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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 13 avril 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1437) M. Huveners procède à l'appel nominal à 1 heure et quart. La séance est ouverte.

M. Van Cutsem donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners fait connaître l'analyse des pièces suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« Les sieurs de la Roche, Gravez et autres exploitants des houillères du Centre déclarent adhérer à la pétition des exploitants des mines et des industriels du bassin de Charleroy, qui a pour objet une réduction de péages sur la Sambre canalisée, ainsi qu'à presque toutes les considérations développées dans le mémoire présenté à cette occasion par l'association charbonnière de ce même bassin. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui réduit certains péages sur la Sambre canalisée.


« Plusieurs habitants du Sart demandent qu'il soit donné suite à leur pétition tendant à être séparés de Court-St-Etienne. »

- Renvoi au ministre de l’intérieur.


« Le sieur Vandermeulen, ancien infirmier à l'hôpital militaire, prie la chambre de lui faire obtenir une place. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Lettre de M. Jobard, accompagnant l'envoi de cent exemplaires de sa brochure « Sur la nécessité de l'instruction professionnelle. »

- Distribution aux membres.


M. de Breyne demande un congé pour motif de santé.

Même demande de M. de Villegas.

- Ces congés sont accordés.

Rapport sur des pétitions

M. Lesoinne, rapporteur. - Les membres d'une commission spéciale nommée par le conseil communal de Roulers, ainsi que plusieurs habitants des communes de Rumbeke et de Cachtem, prient la chambre de voter les fonds nécessaires à la canalisation du Mandel.

Les pétitionnaires s'appuient principalement, pour obtenir l'objet de leur demande, sur la nécessité de procurer du travail à leurs nombreuses populations ouvrières qui se trouvent, par manque d'ouvrage et à cause de la cherté des subsistances, dans la plus affreuse misère.

Ce travail aurait aussi pour résultat de préserver les terrains riverains du Mandel de l'inondation qui détruit chaque année une partie de leurs moissons.

La section centrale vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. Rodenbach. - J'appuie le renvoi à M. le ministre des travaux publics de cette pétition où il est question de la canalisation du Mandel.

Je crois que le gouvernement n'est pas très disposé à faire construire ce canal depuis qu'il y a un chemin de fer parallèle à cette petite rivière. Mais si le gouvernement persiste dans l'intention de ne pas établir ce canal agricole, j'appellerai son attention sur les inondations fréquentes dont souffre cette partie du pays. Annuellement il y a trois ou quatre débordements du Mandel, ce qui cause un surcroît de malheurs dans ce centre de la misère.

Avec 60,000 fr. tout au plus, on pourvoirait à cette nécessité. Ce serait une dépense fort utile.

Déjà l'on a voté des fonds considérables pour améliorer une autre localité au sud de Bruges.

Si M. le ministre persiste à ne pas établir le canal du Mandel, qu'on empêche au moins les inondations. Ce serait donner de l'ouvrage à des malheureux qui manquent de pain ; car il n'y a pas un ouvrier, pour compte du gouvernement, occupé dans ce district ni dans celui de Thielt.

Les compagnies anglaises travaillent aux chemins de fer ; mais le gouvernement ne fait rien. J'appelle l'attention de M. le ministre sur ce canal. J'appuie le renvoi proposé.


M. Lesoinne, rapporteur. - Le conseil communal de Beverloo, dans deux pétitions, l'une du 17 novembre 1846, l'autre du 13 janvier 1847, demande la construction de la route de Beeringen à Hechtel passant par Beverloo, ainsi que celle de l'embranchement du canal de la Campine de la Pierre-Bleue à Hasselt.

Les pétitionnaires s'appuient, pour demander l'exécution de ces travaux, sur la nécessité de procurer des moyens d'existence à la classe ouvrière qui, par suite des deux mauvaises récoltes de 1845 et 46, se trouve réduite à la plus affreuse misère.

Ils ont accordé pour la construction de la route de Beeringen à Beverloo un subside de dix mille francs ainsi que les terrains nécessaires pour son assiette.

Les travaux de cette route ainsi que ceux de l'embranchement du Canal de la Campine de la Pierre-Bleue à Hasselt, tout en offrant des moyens d'existence à leur malheureuse population ouvrière, contribueront puissamment à hâter les défrichements des terres incultes.

La section propose le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Les conseils communaux de Caulille, Achel, Lille-Saint-Hubert, Hamont, Neerpelt, Bocholt, Lommel et Overpelt, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans les deux pétitions ci-dessus, demandent l'exécution des mêmes travaux, plus l'élargissement de la première section du canal de la Campine et de plusieurs travaux de défrichement.

- Mêmes conclusions que ci-dessus.

M. Huveners. - La route dont il est question dans le rapport est décrétée depuis plusieurs mois. Je demanderai à M. le ministre si les études sont assez avancées, pour que nous puissions espérer la prochaine adjudication de cette route, comme cela nous a été promis. L'exécution serait très opportune, très désirable surtout dans les circonstances fâcheuses que nous traversons ; elle donnerait du travail aux nombreux ouvriers des localités environnantes, qui sont sans ouvrage, et par conséquent sans ressources.

M. Delfosse. - Il en est de même dans toutes les provinces.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je viens de recevoir le rapport sur ce projet de roule, au sujet duquel je dois me concerter avec le département de la guerre, qu'il intéresse à un haut degré, vu ses rapports avec le camp.

Cependant je suis d'accord avec M. le ministre de la guerre sur la direction générale du tracé.

J'ai la certitude que les travaux pourront être mis en adjudication à une époque très prochaine.


M. Lesoinne, rapporteur. - Plusieurs habitants de Liége, et particulièrement du quartier de l'Est de cette ville, demandent que le gouvernement refuse à la société concessionnaire du chemin de fer de Liège à Namur, l'autorisation de retarder la construction du tronçon de Longdoz, ainsi que de la station à établir en cet endroit.

Les pétitionnaires se plaignent de ce qu'une espèce de fatalité semble s'opposer à l'exécution des travaux projetés et même décrétés dans la ville et la province de Liège. Ils citent, à l'appui de cette assertion, l'embranchement décrété par arrêté royal du 20 août 1836 de la station des Guillemins au port de Cheravoye, la construction de la prison neuve, la restauration de palais de justice, l'amélioration du cours de la Meuse. Ils sont aujourd'hui menacés d'être privés de la station que la société concessionnaire du chemin de fer de Namur à Liège devait placer à Longdoz, situation heureusement choisie, puisqu'elle est au centre de toutes les grandes industries disséminées dans le quartier d'Outre-Meuse, à la Boverie et dans l'importante commune de Grivegnée.

Ils font valoir aussi que, depuis l'obtention de la concession de ce chemin de fer, et précisément à cause de l'obligation de construire une station à Longdoz, il s'est fait dans le voisinage une foule d'opérations, telles qu'achats de terrains et constructions de toute espèce. De plus sont survenues des décisions judiciaires prenant pour base l'importance de la station de Longdoz, dans la fixation des indemnités réclamées pour emprises de terrains faites pour le percement de deux rues nouvelles. La ville elle-même a vendu aux abords du pont de la Boverie des terrains pour une somme de 80,000 francs. cette somme ne se serait pas élevée à fr. 50,000, si les acheteurs avaient pu croire que la station de Longdoz pût être déplacée.

(page 1438) La section centrale conclut au dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Le sieur Christophe Lamberty demande la canalisation de l'Amblève.

Le pétitionnaire fait valoir à l'appui de sa demande l'importance du tonnage qui circulerait sur cette rivière si elle était canalisée.

Les tanneries de Stavelot, Malmedy et autres localités avoisinantes retirent annuellement des ports d'Anvers et de la Hollande, l190,000 peaux. Les écorces dont se servent ces établissements viennent principalement des cantons riverains de l'Ourthe, l'économie du transport serait d'au moins 50 p. c.

Les nombreuses ardoisières, carrières de pierres à faux et à rasoir de Vielsalm, dont les produits s'exportent dans les cinq parties du monde, les carrières de pierres de taille de Fraiture et de Florzée trouveraient aussi par là un écoulement plus régulier et plus facile.

Les cantons du nord et de l'est vers l'Amblève ont une population d'environ 30,000 âmes ; la culture en céréales ne produit que le tiers de ce qui est nécessaire à leur alimentation, la plus grande partie des deux tiers restant s'achète sur le marché de Liège ; l'économie de Irais de transport qui résulterait de la canalisation de l'Amblève, sur ce qu'ils retirent de ce dernier marché, serait annuellement de 56,000 fr.

Les forêts de cette partie de l'Ardenne se déboisent rapidement ; ils devront bientôt recourir à la houille, mais le prix du transport sera toujours un obstacle à ce qu'ils puissent s'en procurer à des conditions favorables.

Les défrichements ne pourront non plus s'opérer qu'à l'aide des engrais pulvérulents étrangers, de la chaux, de la marne et autres matières d'amendement, et l'économie du transport est une condition indispensable pour pouvoir les employer.

La section vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.


M. Lesoinne, rapporteur. - Un grand nombre d'habitants des différents quartiers de la ville de Liège et de plusieurs communes riveraines de la Meuse et de l'Ourthe demandent ta prompte exécution des travaux de dérivation de la Meuse proposés par M. l'ingénieur en chef Kummer.

Ces pétitions sont au nombre de sept, elles sont couvertes de plus de mille signatures.

Les motifs que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande sont les suivants.

Ils signalent le danger auquel une grande partie de la ville de Liège se trouve tous les ans exposée par suite des inondations qui ont lieu chaque hiver. Les trois inondations successives de l'année 1845-46 ont tenu les habitants du quartier populeux d'outre-Meuse dans la plus mortelle anxiété, car il ne s'en est fallu que de quelques pouces que les eaux n'aient franchi les murs qui défendent ce quartier. Ces mêmes murs minés par l'action des eaux se font écroulés successivement eu plusieurs endroits, entraînant dans leur chute une tour qui servait anciennement de magasin à poudre, ainsi qu'une grande fabrique de draps.

Les habitants de la Boverie, de Froidmont et des Vennes se plaignent que les inondations qui se renouvellent chaque année ravalant leurs terres, y font des affouillements profonds, les couvrent de gravier, enlèvent les engrais, envahissent les habitations et les privent de toute communication. La nombreuse population ouvrière qui habile ces localités se trouve privée de travail et par suite en proie à la misère, et le comité de bienfaisance doit alors distribuer de nombreux secours.

Tous les pétitionnaires sont aussi unanimes pour se plaindre d'un autre inconvénient très grave. Le séjour prolongé des eaux dans le rez-de-chaussée des maisons les détériore, les rend malsaines, occasionne des maladies et contribue à diminuer la valeur des propriétés.

Le cours sinueux du fleuve, dans l'intérieur de la ville, rend la navigation difficile et périlleuse. Tous les ans plusieurs bateaux viennent se briser contre les ponts, et de malheureux bateliers périssent sans qu'il soit souvent possible de leur porter secours.

Sous le point de vue commercial et industriel, les pétitionnaires sont également unanimes pour demander la prompte exécution du projet.

Par suite de la construction du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, la Hollande va devenir le seul débouché un peu important pour les houilles du bassin de Liège ; mais l'insuffisance de tirant d'eau pendant les sécheresses de l'été, et pendant les gelées, l'incertitude pour l'époque des livraisons, empêchent d'établir avec ce pays des relations suivies. Les Hollandais étant alors obligés de se fournir ailleurs, le commerce se détourne peu à peu ; ce n'est plus seulement alors une concurrence à soutenir, mais c'est un marché à reconquérir, et les frais de transbordement et fausse main-d'œuvre qu'il faudra payer, même après la construction du canal latéral jusqu'à la fonderie des canons, rendront ce but bien difficile à atteindre.

Le canal de Luxembourg, à la construction duquel plusieurs provinces sont intéressées, ne sera lui-même que d'une utilité restreinte, puisque les produits de ses rives, tels que pierres de construction, chaux, marbres, pierres à paver etc., destinés pour la Hollande ou les provinces de Limbourg et d'Anvers, devront être transbordés à leur entrée dans la Meuse en amont de Liège pour être conduits en aval au canal latéral à la fonderie des canons où ils devront être transbordés de nouveau.

Il en sera de même pour les minerais qui nous doivent venir par ce canal pour alimenter les 20 hauts fourneaux qui se trouvent situés en amont du pool du Val-Benoît, où il débouche dans la Meuse, et qui devront être aussi transbordés pour être conduits à destination.

Tels sont, messieurs, en résumé, les motifs que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande. La section centrale avait demandé au gouvernement, à plusieurs reprises, quelles étaient ses intentions relativement à l'amélioration de la Meuse dans la traverse de Liège. Sa réponse ne lui est parvenue qu'après que le rapport sur le budget avait été déposé. Cette réponse a été imprimée comme annexe.

Le gouvernement ne conteste pas l'utilité du projet ; il dit même : « que son exécution réagirait infailliblement sur les recettes du canal latéral à la Meuse en construction, du canal de Maestricht à Bois-le-Duc et des canaux de la Campine.

« Elle aurait d'ailleurs une très grande importance par l'impulsion qu'elle donnerait à l'industrie de la province de Liège et par les relations commerciales qu'elle créerait et étendrait tant à l'intérieur du pays qu'à l’étranger. »

Toutefois, les conclusions du gouvernement tendraient à différer la présentation de ce projet jusqu'après que des négociations auraient été ouvertes avec la ville et la province de Liège, dans le but de régler leur régler leur participation à la dépense, et avec le gouvernement des Pays-Bas dans le but d'établir, par dérogation au traité du 5 novembre 1842, un péage spécial qui pût offrir au trésor de l'Etat une certaine compensation du service qui lui aurait été imposé.

La chambre aura probablement à examiner la valeur des motifs allégués par le gouvernement. La section centrale vous propose le dépôt de toutes ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du budget.


M. Lesoinne, rapporteur. - Par pétition datée du 17 décembre 1846, les membres du bureau de bienfaisance et du conseil communal de Longueville demandent que cette commune soit reliée à la route décrétée de Wavre à Huy, par un embranchement parlant de cette route au lieu-dit Toutvent et se dirigeant par Longueville sur Pietrebais, jusqu'au point de jonction des chaussées de Louvain à Namur et de Wavre à Hannut.

Les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande la dépense peu considérable que coûterait cet embranchement ; son utilité démontrée par la grande circulation qui a lieu pendant la bonne saison sur le grand chemin de Charleroy, que ledit embranchement doit suivre, ainsi que par le grand nombre de communes qui se trouveraient rattachées à la chaussée de Namur à Louvain, ainsi qu'à celle de St-Michel à Charleroy.

Ce qui faciliterait l'écoulement de leurs produits agricoles, et leur permettrait de recevoir à de meilleures conditions le combustible dont elles ont besoin.

Ils se plaignent aussi de l'isolement dans lequel ils ont été laissés par suite d'influences puissantes qui sont parvenues à détourner le gouvernement de faire passer par leur commune différents projets de routes qui auraient dû la traverser.

Ils demandent aussi la mise en adjudication de la route décrétée de Wavre à Huy.

La section centrale conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics.


