(Moniteur belge n°82, du 22 mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart, 46 membres sont présents.
Voici les membres qui n’ont pas répondu à l’appel :
MM. Bosquet, Brabant, Coghen, Coppieters, Dams, David, Demonceau, Dequesne, de Roo, de Sécus, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Frison, Heptia, Hye-Hoys, Jullien, Lardinois, Lebeau, Liedts, Manilius, Meeus, Nothomb, Pirson, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Stas de Volder, Trentesaux, Vandenhove, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, Wallaert, Watlet.
De nouveaux membres étant arrivés, la chambre se trouve en nombre suffisant pour délibérer en conséquence la séance est ouverte.
M. Dechamps lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Maldeghem (Flandre orientale ) demande l’achèvement de la route de Courtray jusqu’aux rives de l’Escaut, à Breskens, par Maldeghem. »
« Le sieur Ch. V. Hennequin, né en Belgique d’un père français y domicilié depuis 1796, et qui a obtenu l’indigénat en 1815, demande la grande naturalisation en conformité de la loi du 22 septembre 1815. »
« Des habitants des communes de Ste-Marguerite et St-Jean-in-Eremo demandent la construction du canal de Zelzaete. »
« Plusieurs entrepreneurs de diligences et messageries demandent que l’exploitation du chemin de fer soit livrée à l’industrie particulière. »
- A la demande de M. Van Hoobrouck et conformément aux antécédents de la chambre, la pétition relative au canal de Zelzaete restera déposée sur le bureau pendant la discussion du rapport de M. de Puydt concernant ce canal.
La pétition du conseil communal de Maldeghem, ayant rapport à l’achèvement d’une route, est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur et sera déposée sur le bureau de la chambre pendant la discussion du projet de loi relatif à un emprunt de 6,000,000 pour construction de routes.
La requête du sieur Hennequin, qui demande la grande naturalisation, est renvoyée à M. le ministre de la justice.
Celle qui est relative à l’exploitation du chemin de fer restera déposée sur le bureau de la chambre pendant la discussion de la loi concernant les péages.
M. Legrelle écrit à la chambre qu’il ne peut se rendre à la séance de ce jour, étant appelé à Anvers pout des affaires d’administration municipale.
M. Scheyven demande un congé de quelques jours, madame son épouse étant à la veille de ses couches.
- Accordé.
M. Thienpont, étant appelé à Audenaerde par ses fonctions judiciaires, demande un congé de quatre jours.
- Accordé.
M. Morel-Danheel fait la même demande.
- Accordé.
M. le ministre de l'intérieur monte à la tribune et dépose quelques documents relatifs au canal de Charleroy.
- Ces pièces seront imprimées et distribuées à MM. les membres de la chambre.
M. le président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu la suite de la discussion du budget des finances.
Nous en sommes au chapitre V, administration des postes.
« Art. 1er. Traitement des employés. »
Le gouvernement a demandé fr. 293,250.
La section centrale propose fr. 289,000.
M. le ministre se rallie au chiffre de la section centrale.
- L’article premier, avec le chiffre de la section centrale, mis aux voix, est adopté.
« Art. 2. Matériel. »
M. le président. - M. le ministre a demandé fr. 61,940.
La section centrale propose fr. 52,830.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, la somme de 9,140 fr. demandée en plus que l’année dernière, et que la section centrale propose de ne pas accorder, était destinée, en premier lieu, à la confection de deux voitures pour le service des postes sur le chemin de fer. La construction de ces voitures était projetée dans un double but, d’abord pour rendre moins coûteux le transport des dépêches.
L’administration du chemin de fer exige le paiement entier de la partie de la voiture occupée pour le service des postes, de manière que si le courrier a besoin, pour lui et pour son porte-manteau, de trois places, l’administration du chemin de fer réclame le paiement de trois places ; et je conviens que c’est avec raison qu’elle le fait, puisque si ces places n’étaient pas occupées par le courrier, elles pourraient l’être par des voyageurs, qui les paieraient.
D’un autre côté, on avait pensé que pour mieux garantir la sûreté des dépêches, il conviendrait d’avoir de petits wagons spéciaux pour les transporter. Puisque la section centrale n’a pas cru devoir accorder un crédit pour cet objet et que le service ne pourra, cette année, se faire sur le chemin de fer qu’entre Bruxelles et Anvers, je renoncerai, pour le moment, à faire confectionner les voitures dont il s’agit, me réservant d’y revenir l’année prochaine, s’il est bien constaté que cette mesure produira les avantages que je crois devoir en résulter.
Une autre partie de la somme en question devait servir à faire confectionner des griffes pour les différents fonctionnaires qui ont la franchise pour le transport de leurs dépêches ; ces griffes doivent être remises à l’administration des postes aux termes de la loi.
La section centrale a été d’avis que les fonctionnaires dont il s’agit pourraient bien faire confectionner ses griffes à leurs frais ou les remplacer par leur signature, qu’ils apposeraient sur leurs dépêches ; je ne pense pas qu’il y aurait grand inconvénient à cela, et j’admettrai encore la réduction proposée par la section centrale, en ce qui concerne la dépense à faire pour les griffes dont il s’agit.
M. Gendebien. - Combien cela pourrait-il coûter ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cette dépense pourrait s’élever de 1,000 à 1,200 fr. : c’est peu de chose ; mais je reconnais qu’elle n’est pas tout à fait indispensable, et, comme on est disposé à ne voter que les sommes absolument nécessaires, je n’insiste pas à cet égard.
Reste une troisième dépense à faire, et, quant à celle-là, je ne puis pas abandonner la partie du crédit qui y est destinée. Elle consiste à donner à l’administration des postes les moyens de confectionner des timbres pour tous les bureaux de distribution, tant pour ceux qui sont déjà établi, que pour ceux qui le seront pour le service rural.
Il est indispensable que dans chaque bureau des postes on ait un timbre pour constater, et le lieu d’où une lettre est partie, et la date du départ ; il pourrait résulter de grands inconvénients de l’absence de cette précaution : par exemple, le bureau de distribution de Gembloux dépend de celui de Namur, il n’a pas de timbre ; eh bien, je suppose une lettre de Gembloux adressée à Gand ; d’après une amélioration introduite dans le service des postes, cette lettre ne doit plus passer par Namur pour y être inscrite sur la feuille de prise en charge, mais elle va directement à Gand. Or, s’il avait un retard notable dans l’arrivée de cette lettre à sa destination, comme elle ne porterait pas un timbre qui constaterait le moment où elle serait partie, le destinataire ne pourrait pas se plaindre de ce retard, puisqu’il ne saurait pas quand la lettre a été remise à la poste.
D’après ce seul exemple, vous reconnaîtrez, messieurs, qu’il est indispensable de voter les fonds nécessaires à la confection des timbres pour tous les bureaux de distribution.
En conséquence je demande que le chiffre de l’article en discussion soit fixé à fr. 56,000 ; il y aura alors une réduction de 5,940 fr. sur l’allocation primitivement demandée, laquelle était de 9,110 fr.
- L’article. 2 avec le chiffre de 56,000 fr., tel que vient de le proposer M. le ministre, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Transport de dépêches. »
M. le président. - Le gouvernement demande 341,546 fr.
La section centrale propose l’adoption de ce chiffre.
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 4. Service rural. »
M. le président. - Le gouvernement demande 210,000 fr.
La section centrale propose 200,000 fr.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Jusqu’ici, messieurs, l’on ne pourrait pas évaluer, d’une manière bien exacte la somme qui sera nécessaire pour le service des postes rurales. Comme il s’est déjà écoulé une partie de l’année sans que ce service soit mis en activité, je crois pouvoir me rallier à la réduction proposée par la section centrale ; la somme de fr. 200,000 sera, je pense, suffisante.
- L’article 4 avec le chiffre de 200,000 fr. mis aux voix, est adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 47,000. »
- Adopté sans discussion.
M. le président. - Personne ne demandant la parole pour la discussion générale on passe à celle des articles.
« Art. 1er. Sur le foncier : fr. 318.000. »
- Adopté.
« Art. 2. Sur l’impôt personnel : fr. 350.000. »
- Adopté.
« Art. 3. Sur les patentes : fr. 91,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Décharge ou remise aux bateliers en non-activité : fr. 100 000. »
- Adopté.
« Art. 5. Non-valeurs sur les redevances des mines : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. - Restitution des droits et amendes mal à propos perçus : fr. 280,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Remboursement des postes aux affaires étrangères : fr. 100,000. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, il résulte des dernières conventions faites avec la Prusse que le remboursement que nous faisions à l’office de ce pays va diminuer d’une manière extrêmement notable, car il sera presqu’entièrement réduit à rien. Je puis donc en conséquence du résultat de ces conventions proposer sur l’article 2 une diminution de 35,000 fr. et de porter le crédit des remboursements aux offices étrangers à 65,000 fr.
- L’article 2 avec le chiffre réduit à 65,000 fr. est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, lorsque vous avez voté la loi générale sur les postes, vous avez décidé dans l’art. 10, que les employés de l’administration auraient comme rémunération du travail extraordinaire que leur occasionne le transport des journaux la moitié du droit perçu pour ce transport. Il faut régulariser ici l’application de cet article 10 afin que la cour des comptes puisse vérifier la comptabilité qui sera tenue à cet égard.
On a porté au budget des recettes une somme de 50 mille fr. comme évaluation approximative du produit du transport des gazettes ; mais ce produit s’élèvera à 70 mille francs.
(Lors de la discussion de la loi postale, on supposait que ce produit monterait à 60 ou 65 mille francs.)
Il est donc indispensable, pour éviter toute difficulté dans l’application d’en porter le chiffre au budget ; c’est pour ce motif que je proposerai l’article additionnel suivant :
« Attribution aux employés des postes de la moitié du port des journaux : fr. 35,000. »
- Cet article mis aux voix est adopté.
« Art. 3. Attributions d’amendes forestières : fr. 15,000. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je dois présenter ici l’annexe aux recettes dont j’ai parlé avant-hier.
Cette annexe se composera des quatre articles suivants : « 1° Remboursements pour avances faites aux ateliers des prisons pour achat de matières premières : fr. 300,000. »
Vous savez que le ministre de la justice avait demandé de majorer son crédit de 300,000 fr. pour l’achat de matières premières nécessaires aux ateliers des prisons. Par une conséquence nécessaire, il y a lieu de porter pareille somme en recette, et c’est ce qui aura lieu par l’article que je propose.
« 2° Produit des frais d’examen des élèves des universités : fr. 100,000 fr. »
Lors de la discussion du budget des voies et moyens, l’honorable M. Devaux m’avait demandé si la recette à faire pour les frais des examens des élèves des universités, se trouvait comprise dans le budget. J’avais cru pouvoir répondre affirmativement à cette question ; mais ayant compulsé les éléments des évaluations de ce budget, je me suis assuré que j’étais dans l’erreur, et que nous étions de 100,000 fr. plus riches relativement aux recettes.
