aurait dû porter que sur les principes de la loi.
Les trois dispositions dont je viens de parler seront beaucoup mieux discutées lorsque nous arriverons aux articles. Je me réserve donc de répondre à l’honorable M. Dumortier, lorsque nous en serons à l’art. 7, parce que cet article comprend effectivement tout ce qui est fondamental, quant à l’amortissement.
Je crois cependant devoir dès à présent rencontrer les objections qui ont été présentées par l’honorable M. de Corswarem, pour prévenir les nouvelles objections qu’il se propose de faite, lorsque nous serons arrivés à l’art. 9.
Il est bien vrai que le 4 p.c. est coté maintenant, à Bruxelles, à 99 1/4 et que déjà au mois de décembre il était à 98. Mais cette cote, qui existe, à cause du petit nombre de ces obligations en circulation, ne doit nullement déterminer le cours auquel vous pourriez faire une nouvelle émission de 85 millions. Certainement, si tous les rentiers, tout en acceptant la conversion que vous leur faciliteriez au moyen d’une prime sur le capital, venaient les jeter sur la bourse, vous pourriez avoir, dans le cours du 4 p. c. une dépréciation qui rendrait l’opération impossible. Ce à quoi nous devons veiller, c’est de faire en sorte qu’il y ait le moins de mutations possibles dans les titres, c’est de faire enfin que l’opération se fasse sans aucune secousse, qu’elle ne puisse ouvrir un champ à l’agiotage.
Et ici je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur ce qui s’est passé en France lors de première conversion proposée par M. de Villèle. C’est précisément à cause des fausses mesures prises par ce ministre, qu’il a compromis le succès de l’opération. Le 29 novembre 1823, la rente française n’était qu’à 90 pour cent. Monsieur de Villèle imagina la mesure, uniquement pout favoriser sa grande opération de l’indemnité aux émigrés, opération qu’il méditait alors. Que fit M. de Villèle ? Il s’assura du concours d’une compagnie puissante de banquiers, à la tête de laquelle se trouvaient les trois maisons Rothschild, la maison Baring et la maison Laffitte ; elles avaient derrière elles tout ce que la finance comptait de plus puissant à Amsterdam, à Vienne, à Londres, etc. Enfin, si mes renseignements sont exacts, tous ces banquiers étaient parvenus à réunir un capital de 600 millions La conversion fut annoncée le 23 mars 1824 dans le discours du trône.
Le 5 avril, la loi fut proposée à la chambre des députés. Elle fut votée le 5 mai. Qu’est-il arrivé ? On s’était assuré le concours des banquiers, mais non celui des rentiers. C’étaient cependant ceux-là qu’on devait consulter, il fallait voir quelle était la position effective de la rente. Cinquante-sept millions de rente, c’est-à-dire près d’un milliard deux millions de francs, se déclassèrent, les rentiers vendirent aux spéculateurs. Du 31 mars au 5 avril, le report sur la rente, c’est-à-dire l’intérêt que payent les spéculateurs pour reporter leurs achats du premier à la fin du mois, était de 1/2 sur la rente et jusqu’à 2 p. c. sur d’autres valeurs.
On avait voulu réduire l’intérêt de 5 à 4 p. c., et il s’était élevé à 18 et 24 p. c.
C’est alors que la chambre des pairs voyant ce qu’il y avait de grave dans la situation, que la volonté des banquiers devait se briser devant la volonté des rentiers, rejeta la loi et sauva le pays du danger où il se trouvait de devoir manquer à ses engagements, et les différentes maisons engagées dans cette mesure imprudente de ne pas pouvoir remplir les leurs. Voilà les dangers que nous avons dû chercher à éviter. C’est la première tentative de ce genre qu’on fait en Belgique, que, c’est pourquoi nous avons dû opérer une conversion qui trouve en quelque sorte un assentiment universel, de façon que si des remboursements devaient avoir lieu ils fussent en faible minorité. Le gouvernement doit avoir par là la certitude morale de pouvoir faire face à tous les remboursements demandés.
C’est ainsi que les choses se sont passées en Angleterre. On a choisi le moment opportun, celui où l’on n’avait pas de secousse à craindre, et la mesure a eu un plein succès, ainsi que dans tous les pays où on l’a tentée avec prudence. En 1822, lors de la première conversion de trois milliards et demi de francs, il n’y a eu de remboursements demandés que pour soixante à soixante-dix millions de francs. En 1826, lors de la seconde opération, qui portait sur près de deux milliards de francs, les remboursements se sont élevés à cent cinquante millions de francs.
Mais là, à cause d’une clause qui ne permettait le remboursement qu’en prévenant les détenteurs six mois à l’avance, il a fallu demander leur assentiment à la conversion.
Une troisième conversion a eu lieu en 1830, et il n’a été remboursé que 50 à 60 millions sur près de quatre milliards. Enfin en 1834, sur 250 millions de francs ; on n’a pas demandé le remboursement d’une seule livre sterling.
Lorsqu’en 1842 la Prusse réduisit de 4 à 3 1/2 p.c. 99 millions de thalers, les demandes de remboursements se sont élevées à 6,500 th. c’est-à-dire, à la somme modique de 24 à 25 mille francs.
Voilà pourquoi la section centrale, à l’unanimité, a écarté la conversion à 4 p. c. pour concilier les intérêts des rentiers avec la sécurité que le gouvernement doit trouver dans l’exécution de l’opération.
M. Meeus. - Depuis longtemps, comme on l’a fort bien dit, il y a unanimité d’opinion sur l’opportunité de la conversion de l’emprunt de 1831. La question de savoir comment cette conversion devait s’opérer est une question, de sa nature, extrêmement délicate, et j’avoue franchement que, quant à moi, dans la position où se trouve la Belgique, la mesure proposée par le gouvernement étant une mesure de prudence. Je n’oserais la combattre. Qu’il me soit permis de le dire cependant, tout en donnant mon vote au projet de loi, je regrette les inconvénients du système adopté. La mesure proposée, messieurs, à côté de tous les avantages que la prudence commande dans les circonstances actuelles, aura, n’en doutons pas, cet inconvénient de comprimer encore l’élan du crédit national.
En effet, le 4 1/2 p.c. remboursable dans 8 ans, à quel taux voulez-vous qu’il soit coté ? Si dans les premiers moments je suppose qu’il s’élève à 104, ce sera que l’acquéreur ou le possesseur de ce fonds se contente d’un intérêt de 4 p. c., car les 4 fr. de prime devront nécessairement être sacrifiés à la huitième année, lors du remboursement. Dès lors, vous le voyez, le système adopté, je déclare de nouveau que je n’oserais pas le combattre, a cet inconvénient de comprimer le crédit national.
Messieurs, je suis amené à cette considération surtout par les réflexions que vous a présentées notre honorable collègue M. de Corswarem. C’est une question de savoir, quoi qu’en ait dit l’honorable rapporteur, si les rentiers ne préféreraient pas autant dès aujourd’hui avoir, par exemple, du 4 p. c. à 96 ou 97 que d’avoir du 4 1/2 au pair. C’est une question pour moi de savoir si la certitude, ayant du 4 p. c de ne pas être remboursé, selon toutes les probabilités, d’ici à longtemps, d’ici à 15 ou 20 ans, ne serait pas pour les capitalistes une compensation de la petite perte d’intérêt qu’ils feraient, car ils auraient cette sécurité de ne plus être troublés dans la possession de leurs rentes ; et d’un autre côté, le crédit national trouverait cet avantage de ne pas être comprimé. Or comprimer le crédit national, et surtout dans la situation où nous nous trouvons, en face d’une proposition essentielle, celle de liquider deux millions de florins de rente, me paraît une faute, si les règles de la prudence ne le commandent pas impérieusement
J’ai voulu soumettre ces simples observations, pour qu’on ne méprenne pas sur mon opinion. La mesuré proposée par le gouvernement est bonne en ce sens qu’elle est certaine ; mais le gouvernement ne fait-il pas pour sa propre sécurité, pour la sécurité du crédit national, ne fait-il pas en définitive plus que la prudente ne lui commande, ou, en d’autres termes, n’aurait-il pas pu être un peu moins prudent ? Pour moi, je le déclare, je crois que j’aurais osé entreprendre plus.
Messieurs, après ces courtes réflexions que je vous devais en acquit de ma conscience, j’aborde maintenant une question qui, pour moi, beaucoup plus essentielle. C’est une disposition qui peut-être sera passée pour beaucoup d’entre vous, presque inaperçue, au moins dans ses conséquences. C’est le payement des intérêts. Le payement des intérêts n’aura lieu qu’en Belgique. Remarquez-le bien, cette disposition du deuxième paragraphe de l’art. 2 n’est que la réalisation d’un système adopté par la section centrale, car dans le deuxième projet de loi qui a rapport à l’emprunt de 84 millions, qui doit mettre le gouvernement à même de liquider la rente de deux millions de florins avec la Hollande, la même disposition se trouve également insérée.
On veut donc entrer dans ce système, que les intérêts de nos emprunts ne seront plus payables qu’en Belgique, Permettez-moi de vous exprimer mes craintes sur une telle disposition. Tout d’abord, je dois vous dire que, quant à l’amortissement, cela ne souffre aucune difficulté. Il faut que l’amortissement se fasse en Belgique, j’y abonde dans ce système ; mais quant à la question du paiement des intérêts cela ne pourrait-il pas amener jusqu’à certain point ce déclassement qu’il faut surtout éviter quand on fait une conversion et contre lequel l’honorable M. Cogels veut à juste titre prémunir le pays ?
