(Moniteur belge n°85, du 26 mars 1835 et Moniteur belge n°86, du 27 mars 1835)
(Moniteur belge n°85, du 26 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Brixhe lit le procès-verbal de la séance d’hier.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Henri Wauters blessé de septembre, demande le paiement de l’indemnité qui lui revient encore du chef des pertes qu’il a essuyées par la révolution. »
« Plusieurs habitants notables de la commune de Saint-Denis-Westrem-lez-Gand demandent à être exemptés des logements militaires. »
- Ces pétitions sont renvoyées la commission des pétitions.
M. de Longrée demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
M. le président. - L’ordre du jour appelle d’abord la nomination d’un secrétaire.
- Il est procédé au scrutin pour la nomination d’un secrétaire ; voici le résultat du scrutin :
Nombre des votants, 60.
Majorité absolue, 31.
M. Verdussen a obtenu 29 voix.
M. Watlet 10 voix.
M. Troye, 6 voix.
M. C. Vuylsteke, 5 voix.
M. A. Dellafaille, 5 voix.
M. Dubois, 2 voix.
M. Seron, 2 voix.
M. H. Dellafaille, 1 voix.
Aucun membre n’ayant obtenu la majorité absolue, il est procédé à un second scrutin pour la nomination d’un secrétaire ; en voici le résultat :
Nombre des votants, 63.
Majorité absolue, 32.
M. Verdussen a obtenu 54 voix.
M. Watlet, 4 voix.
M. A. Dellafaille, 2 voix.
M. C. Vuylsteke, 1 voix.
M. Brabant, 1 voix.
M. Liedts, 1 voix.
M. Verdussen ayant obtenu la majorité absolue est proclamé secrétaire.
M. le président. - MM. les ministres de l’intérieur et des finances se rallient-ils au projet présenté par la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je déclare me rallier au projet de la section centrale, Il ne contient que très peu de modifications au projet du gouvernement.
- M. le président donne lecture des articles 1, 2, 3,4 et 5 du projet. Ils sont successivement mis aux voix et adoptés. Ces articles sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Les veuves des citoyens morts dans les combats soutenus pour conquérir notre indépendance nationale, ou par suite des blessures qu’ils auraient reçues dans ces mêmes combats, recevront de l’Etat, si leur existence dépendait des travaux de leur mari, une pension annuelle et viagère de 365 fr. payable à dater du 1er décembre 1830, si la mort du mari est antérieure à cette date, et à partir du jour de son décès, s’il n’a eu lieu que postérieurement au 1er décembre 1830.
« Si une veuve est mère d’un ou de plusieurs enfants, cette pension sera augmentée de la somme de 40 francs par année pour chaque enfant au-dessous de 15 ans, et jusqu’à ce qu’il ait atteint cet âge ; si elle vient à mourir, chacun de ses enfants a droit, à dater du jour du décès, à la pension déterminée par l’article 7 de la présente loi. »
« Art. 2. Les pères et mères des citoyens morts pour la même cause, et pour autant qu’ils seront hors d’état de gagner leur subsistance, soit à cause de leurs infirmités, soit à cause de leur âge, ont droit, à dater du 1er décembre 1830, à une pension annuelle et viagère de quatre cents francs, réduite, en cas de décès de l’un d’eux, à la somme de trois cents francs.
« Leurs droits à cette pension sont indépendants de ceux de la veuve de leur fils.
« Dans le cas où le décès d’un citoyen blessé antérieurement au 6 novembre 1830 n’aurait eu lieu qu’après le 1er décembre de la même année, la pension à accorder à ses père et mère ne prendrait cours qu’à dater du jour de sa mort. »
« Art. 3. Les dispositions de l’article précédent sont applicables aux aïeuls paternels et maternels, pour autant que les père et mère du citoyen mort dans les cas prévus par l’article premier seraient décédés. »
« Art. 4. Les citoyens qui ont reçu des blessures les mettant hors d’état de travailler, ont droit, à dater du 1er décembre 1830, à une pension dont la quotité annuelle est fixée comme suit :
« 1° S’ils sont veufs et qu’ils aient des enfants au-dessous de 15 ans, pourvu qu’ils soient conçus antérieurement à la blessure du père, le taux de leur pension est fixé en conformité de l’article 1er de la présente loi ;
« 2° S’ils sont célibataires, ou qu’étant veufs, il n’aient que des enfants dont l’âge excède 15 ans, leur pension est de 365 fr par an ;
« 3° S’ils sont mariés, leur pension est de 450 fr., qu’ils aient ou non des enfants.
« Si le titulaire occupe un emploi, charge ou fonction salariée par l’Etat, il ne touchera sa pension, pendant qu’il continuera de l’occuper, qu’autant qu’elle excèdera son traitement et seulement à concurrence de l’excédant. »
« Art. 5. Lors du décès de l’un des conjoints, pensionnés en vertu du n°3 de l’article précédent, le taux de la pension du survivant sera fixé de la manière suivante, à partir du lendemain du décès :
« 1° Si le blesse marié meurt des suites des blessures qu’il a reçues en combattant pour l’indépendance nationale, la pension de sa veuve sera fixée en conformité de l’article premier de la présente loi ;
« 2° Si la mort du blessé marié n’est pas le résultat de ses blessures, sa veuve recevra une pension annuelle de 200 fr. jusqu’au jour de son décès ; plus 40 fr. pour chaque enfant au-dessous de 15 ans ;
« 3° Si la femme du blessé vient à décéder la première, la pension de ce dernier sera fixée à 365 fr. par an, avec augmentation de 40 fr. par année, pour chaque enfant au-dessous de 15 ans.
« Les enfants au-dessous de 15 ans qui ont été procréés postérieurement à la date de la blessure de leur père, ne peuvent donner droit aux augmentations de 40 fr. mentionnés ci-dessus. »
M. le président. - La discussion est ouverte sur 6 ainsi conçu :
« Art. 6. Les pensions accordées en vertu des article 1, 2, 3 et n°1° de l’article 5 de la présente loi, aux veuves, pères, mères aïeuls, des citoyens morts dans les combats soutenus pour conquérir notre indépendance nationale, ou des suites de leurs blessures, seront payées jusqu’au jour du décès, lors même que les titulaires contracteraient un nouveau mariage. »
M. Legrelle. - L’article 6 porte que les pensions accordées en vertu de cette disposition seront payées jusqu’au jour du décès, lorsque les titulaires contracteraient un nouveau mariage. Je demande une explication sur la question de savoir si les ayants-droit, qui depuis 14 ou 15 mois ont cessé de recevoir leurs pensions, recevront les arrérages de ce temps. Je désirerais savoir de M. le ministre de l’intérieur de quelle manière il entend l’article.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’observation de l’honorable préopinant est parfaitement juste. La présente loi résout une difficulté soulevée par l’interprétation de l’arrêté du 16 novembre 1830. Il est dans l’esprit de l’article 6 qu’il soit applicable à ceux qui se sont mariés avant la présente loi.
M. Legrelle. - D’après cette explication, il est inutile que je présente un amendement. Il est bien entendu que les arrérages des pensions seront payés à dater de l’époque à laquelle elles ont été arrêtées provisoirement.
M. Dubus. - Je crois que tout provient de la rédaction de la dernière phrase de l’article 6 ainsi conçue : « lors même que les titulaires contracteraient un nouveau mariage. » Cette phrase se réfère aux mariages contractés antérieurement à la promulgation de la présente, Il me semble que l’on résoudrait la difficulté en disant : « lors même que les titulaires auraient contracté un nouveau mariage. »
M. Jullien. - Les explications données par M. le ministre de l’intérieur sont en harmonie avec l’article premier, duquel il résulte que les pensions seront payées à dater du 1er décembre 1830.