« 3. Complément du produit du passage d’eau d’Anvers à la Tête de Flandre : fr. 36,000. »
Déjà nous avons compté, en recettes comme les années précédentes, 2,000 fr. pour ce passage qui était affermé, avant la construction du bateau à vapeur ; mais comme nous avons adopté pour cette année, par essai, le système de régie et que nous avons porté les frais de cette régie au budget des dépenses, il faut que maintenant nous portions aux recettes tout ce que produira ce passage ; or, la recette totale peut être évaluée à 48,000 francs, laquelle s’applique de deux manières, l’une en 36,000 fr. destinés à couvrir les frais, l’autre en 12,000 fr. supposés comme bénéfices ; et comme ces 12,000 francs de bénéfices sont déjà portés au budget des voies et moyens, il ne nous reste à y porter maintenant que les 36.000.
On a dit que le tarif du passage à la Tête de Flandre était trop élevé et qu’il fallait le diminuer ; pour satisfaire à cette opinion le ministre des finances doit être explicitement autorisé par budget à faire cette diminution ; parce que aujourd’hui le tarif du passage de la Tête de Flandre ayant force de loi, je ne pourrais le réduite sans y être autorisé par la législature. C’est dans ce but que je proposerai à la chambre de stipuler dans le budget que le ministre des finances est autorisé à abaisser le tarif du passage de la Tête de Flandre.
« 4° Complément de la recette provenant du port des journaux : fr. 20,000. »
Nous avons évalué, dans le budget des voies et moyens, le port des journaux à la somme de 30,000 fr., mais il est probable que cette évaluation est trop faible et que le port des journaux rapportera 70,000 fr. ; Il faut donc porter un complément de 20,000 fr. dans le budget des recettes.
D’après toutes ces augmentations l’annexe du budget des recettes s’élèvera à la somme de 456,000 fr.
- Tous ces articles mis aux voix sont adoptés.
« Art. 1er. Attributions d’amendes : fr. 120,000. »
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 2. Remboursement des cautionnements versés postérieurement à la révolution : fr. 20,000. »
M. le président. - Vient ici une proposition faite par M. Zoude et qui a pour objet le remboursement des cautionnements versés avant la révolution lorsque les comptables ont obtenu quitus de leur gestion.
M. Zoude, rapporteur. - Un arrêté du roi Guillaume, du 15 avril 1814, a réglé les principes des cautionnements à fournir par les comptables, ainsi que ceux du remboursement de ces cautionnements en cas de décès, démission ou admission à la retraite.
Cet arrête oblige d’une part les comptables à verser à la caisse de l’Etat une garantie de leur gestion, et d’autre part elle oblige le gouvernement à rembourser ces cautionnements lorsque les comptables, cessant leurs fonctions, ont rempli les diverses formalités voulues par le susdit arrêt d’avril 1814, et d’autres exigées depuis par les arrêtés du 8 janvier 1820 et 14 avril 1821.
Depuis notre révolution, divers comptables ont été admis à la retraite, ont justifié de l’accomplissement de toutes les formalités voulues, et ont été mis en possession du quitus leur délivré par les autorités compétentes du royaume.
En vertu de ce quitus ou jugement qui prononce la libération comptable, quelques cautionnements ont été remboursés ; mais le ministère refuse maintenant de continuer à remplir les obligations qui sont imposées au gouvernement par l’arrêté-loi du 14 avril 1814, comme si les remboursements qui ont eu lieu n’étaient que l’effet de la faveur ; et on devrait les considérer comme tels puisque le prétexte dont on en colore le refus est le défaut d’un arrangement conclu à cet égard avec le gouvernement hollandais. Ainsi, la Hollande s’obstinant à repousser cet arrangement, il arrivera par suite de cette obstination que le comptable belge qui a obéi à la loi en fournissant son cautionnement, qui a été admis à la retraite par le gouvernement belge, qui s’est libéré envers la Belgique, qui a obtenu des autorités compétentes le quitus qui est un jugement qui reconnaît au comptable le droit de se faire rembourser par l’Etat, il arrivera, dis-je, que le remboursement de semblables cautionnements serait ajourné à tel délai, dont la prévoyance humaine ne pourrait jamais fixer le terme.
Cependant, messieurs, quand un comptable est remplacé, le successeur fournit un nouveau cautionnement, et alors le gouvernement se trouve privé d’un double intérêt, de celui dû au prédécesseur pour cautionnement fourni à la Hollande, et à son successeur pour celui fourni à l’Etat. N’est-ce pas, messieurs, une véritable mine, et ne serait-il pas plus économique de rembourser le cautionnement du prédécesseur avec les fonds fournis par le successeur ; et puis, messieurs, pouvons-nous, devons-nous avoir 2 poids 2 mesures ? L’Etat rembourse la consignation et dépôts sur le vu du jugement des tribunaux qui ont ordonné ce remboursement. La cour des comptes n’est-elle pas un tribunal aussi compétent, et ses jugements en matière de comptabilité ne doivent-ils pas ressortir les mêmes effets que ceux des tribunaux civils ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je regrette de ne pouvoir partager l’opinion de l’honorable préopinant ; je ne crois pas que nous soyons obligés de payer dès maintenant toutes ces dettes, qui sont bien plutôt à la charge du gouvernement hollandais que du gouvernement belge. On ne dira pas que les comptables, que l’on ne peut maintenant rembourser, soient fortement lésés puisqu’ils touchent 4 p. c. du montant de leurs cautionnements, ce qui est à peu prés actuellement le taux de l’intérêt de l’argent.
Si nous entrions dans la voie que nous présente l’honorable membre, elle pourrait nous entraîner beaucoup plus loin que nous voudrions aller.
Un grand nombre de personnes qui ont fait des dépôts dans les caisses de l’ancien gouvernement pourraient vous demander, par une conséquence toute logique, le remboursement de leurs deniers.
Si nous pouvons plus tard faire opérer ces remboursements, sans gêner nos finances, nous le ferons. Mais, dans ce moment, nous ne pouvons adopter l’amendement proposé.
On dit : « Mais, puisque vous remboursez les fonds provenant de consignations, pourquoi feriez-vous une différence pour les fonds de cautionnements ? » La différence est facile à saisir ; c’est que, pour les consignations, la loi même ordonne le remboursement. Lorsqu’un tribunal décide qu’une consignation doit être remboursée à ceux qui en ont fait le dépôt, ce serait manquer à la justice, ce serait un déni de justice que de ne pas rembourser la somme provenant de consignation.
Pour les cautionnements, au contraire, il n’y a pas de loi qui en ordonne impérativement le remboursement après l’apurement de la gestion du comptable. C’est une simple disposition administrative qui le prescrit. Là ce n’est donc pas la loi qui parle ; ce sont des conventions réglementaires non impératives entre les comptables et l’administration.
Je pense donc que le paiement des intérêts aux titulaires de ces consignations est tout ce que nous pouvons faire maintenant, et que nous ne pouvons, en ce moment, adopter la proposition de l’honorable M. Zoude.
M. Zoude. - Je ne puis admettre la différence qu’a voulu établir M. le ministre des finances entre la loi qui ordonne le remboursement des consignations, et l’arrêté-loi qui ordonne le remboursement du cautionnement aux comptables après la délivrance de leur quitus.
D’abord, comme j’ai eu l’honneur de le faire remarquer, nous perdons toujours l’intérêt. Depuis six ans, nous payons l’intérêt ; voilà le quart du capital que nous avons payé ainsi improductivement.
On dit que le remboursement des consignations est ordonné par les tribunaux. Mais les décisions de la cour des comptes ont autant de force en matière de comptabilité que les décisions des tribunaux eu matière civile.
On objecte le mauvais état de nos finances. Mais il ne sera pas aggravé par une dépense de 50,000 fr., qui n’est après tout qu’un acte de justice. Je pense donc que la proposition que j’ai eu l’honneur de faire, doit être adoptée par la chambre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai remarquer qu’il y a erreur dans ce que vient de me répondre l’honorable M. Zoude, à savoir que, dans l’état de choses actuel, l’Etat est grevé d’un intérêt qui est une perte pour le trésor belge.
D’abord je dirai que, lors de la liquidation avec la Hollande, nous porterons en compte les intérêts payés pour les fonds de cautionnement, détenus en ce moment par la Hollande. D’un autre côté, nous n’avons pas notre caisse tout à fait pleine d’écus ; que nous avons, pour équilibrer nos recettes, des bons du trésor dont nous sommes obligés de payer 4 ou 4 1/2 p. c.
Or, la somme de 50,000 fr., réclamée par l’honorable membre (somme qui ne serait pas suffisante ; car les cautionnements restés en Hollande s’élèvent à une somme bien plus considérable), cette somme, dis-je, qui serait destinée au remboursement des cautionnements, devrait être immédiatement couverte par une émission de bons du trésor qui nous coûterait 4 1/2 ; de sorte qu’en maintenant ce qui existe, nous gagnons réellement 1 1/2 d’intérêt, et nous n’augmentons pas outre-mesure notre dette flottante, qui est déjà suffisamment grande.
M. Fallon. - S’il ne s’agissait que d’ajourner la proposition de M. Zoude, je ne m’y opposerais pas, parce que je crois qu’à cet égard la chambre manque des renseignements nécessaires.
Mais s’il s’agissait de discuter le fond, le point de droit, je prendrais part à la discussion, parce que je crois qu’il faudrait appliquer aux cautionnements le principe que nous avons appliqué aux los-renten, à savoir que le gouvernement ne peut se dispenser de payer les obligations ayant date certaine antérieure à la révolution, lorsque les créanciers sont des Belges. Je crois qu’il faudrait maintenir ce principe et l’appliquer à la matière. Mais je désirerais qu’auparavant l’on se rendît compte de la dette résultant des cautionnements.
M. le président. - Aussi, M. Fallon propose l’ajournement.
M. Zoude, rapporteur. - J’adhère à cette proposition.
- L’ajournement de l’amendement de M. Zoude est mis aux voix et prononcé.
Les articles du budget des dépenses pour ordre sont mis aux voix et adoptés.
L’annexe de 456,000 fr., proposée au budget des recettes par M. le ministre des finances, est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Le budget des finances est terminé.
M. le président. - La parole est à M. Fallon.
M. Fallon. - Nous avons, au début de la séance, accordé trois congés. Je remarque que quelques collègues qui n’ont pas demandé de congé ne sont pas ici. Je crains que demain nous ne soyons pas en nombre; je demande donc que l’on procède aujourd’hui au vote définitif du budget des finances, dans lequel il y a eu fort peu d’amendements.
M. Desmet. - Je dois m’opposer à la motion d’ordre de l’honorable M. Fallon.
Il y a une décision de la chambre d’après laquelle, entre le premier et le second vote du budget des finances, on doit voter l’emprunt pour la construction de routes, les crédits relatifs au canal de Zelzaete et aux travaux à exécuter sur les rives de la Meuse.