Aujourd’hui l’emprunt, dont on veut opérer la conversion, se trouve classé en grande partie en Belgique ; une partie assez notable se trouve cependant à Londres, et une partie plus notable se trouve à Paris. Je comprends qu’on sacrifie la place de Londres. La difficulté du change et les frais énormes qu’entraîne le payement des intérêts sur cette place justifient la cessation du payement des intérêts à Londres ; mais à Paris, il faut en convenir cette difficulté est peu de chose.
Il peut s’agir par an d’une bagatelle de 15 à 20 mille francs, tout au plus ; et en face d’un si minime sacrifice, le doute que j’ai, si les capitalistes français, les rentiers français, goûteront encore nos fonds comme ils les ont goûtés jusqu’à ce jour, doit décider à lui seul de mon vote. Vous voulez qu’il n’y ait pas possibilité de déclassement, et cependant vous voulez adopter une mesure dont personne ne peut calculer les conséquences, d’autant moins que, remarquez-le bien, le crédit aura à se prononcer, non seulement sur l’emprunt de 1832, mais sur deux fois 84 millions de francs que la liquidation avec la Hollande doit amener en grande partie sur les bourses d’Anvers et de Bruxelles.
Eh bien, s’il arrivait, contre vos prévisions, que par suite de ce défaut de paiement des intérêts à Paris, joint aux manœuvres des financiers que la conversion blesse dans leurs intérêts, il y eût déplacement, ne croyez-vous pas qu’il en résulterait un dommage notable pour le crédit public ?
Il ne faut pas se le dissimuler, la Belgique est un pays à part, quant au crédit qu’elle tire des pays voisins. Nous ne sommes pas 24 heures maîtres de notre crédit, en ce sens, que le crédit de Londres, de Paris et d’Amsterdam vient nécessairement imprimer faveur ou défaveur à nos fonds, selon que, par des raisons politiques ou autres, il y a fluctuation sur ces places. Quand les fonds anglais ou français baissent, il est presque impossible de tenir vos fonds élevés.
Par contre (l’expérience vient à l’appui de ce que je dis), quand il arrive, par des circonstances particulières, que la Belgique éprouve une crise, où a été le grand remède ? Précisément dans le placement des fonds belges sur les places étrangères, sur les bourses de Paris et de Londres. Là, nos fonds représentent une valeur que nous ne pouvons momentanément lui donner, parce qu’il y a une crise chez nous, tandis qu’à Paris nous participons au crédit de la France.
Prenons-y garde, n’allons pas nous mettre dans une position à ne plus rester dans les conditions heureuses où nous sommes aujourd’hui.
Que le gouvernement se mette à l’abri des frais énormes qu’il devait payer pour l’amortissement et les intérêts de l’emprunt de 1832, je le conçois, et je l’en loue formellement. Ces frais ne s’élèvent rien moins qu’à 140,000 fr : Mais le gouvernement reste libre de faire payer à Paris les intérêts, par le mode qu’il jugera convenable, et aux moindres frais possibles. C’est une condition essentielle que doit s’imposer le gouvernement.
Mais, décider qu’on ne payera plus les intérêts qu’en Belgique, Oser prévoir les conséquences de cette mesuré, je n’assume pas une telle responsabilité.
Il est possible que je me trompe. Je le désire ; mais je le déclare franchement, mon doute est assez sérieux pour que j’aie cru devoir le communiquer à la chambre. C’est à vous, messieurs, d’en juger.
M. Osy. - Comme membre de la section centrale, je dois expliquer la phrase du rapport de la section centrale, portant que cette section s’est prononcée à l’unanimité pour la conversion en 4 1/2. A la section centrale, j’ai dit, commue vient de le faire l’honorable M. Meeus que mon désir était que la conversion eût lieu en 4 p. c. avec prime de 4 p. c., c’est-à-dire que l’émission eût lieu à 96.
Par là je garantissais l’intérêt à 4 p. c. pendant 8 années.
Mais d’après toutes les observations faites dans la section centrale, j’ai compris que le mode proposé par M. le ministre des finances était le plus prudent, je m’y suis entièrement rallié.
Je pense que dans la situation de la Belgique, dans l’état de tranquillité non seulement du pays, mais de l’Europe entière, nous aurions réussi à faire la conversion du 4 pour cent. Mais ce n’est pas aussi certain que ce que propose M. le ministre des finances. J’ai donc donné un vote affirmatif à ses propositions. En cela j’ai fait le sacrifice de mes opinions. Le seul motif qui m’a déterminé, c’est que le mode du projet est plus certain, l’autre plus chanceux.
Je voulais la conversion en 4 p. c., parce que des opérations comme celle-là causent plus ou moins une secousse.
Dans 8 ans, on pourra réduire l’intérêt de 4 1/2 à 4 ; la même discussion se renouvellera ; c’est ce que j’avais voulu éviter.
Quoi qu’il en soit, j’ai fait le sacrifice de mon opinion, pour avoir la certitude du succès. Je regrette que M. le ministre des finances n’ait pu être certain de réussir dans la conversion en 4 p. c.
M. de Foere. - La peur est, selon beaucoup d’hommes d’Etat, une mauvaise conseillère en matière de politique extérieure et intérieure. L’expérience l’a souvent démontré. Je ne puis partager cette peur à l’égard de la conversion de nos 5 p. c. en 4 p. c.
J’aurai l’honneur, messieurs, de vous en développer les motifs. Quelle est la règle que nous devons suivre dans cette opération ? C’est le taux moyen des fonds publics sur tous les marchés d’Europe, ensuite le prix de l’argent dans les transactions particulières.
Pour abréger la discussion, je n’entrerai pas dans une longue énumération des fonds publics de toutes les nations de l’Europe. Vous en connaissez la situation financière ; je l’abandonnerai à votre propre appréciation.
Vous savez à quel taux sont cotés les fonds anglais, les français, les prussiens, les autrichiens, les russes et nos propres fonds.
Vous savez aussi, messieurs, quel est l’intérêt que l’on retire des capitaux que l’on place dans les propriétés territoriales, et quel est le taux de l’escompte sur les principales places de l’Europe. Aujourd’hui, on escompte en Angleterre à 1 1/2 p. c. ; je crois même (je n’ai pu vérifier le fait d’une manière certaine) qu’à Anvers on escompte à 3 p. c. et au-dessous.
D’un autre côté, les capitaux se placent très difficilement, même au-dessous de 4 p. c. Je ne dis pas que, dans des transactions particulières, vous ne puissiez atteindre cet intérêt ; mais je vous parle de l’ordre commun et régulier des choses.
Vous savez enfin, messieurs, que l’abondance des capitaux est considérable et que cette abondance provient, en grande partie, des capitalistes qui placent leur argent dans les fonds publics. C’est une accumulation continuelle de richesses.
Dans cette situation financière de l’Europe, il me paraît que le gouvernement et que les chambres devraient oser et déposer toute peur, et que les capitalistes seront heureux de trouver un placement à 4 p. c.
Quelles sont les craintes qui vous agitent ? L’honorable rapporteur de la section centrale vous a dit qu’il craint les secousses, l’agiotage et le nombre trop considérable de remboursements.
Quant aux secousses et à l’agiotage, je ne crois pas qu’il existe de causes qui puissent les produire pour la conversion qui nous occupe, et quant à la masse trop considérable des remboursements, vous ne pouvez pas la craindre en présence de l’abondance des capitaux et de la difficulté de les placer avantageusement.
L’honorable rapporteur de la section centrale vous a cité l’exemple de l’Angleterre en 1822 et en 1834. Mais remarquez, messieurs, où en était alors le taux des fonds anglais, et le taux auquel ils sont arrivés aujourd’hui. Pouvez-vous douter que, si dans la situation actuelle, l’Angleterre avait un 5 p. c., elle hésitât un instant d’en opérer immédiatement la conversion en un 4 p. c. ? Pour moi, cela ne fait pas le moindre doute.
Si vous comparez le taux actuel des fonds anglais avec celui de 1822, l’exemple de l’Angleterre, pris en 1822, ne peut être recevable ; car je suis persuadé qu’il y a entre le taux actuel de ses fonds et le taux de 1822, une différence de 13 à 14 p. c. Il faut entrer dans cette comparaison et prendre pour base d’une conversion le prix commun de l’argent dans le moment où on désire l’opérer.
Vous voulez peut-être stimuler votre crédit public. Je crains que vous n’arriviez à un résultat contraire. Vous déclarez déjà maintenant que vous ferez plus tard une seconde conversion du 4 1/2 p.c. en un 4 p. c. Evidemment, en présence de cette déclaration et du besoin des Etats de réduire l’intérêt de leurs fonds, les capitalistes et surtout les capitalistes de la classe moyenne qui ont besoin de vivre de leurs intérêts, craindront de placer leurs capitaux dans votre 4 1/2 ; cette observation a, je crois, déjà été faite par l’honorable M. Meeus, et je partage entièrement sur ce point son opinion.
Je vous ferai une autre observation que j’avais oublié de vous présenter.
Lorsque les fonds prussiens ont été convertis, ils étaient presque introuvables sur les marchés d’argent de l’Europe ; les détenteurs ne les vendaient pas ; c’étaient des 4 p. c. qui avaient atteint le chiffre de 106 p. c.