M. Lesoinne, rapporteur. - Le conseil communal de Grammont demande que le gouvernement fasse commencer les travaux du chemin de fer de la vallée de la Dendre.

Les pétitionnaires disent qu'en l'état de détresse prolongée dans lequel se trouvent les populations ouvrières de leur localité, il leur sera impossible de venir au secours de leur misère, à moins que le gouvernement ne fasse exécuter lui-même des travaux, pour leur procurer de l'ouvrage ou n'oblige les concessionnaires à exécuter les travaux concédés. Dans le cas où ces derniers refuseraient de remplir leurs obligations, ils demandent que le gouvernement fasse exécuter à ses frais le chemin de Bruxelles à Gand, ou qu'il fasse un appel à de nouveaux demandeurs en concession, en leur donnant pour prime le million de cautionnement versé par l’ancienne société.

La section centrale avait déjà demandé au gouvernement quelles étaient ses intentions au sujet du chemin de fer de la Dendre. La réponse de M. le ministre se trouve imprimée dans les annexes à la suite du rapport. M. le ministre nous dit, dans cette réponse, que la société concessionnaire a fait un premier versement d'un million, qu'au terme de l'article 4 de la convention du 20 juin 1845, le second million de francs dont elle doit constater la réalisation en Belgique n'a point été versé jusqu'à ce jour, mais il ne nous dit pas quelles sont les mesures qu'il se propose de prendre vis-à-vis de la société concessionnaire.

La section centrale vous propose le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du budget.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Plusieurs pétitions demandent l'exécution du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand. »

La section centrale a été unanime pour reconnaître l'importance de la nouvelle ligue de communication dont la construction est vivement réclamée par les pétitionnaires, et qui, en facilitant les relations de la capitale avec les deux provinces les plus peuplées de la Belgique, aurait aussi pour résultat d’accorder une juste compensation à la ville et à l'arrondissement d'Alost.

Prenant d'ailleurs en considération la pénurie de travail qui se fait si vivement sentir dans les Flandres, elle croit qu'il serait désirable de voir exécuter le projet dont il s'agit dans les circonstances actuelles, alors surtout que cette exécution pourrait avoir lieu à l'aide des capitaux d'une compagnie sans porter un préjudice notable aux revenus du trésor et sans entraver les droits qu'il importe de conserver au gouvernement. pour l'exploitation d'une ligne destinée à former une des grandes artères du réseau national.

(page 1439) Par ces motifs la section centrale conclut au renvoi au ministre des travaux publics.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Le conseil communal et la chambre de commerce de Bruges prient la chambre de porter à 37,000 fr. le crédit demandé pour la continuation des travaux d'approfondissement du canal d'Ostende. »

Les pétitionnaires disent que, depuis la révolution, ce canal qui a servi de déchargé aux eaux des terres du Nord s'est envasé et que les navires d'un tirant d'eau de 4m 65 ne peuvent plus arriver jusqu'à Bruges.

Diverses sommes ont été allouées par les chambres pour l'approfondissement successif de ce canal, mais il reste encore une lacune d'environ 3,000 mètres à recreuser. La somme de fr. 17,000 proposée au budget de cette année pour la continuation des travaux, leur paraît insuffisante. On devra voter de nouveaux fonds l'année prochaine, et ils demandent qu'on porte à fr. 37,000 le crédit demandé. Cette somme, selon eux, sera suffisante pour l'achèvement complet des travaux d'approfondissement du canal.

La section propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.,


M. Lesoinne, rapporteur. - La commission de l'association des bateliers de la Meuse prie la chambre de voter les crédits nécessaires pour le prolongement du canal de la Campine de Herenthals à Anvers.

Les pétitionnaires exposent que le canal de la Campine, cette création si utile pour le développement du commerce intérieur du pays, sera loin de produire tous les avantages que l'on peut en retirer si on néglige de lui donner l'extension nécessaire. Le prolongement direct de ce canal de Herenthals à Anvers est le complément obligé des travaux exécutés jusqu'à ce jour, et, pour que la partie achevée donne tous les fruits qu'elle est susceptible de produire, il est de toute nécessité que les deux points extrêmes de la ligne et les deux plus importants soient reliés.

Il résultera aussi de la prompte mise à exécution de ce travail un moyen utile de procurer des salaires aux classes pauvres et nécessiteuses de la Campine.

La section centrale avait déjà demandé au gouvernement quelles étaient ses intentions relativement au prolongement du canal de la Campine de Herenthals à Anvers.

Sa réponse est imprimée dans les annexes. Il est d'accord avec les pétitionnaires sur l'utilité incontestable de la prompte exécution de ce travail, les projets sont entièrement dressés et il demandera un crédit pour cet objet aussitôt que la situation du trésor le permettra.

La section centrale propose le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Les administrations communales du canton de Maestricht-sud et celles des communes environnantes demandent la construction d'une route de Riempst à Hallembaye. »

Les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande, que leur canton se trouve privé de voies de communication, qu'ils n'ont que des chemins vicinaux encaissés et pierreux presque impraticables, et dans lesquels les meilleurs chevaux sont détruits en peu de temps.

La route dont ils demandent la construction n'aurait qu'une étendue de 7 à 8 kilomètres. Elle les relierait à la route de Tongres à Maestricht, ainsi qu'à celle de Tongres à Visé, et leur serait ainsi de la plus grande utilité, tant pour l'écoulement de leurs produits agricoles, de ceux des carrières de Sichen et de Sussen, etc., que pour se procurer le combustible qu'ils retirent des houillères de Liège.

Cette pétition est accompagnée d'un extrait du registre aux délibérations du conseil communal d'Eben-Emael, arrondissement de Tongres, duquel il résulte que cette commune consent à intervenir dans la dépense de la construction de cette route, pour une somme de 5,000 fr., à condition que la route passe par leur territoire.

Votre section centrale vous propose de renvoyer cette pétition à M. le ministre des travaux publics.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Plusieurs administrations communales du canton de Wellin demandent la construction d'une route de Rochefort à Mezières et Charleville passant par Wellin, Lomprez, Haut-Fays, Gedinne, Bohan et Gespansart. »

Les pétitionnaires, pour prouver l'utilité de cette route dont le tracé a été fait par ordre du gouvernement depuis plusieurs années, exposent :

Qu'elle est d'une exécution facile et peu dispendieuse, qu'elle mettrait en relation directe Liège avec Mézières et Charleville ; qu'elle faciliterait l'exportation du bétail de cette partie de l'Ardenne vers la France qui est son seul débouché, ainsi que celle des bois, écorces, charbons et marbres de Wellin.

Elle mettrait les contrées ardennaises à même de se procurer la chaux nécessaire à l'amendement des terres et à la fertilisation des bruyères.

Elle servirait d'affluent au chemin de fer concédé du Luxembourg en reliant une grande partie du pays avec Rochefort où probablement une station sera établie.

Enfin, comme motif d'opportunité, ils font valoir la nécessité de donner du travail à la classe ouvrière de ces contrées qui se trouve en proie à la misère par suite de l'excessive cherté des subsistances.

Ils ajoutent encore que toutes les communes sur le territoire desquelles cette route passerait, céderaient gratuitement les terrains communaux à y incorporer de même que les carrières dont on pourrait avoir besoin.

La section centrale vous propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Les maîtres de poste prient la chambre de vouloir bien statuer promptement d'une manière quelconque sur leur sort. »

Les pétitionnaires exposent que le gouvernement, par l'établissement de ses chemins de fer, a fait à peu près tarir les sources de leurs revenus. Ils évaluent à plus de 2 millions de francs les sommes absorbées de ce chef par les caisses du gouvernement.

Ils se sont adressés depuis dix ans à tous les ministres qui se sont succédé sans avoir pu obtenir de résultat, et ils viennent vous prier aujourd'hui de vouloir bien décider si les relais de poste doivent être supprimés ou maintenus.

S'ils doivent être supprimés, ils désirent le savoir le plus promptement possible, afin de faire cesser les pertes qu'éprouve journellement la majeure partie d'entre eux, dans l'espoir, qu'on leur a donné depuis dix ans, que le gouvernement prendrait leur détresse en sérieuse considération.

Si l'on juge nécessaire de les maintenir, ils demandent alors que, d'après le projet élaboré par une commission sous le ministère de MM. Dechamps et d'Hoffschmidt, il leur soit alloué une somme de trois cent mille francs, répartie par tête de cheval selon la position et l'importance de chaque relais. Au moyen de cette somme, ils s'engagent à maintenir une force de 800 chevaux et 250 postillons, force jugée suffisante pour maintenir une relation convenable entre les différents relais de la Belgique et de l'étranger.

Votre section centrale, dépourvue des documents nécessaires pour juger cette question en connaissance de cause, mais trouvant qu'il est de toute justice de mettre un terme à l'incertitude dans laquelle se trouvent depuis si longtemps les maîtres de postes, conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, avec prière de vouloir bien faire connaître à la chambre ses intentions, relativement au maintien des relais de poste, pendant la discussion de son budget.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Les chambres de commerce de Namur et de Gand demandent la réduction des péages sur le canal de Charleroy et sur la Sambre canalisée ».

Par les arrêtés du 1er septembre 1840, le péage sur la Sambre supérieure depuis Charleroy jusqu'à la frontière de France a été réduit à 10 centimes par tonneau pour les houilles, fontes et ardoises destinées à être exportées en France.

Le péage sur la Sambre inférieure, depuis Charleroy jusqu'à Namur, établi par arrêté royal du 15 octobre 1832, n'a pas été modifié.

La chambre de commerce de Namur demande que le péage sur la Sambre inférieure soit réduit au même taux que sur la Sambre supérieure pour toute espèce de marchandises.

Elle fait valoir pour motif que les établissements industriels de la Meuse et de la Sambre inférieure doivent payer pour les houilles et autres objets, dont ils peuvent avoir besoin, 81 centimes par tonneau sur la Sambre inférieure de plus que les houilles, fontes et ardoises destinées pour la France ; les étrangers, selon elle, sont à cet égard plus favorisés que les industriels du pays.

Elle demande aussi que l'on cesse de percevoir les droits sur les charges des bateaux d'allége qui vont à Salzinne et à Bauce prendre une partie du chargement des bateaux destinés à entrer dans la Meuse dont le tirant d'eau ne leur permet pas de naviguer avec charge complète. Le droit ayant déjà été payé à Charleroy pour tout le parcours et sur tout le chargement du bateau allégé, le droit perçu sur le chargement du bateau d'allégé fait évidemment double emploi.

La chambre de commerce de Gand demande que la réduction de péage de 2 fr. 15 c. par 1,000 kil., accordée pour l'exportation de la houille vers la France et la Hollande, soit accordée aussi en faveur des transports à l'intérieur dans le but de favoriser toutes les industries du pays. Il est urgent qu'on diminue le plus possible les frais de fabrication pour l'industrie cotonnière qui, par le renchérissement de la matière première, éprouve déjà tant de peine à se soutenir.

La section centrale conclut au dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réduction des péages de la Sambre.


M. Lesoinne, rapporteur. - Les membres du conseil communal de Longchamps demandent que le chemin de grande communication de Bastogne à Laroche soit exécuté aux frais et par les soins du gouvernement.

Les pétitionnaires exposent que le chemin dont il s'agit et qui doit relier Bastogne à Laroche, traverse des communes fort pauvres, et que, s'il doit rester chemin de grande vicinalité, il ne s'achèvera pas avant un siècle. Il est cependant d'une haute utilité pour le pays, puisque c'est par ce chemin, lorsque l'Ourthe sera canalisée jusqu'à Laroche, que les produits transportés par cette rivière s'écouleront dans le reste du Luxembourg ; mais vu l'état de pauvreté des communes et les charges qui pèsent déjà sur elles, il leur est tout à fait impossible d'en entreprendre la construction.

Les pétitionnaires demandent donc que le chemin de grande communication de Bastogne à Laroche soit exécuté par les soins et aux frais du gouvernement, la commune offrant de faire cession gratuite de toutes les propriétés communales non bâties, sur lesquelles le chemin devra passer.

La section centrale conclut au renvoi à M. le ministre de l’intérieur.


M. Lesoinne, rapporteur. - « Les membres des administrations communales de Marbais, de Tilly et de Wagnelée, prient la chambre d'accorder les fonds nécessaires à la reconstruction de l'ancienne chaussée romaine qui conduit à la station du chemin de fer à Luttre. Les pétitionnaires exposent que le railway de l'Etat ne leur est que de (page 1440) peu d'utilité, à cause du mauvais état du chemin qui conduit à la station de Luttre établie pour desservir leur contrée. »

Il existe cependant une ancienne chaussée romaine qui pourrait être réparée à peu de frais, puisqu'il n'y aurait aucune expropriation à faire et très peu de terrassements à exécuter. La distance à empierrer ne serait que de douze kilomètres depuis son intersection de Bruxelles à Namur, jusqu'au point où elle traverse ledit railway et le canal de Charleroy, près de la station de Luttre.

Cette route serait d'une grande utilité pour les provinces du Brabant et du Hainaut, et procurerait un affluent très productif au railway de l'Etat et au canal susdit.

La section centrale propose le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.

- Ces conclusions sont successivement adoptées.

Sur la proposition de M. Simons, la chambre ordonne le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du budget des travaux publics, de la pétition des habitants du canton de Maestricht-sud, dont il se réserve d'entretenir la chambre, dans le cours de cette discussion.

Sur la proposition de M. Delfosse, la chambre a renvoyé à M. le ministre des travaux publics, après la discussion, la pétition relative à la dérivation de la Meuse.


(page 1463) M. Lesoinne, rapporteur. - « Le sieur Michel Thiry, batelier à la Boverie, qui a eu deux bateaux brisés contre les piles du pont du chemin de fer de Namur à Liège, au Val-Saint-Lambert, sur la Meuse, prie la chambre de lui accorder des secours. »

Le pétitionnaire expose que le 2 février 1847, deux bateaux, sa seule propriété, descendant la Meuse, chargés de calamine de zinc, oui été entraînés par la force du courant contre une des piles du pont du chemin de fer de Namur à Liège, actuellement en construction au Val Saint-Lambert, et que le choc a été tellement violent, que ses deux bateaux ont volé en éclats. Son frère cadet, Léonard Thiry, âgé de 23 ans, soutien de sa vieille mère, bien qu'excellent nageur, périt immédiatement. Son ouvrier batelier, qui conduisait l'autre bateau, eût également péri si l'on ne fût promptement venu à son secours avec une nacelle.

Il attribue la cause de ce sinistre au mauvais emplacement qui a été choisi pour la construction de ce pont qui forme aujourd'hui, de l'avis de tous les bateliers, l'obstacle le plus dangereux de tout le cours de la Meuse.

Une attestation, signée par plusieurs bateliers expérimentés de la Meuse, certifie, en effet, que ce pont est placé dans une situation tellement périlleuse qu'il n'y a pas de pilote, si expérimenté qu'il soit, qui puisse être certain de le passer à la descente sans faire naufrage.

Il demande que la chambre veuille bien intervenir auprès du gouvernement pour lui faire obtenir un secours. Il est marié et père de trois enfants en bas âge, qui se trouvent dans la misère par suite de la perte de ses deux bateaux, qui lui avaient coûté 1,500 fr., et qui étaient ses seuls instruments de travail.