Il y a vraiment urgence pour le canal de Zelzaete. Si on veut absolument ne pas le faire, et laisser aux provinces à exécuter les travaux qui les intéressent, je ne demande pas mieux ; les Flandres ne seront pas arriérées. Mais s’il en est autrement, hâtez-vous de voter le crédit nécessaire. Sans cela, le canal d’Ostende à Bruges, qui est le plus beau qu’il y ait au monde, aura éprouvé des dommages tels que vous ne pourrez pas y remédier à moins de 4 à 5 millions.
Je demande donc que, conformément à la décision prise par la chambre, on vote dans l’ordre suivant : La loi relative aux péages sur la route en fer, le canal de Zelzaete, l’emprunt de 6 millions et les travaux à exécuter sur les rives de la Meuse.
M. Fallon. - M. Desmet ne m’a pas compris. Je n’ai pas demandé la priorité pour le vote définitif du budget des finances, j’ai seulement demandé qu’il ait lieu dans la séance d’aujourd’hui. Je pense que nous pouvons discuter auparavant le crédit relatif au canal de Zelzaete, qui sans doute ne nous prendra pas grand temps.
Quant à l’emprunt de 6 millions, ce n’est pas aussi urgent; et il pourra être discuté demain, si la chambre est en nombre.
M. A. Rodenbach. - Lorsque nous aurons épuisé l’ordre du jour, nous pourrons examiner s’il a urgence à voter le budget des finances. Commençons par discuter les objets mis l’ordre du jour, et ensuite, soit par exemple après-demain, nous voterons le budget des finances, dans lequel d’ailleurs il y a eu des amendements.
Plusieurs membres partiront, si vous votez ce budget aujourd’hui.
Nous ne sommes encore qu’au 21; l’on ne part ordinairement que 3 ou 4 jours avant Pâques.
Si vous votez le budget des finances, demain vous ne serez plus en nombre pour voter le projet de loi relatif aux péages sur le chemin de fer et le crédit relatif au canal de Zelzaete. Voter ce budget c’est précisément le moyen de faire partir assez de membres pour que nous ne soyons plus en nombre.
M. de Renesse. - Messieurs, sur ma proposition, la chambre a bien voulu, il y a déjà quelque temps, mettre à l’ordre du jour, entre le premier et le second vote du budget de l’intérieur, la discussion du projet de loi relatif à la fraude des céréales dans le Limbourg ; une indisposition de M. le ministre des finances fut cause que cette loi ne put alors être discutée.
Je viens, en conséquence, demander à la chambre de vouloir rétablir l’ordre du jour pour ce projet de loi, et d’en fixer la discussion après les différents projets qui sont à l’ordre du jour actuellement.
Je suppose que cette loi, attendue avec la plus vive impatience par les habitants des provinces de Liège et de Limbourg, ne donnera lieu qu’à peu de discussions. Elle est très urgente ; chaque jour de retard cause de grands préjudices aux cultivateurs et habitants de ces provinces, par la masse de grains venant de la Prusse, qui sont introduits en France par le rayon stratégique de Maestricht. Il est plus que temps de mettre un terme à cette fraude scandaleuse, qui ruinera les petits propriétaires, si elle n’est bientôt réprimée. J’espère que la chambre voudra prendre en considération l’urgence de la mise en exécution de cette loi, et fixer sa discussion immédiatement.
M. le ministre des finances a demandé que ces projets fussent discutés entre deux votes du budget de son département. Tout le monde est convenu que cela aurait lieu ainsi. Je fis l’observation que la discussion de ces projets pourrait durer plusieurs jours. L’on a pensé qu’il faudrait attendre la fin de la discussion de ces deux projets pour passer au second vote du budget des finances.
La chambre doit maintenir ce qu’elle a décidé. M. le ministre craint que nous ne soyons pas en nombre pour voter le budget des finances. Nous sentons tous la nécessité de voter le budget, et nous resterons tous à notre poste quel que soit le jour fixé pour le second vote avant notre séparation, au lieu que si vous votez immédiatement le budget des finances, nous ne nous trouverons plus en nombre pour discuter les autres projets avant Pâques.
Il y a cinq ans qu’ils nous ont été présentés. Il serait bien temps de s’en occuper. Ils sont de la dernière urgence.
Ce serait une véritable fin de non-recevoir que d’en fixer la discussion quand nous ne serons plus en nombre.
Je demande donc formellement que la chambre maintienne son ordre du jour, et qu’avant le second vote on discute les deux projets que je viens de rappeler.
M. Dumortier.- Je pense que plusieurs des honorables préopinants se trompent véritablement sur les deux projets de loi dont ils désirent la discussion immédiate. Je veux parler de ceux sur le canal de Zelzaete et sur l’emprunt de six millions pour la construction de routes. Ils croient que ces deux projets sont de nature à être votés spontanément. Je les regarde au contraire, le second surtout, comme devant donner lieu aux plus graves discussions.
Je conçois bien que le projet de l’emprunt de six millions n’offre qu’une question à examiner, à savoir si l’on absorbe la totalité du revenu de nos routes et si l’on laisse quelque chose pour les routes qui, dans l’intervalle de l’emprunt, pourraient devenir nécessaires. Voilà la seule question.
M. Pirmez. - Il y en a bien d’autres encore.
M. Dumortier.- Mais, dans le projet du canal de Zelzaete, il se présente une foule de questions de la dernière importance. D’abord il s’agira de savoir si la Belgique tout entière doit contribuer à la construction de ce canal, si le trésor public doit payer les frais de ce canal, alors que des canaux des Flandres appartiennent exclusivement aux provinces ; si le trésor public doit entrer dans une dépense de 3,800,000 francs pour une construction tout à fait à l’avantage des provinces dont les canaux ne nous apportent absolument rien.
M. le président. - Je ferai observer à M. Dumortier qu’il s’écarte de la question.
M. Dumortier. - Je motive l’opinion que j’ai qu’il y a lieu d’ajourner la discussion des deux projets.
En second lieu, en admettant même que l’Etat intervienne dans la dépense, vous aurez à examiner si au moyen de travaux à faire à l’écluse de Hazegras, et qui ne coûteraient que deux à trois cent mille francs, l’on n’obtiendrait pas le même résultat.
En deuxième lieu, vous aurez à examiner si la création du canal de Zelzaete ne compromettrait pas la souveraineté de l’Escaut. Vous devez convenir avec moi que ces questions sont d’une haute importance et qu’elles peuvent donner lieu à de longues discussions.
Vous voyez donc que l’on ne peut songer à mettre actuellement en discussion de pareils projets, ni espérer qu’ils soient immédiatement votés, à moins que nous ne restions assemblés jusqu’au jour de Pâques. Rappelez-vous ce qui est toujours arrivé dans la discussion des lois qui soulevaient des intérêts de localités, La discussion, vous disait-on, ne durera que deux jours au plus. Eh bien, la loi sur les bestiaux a duré 15 jours. Il a fallu également quinze séances pour la loi de péréquation cadastrale.
Il en sera de même de la loi sur le canal de Zelzaete ; c’est une loi dans laquelle les provinces sont plus ou moins intéressées. Vous avez beaucoup d’orateurs à entendre dont les discours absorberont plusieurs séances.
Il y a deux autres projets à examiner, l’un sur la répression de la fraude des céréales, l’autre sur la réparation des rives de la Meuse. Il faut le temps de les discuter.
Messieurs, la chambre désire se séparer. Les honorables membres eux-mêmes qui demandent la discussion du projet de loi sur le canal de Zelzaete et du projet de loi sur l’emprunt des routes conviennent eux-mêmes que si l’on termine immédiatement le vote définitif du budget des finances, la chambre ne se trouvera plus en nombre pour entamer la discussion de ces deux projets.
Ce fait ne prouve-t-il pas que la chambre est fatiguée, que chacun de nous désire prendre quelque repos ? Messieurs, nous sommes, de toutes les assemblées délibérantes de l’Europe, celle qui prend le moins de congé et qui siège le plus longtemps dans l’année.
En Angleterre, lorsqu’il a discuté pendant un mois ou deux, le parlement se donne un mois ou six semaines de congé, et la législature ne siège pas six mois par an.
En vérité, les fonctions de député ne sont pas des fonctions de galériens. Vouloir que nous siégions pendant des mois entiers sans retourner dans nos familles, c’est nous imposer le métier le plus fatigant. Nous avons bien gagné quelques jours de congé.
Je demande donc que l’on vote immédiatement et définitivement le budget des finances.
Il y a d’autres lois d’une urgence reconnue : qu’on les vote aussi, mais que l’on ajourne la discussion des projets sur le canal de Zelzaete et sur l’emprunt des routes après notre rentrée. Ce ne sera qu’un retard de trois semaines. Il importe peu que vous votiez trois semaines plus tôt ou plus tard les projets dont il s’agit.
Remarquez que même la discussion de la question de priorité entre le projet sur le canal de Zelzaete et le projet d’emprunt durera toute une séance.
M. Desmanet de Biesme. - Je ferai remarquer qu’il est impossible que nous votions le projet d’emprunt sur les routes avant notre séparation. C’est une loi des plus importantes que nous ayons à discuter.
Si l’assemblée était cependant déterminée à entamer cette discussion, ii faudrait écrire aux membres qui s’absentent sans congé de se trouver à leur poste. Car ce projet trouvera une grande opposition dans la chambre, parce qu’il soulève des questions très importantes. Ce n’est pas lorsque l’assemblée ne se compose que de 52 membres présents qu’on peut les examiner.
J’appuie la proposition de l’honorable M. Fallon qui est de voter immédiatement le budget des finances.
M. Desmet. - M. Dumortier a considérablement simplifié la discussion par les questions qu’il a posées, car nous sommes prêts à lui donner sur toutes ces questions des réponses satisfaisantes.
Et quand il n’a pas d’autres arguments à faire valoir pour nous contredire, dans un ouvrage qui sera surtout dans l’intérêt de Tournay et d’une grande partie de la province du Hainaut, que celui qu’il vient d’alléguer que le canal d’écoulement de Damme à la mer va extraordinairement compromettre la question de la liberté de l’Escaut, il sera facile d’y répondre, et je crois même que la chambre n’aura besoin d’aucune réponse pour en sentir toute l’absurdité.
M. Pollénus. - On demande la déclaration d’urgence parce qu’on dit que nous ne serons pas en nombre demain. Je ferai remarquer qu’ordinairement c’est le premier jour de la semaine. Cependant aujourd’hui nous sommes plus qu’en nombre heureusement nécessaire pour délibérer.
Les membres qui se proposent d’assister aux séances, arrivent ordinairement le deuxième jour de la semaine. Je ne comprends pas les craintes qu’on manifeste, car les députés des provinces s’empresseront d’être ici dans deux ou trois jours.
M. Gendebien. - Nous ne les attendrons pas.
M. Pollénus. - Si vous remettez la discussion dont il s’agit après la vacance de Pâques, elle ne pourra avoir lieu que la deuxième on la troisième semaine après Pâques, et les travaux seront retardés d’une année.
Je le répète, je n’ai pas entendu articuler un fait qui justifie les craintes qu’on a exprimées.