D’ailleurs, messieurs, qui paie ces intérêts et à qui sont-ils payés ? Ces intérêts sont payés particulièrement par la classe moyenne de la société, par la classe qui travaille et ensuite par la classe inférieure ; classes qui, à elles deux, paient pour les trois quarts des contributions du pays. Ce sont ces classes qui, pendant 12 ans, ont payé le 5 p. c. et auxquelles vous voulez faire payer 4 1/2 p.c., tandis que vous pouvez les décharger et imposer cette contribution aux grands capitalistes en diminuant leurs rentes.
Convertir en 4 p. c., messieurs, c’est un moyen sûr d’économie, un moyen de réduire les charges publiques et de les faire porter, dans des proportions plus justes, par ceux qui sont le plus en état de les payer. Vous déchargerez ainsi la classe moyenne et la classe ouvrière de la société.
Jusqu’à présent je n’ai entendu aucune raison, aucune objection sérieuse contre une conversion en 4 p. c. J’ai entendu énoncer des craintes vagues, des opinions générales, mais aucun fait positif qui soit de nature à détruire les motifs que j’ai eu l’honneur de vous développer.
Je me réserve la parole sur les articles qui ont pour objet l’amortissement de la dette flottante.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, comme aucune disposition expresse du projet ne supprime le fonds d’amortissement de l’emprunt dont nous discutons la conversion, je crois qu’il convient que je réponde dès à présent aux observations de l’honorable M. Dumortier.
Je ne puis que rendre hommage aux intentions qui ont dicté ces observations. Sans doute, messieurs, il importe de penser à l’avenir, et pour ce motif il faut bien se garder de supprimer l’amortissement de nos fonds publics. Mats nous devons aussi prendre le présent en considération, et nous pouvons nous demander si la génération actuelle ne supporte pas des charges extraordinaires qui dérivent des emprunts que nous avons dû contracter pour assurer l’indépendance nationale et la création d’un vaste réseau des chemin de fer.
Quelque allégement que nous apportions à la situation actuelle, c’est nous qui supporterons la plus forte part de charges extraordinaires qu’ont fait naître les événements politiques.
D’un autre côté, l’excédant des dépenses sur les recettes résultant de l’établissement et de l’exploitation des lignes du chemin de fer s’élève, ainsi que je l’ai démontré, à 3,408,000 francs. Dans ce chiffre il n’est pas tenu compte de l’amortissement des fonds consacrés à leur construction. Cet amortissement, en ne l’évaluant qu’à 1 p, c., et il est plus considérable, puisqu’il s’est augmenté des intérêts des actions amorties, s’élèverait aujourd’hui à 1,670,000 francs par an ; j’ai prouvé que la dépense occasionnée par nos voies ferrées s’élève à 167,000,000 fr. C’est donc une dépense de plus de 5 millions que nous supportons aujourd’hui par suite de l’établissement des chemins de fer ; cette charge, jointe à celle qui résulte des emprunts contractés pour faire face aux dépenses extraordinaires nécessitées par les événements politiques, impose à la génération actuelle un fardeau énorme, et je pense que nous pouvons, sans être taxés d’imprévoyance, saisir l’occasion qui se présente de l’alléger quelque peu.
L’honorable comte Meeus a présenté des observations sur le payement des intérêts du nouveau fonds ; sans leur attribuer la même importance que l’honorable membre, je pense cependant qu’il y a lieu de les examiner sérieusement.
Je ferai toutefois remarquer que l’emprunt de 100,800,000 fr. se trouve déjà, pour la plus grande partie, entre les mains de porteurs belges, et en ce qui concerne l’emprunt relatif à la capitalisation de la dette néerlandaise, que rien ne serait changé à l’état actuel des choses, alors que les intérêts n’en seraient point payés à Paris ni à Londres ; en effet, c’est à la Hollande que nous payons aujourd’hui la somme totale de ces intérêts, c’est-à-dire deux millions de florins. Le seul changement donc qui serait introduit porterait sur le nouvel emprunt de 85 millions à 4 1/2 p. c. ; le gouvernement avait cru devoir laisser la question intacte.
Il s’était réservé de faire payer les intérêts sur la place de Paris si cela pouvait présenter quelque avantage, ou de les faire toucher exclusivement en Belgique, dans le cas contraire ; le gouvernement ne s’était pas lié à cet égard par le projet qu’il a présenté à la chambre ; je désire que ce point sera discuté lorsque nous en serons à l’article qui concerne le payement de ces intérêts.
L’honorable M. de Foere s’est prononcé pour un fonds à 4 p. c. Il nous a dit qu’aucune raison déterminante n’appuie la proposition d’un 4 1/2 p. c. faite par le gouvernement et adopté à l’unanimité par la section centrale. En pareille matière, messieurs, une démonstration complète est impossible, il ne peut s’agir que d’une saine appréciation des circonstances.
Déjà l’honorable rapporteur nous a indiqué pourquoi le 4 p. c. belge a atteint le cours de 99 1/4 p. c. ; cet honorable membre a émis l’opinion que ce n’est point là un cours normal an moins dans l’état actuel des choses. On sait d’ailleurs que le gouvernement est en possession d’un très grand nombre des obligations de cet emprunt ; il ne peut donc se baser sur le cours de 4 p. c. pour le choix du fonds à adopter pour la conversion. D’un autre côté, on a eu tort d’argumenter comme si dans 8 ans nous devions nécessairement créer du 4 p. c. ; nous ne pouvons prévoir dès à présent quel sera le fonds que nous établirons à l’expiration des 8 années pendant lesquelles l’amortissement du nouveau fonds sera suspendu, Peut-être sera-ce du 3 p. c., et alors ce sera sans doute la dernière conversion que nous pourrons opérer sur ce fonds.
Ainsi, messieurs, la conversion que nous proposons aujourd’hui n’est pas exclusive d’une opération future beaucoup plus avantageuse pour le trésor, et rien, je le répète, n’annonce aujourd’hui que nous créerons, à l’expiration du terme de 8 ans, du 4 p. c. plutôt que du 3 1/2 ou du 3 p. c. ; cela dépendra de la situation de notre crédit à cette époque. Si nous établissions en ce moment un 4 p. c., nous tomberions dans le double inconvénient d’augmenter le capital de la dette et de suspendre le droit de remboursement pendant un terme beaucoup plus long.
On nous a reproché, messieurs, un excès de prudence ; je pense qu’on ne saurait être trop prudent lorsqu’il s’agit d’une opération financière aussi importante et qui peut avoir une influence décisive sur notre crédit en général et particulièrement sur l’opération que nous prévoyons devoir faire bientôt ; c’est, comme on l’a fait observer, un premier pas que nous faisons dans une voie nouvelle ; je pense que nous ne pouvons rien abandonner au hasard.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, j’aurais à répondre à l’honorable M. Meeus et à l’honorable M. de Foere, mais je pense que je pourrai le faire plus utilement dans la discussion des articles auxquels les observations de ces honorables membres se rapportent. Je crois que l’on pourrait maintenant clore la discussion générale.
- La discussion générale est close.
M. le président. - Le gouvernement s’étant rallié au projet de la section centrale, c’est sur ce projet que la discussion s’établira.
Voici l’article premier :
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à effectuer le remboursement au pair des titres non encore amortis et des inscriptions nominatives :
« 1° De l’emprunt de 100,800,000 fr. à l’intérêt de 5 p. c,, contracté en vertu de la loi du 16 décembre 1831 (Bull. off., n° 344) ;
« 2° De l’emprunt de 1,481,481 fr. 48 c., émis en vertu d’un arrêté royal du 21 mai 1829, pour l’érection de l’entrepôt d’Anvers. »
Plusieurs membres. - L’appel nominal.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’art. 1er du projet de la section centrale, qui est adopté à l’unanimité par les 72 membres présents. Ce sont :
MM. Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, d’Anethan, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, de Haerne, Brabant, Castiau, Cogels, Coghen, de Baillet, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, Deprey, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Jonet, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier et Liedts.
« Art. 2. Toutefois les porteurs de titres et les propriétaires d’inscriptions nominatives des emprunts prémentionnés ont la faculté d’en réclamer la conversion au pair, en rentes 4 1/2 p. c, ; la jouissance de l’intérêt à 5 p.c. sera conservée jusqu’au 1er novembre 1844, aux porteurs d’obligations ou d’inscriptions qui n’en auront pas demandé le remboursement.
« Des obligations à l’intérêt de 4 1/2 p. c. seront émises en remplacement des titres on inscriptions à rembourser.
« Le payement des intérêts aura lieu en Belgique. »
M. Delfosse. - Je crois, messieurs, qu’il ne doit pas être permis au gouvernement d’émettre des obligations à 4 1/2 p. c. au-dessous du pair net. S’il pouvait en émettre au-dessous du pair net, la conversion, au lieu de produire un avantage pour le pays, pourrait être onéreuse.
Je propose, en conséquence, d’ajouter après les mots : Des obligations à l’intérêt de 4 1/2 p. c. seront émises, ceux-ci : à un taux qui ne soit pas inférieur au pair net.
