(Moniteur belge n°67, du 7 mars 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 2 heures et 1/4. La séance est ouverte.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse d’une pétition adressée à la chambre.
« Le sieur Alfred St.-Martin, commis de deuxième classe des accises à Walcourt, né à Caen (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre la justice.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. de Roo, présenté au nom de la commission des pétitions, sur une pétition du conseil communal de Thielt, réclamant contre une décision ministérielle par laquelle les cultivateurs qui débitent sur les marchés la viande provenant du produit de leur propre bétail, sont soumis à un droit de patente.
Les conclusions de la commission sont le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je désirerais savoir si le fond de la question se trouve maintenant en discussion, ou s’il s’agit seulement de décider que la pétition sera renvoyée au ministre des finances.
S’il ne s’agit pas de discuter le fond de la question, je n’ai aucune objection à faire aux propositions de la commission. Je ne vois aucun inconvénient à ce que la pétition me soit renvoyée, même avec demande d’un rapport, quoique les conclusions de la commission n’aillent point jusque-là. Ce rapport pourrait être soumis sous très peu de jours à la chambre.
M. Rodenbach. - Il me paraît qu’il faut mieux discuter maintenant le fond de la question. Tout le monde connaît le rapport de l’honorable M. de Roo et doit savoir à quoi s’en tenir. M. le ministre des finances paraît être prêt à répondre à ce rapport. Nous ne pouvons laisser plus longtemps le fisc jeter l’épouvante dans nos campagnes et empêcher les cultivateurs de venir porter la viande de leur bétail sur nos marchés.
M. de Roo, rapporteur. - Il s’agit de discuter le rapport tel qu’il a été présenté, et par conséquent d’examiner le fond de la question, c’est-à-dire, de prouver que l’arrêté ministériel est contraire au sens de la loi et, par conséquent, d’engager M. le ministre des finances à bien vouloir retirer cet arrêté.
M. le président. - Je ferai remarquer que ce qui est en discussion pour le moment, ce sont les conclusions du rapport de la commission.
Si M. de Roo fait la proposition de discuter le fond même de la question, je devrai consulter la chambre.
M. Osy. - Il me paraît qu’en présence des objets importants que nous avons à l’ordre du jour, il serait préférable de discuter dès aujourd’hui le fond de la question. M. le ministre pourrait nous dire dès maintenant sur quoi il fonde son arrêté ministériel. Il s’agit de l’interprétation d’un article de la loi des patentes.
M. de Muelenaere. - Messieurs, avant de se prononcer sur cette question préalable, il faudrait savoir si M. le ministre des finances est prêt à discuter le fond. Si M. le ministre demandait un délai, il me semble qu’il serait équitable de déférer à sa demande, et de remettre la discussion à un autre jour.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Quant à moi, je ne demande pas d’ajournement. Je suis prêt à aborder la question. Je pensais que la chambre pourrait mieux délibérer si elle avait pris connaissance d’un rapport écrit.
M. de Garcia. - Messieurs, je demanderai aussi que la discussion sur le fond soit remise. La question en vaut la peine, car des conclusions de la commission pourraient résulter de graves abus ; il est certain que si l’interprétation qu’elle donne à la loi des patentes était admise, on pourrait frauder avec la plus grande facilité, et quand le trésor est en déficit, on ne peut favoriser ceux qui veulent le dépouiller.
Puisque M. le ministre déclare qu’il présentera un rapport, je demande que l’on attende que nous ayons pu l’examiner pour aborder le fond de la question.
M. de Foere. - Je crois que puisque M. le ministre des finances est prêt à aborder la discussion du fond, il est inutile de l’ajourner.
- La chambre, consultée, décide qu’elle abordera immédiatement la discussion du fond.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, dans le rapport qu’elle a présente dans la séance du 21 février dernier, la commission des pétitions émet l’opinion que les cultivateurs qui vendent la viande de leur bétail sur les marchés, ne doivent pas être soumis au droit de patente en vertu de la loi du 21 mai 1819. Je ne puis, messieurs, partager cette opinion ainsi exprimée d’une manière générale, et je vais indiquer les motifs sur lesquels je me base.
Je dois d’abord rectifier un fait. Le rapport de la commission renferme une assertion qui n’est pas exacte : d’après ce rapport, ce serait seulement à partir du 28 décembre 1843 que l’administration aurait donné des instructions pour soumettre ces cultivateurs au droit de patente. Il n’en est pas ainsi.
L’administration a toujours agi dans un sens différent. Jamais elle n’a varié sur ce point. Il est possible que l’application de la loi n’ait pas été la même dans toutes les localités, que des agents de l’administration l’aient parfois mal interprétée. Mais quant à l’administration supérieure, jamais elle n’a donné d’autres instructions que celles de soumettre au droit de patente ceux, cultivateurs ou non, qui débitent de la viande sur les marchés.
C’est en 1834 que, pour la première fois, des instructions furent signalées à l’administration. Des ordres furent donnés pour que des procès-verbaux de contravention fussent dressés, alors que des cas semblables se présenteraient. Des contraventions ont en effet été constatées. Un de mes honorables prédécesseurs, M. le baron d’Huart, par une décision du 16 juin 1835, fit porter en appel un jugement prononcé par un tribunal de première instance et qui donnait gain de cause aux cultivateurs qui débitaient de la viande.
Je vais donner lecture à la chambre de quelques-uns des considérants de la décision qui fut prise le 16 juin 1835 :
« Attendu qu’aux termes de l’art. 1er de la loi sur les patentes, du 21 mai 1819, personne ne peut exercer un commerce, profession, industrie, métier ou débit, non expressément exemptes par l’art. 3 de la même loi, à moins d’être muni à cet effet d’une patente ;
« Considérant qu’il résulte de cette disposition formelle et précise, ainsi que des règles générales d’interprétation, que toutes les professions, etc. qui ne sont pas expressément indiquées dans ce même art. 3, rentrent dans la règle générale et doivent être soumises à la patente ;
« Considérant qu’il est avéré dans l’espèce que le sieur Bosmans annonça publiquement aux habitants de la commune dans laquelle il est domicilié, qu’il vendrait au détail la viande d’une génisse qu’il se proposait d’abattre, et que cette vente eut lieu sans que ledit sieur Bosmans se fût muni d’une patente, malgré les observations qui lui furent faites, au préalable, à cet égard par les agents de l’administration ;
« Considérant que le débit de viande n’est compris dans aucune des exemptions établies par l’art. 3, et qu’au contraire il est formellement soumis à l’impôt que le n°54 du tableau n°14 annexé à la loi et qui fait corps avec elle ;
« Considérant que c’est à tort que le juge de première instance a fait application de l’art. 3 § l, attendu que cette disposition ne concerne que les seuls cultivateurs qui vendent en nature le produit de leurs terres, jardins ou bétail, cette dernière disposition ne devant s’entendre que du bétail lui-même ou de son fruit, et non de la viande provenant de ce bétail et dont la vente en détail est considérée comme une industrie spéciale par le législateur, conformément au n’°54 d n°14 précité ;
« Considérant qu’une interprétation contraire est diamétralement opposée à l’intention du législateur, qui a voulu astreindre la profession de boucher à la patente :
« Et que, d’autre part, on ne peut argumenter de la circonstance que le sieur Bosmans n’aurait abattu qu’une seule génisse, attendu en premier lieu que cette circonstance n’est pas prouvée et qu’en outre, en admettant qu’elle le fût, elle ne saurait dispenser le sieur Bosmans de la patente, puisque la loi n’établit pas d’exemption pour ce motif. » (Arrêt de la cour de Bruxelles du 8 juillet 1820.)