M. A. Rodenbach. - Je suis étonné qu’on persiste à demander que le budget des finances soit voté d’urgence, d’autant plus que le ministre des finances lui-même a déclaré qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que son budget soit voté demain ou après-demain. Si on persiste à demander le vote d’urgence c’est qu’on a l’intention de partir sans s’occuper des autres projets qui sont à du jour, et alors nous demanderons qu’on vote par appel nominal.
Nous ne sommes que le 21, c’est dimanche en huit la fête de Pâques. L’année dernière, nous ne nous sommes séparés que le Vendredi Saint. D’ici à cette époque, nous aurions le temps de discuter les projets dont il s’agit.
M. Gendebien. - On ne peut pas se dissimuler ce qui se passe depuis quelques jours. C’est qu’on est fatigué ; on ne discute plus, personne n’a plus le courage d’élever la voix. Si vous persistez à faire discuter des projets de loi d’intérêt local, on dira que vous avez saisi l’occasion où la chambre ne trouvait en petit nombre et fatiguée, pour emporter les lois que vous vouliez. On aura tort, mais on le dira, et cela produira un effet fâcheux dans le public.
Pour moi qui suis toujours à mon poste à la chambre, dans les sections et les commissions, qui m’occupe de tous les projets, comment voulez-vous que j’aille maintenant prendre part à une discussion aussi importante quand je suis découragé par le petit nombre de membres présents, et que je ne me trouve pour ainsi dire qu’en présence des intéressés ?
Si le ministre des finances a déclaré qu’il lui était égal que son budget fût définitivement voté aujourd’hui ou dans deux jours, c’est qu’il pensait que ce vote pourrait avoir lieu dans deux jours ; car il vous a dit qu’il était urgent que son budget fût voté après-demain au plus tard. Je vous prédis que nous ne serons plus en nombre.
Quant à l’emprunt de 6 millions, si le gouvernement se borne à demander à être autorisé à le contracter, sans rien préjuger sur les questions que soulève le projet de M. de Puydt, je suis prêt à y donner mon assentiment ; j’autoriserai même un emprunt de 10 millions, sauf à régler plus tard ce qu’on en fera.
Je demanderai s’il y a des travaux préparés dont les plans et les devis soient faits et qui soient prêts à être mis en adjudication. Si des travaux sont prêts, je voterai, en laissant les questions intactes, parce que je ne puis pas admettre le projet tel qu’il est ; je ne puis pas consacrer par une loi ce que je regarde comme une injustice, qu’on enlève à une province ce qu’elle produit pour l’employer dans d’autres provinces.
En autorisant l’emprunt, comme je le propose, le gouvernement aura ce qu’il veut ; mais je pense qu’il ne sera pas plus avancé, car je crois qu’il n’y a rien de préparé et qu’il se passera au moins trois mois avant qu’on ne puisse rien commencer.
Quant au canal de Zelzaete, je ne puis pas le discuter aujourd’hui ni demain ; c’est un objet d’une trop grande importance et qui doit avoir des conséquences trop graves pour en aborder la discussion dans l’état de fatigue où je suis.
Quelques membres parlent tout à leur aise de commencer cette discussion ; ils sont arrivés d’hier ou d’aujourd’hui. Mais moi je suis fatigué ; je ne le puis pas.
Je demande qu’on vote le budget des finances comme l’objet le plus pressé.
M. Desmet. - A entendre l’honorable préopinant, on dirait qu’il s’agit ici d’une chose nouvelle. Le canal de Zelzaete a été projeté sous l’administration de M. Rogier ; plusieurs rapports ont été faits sur ce projet, et je suis sûr que tous les membres de la chambre voteront en pleine connaissance de cause. C’est donc un prétexte qu’on cherche pour ajourner le projet, et laisser passer la bonne saison et faire que cette année on ne pourra commencer un travail qui est si urgent et si nécessaire. C’est assez étrange que ce sont surtout deux députés du Hainaut qui s’opposait au creusement du canal de Damme, quand c’est particulièrement la navigation et le commerce de cette province, qui ont le plus d’intérêt que la navigation du canal de Bruges à Ostende sont rétablies régulièrement.
M. Gendebien. - Le Hainaut !
M. Desmet. - Le Hainaut fait passer par là mille bateaux par an de charbon et de chaux.
M. Gendebien. - Par le canal que vous allez faire ?
M. Desmet. - Mais non, par le canal de Bruges dont la conservation exige le canal d’écoulement que nous demandons.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si on procédera aujourd’hui au vote définitif du budget.
Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
- On procède à l’appel nominal, dont voici le résultat :
55 membres ont pris part au vote ;
4 membres se sont abstenus ;
23 ont répondu oui ;
32 ont répondu non.
En conséquence la question est résolue négativement par la chambre.
Ont répondu non : MM. Beerenbroeck, Bekaert, Berger, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Puydt, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Kervyn, Mast de Vries, Pollénus, A. Rodenbach. Rouppe, Stas de Volder, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Watlet et Zoude.
Ont répondu oui : MM. Bosquet, Cols, Cornet de Grez, de Behr, Dequesne, de Sécus, Desmanet de Biesme, Dumortier, Fallon, Gendebien, Keppenne, Liedts, Milcamps, Pirmez, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Smits, Troye, Ullens, Vanden Wiele et Raikem.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que la proposition de l’honorable M. de Renesse ne peut donner matière à controverse. La loi est extrêmement urgente. La discussion en sera extrêmement courte, s’il y a discussion. S’il pouvait y avoir opposition à cette loi, elle ne viendrait que des députés de la province ou des mesures quelquefois rigoureuses vont y être appliquées. Or, les députés du Limbourg reconnaissent tous l’urgence de cette loi ; loin de m’opposer à son adoption, je suis convaincu qu’ils l’appuieront de toutes leurs forces, de sorte que ce petit projet ne peut donner lieu à aucune controverse. Je pense que, relativement au budget des finances, il serait urgent de le voter immédiatement, si nous ne sommes pas certains d’être en nombre demain.
Il y a plusieurs considérations très fortes pour que le budget des finances soit terminé avant notre séparation. Le sénat est assemblé et il importe de profiter de la réunion de ce corps pour lui envoyer ce budget. En second lieu, il est devenu urgent de pourvoir au service de mon département. Vous savez qu’il ne m’a été alloué, sur ma demande, qu’un crédit provisoire de 600,000 fr. La marche des affaires commence à éprouver de la gêne.
Quoi qu’il en soit, je le répète, si nous sommes certains de nous trouver en nombre demain ou après-demain, je ne verrai pas d’inconvénient à remettre à demain le budget des finances.
Je désire donc que, quelle que soit la décision de la chambre, elle fasse en sorte que le budget des finances soit voté avant sa séparation.
M. Zoude, rapporteur. - Je crois devoir m’opposer au vote immédiat du budget des finances. Il y a des amendements sur lesquels je me propose de revenir, notamment sur le personnel de la douane. Il ne me paraît pas suffisamment augmenté dans l’intérêt de l’industrie et du trésor public. Je ne suis pas préparé à parler maintenant.
M. d'Hoffschmidt. - C’est la deuxième fois que nous discutons la question dont il s’agit dans ce moment.
Il y a plusieurs jours, j’avais demandé que l’on discutât immédiatement la loi sur le canal de Zelzaete et sur l’emprunt des routes.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai pas voulu voter contre, parce qu’il est urgent d’adopter définitivement le budget des finances. D’un autre côté, en votant pour, j’aurai craint d’autoriser à croire qu’on ne s’occuperait plus d’autres projets avant notre séparation.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, s’il était sûr qu’on fût en nombre demain ou après demain, je ne tiendrais pas à ce que le budget des finances fût définitivement voté aujourd’hui ; mais comme j’ai des doutes à cet égard, et qu’il serait désastreux pour la marche du service que le budget ne fût pas voté avant les vacances de Pâques, je n’ai pas pu voter contre la motion de l’honorable M. Fallon.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Dumortier. - Il me semble que le vote qu’on vient d’émettre prouve manifestement qu’il est nécessaire de voter demain le budget des finances. La proposition de M. Fallon n’a été écartée que par 32 voix contre 19. Disons-le franchement, il y a 19 membres qui ont évidemment l’intention de prendre des vacances dès à présent. Vous resterez 32 ; voyez si avec ce nombre vous pouvez voter ; quant à moi, je déclare que je serai le premier à partir.
M. F. de Mérode. - Messieurs, l’honorable M. Dumortier suppose que tout le monde est comme lui ; quand une décision de la chambre ne lui convient pas, il s’en moque et il déclare qu’il s’en ira. Il est libre de partir, et je lui donne un congé, s’il veut.
Je ne pense pas que les 19 membres qui ont voté pour la proposition de M. Fallon consentent tous à partir, et à abandonner ainsi les intérêts du service public. Il y a un budget des finances à voter, tout le monde le sait ; et il n’est pas urgent que nous nous séparions avant vendredi prochain.
Je le répète, je suis persuadé que les 19 membres dont il s’agit n’imiteront pas M. Dumortier qui s’en ira tout seul.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Je remercie l’honorable préopinant de son attention. Je sais fort bien qu’il est très disposé à accorder des congés aux membres de l’opposition, et même à leur faire accorder des congés par les électeurs. Quand le peuple qui m’a envoyé ici me donnera mon congé, je l’accepterai ; mais je n’accepterai pas le congé que m’offre M. de Mérode
Pour en revenir à la question, je déclare que la chambre n’est nullement liée, quant au vote de demain. Nous pouvons voter demain le budget des finances, puisqu’il se sera écoulé 24 heures entre le premier vote et le second.
L’honorable préopinant dit qu’il n’est pas urgent que nous nous séparions avant vendredi ; mais je lui répondrai qu’il nous est impossible de discuter en deux jours deux projets, dont l’un surtout peut entraîner des conséquences d’une nature grave.
Nous devons absolument voter demain le budget des finances ; plus tard nous ne serons plus en nombre.
M. d'Hoffschmidt. - M. Dumortier vous a dit tout à l’heure que le projet relatif à l’emprunt des 6 millions occuperait longtemps la chambre.
La question se borne à savoir si l’on veut autoriser l’établissement de routes indispensables ; les membres qui sont d’avis qu’il faut les construire répondent affirmativement. Ceux qui ne veulent que des chemins de fer émettront un vote négatif.
Puisqu’il me paraît qu’on veut absolument se séparer, je ferai une question à M. le ministre de l’intérieur relativement aux routes. Je lui demanderai s’il ne pourrait pas faire la demande d’un crédit de 2 à 300,000 fr. pour qu’on puisse travailler dans la belle saison.
Je sais bien qu’une somme de 800.000 fr., provenant du surplus du produit des barrières, est consacrée à l’objet dont il s’agit ; mais cette somme est insuffisante.
Au moyen du crédit supplémentaire, joint aux 800.000 fr., le ministre de l’intérieur pourrait faire procéder aux travaux les plus urgents.