Je ferai la même proposition pour l’art. 3 ; après les mots : d’une ou de plusieurs émissions, je proposerai d’ajouter également : à un taux qui ne pourra pas être inférieur au pair net. La section centrale a adopté dans l’art. 4 une restriction analogue, relativement aux obligations à émettre pour faire face au remboursement des fractions qui ne pourront pas être liquidées au moyen de la conversion. Ainsi, pour être conséquente, la section centrale doit appuyer mes amendements.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, la proposition de M. Delfosse est tout à fait conforme aux intentions du gouvernement. Par conséquent, je me rallie à cette proposition.
M. de Corswarem. - Je commencerai, messieurs, par demander la division de l’article. La dernière disposition, d’après laquelle le payement des intérêts aura lien en Belgique, recevra mon approbation, mais je présenterai un amendement au premier paragraphe relatif au taux de l’intérêt ; je proposerai de réduire ce taux à 4 p. c.
Je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt au sujet de l’utilité et de l’opportunité de la réduction dans ce moment. Le taux de l’argent est diminué sur les fonds particuliers, et il n’y a pas de doute qu’il ne puisse aussi diminuer sur les fonds publics,
M. d’Hoffschmidt nous a dit : On doit rechercher avant tout d’assurer le succès de l’opération. Si en proposant la réduction à 4 je craignais le moins du monde de compromettre le succès de l’opération, je ne le ferais pas ; mais je crois remplir mon mandat en le faisant, et je pense que l’opération réussirait. Il a dit aussi : On doit ménager les intérêts des rentiers qu’il ne faut pas mécontenter. En réduisant en 4 on mécontentera peut-être bien quelques créanciers, mais qu’en arrivera-t-il ? Ceux-là prendront de l’argent et d’autres prendront des fonds, ceux-ci changeront uniquement de main et voilà tout.
La réduction à 4 p. c., dit la section centrale, ne peut avoir lieu qu’au moyen d’une prime. Je partage tellement cette opinion que je calcule qu’il faudra donner une prime de 2 p. c. que l’Etat recouvrera en 4 ans sur les intérêts.
Nous devons rechercher à diminuer nos intérêts dans l’avenir, a dit le même préopinant, Il sera plus facile de réduire à 3 l’intérêt à 4 que celui à 4 1/2.
Or, dit qu’on réduira plus tard le 4 1/2 à 4 p. c. Il vaut mieux faire l’opération en une seule fois que d’aller en tâtonnant, que de prendre une demi-mesure maintenant pour en prendre une nouvelle, plus complète, dans quelques années.
En Angleterre, messieurs, la réduction ne s’est pas faite de 5 à 4 1/2, mais de 5 à 4 p.c., et cela en 1822, alors que six années seulement s’étaient écoulées depuis les événements de 1815. En 1822, L’Angleterre se trouvait encore sous le poids d’une dette immense, cependant alors elle a osé tenter cette réduction d’intérêt et elle y a réussi ; elle a donné une prime de 5 p. c. à ses créanciers, mais sa dette n’était pas comparable à la nôtre, elle était peut-être le quintuple de ce qu’est la nôtre, eu égard à l’importance relative des deux pays.
Quant à ce qui s’est fait en France, si le projet de M. de Villèle, en 1824, a rencontré tant d’opposition, ce n’est pas parce qu’il voulait réduire le 5 à 4, mais parce qu’il voulait réduire de 5 à 3 p. c. Cette transition était beaucoup trop brusque ; si au lieu de proposer une réduction à 3 p. c., il avait proposé une réduction à 4, il est très probable qu’il eût réussi.
Ce n’est pas, messieurs, parce que notre crédit est inférieur à celui d’autres nations, que nos fonds ne se sont pas élevés jusqu’ici au niveau des fonds de ces nations ; ce qui a empêché nos fonds de monter, c’est la crainte du remboursement au pair ; voilà ce qui a empêché les spéculateurs de donner plus de 107 ou 108 pour notre 5 p. c.
Je partage aussi complètement l’opinion de l’honorable M. Dumortier, qu’il faut constamment pouvoir amortir la dette.
On dit que parce que le 4 p. c. est aujourd’hui à 99 1/4 p. c., il ne faut pas croire que nous pourrions émettre le nouvel emprunt à ce taux ; je ne le crois pas non plus, puisque j’ai calculé sur une émission à 98 p. c. ; j’ai dit qu’alors au bout de 4 ans nous aurions récupéré ce que nous aurions perdu sur le capital, et que nous gagnerions chaque année 426,000 francs sur l’intérêt.
En Prusse, la dette publique portait aussi 4 1/2 p. c. d’intérêt ; eh bien, là ce fonds a été converti tacitement à 4 p. c.
L’honorable M. Meeus a dit que c’était une question de savoir si les créanciers n’aimeraient pas mieux recevoir du 4 p. c. à 96 que du 4 1/2 p. c. au pair ; je crois que cette question n’est pas douteuse ; je crois que les créanciers seraient fort aises s’ils obtenaient du 4 p. c. à 96 ; mais alors, au lieu de regagner la différence en 4 ans, nous ne la regagnerions qu’en 8 ans, et M. le ministre nous a fait entendre qu’au bout de ce temps on fera une nouvelle opération. Eh bien, la conversion en 4 p. c. même nous éviterait de recourir à cette deuxième opération et de jeter de nouveau la perturbation parmi les détenteurs de nos fonds.
L’honorable M. Osy, qui est une autre autorité financière, aurait désiré que l’on émît du 4 p. c. à 96 ; il a cependant donné la préférence au système de M. le ministre des finances, parce que ce système est plus prudent. Je dois convenir que ce système est plus prudent, car il est assuré, mais je ne pense pas qu’il serait imprudent de réduire à 4 p. c.
Je propose, messieurs de remplacer dans l’art. 2 les mots quatre et demi pour cent par deux de quatre pour cent.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, nous avons développé, dans le rapport de la section centrale, les motifs qui nous ont engagés à donner la préférence au taux de 4 1/2 p. c. proposé par le gouvernement. Certainement si l’on envisage la question sous le point de vue purement théorique, les observations des honorables MM. de Corswarem et de Foere sont tout à fait justes, mais dans les questions de cette nature, il ne faut pas perdre de vue le côté pratique ; il faut voir surtout ce qui se passe à la bourse.
Les personnes qui ont fréquenté la bourse et qui ont eu des relations avec les bourses étrangères, savent fort bien que, pour les motifs que j’indiquerai seulement en partie, le 4 p. c. n’a pas trouvé partout le même accueil qu’il aurait dû trouver, l’accueil qu’il avait surtout trouvé dans le pays ; car lorsque la souscription fut ouverte pour les 30 millions qui étaient offerts au public, il y eut des demandes jusqu’à concurrence de 690 millions. Mais, messieurs, on s’était passé, dans cette circonstance, de l’entremise d’une maison puissante à laquelle, jusque-là, on avait eu recours. On avait cru n’avoir plus besoin de patronage. Quel en fut le résultat ?
C’est que par l’opposition de cette maison, par l’influence qu’elle exerce sur la bourse à Paris et à Londres, le fonds 4 p. c. n’est jamais parvenu à s’y faire coter. En Belgique même, le fonds a rencontré l’hostilité de certaines influences qui probablement venaient encore de cette même puissance financière. Eh bien, messieurs, depuis lors, le 4 p. c. n’a jamais été courant ; il était même assez rare qu’il fût coté à la bourse. Ce n’est que depuis cette année qu’on le voit coté régulièrement ; si on le voit aujourd’hui à 99 1/4, c’est qu’il y en a très peu et que des personnes qui le prennent pour se garantir contre toute chance de remboursement, le préfèrent encore au 3 p. c., parce qu’il donne un intérêt un peu plus élevé. Mais je demanderai à tous les hommes pratiques, s’ils entreprendraient de placer soit à la bourse de Bruxelles, soit à celle d’Anvers, un million 4 p. c., sans faire baisser le cours d’un ou de 2 p. c.
Voilà ce qu’il ne faut pas perdre vue, car il ne faut pas s’exposer à ce qu’il ait des déplacements, des mutations de titres.
L’honorable M. de Corswarem propose de faire cette conversion à 96 p. c.
M. de Corswarem. - A 98.
M. Cogels, rapporteur. - A 98, c’est impossible. La possibilité à 96 serait encore très douteuse, et quant aux avantages qu’on retirerait de la mesure, ils ne seraient pas tels que l’honorable membre se le figure. Car il ne faut pas perdre de vue qu’un fonds 4 p. c. négocié à 96 ne donne plus 4 p. c., mais que l’intérêt à servir coûte au gouvernement 4 1/2.
Maintenant, quand nous serons parvenus au terme des huit années pendant lesquelles le gouvernement s’est interdit le droit d’effectuer le remboursement, nous pourrions facilement faire une nouvelle réduction ; nous pourrions la faire d’autant plus facilement qu’elle aura déjà été essayée une fois, et que dès lors elle rencontrera beaucoup moins d’hostilité. En Belgique, comme en Angleterre, ces mesures doivent un jour devenir usuelles.
Ainsi, en 1822, le gouvernement anglais a fait la conversion en 4 p. c., et il a donné 5 p. c de prime avec garantie contre le remboursement jusqu’au mois de mars 1829. Mais, messieurs, il y avait déjà alors en Angleterre 75 millions sterling 4 p. c, qui avaient un cours régulier à la bourse, et qu’on s’arrachait au taux de 98 p. c. Voilà ce que le chancelier de l’échiquier de cette époque a fort bien fait sentir dans son discours ; il a dit : « le taux de 98 p. c. étant un taux normal dont nous avons fait l’expérience, nous offrons effectivement une prime. » Et voilà ce qui a contribué au succès de l’entreprise, c’est-à-dire, que sur les 3 milliards et demi dont se composait le fonds 5 p. c., 65 millions seulement ont été remboursés au moyen de bons de l’échiquier.