(page 1440) M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 19 février 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions la requête de M. Guillaume Hole, qui demande, tant pour lui que pour MM. Julien Kahn et Louis de Decker, l'autorisation de construire un embarcadère près du hameau de la Panne à Adinkerke, où sur cette côte aux plus basses marées d'équinoxe il n'y a pas moins de 21 pieds d'eau.

Les pétitionnaires demandent en même temps la concession d'un chemin de fer d'Adinkerke à Ostende par Furnes et Nieuport. Ce chemin de fer, qui longerait les dunes viendrait aboutir à la station du chemin de fer de l'Etat à Ostende.

Le fait avancé par les pétitionnaires qu'il existe, sur notre littoral, un endroit à Adinkerke qui à marée basse présente 21 pieds d'eau, a paru si important à votre commission, qu'il a été vérifié par elle, sur la carte hydrographique de la côte de la mer du Nord dressée par ordre du gouvernement français.

Il est incontestable, messieurs, qu'un embarcadère construit à Adinkerke en face des Douvres et relié par un chemin de fer aux voies ferrées de l'Etat et des compagnies, n'amène d'immenses avantages pour la Belgique. Par l'extrême facilité des départs et des arrivées, les bateaux à vapeur feraient en 2 1/2 heures la traversée et relieraient les chemins de fer de la Belgique à ceux de l'Angleterre.

Posséder sur nos côtes, en face de Douvres, une si forte profondeur d'eau et cela au moment où à marée basse tous les ports de la mer du Nord sont inabordables, est un privilège trop précieux pour que l'on ne mette pas tout l'empressement possible à le faire valoir. Qu'un embarcadère soit établi à Adinkerke et bientôt il aura pour résultat de concentrer en Belgique la plupart des voyageurs qui aujourd'hui s'embarquent ou débarquent à Calais ; les dépêches de l'Inde même, qu'il importe tant au gouvernement anglais de faire arriver ou partir quelques heures plus tôt, ne tarderaient pas à prendre la voie d'Adinkerke.

La Belgique, par sa position géographique, la facilité de ses communications, son commerce étendu et ses institutions libérales, attire chez elle les voyageurs de toutes les parties du globe ; rapprochez-la de quelques lieues de l'Angleterre, et à l'instant vous lui donnerez une impulsion nouvelle.

Les chemins de fer que l'on construit en ce moment en France, vers les ports de Dunkerque, Calais et Boulogne, rapprocheront aussi ce royaume de l'Angleterre. C'est à nous, messieurs, de profiter de la supériorité de notre position, si l'on ne veut exposer la Belgique à perdre un grand nombre de voyageurs.

Examinée sous une autre face ,la concession qui vous est sollicitée, loin de nuire aux chemins de fer de l'Etat ou des compagnies, aurait pour effet de les alimenter tous. Indépendamment de cela, elle aurait encore l'avantage de procurer pendant quelques années de l'ouvrage aux nombreux ouvriers des Flandres dont les souffrances et les misères semblent devoir durer encore quelque temps.

Le chemin de fer d'Adinkerke à Ostende passant par les villes de Furnes et de Nieuport et par un grand nombre de communes, imprimerait plus de mouvement et de vie à toutes ces contrées si avantageusement situées pour le commerce et l'industrie. La ville de Furns, siège d'un commissariat de district, chef-lieu d'un arrondissement judiciaire et dont le marché aux grains est l'un des plus importants du pays, prendrait une large part dans les bienfaits qu'apporte toujours avec elle la meilleure de toutes les communications. Nieuport naguère florissant, mis en contact avec les chemins de fer, reprendrait bientôt l’activité des affaires que lui a fait perdre son isolement des voies ferrées. Enfin ce nouveau chemin de fer procurerait aussi un transport rapide et facile vers le centre des grandes populations, aux produits de la pêche tant du port de mer de Nieuport que des villages de Mariakerke, Raversyde, Middelkerke, Westende, Lombartzyde, Oostduynkeike, Coxyde et Adinkerke, situés tous sur la côte et dont la pêche forme l'une des ressources principales.

Pour vous donner une idée, messieurs, de l'influence qu'exercent sur une industrie les communications nouvelles, il me suffira de vous citer le hameau de la Panne (sur Adinkerke) qui, en 1830, ne possédait seulement que deux barques de pêcheurs et qui aujourd'hui en compte dix ; cet accroissement si considérable à quoi l'attribuer si ce n'est à quelques nouvelles routes pavées qui ont été construites depuis peu d'années dans l'arrondissement de Furnes ? Que serait-ce si ce hameau de la Panne, si toutes les communes susdites ainsi que les villes de Furnes et Nieuport étaient mis en contact par un chemin de fer avec toutes les voies ferrées de l'Etat et des compagnies ?

Cette supériorité de position, unique sur notre littoral, cet avantage de posséder 21 pieds d'eau à marée basse, faudra-t-il les abandonner pour des considérations de concurrence ou des raisons politiques ? Nous ne le pensons pas, messieurs, car si le gouvernement s'arrêtait devant les réclamations de l'intérêt privé ou des localités, il ne se ferait ni canaux, ni routes, ni chemins de fer. La ville d'Ostende élèvera des réclamations, tout comme Calais en a fait valoir lorsque, il y a une vingtaine d'années, Boulogne organisa un service de bateaux à vapeur. Mais le gouvernement français est resté neutre ; il a laissé se développer la concurrence qui a doublé les voyageurs et les relations entre la France et l'Angleterre. Nous aimons à reconnaître que, jusqu'à ce jour, le gouvernement belge a adopté le même système, puisque, possesseur des bateaux à vapeur d'Ostende à Douvres, l'Etat ne s'est pas opposé à la nouvelle ligne d'Ostende à Ramsgate, organisée par une compagnie anglaise. Et quant aux considérations politiques, c'est-à-dire la défense de nos côtes, le gouvernement pourrait se rassurer complétement à cet égard en imposant aux concessionnaires du débarcadère les conditions qu'il convient de stipuler dans l'intérêt du pays.

En résumé, messieurs, nous pensons que la Belgique doit profiter de tous les avantages de sa belle position, et que la concession qui vous est demandée serait un immense bienfait pour notre royaume.

C'est pour toutes ces considérations que la commission des pétitions vous propose, messieurs, de recommander cette demande à la plus vive sollicitude du gouvernement, et à cet effet, de l'adresser tant à M. le ministre des travaux publics, qu'à M. le ministre de la marine et des relations extérieures.

M. Rodenbach. - Messieurs, je crois que le rapport du député de Furnes doit être examiné avec la plus sérieuse attention de la part des deux ministres auxquels la commission des pétitions demande qu'on veuille le renvoyer.

Il s'agit, messieurs, d'un embarcadère que l'on construirait à la Panne, à Adinkerke, hameau situé entre Dunkerque et Ostende. Il paraît que la profondeur de la mer y est telle qu'on pourrait facilement y établir un embarcadère. En partant de ce point, on ne mettrait, pour se rendre à Douvres, que deux et demie à trois heures.

Les pétitionnaires demandent l'autorisation d'établir cet embarcadère, ainsi que la concession d'un chemin de fer à construire d'Adinkerke à Furnes, Nieuport, jusqu'à Ostende. On attirerait ainsi les nombreux voyageurs qui aujourd'hui se rendent de Douvres à Calais.

Je pense, messieurs, que ce projet peut être de la plus haute importance pour la Belgique. Il ne nuirait pas au chemin de fer de l'Etat ; tout au contraire, le trésor public y gagnerait ; car les voyageurs passeraient également par Ostende, et parcourraient toute notre ligne de chemins de fer.

L'adoption de la concession sollicitée procurerait aussi de nouveaux travaux publics dans notre pays ; je crois que son exécution exigerait au moins une dépense de 6 millions.

Nous devons maintenant reconnaître, messieurs, que lorsqu'il y a environ deux ans, sous le ministère de M. Dechamps, nous avons voté les concessions de chemins de fer demandées par des compagnies anglaises, nous avons bien fait.

Cependant ces projets ont rencontré dans cette enceinte une forte opposition. On croyait que les demandes n'étaient pas sérieuses, que ces chemins de fer ne s'exécuteraient jamais. On doit reconnaître aujourd'hui que ceux qui ont soutenu les concessionnaires anglais, que ceux qui ont attiré des capitaux dans le pays, avaient raison. La construction de divers chemins de fer, et notamment de ceux de la Flandre occidentale, prouve qu'on a eu parfaitement raison de voter pour ces concessions.

Je pense donc, messieurs, que la pétition sur laquelle mon honorable ami M. Clep vient de vous faire rapport, mérite toute l'attention du gouvernement. Le projet dont elle s'occupe serait éminemment utile au pays ; je le répète, il attirerait en Belgique de nombreux voyageurs et créerait une forte concurrence à Calais et Boulogne.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loi qui proroge le terme fixé pour la réduction du personnel de la cour d'appel de Bruxelles et des tribunaux de première instance de Tournay et de Charleroy

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, d'après les ordres du Roi j'ai l'honneur de présenter un projet de loi prorogeant l'article 3 de la loi du 10 février 1836 relatif au personnel de la cour d'appel de Bruxelles, des tribunaux de Charleroy et de Tournay.

Je proposerai le renvoi de ce projet a l'examen d'une commission, comme cela a eu lieu en 1842.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et distribué.

La chambre le renvoie à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.

Projet de loi relatif à la nomination des juges de paix

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, le 26 février dernier, la chambre a voté une loi qui ordonne de nommer avant le 15 mai tous les juges de paix qui n'ont pas encore reçu de nomination (page 1441) royale. Lorsqu'il s'est agi d'exécuter cette loi, je me suis aperçu que plusieurs réunions de justices de paix avaient eu lieu de fait, sans avoir été régulièrement et définitivement prononcées. Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à la chambre a pour but de décréter en droit ce qui existe maintenant en fait. Je pense que ce projet ne peut rencontrer aucune objection, et rentre complétement dans les intentions que la chambre a manifestées lorsqu'elle a pris la résolution de ne plus s'occuper du projet général de 1834.

Je proposerai le renvoi du projet de loi à la commission de circonscription cantonale.

- Ce renvoi est ordonné.

Le projet de loi sera imprimé et distribué.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au ministère des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre deux projets de crédits supplémentaires pour le ministère des finances. Le premier projet n'est, à proprement parler, qu'un transfert. Il s'agit d'une somme de 9,000 fr. L'autre projet concerne le service de la monnaie. Il a pour objet un crédit de 34,000 fr. pour frais de confection et d'essai des nouveaux types des monnaies d'or et d'argent.

Je prierai la chambre de vouloir bien renvoyer ces deux projets à la section centrale qui a examiné le budget des finances pour l'exercice de 1847.

- La chambre ordonne ce renvoi, ainsi que l'impression et la distribution des projets.

Motion d'ordre

M. Lys. - Messieurs, j'ai vu par le Moniteur que dans la séance d'hier on a présenté l'analyse d'une pétition du conseil communal de Verviers, qui prie la chambre de statuer sur la pétition qu'il lui a adressée au mois de décembre dernier, et qui demande, en outre, le recensement des denrées alimentaires. J'étais probablement sorti pour un instant de la chambre, car je n'ai pas entendu l'analyse de cette pétition.. Je ne viens pas, messieurs, combattre la décision qui a été prise, mais j'aurai l'honneur de vous faire observer, en ce qui concerne la mesure prise quant à la première partie de la pétition, c'est-à-dire le renvoi à la commission d'industrie, qu'il conviendrait d'y ajouter la demande d'un prompt rapport. En effet, messieurs, cette demande a déjà été faite au mois de décembre dernier ; c'est sur ma proposition que la chambre a décidé qu'il y avait lieu de faire un prompt rapport, et le rapport n'est pas encore fait. Je demande que la chambre veuille bien inviter la commission d'industrie à présenter ce rapport dans le plus bref délai.

Ensuite la chambre a ordonné le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition qui nous a été adressée par le conseil communal d'Ath, et qui a également pour objet de demander le recensement des céréales. Depuis longtemps ce rapport a été fait, et la chose est urgente, puisqu'il s'agit d'un recensement, car tout retard serait par lui-même un rejet du recensement demandé. Je demanderai donc que la chambre mette la discussion de ce rapport à l'ordre du jour, à la suite des objets qui s'y trouvent.

M. le président. - M. Lys demande d'abord qu'il soit fait un prompt rapport sur la pétition du conseil communal de Verviers.

M. Delfosse. - La commission d'industrie a été invitée à faire un prompt rapport sur d'autres pétitions encore. Il y a même assez longtemps que cette invitation lui a été adressée.

- La demande d'un prompt rapport est d'abord mise aux voix et adoptée.

La chambre adopte ensuite la seconde partie de la proposition de M. Lys, tendant à ce que la discussion du rapport sur la question du recensement soit mise à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1847

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées ; canaux et rivières, polders ; ports et côtes ; bâtiments civils ; personnel des ponts et chaussées

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur le chapitre II.

M. Simons. - Messieurs, dans plusieurs circonstances, mon honorable collègue et ami, M. de Renesse, et moi, nous avons déjà fait connaître à l'assemblée les pertes immenses que l'arrondissement, qui nous a fait l'honneur de nous envoyer dans cette enceinte, a essuyées dans ses voies de communication, depuis le nouvel ordre des choses ; je puis donc me dispenser pour le moment d'entrer dans quelques détails à ce sujet.

Je n'ai pris la parole que pour appuyer de toutes mes forces une pétition sur laquelle un rapport vient de vous être fait, et qui a pour objet la construction d'une route de Riempst à Hallembaye.

Pour vous faire apprécier la grande utilité, je dirais presque l'indispensable nécessité de la construction de cette route, je me permettrai de vous faire remarquer qu'à la suite du traité de paix avec la Hollande, les communes importantes qui entourent la forteresse de Maestricht, et forment actuellement le canton de Sichen, Sussen et Borlé, ont été violemment séparées de leur ancien chef-lieu qui formait le centre de toutes leurs relations.

Trois marchés hebdomadaires leur fournissaient constamment toutes les facilités pour l'écoulement avantageux de leurs productions agricoles ; et l'accès commode et peu frayeux à la Meuse par la ville de Maestricht. leur permettait d'y faire en toute saison l'approvisionnement des principaux objets nécessaires à leur consommation, tels que la houille, le fer, la chaux, le bois de construction, etc., etc.

Les événements politiques leur ont enlevé d'un trait de plume cette source de bien-être et sa prospérité, et, en échange, cette malheureuse montrée se trouve resserrée dans un triple rayon douanier et soumise à toutes les vexations, à toutes les exigences fiscales qui en sont le cortège obligé.

Ce peu de mots suffiront sans doute pour vous faire comprendre toute l'étendue des pertes de tout genre que, sans compensation aucune, ce canton a dû subir.

Certes, messieurs, vous en conviendrez, s'il y a quelque chose qui doive étonner, c'est que, depuis longtemps, le gouvernement ne se soit fait un devoir de réparer autant qu'il est en lui le sacrifice immense que cette localité a dû s'imposer dans l'intérêt de la généralité du pays.