M. A. Rodenbach. - Je dirai à l’honorable député de Tournay que sa proposition tendant à voter demain le budget des finances est contraire au règlement. Il faut qu’il y ait entre les deux votes un jour franc, et les antécédents de la chambre le prouvent évidemment.
Je ne pense pas que l’explication que M. Dumortier a donnée de l’intervalle des 24 heures soit acceptable. Trente-deux membres contre vingt-quatre ont décidé qu’on ne voterait pas aujourd’hui le budget des finances. Si l’on persiste à demander pour demain le second vote du budget des finances, nous provoquerons une nouvelle décision de la chambre dans le sens de la première.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour répondre à l’honorable M. d’Hoffschmidt, je dirai que j’ai déjà fait en quelque sorte la proposition d’un crédit supplémentaire à la section centrale mais elle a été d’avis d’ajourner cette augmentation de crédit jusqu’au rapport sur l’emprunt
Maintenant que le rapport est favorable au projet, je ne pense pas qu’il y ait lieu de discuter en ce moment la proposition d’un crédit supplémentaire.
Lors de la première réunion de la chambre, on pourra examiner la question et voir auquel des deux projets il conviendra de donner la préférence.
(Moniteur belge n°83, du 23 mars 1836) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense qu’il ne suffit pas de voter un crédit supplémentaire ; il faut encore pourvoir aux moyens de payer la somme qu’on allouera.
Cette observation ne s’applique pas seulement à la question des routes, mais aussi à celle du canal de Zelzaete.
Ce n’est pas quand on a dépassé les propositions de dépenses de 1,200,000 fr., qu’on peut exiger que le gouvernement prenne sur le budget ordinaire des recettes le surcroît de dépenses qui résulterait de ce chef.
Relativement aux routes on a proposé un emprunt ; pour le canal de Zelzaete la discussion prouvera qu’il sera nécessaire d’aviser aux moyens de faire face à la dépense. Il sera indispensable de donner au gouvernement de quoi couvrir les grands frais qu’exigeront des travaux considérables. Il faudra au moins 800,000 fr. pour le canal de Zelzaete.
M. Desmet. - Non ; 500,000 fr.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Soit, encore ne pourra-t-on faire face à cette dépense de 500 mille francs, sans demander des voies et moyens.
M. d'Hoffschmidt. - Vous avez les bons du trésor.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les bons du trésor ont leur affectation, leur application : il ne suffira donc pas de voter de nouvelles dépenses, il faudra voter en même temps des recettes équivalentes.
M. Desmet. - Oui, il faut des voies et moyens pour faire des dépenses. Mais quand on a demandé de l’argent pour les tableaux, pour les beaux-arts, pour l’académie, tout le monde s’est levé, et on n’a pas parlé des voies et moyens : aujourd’hui, il s’agit d’un travail productif, d’un des plus beaux travaux qui aient été entrepris en Europe, et on objecte les voies et moyens ; et les ministres restent immobiles sur leur banc, quand on demande que le canal soit mis à l’ordre du jour. Il n’est pas question d’intérêt local ici ; il est bien question d’intérêt général.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les ministres ne sont pas indifférents à la construction du canal de Zelzaete ; et en s’abstenant de voter lors de la question d’ordre du jour, ils n’ont pas montré qu’ils n’y prenaient aucun intérêt. Il s’agissait en effet de savoir si vous seriez en nombre pour adopter définitivement le budget du ministère des finances, dans le cas où on s’occuperait immédiatement du canal de Zelzaete ou de l’emprunt relatif aux routes ; et c’est dans le doute où les ministres étaient à cet égard qu’ils se sont abstenus : si vous n’étiez pas en nombre, l’administration publique serait entravée, divers services seraient jetés dans une véritable perturbation.
Or, je vous le demande, les ministres peuvent-ils prendre la responsabilité d’un tel état de choses, et voter pour que le canal de Zelzaete soit mis immédiatement en discussion ?
Quant à la dépense de ce canal, ne s’élevât-elle qu’à 500,000 fr., le budget général des voies et moyens, tel qu’il est, ne pourrait y subvenir.
Il ne s’agit plus de 20 ou 30 mille francs, comme pour les beaux-arts ; il s’agira de millions en définitive.
M. Desmet. - Il faut 500,000 fr.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faut 500,000 fr. pour le canal de Zelzaete ; il en faudra au moins 500,000 pour les routes ; ainsi un million est indispensable ; où le trouverez-vous ?
Messieurs, si vous voulez prendre l’engagement de rester ici afin de voter le crédit pour le canal de Zelzaete, nous ne demandons pas mieux que d’attendre quelques jours pour avoir le vote définitif du budget des finances ; mais dans le doute il faut commencer par de ce budget pour ne pas jeter l’administration dans la plus grande perturbation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Lorsque je me suis abstenu tout à l’heure, c’est principalement parce que je suis pénétré de la nécessité de voter le budget des finances ; mais je prie l’honorable préopinant d’être convaincu que je comprends toute l’importance du canal dont il s’agit ; je partage entièrement sa manière de voir à cet égard : je crois qu’il est urgent que la chambre prenne une décision.
Si la décision était favorable, au moins les deux Flandres sauraient à quoi s’en tenir.
C’est notamment la baisse et la hausse successive des eaux du canal actuel qui nous causent des frais considérables. S’il est décidé qu’on ne fera pas d’autre canal, eh bien, les provinces prendront probablement des mesures en conséquence, et ces mesures seront plus défavorables à d’autres provinces qu’aux Flandres.
M. Desmanet de Biesme. - Le ministre des finances a déjà répondu à l’interpellation que j’étais dans l’intention de lui faire. Je voulais lui demander si, dans la situation actuelle des finances, les voies et moyens ordinaires pouvaient pourvoir aux frais de la construction du canal de Zelzaete. Le ministre a dit non.
D’après cela, il sera nécessaire d’y faire face, soit par un emprunt, soit par des centimes additionnels ; et le gouvernement, en présentant un projet pour la confection du canal de Zelzaete, devra présenter les moyens de pourvoir à la dépense ; et ces projets sont assez importants pour être renvoyés en sections et y être examinés.
Quand on a pu croire que le budget ordinaire suffirait, la marche que j’indique n’était pas nécessaire ; mais je pense qu’en présence du petit nombre de membres qui assistent actuellement aux séances de la chambre, il serait inconvenant de discuter des projets dont l’exécution réclame des moyens extraordinaires.
M. Desmet. - Dans l’hypothèse que la chambre décide que le second vote du budget des finances aura lieu demain, je demande si on ne pourra pas discuter le projet du canal de Zelzaete avant le second vote.
Je vous prie, messieurs, de faire attention aux observations de l’honorable ministre des affaires étrangères ; les Flandres veulent une décision, pour qu’on puisse travailler dans la bonne saison.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que si l’on adopte la motion d’ordre qui est faite, de voter demain le budget des finances, nous pouvons à l’instant commencer la discussion du projet du canal de Zelzaete. C’est ainsi que je le comprends, et le bulletin qui donne avis à chaque membre des matières de l’ordre du jour porte positivement que le canal de Zelzaete et le projet d’emprunt pour les routes seront discutés après le premier vote du budget des finances.
Il me semble donc, messieurs, qu’il y a lieu de passer à l’ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que nous attachons trop d’importance à la question relative à la discussion du canal de Zelzaete ; il est évident que la chambre discutera cette année le projet de ce canal, et le projet d’emprunt pour les routes ; la majorité le veut et l’a décidé. J’appellerai cette discussion, soit demain, soit à la prochaine rentrée de la chambre.
Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
M. le président. - Ceux qui voudront que le vote définitif du budget des finances ait lieu demain répondront oui ; les autres répondront non.
- 59 membres sont présents.
34 répondent oui.
25 répondent non.
En conséquence le vote définitif du budget des finances aura lieu demain.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je me suis abstenu de voter cette fois pour la même raison qui m’a fait m’abstenir la première fois.
M. le président. - Nous avons à nous occuper d’autres projets de loi ; c’est à la chambre à décider quel est celui qui aura la priorité.
M. de Jaegher. - Je crois devoir faire observer à la chambre que le projet à l’ordre du jour est désigné depuis longtemps.
M. d'Hoffschmidt. - On a décidé que l’on voterait demain définitivement le budget des finances. Il est inutile de songer maintenant au crédit relatif au canal de Zelzaete. Je crois qu’il faut voter maintenant le projet de loi relatif aux concessions de péages sur la route en fer ; car, après le vote définitif du budget des finances, la chambre ne sera plus en nombre.
M. Watlet. - Je désire rectifier une erreur de M. de Jaegher. La chambre, en mettant plusieurs objets à l’ordre du jour, n’a encore accordé à aucune la priorité.
Quant à moi je crois que l’on doit discuter d’abord les projets de loi relatifs aux péages de la route en fer et à la répression de la fraude des céréales dans le Limbourg. L’un et l’autre prendront peu de temps et sont également urgents.
M. le président. - Ce projet de loi a pour objet de proroger jusqu’au 1er juillet 1837 la loi du 12 avril 1835, concernant l’exploitation des parties parachevées du chemin de fer ; il porte dans sa disposition principale : « provisoirement, en attendant que l’expérience ait perms de fixer d’une manière définitive les péages à percevoir, conformément à l’art. 5 de la loi du mai 1834, ces péages seront réglés par arrêté royal. La perception s’en fera en vertu de cet arrêté jusqu’au 1er juillet 1837. »
La commission spéciale à l’examen de laquelle ce projet a été renvoyé a conclu à l’adoption, sans aucune modification.
La parole est à M. A. Rodenbach sur l’ensemble du projet.
M. A. Rodenbach. - Je ne m’oppose pas à ce que l’on maintienne provisoirement le monopole de l’exploitation de la route en fer jusqu’au 1er juillet 1837. Mais si à cette époque on nous propose encore le monopole, je m’y opposerai de toutes mes forces. Il faudrait, pour continuer le monopole, une administration immense et des pensions par suite de l’organisation de cette administration.
D’ailleurs le monopole est la ruine du commerce. (Réclamations.)
C’est un principe que l’on peut soutenir que le monopole est la ruine du commerce, et qu’il entrave même le commerce.
Puisqu’on conteste ce principe, je citerai des exemples.
Voyez en Prusse, où il y a le monopole des messageries, on paie pour le transport des voyageurs de 70 à 80 c. par lieue, tandis que là où le monopole n’existe pas, en Belgique, en France, on ne paie pas même 50 c. par lieue.
En Angleterre où on a établi le monopole, on s’y est également opposé.
Ainsi je demande que le monopole ne soit pas prorogé au-delà du terme du projet de loi.
M. Pirmez. - L’honorable préopinant fait un singulier abus du mot « monopole. »
Le monopole ne consiste pas dans l’exploitation d’une route par le gouvernement. Car qu’est-ce que le gouvernement ? C’est toute la nation ; et si ce n’était pas la nation qui faisait circuler sur le chemin de fer, ce seraient quelques particuliers.