L’Angleterre a recouru ensuite encore trois fois, comme je l’ai déjà dit, à des conversions de 4 p. c. en 3 1/2 p. c. Eh bien, ces réductions se sont faites de telles manière qu’elles n’ont, pour ainsi, dire donné lieu à aucune discussion, qu’elles n’ont pas même fait l’objet d’une proposition spéciale de la part du gouvernement, et que c’est seulement en rendant compte de la situation financière du pays, qu’elles ont été proposées incidemment, discutées et votées ordinairement en une seule séance, et mises à exécution un mois après.
Voilà comment les choses se sont passées en Angleterre ; voilà ce que nous pouvons espérer de voir un jour en Belgique, après que nous aurons fait un premier essai. Mais nous ne devons tenter ce premier essai qu’autant que nous soyons complètement assurés du succès ; sinon, nous subirions le sort de la France qui, par un premier échec, a rendu la conversion impossible.
M. de Foere. - L’honorable M. Cogels a fait observer que les considérations dans lesquelles je suis entré, pour appuyer la conversion en un 4 p. c., étaient fort justes en théorie, mais qu’elles n’étaient pas conformes à la pratique.
J’aurais désiré que l’honorable membre eût discuté les faits sur lesquels j’ai fondé mon opinion et examiné le principe qui doit servir de base au taux de la conversion. Je corroborerai ces faits par d’autres. Les capitalistes d’Angleterre, où l’argent est en grande abondance, seraient fort heureux de trouver chez nous un placement à 4 p. c., attendu que chez eus ils placent très difficilement à 2 1/2 p.c. et que probablement leur 3 p. c, arrivera au pair. Il y aura donc pour eux un avantage d’un p. c. en plaçant chez nous leurs capitaux.
Les capitalistes français auront également un avantage à placer en Belgique leurs capitaux à 4 p. c., attendu que le 5 p. c. est aujourd’hui, chez eux, à 126 p. c.
Je présenterai une observation qui m’est suggérée par mon honorable voisin. Elle est de pratique actuelle. Notre 3 p. c. est à 77 p. c.
On donne donc 77 fr. pour avoir 3 fr. de rente ; et pourquoi ne donnerait-on pas 96 on 97, pour avoir quatre fr. de rente ?
La véritable pratique, c’est le calcul avantageux des capitalistes, c’est là leur mobile, et la théorie consiste à se tenir en dehors de ce mobile.
L’honorable rapporteur de la section centrale a invoqué un motif qui ne me touche en rien, il a demandé s’il y aurait des spéculateurs qui oseraient entreprendre de placer actuellement deux millions à 4 p. c. sans faire baisser le fonds de 2 p. c. ? Sans doute, un placement subit de deux millions nuirait momentanément au crédit public ; mais ces opérations des spéculateurs à la bourse ne peuvent entrer dans la question qui nous occupe. C’est une observation purement théorique. Ce qui doit nous guider pour l’emploi de l’argent, c’est le calcul raisonné des détenteurs de nos fonds, qui placent les capitaux pour en retirer des intérêts permanents. Ce sont ceux-là seuls qui influent sur le crédit public. Leur influence est plus lente il est vrai ; mais ce sont leurs opérations calculées sur lesquelles il faut se baser exclusivement pour fixer le taux de la conversion de nos 5 p. c.
C’est même sur ce fondement que les spéculateurs eux-mêmes établissent le plus souvent leurs opérations.
Quelle est la base du crédit public d’un pays ? C’est exclusivement sa solvabilité et sa loyauté. C’est le même fondement sur lequel repose le crédit privé. Eh bien, si le pays remplit ces conditions pour établir son crédit public, vous êtes certains de trouver, eu égard à l’abondance actuelle des capitaux, des preneurs à 4 p. c., parce qu’ils seront attirés par la confiance et par les avantages que ce placement leur procurera, comparativement à tous les autres fonds de l’Europe qui sont plus élevés.
L’honorable rapporteur n’a pas rencontré l’objection que j’ai faite, en parlant des fonds anglais et de la conversion qui a eu lieu en 1822. Il y avait une immense différence entre le taux des fonds anglais d’alors et le taux des fonds anglais d’aujourd’hui ; et c’est là une règle principale qu’il convient de prendre en mûre considération.
M. le président. - M. de Corswarem propose au premier paragraphe de substituer aux mots : ont la faculté de réclamer la conversion au pair à rentes 4 1/2 p. c. ceux ci : ont la faculté d’en réclamer la conversion à 96 en rentes 4 p. c.
M. Mast de Vries. - Messieurs, dans mon opinion, la conversion doit se faire en 4 1/2 p. c. Nous devons constituer un fonds qui s’approche autant que possible du pair ; et le 4 1/2 p. c. est celui qui atteindra le pair.
J’ai demandé la parole pour répondre à une observation de l’honorable M. de Foere. Notre fonds 3 p. c., a-t-il dit, est à 77, pourquoi ne pas convertir notre 5 p. c. en 4 p. c. à 96 ? Le 3 p. c. doit augmenter les porteurs n’ont qu’à attendre, il y en a très peu, la quantité diminue tous les jours et on peut être certain que dans un temps donné, il atteindra le pair.
Je pourrais vous dire le 5 p. c. est à 108 ; pourquoi n’est-il pas plus élevé ? Parce qu’il doit subir au tirage un sort et que le porteur est exposé à être remboursé au pair. Mais dans l’instant, nous avons 85 millions en circulation ; ces 85 millions donnent aussi certaines chances de ne pas être remboursé. Eh bien, j’ai calculé ces chances autant que cela m’a paru possible, et j’ai trouvé que si on n’avait pas la chance d’être remboursé, aujourd’hui, dans les circonstances actuelles, notre 5 p. c. pourrait monter à 110 ou 112. Or, si sur 112 j’applique l’intérêt de 5 p. c. qu’on reçoit, je trouve qu’on a 4 1/2 p.c. au pair. Si vous vouliez donner du 4 p. c. à 96, vous devriez amortir au pair dès l’année prochaine, vous devriez rembourser 100 fr. ; en 8 années, vous n’auriez que 1/2 p.c. par an dont vous auriez profité ; d’un autre côté, vous les donneriez en capital puisque vous rembourseriez 100 pour 96.
En donnant du 4 4/2 au pair, vous ne jetez pas la perturbation parmi les rentiers, vous assurez le crédit de la Belgique, et vous créez un fonds qui sera coté au pair.
M. Desmaisières. - Il n’y a point de doute, messieurs, que si vous pouviez opérer la conversion en 4, au lieu de 4 1/2 pour cent, le budget de la dette publique serait plus dégrevé. Il serait plus dégrevé encore si vous pouviez opérer la conversion en 3 pour cent, à un taux plus ou moins élevé. Ainsi, pour fixer vos idées sur des chiffres, si vous pouviez opérer la conversion du 5 en 3 pour cent à 80, vous réduiriez l’intérêt réel sur le capital effectif à 3 3/4 p. c. Mais d’un autre côté vous augmenteriez le capital nominal d’un quart, puisque pour 80 francs du capital à 5 p. c. de rente vous reconnaîtriez 100 fr. de capital à 3 p. c.
Comme l’amortissement de 1 p. c. est calculé sur le capital nominal, il en résulterait que le budget de la dette publique serait grevé d’un intérêt réel de 3 3/4 p.c. et de 1 p. c. d’amortissement.
Le budget de la dette publique ne resterait donc chargé en tout que de 5 p. c. ; et attendu qu’actuellement il est chargé de 6 p. c. le dégrèvement serait de 1 p. c. Par la conversion en 4 1/2 p. c. le budget de la dette publique sera encore chargé de 5 1/2 p. c., et, par conséquent, ne se trouvera dégrevé que de 1/2 p. c. ; de même par la conversion en 4 p. c. au taux de 96, qui est celui auquel les honorables membres qui veulent la conversion en 4 p. c. croient, contrairement à mon opinion, l’opération possible en ce moment, l’intérêt réel est d’environ 4 16/100, mais l’augmentation du capital nominal étant de 4/96, soit environ 4/100, vous auriez à porter au budget annuellement pour l’amortissement 1 4/100 du capital effectif, ce qui, avec l’intérêt 4 16/100, présente ensemble une annuité totale de 5 20/100 ou 5 1/5.
Ainsi, vous profiteriez de la différence de 5 1/5 à 5 1/2 en opérant la conversion à 4 au taux de 96, au lieu de faire cette opération en 4 1/2 au pair. Cette différence est de 3/10 p. c., et plus tard lorsque le taux d’intérêt des rentes dues par l’Etat sera réellement descendu à 4 p. c. vous pourrez obtenir un dégrèvement nouveau et annuel de 1/2, soit 4/10 p. c. si la conversion a lieu en 4 1/2 p. c.. Vous voyez que la différence n’existerait qu’au présent et quelle n’est pas bien grande ; faut-il pour une semblable différence risquer de compromettre toute l’opération ? Je crois que pour la première fois où la Belgique entre dans une voie nouvelle et quand il s’agit en quelque sorte de poser les bases fondamentales de notre crédit public dans l’avenir, il faut être sur ses gardes et n’agir qu’avec la plus grande circonspection. Il faut surtout se rendre bien compte de la situation actuelle de notre crédit public. Les rentes à charge de l’Etat sont aujourd’hui de diverses espèces. Nous avons du 3 p. c. qui est coté, à la vérité, à 77, mais il faut considérer qu’il ne forme qu’une petite part de toute notre dette publique et que bien que ce 3 p. c. soit doté de un et un tiers pour cent d’amortissement du capital effectif, dont le chiffre total n’est pas bien élevé, il n’est cependant encore qu’à 77.