Comment ! depuis notre régénération politique, plus de vingt millions ont été consacrés à la construction de nouvelles routes ; partout, par ces nouvelles voies de communication, une nouvelle ère de bonheur a succédé à un état de marasme et d'abandon ; notre pays se trouve sillonné en tous sens d'un réseau de voies ferrées, qui font l'admiration de l'Europe entière ; un capital énorme a été affecté à la réalisation de ce système grandiose qui promet à tout le reste du pays un avenir de prospérité sans exemple, et dans ce luxe de dépenses, utiles sans doute, on n'a pu trouver quelques misérables (erratum, p. 1463) milliers de francs pour cicatriser une plaie profonde causée par la révolution ! Une seule localité est traitée en véritable paria et quelle est cette localité ? C'est celle qui a payé la rançon, pour le pays entier, c'est celle qui a été impitoyablement sacrifiée aux exigences de la diplomatie.

Si c'est là de la gratitude, si c'est là de la justice distributive, je n'y conçois plus rien.

Il est temps de réparer enfin ce grand désastre politique ; il est temps de faire cesser les doléances d'une population qui, par son dévouement au nouvel ordre de choses, par la résignation avec laquelle elle a subi la catastrophe la plus affligeante qui ait pu l'atteindre, mérite sans doute un sort meilleur.

Je me plais à le reconnaître, le chef actuel du département des travaux publics a enfin compris la justesse de nos réclamations ; il nous a déjà donné des marques non équivoques d'une bienveillance à laquelle nous n'étions guère habitués et que nous avions en vain invoquée auprès de tous ses prédécesseurs. Aussi je saisis avec empressement cette occasion pour lui témoigner, au nom de mes commettants, l'expression de ma plus vive gratitude.

Sans doute, il ne laissera pas l'œuvre de réparation à demi. A la route de Tongres à Visé, qui est déjà en voie d'exécution, à celle de (erratum, p. 1463) Hasselt par Bilsen, qui, j'ose l'espérer, sera décrétée au premier jour, il voudra bien encore ajouter un dernier bienfait inappréciable, celui de doter le nouveau canton de Sichen-Sussen et Bolré d'une petite route qui, en le reliant au pays de Liège, rétablisse ses anciennes relations avec ce pays, et lui ménage un accès facile à la Meuse, devenu désormais impossible par la ville de Maestricht, son ancien chef-lieu.

Cette petite voie de communication, qui n'aura qu'un développement de 7 à 8 kilomètres, n'entraînera pas le gouvernement dans de grandes dépenses. La province y interviendra pour le quart de toute la dépense. Déjà, depuis longtemps, les fonds sont faits pour y faire face et n'attendent que la décision du gouvernement pour les mettre à sa disposition.

Les communes intéressées rivalisent de leur côté de zèle et de générosité pour atteindre le but utile dont il s'agit ; une seule commune rurale a voté un subside de 5,000 fr. J'ose espérer que M. le ministre voudra bien ne pas rester sourd à ce vœu généralement exprimé par toutes les autorités de la province. Je serais heureux s'il pouvait me donner à ce sujet quelque apaisement, et que, dans le courant de l'exercice, il voulût bien au moins en ordonner les études préliminaires.

M. Rodenbach. - Messieurs, lorsque j'ai demandé la parole à propos de la discussion du chapitre II, c'était spécialement pour rappeler à M. le ministre des travaux publics ce qui restait à faire pour prévenir les débordements du Mandel ; mais comme j'ai déjà eu l'honneur de faire connaître mon opinion au commencement de la séance, lors du rapport de la section centrale du budget des travaux publics, je me plais à croire que M. le ministre prendra bonne note de mes observations ; il a promis d'examiner cette question ; il a également promis d'examiner la question du canal agricole du Mandel.

Puisque j'ai la parole, je dirai à M. le ministre que, l'an passé, il a été alloué 55,000 francs pour l'élargissement d'un pavé d'Ingelmunster à Roulers.

Cette dépense doit se faire en 5 années ; tous les ans 11,000 fr. J'invite M. le ministre des travaux publics, toujours dans l'intérêt de nos pauvres ouvriers qui n'ont point de travail, à bien vouloir accorder cette année le subside de 11,000 francs pour élargir ce pavé. D'ailleurs, les fonds sont déjà alloués ; mais comme il y a d'autres travaux, je crains que le gouvernement n'oublie que dans ces localités on a un besoin indispensable d'ouvrage ; il n'y a là aucun ouvrier employé par le gouvernement.

J'ajouterai qu'entre Ingelmunster et la Lys, on a fait l'étude de la construction d'un pavé devant passer par Oostroosebeke. Je crois que le moment est opportun de renouveler cette étude et d'y mettre beaucoup d'activité ; là aussi il n'y a pas de travaux et le gouvernement n'y fait rien non plus.

J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien faire droit à ce que je viens de demander.

M. Zoude. - Lorsque la misère s'accroît dans le Luxembourg de la manière la plus effrayante, lorsque la classe ouvrière se trouve sans travail, tandis qu'il était loisible, au ministre des travaux publics de lui en procurer depuis longtemps et surtout avant l'hiver, il me sera permis de lui adresser des reproches d'autant mieux fondés qu'il ne peut (page 1442) invoquer pour sa justification le défaut de crédit pour l'exécution de ces travaux.

En effet, la chambre n'apprendra pas sans grand étonnement que, sur la somme de 2 millions qu'elle a accordée au Luxembourg pour l'indemniser du chemin de fer, il restait encore disponible, au 1er janvier dernier, une somme de plus de 200 mille francs. Cependant la députation des états n'avait cessé de réclamer pour que cette somme fût promptement et exclusivement employée à la route dite des Ardoisières, comme étant l'unique moyen d'empêcher la ruine de la seule industrie qui ait encore quelque vie dans le Luxembourg, menacée qu'elle est de son anéantissement complet par la dernière convention avec la France qui a frappé nos ardoises d'un droit prohibitif, contre lequel il n'y a de remède que dans la construction de cette route qui doit procurer une réduction considérable dans les frais de transport ; encore s'il n'est pas jugé indispensable de recourir à la voie de réciprocité en augmentant le droit sur les ardoises françaises.

Eh bien, quoi que la députation provinciale, juge naturel et bien compétent des intérêts de la province, ait, par des délibérations successives et réitérées, appuyées des considérations les plus logiques, démontré la nécessité de venir au secours des exploitations ardoisières, en employant exclusivement à cette route ce qui restait disponible sur le crédit de 2 millions, on n'a adjugé en janvier dernier qu'un lambeau de cette route pour 60 et quelques mille francs, encore sans contiguïté avec ce qui était déjà fait, en sorte que cette partie, après son achèvement, ne sera d'aucune utilité aux ardoisières d'Herbeumont, dont on abandonne ainsi l'entière exécution au hasard d'un nouveau crédit dont l'allocation est toujours incertaine et subordonnée à d'autres besoins qui pourront naître, et dont l'effet serait son ajournement indéfini, ce qui comblerait la ruine d'une industrie qui conserve encore à peine un souffle de vie.

Encore, si le restant du crédit de 2 millions avait été employé à des travaux d'une utilité bien reconnue, tels sont ceux de Virton à Neufchâteau en passant par le Rossignol où la pierre calcaire abonde, route qui dans l'intérêt de l'agriculture a été votée depuis plusieurs années par les états provinciaux, avec offre de subside pour son exécution, un tel emploi de fonds eût été justifiable ; mais on en a disposé contre le vœu de la députation pour une construction qui peut bien avoir quelque utilité, mais qui était loin d'être réclamée par les besoins impérieux du pays.

La concession d'un bout de route de Jamoigne à Meix-devant-Virton, a été sollicitée par un maître de forges qui, par sa solvabilité, pouvait en garantir l'exécution ; l'administration en fit faire l'étude, et comme il fut démontré qu'elle serait productive, elle s'en réserva la construction ; mais rien n'a été fait et rien ne se fait.

Le commerce et l'agriculture réclament aussi une routé qui doit relier Liège avec les villes de Mezières et de Charleville, en passant par Rochefort, Wéllin, Gedinne et Bouillon, où il n'y a guère qu'une lacune de 30 kilomètres à combler pour que la communication entière soit établie. Cette route, déjà décrétée sous l'empire, fournirait à de vastes bruyères la chaux qui abonde dans le canton de Wellin. Sans doute, il faudrait un crédit spécial pour exécuter ces divers travaux, mais la chambre n'aurait pas refusé d'admettre la proposition que le gouvernement lui aurait faite pour venir au secours du Luxembourg, où le manque de subsistances ainsi que le manque de travail se font ressentir, peut-être même à un plus haut degré que dans les Flandres, parce que les produclions agricoles y sont moins variées. En effet, on n'y cultive guère que le seigle, l'avoine et la pomme de terre.

Or le seigle a totalement manqué, la sécheresse n'a donné qu'un faible produit en avoine, et la maladie a détruit beaucoup de pommes de terre en campagne, et elle se développe maintenant dans les caves sur celles qu'on y réservait pour la plantation. Ainsi, toutes les causes du paupérisme s'accumulent, et s'il ne se montre pas sous des formes hideuses comme en Flandre, c'est grâce au combustible que nos forêts fournissent en certaine abondance, et on sait que la chaleur adoucit l'aiguillon de la faim.

Mais pour que les habitants puissent continuer à jouir de cette ressource, il faut que l'administration forestière sache respecter les droits des communes, qu'elle ne soit pas envahissante comme elle s'est montrée envers les usagers de la forêt d'Anlier.

Mais grâce à l'esprit d'équité qui anime M. le ministre des finances, ces communes sont maintenues dans leur droit ; je l'engage à persister, dans les mêmes principes de justice ; car il est bien des communes moins populeuses et surtout moins riches que les usagères d'Anlier, et qui, ne pouvant faire valoir leurs droits en justice, doivent souffrir, lorsqu'à peine leurs doléances peuvent parvenir jusqu'au ministre, où, en effet, elles ne peuvent arriver que par l'intermédiaire de ceux dont elles ont à se plaindre.

Si j'ai indiqué la cause pour laquelle la misère, dans le Luxembourg, ne se montre pas sous un aspect aussi hideux que dans les Flandres, je ne puis dissimuler que cette misère y est des plus profondes, et qu'un de ses résultats bien douloureux est une maladie qui commence à faire de grands progrès dans la classe pauvre, et notamment parmi les enfants que les parents ne peuvent plus nourrir d'une manière satisfaisante.

Je dirai enfin qu'il est d'une extrême urgence de venir au secours d'une population qui ne demande que du travail et du pain ; c'est un devoir que l'humanité réclame, et que le gouvernement ne peut différer plus longtemps.

M. Pirson. - Messieurs, je n'ai pris la parole que pour demander quelques renseignements à M. le ministre des travaux publics, sur des travaux réclamés ou en voie d'exécution, dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

D'abord la députation permanente du Luxembourg et les administrations communales des villes de Marche, Bastogne et de plusieurs autres localités, sollicitent depuis longtemps le redressement de la route de Namur à Luxembourg, à partir d'un point désigné sous le nom de l’étoile jusqu'à la barrière en avant de Marche. Ce redressement qui devrait être relié, par un petit embranchement, à la route de Ciney vers Rochefort, paraît être d'autant plus nécessaire, que dans la traverse que je viens d'indiquer, il existe plusieurs pentes très rapides, des pentes de 10 à 13 p. c, qui ont occasionné assez fréquemment des malheurs et des accidents.

En 1837, après de nombreuses réclamations, le gouvernement a fait examiner la question ; il lui a été soumis, par les ingénieurs qui ont été chargés de ce travail, un projet de redressement de cette partie de la route. L'année dernière et cette année encore, de nouvelles pétitions ont été adressées à M. le ministre pour réclamer l'exécution de ce projet. Je désirerais savoir quelle suite M. le ministre se propose de lui donner. Le devis des dépenses qui se monte à environ 120,000 fr., pourrait, je crois, être facilement réduit à 80,000 fr., en se bornant au strict nécessaire. Je ferai remarquer à M. le ministre que, dans cette partie de notre territoire, il n'y a pas d'autres travaux en voie d'exécution, que la misère y est très grande et que cette dernière considération devrait surtout l'engager à ne pas différer davantage l'exécution de ce redressement dont la dépense pourrait, s'il était nécessaire, être imputée sur deux ou trois exercices.

Je demanderai un second renseignement à M. le ministre des travaux publics.

D'après un avis que j'ai lu dans le Moniteur, on a dû mettre hier en adjudication la partie de la route de Philippeville à Marche comprise entre les villages de Gozin et de Vignée.

Si je suis bien informé, cette route doit passer par Givet (France), et elle donne lieu à une correspondance diplomatique avec le gouvernement de ce pays. Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir me dire s'il est tombé d'accord avec le gouvernement français sur son tracé, et dans la négative de vouloir presser la négociation qui s'y rattache, car il importe que cette route soit promptement terminée.

Enfin, je demanderai un troisième renseignement à M. le ministre des travaux publics. Il y a trois mois environ que j'ai transmis à son département une pétition signée par toutes les administrations communales du canton de Gedinne, réclamant avec instance l'achèvement de la route en construction de Gedinne à la frontière française vers Charleville.

M. le ministre des travaux publics m'a fait répondre que deux tracés pouvant être suivis pour le passage de la Semois, l'un par Membre, l'autre par Bohan, il n'était pas encore fixé sur celui à adopter ; que l'on faisait les études du double projet, qu'il en avait recommandé la prompte confection, et que l'adjudication des travaux aurait lieu sitôt que les plans et devis de ce double projet lui seraient parvenus, et qu'il aurait pu se prononcer en connaissance de cause.

Je prierai de même M. le ministre des travaux publics de vouloir me dire si ces études sont terminées, s'il est maintenant fixé sur la direction à adopter, et si la mise en adjudication de la section de route qui reste à faire aura bientôt lieu.

Je le prie de ne pas perdre de vue qu'il n'y a peut-être pas un canton plus pauvre dans toute la Belgique que le canton de Gedinne ; que l'hiver rigoureux que nous avons eu, y a porté à son comble la misère produite par suite de la disette des pommes de terre et de la mauvaise récolte du seigle, et qu'il y a nécessité impérieuse de procurer sans retard de l'ouvrage à ses malheureux habitants.

Je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien donner quelques renseignements sur les divers travaux dont je viens de parler.

M. d’Hoffschmidt. - J'appuie d'abord les observations que vient de présenter l'honorable M. Pirson, en faveur du redressement de la route de Namur à Marche. Cet honorable membre a parfaitement justifié l'utilité d'un pareil travail, qui ne coûtera d'ailleurs que 80,000 fit. cette somme pourrait être répartie sur deux exercices. Ainsi ce n'est pas la dépense qui peut arrêter le gouvernement dans cette circonstance.

J'engage donc M. le ministre des travaux publics à faire exécuter le plus promptement possible ce redressement d'une route très importante, et qui est réclamé pour les motifs les mieux fondés et par une foule de localités.