Il est donc évident qu’il n’y a pas là monopole, et que l’on a abusé de cette expression.
M. Gendebien. - Je ne soutiens pas de l’expression « monopole. » On appellera comme on voudra l’exploitation par le gouvernement. Je pense seulement qu’il y a des inconvénients dans ce mode d’exploitation.
Il est bien certain que si des particuliers avaient exploité le chemin de fer, nous n’aurions pas vu pendant l’hiver, pendant que la navigation par le canal d’Anvers était interrompue, des négociants obligés de faire voiturer les marchandises sur la grande route de Malines à Bruxelles ; tandis que ce n’est qu’après le dégel qu’on a songé qu’on aurait pu utiliser ainsi la route en fer.
Au reste, pour mon compte, je désire que le gouvernement s’abstienne d’établir une administration pour le transport des marchandises, parce qu’il ne saurait que faire de ce personnel, quand viendra le moment de livrer l’exploitation aux particuliers.
Je conçois d’un autre côté que le gouvernement veuille connaître le produit de l’exploitation de la route en fer d’ici à Anvers comme il connaît celui de la route d’ici à Malines. Sous ce rapport je suis prêt à lui concéder l’exploitation jusqu’au 31 décembre prochain.
Si d’ici à cette époque le gouvernement n’a pas acquis assez d’expérience de l’exploitation du chemin de fer pour le livrer aux particuliers, il présentera un projet de loi pour pouvoir continuer l’exploitation
Mais, en attendant, ce que le gouvernement devrait faire, ce serait d’affermer les wagons à des particuliers pour le transport des voyageurs et des marchandises.
M. Smits. - Je pense, avec l’honorable député de Charleroy, qu’il n’y a pas ici de monopole ; il n’y a pas non plus lésion pour les intérêts du commerce.
Si la section de route avait été continuée jusqu’à Anvers, je concevrais que l’on eût pu transporter des marchandises. Je conçois qu’alors il eût été extrêmement désagréable de devoir faire transporter les marchandises par la route pavée. Mais comme le chemin de fer ne s’étendrait que jusqu’à Malines, les marchandises expédiées d’Anvers auraient dû être déchargées à Malines pour être chargées sur les wagons. Ce qui eut été extrêmement incommode.
C’est si peu un monopole que l’exploitation par le gouvernement, qu’il transporte à meilleur compte que toute exploitation particulière.
A cet égard, je pourrais invoquer les tarifs des exploitations de chemins de fer en Amérique et en Angleterre, lesquels sont beaucoup plus élevés que le prix des transports dans ce pays.
L’honorable M. Gendebien veut bien donner son assentiment au projet ; mais il voudrait que sa durée fût bornée au 31 décembre prochain. Je crois qu’il faut adopter le projet tel qu’il a été présenté.
Que veut le gouvernement ? Avoir la connaissance des charges et des revenus de la route. C’est là une chose indispensable ; car comment le gouvernement pourrait-il, sans cela, livrer la route à l’exploitation particulière ?
Pour avoir cette expérience, il faut que le délai d’exploitation soit moral, qu’il soit au moins de douze mois. C’est alors seulement que l’on peut admettre la concurrence des particuliers, si on la juge utile.
La seule section de Malines à Bruxelles ne peut donner une idée des revenus et des charges du chemin de fer de Bruxelles à Malines ; il faut que la route ait une certaine continuité, une certaine étendue pour qu’on puisse en apprécier les avantages.
Je pense donc qu’il y a lieu d’adopter le projet en discussion.
M. Dumortier. - Moi aussi, j’ai toujours été l’ennemi du monopole. Mais lorsqu’il n’y a pas moyen de tirer le trésor public de la position dans laquelle on l’a placé par le monopole, il faut l’admettre dans toutes ses conséquences. Nous avons admis le principe de la construction de la route en fer aux frais de l’Etat. Lors de la discussion le la loi du 1er mai 1834 j’ai fait remarquer à plusieurs reprises à l’assemblée, qu’il était de l’essence des routes en fer d’engendrer le monopole. C’est pourquoi j’ai combattu la construction de la route par le gouvernement, parce qu’elle arrivait au monopole.
Le pays, par l’organe de ses représentants, a cependant confié la construction de la route en fer au gouvernement ; nous devons vouloir toutes les conséquences de ce principe.
Or, une première conséquence de ce principe, c’est que la route en fer, pour rapporter l’intérêt de son capital, doit être nécessairement exploitée par celui qui l’a construite. L’Etat a construit la route en fer. C’est lui qui, de toute nécessité, doit l’exploiter.
Qu’arriverait-il si vous abandonniez la route en fer à la libre concurrence ? Vous déplaceriez seulement le monopole ; il passerait du gouvernement à une société particulière. (Approbation.) Ce serait la société qui aurait le plus de wagons et de remorqueurs, qui aurait le monopole. Ce serait la société la plus riche qui ruinerait nécessairement toutes les autres sociétés qui s y établiraient.
S’il plaisait à la banque, par exemple, de consacrer un grand capital à l’acquisition de wagons et de remorqueurs, il ne serait plus possible à personne d’entrer en concurrence avec elle sur cette route. Il en serait de même de la société van Gend.
Lorsque vous livrez une route pavée à la circulation, tout individu qui possède une voiture de quelque construction que ce soit, quel que soit le moteur qui la traîne, peut exploiter la route. Il n’en est pas de même des chemins de fer ; il faut des dépenses considérables, non seulement pour l’achat des wagons et des remorqueurs, mais pour l’acquisition des bâtiments qu’il faut construire dans toutes les directions,
La libre concurrence sur une route un fer n’est donc qu’un vain mot. C’est la société qui a le plus de capitaux qui, par la force des choses, finit par s’en assurer le monopole.
Quel avantage donc auriez-vous à voir la route en fer exploitée par une société particulière ? Pour moi je soutiens qu’il n’est pas de société qui offre les moyens de transport à meilleur marché que le gouvernement ; cela est manifeste.
Voulez-vous abandonner la route en fer à l’exploitation des particuliers ? Vous devez admettre l’établissement d’un droit quelconque qui vous indemnise des dépenses que vous avez faites pour la construction de la route en fer, et de celles que vous ferez pour son entretien. C’est précisément ce que le gouvernement perçoit aujourd’hui, qui lui rapporte l’intérêt du capital employé. Le bas prix des transports par le gouvernement est tel, que vous devriez établir à peu près un droit équivalent pour frais de barrières ou de péage.
Puis viendrait la société particulière, qui devrait faire un bénéfice sur l’exploitation. Vous arriveriez donc à avoir des moyens de transport à un prix plus élevé que celui fixé par le tarif du gouvernement. C’est un fait péremptoire. Quiconque a étudié les chemins en fer ne peut en faire l’ombre d’un doute.
En Angleterre, toutes les fois que le parlement accorde à une société particulière une concession d’une route en fer, il exige que cette société établisse des droits de péage modérés. Mais ce n’est pas tout. Le parlement accorde à tous les particuliers la faculté d’établir des wagons sur cette route. Eh bien, qu’en est-il arrivé ? C’est qu’il ne s’est pas trouvé une seule route en fer où les particuliers soient entres en concurrence, pour le transport, avec la société qui l’avait construite. Aussi la société qui construit un chemin de fer en Angleterre, cumule toujours le bénéfice du péage et du transport, et cependant ce bénéfice n’a jamais dépassé 10 p. c.
La route en fer de Liverpool à Manchester, la plus importante et la plus fréquentée de toute l’Angleterre, qui transporte non seulement des voyageurs, mais des marchandises et des bestiaux, n’a jamais rapporté que 8 à 9 p. c.
Si donc le gouvernement allait accorder l’exploitation de la route en fer à des particuliers, il n’aurait plus qu’un bénéfice de 2 à 3 p. c.
Quand on établit une route ordinaire, il y a trois ordres de personnes qui bénéficient sur cette route. D’abord le gouvernement ou la société particulière qui construit la route. C’est à son profit que sont établies les barrières.
Mais comme le gouvernement ou la société ne peut percevoir par elle-même, on est obligé d’affermer le droit de barrières.
Viennent donc les fermiers des barrières, qui font un second bénéfice.
Alors la route est livrée à la circulation. Viennent les voituriers qui font le bénéfice de l’exploitation. Eh bien, en Angleterre, en cumulant les trois bénéfices, dont celui de l’exploitation est le plus considérable, les routes en fer n’ont jamais rapporté que 9 p. c. Comment voulez-vous, si vous livrez la route construite par le gouvernement à l’exploitation particulière, qu’il reste un revenu suffisant pour payer l’intérêt du capital employé, les dépenses résultant des dégradations de la route, le traitement du personnel, et fournir un capital d’amortissement du capital employé ?
Abandonner la route en fer à l’exploitation particulière, c’est amener la ruine de l’entreprise de l’Etat. Quant à moi, je ne voulais pas de la route en fer ; je m’y suis opposé parce que je n’aime pas le monopole. Mon avis n’a pas prévalu. Mais maintenant que le gouvernement construit la route en fer, je l’invite à conserver l’exploitation. Jamais, sous ce rapport, aucun particulier ne pourra procurer au pays les mêmes avantages que le gouvernement.
J’invite également le gouvernement à établir des wagons pour le transport des marchandises. Alors le gouvernement trouvera dans l’exploitation de la route en fer un revenu certain, qu’il perdrait inévitablement s’il la livrait à la concurrence. Ce n’est pas dans un moment où nous sentons la nécessité de construire des routes nouvelles que nous devons nous priver de nos ressources.
Je voterai donc pour le projet du gouvernement. Cependant, messieurs, avant de me rasseoir, je dois exprimer le désir que dans les constructions que le gouvernement fera à l’avenir, il modifie le système qu’il a suivi jusqu’à présent. Je veux parler de la traverse des grandes routes.
J’appelle de nouveau l’attention du gouvernement sur les observations que M. Gendebien a présentées sur la traverse de la route en fer à Bruxelles. On a fait traverser, aux portes mêmes de la capitale, une route des plus fréquentées, par la route en fer. Cela peut donner lieu aux plus graves inconvénients. Je désire qu’on en revienne au projet qu’il avait indiqué.
Je désire que l’on adopte dorénavant le principe admis en Angleterre dans ces sortes de constructions. Quand une route en fer traverse une route pavée, c’est toujours au-dessous ou au-dessus de la route, mais jamais sur le même plan qu’elle passe. Cela est nécessaire pour éviter les plus graves inconvénients. En supposant que l’on ne veuille pas en agir ainsi pour toutes les traverses du chemin, cela est absolument nécessaire au point d’intersection des routes fréquentées.
M. Rogier. - Je ne pense pas que l’on veuille, à propos d’une demande d’exploitation provisoire, forcer le gouvernement à se prononcer dès aujourd’hui sur le mode d’exploitation. Je ne pense pas que le ministre ait une opinion arrêtée à cet égard.