Messieurs, il n’est pas intervenu d’arrêt sur la question même à cette époque. La cour d’appel a décidé en fait qu’il n’y avait pas eu vente de bétail ; par conséquent, cette décision de l’administration n’a été ni confirmée ni improuvée.
En 1840, de nouvelles contraventions de cette nature furent constatées. Alors la question fut de nouveau déférée à une cour d’appel, et il est intervenu un arrêt favorable aux prétentions de l’administration. Cet arrêt est le seul qui existe dans l’espèce. Il n’est pas reproduit dans le rapport. Il en est fait mention ; mais on aurait, au moins dû, ce me semble, donner un extrait de ses considérants ; c est ce qui n’a pas eu lieu. Je vais citer les considérants de l’arrêt. Voici ce qu’il porte :
« Attendu que conformément à l’article premier de la loi du vingt-et-un mars dix-huit cent dix-neuf sur les patentes, l’exercice de tout débit est, en règle générale, soumis au payement du droit qu’elle établit ;
« Attendu qu’il est constant en fait que le prévenu intimé a exercé le débit de viande provenant d’une génisse abattue par lui, que si le paragraphe l de l’art. 3 de la loi précitée déclare non assujetti à patente le cultivateur vendant le produit de ses terres et de son bétail, il a soin d’y ajouter que cette exemption à la règle générale n’a lieu que pour autant que ces produits se vendent en nature et que si, par une exception ultérieure il leur est loisible de faire subir à ces produits des opérations et manipulations, cette faculté est expressément limitée au lait des bestiaux et aux fruits des vergers et des vignes ;
« Attendu qu’il suit de ce qui précède, que l’intimé était passible d’une patente, que le débit qu’il a exercé se trouve mentionné au numéro 54, tableau numéro 14, et que pour ne pas s’être conformé à la loi, il a encouru l’amende comminée par l’art. 37 de ladite loi. »
Messieurs, je ferai observer de nouveau à la chambre que c’est là le seul arrêt qui existe dans l’espèce. Celui que la commission a cité n’est nullement applicable à la question : il s’agit là de produits du sol, de racines de chicorée, qui ont reçu une certaine transformation, mais qui n’en sont pas moins un produit du sol.
Je crois que, pour l’intelligence de la question, il sera utile de donner lecture de l’art. 3 de la loi sur les patentes.
Cet article est ainsi conçu :
« Art. 3. Sont exempts de patente : (…)
« l. Les cultivateurs (y compris les jardiniers-potagers), pour autant qu’ils ne vendent qu’en nature le produit de leurs terres, jardins ou bétail. Ils auront néanmoins la faculté de faire subir au lait de leurs bestiaux, aux fruits de leurs vergers et vignes toutes les opérations et manipulations dont ces objets sont susceptibles, et de les livrer ensuite au commerce sans devenir de ce chef passibles de patente ; la même faculté est accordée aux cultivateurs de lin et de chanvre ; dans le cas cependant où ils en fabriqueraient de la toile, ils seront patentables comme tisserands, lorsqu’ils emploieront à cette fabrication plus de deux métiers à la fois. »
Ainsi, messieurs, la loi n’a voulu exempter que les cultivateurs qui vendent les produits de leur terre ou de leur bétail. L’arrêt rendu par la cour de cassation, le 2 juin 1832, n’a aucun rapport direct avec la question agitée maintenant ; dans cet arrêt, il s’agit bien réellement d’un produit la terre, des racines de chicorée, et l’arrêt a décidé, avec raison, que ce produit, bien qu’ayant subi une préparation, rentrait dans la disposition du § l de l’art. 3 de la loi sur les patentes. Sous ce rapport, je ne suis pas éloigné de partager l’avis de la commission qui pense que c’est seulement comme exemple que le § l de l’art. 3 cite certaines transformations que peuvent subir les produits de la terre ou du bétail, sans cesser de donner lieu à l’exemption, et que ce n’est nullement limitatif.
Il n’en est pas moins vrai que le produit du bétail ne peut pas être le bétail lui-même et que par conséquent le § l ne peut être entendu dans ce sens que les cultivateurs pourraient débiter de la viande sur les marchés sans être munis de patente. Quelle est la définition du mot produit ? Un produit, c’est ce que donne un corps quelconque sans que ce corps cesse d’exister. Voilà la définition du mot produit, que donnent les dictionnaires, et le mot hollandais voorsbrengsel ne signifie pas autre chose évidemment les expressions voorsbrengsel van het vee ne peuvent pas désigner le bétail lui-même, mais bien le lait, la laine, le beurre, le fromage qui sont réellement les produits du bétail.
Je me résume, messieurs, en rappelant que la commission est complètement dans l’erreur, lorsqu’elle allègue que la décision de 1843 a consacré une innovation ; cette décision n’est que la continuation du principe toujours suivi par l’administration, elle n’est que la confirmation de différentes instructions données successivement depuis 1834 ; que jamais l’administration n’a varié sur ce point et qu’il ne dépendait pas d’elle d’agir autrement qu’elle ne l’a fait, puis qu’il n’existe dans l’espèce qu’un seul arrêt, celui de 1843, qu’il est impossible de forcer le sens des dispositions du § l de l’art. 5 de la loi au point de les appliquer au débit de la viande, qui est une partie mais non un produit du bétail.
M. Osy. - Je ne puis, messieurs, partager l’opinion de M. le ministre des finances, lorsque j’examine le texte de la loi de 1819. En effet, le 1er § porte en termes généraux : de voortbrengsels van het vee, et c’est seulement au § 2 qu’il est parlé du lait, du beurre, du fromage ; le § 1er s’applique évidemment à la viande et exempte du droit de patente le cultivateur qui aura tué, par exemple, une vache ou un porc, qui aura gardé une partie de l’un ou de l’autre de ces animaux pour les besoins de son ménage et qui vend le reste au marché. Je crois donc que la commission a parfaitement raison de dire que l’interprétation de M. le ministre des finances n’est pas conforme à la loi, et je pense qu’il faut revenir sur ce qui a été fait à cet égard depuis 1835. Si M. le ministre des finances examine bien le texte hollandais de la loi, il acquerra la conviction qu’il faut l’interpréter dans le sens que j’ai indiqué.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne saurais admettre, messieurs, la distinction que fait l’honorable M. Osy. Le § 2, bien loin d’avoir la signification que lui attribue un deuxième membre, explique parfaitement ce qu’il faut entendre par voorsbrengsel van het vee ; il donne une certaine extension à ces mots ; s’il ne s’agissait que des produits du bétail, on pourrait croire que le cultivateur ne peut vendre par exemple que le lait ; le § 2 porte que la disposition ne s’applique pas seulement au lait en nature, mais qu’elle s’étend aussi au lait qui a subi certaines préparations, qui a été converti en beurre, en fromage, qui n’en restent pas moins des produits du bétail (voorsbrengsel van het vee.) Je dois m’en tenir à cette explication, conforme à l’arrêt de la cour d’appel, le seul qui existe dans l’espèce.