Cette décision aurait l'avantage de procurer du travail à la classe ouvrière dans cette partie des provinces de Namur et de Luxembourg.

Jusqu'à présent, le gouvernement n'a fait absolument rien pour venir cette année au secours de la classe ouvrière dans la province à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir. J'ai signalé à diverses reprises à M. le ministre de l'intérieur la situation où se trouve le Luxembourg, je lui ai écrit plusieurs fois ; je n'ai reçu aucune réponse ; aucune décision n'a été prise. Je regrette la manière dont le ministère a agi vis-à-vis de cette province. Il a été absorbé, dira-t-on, par la misère plus grande des Flandres ; on ne peut qu'applaudir à cette sollicitude. Cependant toutes les parties du pays où l'on souffre ont droit à la sollicitude du gouvernement. Or, dans l'Académie on n'a rien fait ; aucun secours n'a été donné ; aucuns travaux n'ont été exécutés, autres que ceux qui étaient déjà en voie d'exécution.

Puisque j'ai la parole, et que la discussion est ouverte sur l'ensemble (page 1443) du chapitre II, j'en profiterai pour présenter quelques observations sur les grands travaux que nécessitent encore nos voies navigables.

Je pense que cet examen ne sera pas inopportun, d'autant plus que M. le ministre des travaux publics a annoncé, dans une des dernières séances du sénat, que l'intention du gouvernement est de présenter, à la session prochaine, un projet d'emprunt, pour l'exécution de divers travaux d'utilité publique. Il est donc probable (comme cela est désirable) que les moyens de faire face aux dépenses des grands travaux que nécessitent plusieurs de nos voies navigables seront compris dans cet emprunt.

La Belgique a fait énormément pour les travaux publics depuis 1830 ; mais il lui reste encore des efforts financiers à faire pour terminer son système de communications.

Notre chemin de fer n'est pas encore achevé. Lorsque nous serons parvenus au chapitre qui concerne le chemin de fer, j'expliquerai ce que, dans ma manière de voir, il serait nécessaire de faire pour terminer cette grande entreprise et pour mettre dans un état satisfaisant ce grand domaine national.

Quant aux voies navigables, je crois qu'il importe aussi de jeter un coup d'œil sur ce qui nous reste à faire, et surtout sur ce qu'il est le plus urgent d'exécuter.

Je pense que c'est d'autant plus nécessaire qu'il ne faut pas aller en quelque sorte au jour le jour, comme on l'a peut-être fait jusqu'ici.

Souvent le gouvernement ne propose des dépenses que quand il y a impérieuse nécessité, quand la chambre n'est plus libre de les refuser, ou de les retarder. Il faut alors recourir aux bons du trésor, moyen banal, très facile, mais qui n'est que provisoire, puisqu'on doit faire un emprunt pour convertir en dette consolidée la dette flottante que l'on a créée.

Parmi nos voies navigables, je crois que la Meuse réclame d'abord toute l'attention du gouvernement. Il n'est point dans mes intentions de chercher dans ce moment à démontrer l'utilité, la nécessité même des travaux à exécuter à la Meuse. Cette nécessité a été démontrée dans une foule de brochures et de pétitions, dans un grand nombre de discours des représentants des provinces de Liège et de Namur.

Le gouvernement lui-même paraît tout à fait convaincu de cette nécessité, car si nous devons en juger par une pétition qui nous a été distribuée, après la séance d'hier, il paraît que le ministère avait promis que deux millions seraient consacrés cette année au commencement de ces travaux. J'ignore pourquoi cette promesse n'a pas été tenue.

On l'expliquera sans doute dans le cours de la discussion.

Cela ne prouve pas moins que le gouvernement reconnaît la nécessité des travaux à faire à la Meuse inférieure.

La Meuse peut se diviser en deux parties, en ce qui concerne les améliorations à y exécuter : la Meuse supérieure, qui comprend la partie située entre la frontière française et les environs de Liège, et la Meuse inférieure qui comprend principalement la partie qui longe le bassin houiller et la traverse de Liège.

C'est principalement pour cette dernière partie que des travaux sont réclamés avec le plus d'insistance et sont réclamés au nom de deux intérêts extrêmement puissants : l'intérêt de la navigation d'abord et un intérêt de conservation, d'humanité même qui exige qu'on porte remède aux inondations qui affligent la ville de Liège.

Je pense donc, messieurs, qu'il sera bien difficile d'ajourner encore longtemps de semblables travaux. Il est peut-être à déplorer qu'ils n'aient pas pu être commencés dans le courant de cette année. Le projet de M. Kummer paraît satisfaire à toutes les exigences ; non seulement il tend à remédier, au moyen de la dérivation de la Meuse, aux inondations qui affligent Liège, mais en même temps il apporte une amélioration immense pour la navigation, il procure un secours extrêmement favorable pour le commerce et l'industrie du pays, puisqu'il tend à donner un tirant de deux mètres et dix centimètres au cours de la Meuse dans toute la traverse de Liège, ce qui mettrait cette traverse en harmonie avec le canal latéral et avec le canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Ainsi ce projet paraît satisfaire à tout ce qu'on peut demander tant en faveur de la navigation que pour remédier aux inondations. Il est donc à regretter qu'on n'ait pu entreprendre ces travaux dès le commencement de cette année ; c'est en quelque sorte une année perdue, parce que je suis intimement convaincu qu'il faudra toujours en venir à l'exécution de ces travaux.

Ces travaux coûteront une somme de neuf millions, somme très élevée sans doute, et pour ce motif il sera sans doute convenable de la faire figurer dans l'emprunt qu'on se propose de demandera la chambre. Ce n'est pas au moyen des ressources ordinaires qu'on pourrait faire face à une semblable dépense.

Je crois aussi, messieurs, qu'on devra demander le concours de la province et de la ville de Liège ; c'est, du reste, une question à examiner.

Mais, quel que soit le concours, je ne pense pas qu'on puisse davantage suffire à la dépense au moyen des ressources ordinaires, à moins de recourir encore une fois aux bons du trésor, en cas d'insuffisance.

Quant à la Meuse supérieure, messieurs, vous savez que chaque année nous portons au budget une somme de 200,000 fr. pour des essais et des études à cette rivière ; Je crois que le total des sommes votées s'élève aujourd'hui à environ un million de francs, et cependant on n'est pas encore fixé sur le système d'amélioration qui doit être adopté. On attend, à ce qu'il paraît, l'exécution des passes artificielles qui sont commencées en aval de Huy ; c'est lorsque ce travail sera terminé qu'enfin le corps des ponts et chaussées et le gouvernement pourront se fixer sur le mode qui doit être définitivement adopté.

Ce système des passes artificielles, présenté par M. l'ingénieur en chef Guillery, coûtera, d'après cet ingénieur, 3,741,000 fr. Mais, d'après M. l'inspecteur Vifquain, d'après le conseil des ponts et chaussées même, il semble que cette somme ne serait pas suffisante, même avec les fonds qui ont été déjà alloués, et qu'on peut porter la dépense encore à faire à environ 4 millions de francs.

Si nous passons maintenant, messieurs, aux travaux que l'Escaut exige pour qu'on puisse remédier efficacement aux inondations qui affligent la vallée qu'il parcourt, nous trouvons encore de nouvelles dépenses à faire.

Nous avons déjà fait un premier pas dans cette voie en décrétant le canal de Deynze à Schipdonck. Sa construction nécessitera une dépense de 1,550,000 fr. On a déjà ouvert des crédits pour 750,000 fr., il reste donc à allouer 800,000 francs.

Je crois qu'on devra en venir, pour rendre le système tout à fait efficace, à prolonger le canal de Schipdonck jusques à la mer du Nord. Il faudra nécessairement aussi, (et je pense que des études sont ordonnées dans ce but) faire à l'Escaut supérieur des améliorations, des redressements qui empêchent les inondations qui affligent tous les environs de la ville de Tournay et de la ville d'Audenarde. Je pense donc qu'il y aura encore de ce chef une dépense nécessaire, d'autant plus qu'il s'agit de remédier à un état de choses réellement affligeant et qui s'aggrave encore chaque jour par des travaux faits en France, et la dépense totale sera au moins de 5 millions de francs, y compris le canal de Schipdonck à la mer du Nord.

Le canal de Zelzaete, qui est décrété, n'est pas non plus terminé encore. Vous avez voté pour la première section une somme de 2,230,000 fr. qui permettra de l'achever. Un crédit de 720,000 fr. a été voté aussi pour la seconde section ; mais cette section demande, pour être achevée, une dépense de 1,900,000 fr. ; il reste donc encore à voter 870,000 fr.

La troisième section reste à exécuter. Mais je crois que celle-là ne présente pas le même caractère d'urgence ; les études ne sont pas encore faites, et cette dépense peut être dans tous les cas ajournée.

Ainsi pour la seconde section du canal de Zelzaete, il y a encore à dépenser une somme de 770,000 fr., et on ne peut longtemps différer de terminer cette section qui est décrétée, et qui va être commencée.

Tout à l'heure, l'honorable M. Lesoinne a présenté son rapport sur une pétition qui réclame l'exécution du canal d'Herenthals à Anvers. C'est encore un travail de haute utilité ; c'est le complément du canal déjà exécuté d'Herenthals au canal de Bois-le-Duc. Il présente un caractère d'utilité très grand, incontestable, qui demande son achèvement. Aussi, c'est également l'opinion de M. le ministre des travaux publics, puisque, dans la réponse qu'il a donnée à la section centrale, il a fait connaître que l'intention du gouvernement serait de demander un crédit de trois millions de francs pour l'achèvement de ce canal. C'est donc encore là une dépense à laquelle il faut s'attendre.

Il est encore, messieurs, un travail qui me semble avoir un grand caractère d'utilité, et qu'il serait à désirer de voir exécuter : c'est la mise en grande section des six premières écluses du canal de Charleroy. Cette modification est vivement réclamée depuis longtemps, principalement par les exploitants du bassin houiller du Piéton.

Par suite delà différence des sections du canal de Charleroy, de la Sambre et des canaux qui se dirigent vers Paris, il faut qu'il y ait transbordement pour le transport des houilles vers la Sambre et l'intérieur de la France. Par l'élargissement des six premières écluses du canal de Charleroy, ce transbordement ne serait plus obligé. Il y aurait là un véritable avantage. Cette dépense serait donc fort utile. Elle reviendrait à environ 800,000 fr.

Messieurs, il est encore d'autres ouvrages également très utiles à exécuter à nos voies navigables. Mais je les considère comme moins urgentes, ou comme pouvant être exécutés avec les ressources ordinaires du budget. Tels sont, par exemple, les travaux destinés à remédier aux inondations du Demer, de la Senne, à la canalisation de l'Amblève et d'autres travaux de ce genre ; ou bien ils peuvent être exécutés au moyen des ressources ordinaires du budget, ou, au moins, il n'y a pas urgence à les faire.

En résumé, messieurs, pour la Meuse inférieure, il faut 9,000,000 fr., pour la Meuse supérieure 4,000,000 fr., pour terminer le canal de Schipdonck 800,000 fr., pour compléter les moyens de remédier aux inondations de l'Escaut au moins 5,00,000 fr., pour achever la deuxième section du canal de Zelzaete 870,000 fr., pour le canal d'Herenthals à Anvers 3,000,000 fr., pour l'élargissement des six premières écluses du canal de Charleroy environ 800,000 fr. Soit 23,470,000 fr. pour terminer les travaux reconnus nécessaires à nos voies navigables et dont plusieurs présentent même un certain caractère d’urgence.

Le gouvernement donc, messieurs, lorsqu'il s'occupera du projet d'emprunt qui a été annoncé…

M. le ministre des finances (M. Malou). - Il n’a pas été annoncé de projet d'emprunt.

M. d’Hoffschmidt. - Je vous demande pardon ; votre collège (page 1444) M. le ministre des travaux publies a déclaré au sénat, que très probablement un projet d'emprunt serait présenté dans la session prochaine. Je suis donc autorisé à parler de ce projet.

Eh bien, lorsqu'il s'agira de faire un emprunt (et dans tous les cas on devra en venir là, si l'on veut terminer dans un certain délai des travaux d'une évidente utilité), je pense qu'il faudra examiner sérieusement si l'on veut présenter un projet complet, destiné à compléter notre magnifique système de communications, ou si l'on ne voudra prendre qu'une demi-mesure dont il résulterait encore, au bout d'un certain nombre d'années, la nécessité d'un nouvel emprunt.

Certes, messieurs, on comprendra que c'est là une question importante, et qui mérite de fixer toute l'attention des chambres et du gouvernement.

M. de Tornaco. - Messieurs, jusqu'ici je m'étais fait une sorte d'habitude de voter en faveur du budget des travaux publics. Ce n'est pas que je me fisse illusion sur les nombreux abus qui se commettent dans l'administration des travaux publics. Sur ce point je crois être d'accord avec un grand nombre de mes honorables collègues ; il existe dans l'administration des travaux publics des abus qui se multiplient à l'infini. Mais, messieurs, telle était la vivacité de l'intérêt que je porte aux travaux publics, que je craignais jusqu'à l'apparence d'une opposition, jusqu'à l'apparence de tout ce qui aurait pu retarder l'exécution de semblables travaux. Cette année, messieurs, je me vois dans la nécessité de changer de ligne de conduite à l'égard du budget. Je trouve mes motifs dans la faiblesse du chef du département des travaux publics, dans la mollesse qu'il apporte dans l'exécution des travaux, enfin dans son inaction.

Dans la situation où se trouve le pays, le moyen le plus efficace et le plus convenable, aux yeux de tous les membres de la chambre, aux yeux du gouvernement lui-même, le moyen le plus efficace de remédier au mal, ou de l'atténuer, était l'exécution de travaux considérables et de travaux sagement distribués sur toute la surface du pays. Le gouvernement avait reconnu lui-même l'efficacité de ce moyen. Il l'avait reconnue, car dès l'ouverture de notre session, il avait déclaré dans le discours du trône que les travaux réclamés par la situation étaient des travaux de routes et des travaux aux voies navigables.

Ils devaient surtout être exécutés dans les parties les plus souffrantes du pays, notamment dans les Flandres et dans les Ardennes.

Quant aux Flandres, messieurs, je n'ai point à m'en occuper ; les représentants de ces provinces sont assez influents dans cette chambre pour faire entendre leur voix et pour se faire comprendre par le gouvernement ; mais, messieurs, quant aux Ardennes, dont je connais plus particulièrement les besoins, je dois dire que c'est avec une peine infinie que je suis parvenu à découvrir l'exécution ou la mise en adjudication de quelques petits tronçons de route insignifiants. Je parle ici des Ardennes considérées sous le point de vue général, c'est-à-dire de cette partie du pays qui s'étend de la province de Liège à la province de Namur et à la province de Luxembourg. Eh bien, messieurs, dans toute cette partie on n'a exécuté presque aucun travail de construction. Aussi la situation de cette partie souffrante du pays est des plus déplorables.