Tout ce qu’il demande, c’est le temps nécessaire pour pouvoir apprécier quel est le mode d’exploitation le plus avantageux. Nous devons donc être tout d’accord sur la convenance qu’il y a d’autoriser le gouvernement à continuer le mode d’exploitation qu’il exerce aujourd’hui. Je ne crois pas qu’à cet égard, à l’exception peut-être de ce que vient de dire l’honorable M. Gendebien, l’on ait signalé un seul inconvénient du système d’exploitation de la route en fer par le gouvernement.
Je demande s’il existe une route, un service de messageries qui offre au public plus de sécurité, plus de célérité et des prix plus bas que les routes en fer. Prenez, sur la première route venue, telle exploitation que vous voudrez ; je vous défie de trouver ces avantages que présente le mode d’exploitation du chemin de fer. Ainsi, qu’on ne dise plus que c’est un monopole odieux et nuisible au commerce et à l’industrie.
Quand on parle ici du monopole, entend-on parler du monopole en principe ou du monopole exercé par le gouvernement sur la route en fer ? En quoi consiste ce monopole qu’exerce le gouvernement ? Exige-t-il des prix trop élevés pour transporter les voyageurs ? Mais vous avez dans ce moment le moyen de tempérer l’ardeur que peut avoir le gouvernement à exploiter le public ; si vous trouvez qu’il demande trop, vous avez les moyens de diminuer les prix, vous pouvez poser une limite. Mais vous ne le ferez pas, parce qu’il n’est personne qui prétende que les prix actuels soient trop élevés, qu’ils soient onéreux pour l’industrie et le commerce.
Personne n’a avancé cette thèse, et si quelqu’un l’avait fait, la thèse contraire eût pu être soutenue avec avantage. Je pense qu’il y aura moyen de diminuer le prix des places proportionnellement quand il y aura une plus grande distance à parcourir. Par exemple, telle place qui coûte 50 centimes de Bruxelles à Malines, pourrait n’être que de 75 centimes de Bruxelles à Anvers. Je crois que c’est dans cette proportion que le gouvernement se propose d’établir le tarif des places de Bruxelles à Anvers.
Je ne peux que l’engager à continuer à établir les prix les plus avantageux pour le public comme il l’a fait jusqu’aujourd’hui ; car dans aucun pays du monde, ni en Angleterre ni en Amérique, on ne voyage sur les chemins de fer à aussi bon marché qu’en Belgique. Voilà pour ce qui concerne les voyageurs.
Quant au transport des marchandises, l’honorable M. Smits vous a expliqué pourquoi on n’avait pas pu encore s’en charger. Mais quand la route ira jusqu’à Anvers, ce sera le moment d’accorder au commerce pour le transport des marchandises les avantages qu’il a déjà recueillis pour le transport des voyageurs. Sans doute cela présentera des difficultés qu’on ne rencontre pas pour le transport des voyageurs. Mais, de même qu’on est parvenu à simplifier le service pour le transport des voyageurs on y parviendra également pour le transport des marchandises. Le gouvernement fera ce que feraient des particuliers. Il n’y aura pas plus de bureaucratie dans l’administration du gouvernement que dans celle d’un particulier.
Il est étrange qu’on vienne s’appuyer sur des théories pour prétendre que le gouvernement ne peut rien faire sans être entouré d’une nuée d’employés, quand on a depuis un an la preuve du contraire devant les yeux. En effet, la section de route qu’on parcourt actuellement exige-t-elle un grand nombre d’employés ? Cette exploitation qui a transporté un si grand nombre de voyageurs ne compte que cinq ou six employés. Je ne pense donc pas qu’on puisse encore reprocher au gouvernement de ne pouvoir marcher qu’escorté d’une armée d’employés.
Je ne pense pas non plus qu’on puisse lui adresser des reproches sous le rapport de la sécurité, de la célérité et du bon marché que peuvent désirer les voyageurs. Quand le gouvernement offrira au commerce de pareils avantages, le commerce ne demandera pas mieux que d’être écrasé par un tel monopole. Je fais ici un appel au commerce. S’il avait à choisir entre le monopole particulier et le monopole du gouvernement je suis certain qu’il donnerait la préférence au monopole du gouvernement, parce que les bénéfices du monopole particulier ne tournent qu’au profit du particulier qui l’exerce, tandis que les bénéfices du monopole du gouvernement étant au profit de tous, le commerce en a le premier sa part.
Je n’en dirai pas davantage sur cette question. Lorsque le gouvernement viendra proposer un projet de loi définitif sur le mode d’exploitation des chemins de fer, ce sera le moment de discuter les avantages ou les inconvénients de tel ou tel mode.
M. Milcamps, rapporteur. - Messieurs, on reconnaît en général au gouvernement le droit d’établir sur les routes en fer un péage à l’instar du droit de barrière qu’il perçoit sur les routes pavées ; mais on n’admet pas qu’il puisse intervenir dans la dépense des transports, de les régler d’autorité, de les baisser et hausser arbitrairement ; ce serait créer, dit-on, un monopole en faveur du gouvernement.
Nous convenons que le commerce et l’industrie sont des biens communs à la nation, que tous ses membres y ont un droit égal et que le monopole est contraire aux droits des citoyens ; mais cette règle proclamée par tous les publicistes a cependant ses exceptions prises du bien même de la nation, et un gouvernement peut, en certains cas, établir un monopole avec justice.
Il est des entreprises du commerce qui ne peuvent être faites qu’en forces, qui demandent des fonds considérables et qui passent la portée des particuliers. De là des compagnies qui se forment sous l’autorité des gouvernements.
Il est encore hors de doute que quand une branche de commerce ou une manufacture n’est point au pouvoir d’une nation, si quelqu’un s’offre de l’établir sous la réserve d’un privilège exclusif, le gouvernement peut l’accorder.
Ces exemples, que je pourrais multiplier, je les ai tirés d’un publiciste qui ajoute : « Mais toutes les fois qu’un commerce peut être libre à toute la nation sans inconvénient, sans être moins avantageux à l’Etat, le réserver à quelques citoyens privilégiés c’est blesser les droits des autres, et lors même que ce commerce exige des frais considérables, pour entretenir des forts, des vaisseaux, pour construction de routes, par exemple de chemins en fer, comme c’est l’affaire de la nation, l’Etat peut se charger de ces dépenses et en abandonner le fruit aux négociants, aux industriels, etc. »
Messieurs, c’est sous l’influence de ces principes que nous avons examiné le projet de loi tendant à proroger jusqu’au 1er juillet 1837 la loi du 12 avril 1835, qui porte que les péages seront réglés par un arrêté royal, et que la perception s’en fera en vertu de cet arrêté.
Certes, si le gouvernement nous avait soumis un projet tendant à concentrer définitivement sur lui l’exploitation de la route en fer, s’il s’agissait d’une loi permanente, la section centrale aurait pu la repousser.
Mais le projet qu’elle a eu à examiner a pour objet de proroger la loi du 12 avril 1835 jusqu’au 1er juillet 1837 ; il ne s’agit que d’une mesure provisoire commandée par les circonstances. Jusqu’ici la section de Malines à Bruxelles seule a été mise en exploitation, elle n’a servi qu’au transport des voyageurs, elle ne sert pas encore au transport des marchandises. Le gouvernement n’a pas de données certaines pour arrêter un projet de tarif définitif.
Vous concevrez, messieurs, que le gouvernement ne peut avoir encore ces données.
Relativement au transport des voyageurs, bien que le prix des voyages ait été fixé au taux le plus bas, il a produit des bénéfices considérables. Ce produit s’est élevé, pour moins de huit mois de l’année 1835, à 268.997 fr. 50 c. Mais ce produit ne peut pas encore être considéré comme produit ordinaire. La nouveauté n’a pas peu contribué à amener ce grand nombre de voyageurs sur la route de Malines à Bruxelles. S’il est vrai que le gouvernement puisse dès à présent être à même de soumettre un tarif définitif pour le prix du transport des voyageurs, au moins est-il certain qu’il lui serait difficile de nous présenter un projet de tarif définitif pour le transport des marchandises. Dès lors n’y aurait-il pas maintenant des inconvénients à mettre en adjudication publique la route en fer ?
Laisser au gouvernement l’exploitation de la route, c’est lui en donner, dit-on, le monopole
Entendons-nous sur le sens légal de ce mot. Dans le sens légal, le monopole est défini l’abus de la faculté qu’on s’est procurée de vendre seul des marchandises, des denrées dont le commerce doit être libre. Il se dit aussi de toutes les conventions iniques que les marchands font entre eux dans le commerce pour altérer ou enchérir de concert quelque marchandise.
Sans doute il y aurait monopole non prohibé (car je ne connais de monopole prohibé que celui prévu par l’article 419 du code pénal et ceux qui résultent des conventions contraires à l’ordre public) ; mais il y aurait monopole injuste si le gouvernement, sur qui est concentrée l’exploitation du chemin de fer, abusait du pouvoir qui lui est conféré pour exiger et percevoir des voyageurs des droits élevés.
Sans doute cette exploitation a porté préjudice à quelques industries, mais cela devait être et le serait également si vous mettez les péages en adjudication publique.
Dans de telles circonstances il y a déplacement d’une industrie, mais l’intérêt général n’en souffre pas si elle est remplacée par une autre plus avantageuse, et ici l’avantage qui résultera de la nouvelle n’est contesté par personne.
J’ai cru, messieurs, devoir suppléer par ces observations au peu de développements que présente le rapport de la section centrale.
M. A. Rodenbach. - Il est bon que la chambre fasse connaître son opinion afin que le gouvernement sache à quoi s’en tenir. Quand j’ai parlé du monopole qu’exerce le gouvernement, j’ai dit que les entrepreneurs de messageries ne pouvaient plus parcourir la même route et qu’ils se trouvaient plus ou moins lésés dans leurs intérêts.
L’honorable député de Tournay a dit que personne n’avait été lésé sur la direction de Bruxelles à Malines. Cependant, les entrepreneurs qui transportaient les voyageurs dans cette direction ont été lésés.
J’ai combattu le monopole dans le sens que nous avons voté la loi organique. On a répondu à ceux qui combattaient le monopole que le gouvernement pourrait avoir des wagons et des messageries sur la route en fer, mais que les particuliers pourraient en avoir aussi, moyennant un péage, soit par locomotive, soit par barrière, afin que chacun ait le droit de transporter des marchandises ou des voyageurs sur le chemin de fer avec ses propres voitures, moyennant un péage.
Je ne vois pas pourquoi un entrepreneur ne pourrait pas avoir une diligence qu’il attacherait avec des chaînes à la locomotive, et au moyen de laquelle il ferait des transports de voyageurs. Les commissaires du Roi n’ont pas combattu ce système. C’est comme cela que j’entends que le chemin de fer soit libre.