Il est naturel que les lacunes entre cette époque et la date de la promulgation de la loi soient remplies. Il est vrai de dire que l’article n’est pas très clair. Mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’introduire un amendement dans la loi.
La déclaration de M. le ministre de l’intérieur combinée avec l’article premier doit suffire pour bien établir que les arriérés des pensions seront payés.
M. le président. - Je ferai observer que le dernier article de la loi ne laisse aucun doute à cet égard.
M. Legrelle. - Il n’y a pas besoin d’amendement, nous sommes tous d’accord.
M. Jullien. - L’on pourrait faire un simple changement de rédaction et dire :
« Lors même que les titulaires auraient contracté ou contracteraient un nouveau mariage. »
- Le changement proposé par M. Jullien est mis aux voix et adopté.
L’article 6 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 7. Il est ainsi conçu :
« La Belgique adopte les enfants orphelins des citoyens morts dans les divers combats.
« Une somme annuelle de 200 francs, payable depuis le 1er décembre 1830 est allouée à chaque enfant jusqu’à l’âge de 18 ans ; elle pourra être employée par le gouvernement à l’entretien et à l’éducation de ces enfants.
« En outre, ils sont placés aux frais de l’Etat, soit dans les athénées ou collèges, soit en apprentissage dans des ateliers.
« Les dispositions ci-dessus sont applicables aux enfants qui deviendraient orphelins, par suite du décès de leurs pères et mères pensionnés en vertu des articles 4 et 5 de la présente loi, pourvu que ces orphelins aient été procréés avant l’époque où leur père aura été blessé.
« Leurs pensions dateront du jour où ils seront devenus orphelins. »
M. A. Rodenbach. - On accorde aux enfants de la patrie 200 fr. de pension, ensuite on leur fait donner de l’éducation dans un athénée, ou on les met dans un atelier pour qu’ils apprennent un état ; mais en sortant d’un athénée avec de l’instruction, ou d’un atelier avec une profession, ils sont dénués de tout ; ils n’ont absolument rien.
Je pense bien que le gouvernement en aura soin ; malgré cela je crois qu’il faudrait donner aux personnes dont il s’agit quelques fonds à titre de frais de premier établissement.
La cinquième section avait fait une proposition dans ce sens.
Je la reproduis comme un amendement qui formerait le 4ème paragraphe de l’article 7. Cette proposition est ainsi conçue :
« Les enfants orphelins des citoyens morts dans les combats, ou par suite des blessures reçues dans les combats, seront élevés aux frais de l’Etat, jusqu’à l’âge de 18 ans accomplis : la somme nécessaire aux frais de leur entretien et de leur instruction sera annuellement portée au budget de l’Etat, à raison de 500 fr. par individu. Ils recevront en outre, lors de leur établissement (soit qu’ils se marient ou qu’ils adoptent un métier ou un état industriel quelconque), une somme de 300 fr. »
- L’amendement proposé par M. A. Rodenbach est adopté ; il forme le 4ème paragraphe de l’article 7.
L’article 7 est adopté avec cet amendement.
M. Legrelle. - Quoique l’article soit voté, je demande à présenter une observation.
D’après l’amendement qui vient d’être adopté, amendement auquel nous ne nous attendions pas, les enfants des citoyens morts par suite des combats de septembre, outre leur instruction et leur entretien aux frais de l’Etat, jusqu’à l’âge de 18 ans, recevront, lors de leur établissement (soit qu’ils se marient ou qu’ils adoptent un métier ou un état industriel quelconque) une somme de 300 fr.
Je crois que d’après cette disposition le gouvernement sera obligé d’accorder 300 fr. à chaque enfant dés qu’il aura atteint l’âge de 18 ans. Or, je le demande, est-ce à cet âge que cette somme de 300 fr. peut être le plus profitable ? Je voudrais qu’elle ne fût accordée qu’à l’âge de majorité. Je crois qu’ainsi ce secours remplirait bien mieux le but que se propose l’honorable auteur de l’amendement. C’est au reste une simple observation que je présente, la chambre fera ce qu’elle jugera le plus convenable.
M. A. Rodenbach. - Je dirai d’abord à l’honorable préopinant que l’article est voté. J’ajouterai qu’en sortant des athénées ou des ateliers, il faut que ces enfants aient quelque argent pour se placer ; car que feraient-ils sans emploi ? Il me faut pas les laisser dénués de tout ; s’ils n’avaient pas quelque avance devant eux, il serait à craindre qu’ils ne devinssent de mauvais sujets.
On a toujours soin que les détenus, quand ils sortent de prison, aient toujours quelque avance ; à plus forte raison faut-il avoir ce soin pour les enfants de la patrie ! D’ailleurs, l’article est voté.
M. le président. - L’article 7 a été adopté ; mais comme il a été amendé, il pourra être au deuxième vote l’objet d’une nouvelle discussion.
« Art. 8. Les citoyens qui ont été blessés grièvement, mais qui ne sont pas hors d’état de travailler, ont droit à une indemnité de 200 francs ou à l’obtention d’une décoration qui rappellera le souvenir des combats auxquels ils auront pris une part glorieuse. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il me semble que l’on devrait retrancher de cet article ce qui concerne la décoration, attendu que, par la loi de 1833, la croix de fer a été décernée à tous les blessés de septembre. Dès lors la décoration ferait double emploi.
Je demande donc que l’on retranche la finale de l’article, c’est-à-dire les mots : « ou à l’obtention d’une décoration qui rappellera le souvenir des combats auxquels ils auront pris une part glorieuse. »
- La suppression proposée à l’article 8 par M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix et adoptée.
L’article 8, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 9. Les pensions qui seraient réclamées en vertu des articles 1, 2, 3 et 4, ne pourront être payées à dater du 1er décembre 1830, que si les ayant-droit produisent leurs titres dans les six mois qui suivront la promulgation de cette loi : après ce terme ils seront déchus de leurs droits. »
M. Gendebien. - Je demande que l’on veuille bien s’expliquer sur le sens de cet article. Je conçois qu’au 6 novembre 1830, il pouvait avoir de l’utilité ; je ne comprends pas cette utilité aujourd’hui.
S’il y avait eu une déchéance, et que l’on voulût relever de cette déchéance, je concevrais l’utilité de l’article. pour relever cette déchéance encourue à défaut de production de pièces dans les six mois. Mais aujourd’hui, après 4 ans et demi écoulés depuis l’arrêté du 6 novembre 1830, je ne conçois plus l’utilité d’un article servilement copié dans un arrêté du gouvernement provisoire, article utile alors, mais inutile maintenant.
M. Olislagers, rapporteur. - L’article a été pris dans le projet du gouvernement ; on y a ajouté une clause pour empêcher les réclamations passé un délai déterminé.
M. Gendebien. - Votre article, au lieu d’empêcher les réclamations, leur donne ouverture.
M. Legrelle. - J’aurai l’honneur de faire remarquer à l’honorable. M. Gendebien qu’il y a des réclamations qui sont encore en instance aujourd’hui ; il y a des titres qui n’ont pas paru suffisants au gouvernement et qui cependant sont encore reproduits, des titres dont le gouvernement exige le complément. Si on supprime la disposition dont il s’agit, ces individus ne pourront plus réclamer. D’un autre côté, il faut qu’il y ait un terme à toutes les réclamations de ce genre, parce que, quand on laisse écouler un laps de temps trop long, on ne peut plus savoir si ces réclamations sont réellement fondées.
M. Gendebien. - Si l’on veut relever de la déchéance, il faut le dire ; on pourrait dire : « Tous ceux qui ont encouru la déchéance conformément à l’arrêté du 6 novembre 1830 sont relevés de la déchéance. » Ceci offre un sens que tout le monde comprend ; mais, à la manière alambiquée dont est rédigé l’article, on ne le comprend pas.