Les habitants pauvres des Ardennes se trouvent dans cette douloureuse alternative, ou de s'expatrier, ou de souffrir les angoisses de la faim. Les uns, qui n'ont plus assez de ressources pour quitter le pays, offrent un spectacle affligeant ; on rencontre aujourd'hui (et j'en parle sciemment), on rencontre aujourd'hui dans les Ardennes des bandes de pauvres qui, semblables à des squelettes ambulants, vont tendre de porte en porte leurs mains décharnées. Voilà, je crois, ce qui ne s'est vu sous aucun gouvernement. Ceux d'entre ces habitants pauvres auxquels il est resté assez d'énergie, assez de ressources pour tenter l'émigration, quittent le pays ; chaque convoi, pour ainsi dire, transporte des Ardennais, quand nous les observons, quand nous les interrogeons, vous êtes surpris de l'empressement qu'ils mettent à quitter leur patrie. Il semblerait, à les voir, messieurs, qu'ils fuient devant une mort certaine. Il y a bien loin de cette situation des Ardennes, aux rêves prétentieux de M. le ministre de l'intérieur voulant défricher les Ardennes. Quand on veut défricher un pays, on commence par empêcher les forces vives de ce pays de le quitter ; on tâche d'y conserver de bons ouvriers, ceux qui ont l'énergie et le courage de quitter même leur pays.

Cependant, messieurs, les travaux à exécuter dans la partie ardennaise, soit de la province de Liège, soit de la province de Namur, soit de la province de Luxembourg, ces travaux ne manquaient pas. M. le ministre des travaux publics n'avait qu'à se donner la peine de fouiller dans ses carions, probablement recouverts d'un doigt de poussière ; il aurait trouvé dans ces cartons de quoi occuper les classes 'pauvres des Ardennes.

On a cité déjà tout à l'heure plusieurs travaux de routes. L'honorable M. Zoude en a cité une et il a fait une observation qui m'a bien frappé ; il vous a dit, messieurs, qu'au mois de janvier, il restait encore 200,000 fr. disponibles sur les 2 millions qui ont été alloués pour la province de Luxembourg. C'est une chose vraiment étonnante que 200,000 fr. soient restés disponibles, lorsque l'emploi de cette somme devait être fait, lorsqu’il était commandé par des circonstances pressantes.

Un second travail dont M. le ministre des travaux publics aurait pu occuper les classes laborieuses des Ardennes, était le redressement de la route de Marche à Namur. M. le ministre des travaux publics, à qui l’honorable M. Pirson a adressé une interpellation, n'a pas daigné répondre, suivant sa louable habitude ; j'insisterai pour qu'il veuille répondre, qu'il fasse connaître ses intentions sur ce point.

Ce travail pouvait être entrepris, même cet hiver ; car, messieurs, dans l'arrondissement de Marche, aucun travail n'a été entrepris. Ce redressement, dont l'honorable M. Pirson vous a entretenus, pouvait occuper les ouvriers, non seulement de la province de Luxembourg, mais aussi de la province de Namur ; en effet, c'est particulièrement sur la province de Namur que ce travail doit être exécuté.

A coup sûr, le gouvernement ne peut pas dire que le travail dont il s'agit n'est pas arrivé à un degré d'instruction suffisant ; car déjà le gouvernement français s'était occupé de ce redressement ; il avait aussi fixé l'attention du gouvernement des Pays-Bas, et le gouvernement actuel lui-même en 1837 a poussé l'instruction jusqu'au dernier point.

Une autre route qui pouvait encore venir en aide à la classe ouvrière, était une route qui doit relier l'arrondissement de Verviers avec la province de Luxembourg ; c'est une route qui n'a que 15.000 mètres environ. Indépendamment de l'opportunité de la construction de cette route, elle a un degré d'utilité assez important : elle doit mettre en rapport les extrémités de la province de Liège avec les départements de l'est de la France, avec la Suisse et avec l'Italie. La route dont je m'occupe est la voie la plus directe que peuvent suivre Verviers, Stavelot, etc.,. vers les pays que je viens d'indiquer, et avec lesquels ces diverses localités de la province de Liège ont des relations fort suivies. Un motif puissant encore milite en faveur de la prompte exécution de la route de Verviers vers le duché de Luxembourg. Le gouvernement prussien a fait construire une route à peu près parallèle, et si nous n'y mettons obstacle, le commerce changera de direction et se fera à travers la Prusse.

J'oublie de citer une autre route qui se trouve encore aux extrémités de deux provinces : la route de Huy à Stavelot. Il est à remarquer, messieurs, que ce sont les extrémités de province qui souffrent le plus ; c'est des extrémités qu'on s'occupe le moins en général ; car les extrémités ont des voix moins fortes pour se faire entendre auprès du gouvernement.

Le gouvernement avait donc encore là une route qui pouvait donner du travail aux extrémités de la province de Luxembourg et de la province de Liège.

Je sais que le gouvernement a fait quelque chose ; mais ce qu'il a fait est bien peu de chose.

Messieurs, il est fâcheux que le gouvernement ait montré autant d'inertie. On dirait presque que son inaction a été en raison inverse des besoins du pays.

S'il s'était agi d'organiser des bals ou des festins dans la capitale ; s'il s'était agi d'un échange de décorations, où les parties contractantes ne s'oublient pas ; s'il s'était agi d'exécuter complaisamment un coup d'Etat ridicule dirigé contre un inspecteur des plantations, je crois qu'alors M. le ministre des travaux publics se serait montré beaucoup plus actif.

Messieurs, je n'avais pas l'intention de parler de la dérivation de la Meuse pour le moment ; je comptais laisser la discussion suivre son cours, et attendre qu'un de mes honorables amis, qui se propose de prendre la parole sur ce point, se fût expliqué ; mais puisque l'honorable M. d'Hoffschmidt en a dit quelques mots, j'imiterai son exemple.

Messieurs, si je n'avais pas assez de griefs contre le gouvernement ; et remarquez bien que je ne suis pas sorti de la discussion du chapitre II, car les observations qu'on peut faire sur le chapitre II, on peut les faire sur tous les autres chapitres du budget ; si, dis-je, je n'avais pas assez de griefs pour changer ma manière d'agir à l'égard du budget du ministère des travaux publics, je trouverais dans la question de la dérivation de la Meuse un grief suffisant.

Messieurs, le gouvernement avait à traiter un immense intérêt.

La dérivation de la Meuse n'intéresse pas seulement Liège et la province de Liège ; elle intéresse cinq provinces ; elle intéresse la province d'Anvers à cause du canal de la Campine ; elle intéresse la province du Limbourg à cause des deux canaux de la Campine et du Zuid-Willems-vaart ; elle intéresse la province de Luxembourg, à cause du canal de l'Ourthe, lorsque le canal de l'Ourthe sera fait ; lorsque le canal de l'Ourthe sera fait, on pourra naviguer depuis Laroche qui est l'extrémité de ce canal jusqu'en Hollande, jusqu'à Anvers ; de là de grands avantages pour le commerce ; économie de temps, économie de fret, économie résultant de ce que les transbordements si nuisibles aujourd'hui seront évités.

Eh bien, qu'a fait le gouvernement pour cet immense intérêt ? qu'a-t-il fait pour mettre Liège à l'abri des inondations, pour la préserver d'un engloutissement tout au moins partiel ?

Le gouvernement, ici, comme dans les travaux de route concernant les Ardennes, une des parties les plus souffrantes du pays, le gouvernement n'a rien fait ; il a donné des paroles, des promesses, je crois ; il n'a donné que cela.

Messieurs, le gouvernement pouvait être excusable les années précédentes ; il pouvait trouver des excuses jusqu'en 1846, époque à laquelle parut le projet de M. Kummer ; jusque-là l'opinion était tellement partagée dans la ville de Liège elle-même et dans la province ; il y avait eu des discussions tellement constantes sur la question de la dérivation, que nous-mêmes, qui avions les yeux fixés sur cet intérêt si palpitant de la province de Liège, nous n'osions pas, pour ainsi dire, prendre position ; alors, je le reconnais, le gouvernement était excusable jusqu'à un certain point.

(page 1445) Mais depuis que M. Kummer a proposé son projet, depuis que ce projet a reçu l'approbation unanime de ceux qui l'ont examiné, je ne vois pas quelle excuse le gouvernement pourrait alléguer pour laisser une ville de l'importance de Liège en danger d'être engloutie par les eaux, pour compromettre le commerce et l'avenir d'une ville, d'une province telle que Liège, pour ne pas accorder sa sollicitude active à un intérêt d'une aussi grande étendue.

Messieurs, on vous a distribué hier un écrit sur la dérivation de la Meuse ; je vous engage à en prendre connaissance. Dans cet écrit, la question de la dérivation est envisagée sous toutes ses faces. Je vous prie de vouloir bien en prendre connaissance, je suis persuadé que lorsque vous l'aurez lu (surtout avec la carte sous les yeux), vous serez convaincus, comme le sont les députés de Liège, que la question de la dérivation doit recevoir une solution prochaine.

Je sais très bien que le ministère actuel est contraire à la dérivation. Le ministère est divisé sur cette question ; mais il existe sur les bancs ministériels deux hommes, je crois, qui sont parfaitement antipathiques à la dérivation de la Meuse. Je ne veux pas scruter leurs intentions. Je ne veux pas rechercher quel peut être le but de ces honorables ministres ; mais je crois pouvoir leur déclarer qu'ils obtiendront un résultat bien différent de celui qu'ils peuvent espérer. Ces honorables ministres se font une singulière illusion sur l'effet que produiront dans la province de Liège l'obstination, le mauvais vouloir qu'ils ont montrés à l'endroit de la dérivation de la Meuse. Le mauvais vouloir du ministère quant à la dérivation de la Meuse amènera les esprits liégeois à reconnaître d'une manière claire et précise qu'un mauvais ministère est compromettant pour tous les intérêts : pour les intérêts matériels aussi bien que pour les intérêts moraux. Ils reconnaîtront que ce qu'il y a de mieux à faire pour arriver à la satisfaction de tels intérêts, c'est de faire tous les efforts, de consentir à tous les sacrifices que nécessitera le renversement d'un ministère qui leur est hostile.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'honorable préopinant a cru qu'il avait le droit de m'accuser de faiblesse, de mollesse, d'inaction. Ce sont là des mots ; des mots qui ont traîné dans quelques journaux ; mais je prétends que ces mots ne résistent pas à l’examen.

L'honorable membre a cité un assez grand nombre de routes que, suivant lui, j'avais la possibilité d'exécuter, parce qu'elles sont utiles et que les études en sont terminées. Mais là n'est pas la question. La question n'est pas de dépenser une certaine somme à faire des routes ; mais de balancer les dépenses des routes, par les ressources mises à la disposition du gouvernement. Là, messieurs, est la question.

L'honorable préopinant m'a fait le reproche de laisser sans emploi 200,000 fr. qui, suivant lui, seraient encore disponibles sur le crédit de 2 millions voté pour les routes du Luxembourg. Ces 200,000 fr., messieurs, ne sont pas disponibles en ce sens qu'on en puisse disposer maintenant. Ils sont le résultat d'une controverse entre la députation du Luxembourg et le département des travaux publics.

Voici en quoi consiste le différend.

La députation du Luxembourg pense que les deux millions devaient être intégralement dépensés dans le Luxembourg. Il est arrivé que des routes d'un intérêt luxembourgeois, mais qui s'étendent sur d'autres provinces, ont été exécutées au moyen de ces deux millions.

La députation du Luxembourg, s'emparant de ce fait, dit : « Les deux millions n'ont pas été employés conformément à leur destination. Il s'ensuit que vous redevez 200 mille fr. que vous devez dépenser dans le Luxembourg. »

Si j'avais ces 200 mille fr., à l'heure qu'il est, ils seraient engagés.

Mais je maintiens que j'ai fait le meilleur emploi possible des fonds disponibles ; je maintiens que cette tâche a été bien et consciencieusement remplie.

On a dit que j'avais fait exécuter des travaux insignifiants, quelques tronçons de route. Je dis de nouveau que j'ai fait tout ce qu'il était possible de faire avec les ressources que j'avais à ma disposition ; et je crois pouvoir dire que j'ai beaucoup fait.

Les travaux de routes adjugés ou dont l'adjudication est préparée, au point de pouvoir avoir lieu prochainement, s'élèvent pour la période du mois de septembre jusqu'au moment présent à 4,087,915 fr. Cela paraît énorme, inimaginable, lorsqu'on sait que les fonds dont dispose le département des travaux publics, pour le service des routes, sont absorbés, pour plus des deux tiers, pour les travaux d'entretien, de sorte qu'il ne reste pour les travaux neufs, qu'une somme de 8 à 900 mille fr.

Avec cette somme, en engageant les exercices à venir, ce qui a toujours été fait, ce qui a produit d'excellents résultats, et en me concertant avec les autorités provinciales et avec les concessionnaires des routes, je suis parvenu à faire adjuger des travaux de routes, en un peu plus de six mois, pour 2,383,635 fr. et à préparer l'adjudication de travaux de routes pour 1,704,290 fr., ce qui fait un total de 4,087,915 fr. pour ce seul chapitre des routes.

C'est un fait qui parle plus haut que toutes les déclamations, expression que je me permets d'appliquer aux accusations lancées contre moi par l’honorable baron de Tornaco.

Les travaux adjugés et organisés s'élèvent pour la province de Luxembourg à 637 mille francs ; pour la province de Liège, à 630 mille francs, et pour la province de Namur à 347,100 francs. Ce sont là, je pense, des sommes d'une certaine importance pour avoir été engagées dans l'espace de six mois.

Messieurs, vous avez voté, il y a peu de temps, un crédit de deux millions pour travaux à faire aux canaux des Flandres. Ce vote est un fait tout récent. A l'heure qu'il est, tous ces travaux, sauf une très légère fraction, sont en cours d'exécution. On peut dire que dès maintenant les deux millions sont engagés en presque totalité.

Je dois encore citer un fait concernant les travaux du chemin de fer. La chambre me permettra d'anticiper à cet égard sur la discussion du chapitre III.

Ici, messieurs, je rappellerai les renseignements donnés à la section centrale, et communiqués parelle à la chambre, à propos du transfert demandé pour l'extension du matériel roulant du chemin de fer. Ces renseignements établissent que le fonds des stations se trouve engagé en totalité. Là donc encore il n'existe pas de ressources dont je n'aie pas fait l'emploi et l'application.

Messieurs, les observations de l'honorable M. de Tornaco me ramènent, pour ainsi dire malgré moi, à un incident de la discussion du budget de l'intérieur. Lors de la discussion du budget de l'intérieur, un homme qui occupe dans le parlement une place importante, m'a également adressé ce reproche d'inaction. L'honorable M. Lebeau m'a demandé : Où en sommes-nous pour la double voie sur la ligne du Midi ? Pourquoi ne la fait-on pas ? Si l'on a des fonds, pourquoi ne les emploie-t-on pas ? Si l'on n'a pas de fonds, pourquoi n'en demande-t-on pas ?

Messieurs, cette interpellation était faite le 17 décembre dernier, et la double voie sur la ligne du Midi se trouvait terminée le 31 décembre. Ce travail qui me valait de la part de l'honorable M. Lebeau un reproche d'inaction, avait été conduit avec une très remarquable activité.