On ne me contestera pas, sans doute, que ce taux descendrait de beaucoup si le capital du 3 p. c. en circulation augmentait notablement.
Notre 4 p. c. est à 98 ou 99 ; mais, on vous l’a dit, comment se fait-il qu’il soit à un taux aussi élevé ? C’est parce que le gouvernement en possédant la majeure partie, il est extrêmement rare à la vente dans nos bourses de fonds publics, et comme l’a justement dit l’honorable M. Cogels (je suis à cet égard tout à fait de son avis), celui qui aurait pour un million de 4 p. c. à vendre ne pourrait pas le placer, si ce n est à un taux de beaucoup inférieur à celui coté actuellement à la bourse. Ensuite, messieurs, nous sommes encore en présence de deux emprunts de placement et non de spéculation à 5 p.c. d’intérêt. Nous ne pourrons rembourser l’un que dans deux ans, l’autre que dans quatre ans.
Ces emprunts constituent, pour les propriétaires de capitaux, un excellent placement à intérêts. Voilà donc une quantité considérable de capitaux qui ne peuvent, pour le moment, être attirés dans l’opération de la conversion ; et cependant, pour pouvoir opérer une conversion avec toute sécurité, il faut pouvoir attirer le plus possible de capitaux dans cette opération. Je crois donc que nous agirions avec la plus grande imprudence, que nous risquerions de compromettre tout notre crédit dans l’avenir, si nous n’adoptions pas le taux de 4 1/2 p. c. proposé par le gouvernement. Plus tard, nous pourrons alors opérer de nouvelles conversions, soit en 4 p. c., soit en 3 1/2 p. c., soit même en 3 p. c., et il en résultera pour le budget de l’Etat de nouveaux dégrèvements d’autant plus considérables en somme, que ceux que l’on obtiendrait actuellement, que les nouvelles conversions pourront avoir lieu, en fonds, à intérêts moindres dont les capitaux seront plus rapprochés du pair.
M. Coghen. - Je ne rentrerai pas dans la discussion, quant au taux de l’intérêt ; je crois que dans la position actuelle de la Belgique, sans appui à l’étranger, il y aurait peut-être imprudence à aller plus loin qu’on ne va. Je demande une modification au paragraphe 3 de l’article, par des motifs qui ont déjà été développés. Nous devons bien prendre garde de ne pas déclasser nos emprunts. Il est heureux qu’ils soient à l’étranger, surtout en France ; dans les moments de crise, dans les embarras d’argent, si nos emprunts n’étaient pas cotés à la bourse de Paris, je ne sais comment nous pourrions nous en tirer en Belgique.
Je proposerai de dire que les intérêts seront payables en Belgique et à Paris. La prudence le réclame. Ne méprisons pas les ressources que la France nous offre pour les capitaux ; ils sont abondants maintenant, mais au moindre nuage qui vient assombrir l’horizon, les capitaux se retirent, et je ne sais, en pareil cas, où la Belgique trouverait les moyens de faire face à la crise, si ce n’est en France ? Je désire que M. le ministre veuille bien donner son assentiment à cet amendement.
M. de Corswarem. - Jusqu’à présent les honorables préopinants sont convenus qu’il ne pouvait y avoir de désavantage à émettre du 4 p. c. à 96. Mais il est une autre considération dont on n’a pas tenu compte. On dit que, dans 8 ans, on pourra faire une autre conversion. Mais d’ici à 8 ans il peut se passer beaucoup d’événements (et c’est même probable) qui empêcheront de faire ce que l’on pourrait faire maintenant.
- Sur la proposition de M. Cogels, rapporteur, la chambre décide que la discussion de l’article aura lieu par paragraphes.
M. Cogels, rapporteur. - J’ai une seule observation à présenter sur le paragraphe premier.
J’ai dit qu’en faisant l’émission à 96, ce serait 4/10 ; je me suis trompé, ce serait 4 1/6 ; ainsi ce serait encore plus élevé ; dès lors une grande partie des avantages disparaît.
On a dit : « Le 4 1/2 comprimerait notre crédit et l’empêcherait de s’établir sur des bases solides ». Cela n’est pas exact ; seulement, au lieu de faire une construction à la hâte, et qui par là même manquerait de solidité, nous l’établirions comme en Angleterre, graduellement, et, par des conversions successives, nous amènerions nos fonds à un taux d’intérêt normal, sans secousse et sans danger.
Voila ma réponse à l’observation de l’honorable M. de Corswarem.
- L’amendement de M. de Corswarem est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le paragraphe premier de l’art. 2 est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Delfosse, auquel M. le ministre des finances s’est rallié, est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 2 est adopté avec cet amendement.
- La chambre passe à la discussion du paragraphe trois et de l’amendement présenté à ce paragraphe par M. Coghen.
M. Cogels, rapporteur. - Je suis charmé qu’on n’exige plus le paiement des intérêts à Londres. Effectivement, cette condition était extrêmement onéreuse, et pouvait le devenir tous les jours davantage. En voici le motif : le système monétaire anglais diffère essentiellement du nôtre ; il a pour base l’or, le nôtre a pour base l’argent. Par conséquent, la différence entre les deux valeurs devenant plus grande encore qu’aujourd’hui, nous serions exposés à payer la livre sterling jusqu’à 26 fr. et peut-être même 27 fr.
Mais on propose de rendre les coupons payables à Paris. Tous les pays qui ont eu besoin, par des motifs différents, de recourir à l’étranger pour faire des emprunts, ont cherché, quand ils ont vu leur crédit mieux établi, à corriger les inconvénients des conditions par lesquelles ils avaient été obligés de passer autrefois.
C’est ainsi que le royaume de Naples, qui avait contracté un emprunt dont les intérêts étaient payables à Londres, n’a plus que des fonds nationaux dont les intérêts sont payés à Naples même.
C’est ainsi que la Prusse, qui a fait en 1818 et 1822, un emprunt dont les intérêts étaient payables à Londres, a converti son 5 p. c. en obligations de 4 p. c. dont l’intérêt était aussi payable à Londres ; mais, par une mesure prise récemment, elle l’a converti en 3 1/2, en obligations de 700 thalers pour 100 liv. st., dont les intérêts sont payables à Berlin seulement.
C’est ainsi que, dans chaque pays, on nationalise sa dette, on se passe des banquiers étrangers.
Je crois que la Belgique pourrait faire de même.
J’ai été extrêmement surpris des considérations dans lesquelles est entré un honorable député de Bruxelles, au talent financier duquel je suis prêt à rendre hommage. Il a dit qu’il y aurait imprudence à rendre les intérêts payables en Belgique seulement. Mais quelle pourrait être cette imprudence ? c’est-à-dire, que l’influence sur le capital étant nécessairement subordonnée à l’influence sur l’intérêt, les capitalistes français étant obligés de négocier à 1/2 p. c. de perte, il y aurait 1/2 p. c. de différence sur le capital.
Il en est ainsi pour tous les emprunts. Les emprunts hollandais, dont les coupons ne sont payables qu’à Amsterdam, sont très courants à Londres, y sont très voulus et y suivent toutes les variations du change sur Amsterdam.
Mais, a dit l’honorable Meeus, prenez garde ; il faut être prudents. Dans les circonstances qui sont de peu d’influence, il recommande la prudence, tandis qu’il blâme la prudence qui préside à la conversion en 4 1/2 ; il préfère la conversion en 4. Je suis étonné de le voir précisément recommander la prudence dans une circonstance insignifiante, et la blâmer dans la circonstance qui fait la base de l’opération.
Messieurs, je sais que le payement des intérêts à Paris ne peut pas donner lieu à de très grands frais ; cependant il y a ici 1 p. c. de commission, et cette charge, si elle est permanente, affecte dans la même proportion le capital ; il y a également une différence sur le change ou des frais de transport d’espèces, et je vous ferai voir qu’on ne néglige aucunement de nous rendre tout cela aussi onéreux que possible. Si vous voulez consulter les développements du budget, vous trouverez à la page 13 le libellé des frais présumés de l’emprunt de 30 millions. Eh bien, messieurs, il est connu qu’il n’existe sur la place de Paris aucune obligation de cet emprunt qui, depuis 1836, n’a jamais été traité à la bourse de Paris ; il est connu encore que 12 ou 13 millions d’obligations 4 p. c. se trouvent dans l’encaisse du trésor.
Cependant nous payons à une maison de Paris une commission sur 600,000 fr., c’est-à-dire sur la presque totalité des obligations qui se trouvent en circulation ; nous lui payons une commission sur des coupons dont il ne se paie pas 100 fr. par son entremise. Si vous rendez les coupons payables à Paris, vous payerez 1 p. c. sur tous les coupons quelconques, car ils seront tous censés payés à Paris, comme ils sont maintenant tous censés payés à Londres, quoique les 9/10 en soient placés dans le pays, ou en France.