M. Dubus. - La discussion qui s’est élevée sur l’article 9 n’a eu lieu que parce qu’on a supposé la déchéance prononcée par l’arrêté du gouvernement provisoire. Je viens de recourir à cet arrêté, je n’y ai trouvé aucune disposition qui prononce la déchéance. Cet arrêté donne ouverture aux réclamations, sans fixer le terme de leur déchéance.
Je crois que l’article 9 ne peut pas rencontrer d’objection du chef de déchéance autrefois prononcée.
Toute la portée de l’article 9 me paraît de fixer le délai dans lequel les réclamations ultérieures devront être présentées. Ce que l’on ne peut qu’approuver. Il me semble donc que l’article 9 peut subsister tel qu’il est.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je viens également de vérifier l’arrêté du 6 novembre 1830 ; je n’y ai trouvé aucune disposition relative à la déchéance.
Les assertions émises m’avaient mis dans le doute à cet égard. Maintenant il est certain que la disposition en discussion ne peut pas de ce chef rencontrer d’objection.
M. Fleussu. - On a donné plusieurs interprétations sur l’article depuis que l’on donne des explications. Je ne crois pas qu’il atteigne le but que le ministre s’est proposé ; car, tel qu’il est rédigé, on pourrait l’interpréter en ce sens qu’il prononcerait la déchéance non pas relativement à la pension même mais relativement aux arrérages de la pension. Je pense donc qu’il faut changer la rédaction de l’article.
- Plusieurs membres. - Cela est vrai.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’observation de l’honorable M. Fleussu me paraît parfaitement juste. La rédaction du projet du gouvernement était plus claire que celle de la section centrale. Voici quelle était la proposition du gouvernement : « Les pensions qui seraient réclamées en vertu des articles premier, 2, 3 et 4, ne pourront être payées à dater du 1er décembre 1830, que si les ayant-droit produisent leurs titres dans les 3 mois qui suivront la promulgation de cette loi ; passé ce délai les droits à la pension ne prendront cours qu’à partir du jour où les droits des réclamants auront été reconnus par arrêté royal. » Je pense que l’intention de la section centrale n’a été que de substituer le délai de 6 mois à celui de 3 mois.
M. Gendebien. - Il faudrait dire dans cet article, au lieu de : « la promulgation de cette loi » « la promulgation de la présente loi. » Sans cela on ne sait pas s’il s’agit de la loi du 6 novembre, ou de la loi actuelle.
M. Dubus. - Je crois que la section centrale a voulu introduire des modifications et établir une véritable déchéance ; cela n’est pas douteux d’après le rapport de la section centrale.
« L’article 9 est admis par toutes les sections ; mais la première propose qu’après le terme de trois mois il y aura déchéance de la pension.
« La section centrale, faisant droit à cette proposition, afin de mettre un terme aux réclamations sans fin qui pourraient surgir, a cru cependant que le terme de trois mois serait trop court ; en conséquence, elle a fixé le délai à six mois, après lequel les réclamations ne seront plus admises. »
Seulement la section centrale, dans son système, aurait dû adopter une autre rédaction pour l’article 9, parce qu’il est rédigé non dans le sens d’une déchéance, mais dans le sens d’un changement dans le terme à partir duquel la pension commencerait à courir, de sorte que, pour bien formuler le système de la section centrale, il serait nécessaire de changer la rédaction qu’elle a présentée.
M. Verdussen. - Il est à désirer que l’on fixe un terme passé lequel on ne pourra plus réclamer des indemnités, comme on a mis un terme pour les réclamations du chef des pensions. Il ne faut pas laisser le terme indéfini. Il suffirait de rappeler dans l’article les articles 1, 2, 3, 4 et 8.
M. Dubus propose la rédaction suivante :
« Les ayant-droit à des pensions, en vertu des articles indiqués dans la loi, devront former leur demande dans les 6 mois de la promulgation. Passé ce terme, ils seront déchus de leurs droits. »
M. Jullien. - Cet amendement ne peut être admis. Faites bien attention qu’il y aura des droits qui s’ouvriront six mois après la promulgation, dans le cas du décès d’un titulaire, par exemple. Les femmes, les enfants, les ascendants d’un pensionné décédé ont droit à une pension déterminée par la présente loi. Le terme absolu de six mois ne peut être admis.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si la chambre veut adopter une déchéance pour les arrérages et pour la pension, je propose de fixer le délai à un an.
Veuillez remarquer, messieurs, que la loi s’appliquera à des personnes d’une condition obscure qui négligent souvent par ignorance de faire valoir leurs droits. La déchéance des droits à la pension, dans le cas surtout où la pension peut être considérée comme alimentaire, est une peine assez forte pour que le délai permette qu’elle frappe le moins d’individus possible. Quant à l’observation de l’honorable M. Jullien, elle est parfaitement juste. Il faut fixer un terme de déchéance plus éloigné pour les droits des ascendants.
M. Dubus. - Je remarque que dans l’article 9 l’on n’a pas rappelé, parmi les dispositions précédentes que cet article énumère, l’article 5, précisément, à ce que je crois, parce que c’est cet article qui se réfère à des droits non encore ouverts. En changeant la rédaction, l’on devrait comprendre l’article 5 comme les autres. Je proposerai la rédaction suivante :
« Ceux qui prétendraient avoir droit à une pension en vertu des dispositions de la présente loi devront avoir formé leur demande et avoir produit leurs titres dans le délai d’une année à dater de la promulgation de la présente loi ou à dater du jour où leurs droits se seraient ouverts depuis cette promulgation. Après ce terme, il y aura déchéance. »
- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix et adopté. L’article 9 ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Les pensions qui seront accordées en vertu de la présente loi seront payables par trimestre. »
M. Dumortier. - Il serait à désirer que les pensions des blessés fussent payées mensuellement. Jusqu’à ce jour elles l’ont été de cette manière à Bruxelles. Dans les provinces elles l’ont été par semestre. Songez, messieurs, que refuser le paiement des pensions des blessés, c’est en accorder le quart, la moitié même à l’usure. Il serait beaucoup plus moral que les pensions fussent servies mensuellement.
Je propose de dire : « seront payées mensuellement, et dans le cas d’impossibilité, par trimestre. »
M. Legrelle. - Lorsque la commission des secours transmettait des fonds aux régences pour payer la pension des blessés, ces paiements s’opéraient mensuellement. Depuis que les pensions ont été liquidées, elles n’ont été payées que par semestre dans les provinces. Aussi, je regardais la disposition de l’article 10 comme une grande amélioration à ce qui existe actuellement. Je sais que depuis que les paiements se font tous les six mois, des pensionnaires sacrifient le sixième, le quart même de leur pension pour en recevoir le montant d’avance.
Je ne demande pas mieux que d’appuyer l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Mais je désire, s’il n’était pas adopté, qu’au moins le paiement par trimestre fût exigible. Ce sera déjà une grande amélioration.
M. Gendebien. - Aux termes de l’article premier de l’arrêté du gouvernement provisoire en date du 6 novembre 1830, les pensions devaient être payées mensuellement ; à moins que M. le ministre des finances ne déclare qu’il y a impossibilité matérielle de continuer de payer mensuellement, je crois que le terme d’un mois doit être maintenu dans la présente loi.
La disposition que j’ai rappelée a été prise en faveur des malheureux. Ceux-ci ne peuvent attendre 6 mois. Car on ne leur fait pas crédit ; ils achètent tout argent comptant. Il en est aussi à qui le paiement intégral et à de longs intervalles d’une trop forte somme est plutôt nuisible qu’utile. Il me semble que quand bien même ce que je propose gênerait un peu la routine des bureaux, il faut bien faire un petit effort en faveur de ceux qui en définitive ont conquis l’indépendance et la royauté belge.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’y a pas impossibilité matérielle de payer mensuellement les pensionnés. cela exigera beaucoup plus d’écritures. Mais si la chambre désire adopter le terme d’un mois pour le paiement des pensions, je déclare qu’il pourra s’effectuer. J’avais l’intention, dans le cas où l’article 10 aurait été adopté tel qu’il a été présenté par la section centrale, de payer mensuellement leur pension aux plus nécessiteux. Mais si la chambre veut reproduire la disposition de l’arrêté du 6 novembre 1830, je ferai en sorte qu’elle reçoive strictement son exécution.