Il y avait beaucoup de travaux à faire pour parvenir à cette double voie. Ces travaux comportaient beaucoup d'assujettissement à cause de la circulation énorme des transports sur la ligne du Midi. C'était, s'il m'est permis d'employer une expression vulgaire, une espèce de tour de force que de finir cette double voie en un temps aussi court. Aussi ce travail, qui me valait des attaques imméritées dans cette chambre, m'a vain des remerciements et des félicitations de la part d'étrangers qui ont reconnu qu'il avait été conduit avec une remarquable promptitude.

Voilà, messieurs, comment des accusations lancées sans aucun fondement, ainsi que je viens de le dire, peuvent contribuer à accréditer des reproches de prétendue inaction, de mollesse, de faiblesse. Mais je le dis de nouveau, ces accusations ne résistent pas à l'examen des faits.

L'honorable M. Lebeau a également trouvé extraordinaire qu'on n'achevât pas la façade de la station du Nord à Bruxelles. Il a même trouvé que l'état d'inachèvement de cette station avait un aspect ridicule.

Les développements donnés récemment à la chambre ont fait voir que j'étais dans l'impossibilité absolue de faire cette façade ; qu'en la faisant, je devais ajourner inévitablement des travaux plus urgents. Nous avions notamment besoin de constructions pour la manutention des marchandises à Anvers. Ce travail, je l'ai ordonné ; il est actuellement en voie d'exécution. Pour me servir de l'expression de l'honorable M. Lebeau, il était plus ridicule de manquer de locaux pour la manutention des marchandises à Anvers, que de manquer d'une façade à Bruxelles.

J'ajouterai qu'un monument inachevé n'a par lui-même rien de ridicule. A Paris, ville bien plus monumentale que Bruxelles, nous avons tous pu voir le Louvre inachevé, surchargé de constructions en bois, d'un aspect fort désagréable. Personne, que je sache, n'a pensé à trouver cet état de choses ridicule.

Ce qu'il y a donc de vrai, c'est que pour le fonds des stations comme pour les autres crédits extraordinaires qui ont été accordés, l'emploi a suivi de très près le vote. Je dirai même que l'emploi a souvent précédé le vote. J'ai pris sur moi de prescrire des adjudications avant que les fonds ne fussent votés, pour être en mesure d'approuver les marchés au moment où les projets seraient convertis en lois.

La difficulté n'était donc pas de trouver les moyens de dépenser de l'argent ; la vraie question était de faire un emploi utile et le plus complet possible des crédits qui m'avaient été accordés.

Ces crédits pouvaient-ils être plus élevés, messieurs ? Je ne le pense pas. La situation était telle que le gouvernement ne pouvait pas sortir de certaines limites.

L'honorable M. de Tornaco a présenté un certain nombre d'observations sur la dérivation de la Meuse. Il a annoncé qu'un autre député de Liège s'occuperait plus spécialement de cette question. J'attendrai le discours de cet honorable membre pour m'en occuper à mon tour.

Messieurs, l'honorable M. Pirson a demandé des explications sur différents travaux de route. Ces travaux sont pour la plupart au nombre de ceux qui pourront être adjugés prochainement.

M. Jonet. - Je crois que le moment est venu de faire connaître à la chambre un acte récent du département des travaux publics propre à faire apprécier le vice des adjudications, qui, d'après la loi, devraient toujours se faire par concurrence et publicité ; mais qui, en fait, n'ont de ces deux qualités que l'apparence.

Je veux parler du chemin de fer de Quenast à Tubise, adjugé le 24 mars dernier, par acte approuvé par le Roi, par arrêté qui porte la date du 30 du même mois.

Ce chemin avait été conçu en 1836, alors que le chemin de fer de Bruxelles à Mons n'existait pas encore.

Les sieurs Magis et Engels en avaient dressé les plans. Leur but était de relier les carrières du Quenast au canal de Charleroy, seul aboutissant alors possible.

Ce chemin devait être fait à voie étroite et pour de petites charges (page 1446) seulement, puisque les rails ne devaient peser que sept kilogrammes le mètre courant.

Ce chemin, de trop petite dimension, était évidemment impropre au service auquel il était destiné, même avant la construction de notre chemin de fer du Midi ; et bien qu'il ait été décrété par arrêté du 21 mai 1836, il ne fut point adjugé, faute d'amateurs.

Pendant onze ans, ce projet fut enseveli dans les cartons du ministère. Il n'aurait jamais dû en être retiré, puisque, de 1836 à 1847, l'état des lieux et les besoins du public étaient tout à fait changés par la construction du chemin de fer de l'Etat, au midi de Bruxelles.

En 1836, on ne pouvait relier le chemin de Quenast qu'au canal ; mais en 1847, il fallait le relier et au canal et au grand railway de l'Etat tout à la fois.

Par le canal, on arrivait à la Sambre, et parla Sambre aux canaux qui mènent à Paris.

Par le railway, on arrivait à Bruxelles, Malines, Louvain, Anvers et les environs d'une part ; et du côté opposé, on desservait les marchés de Mons, de Condé, de Valenciennes et autres.

Pour faciliter les expéditions, il fallait que les waggons chargés aux carrières du Quenast et de Rebecq pussent, sans rompre charge, atteindre notre grand railway.

Il fallait donc que le chemin du Quenast traversât le canal de Charleroy à Tubise.

Il fallait, de plus, qu'il eût la même largeur de voie, et que ses rails eussent la même force que ceux de l'Etat, dont il aurait formé un embranchement.

Il fallait prévoir aussi les temps des gelées et des glaces, car pendant l'hiver, le canal ne sert pas ; et si on avait songé au raccordement avec le chemin de l'Etat, il était pourvu à tout ; les marchands de pavés auraient pu expédier et recevoir leurs marchandises en hiver comme en été.

Il eût été convenable aussi de prévoir le prolongement futur de ce chemin vers Enghien.

Il fallait aussi desservir toutes les carrières, de manière que celles-ci n'eussent qu'à descendre leurs pavés dans la vallée où on aurait dû construire le chemin, au lieu de les obliger de les transporter sur la crête des montagnes, où le chemin sera établi à l'avantage d'un seul propriétaire adjudicataire.

Mais rien de cela ne fut fait ; rien ne fut étudié en 1847 ; et n'écoutant qu'une seule personne intéressée à transporter ses propres pavés de Quenast à Paris, par les canaux et les rivières, M. le ministre retira le projet de 1836, du cercueil dans lequel, il était bien et dûment enfoui ; il a annoncé l'adjudication, la fit prononcer d'une manière assez extraordinaire, comme je vais l'établir, et sans s'inquiéter des réclamations nombreuses, faites avant, pendant et après l'opération, il eut hâte de la faire approuver par arrêté royal, porté six jours après l'adjudication.

Il va de soi que cette adjudication se fit aux meilleures conditions possibles, non pour l'Etat, mais pour les entrepreneurs.

Ceux-ci obtinrent le maximum du péage, fixé par le cahier des charges à un franc par tonneau ; ce qui porte ce péage à 16 centimes par kilomètre, alors que, dans tous les chemins de fer concédés depuis trois ans, ce péage n'a pas dépassé 8 centimes.

Aussi, d'après l'opinion publique, l'adjudication du 24 mars est une affaire d'or pour les concessionnaires. Je n'ose même dire combien peu d'années on m'a dit qu'il leur fallait pour être remboursés de toutes leurs dépenses, de sorte qu'évidemment ils feront d'énormes bénéfices.

Je viens de dire que l'adjudication dont je parle se fit rapidement et nonobstant de nombreuses réclamations. J'ajoute ici qu'elle se fit irrégulièrement, sinon illégalement.

Elle se fit irrégulièrement ; car, sauf peut-être les heureux adjudicataires, les autres amateurs n'ont pas eu et n'ont pas pu avoir connaissance des plans et des tracés qui devaient servir de base à leurs affres et à leurs calculs.

Ils n'ont pas eu et n'ont pas pu avoir connaissance de ces pièces, bien que l'article 3 du cahier des charges les obligeât à suivre ces tracés et ces plans.

Aussi, avant l'adjudication, et nommément le jour de l'adjudication, les amateurs de l'entreprise en demandèrent-ils la communication et l'inspection.

Ils devaient être annexés au cahier des charges ; mais ils n'y étaient joint.

Au gouvernement de la province, on leur répondit « qu'on ne les avait pas. » Chez le ministre, on déclara « qu'on ne les retrouvait pas. »

Au ministère on demanda que, vu l'absence de tout plan, l'adjudication fût ajournée ; mais on n'obtint point de réponse.

Au gouvernement provincial, on demanda la remise de l'adjudication à un autre jour ; mais l'honorable fonctionnaire qui remplaçait momentanément M. le gouverneur, qui dans cet instant siégeait dans cette chambre, répondit aux réclamations : « Qu'il ne le pouvait pas ; qu'il n'était là que l'instrument du ministère ; qu'il devait adjuger même sans plan ; » et il adjugea, en effet, sur une seule soumission, ne demandant rien moins, comme je l'ai dit, que le maximum du péage !

Au ministère on peut appeler cela adjuger avec concurrence et publicité ; mais moi, j'y vois tout autre chose, que par civilité et délicatesse je ne nommerai pas.

Cependant le 22 mars, deux jours avant adjudication, M. Dupont, entrepreneur de travaux publics à Bruxelles, s'adressa par requête à M. le ministre pour obtenir de nouvelles études, d'après les convenances et les besoins nouveaux de la localité ; mais ce fut sans succès ; on fut sourd à sa prière.

Il ne s'arrêta pas là. Le 24 au matin, trois heures avant l'adjudication annoncée, il fit notifier par huissier la protestation que je tiens à la main, et dont je donnerai lecture dans un instant.

Ce fut peine perdue, l'adjudication se consomma à l'heure indiquée aux affiches.

Le lendemain de cette adjudication singulière, cinq personnes disposées à faire l'entreprise à meilleur marché, que les adjudicataires de la veille, si on voulait leur communiquer les plans et les tracés qu'ils avaient vainement réclamés pendant plusieurs jours, s'adressèrent encore au ministre pour le supplier de ne point approuver le contrai du 24, de faire étudier le projet, et de le remettre en adjudication, offrant de se rendre adjudicataires à de meilleures conditions pour l'Etat. Tout cela fut inutile, on ne les écouta pas.

Je donnerai dans un instant lecture de cette pétition du 28.

Enfin le 31 mars, deux de ces cinq derniers pétitionnaires vinrent me trouver, et m'engagèrent à me rendre avec eux près de M. le ministre, pour appuyer leurs justes et légitimes réclamations.

Je me rendis à leur désir ; nous nous rendîmes donc à trois au ministère ; nous fîmes valoir les raisons qui commandaient ou un refus positif d'approbation, ou tout au moins son ajournement, jusqu'à la production d'un plan que les pétitionnaires s'engageaient à faire faire eux-mêmes dans un délai de peu de jours.

M. le ministre nous écouta, parut accueillir nos motifs, et finit par nous dire, que l'adjudication du 24 ne serait pas immédiatement approuvée, et qu'il attendrait la production du plan que l'on était en train de confectionner.

Nous nous retirâmes donc satisfaits, comptant sur la parole ministérielle.

Mais nous comptions sans notre hôte, ou plutôt avec un hôte qui se moquait de nous, puisque, s'il faut en croire les pièces qui furent insérées au Moniteur le 8 avril, l'approbation de l'acte du 24 mars avait été donnée par un arrêté qui, comme je l'ai dit plus haut, porte la date du 30 mars ; et qui partant existait alors que le ministre nous laissait espérer, ou que cette approbation ne serait pas accordée, ou qu'elle serait au moins retardée de plusieurs jours.

Je ne retracerai pas les sentiments que j'éprouvai en voyant le Moniteur du 8.

Les réclamants tombèrent dans la stupéfaction, et s'écrièrent avec raison, je pense, qu'ils étaient joués. Ils étaient joués, puisqu'avant l'adjudication ils ne purent obtenir l'inspection du plan qu'on imposait aux adjudicataires comme règle de leur conduite et comme limite de leurs obligations.

Ils étaient joués, puisque le 31 mars, on leur promettait encore, ce qu'il n'était plus au pouvoir du ministre d'accorder, s'il est vrai que dès le 30, l'adjudication du 24 avait été approuvée par le Roi.

Ils étaient joués enfin, puisqu'avec la meilleure volonté du monde de concourir à l'adjudication, ils n'avaient pu faire aucune soumission.

Messieurs, je n'ai aucun intérêt personnel dans cette affaire ; je ne suis pas l'avocat des réclamants, mais je suis député de la nation, et c'est au nom et dans l'intérêt du pays, que j'attire votre attention sur un acte que ma conscience blâme et désapprouve de toutes sa force.

Je blâme et désapprouve la remise au jour, en 1847, sans études nouvelles, pour l'approprier à des besoins nouveaux, un projet conçu et rejeté en 1836.

Je blâme et désapprouve une mise en adjudication, sans que les plans et les tracés obligatoires aient été mis sous les yeux des amateurs.

Je blâme et désapprouve une adjudication imposée au gouverneur de la province, sur une seule soumission et au maximum du péage, sans écouter les personnes disposées à faire des soumissions moins onéreuses pour le public et pour l'Etat.

Je blâme et désapprouve le déni de justice, que de nombreux réclamants ont subi.

Je blâme et désapprouve la ratification empressée de l'acte du 24 mars que je ne sais trop comment qualifier.

Je ne parlerai pas de la promesse, de la demi-promesse, ou du semblant de promesse que M. le ministre fit en ma présence à deux réclamants, le 31 mars ; cependant je ne puis lui pardonner de nous avoir laissé croire que l'adjudication ne serait point approuvée avant la production d’un plan nouveau promise par les réclamants, alors que cette approbation existait déjà depuis 24 heures, bien qu'elle n'ait été publiée que huit jours plus tard.

En vous disant ce que vous venez d'entendre, messieurs, je déclare n'avoir été poussé par aucun sentiment hostile à la personne de M. le ministre. Je n'ai fait qu'obéir à ma conscience, et je crois n'avoir rempli qu'un des devoirs que notre mandat de député nous impose à tous.

Je serais heureux que M. le ministre pût justifier les actes qu’il a posés, et que mes observations ne dussent servir que d'avertissement pour l'avenir.

Voici les deux pièces dont j'ai parlé plus haut, et dont j'ai annonce la lecture :

Première pièce :

« L'an mil huit cent quarante-sept, le vingt-quatre du mois de mars, à dix heures du matin.