Nous devons, messieurs, donner à notre dette un caractère national. Je ne partage pas l’opinion de l’honorable M. Coghen, qui dit que c’est un bonheur de voir les fonds belges placés à l’étranger ; je désirerais que tous les Belges qui possèdent des fonds prussiens, des fonds russes, des fonds autrichiens, des fonds étrangers de toute espèce, vendissent ces fonds pour les remplacer par des fonds nationaux, afin que notre dette fût mise à l’abri de toute influence étrangère, de tout contrecoup de l’étranger, et que tous les Belges fussent intéressés, autant que possible, au crédit et à la prospérité du pays. Messieurs, je n’ai pas contribué à fonder l’indépendance politique de la Belgique. J’avais compris cette indépendance d’une autre manière, mais je serais enchanté d’avoir contribué à faire faire au pays un premier pas vers son indépendance financière.
M. Coghen. - Si j’ai demandé, messieurs, que les coupons d’intérêt pussent être payés à Paris, c’est pour que les fonds belges continuassent à être cotés à la bourse de Paris et pour qu’ils y soient recherchés. Nous ne demandons pas la même chose pour Londres, parce qu’en effet il est dangereux de stipuler une valeur déterminée des francs en livres sterling. Dans le premier contrat fait avec la maison Rothschild, la Belgique a dû se contenter des conditions qu’elle pouvait obtenir ; elle l’a fait alors, heureusement pour le pays, car je ne sais pas ce qu’elle serait devenue si ces premiers emprunts n’avaient pas pu se négocier. Dans ce contrat la commission est effectivement fixée à 1 p. c., mais ce sont là des conditions imposées ; aujourd’hui les choses sont bien différentes, et je serais le premier à blâmer le ministre des finances qui consentirait encore maintenant à subir une commission de 1 p. c. pour le paiement des coupons à Paris,
Aujourd’hui il y aurait probablement 1/2 ou tout au plus un par mille à payer de ce chef. Quant à la différence de change dont on effraie la chambre, cette différence est insignifiante ou nulle, car le change sur Paris est ordinairement au pair ou à 1/8 avance.
M. Cogels. - Un quart pour cent.
M. Coghen. - Rarement : aujourd’hui il est au pair.
Il est de l’intérêt du pays de ne pas faire sortir les rentiers français des fonds belges. Il faut qu’en cas de crise, il y ait possibilité de faire refluer vers la France des fonds nationaux, afin d’amener des capitaux en Belgique. Je ne demande pas que l’amortissement se fasse à Paris, je désire au contraire qu’il ait lieu dans le pays, c’est la qu’il doit se faire ; c’est plus économique ; mais je demande que les intérêts puissent être payés à Paris.
Quant au caractère de nos fonds, il sera nécessairement national et il le sera aussi bien lorsque les intérêts seront payables à Paris et à Bruxelles, que lorsqu’ils se paieront exclusivement à Bruxelles. Je désire cependant que toutes les nations soient intéressées au crédit de la Belgique. Elles y porteront plus d’intérêt qu’elles n’en apportent aujourd’hui.
Je maintiens la proposition que j’ai faite, que les intérêts soient payables à Paris. Je considère la dépense qui en restera comme très minime ; elle ne s’élèvera peut-être pas à plus de 12 à 15,000 fr. par an ; tandis que si l’on délaissait nos fonds à Paris, cela pourrait avoir les conséquences les plus graves pour notre situation financière.
M. de Foere. - Messieurs, les observations de l’honorable rapporteur de la section centrale sur le payement de notre rente à Londres, sont entièrement fondées. Je partage aussi son opinion quant à la restriction du payement des intérêts dans le pays. Les observations qui ont été faites par le honorables MM. Meeus et Coghen ne me paraissent pas assez puissantes pour faire admettre l’amendement que le second de ces membres vous a présenté.
Mais l’honorable M. Cogels a émis une opinion que je ne puis partager. Il a manifesté le désir que nos fonds fussent pris exclusivement par des capitalistes belges ; il a dit que c’était un moyen de fonder notre indépendance et notre nationalité.
Sans doute, il est désirable que tous les capitalistes du pays prennent une part dans nos fonds ; c’est un moyen de les intéresser à la stabilité du pays, mais je crois que s’ils en étaient les détenteurs exclusifs, un tel résultat serait nuisible à notre indépendance et à notre nationalité. Il est extrêmement important que les Anglais, les Français et toutes les nations puissantes soient possesseurs de nos fonds, afin que, dans des temps de crise, elles soient intéressées à protéger notre indépendance. Messieurs, nous ne constituons qu’une nation de 3 millions et demi de population. Si les grandes nations, ne sont pas stimulées par leur propre intérêt à nous protéger, je vous demande si notre indépendance sera aussi bien gardée que lorsque ces nations, en nous défendant, défendront en même temps leurs intérêts ?
- La clôture est demandée.
M. Delfosse. - Le gouvernement n’a pas donné son opinion sur l’amendement.
Un membre. - Il s’est rallié à la proposition de la section centrale.
M. Delfosse. - Il ne nous a pas donné les motifs pour lesquels il s’y est rallié. Je demande que M. le ministre des finances s’explique à cet égard.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Tout à l’heure j’ai émis l’opinion qu’il serait préférable que le gouvernement, conformément à ses propositions, ne fût pas lié par la restriction que renferme le projet de la section centrale ; je persiste à penser qu’il y a lieu de supprimer la disposition qui est en discussion.
L’intention du gouvernement, de ne plus payer les intérêts à Londres, a été formellement exprimée. Quant la place de Paris, si la disposition n’existait pas, le gouvernement pourrait, en prenant des arrangements peu onéreux au pays, continuer à y payer les intérêts pendant un certain temps.
Chaque année la chambre aurait l’occasion de se prononcer sur la dépense qui résulterait de ce payement fait à l’étranger et s’il était jugé trop onéreux, elle pourrait supprimer l’allocation et empêcher ainsi la continuation de cette mesure, qui n’aurait ainsi qu’un caractère provisoire.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, je demanderai que la chambre me permette de donner quelques explications sur ce que vient de dire M. le ministre des finances.
La suppression du paragraphe en discussion aurait un très grave inconvénient, car elle donnerait au gouvernement la liberté de stipuler encore que les intérêts seront payables à Paris, à Londres ou ailleurs ; et c’est ce que nous ne voulons pas. Quant à moi, je préférerais l’amendement de l’honorable M. Coghen à la suppression du paragraphe. Cependant, je persiste dans mon opinion.
On ne pourrait d’ailleurs, comme l’a dit M. le ministre des finances, rendre les coupons tantôt payables à Paris, et en Belgique, tantôt payables en Belgique seulement. Si vous voulez les rendre payables à Paris, il faut qu’il y ait stipulation expresse dans les titres. Car il faut que dans tout contrat vis-à-vis des porteurs, il y ait des stipulations expresses, invariables.
Quant aux considérations qu’a fait valoir l’honorable M. de Foere pour l’appui politique que nous pourrions trouver par suite du placement de nos rentes en pays étrangers, je dirai que c’est une chimère. Nous avons trop d’exemples devant nous, pour croire qu’on ait jamais tenu aucun compte de la position des rentiers, quand il s’agissait, des intérêts politiques. Nous avons vu tous les Etats de l’Amérique du Sud suspendre le payement de leurs intérêts ; nous avons vu l’Espagne, le Portugal en faire de même. C’étaient les Anglais qui se trouvaient particulièrement intéressés dans ces emprunts.
L’Angleterre a bien envoyé des frégates à la Vera-Cruz et en Espagne, lorsqu’on avait porté la moindre atteinte à ses intérêts politiques ou commerciaux, mais quant aux intérêts de ses porteurs de fonds étrangers, elle n’en a tenu, aucun compte ; et elle a bien fait ; parce que si elle protégeait ses nationaux, porteurs de fonds étrangers, quelle en serait la conséquence ? C’est que comme ces fonds donnent un intérêt usuraire, on abandonnerait le consolide anglais pour prendre des fonds qui donnent 15 à 20 p. c. d’intérêt.
Soyez persuadés que quand même les Anglais et les Français posséderaient toutes les obligations de nos emprunts, nous ne pourrions compter sur plus de protection dans une crise politique que si toutes ces obligations étaient en Belgique. Il n’en résulterait qu’une chose, c’est qu’en Belgique on serait bien moins intéressé au crédit de l’Etat.
M. Meeus. - Messieurs, la question me paraît assez grave pour que la discussion continue encore.
L’honorable M. Cogels vient de vous dire que, dans des circonstances politiques, les gouvernements étrangers n’auraient aucun égard à ce que leurs concitoyens seraient détenteurs de fonds belges. Messieurs, c’est là une considération qui importe fort peu pour moi dans la discussion présente. La question aujourd’hui est de savoir si la Belgique est arrivée à ce point de posséder elle-même toute sa dette, et si elle n’est pas arrivée, comme je le pense, à ce point, il faut donner au pays des moyens de crédit à l’étranger. Voila le terrain sur lequel la question doit être posée et sur lequel j’appelle les adversaires de mon opinion.