M. Vandensteen. - Je ne me chargerai pas, messieurs, de vous expliquer le texte hollandais, je crois que nous devons voir surtout quel est le but de la loi sur les patentes. Cette loi ne veut atteindre, évidemment, que les personnes exerçant habituellement une profession et c’est précisément là le motif de l’exemption établie par le § l de l’art. 3.
On nous a cité l’arrêt de la cour d’appel ; mais je regrette que les considérants de cet arrêt n’aient point été produits en entier. Voici, en effet, ce que porte le rapport de la commission relativement à cet arrêt, dont vient de vous parler M. le ministre :
« Nous ne terminerons pas sans vous faire connaître qu’il y a un arrêt contraire de la cour d’appel de Bruxelles ; mais aussi nous laissons à l’appréciation de chacun les faibles motifs de cet arrêt, qui, d’après nous, n’a aucun fondement. En effet, cet arrêt part du principe que l’exercice de tout débit est soumis au payement de droit, et que l’exemption pour les cultivateurs n’a lieu qu’autant que ses produits se vendent en nature, et que si, par une exemption ultérieure, il leur est loisible de faire subir à ces produits des opérations et manipulations, cette faculté est expressément limitée au lait des bestiaux et aux fruits des vignerons et des vignes. »
Cet arrêt est basé sur ce principe, que l’exercice de tout débit est soumis au payement de droit, mais il est bien entendu que cet exercice doit constituer une habitude et non un fait isolé accidentel. Or, les cultivateurs dont il s’agit ne sont évidemment pas dans ce cas ; ils sont si peu commerçants qu’ils ne pourraient être justiciables du tribunal de commerce. C’est ce qui résulte de l’art. 638 du code de commerce, ainsi conçu :
« Ne seront point de la compétence des tribunaux de commerce, les actions intentées contre un propriétaire, cultivateur ou vigneron, pour vente de denrées provenant de son crû... »
Pourquoi cela ? Parce que cette vente n’a pas les caractères qui constituent un acte de commerce comme l’établit l’art. 632, qui stipule que les achats de denrées et marchandises doivent être faits en vue de les revendre.
Evidemment, les ventes dont il est question n’ont pas ce caractère indique par l’art. 632.
Quant à l’arrêt de la cour de cassation, M. le ministre nous a dit qu’il ne se rapporte pas à l’objet de la pétition de Thielt, mais qu’il est relatif à une vente de racines de chicorée. La commission, messieurs, a puisé un argument très fort dans les considérations de cet arrêt. Voici, en effet, ce qu’on y lit :
« Attendu que cette exception est générale dans l’intérêt de l’agriculture et n’est restreinte ni à certaines classes de cultivateurs ni à certains produits de la culture, etc. »
Or, je sais bien qu’on peut ici discuter sur ces mots, produits de leur bétail, et se demander : La viande est-elle un produit du bétail, un produit de l’agriculture, comme le seigle, le froment ? Voilà où peut gir la difficulté.
« Que si l’art, 3, litt. 1, en désigne spécialement quelques-uns, c’est par forme de démonstration et pour expliquer plus clairement l’intention du législateur, d’appliquer largement l’exception, même à des produits dont la nature est totalement et considérablement modifiée par le propriétaire avant de les livrer au commerce.
« Attendu que le droit de patente frappe ceux qui se livrent à un négoce quelconque, et que l’art. 3, litt. l, est ainsi en harmonie avec le but général de la loi sur les patentes et les dispositions du code de commerce qui ne réputent acte de commerce que les achats de denrées et marchandises pour les revendre, et qui en conséquence ne considèrent pas comme négociants, et ne soumettent pas à la juridiction commerciale les propriétaires, cultivateurs ou vignerons, pour vente de denrées de leur crû sans exception. »
Or, je crois que dans ce cas, nous devons nous en rapporter aux principes de la loi des patentes ; or, comme l’a dit l’honorable M. Osy, il paraît même que le texte hollandais concorderait avec les différentes exceptions qu’on a admises dans le rapport.
Mais le négoce est un fait habituel et non pas accidentel. Il arrive très souvent qu’à la campagne, des ménagers qui, à l’époque des kermesses surtout, tuent une pièce de bétail et ne peuvent la consommer en entier, s’entendent avec deux ou trois personnes auxquelles ils vendent le restant. Les astreindre à une patente pour ce fait, ce serait appliquer la loi d’une manière trop rigoureuse et extrêmement nuisible aux intérêts de ces cultivateurs.
Je crois, messieurs, que les considérants de l’arrêt de la cour supérieure sont des motifs très concluants et aussi péremptoires que ceux de l’arrêt de la cour d’appel qu’a invoqué M. le ministre des finances.
M. Savart-Martel. - Je crois, messieurs, que la loi doit être entendue comme le propose la commission. En effet, et comme vient de le dire l’honorable préopinant, par la patente la loi a voulu atteindre les faits qui constituent le commerçant, et non pas un fait isolé, qui, d’après le code de commerce, ne pourrait point établir la juridiction consulaire.
L’administration parle d’arrêt, mais en général les arrêts sont bons pour ceux qui les obtiennent. Les arrêts n’ont de mérite en droit que quand ils sont géminés ; cela est vrai, surtout en matière de fiscalité. Les tribunaux étant convaincus que le contribuable ne paie au fisc que ce qui doit être payé forcément, ont une propension bien naturelle à maintenir les prétentions du fisc qui peuvent paraître conformes à la loi. Ils peuvent se tromper facilement dans l’application d’une loi qui comporte des doutes nombreux dont plusieurs résultent même de la contrariété du texte français avec le texte hollandais.
Au lieu de conserver dans notre législation des lois déplorables et compliquées, faisons des lois claires et précises ; jusque lors les doutes doivent être interprétés en faveur des citoyens.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, les deux honorables préopinants ont envisagé la question sous un autre point de vue, il y a en effet deux questions qui peuvent être examinées. La première, celle qui fait l’objet du rapport, est celle-ci :
Le § l de l’art. 3 de la loi des patentes est-il applicable, oui ou non, à ceux qui vendent de la viande sur les marchés ?