M. A. Rodenbach. - Je demande aussi que le paiement soit fait mensuellement. Il est certain que ces malheureux ne sont pas en position de pouvoir attendre un trimestre. Ce sont souvent des artisans. L’armée est payée mensuellement ; les employés des administrations sont payés mensuellement, et encore trouve-t-on ce terme quelquefois bien long : le ministre des finances peut vous le dire. Je vois que ce ministre est disposé à payer par mois ; j’invite la chambre à adopter l’amendement.
M. Gendebien. - Je ne doute pas des bonnes intentions du ministre actuel des finances, mais comme ce ministre peut être remplacé demain par un autre qui n’aurait pas la même bienveillance envers les blessés de septembre, je demande que l’on mette :
« Les pensions qui seront accordées en vertu de la présente loi seront payées mensuellement. »
M. Dumortier. - Je crois qu’il est nécessaire de dire : « Les pensions accordées en vertu de la présente loi, et celle qui ont été accordées en vertu de l’arrêté du 6 novembre 1830 du gouvernement provisoire, etc.»
M. Gendebien. - Je consens que l’on mette : « Les pensions qui ont été accordées et celles qui seront accordées. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois que la rédaction proposée par M. Dumortier est préférable : « Les pensions accordées en vertu de la présente loi, et celles qui ont été accordées en vertu de l’arrêté du 6 novembre 1830 du gouvernement provisoire, seront payées mensuellement. »
M. Legrelle. - Je pense qu’il faut préférer la rédaction présentée par M. Gendebien.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. La présente loi n’est applicable qu’aux citoyens qui ont été blessés, ou aux veuves, enfants, pères, mères, aïeuls de ceux qui ont morts ou qui ont été blessés dans l’un des combats livrés antérieurement au 6 novembre 1830. »
M. Gendebien. - Vous ne pouvez laisser subsister la date du 6 novembre 1830. Lorsque le gouvernement provisoire prit cet arrêté, son intention n’était pas d’assurer uniquement des pensions à ceux qui avaient combattu avant le 6 novembre 1830. Il y avait encore des combats à livrer après le 6 novembre, et alors on ne les redoutait pas. Il eût été impolitique de moins bien traité ceux qui allaient s’exposer aux nouveaux combats, que ceux qui s’étaient exposés aux combats précédents.
On a dit que l’arrêté se rapportait à la première disposition diplomatique qui ait été convenue relativement à la suspension des hostilités ; mais il n’y a pas eu suspension d’armes proprement dite avant le 20 décembre. L’arrêté du 6 novembre est antérieur de 3 ou 4 jours à la première communication diplomatique, car c’est le 9 novembre que sont arrivés à Bruxelles MM. Cartwrigt et Bresson, lesquels ont apporté la première déclaration de la Conférence de Londres. Ainsi l’arrêté du gouvernement provisoire n’a pas été pris en considération d’aucun acte diplomatique se rapportant à l’époque du 6 novembre.
La première suspension d’armes date du 21 novembre 1830 ; mais elle n’a pas été exécutée. Elle exigeait, pour être exécutée, des actes que le roi Guillaume n’a pas consentis d’abord ; elle exigeait par exemple la liberté de l’Escaut.
Le gouvernement provisoire voyant que le roi Guillaume n’exécutait pas ses engagements, donna ordre d’investir Maestricht. Venloo a été pris le 9 ou le 10 novembre, postérieurement par conséquent à l’arrêté. Vous voyez bien que dans votre loi vous ne pouvez fixer la limite au 6 novembre. Il y a une autre époque à laquelle on pourrait s’arrêter, c’est celle de la véritable suspension d’armes. L’armistice a été signé le 15 ou le 16 décembre. Il faut ajouter à cette date un délai suffisant pour que sur toute la ligne on ait pu avoir connaissance de la signature de l’armistice ajoutez cinq jours ou dix jours, et vous arriverez au 25 décembre 1830.
Ainsi, quant à ce qui concerne la guerre de l’indépendance, vous ne pouvez mettre de bornes que du 25 au 31 décembre. Je crois même qu’on devrait mettre dans la loi, jusqu’au 31 décembre 1830.
M. Dumortier. - Je voulais vous soumettre les mêmes observations que l’honorable M. Gendebien vient de vous présenter. Je pense qu’il serait bon d’appliquer le même terme qui a été adopté pour les croix de fer, c’est-à-dire le 3 février 1831, jour de l’attaque de Grégoire ; car dans cette journée il y a eu des blessés. Ainsi, je crois qu’il faut dire dans la loi : « antérieurement au 4 février 1831. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a seulement eu deux personnes blessées le jour de l’entrée de Grégoire à Gand, c’étaient deux pompiers qui ont été pensionnés l’année dernière par une loi spéciale. Il est donc inutile de s’occuper maintenant de la journée du 3 février 1831, et il serait beaucoup plus convenable d’adopter l’amendement de M. Gendebien qui tend à choisir le 31 décembre 1830 pour dernier terme.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il y aurait moins d’inconvénient à arrêter la date du 31 décembre ; avec cette limite, on pourrait faire droit à toutes les réclamations fondées.
M. Gendebien. - Je demande que l’on substitue « 31 décembre 1830 » à « 6 novembre 1830. »
- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier. - Je crois qu’il y a lieu d’introduire ici une disposition additionnelle ; indépendamment des personnes qui ont été tuées ou blessées en combattant, il en est qui ont été tuées ou blessées sans prendre part au combat. Le nombre de ces dernières personnes n’est pas très considérable ; il y en a peut-être 5 ou 6 en Belgique ; il faut faire quelque chose en leur faveur, car il en est qui sont dans une position malheureuse. Je demande que l’on adopte cette disposition additionnelle.
« Il pourra être accordé aux estropiés, et aux veuves des citoyens tués, à l’occasion des combats soutenus pour l’indépendance nationale, une pension de 250 fr. »
Cette pension n’est pas considérable. Il n’y aura pas 10 ou 12 personnes auxquelles elle sera applicable. Il serait injuste que ceux qui ont reçu des blessures graves qui les mettent dans l’impossibilité de travailler ; que les veuves de citoyens tués, ne reçussent pas un secours : il serait souverainement injuste de ne rien faire pour ces personnes-là.
(Moniteur belge n°86, du 27 mars 1835) M. A. Rodenbach. - Plusieurs pétitions ont été adressées à la chambre par des malheureux qui ont été blessés pendant les combats de septembre. Je vous citerai un ouvrier qui, en se rendant à son ouvrage, a eu les deux cuisses emportées par un boulet de canon. On le porta chez lui, et son frère, en le voyant dans cet état, éprouva une attaque d’apoplexie. Un autre ouvrier travaillait sur un toit et y reçut une blessure grave qui le met aussi dans l’impossibilité de travailler. Tous ces malheurs sont des suites de la révolution : ils méritent une indemnité.
M. Legrelle. - Messieurs, avant d’adopter l’amendement, je crois qu’il faudrait en mesurer la portée. L’honorable M. Dumortier assure que le nombre des individus qu’il faudra pensionner pour ce cas sera peu considérable ; je me plais à le croire ; mais quoique le nombre des ayant-droit soit restreint, il pourra bien arriver que le nombre des réclamants sera considérable. (Non ! non !)