Messieurs, on peut différer sur le quantum de la dette belge qui se trouve aujourd’hui en Belgique ou à l’étranger, mais je pense qu’il n’y a personne qui ne convienne qu’il y en a une assez grande partie à l’étranger. La preuve en existe journellement dans les transactions qui se font à la bourse de Paris.
Craignez, messieurs, que l’on dépasse, la vérité. Les flatteurs du crédit national sont plus dangereux, croyez-le bien, que ceux qui veulent être trop prudents. Pour moi, je n’ai jamais craint de dire à la chambre et au pays toute ma pensée, parce que je sais que la Belgique, riche comme elle l’est, libre comme elle l’est, peut supporter la vérité plus qu’aucune autre nation, et que c’est en étant dans le vrai qu’on fait les affaires du pays.
Je vous l’ai déjà dit, je ne partage pas l’opinion de quelques personnes qui pensent que la plus grande partie des fonds belges se trouvent en Belgique. Je crois, par exemple, que pour l’emprunt que vous allez rembourser, plus d’un tiers encore se trouve à l’étranger.
Et remarquez bien, messieurs, que quand je dis cela à la veille d’une conversion, il faut bien admettre que c’est chez moi une conviction profonde. Car tout à l’heure les faits viendront prouver de quel côté est la raison, de quel côté le calcul est vrai, puisque l’emprunt est remboursable ou peut être converti sur toutes les places où il a été émis, et vous ne croyez pas qu’on enverra des fonds belges de Paris ici pour le convertir, alors que le change est toujours en défaveur de Paris.
Il en résulterait une perte que ne subiront certainement pas les capitalistes français ; si les obligations qu’ils possèdent doivent être remboursées, il y aura avantage pour eux à les faire rembourser à Paris, parce qu’ainsi ils n’auront pas de commission à payer ; de même que les Belges n’enverront pas leurs fonds à Paris, pour être remboursés ou pour être convertis, parce qu’ils devraient passer par les mains de banquiers qui leur feraient payer au moins 1/4 p. c. de commission.
Je dis donc que la conversion mettra la vérité en évidence, à savoir, si, comme les uns le prétendent, que la plus grande partie du fonds belge de 1832 se trouve en Belgique, ou si, comme je le suppose, il y en a au moins un tiers à l’étranger.
Du reste, c’est une question qui n’est pas d’amour-propre, et qui dans l’occasion présente trouve sa place, parce que c’est de cette question que dépend en grande partie celle de savoir si la Belgique est arrivée, comme je le disais tout à l’heure à ce point de pouvoir entièrement se passer du crédit étranger et supporter elle-même tout le poids de sa dette.
Messieurs, si comme je le pense et comme les faits le démontrent, une partie des fonds actuels se trouve à l’étranger, qu’arrivera-t-il tout à l’heure, lorsque vous allez émettre 84 millions de francs pour pouvoir payer la Hollande ? Quelqu’un osera-t-il soutenir qu’il y a assez de capitaux en Belgique pour reprendre tout ce qui se trouve aujourd’hui de nos fonds publics à l’étranger, et de plus ces 84 millions.
Bien plus, lorsque tout à l’heure la Hollande émettra des obligations pour la rente de 2 millions qu’elle a sur le grand-livre belge, quelqu’un voudra-t-il soutenir que la Belgique pourra encore prendre ces 84 millions ? Ceux qui tiendraient un pareil langage seraient des flatteurs imprudents. Notre crédit, en définitive n’en est pas là, les ressources financières du pays n’en sont pas là ; nous avons besoin du crédit de l’étranger. Ce fait posé, et il est incontestable, reste la question de savoir s’il est prudent de tenter ce système nouveau, de dire à l’étranger : « Nous voulons vos capitaux, mais vous viendrez recevoir les intérêts chez nous. » Je demande s’il est prudent de faire cette innovation au moment d’une conversion et au moment où l’on vient présenter un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à faire un emprunt considérable et dans lequel le même système est reproduit.
Je dis que c’est là une imprudence, car nous ne pouvons pas savoir jusqu’à quel point les capitalistes étrangers voudront de nos fonds, alors qu’ils devront toucher les intérêts en Belgique. Les capitalistes étrangers qui sont, aujourd’hui, porteurs de fonds belges, sont bien loin de perdre sur leurs coupons, comme ils devront le faire si le nouveau système est adopté, par suite de la perte de change et de la commission qu’ils auront à supporter.
Jusqu’à présent ils ont constamment gagné sur les coupons ; en effet, d’après les stipulations des contrats d’emprunt faits avec la maison Rothschild, les coupons présentent un bénéfice qui ne s’élève à rien moins qu’à 1/2 ou 3/4 p. c. Eh bien, sans savoir encore ce que pensent les capitalistes étrangers, vous viendrez établir un nouveau système désastreux pour eux. Je dis, messieurs, que c’est là une imprudence très grande.
L’honorable M. Cogels dit qu’il ne comprend pas que je reproche à M. le ministre un excès de prudence, en ce qu’il persisté à maintenir le taux de 4 1/2 p.c., et que je dise qu’il y a imprudence à ne pas rendre les coupons payables à Paris. Ce sont là, messieurs, deux choses entièrement différentes. Je partage l’opinion de l’honorable M. de Corswarem ; cependant je suis le premier à admettre que, dans une loi aussi importante, aussi délicate que celle qui est relative à la conversion de la rente, nous ne devons pas dépasser ce que le gouvernement croit possible. Pour ma part, je n’assumerai jamais une semblable responsabilité, mais cela n’empêche pas que l’on peut fort bien produire ici l’opinion que le gouvernement aurait pu faire plus que ce qu’il a fait.
C’est là une opinion que j’ai émise consciencieusement ; mais en l’émettant, j’ai eu bien soin de dire que cependant j’adopterais la proposition du gouvernement ; mais dans la question présente, qu’a fait le gouvernement ? Il a proposé lui-même, messieurs, de permettre que le paiement des intérêts pût se faire à Paris ; c’est la section centrale qui vient aujourd’hui, en face de la proposition du gouvernement, proposer un système qui, d’après moi, peut avoir les plus graves inconvénients. J’en appelle a l’expérience à venir, et je tremble de ne pas me tromper.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’honorable M. Cogels, en répondant tout à l’heure à une observation que j’avais faite, a présenté des objections contre la suppression du dernier paragraphe ; il a fait remarquer si que nous supprimions le dernier paragraphe on pourrait encore effectuer le payement des intérêts même sur la place de Londres. J’ai pensé, messieurs, qu’une déclaration formelle de la part du gouvernement pouvait suffire pour écarter cette crainte ; cependant pour lever toute incertitude, je sous-amenderai l’amendement de l’honorable M. Coghen et je le formulerai dans les termes suivants :
« Le payement des intérêts ne pourra avoir lieu qu’en Belgique et en France. »
De cette manière, si le payement des intérêts à Paris devenait inutile ou onéreux, le gouvernement pourrait le faire cesser.
Une deuxième objection de l’honorable M. Cogels portait sur ce que, selon lui les titres devraient nécessairement comprendre une stipulation relative aux places où les intérêts seraient payables. Je répondrai que l’arrête royal, qui sera pris pour l’exécution de la loi, peut renfermer une disposition portant que les intérêts des obligations seront provisoirement payés à Paris ; cela suffirait pour le moment et l’on conserverait la faculté de faire cesser plus tard le payement des intérêts à Paris, si notre intérêt l’exigeait.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, j’aimerais beaucoup mieux alors laisser Paris que de mettre le mot France, car nécessairement si vous rendez les coupons payables en France, ce ne sera qu’à Paris que les payements se feront ; il ne faut pas les rendre payables dans d’autres villes.
Je rencontrerai ici une objection qui vient d’être présentée par l’honorable M. Meeus, qui pense que la Belgique aurait de la peine à contracter un emprunt si les coupons n’étaient payables qu’à Bruxelles. L’expérience vient démentir complètement cette crainte. La Russie a fait plusieurs emprunts en Hollande, depuis 1830 ; tons ces emprunts sont payables à St-Petersbourg, pas un seul n’est payable à Amsterdam, comme l’était l’ancien emprunt Hope ; cependant on s’arrache ces fonds.
La Prusse, dont les fonds créés en livres sterling, se trouvent encore placés principalement en Angleterre, en Belgique et en Hollande ; la Prusse ne paiera plus dorénavant les intérêts qu’à Berlin, et la plupart des porteurs belges et hollandais ont consenti à la conversion et ne trouvent aucune difficulté à négocier leurs coupons sur Berlin, comme leurs coupons sur Londres. Les Anglais font de même. Comme on l’a déjà dit, une partie de la dette hollandaise se trouve placée en Angleterre ; les coupons sont payables à Amsterdam exclusivement, et cela n’a pas empêché les Anglais de prendre pour plusieurs millions de ces fonds, sans qu’ils aient jamais songé à exiger le payement des coupons à Londres.
Voilà, messieurs, trois exemples si je voulais ici produire la cote des différents fonds, je pourrais encore en citer d’autres, mais je crois que c’est inutile ; je me suis attaché aux pays les plus importants, qui ont fait les emprunts les plus considérables et qui les ont négociés à des conditions extrêmement avantageuses ; car, ainsi que l’a dit M. Osy, tous ces fonds, à La bourse d’Amsterdam et à la bourse de Londres, on se les arrache.
- L’amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le paragraphe proposé par la section centrale est adopté.
L’article est ensuite adopté dans son ensemble.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.