Eh bien, je réponds (Erratum Moniteur belge n°68, du 8 mars 1844 :) affirmativement et sans hésiter, parce que cette viande est une partie du bétail et non le produit du bétail. Conformément à toutes les définitions, à celle du dictionnaire de l’académie, entre autres, un produit est ce qui provient d’un objet, sans que cet objet cesse d’exister ; la viande n’est pas plus le produit du bétail qu’une portion de terre n’est le produit de la terre.
La seconde question est une question d’appréciation, dans ce sens qu’on peut la décider en fait en faveur d’un cultivateur qui, faisant usage lui-même d’une partie d’une tête de bétail, céderait l’autre partie à des habitants de son village ; comme on ne pourrait considérer cet acte isolé comme constituant l’exercice d’une profession, ce cultivateur ne devrait pas être soumis à la patente. Mais autre chose serait de décider d’une manière générale que, par le produit du bétail, on peut entendre la viande elle-même ; il s’ensuivrait que les cultivateurs, faisant métier de vendre la viande au marché, se soustrairaient ainsi au droit de patente, au grand détriment de ceux qui acquittent ce droit.
M. Rodenbach. - Messieurs, la question est très simple. De qui le législateur a-t-il exigé une patente ? Il ne l’a exigée que de celui qui exerce un commerce. Or, peut-on interpréter la loi d’une manière plus judaïque, je dirai même plus israélite (on rit), que ne l’a fait l’administration des finances ?
Messieurs, dans le Luxembourg et dans les Ardennes presque tous les pauvres cultivateurs engraissent un porc. La famille du cultivateur consomme, je suppose, les sept huitièmes de ce porc, et quand le cultivateur va porter ce huitième restant au marché, pour acheter des hardes pour sa misérable famille, exerce-t-il un commerce ? Et peut-on, pour le débit de ce huitième de porc, exiger de lui une patente qui coûterait plus cher que ce qu’il vend ? M. le ministre des finances dit que s’il se bornait à vendre sa viande à ses voisins, on n’exigerait pas de patente de sa part. Mais je ferai remarquer que dans ce cas il reçoit de l’argent, une bagatelle ; s’il va au marché, cela revient au même.
Une semblable fiscalité n’est pas dans nos mœurs. Sous le gouvernement autrichien et sous le gouvernement français, les cultivateurs des Flandres qui tuaient un porc, allaient vendre au marché, sans qu’on les inquiétât, la partie du porc qu’ils ne consommaient pas ; et ils la vendaient à de pauvres gens qui ne mangeaient de la viande que deux ou trois fois par an. On n’exigeait pas alors de patente de ces cultivateurs, on ne jetait pas le trouble dans les marchés. Ce n’est que depuis la révolution qu’on a interprété la loi dans un sens aussi rigoureux. Encore si par là on pouvait remplir le déficit du trésor public, je le concevrais. Mais il n’en est rien. Cette fiscalité ne peut avoir d’autre résultat que de rendre le gouvernement odieux. M. le ministre des finances ferait bien de retirer son interprétation judaïque. (On rit.)
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Les expressions dont s’est servi l’honorable préopinant sont assez inconvenantes, mais je ne m’y arrêterai pas.
Messieurs, la décision de l’administration est conforme à tous les précédents. Jamais l’administration n’a agi autrement, et elle a pour elle un arrêt de la cour de Bruxelles. Si l’honorable membre ne veut pas respecter les actes de l’administration, il aura, sans doute, plus d’égard pour les arrêts d’une cour d’appel.
Il s’agit de savoir si le § l. de l’art. 3 de la loi des patentes est applicable dans l’espèce. Eh bien, il est impossible de soutenir que le produit du bétail est la viande qui fait partie du bétail même.
Messieurs, il y a un second intérêt en jeu, auquel il faut avoir égard ; c’est celui des bouchers qui se sont soumis au droit de patente et ont adressé de justes réclamations sur les abus qui se commettent à leur détriment.
On ne se borne pas à vendre une fois, deux fois de la viande accidentellement. Il y a des cultivateurs qui font une espèce de métier de ce débit au marché ; dans ce cas, ils doivent être soumis au droit de patente. Quand il sera constaté qu’ils n’ont vendu de la viande qu’une fois ou deux dans le cours d’une année, l’administration, jugeant d’après les faits, n’exercera pas de poursuites. Remarquez bien, messieurs, que nous n’avons pas ici à juger la loi, mais à en expliquer le sens. Or, j’ai établi que § l n’est pas applicable dans l’espèce. Si des cultivateurs ne sont pas soumis à la patente, c’est parce qu’on aura reconnu en fait qu’il n’y a pas eu exercice de profession.
M. de Roo. - Il ne s’agit pas ici d’effleurer la question et de confondre un paragraphe avec l’autre. Ce qu’a dit M. le ministre des finances est contraire au sens, au but, au principe de la loi. Comme l’a déjà démontré l’honorable M. Savart, de tout temps, il a été de principe que, pour être assujetti à un droit de patente, il faut être commerçant, exercer un acte de commerce ou un débit qui puisse être assimilé à un acte de commerce. Si un cultivateur ou individu quelconque, une ou deux fois par an, expose en vente le produit de sa terre ou de son bétail, peut-il être assimilé à un commerçant, ou être considéré comme ayant fait acte de commerce ? Je ne le crois pas. Partant, il ne doit pas être assujetti à un droit de patente. S’il en est ainsi pour un simple individu, à plus forte raison cela doit-il être pour un cultivateur, car la loi sur les patentes est tout à fait favorable aux cultivateurs, car elle contient des exemptions en faveur de l’agriculture. En effet, que porte le § l : « Les cultivateurs (y compris les jardiniers-potagers), pour autant qu’ils ne vendent qu’en nature, le produit de leurs terres, jardins ou bétail. »
Vous voyez que les produits de la terre et du bétail sont exempts de la patente. Or, la viande est le produit du bétail, comme la gerbe est le produit de la terre. M. le ministre a confondu ce paragraphe avec le paragraphe suivant. Ce second paragraphe va même plus loin et vient à l’appui du premier. Il porte : « Ils auront la faculté de faire subir au lait de leurs bestiaux, aux fruits de leurs vergers et vignes toutes les opérations et manipulations dont ces objets sont susceptibles, et de les livrer ensuite au commerce, sans devenir, de ce chef, passibles de patente.
Dans ce second paragraphe, le législateur permet de dénaturer les produits, il permet de faire du beurre et du fromage avec le lait provenant du bétail, du cidre avec les pommes. On ne peut donc pas mettre les deux paragraphes sur la même ligne et les confondre.
Ce second paragraphe n’est que démonstratif, comme l’a fort bien expliqué l’honorable M. Vandensteen. C’est ce qu’a décidé la cour de cassation.