Il est à ma connaissance que beaucoup de personnes réclament encore aujourd’hui des pensions comme ayant combattu pour notre indépendance, quoiqu’elles ne puissent fournir aucune preuve à l’appui de leurs prétentions. S’il est difficile de juger les questions relatives aux combattants, comment pourrez-vous prononcer sur celles qui seront relatives aux blessés par accident ? Quelles preuves pourra fournir une personne qui aura été atteinte fortuitement ? Il y a d’ailleurs une grande différence entre les hommes qui se sont exposés volontairement et ceux que le hasard a frappés.
Cependant, s’il y a des malheureux qui souffrent, on peut faire une loi à part pour eux ; mais on ne peut intercaler dans celle qui nous occupe une disposition en leur faveur : la loi en discussion est spéciale, elle est pour les blessés en combattant, pour les blessés qui se sont exposés volontairement.
M. Dumortier. - Je suis étonné que l’on vienne dire que ma proposition peut avoir des suites incalculables ; nous pouvons facilement calculer combien de Belges ont été tués pendant les journées de septembre…
M. Gendebien. - On n’en sait pas le nombre ; on ne connaît pas tout.
M. Dumortier. - On cite trois ou quatre personnes dans la situation que prévoit mon amendement. Dans une de vos séances précédentes on a renvoyé la pétition de malheureux qui sont dans ce cas au ministre de l’intérieur, et on vous a fait observer que le renvoi ne pouvait amener aucun résultat favorable, puisque des fonds sont faits uniquement pour ceux qui ont versé leur sang les armes à la main : vous voyez donc qu’il est nécessaire de stipuler ici quelque chose pour les victimes des événements de la révolution.
Vous accordez une indemnité à celui qui a essuyé des pertes dans ses immeubles, qui a eu sa maison brûlée, son champ inondé ; pouvez-vous être plus durs envers celui qui a eu la jambe emportée ? Ces personnes sont-elles, à vos yeux, moins précieuses que les propriétés ?
Tel de ces individus a eu les jambes emportées par un boulet de canon, tel autre a eu la cuisse cassée en rentrant chez lui, tel autre a été assassiné dans son domicile par les Hollandais, parce qu’il y faisait de la charpie : ne doit-on aucune indemnité à des gens qui ont éprouvé des pertes aussi considérables ? Pouvez-vous être rigoureux quand il s’agit des suites des combats qui nous ont faits ce que nous sommes ?
Ne serait-ce pas une grande injustice que d’accorder des indemnités pour les pertes éprouvées dans les propriétés, tandis qu’on ne donnerait rien à ceux qui ont éprouvé des pertes dans les personnes ? Les personnes ne sont-elles pas plus sacrées que les propriétés ? M. Legrelle a tort de s’effaroucher des suites de mon amendement. Je dis : « Il pourra être accordé ; » le gouvernement sera juge ; ce n’est pas dans des termes absolus que je produis ma proposition ; J’en appelle à l’humanité du gouvernement.
M. Dubus. - Je viens m’opposer à l’adoption de l’amendement. Il ne se rattache pas à la loi en discussion. Cette loi est relative aux pensions civiques ; or, la pension de 250 francs dont il s’agit n’est pas une pension civique, n’est pas une pension pour rémunération de services rendus au pays. Il s’agit seulement d’indemnité à celui qui aurait été victime, par accident, des combats livrés pendant les journées de la révolution.
La proposition peut être fondée en elle-même ; mais elle ne peut trouver place dans la loi en délibération. Mon honorable ami pourrait en faire l’objet d’une proposition de loi spéciale. Je ne puis approuver non plus la manière dont l’amendement est libellé : j’engage son auteur à le revoir et à lui donner une autre forme.
M. A. Rodenbach. - Si l’honorable député de Tournay retire son amendement pour en faire l’objet d’un projet de loi spécial, j’y apposerai ma signature.
La commission nommée pour secourir les victimes de notre révolution a fait payer pendant deux ans de faibles pensions aux malheureux qui avaient été blessés accidentellement ; mais elle a été obligée de cesser ces paiements. Le nombre n’en est pas considérable ; il en existe douze peut-être. Ou a voté ici 300,000 fr. pour indemniser des propriétaires qui ne sont rien moins que malheureux. Parmi ceux qui doivent se partager cette somme, il est des millionnaires qui recevront trois ou quatre mille francs ; ne vaudrait-il pas mieux indemniser ceux qui ont perdu leurs membres et qui ne sont plus en état de travailler, que de donner de l’argent à pleines mains à ceux qui n’en ont pas besoin ?
M. Legrelle. - Je suis fâché qu’en faisant de la philanthropie on veuille la faire aux dépens de quelques-uns de ses collègues. C’était sur le terrain où je m’étais placé qu’il fallait me combattre, et non en employant de vagues déclamations. Je n’ai pas dit que je m’opposais à ce que l’on accordât des pensions à ceux qui ont souffert par suite de la révolution.
J’ai fait sentir que ce ne pouvait être dans la loi actuelle, loi de récompense, que devaient figurer des indemnités. J’ai fait remarquer qu’on ne connaissait pas la portée de la proposition. Je conviens qu’il faut accorder des indemnités à ceux qui ont perdu dans leurs personnes comme à ceux qui ont perdu dans leurs biens ; je dirai plus, c’est qu’il faudrait commencer par indemniser ceux qui ont éprouvé des pertes dans leurs personnes, avant de penser à indemniser les autres.
S’il est vrai qu’il n’y ait que six personnes mutilées par suite des combats de notre révolution, il sera facile de faire admettre une loi qui aurait pour but de leur procurer des secours. Quant à moi, j’appuierai la proposition de loi qui aurait cet objet, si MM. Dumortier et Rodenbach en présentent une.
M. Dumortier. - Je ne comprends pas les difficultés que l’on oppose à ma proposition. On prétend que la loi que nous discutons est relative aux pensions civiques ; où cela est-il écrit ?
- Plusieurs membres. - En tête de la loi !
M. Dumortier. - Je vois bien qu’il y a en tête du rapport présenté par M. Olislagers : « Rapport sur les pensions civiques ; » mais lira-t-on : « Loi sur les pensions civiques » dans le Bulletin des lois ? On lira en tête ; « Léopold, etc., » et on n’y verra rien qui indique que la loi est exclusivement consacrée aux pensions civiques, à ceux qui ont combattu pour notre indépendance.
Et la preuve d’ailleurs que la loi n’est pas exclusivement pour ceux qui ont combattu, c’est que vous y comprenez les veuves, les enfants, les pères, les mères ; ainsi, vous mettez ceux qui ont souffert dans leurs personnes par suite des combats pour l’indépendance nationale. A quoi servirait de faire une loi spéciale pour un article tel que celui que je présente ? Pourquoi voulez-vous lui faire subir toutes les épreuves parlementaires : le dépôt sur le bureau, le renvoi dans les sections, la lecture, le développement, la prise en considération, un nouveau renvoi devant les sections, et enfin le rapport d’une section centrale ? Et tout cela pour une disposition que vous pouvez adopter maintenant.
Moi je dirai les choses comme je les pense. Ceux qui demandent l’ajournement de ma proposition en veulent le rejet. Comme je la regarde comme une justice, je me garderai bien de la retirer. La chambre en fera ce qu’elle voudra. Mais j’aurai fait mon devoir.
Il est évident que l’article que je propose ne peut pas avoir la portée que suppose l’honorable M. Legrelle. Il s’agit de ceux qui ont été estropiés et des veuves de ceux qui ont été tués à l’occasion des combats soutenus pour notre indépendance. Vous savez tous ce que c’est qu’un estropié, c’est un homme à qui on a enlevé un jambe ou un bras. Le nombre de ceux qui ont été tués ou estropiés par accident, lors de ces combats, n’est pas très considérable.