(page 1447) « A la requête du sieur Joachim Dupont, entrepreneur de travaux, publics, domicilié à Bruxelles, rue Fossé-aux-Loups, n°3

« Attendu que le principe de toute adjudication est la concurrence et la publicité, que la première n'est possible que quand tous les éléments d'une entreprise ont été mis à la disposition des amateurs ou intéressés ;

«Attendu que l'avis de l'adjudication par voie de concession et de péage d'un chemin de fer destiné à relier les carrières à pavés de Quenast et de Rebecq, avec le canal de Charleroy à Bruxelles, à Clabecq, renvoie les amateurs an cahier des charges, dressé pour cette entreprise et qui se trouve déposé au gouvernement provincial, que l'article 3 de ce cahier des charges indique que les travaux devront être exécutés suivant le plan qui y est annexé ;

« Attendu que contrairement à cette prescription, aucun document autre que le cahier des charges n'a pu être communiqué au requérant, ni au gouvernement provincial, ni dans les bureaux de votre département, où il s'est présenté, afin d'en prendre communication, et qu'il se trouve ainsi dans l'impossibilité de remettre une soumission pour cette entreprise, comme il en avait l'intention ;

« Attendu encore que depuis 1800 trente-six, époque du cahier des charges imposé à MM. Magis et Engels, les besoins des carrières de Quenast ont changé de face, et que l'établissement du chemin de fer de l'Etat a créé des débouchés nouveaux et importants vers la France, débouchés qui augmentent tous les jours et méritent d'être pris en sérieuse considération ;

« Attendu que, pour satisfaire ces besoins nouveaux, de nouvelles éludés de tracé et une nouvelle enquête sont nécessaires, en ce qui concerne d'abord le raccordement du chemin de fer projeté avec le chemin de fer de l’Etat à Tubize et ensuite les raccordements partiels avec chacune des carrières qu'il est appelé à desservir.

« Qu'on peut poser en fait, que le projet de 1800 trente-six, soumis aujourd'hui à la même commission d'enquête, qui a conclu à son adoption, le rejetterait comme insuffisant, par les raisons déduites plus haut, et que ce projet, qui pouvait être complet en 1800 trente-six, ne l'est pas en 1800 quarante-sept, en ce qui a rapport aux intérêts bien entendus de l'Etat et ceux des parties intéressées ;

« Attendu qu'en présence de ces considérations, exposées dans une requête adressée à M. le ministre des travaux publics, le vingt-deux mars courant, par mon requérant susqualifié et remise ce jour à son département, il était impossible de méconnaître que l'adjudication annoncée pût avoir lieu sans dommages graves pour toutes les parties, si elle n'était ajournée jusqu'à nouvelle et plus ample instruction.

« Attendu que mon requérant s’est en outre engagé, par cette requête, de remettre à M. le ministre susdit, dans un délai de quinze jours, un projet complet et nouveau, dressé en vue des besoins actuels et futurs des carrières de Quenast et de Rebecq et dans les conditions exigées par l'état actuel des communications par voies ferrées ;

« Attendu que la position sociale de mon requérant, jointe à ses antécédents, comme entrepreneur de travaux publics, exécutés par lui pour le compte du gouvernement, vient prouver de plus en plus que son opposition à ce qu'il soit procédé ce jour à l'adjudication prémentionnée est sérieuse ; qu'il lui importe, pour ne laisser aucun doute, à cet égard, de réitérer sa protestation contre une mesure de nature à causer un préjudice notable à l'intérêt public, comme aussi de réitérer l'engagement qu'il a pris par ladite requête, de remettre un projet complet dans le délai y fixé.

« Par ces motifs :

« Je soussigné Alexandre-François André, huissier-audiencier près le tribunal de première instance de Bruxelles, y domicilié rue d'Aremberg, sect. 5, n°20, patenté, ai invité M. le ministre des travaux publics susdit, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, Place Royale, où étant et parlant à M. Stas, chef de division dudit ministère des travaux publics, qui a visé mon original, à proroger l'époque de ladite adjudication et à donner les ordres nécessaires à cette fin, se réservant mon requérant, pour le cas où, contre toute attente, il ne serait pas fait droit à sa juste demande, de réclamer la réparation du tort qui lui aura été causé et de l'atteinte portée à ses droits.

«Et pour que M. le ministre susdit n'en ignore, je lui ai, étant en ses bureaux susdits et y parlant comme dit est, laissé copie de mon présent exploit.

« Dont acte, coût dix francs soixante et seize centimes.

« André. »

Deuxième pièce :

« 25 mars.

« A M. le Ministre des travaux publics.

« Nous soussignés propriétaires de carrières, à Quenast et Rebecq, avons l'honneur de vous exposer que par suite de l'adjudication d'hier pour la concession du chemin de fer des carrières de Quinast au canal de Charleroy, ils estiment que leurs intérêts sont considérablement lésés.

« 1° Parce que les différents amateurs sérieux qui se présentaient pour l'obtention de cette concession n'ont pu prendre connaissance des projets existants ni au gouvernement provincial ni dans les bureaux de votre département.

« 2° En ce que l'adjudication ayant eu lieu sur un projet rédigé il y a douze ans, c'est-à-dire quand il ne s'agissait pas encore du chemin de fer du Midi, le raccordement avec le railway n'est nullement prévu et par conséquent ne favorise nullement l'expédition des pavés par la voie ferrée avec le midi du royaume et avec la France, débouchés considérable pour nos carrières.

« 3° Le taux de péage soumissionné par le concessionnaire provisoire, par suite de l’abstention des autres soumissionnaires, n'est plus en rapport avec les prix actuellement payés pour le transport des marchandises pondéreuses par chemin de fer ; en effet, la distance qui sépare nos carrières du canal de Charleroy est à peine de six kilomètres, et le péage demandé est de un franc pour le parcours lofai, soit plus de seize centimes par kilomètre, tandis que par tous les chemins de fer concédés depuis trois années le taux maximum par tonne et par kilomètre n'a pas dépassé huit centimes. Ce surcroît de dépense imposé à notre industrie est de nature à amener une très grande influence sur notre avenir, surtout que les autres centres de productions similaires seront tous desservis par des voies ferrées transportant les produits à des prix infiniment moindres.

« Par suite des considérations émises plus haut, M. le ministre, nous venons solliciter de votre bienveillance de vouloir refuser votre approbation à cette adjudication et en ordonner une nouvelle lorsque le projet aura reçu le complément d'instruction indispensable.

« En attendant votre décision à cet égard, nous vous prions, M. le ministre, d'agréer l'hommage bien sincère de notre profond respect. °

« (Signé) Alexandre Solvay, Auguste Solvay. Jean-Baptiste Devroedt. Jean-Baptiste Delwart. François Champagne. »

Voilà, messieurs, ce que j'ai cru devoir vous faire connaître, à l'occasion du budget du département des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, le chemin de fer des carrières de pavés du Quenast au canal de Charleroy, dont vous a entretenus l'honorable préopinant, a été décrété le 21 mai 1836. Il a été décrété à la suite d'une enquête, d'une instruction complète. Il y a eu adjudication. Les auteurs du projet se sont seuls présentés comme soumissionnaires, et l'adjudication. leur a été dévolue. Je commence par constater ce fait. Le chemin de fer dont il s'agit était concédé, et concédé dès 1836. En dix années de temps, messieurs, et même à l’époque où ce genre de spéculation jouissait de la plus grande faveur, les titulaires de cette concession ne sont parvenus à en tirer aucun parti. Ils ne sont pas parvenus à former une société pour la construction et l'exploitation de ce chemin de fer, qu'on nous présente aujourd'hui comme une mine d'or. Enfin, messieurs, un dernier délai leur a été assigné pour se mettre en règle. ; ce délai était de six mois ; les concessionnaires furent prévenus que si, endéans ce délai de six mois, ils ne parvenaient pas à déposer le cautionnement voulu et à se mettre en règle, il serait pourvu à la réadjudication de la concession.

C'est là, messieurs, ce qui, d'après le cahier des charges, devait se faire au cas où le concessionnaire serait en défaut de remplir ses engagements. En ordonnant une réadjudication j'ai donc exécuté le cahier des charges décrété depuis 1836.

La réadjudication, messieurs, a été annoncée dès les premiers jours de mars. Vous avez pu remarquer, à différentes reprises, cet arrêté dans le Moniteur qui l'a reproduit peut-être dix fois. L'arrêté a paru, en outre, dans tous les journaux ; on peut dire qu'il y a eu luxe de publicité.

Ainsi que le dit l'honorable préopinant, une seule soumission a été déposée à l'adjudication.

Ici, messieurs, je dois faire une observation, c'est que des exemples de concurrence pour des concessions de l'espèce, sont fort rares. D'après notre loi sur les concessions, toute concession doit être mise en adjudication, et l'expérience a prouvé que, pour les entreprises de ce genre, il n'existe en général qu'un seul soumissionnaire. L'adjudication est ici un moyen de garantie, une preuve, si l'on veut, que la demande n'est pas exagérée ; mais j'appelle l'attention de la chambre sur ce point que le fait d'une seule soumission déposée à une adjudication de concession de chemin de fer, est un fait très ordinaire, un fait général.

Les auteurs de cette soumission, messieurs, qui avaient déposé le cautionnement voulu, ont été déclarés adjudicataires, par arrêté royal du 30 mars, ainsi que le dit l'honorable membre. L'honorable membre a trouvé singulier que j'aie mis une certaine hâte à approuver cette adjudication ; la raison, messieurs, en est toute simple : mon principal but, en approuvant l'adjudication, et en l'approuvant le plus tôt possible, était de multiplier les moyens de travail pour les classes ouvrières, de faire ce que, tantôt encore, on a prétendu que je ne fais jamais.

Je reviens, messieurs, sur différents incidents rapportés par l’honorable membre. La veille de l'adjudication, j'ai reçu une protestation d’un, entrepreneur de travaux publics, cité par l'honorable membre, entrepreneur à qui je ne reconnais aucune qualité pour agir au nom des propriétaires des carrières du Quenast, et qui, à mes yeux, est un spéculateur en travaux et en projets, sans que j'attache à ce mot une acception défavorable, mais enfin, qui est un spéculateur en travaux et en projets, et rien de plus.

Cet entrepreneur motivait sa réclamation, non pas sur ce qu’il n’avait pas connaissance du projet, car il se trouvait décrit dans le cahier des charges, et il ne peut y avoir de doute à cet égard pour quiconque connaît les localités ; mais il demandait l'ajournement de l'adjudication, en (page 1448) (un mot illisible) ce que le projet était incomplet, sur ce qu'il fallait adjuger, non pas ce qui avait été mis en adjudication, ce qui avait été décrété en 1836, mais un projet entièrement nouveau.

Si cet entrepreneur devient ministre des travaux publics, il jugera s'il faut adjuger tel ou tel projet ; quant à moi, j'ai pourvu à l'exécution du projet décrété, c'était mon droit et je prétends que c'était de plus mon devoir.

J'ai cru donc, messieurs, n'avoir pas à m'arrêter à une opposition de ce genre, et il a été procédé à l'adjudication.

L'arrêté qui approuve l'adjudication a été signé le 30 mars. Lorsque j'ai reçu la visite de l'honorable M. Jonet, accompagné de deux maîtres de carrières du Quenast, l'arrêté était signé, mais non publié. L'honorable membre m'a demandé de tenir la décision en suspens jusqu'à ce que j'eusse pu prendre connaissance d'un projet nouveau annoncé pour le mardi suivant. J'ai accédé à cette demande ; j'ai attendu, pour donner suite à l'affaire, que le mardi suivant fût arrivé et que j'eusse pu prendre connaissance du projet que l'on m'indiquait, comme devant être adopté de préférence au projet de 1846.

Si j'avais cru que le projet nouveau dût être adopté, l'arrêté était en ma possession ; il était en mon pouvoir, en en référant au Roi, de ne pas donner suite à cet arrêté et de prescrire une instruction nouvelle sur un projet nouveau.

Au jour indiqué, je reçus effectivement le projet annoncé ; mais ce projet n'était pas un projet des maîtres des carrières ; c'était un projet de l'entrepreneur qui avait entendu m'imposer un projet autre que le projet décrété ; c'était un projet de M. Dupont. Ce projet, je me suis empressé de l'examiner, je l'ai fait examiner par des ingénieurs, et cet examen a établi que ce projet, prétendument meilleur, était complétement inadmissible.

Ce projet consiste à établir un chemin de fer, depuis les carrières de Quenast jusqu'à la station du chemin de fer de l'Etat à Tubize, traversant à niveau la station de Tubize et continuant son tracé jusqu'au canal. Il en résulte que les transports de pavés qui seraient dirigés vers le canal, viendraient encombrer la station de Tubize, et seraient une cause de perturbation et de danger pour le service du chemin de fer de l'Etat.

Il n'y a rien de plus fâcheux que ces traversées à niveau ; d'honorables membres savent qu'entre Mons et la frontière nous avons plusieurs traversées à niveau, et que l'Etat est à la veille de s'imposer des sacrifices fort élevés pour les supprimer.

Ce chemin de fer a donc été trouvé tellement mauvais par les ingénieurs, qu'ils m'ont dit que si un projet semblable était décrété, il faudrait à tout prix le modifier dans l'intérêt du chemin de fer de l'Etat. C'est donc après m'être assuré que ce projet est complétement inadmissible (je n'y donnerai jamais les mains, et je suis sûr que tous mes successeurs suivront la même ligne de conduite), c'est après m'être assuré que le projet était complétement inadmissible que j'ai donné suite à l'adjudication.

Maintenant cette adjudication donne-t-elle à l'adjudicataire des avantages immodérés ? Je dis non, et j'invoque les faits pour appuyer mon dire. Si ce chemin de fer avait été une mine d'or, M. Magîs et consorts n'auraient pas gardé la concession pendant dix ans sans en rien faire. De là on peut tirer la conséquence que le gouvernement pouvait ratifier cette concession, sans supposer que le projet assurât au concessionnaire des avances immodérés.

Ce projet avait un autre inconvénient. Pour atteindre la station de Tubize, la ligne devait se relever et redescendre ensuite brusquement vers le canal, de façon qu'entre le canal et la station de Tubize, le projet présentait une pente de 9 millimètres sur 800 mètres.

Mais, je le répète, ce qui m'a déterminé, c'est que le projet nouveau qu'on voulait m'imposer était inadmissible au point de vue du chemin de fer de l'Etat.

Pour donner suite à ce projet reconnu mauvais en lui-même et au point de vue du chemin de fer de l'Etat, il fallait improuver l'adjudication, libérer les soumissionnaires et remettre toute l'affaire en question ; c'était abandonner le projet certain pour un projet hypothétique ; admettre ce dernier projet, c'eût été, pour me servir d'une expression peut-être triviale, lâcher la proie pour l'ombre.

Cette affaire étant restée sans suite pendant dix ans, il s'est présenté une occasion d'y donner suite dans des circonstances malheureuses, dans des circonstances où l'on réclame du travail partout. Je déclare que cette considération n'a pas été étrangère à ma détermination ; dans ma conviction, ce que j'ai fait est bien fait, et, dans les mêmes circonstances, je le ferais encore.

Projet de loi exemption certaines demandes en naturalisation du droit d'enregistrement

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer deux projets de loi ; le premier tend à accorder à 5 personnes, qui ont obtenu la naturalisation ordinaire, la restitution des droits d'enregistrement qu'ils ont payés.

- Ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, est renvoyé à l'examen de la commission des naturalisations.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou). - Le second projet tend à allouer au gouvernement un crédit de 1,200,000 francs pour l'achèvement de l'entrepôt d'Anvers et les canaux de la Campine.

M. le président. - La chambre n'étant plus en nombre, on statuera demain sur le mode d'examen de ce projet de loi.

La séance est levée à 4 heures et demie.