Il n’est pas restrictif. Il paraît que M. le ministre est de cet avis que les cas déterminés sont là pour exemple, afin d’appliquer le principe à tous les cas semblables. Ce sont des exemples pour expliquer l’esprit de la loi. Sur ce point donc, il n’y a plus de doute. Mais cette interprétation n’est pas nouvelle ; elle a existe de tout temps. On a dit hier, que le meilleur moyen d’interpréter une loi, est de voir comment elle a été exécutée lors de son émanation. Or, elle a toujours été exécutée ainsi jusqu’au 28 novembre 1843, époque à laquelle a paru l’arrêté de M. le ministre des finances ; jusque-là elle avait toujours été exécutée comme nous demandons qu’elle le soit. Je ne l’ai jamais vu exécuter autrement. Ce n’est pas seulement la loi actuelle qu’on exécutait ainsi, mais encore la loi antérieure. Toutes les lois de patente sont favorables à l’agriculture ; elles ont dispensé les cultivateurs de prendre une patente. J’ai cité dans mon rapport la loi de 1791, qui exemple du droit de patente les cultivateurs pour la vente de leurs bestiaux, denrées et productions.
Vous voyez que cela a existé de tout temps.
Soutenir que ce qu’a décidé une seule fois une cour d’appel doit servir de règle, c’est soutenir un système absurde. D’après l’arrêt de la cour d’appel, tout individu devrait être muni d’une patente ; quiconque aurait débité quelque chose, son porc, son bœuf ou vendu son cheval, aurait dû au préalable se munir d’une patente. Cela est contraire à la lettre et à l’esprit de la loi.
Il est bien plus rationnel de dire que la loi des patentes n’a voulu atteindre que les véritables actes de commerce, qu’elle n’a pas voulu mettre obstacle à la vente au débit des produits de l’agriculture ; car les lois lui ont au contraire toujours été favorables ; la loi a accordé aux cultivateurs la faculté, le moyen de retenir ses produits, autant que possible, et en même temps elle lui a accordé les plus grandes facilités pour s’en défaire. C’est là la saine interprétation de la loi. Celle adoptée par le ministre est erronée et elle ne produira que du mécontentement sur les marchés, sans rien rapporter au trésor, parce que les paysans ne prendront pas de patente pour une vente aussi minime, ils tâcheront de se défaire d’une autre manière de la viande. Le trésor ne profitera donc pas de l’interprétation, il n’en résultera qu’une mesure vexatoire. J’engage M. le ministre à vouloir retirer sa décision ministérielle et à remettre les choses dans leur état primitif.
M. Desmet. - D’après mon opinion, la question est tout agricole, il s’agit des foires et marchés où se vendent les produits de l’agriculture. Nous savons combien notre agriculture a besoin des foires et marchés pour vendre ses récoltes, ses produits. Nous savons que dans ces foires il y a deux marchés, les marchés pour la viande des produits des cultivateurs et un autre où se fait le commerce, où l’on fait débiter des objets de commerce. Nous savons comment les morceaux de lard vont au marché. Ce sont les cultivateurs qui, après avoir tué leur porc, vont en vendre une partie au marché prochain pour vendre la partie de ce qu’ils n’ont pas besoin pour leur ménage. Il y en a même qui sont obligés de vendre immédiatement après l’abattage les jambons, afin de se procurer l’argent nécessaire à acheter le sel pour la salaison de leur viande.
Je ne vois pas pourquoi on fait une distinction entre la viande de porc et d’autres produits tels que les céréales, les pommes de terre, les fruits, le beurre, etc. Fait-on payer le cultivateur lorsqu’il va débiter au marché quelques-uns de ces produits ? Celui qui porte de la volaille ou du fromage au marché est-il assujetti à la patente ? Non. Cependant ce ne sont pas ses propres produits qu’il vend, car il va les acheter chez le cultivateur pour les apporter au marché. De même, au marché de Malines, les courtiers qui y viennent avec une quantité de bêtes à cornes, payent-ils patente ? Non ; cependant, ce ne sont pas leurs productions qu’ils vendent, ce sont des bestiaux qu’ils ont achetés chez les cultivateurs. Je désire que l’on fasse attention, que la viande de porc que les cultivateurs portent aux marchés publics n’est pas un objet qu’ils ont acheté pour en faire un commerce, mais uniquement pour s’en défaire de la même manière qu’ils se défont de leurs fils de lin, de leur tabac, de leurs fruits, de leur volaille et de mille autres produits qui viennent de l’agriculture.
M. le ministre des finances a dit que, d’après la loi sur les patentes, tout ce qui se présentait au marché était imposable de droits de patentes. Il faut, messieurs, distinguer si le cultivateur se présente aux marchés ou aux foires ordinaires où on vend les morceaux de porc et les jambons, et qui n’est destiné que pour vendre ce que portent les cultivateurs non marchands ou bouchers, certainement ce marché ne peut être considéré comme un marché fréquenté par des bouchers ou des marchands, et ceux qui s’y rendent ne peuvent être considérés comme commerçant ou trafiquant la viande de porc, et ne peuvent être assujettis à l’impôt-patente, mais ceux qui fréquentent les marchés où les bouchers et ceux qui abattent du bétail ou des ports étalent leurs marchandises et y pratiquent un véritable commerce, ceux-ci pourraient être frappés de la patente ; mais vous le sentez , messieurs, la différence de ces deux marchés est très grande : sur l’un, moi cultivateur, je viens placer mes produits agricoles et ne fais aucun commerce, mais sur l’autre, je viens exercer un commerce, un trafic ; sur l’un je fais une vente importante et habituelle, et sur l’autre je ne présente que parfois, et chaque fois que j’ai de trop dans mon ménage, quelques petites parties de viande comme on présente sur les foires et marchés publics d’autres comestibles. Si vous imposez la viande de porc qui se présente aussi sur les marchés publics, vous devez alors frapper de patente tous les cultivateurs qui se présentent à ces marchés avec d’autres produits agricoles. C’est, et je ne puis assez le dire, faire un tort immense à l’agriculture et détruire les foires et marchés publics.
M. le ministre a fait une grande confusion, car il a dit : ceux qui vont au marché payeront la patente. Alors le producteur paierait. Mais ceux qui abattent ne payeront pas. Regardez la grande différence : le cultivateur qui abattrait une bête entière, à l’approche d’une kermesse, ferait un tort réel au boucher du village, tandis que le cultivateur qui porte sa viande au marché ne fait aucun tort au boucher.
L’honorable M. d’Huart n dit que le cultivateur qui abattrait, au détriment des bouchers, paierait patente. Le cultivateur que je viens de citer serait dans ce cas.