Mais, dit l’honorable M. Legrelle, je ne m’opposerai pas à ce qu’on insère dans la loi relative aux indemnités une disposition concernant ces individus. Je ferai observer que bien des années s’écouleront peut-être encore avant que cette loi ne soit votée, car si des motifs d’humanité et de justice exigent que des indemnités soient accordées à ceux qui ont souffert dans leurs propriétés par suite de l’agression hollandaise, de hautes considérations politiques ont jusqu’ici retardé la collation de ces indemnités.
Pouvez-vous ainsi attendre pour accorder un subside à un individu qui a eu un bras ou les jambes emportées à l’occasion des combats qui nous ont faits ce que nous sommes et qui se trouvent, par suite de ses blessures, dans une position à mourir de faim si vous ne venez à son secours. Vous pouvez bien retarder une loi qui a pour but d’indemniser ceux qui ont souffert dans leurs propriétés, mais vous ne pouvez ajourner les indemnités qui sont dues à ceux qui ont souffert dans leurs personnes.
Comme la loi des récompenses nationales ne parle que de ceux qui ont été blessés et des veuves de ceux qui ont été tués en combattant pour l’indépendance nationale, et semble par conséquent exclure ceux qui n’avaient pas les armes à la main quand ils ont été tués ou blessés, vous devez insérer dans la loi actuelle une stipulation en faveur de ceux qui ont été blessés et des veuves de ceux qui ont été tués à l’occasion des combats soutenus pour l’indépendance nationale.,
Je vous parlerai de nouveau de ce citoyen de Berchem qui faisait de la charpie et des cartouches lorsqu’il a été arraché de son domicile par les Hollandais et fusillé à l’instant même. Ne rendait-il pas autant de services que ceux qui se battaient ? Voulez-vous que sa veuve soit exclue du bénéfice de la loi, parce que ce citoyen n’est pas mort les armes à la main ?
Je le répète, la chambre fera ce qu’elle voudra de ma proposition ; si elle l’ajourne, je me garderai bien de la représenter car je croirais qu’elle n’en veut pas, et je persiste à penser qu’on doit l’admettre aujourd’hui.
M. Dubus. - L’honorable préopinant prétend que ceux qui soutiennent que sa proposition n’est pas ici à sa place, veulent l’écarter.
Messieurs, je crois que mon honorable ami est tout à fait dans l’erreur, car on ne s’est pas borné à proposer l’ajournement de sa proposition, mais on a donné les motifs pour lesquels on s’opposait à ce que son amendement fût inséré dans la loi ; et ces motifs n’étaient aucunement tirés du fond, mais de ce que cette proposition était improvisée, qu’elle n’avait été l’objet d’aucun examen, et qu’elle se trouvait jetée par forme d’amendement dans une loi étrangère. Dès lors il était naturel de l’écarter, non parce qu’elle est mal fondée, mais parce qu’elle est assez grave pour mériter un examen particulier.
Vous avez tort, m’a-t-on dit, de prétendre que la loi dont il s’agit était uniquement relative aux pensions civiques, que cela n’était écrit nulle part. J’avais d’abord lu cela dans le rapport ; mais si j’examine l’intitulé du projet du gouvernement, j’y trouve ;
« Exposé des motifs accompagnant le projet de loi tendant à modifier ou étendre les dispositions de l’arrêté du gouvernement provisoire, en date du 6 novembre 1830, concernant les pensions auxquelles ont droit les citoyens qui ont été blessés en combattant pour l’indépendance nationale, ou les veuves, enfants, pères, mères et aïeuls de ceux qui ont succombé. »
Ainsi, vous le voyez, l’objet de la loi est déterminé en tête de l’exposé des motifs du projet de loi ; il y est dit que ce projet de loi a pour but de remplacer l’arrêté du gouvernement provisoire qui a le même objet. Or, vous voulez sortir de l’objet de l’arrêté du gouvernement provisoire et de la loi qui vous est soumise. Vous dites qu’il y a des motifs d’équité pour adopter votre proposition. Je ne nie pas qu’il en soit ainsi pour les cas qui ont motivé votre proposition, mais je soutiens qu’il envelopperait une multitude de cas pour lesquels ces motifs d’équité n’existeraient pas. Remarquez le vague de la rédaction. Je vais vous citer un exemple de son application qui prouve qu’il ne convient de se prononcer qu’après avoir examiné mûrement la proposition.
Mon honorable ami veut faire accorder des pensions à ceux qui auraient été estropiés, ou aux veuves de ceux qui auraient été tués à l’occasion des combats soutenus pour conquérir l’indépendance nationale.
Il veut que des pensions soient accordées non seulement à ceux qui ont été blessés en combattant, mais à ceux qui ont été estropiés à l’occasion des combats soutenus. Je ferai observer que ceux qui ont été estropiés dans les rangs des Hollandais l’ont été à l’occasion des combats soutenus pour conquérir l’indépendance nationale. Ainsi la portée de la proposition de mon honorable ami irait jusqu’à faire donner des pensions aux Belges qui se battaient contre nous. Cela est dans les termes de son amendement, quoique cela soit loin de ses intentions. J’ai voulu faire voir par cet exemple qu’il ne fallait pas voter sans examen une proposition de cette nature, et qu’ayant un objet différent de la loi qui nous occupe, il serait plus convenable d’en faire une loi séparée.
M. Dumortier. - Les termes de ma proposition sont copiés mot pour mot de l’article premier. Si, en vertu de cette disposition, on pourra récompenser les Belges qui ont combattu dans les rangs des Hollandais, il faut convenir que vous venez de faire une bien mauvaise loi.
J’ai dit : Il pourra être accordé une pension de 250 fr. aux citoyens qui ont été estropiés et aux veuves de ceux qui ont été tués à l’occasion des combats soutenus pour conquérir notre indépendance nationale.
L’article premier porte : « Les veuves des citoyens morts dans les combats soutenus pour conquérir notre indépendance nationale, ou par suite des blessures qu’ils auraient reçues dans ces mêmes combats, recevront de l’Etat, si leur existence dépendait des travaux de leur mari, une pension annuelle et viagère de 365 fr. payable, etc. »
A coup sûr, dans les combats soutenus pour conquérir notre indépendance nationale, il y avait aussi des rangs ennemis dans lesquels des Belges ont pu être tués. Cependant personne n’a pensé que l’article que nous avons voté pût être appliqué aux Belges morts dans les rangs ennemis. C’est torturer ma proposition que de vouloir lui donner un pareil sens.
Je ferai une dernière observation qui répondra à toutes les objections, c’est que j’ai rendu la disposition que j’ai proposée facultative, afin que le ministre pût, s’il en reconnaissait la nécessité, accorder une pension à ceux qui se trouveraient dans les cas que j’ai signalés. Ce sera au ministre à voir s’il y a lieu ou non d’user de la faculté qui lui est donnée.
M. A. Rodenbach. - Un honorable membre a dit qu’on ne pouvait pas voter, sans examen, une proposition ainsi improvisée. Je ferai observer que vous avez un second vote ; d’ici-là vous aurez le temps de l’examiner, et si alors vous ne jugez pas à propos de l’insérer dans la loi, vous en ferez justice ; mais admettez-la provisoirement en principe.
L’honorable députe de Nivelles, en lisant l’intitulé de l’exposé des motifs, vous a prouvé que la disposition pouvait trouver place dans la loi, car cet exposé dit que la loi a pour but d’étendre l’arrêté du gouvernement provisoire. Nous pouvons donc soulager d’autres malheureux. Je suppose qu’un chirurgien qui soigne les blessés ait été blessé ou tué, votre loi ne le comprendrait pas, car il n’aurait pas été tué ou blessé les armes à la main.