Je ne dis pas que le gouvernement ne doit percevoir aucun droit sur les voitures particulières. Mais, moyennant un péage, tout le monde doit avoir le droit d’y établir des transports ; sans cela ce serait contraire au système de liberté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Jusqu’à présent, il est constant pour tout le monde qu’il a été impossible de transporter des marchandises à cause des embarras et des dépenses qu’on aurait eu à faire, ce qui aurait absorbé l’économie qu’aurait pu présenter le transport ; mais lorsque la section d’Anvers à Malines sera terminée, on pourra établir un service pour le transport des marchandises, et intéresser les négociants à avoir sur le chemin de fer des wagons qui seront remontés par les locomotives moyennant un péage.
Comme je vois que le projet de loi ne rencontre pas d’opposition, je crois pouvoir me dispenser d’en dire davantage.
M. Gendebien. - Avant de répondre très sommairement à des explications qui ne répondent en rien à mes observations, je dirai que j’ai reçu de la province du Hainaut une infinité de réclamations pour rappeler les promesses faites au Hainaut de lui construire un chemin de fer. Je ne vois pas pourquoi on négligerait cette province qui mérite bien, je crois, l’attention du gouvernement. Je prierai le ministre de l’intérieur de nous faire connaître les intentions du gouvernement à l’égard du Hainaut, en ce qui concerne l’exécution de la loi de 1834.
Il semble, d’après ce que viennent de dire d’honorables préopinants qu’on ait voulu reprocher au gouvernement d’exercer un monopole et de ne pas faire les transports à bon marché. Personne n’a soutenu sérieusement qu’il y eût monopole et que les transports ne se faisaient pas à bon marché.
M. Rogier. - M. A. Rodenbach a dit que c’était un monopole odieux et nuisible au commerce.
M. Gendebien. - Messieurs, moi je n’ai pas parlé de la hauteur du péage. J’ai répété ce que j’ai dit il y a un an : On demande sans règle aucune le droit d’exploiter la route de Bruxelles à Malines ; on dit que cette expérience suffira pour mettre le gouvernement en mesure de régler l’exploitation par des particuliers (car on donnait alors cette assurance) ; mais quand on aura parcouru la section de Bruxelles à Malines, on dira qu’on n’a pas encore les notions suffisantes pour abandonner à l’industrie particulière, qu’il faut maintenir l’exploitation par le gouvernement, et ainsi d’encore en encore le gouvernement finira par exploiter le chemin de fer depuis la frontière prussienne jusqu’à Ostende. Ce sera là, sinon un parti pris, du moins un parti nécessaire.
Veuillez remarquer que ma principale objection à laquelle personne n’a répondu était celle-ci : Pour transporter des voyageurs, on aura peu de difficultés, parce que le voyageur se rend à la voiture au moment du départ, et une fois arrivé à la destination, il va où bon lui semble. Mais, pour les marchandises, ce n’est pas cela. On les recevra au bureau..Mais, au bureau d’arrivée, lorsque les marchandises seront déposées dans les magasins, il faudra cependant les transporter à domicile : jugez des embarras que cela occasionnera ! M. le ministre vient de reconnaître lui-même que s’il n’a pas accepté le transport des marchandises pour Malines, c’est parce que cela aurait entraîné beaucoup de frais ; eh bien je lui demande, n’aura-t-on pas les mêmes embarras pour les transporter d’Anvers à Malines ou à Bruxelles ? Quel personnel nombreux ne faudra-t-il pas employer, et comment l’administration pourra-t-elle se débarrasser de ces employés lorsqu’elle n’en aura plus besoin ? Il faudra leur donner des pensions, ou les placer ailleurs dans des postes où ils ne pourront peut-être pas être utiles. C’est, messieurs, ce que je veux éviter ; je voudrais que le gouvernement renonçât au projet de transporter des marchandises pour son compte, ou qu’il adoptât le système de les déposer, lorsqu’elles sont arrivées au lieu de leur destination, dans des magasins, où les destinataires puissent les faire prendre. Si le gouvernement veut faire autre chose, il s’attirera des embarras considérables
Le mode que je propose ne présente aucun inconvénient ; le gouvernement pourra dans ce système, tout aussi bien que dans l’autre, connaître le rapport des marchandises transportées, puisqu’il percevra le port aux poids ; seulement il évitera de grands frais et des embarras sans nombre, qui ne seraient compensés par aucun avantage.
Maintenant je désire que le gouvernement ne continue de percevoir sur le même pied qu’aujourd’hui que jusqu’au 31 décembre. D’ici là on pourra savoir quel parti il conviendra de prendre.
Je ne dis pas qu’il faut livrer à une société l’exploitation des chemins de fer ; je ne veux pas non plus que le gouvernement ait sur ces routes un monopole tel que l’a entendu un honorable préopinant ; mais je crois qu’on ferait bien de faire des essais, par exemple en louant des wagons entiers à des particuliers. Les wagons sont, je pense, de 24 places : eh bien, on les céderait pour 20 ou 18, à payer, bien entendu, soit qu’il y ait des voyageurs, soit qu’il n’y en ait pas. D’un autre côté, le gouvernement pourrait transporter les marchandises, mais sans se charger de les faire distribuer à domicile ; il les ferait déposer dans des magasins, ou les personnes à qui elles seraient destinées seraient obligées de les faire prendre ; cela simplifierait beaucoup la chose, et comme je crois l’avoir suffisamment démontré tout à l’heure, il n’en résulterait aucun inconvénient.
On n’a répondu à aucune des observations que j’ai présentées ; on s’est contenté de me reprocher que je me lançais dans des théories ; je n’ai nullement eu en vue d’appliquer de nouvelles théories, j’ai fait une proposition toute simple ; j’ai dit que le gouvernement serait obligé de se charger d’une responsabilité immense, d’avoir une armée de commis, s’il voulait se charger du transport et de la distribution à domicile des marchandises. Je ne demande qu’une seule chose au gouvernement, c’est qu’il me donne l’assurance que son intention est de sortir le plus tôt possible du monopole, tel qu’il existe aujourd’hui ; je désire qu’il se contente d’une prorogation de la loi des péages jusqu’au 31 décembre prochain. Je n’exige pas que d’ici là il soit pris un parti ; mais je voudrais au moins que le gouvernement trouvât dans la chambre un stimulant pour changer le mode actuel.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, pour ce qui est relatif aux embranchements du chemin de fer, dont on a parlé, le rapport des ingénieurs que le gouvernement a nommés pour en former le projet et examiner tout ce qui s’y rattache, ne lui est pas encore parvenu ; cela demande des études très longues. Ce n’est que lorsque nous aurons reçu ce rapport que nous pourrons nous fixer sur la question de savoir si ces embranchements doivent être construits par voie de concession ou aux frais de l’Etat ; jusque-là il est impossible de prendre une décision à cet égard.
Quant à ce qu’on a dit du mode d’exploitation à adopter pour le transport des marchandises, nous ne demandons pas mieux que d’adopter le plus simple possible ; nous chercherons toujours à concilier les intérêts du trésor avec ceux du commerce.
Pour le mois de juillet 1837, nous aurons de l’expérience ; plusieurs sections du chemin de fer seront achevées, peut-être sera-t-il fait jusqu’à Liége ; si la chose est ainsi, nous pourrons donner à la chambre des renseignements pertinents, elle pourra alors prononcer avec connaissance de cause ; mais jusque-là il serait prématuré de vouloir déterminer dans la loi un péage fixe.
Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
L’article unique et le préambule de la loi sont successivement mis aux voix et adoptés.
- On procède ensuite à l’appel nominal sur l’ensemble du projet ; en voici le résultat :
55 membres ont répondu à l’appel.
53 ont voté l’adoption.
2 ont voté le rejet.
En conséquence la loi est adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Beerenbroeck, Berger, Bosquet, Cols, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, Dequesne, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Liedts, Mast de Vries, Milcamps, Pirmez, Polfvliet, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Smits, Stas de Volder, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Van Hoobrouck de Fiennes, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Watlet, Zoude et Raikem.
Ont voté le rejet : MM Desmet et Gendebien.
- La chambre, consultée sur la question de priorité entre les différents projets de lois qui sont à l’ordre du jour, décide qu’elle s’occupera immédiatement de la loi relative à la répression de la fraude des céréales dans le Limbourg.
M. le président met en délibération le projet de loi sur la répression de la fraude des céréales dans le Limbourg ; il est conçu dans les termes suivants :
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Nous avons, de commun accord, etc.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à restreindre et modifier les exceptions au régime des douanes, établies par les articles 5, paragraphe 5, et 161, paragraphe F, de la loi générale du 26 août 1822, n°38, en ce qui concerne les céréales et les produits du sol, de provenance étrangère ou indigène, tant à l’égard de leur importation qu’à celui de leur circulation dans telles parties et localités du rayon des douanes, dans la province de Limbourg, auxquelles le gouvernement jugera nécessaire d’appliquer ces restrictions et modifications. »
« Art. 2. L’art. 219 de la même loi générale sera appliqué à l’égard de tout transport de l’espèce, qui, dans les localités placées sous le régime de la présente loi, serait effectué sans être autorisé ou justifié au moyen des documents que le gouvernement déterminera à cet effet. »
« Art. 3. La présente loi sera exécutoire le quinzième jour après celui de sa promulgation.
« Mandons et ordonnons, etc. »
- Personne n’ayant demandé la parole pour la discussion générale, on passe à celle des articles.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans le manuscrit du projet de loi, il a échappé au copiste de faire mention du paragraphe B de l’article 161 de la loi générale de 1822, lequel parle des productions du sol : si cette omission n’était pas réparée, et si l’on ne faisait mention que du littera F de la loi générale, il y aurait une disposition importante d’omise, et le but serait manqué. Voici ce que dit l’article 161 de la loi générale, paragraphe B :
(L’orateur donne lecture de l’article et appelle notamment l’attention de la chambre sur le paragraphe B ; puis il ajoute :)
Il y a bien autre chose que les céréales dans ce paragraphe ; mais comme il y est question des productions du sol, il faut bien le mentionner. D’ailleurs la loi en discussion ne s’appliquant qu’aux céréales, il ne pourra s’élever aucun doute quant aux autres objets dont parle l’art. 161.
On aurait pu encore rédiger l’article en discussion en supprimant la mention du paragraphe F, et en ne faisant mention que de l’art. 261 de la loi générale dans tout son ensemble ; mais il est plus conforme encore à l’esprit de la loi en discussion de ne stipuler d’exception que pour les dispositions où il s’agit des productions du sol.
- L’article 1er mis aux voix est adopté, avec l’addition de la mention du paragraphe B.
L’article 2 mis aux voix est adopté sans discussion.
Il en est de même du troisième article, où le mot « exécutoire » est remplacé par le mot « obligatoire. »
L’ensemble du projet est soumis au vote par appel nominal et adopté à l’unanimité des 55 membres présents.
M. Gendebien.s’est abstenu de prendre part à la délibération. - Messieurs, a-t-il dit pour motiver son abstention, je n’étais pas assez éclairé sur la portée de la loi pour en voter l’adoption : elle est demandée, il est vrai, par certaines localités, et je ne veux pas la leur refuser ; mais comme d’autres localités ont réclamé contre la même loi, j’i cru devoir m’abstenir.
- La séance est levée à quatre heures et un quart.