Si l’on comprenait bien l’arrêté ou les décisions prises en 1835 par M. d’Huart, je crois que l’on dirait que ce n’est pas du tout l’objet de la réclamation de la régence de Thielt. L’honorable ministre des finances d’alors a eu en vue le cultivateur qui abattait pour faire une vente ou un commerce de viande, ceux-ci exerçant le même métier que les bouchers ; mais les cultivateurs qui abattent pour leur ménage et ne portent au marché que le superflu de leurs besoins, certainement que ceux-là ne font aucun commerce ou trafic. Si donc l’honorable M. Mercier ne fait aucune difficulté à exempter le premier, à fortiori il doit exempter les autres, et je ne doute que l’arrêté qui imposait de patente les cultivateurs qui font l’objet de la pétition que nous discutons, sera rapporté sans retard. Quand on verra que c’est absolument contre l’esprit de l’impôt de patente, duquel l’agriculteur est affranchi, de suite on donnera des ordres pour arrêter les mesures qui avaient été ordonnées à ce sujet.
M. Vanden Eynde. - J’ai demandé la parole pour protester contre une imputation injurieuse pour les tribunaux et les cours, qui est échappée à l’honorable M. Savart-Martel. Je ne puis l’attribuer qu’à ce que, dans sa longue carrière, il aura été souvent chargé de la défense de fraudeurs.
M. Savart-Martel. - C’est le contraire ; j’étais avocat du fisc, et, qui mieux est, l’avocat des droits réunis.
M. Vanden Eynde. - Je saisirai cette occasion pour dire un mot de la question qui nous occupe, et qui me paraît tellement simple que je suis étonné qu’elle ait pu donner lieu a un si long débat ; en effet, le § l de l’art. 3 de la loi du 21 mai 1819, sur les patentes, décide formellement la question. On sait dans quelle intention le législateur a porté une loi sur les patentes. C’est pour soumettre à un impôt tous ceux qui exercent un trafic, un commerce, un négoce quelconque. Cela doit servir de règle pour l’interprétation de la loi des patentes, et a toujours servi de règle aux cours et tribunaux. Maintenant il est possible qu’il existe des jugements ou arrêts qui aient dévié de cette règle. Il en est ainsi pour toutes les questions de droit.
Revenant au texte, et surtout au texte hollandais, je trouve qu’il n’y a aucun doute que le cultivateur qui porte au marché la viande provenant du produit de son bétail, ne fait pas un acte de commerce, de négoce, de trafic, et que la loi le lui permet formellement ; en effet, le § 2 de l’art. 3 porte :
« Landbouwers voor zoo verre zy de vruchten van de door hun bebouwde landen of tuinen of de voortbrengsels van hun vee, niet anders dan in naturd verkoopen. »
Ainsi la loi dit d’une manière positive que chaque fois que le cultivateur vend de la viande, qui fait partie du produit de son bétail, il n’est pas soumis à un droit de patente.
Si vous rapprochez ce paragraphe de celui qui le suit et qui excepte de la loi générale divers objets qu’il désigne, tels que le chanvre et le lin préparés, vous serez convaincus avec moi que l’interprétation de M. le ministre de finances est en contradiction formelle avec le texte de la loi.
Je pense que cela suffit pour motiver mon vote.
M. Savart-Martel (pour un fait personnel). - On vient de m’imputer d’avoir injurié les tribunaux, en disant qu’ils avaient une propension à juger en faveur du fisc. J’ai exprimé là mon opinion personnelle. C’est à tort qu’on me suppose ici un intérêt. Je n’ai jamais plaidé en faveur d’un fraudeur, ou d’une personne que j’ai crue un fraudeur.
Ensuite si j’étais mieux connu de l’honorable M. Vanden Eynde, il saurait que j’étais l’avocat des droits réunis ; ainsi j’étais l’homme du fisc on ne peut me supposer une propension à combattre les intérêts du fisc. J’ajouterai que, depuis 15 ans, je n’ai pas plaidé une affaire correctionnelle.
Il y a donc erreur dans la manière dont mon honorable collègue s’est exprimé à mon égard.
Hier, n’a-t-on pas admis qu’il y avait eu erreur de la part de la magistrature dans l’application de l’art. 334 ; et cette erreur n’est-elle pas bien naturelle ! N’est-il pas naturel que la magistrature, ayant à se prononcer sur un fait blâmable, ait une propension à le punir.
M. Vanden Eynde (pour un fait personnel). - J’ai trouvé l’imputation de l’honorable M. Savart injurieuse pour les cours et tribunaux. D’après la manière dont il vient de s’expliquer, il aurait voulu dire seulement que les tribunaux peuvent se tromper. Je ne sais comment le Moniteur rendra ses paroles ; mais il n’avait pas parlé d’erreur ; il a supposé aux tribunaux une propension en faveur du trésor ou de l’administration.
M. le président. - Je ferai remarquer à l’honorable membre qu’il n’y a pas ici de fait personnel, qu’il ne siège pas ici comme magistrat.
M. Vanden Eynde. - Je le sais, M. le président ; aussi je me borne à justifier les paroles que j’ai prononcées comme représentant.
L’honorable M. Savart a avancé une assertion que je pouvais à bon droit considérer comme injurieuse pour les cours et tribunaux en effet, il n’avait pas parlé d’erreur, mais d’une propension en faveur du fisc. Quand j’ai expliqué cette imputation, en supposant que cet honorable membre, dans sa longue carrière, avait peut-être défendu des fraudeurs, je n’ai rien voulu dire qui lui fût désagréable, cela peut arriver à tout avocat, surtout dans les tribunaux des villes frontières, comme Tournay.
M. Savart-Martel. - Le préopinant a mal saisi ce que j’ai dit ; ce que j’ai dit est écrit. Quant à ce qu’il y a de personnel, l’honorable préopinant ignore sans doute que depuis longtemps j’ai cessé de plaider au tribunal correctionnel, en sorte que son observation tombe à faux sous tous les rapports.
M. Vandensteen. - Il s’agit ici d’une modération que l’on demande en faveur des campagnes ; il a été suffisamment expliqué qu’elle était dans les intentions du législateur ; les termes du § l de l’art. 3 qu’a cités l’honorable M. Vanden Eynde ne peuvent laisser de doute à cet égard.
D’ailleurs l’exemption qui fait l’objet de ce débat n’est pas de nature à causer le grave préjudice qu’on semble redouter. Il sera toujours facile de s’assurer si les individus qui se livrent à ces ventes, les font habituellement, et par conséquent si cela peut être considéré comme constituant un commerce. S’il en était ainsi, les réclamations qui ont donné lieu à des recours, aux tribunaux ne manqueraient pas de se reproduire ; il sera facile de vérifier ce qu’elles pourraient avoir de fondé. Je ne vois donc pas de grands inconvénients à accorder ici l’exemption de la patente.
Remarquez que cette vente en détail est faite non par des cultivateurs aisés, mais par la classe la plus indigente. C’est un motif de plus pour accorder l’exemption du droit.
Je le répète, je ne crois pas que cela puisse donner lieu à des abus ; s’il y en avait, ils seraient dénoncés à l’administration qui en jugera
M. Brabant. - Les questions d’application de la loi des patentes sont généralement des questions de fait.
Je crois que, dans l’espèce, les faits énoncés par la régence de Thielt, dans sa pétition, doivent être exemptés du droit de patente, mais pas en vertu de la disposition qui a été invoquée. Je ne crois pas que l’extension qu’on a voulu donner au § 1 de l’art. 3 soit admissible. Je considère les termes de cet article non comme démonstratifs, mais comme limitatifs. S’il en était autrement, des industries considérables pourraient être exercées par les cultivateurs, sans payement de droit de patente.