Certes, il aurait le même droit que ceux qui auraient été blessés en combattant. Les hommes qui faisaient de la charpie ou des cartouches étaient dans le même cas.
J’appuie donc la proposition de M. Dumortier.
M. Gendebien. - Je ne sais en vérité pourquoi on repousse avec autant de défiance un amendement fondé sur l’humanité et la justice. Je reconnais qu’il ne peut pas être admis tel qu’il est rédigé, mais, en principe, je le considère comme devant faire partie de la loi ; nous nous occuperons de la rédaction au second vote.
On dit qu’il ne peut pas trouver place dans la loi qui nous occupe, parce que dans cette loi il ne s’agit que de pensions civiques. Non, messieurs, ce n’est pas uniquement une loi de pensions civiques. On pourrait dire cela de l’arrêté du gouvernement provisoire, car cet arrêté était précédé d’un considérant indiquant la nature de la loi proposée, tandis que la loi actuelle n’est précédée d’aucun considérant. Elle commence : « Art. 1er. Les veuves des citoyens, etc. »
L’arrêté du gouvernement provisoire au contraire était précédé du considérant suivant :
« Considérant qu’il est juste de récompenser les services rendus à la patrie par les braves citoyens qui, en combattant pout l’indépendance du pays, seraient devenus victimes de leur dévouement, etc. »
Il ne s’agissait là que de donner des pensions à ceux qui avaient combattu. Trouvez-vous une disposition semblable dans la loi actuelle ? Non ; l’article premier, l’article 2 et successivement les articles 3 et 4, renferment des dispositions relatives à ceux qui ont combattu ; mais y a-t-il quelque chose qui repousse une autre disposition ? Non, vous ne trouvez rien.
On a voulu trouver dans l’exposé des motifs du ministre quelque chose d’analogue au considérant de l’arrêté du gouvernement provisoire. Mais veuillez remarquer que cet exposé de motifs ne fait pas partie de la loi, tandis que les considérants de l’arrêté faisaient partie de cet arrête.
Au surplus, que porte cet exposé de motifs ?
« Exposé des motifs accompagnant le projet de loi tendant à modifier ou étendre les dispositions de l’arrêté du gouvernement provisoire, en date du 6 novembre 1830, concernant les pensions auxquelles ont droit les citoyens qui ont été blessés en combattant, pour l’indépendance nationale, ou les veuves, enfants, pères, mères, et aïeuls de ceux qui ont succombé. »
Peut-on en induire que dans la loi proposée il ne s’agira que de l’arrêté du gouvernement provisoire ? Evidemment non, car l’exposé des motifs dit, au contraire, qu’il s’agit de l’étendre. Vous n’avez donc plus de motif d’exclusion à tirer de la nature de la loi proposée. Quelle extension plus légitime pouvez-vous donner à l’arrêté du gouvernement provisoire, que celle qui vous est proposée par l’honorable M. Dumortier ?
Ainsi qu’on vous l’a dit, on a reconnu en principe qu’il fallait indemniser tous les citoyens qui auraient souffert des combats soutenus pour conquérir notre indépendance. J’ai posé le principe nettement, j’ai pensé que tous devaient être indemnisés à tel point que, si la moitié de la nation avait été ruinée par notre révolution, l’autre moitié aurait dû venir à son secours. Après avoir posé un principe aussi large, si vous voyez un ouvrier qui a eu les jambes emportées ou le bras emporté et se trouve ainsi privé des moyens de gagner sa vie, pouvez-vous laisser cet homme mourir de faim ? Il n’a pas été blessé en combattant ; mais s’il a souffert par suite des combats, vous devez l’indemniser.
On ne peut pas, a dit un honorable membre, pourvoir à tous les accidents : sans doute, si un homme avait un bras cassé par la chute d’une cheminée, l’Etat ne devrait pas l’indemniser. Mais il ne pleut pas tous les jours des boulets et des obus dans une ville comme Bruxelles. C’est bien dans les combats soutenus pour conquérir notre indépendance que cette mitraille a roulé dans les rues d’Anvers et de Bruxelles !
Vous craignez, dites-vous les conséquences de la proposition qui est faite ? Moi, messieurs, je ne les crains pas. Y eût-il dix mille personnes à indemniser, ce serait une raison de plus pour que la généralité vînt à leur secours. Plus il y a de victimes, plus il y a nécessité d’être juste.
Je ne soumets pas les règles de la justice à l’étendue du sacrifice qu’elle impose. La justice est une et indivisible. Je ne calcule pas les conséquences d’un acte de justice. Je ne consulte que ma conscience pour proclamer la nécessité d’être juste.
Est-il juste d’indemniser les individus qui par les combats soutenus pour conquérir notre indépendance ont perdu leurs moyens d’existence ? Est-il convenable de leur refuser une indemnité, et de la leur refuser comment ? par une fin de non-recevoir, par une fin de non-recevoir que j’ai prouvé n’être pas fondée. Si vous craignez que la proposition qui vous est faite ait une portée que vous ne voudriez pas lui donner, admettez-la comme principe, et au second vote nous formulerons la disposition, de manière qu’elle ne puisse s’appliquer aux militaires qui auraient combattu dans les rangs opposés. Au surplus, pour penser que la disposition pût avoir une pareille application, il faudrait supposer que ceux qui sont chargés d’exécuter la loi ont tout à fait perdu l’esprit.
Je crois pouvoir sous ce rapport m’en rapporter au jugement de M. le ministre des finances. Je suis persuadé qu’il saura distinguer les citoyens qui ont été blessés par accident, des individus qui ont été blessés dans les rangs de nos ennemis. Nous avons le droit d’espérer qu’il n’en sera pas des pensions de septembre comme de la décoration Léopold, qui a été chercher plus d’un élu dans les rangs de nos ennemis.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de faire de l’amendement de M. Dumortier une loi séparée.
- Cette proposition est adoptée.
M. Dumortier. - C’est un rejet de ma proposition, je ne la renouvellerai pas.
« Art. 10. L’arrêté du gouvernement provisoire, du 6 novembre 1830 (Bulletin officiel, n° 30), est rapporté et remplacé par les dispositions de la présente loi.
- Adopté.
M. le président. - Comme il y a eu des amendements, le vote définitif ne pourra avoir lieu qu’à la séance de vendredi.
M. le président. - Nous avons maintenant à l’ordre du jour la proposition de M. Desmanet de Biesme.
La proposition de M. Desmanet était ainsi conçue :
« Les noms des membres qui n’auront pas répondu à l’appel nominal ou signé la liste de présence seront imprimés dans le Moniteur, en tête du compte-rendu de la séance.
« Cette liste indiquera séparément les noms des membres absents sans congé, les noms des absents avec congé, les noms des membres empêchés pour cause de maladie qui en ont prévenu le bureau.
« Sont réputés absents sans congé ceux qui passent le terme pour lequel il a été accordé.
« Dans les premiers jours de chaque mois, il sera formé un tableau indicatif du nombre des séances du mois précédent, des membres qui y ont assisté, et des absents avec ou sans congé. Ce tableau sera également imprimé au Moniteur.
« A la fin de chaque session législative, il sera dressé un tableau général sur le modèle des tableaux mensuels, auquel il sera donne la même publicité. »
La commission chargée d’examiner cette motion d’ordre propose de la modifier de la manière suivante :
« Le Moniteur signalera chaque jour, en tête du compte-rendu de la séance, les noms des membres présents, ceux des membres absents avec congé, et ceux des membres absents sans congé.
« Sont considérés comme absents sans congé les membres qui n’ont pas répondu à l’appel nominal, et ceux qui auront dépassé le terme pour lequel ils avaient obtenu un congé.