Cette disposition est ainsi conçue
« Les cultivateurs (y compris les jardiniers-potagers), pour autant qu’ils ne vendent qu’en nature les produits de leurs terres, jardins ou bétail. Ils auront néanmoins la faculté de faire subir au lait de leurs bestiaux, aux fruits de leurs vergers et vignes, toutes les opérations et manipulations dont ces objets sont susceptibles, et de les livrer ensuite au commerce, sans devenir de ce chef passibles de patente ; la même faculté est accordée aux cultivateurs de lin et de chanvre ; ; dans le cas cependant où ils en fabriqueraient de la toile , ils seront patentables comme tisserands, lorsqu’ils emploieront à cette fabrication plus de deux métiers à la fois.
M. Vanden Eynde. - La traduction n’est pas exacte.
M. Brabant. - C’est la traduction officielle. Dans ma province, on n’appliquerait que ce texte-là.
L’intention du législateur se manifeste par les exemples qui ont été choisis, non pas pour étendre, mais pour restreindre l’article.
Il est dans les habitudes qu’un vigneron fasse du vin avec son raisin, qu’un métayer fasse, avec son lait, du beurre ou du fromage, Dans les Flandres et dans le Hainaut le cultivateur fait de la toile avec le lin qu’il récolte. Cela est autorisé par la loi, mais elle ne va pas plus loin ; si les cultivateurs pouvaient faire, sans patente, la transformation de tous les produits du sol, il y a des industries considérables qui s’exerceraient sans patente ; ainsi avec le grain ou de la bière.
M. Vanden Eynde. - C’est un trafic.
M. Brabant. - Je vous demande pardon, ce n’est pas plus un trafic que ne l’est la vente de la viande dépecée.
Si le cultivateur peut faire subir toutes les transformations à ses denrées, il brassera, il distillera, il fera de l’amidon, sans payer aucune espèce de patente. Et, messieurs, il y a des cultivateurs qui ont des produits assez considérables pour exercer ces industries sur une très grande échelle.
J’ai dit que la pétition de la régence de Thielt pouvait être accueillie sous un certain rapport, et je suis persuadé que mes honorables collègues qui ont soutenu les intérêts de ces petits cultivateurs des environs de Thielt, dont la régence de cette ville s’est posée l’organe vis-à-vis de vous, auront pleine satisfaction en présence d’une autre disposition à laquelle ou n’a pas pensé et qui est parfaitement applicable à l’espèce.
Au lieu de réclamer l’exemption du § de l’art. 3, il fallait réclamer celle du § q. Ce § q est ainsi conçu :
« Sont exempts de la patente :
« q. Les régnicoles qui, sans vendre à leur domicile, débitent dans les rues ou les marches, des fruits, des légumes, œufs et autres menus comestibles, du bois de chauffage, des tourbes, du charbon de terre ou de bois et des allumettes, ainsi que ceux qui colportent du poisson. »
Je n’hésite pas à dire que si le commerce est aussi menu, est d’aussi peu d’importance, en général, qu’on l’a représenté ici, l’administration n’hésitera pas à considérer le lard et les débris de viande de porc, pour lesquels on réclame, comme menus comestibles, d’autant plus que, comme vous le voyez, le colportage du poisson a quelquefois lieu sur une assez grande échelle. Nous avons un exemple de cela chez nous pour le poisson qui vient des Ardennes.
Je pense que M. le ministre des finances n’hésitera pas, quand la vente de la viande sera insignifiante et telle qu’on la représente, à faire appliquer l’exemption du § q.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Déjà, je me suis expliqué dans le sens des observations que vient de faire l’honorable préopinant. J’ai soutenu comme lui que, si une exemption pouvait être accordée, ce ne serait jamais en vertu du § 1 de l’art. 3, mais qu’il y aura souvent une appréciation de fait qui consisterait à savoir si le débit est assez important pour constituer l’exercice d’une profession sujette au droit de patente.
Si ce débit n’est pas jugé assez important, s’il est purement accidentel, l’administration pourra ne pas exiger le droit de patente. Mais lorsque ce droit ne sera pas exigé, ce sera en vertu des principes généraux de la loi des patentes et nullement en vertu de l’exemption stipulée au § l.
- La clôture de la discussion est demandée.
M. de Muelenaere. - Je ne m’oppose pas à la clôture. Mais M. le ministre des finances a fait observer tout à l’heure, et je suis d’accord avec lui, que c’est moins une question de droit qu’une question d’appréciation qui se présente ici. Or, il est évident pour moi que, dans l’espèce de la pétition, cette appréciation doit avoir lieu en faveur des cultivateurs, que c’est un véritable droit pour eux, dans l’hypothèse de la pétition, de vendre aux marchés voisins la viande qui provient de leur propre bétail. C’est ce que j’aurais voulu exposer.
Je demanderai, avant qu’on ne procède à la clôture, si c’est dans ce sens que M. le ministre des finances se propose d’examiner cette question et de faire l’application de la loi.
On vous a parlé tout à l’heure, messieurs, de l’intérêt du trésor. Mais le trésor est complètement désintéressé dans cette question. Car il est évident que les cultivateurs dont il s’agit, s’ils ne peuvent venir au marché que moyennant une patente, n’y viendront plus, parce que le droit de patente absorberait, et au-delà, les bénéfices.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je pense que les explications que j’ai données sont assez conformes à l’opinion qu’a émise l’honorable M. de Muelenaere.
Je crois qu’il ne convient pas de prendre une décision d’une manière générale. Les faits doivent être appréciés isolément.
Quant à la pétition, elle n’a pas été imprimée ; je ne connais pas les cas qui peuvent y être indiqués.
Comme je l’ai déjà dit, lorsqu’il ne s’agit pas de l’exercice habituel d’une profession, mais qu’un cultivateur vend accidentellement, une ou deux fois par an, la viande provenant de son propre bétail, je crois qu’il peut y avoir exemption de la patente. Mais, je le répète, ce n’est nullement en vertu du § l qu’on a invoqué, mais en vertu du principe même de la loi des patentes.
- La clôture est de nouveau demandée.
M. Rodenbach. - Je demande la parole.
M. le président. - Je ne puis vous l’accorder que contre la clôture.
M. Rodenbach. - M. le ministre vient d’exprimer une opinion ; je suis en droit d’y répondre. M. le ministre n’a pas parlé sur la clôture.
M. le président. - La clôture vient d’être de nouveau réclamée.
M. Rodenbach. - Du reste, j’ai pris note des explications de M. le ministre, et j’espère qu’il enverra une circulaire dans ce sens ; je renonce à la parole.
M. Eloy de Burdinne. - Mon intention n’est pas de m’opposer à la clôture. Je veux seulement répondre deux mots à M. le ministre des finances. Il vous a dit qu’on pourrait exempter du droit de patente le cultivateur qui vend une ou deux fois par an la viande de son propre bétail. Je crois que non seulement on peut, mais qu’on doit l’exempter.
- La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Les conclusions de la commission sont le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances.
M. de Roo, rapporteur. - Je demande la parole sur la position de la question.
Lors de la présentation du rapport qui a été fait à la chambre, la pétition a déjà été renvoyée à M. le ministre des finances. On a seulement remis la discussion du rapport à un autre jour. C’est ce qui a lieu aujourd’hui. Je crois que cette décision aura atteint son but, c’est d’engager M. le ministre des finances à retirer son arrêté.
M. le président. - Je ferai observer à l’orateur que la chambre n’a pas statué sur le renvoi de la pétition, que par conséquent ce renvoi n’a pas eu lieu.
M. Vandensteen. - Je crois que les conclusions que proposait la commission dans son rapport ne peuvent plus être mises aux voix. Voici comment ce rapport se termine :
« La commission partage l’avis de la cour de cassation, par conséquent envisage l’arrêté de M. le ministre comme contraire à l’esprit et au sens de la loi, et propose l’envoi de la pétition à M. le ministre des finances, et la discussion du rapport à une prochaine séance. »
Je ne vois plus quelle discussion nous pourrions avoir. Je crois que tout ce qu’il y a à faire c’est de passer à l’ordre du jour.
M. Rodenbach. - Je demande qu’on renvoie à M. le ministre des finances la pétition comme renseignement. M. le ministre vous a donné des explications très satisfaisantes ; mais l’ordre du jour pourrait être mal interprété.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances est mis aux voix est adopté.
M. le président. - L’ordre du jour appelle en second lieu la discussion de divers projets de loi conférant la naturalisation ordinaire.
Le premier de ces projets est ainsi conçu :
« LÉOPOLD, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Vu la demande du sieur Eugène Lefebvre, contremaître d’atelier à la prison militaire d’Alost, né à Deville (France), tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les formalités prescrites par les art. 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;
« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d’âge et de résidence exigées par l’art. 5 de ladite loi ;
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Eugène Lefebvre.
« Mandons et ordonnons. etc. »
La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des sieurs :
Antoine Pauwel, colporteur de merceries, né Bois-le-Duc (Pays-Bas), le 31 mai 1794, domicilié à St-Nicolas (Flandre orientale).
Louis-Désiré-Constant Thylly, sous-lieutenant au 6ème régiment de ligne, né à Hardifort (France), le 7 avril 1817.
P. Latour, ancien gendarme, né à Enkhuyzen (Pays-Bas), domicilié à Audenarde.
Clément-François-Paul Soyer, sergent-fourrier au régiment d’élite, né à Metz (France), le 14 juillet 1818.
Simon Bellanger, professeur à l’école de médecine vétérinaire et d’agriculture de l’Etat, né à Versailles, le 3 germinal an VIII, domicilié à Bruxelles.
Jean Baldauf, négociant, né à St.-Ulrich (Tyrol), le 11 avril 1810, domicilié à Bruxelles.
Jean-Henri Banning, pilote, né à Holdorf (Oldenbourg), le 15 juillet 1808, domicilié à Anvers.
Hans Hansen, capitaine de navire, né à Bagenkop (Danemarck), le 13 septembre 1802, domicilié à Anvers.
Henri van Lieshout, lieutenant adjudant-major en non-activité, né à Deurne-et Liessel (Pays-Bas), le 28 février 1790.
Jean-Auguste Jourdain, capitaine de 1ère classe au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Caen (France), le 26 floréal an XIII.
Corneille-Jean Kuhn, musicien gagiste au 8ème régiment d’infanterie, né à Heusden (Pays-Bas), le 10 avril 1796.
Ch.-Joseph-Justin Ghiringhelli, sous-lieutenant détaché au ministère de la guerre, né à Bellinzona (Suisse), le 27 août 1807, domicilié à Bruxelles.
Jules-Chrétien Thaden, négociant né à Emden (Hanovre), le 6 juillet 1804, domicilié à Gand.
Corneille Versluys, directeur de l’usine au gaz, né à Fynaart (Pays-Bas), le 25 octobre 1791, domicilié à Mons.
Leonard Versluys. employé au bureau de l’enregistrement des actes judiciaires, né à Klundert (Pays-Bas), le 28 février 1813, domicilié à Mons.
Pierre Versluys, directeur de la verrerie du Marais, né à Klundert (Pays-Bas), le 9 mars 1815, domicilié à Boussu (Hainaut).
Corneille Dingeman Versluys, conducteur des travaux de la ville de Mons, né à Klundert (Pays-Bas), le 18 mai 1821, domicilié à Mons.
Jean-Adam Laviolette, musicien-gagiste au 5ème régiment d’infanterie, né à Boppard (Allemagne), le 13 mars 1806.
- Personne ne demandant la parole, ces projets de loi sont successivement adoptés par assis et levé.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de ces projets qui sont adoptés à l’unanimité par les 51 membres présents.
Ce sont : MM. de Haerne, Brabant, de Corswarem, de Foere, Delfosse, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, Deprey, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Huveners, Jonet, Lange, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Troye Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, d’Anethan, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude et Liedts.
M. le ministre des finances (M. Mercier) dépose sur le bureau un rapport supplémentaire, relatif à la vente de la forêt de Chiny.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances vient de déposer sur le bureau le rapport supplémentaire qu’il vous avait promis au sujet de l’affaire de la forêt de Chiny ; je demanderai, messieurs, que ce rapport soit inséré au Moniteur, ainsi que le premier rapport. La chambre a décidé en outre l’insertion au Moniteur de quelques pièces qui se trouvent au dossier et qui consistent en deux pétitions, deux arrêtés pris par M. le ministre des finances, et une cinquième pièce, qui est un avis d’un employé supérieur du département des finances. Cette résolution de la chambre n’a pas encore reçu son exécution, parce que l’on a attendu la présentation du rapport supplémentaire. Comme ce rapport vient maintenait d’être déposé, je demanderai qu’il soit inséré au Moniteur, ainsi que les pièces que j’ai indiquées.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne trouve aucun inconvénient à l’impression des pièces dont vient de parler l’honorable M. Delfosse, à l’exception cependant de certains passages de la cinquième pièce, qu’il faudra retrancher, si l’impression a lieu.
M. Delfosse. - Il y a, en effet, un passage dont la publication pourrait présenter des inconvénients, mais je l’ai indiqué moi-même au crayon, comme devant être supprimé.
- L’impression proposée par M. Delfosse est mise aux voix et ordonnée.
M. le président. - Je prierai M. Delfosse de passer un instant au greffe pour indiquer ce qui doit être supprimé dans la pièce dont il s’agit.
- La chambre décide qu’elle se réunira demain à une heure.