« Sont considérés comme ayant obtenu un congé les membres absents pour cause de maladie qui en auront informé la chambre. »
M. de Behr. - Messieurs, j’ai été d’un avis contraire à la proposition de M. Desmanet dans le sein de la commission que vous avez chargée de son examen ; je viens motiver en peu de mots le vote que j’ai émis alors, et dans lequel je crois devoir persister.
L’honorable membre a eu principalement en vue de remédier aux lenteurs de nos travaux parlementaires, mais je pense que la proposition n’atteindra pas le but que son auteur s’est proposé. Le mal est réellement dans l’insouciance que l’on montre pour le travail des sections. Si chacun voulait y prendre part avec autant de zèle qu’à la discussion publique, il est hors de doute que les projets de loi seraient mieux élaborés, que la section centrale aurait des matériaux plus parfaits, et qu’inspirant plus de confiance à la chambre, son ouvrage aurait pour résultat d’abréger les débats, et de prévenir cette foule d’amendements, qui sont pour la plupart rejetés, après avoir coûté une grande perte de temps à l’assemblée.
Or, ce résultat s’obtiendrait facilement en modifiant quelques-unes des dispositions du règlement relatives aux amendements, et en attribuant au président un pouvoir qui est maintenant trop restreint pour diriger convenablement les débats, et les contenir dans les bornes dont ils ne devraient jamais sortir.
Si nous étions à une époque moins rapprochée du renouvellement de la chambre, je proposerais de nommer une commission pour la révision de notre règlement.
En attendant je ne puis donner mon assentiment à la proposition qui est en discussion ; indépendamment de ce qu’elle a d’insolite, et de contraire à la dignité de la chambre et aux usages parlementaires de tous les gouvernements constitutionnels, elle n’aura d’autre effet que de multiplier les demandes de congé ; et si vous refusez d’en accorder, vous éloignerez de la chambre des membres fort utiles que leurs occupations rappellent souvent chez eux, et qui sont par leur spécialité les plus capables de bien travailler aux affaires du pays.
D’un autre côté, l’exécution de la mesure fera surgir une foule de réclamations : des membres que vous signalerez comme absents auront peut-être les motifs les plus légitimes à présenter, sans avoir eu le désir de les faire connaître le jour qu’ils n’auront pas assisté à la séance. Cependant il me semble nécessaire de publier les noms des membres présents, lorsqu’après l’appel nominal, l’assemblée ne serait pas en nombre suffisant pour délibérer ; il pèse dans ce cas sur la chambre une responsabilité morale qu’il est de toute justice de ne pas faire partager aux députés qui, fidèles à leur mandat, se sont trouvés ponctuellement à leur poste.
Par ces considérations, j’aurais l’honneur de présenter la proposition suivante en remplacement de celle qui est en discussion :
« Dans le cas où, après l’appel nominal, l’assemblée ne serait pas en nombre suffisant pour délibérer, les noms des membres qui ont répondu à l’appel seront insérés dans le Moniteur en tête du compte-rendu. »
M. Devaux. - Messieurs, je ne veux pas m’opposer à la proposition de M. Desmanet de Biesme. Je ne crois pas qu’il y ait de grands inconvénients à adopter cette proposition, mais je crois d’un autre côté qu’elle n’atteindra pas le but de son auteur, du moins en grande partie. Je crois que la proposition est fort incomplète, et pour remédier au mal, il faudrait le prendre à sa racine. C’est là qu’il faudrait appliquer le remède.
Un honorable membre vient de nous dire que le mal venait de ce qu’on n’assistait pas aux sections. Je crois qu’il prend l’effet pour la cause. Pour moi, je ne puis m’arrêter là, je remonte plus haut, et je trouve que la véritable cause est dans le vide et dans la longueur de nos sessions. Voilà le véritable mal à son essence. Il n’est pas dans la nature d’une assemblée délibérante de siéger pendant neuf ou dix mois de l’année, comme nous le faisons depuis cinq ans.
Tant que vous n’aurez pas des sessions de 5 à 6 mois au plus, vous parviendrez bien à réunir quelques membres de plus, dont je ne regrette pas l’absence comme un grand mal, mais vous arriverez toujours au résultat dont on se plaint aujourd’hui, c’est-à-dire que vous travaillerez mal et que vos travaux n’avanceront pas.
Une législature peut bien siéger pendant onze mois de l’année deux ans de suite ; mais, au bout de quatre ou cinq ans, des sessions aussi longues finissent par devenir fatigantes, les travaux languissent. Cela est tout naturel. Il faut bien que les industriels appartenant à la chambre aient le temps de donner quelques soins à leur établissement ; il faut bien que les pères de famille aient le temps de s’occuper des intérêts de leur famille. Les députés reçoivent, les uns pas une obole, les autres ce qu’on peut appeler un traitement de commis ; il faut bien qu’ils puissent consacrer quelque temps à leurs intérêts et à ceux de leurs enfants.
Si pendant neuf ou dix mois, ils doivent se trouver en sections de dix heures à midi et ensuite en séance publique de midi jusqu’à quatre ou cinq heures, travailler ensuite soit dans les commissions, soit dans les sections centrales ; si, rentré chez soi, on veut étudier les matières dont on s’occupera le lendemain, faire des recherches, recevoir les visites auxquelles expose et condamne la qualité de représentant, entretenir la correspondance pour les affaires de la représentation, je mets en fait que sur dix membres on en trouverait à peine un à qui les forces physiques permissent d’accomplir rigoureusement de pareils devoirs.
Les juges, dira-t-on, n’ont que deux mois de vacances. Mais ils ne siègent que deux ou trois fois par semaine, et encore peuvent-ils quelquefois se faire remplacer.
La longueur de nos sessions a d’autres inconvénients, c’est d’exclure, pour ainsi dire, les industriels de la représentation nationale ; et à l’avenir, si ce n’est aux élections de Bruxelles, vous n’en verrez plus se présenter, car il est impossible que des industriels abandonnent leurs affaires pendant 9 et 10 mois.
Cependant, à l’époque où nous vivons, lorsque l’industrie remplit un si grand rôle dans le monde, je vous demande ce que c’est qu’une représentation nationale dont sont exclus tous les industriels, les hommes dont les connaissances pratiques sont si nécessaires.
Les fonctionnaires n’ont plus le temps de remplir leurs fonctions en dehors de cette chambre, et ces fonctions alors deviennent de véritables sinécures.
Quelques personnes croient qu’on doit attribuer aux fonctionnaires publics qui font partie de la chambre le peu d’exactitude qu’on met à suivre ses travaux. MM. les fonctionnaires sont aussi exacts que les autres. On devrait plutôt leur supposer une tendance à rester à Bruxelles et à négliger les occupations qu’ils ont en dehors de cette chambre.
Lorsqu’au congrès fut soulevée la question d’incompatibilité entre les fonctions de représentant et celles de fonctionnaire public, j’ai combattu cette incompatibilité, parce que j’ai pensé que ce serait priver la représentation nationale d’une foule de capacités. Et nous sommes pas assez riches pour en repousser volontairement. Le congrès n’a jamais pensé que les séances absorberaient tout le temps d’un homme, et qu’un député n’aurait chaque année que deux mois et souvent moins pour songer à ses autres occupations.
Il est bien évident pour moi que, sauf quelques exceptions extrêmement rares, en général il ne se présentera plus aux élections que des fonctionnaires publics, ou, ce qui est pire, des hommes qui aspirent à le devenir.
Si les sessions étaient réduites à ce qu’elles doivent être, à 5 ou 6 mois au plus, les fonctionnaires pourraient s’acquitter des devoirs de représentant sans négliger leurs autres fonctions.
Les juges pourraient siéger, les procureurs-généraux et les procureurs du Roi pourraient retourner dans leur parquet et donner l’impulsion, ou, comme on dit, le ton aux affaires. Les industriels viendraient nous éclairer de leurs lumières spéciales qui, il faut le dire, nous manquent souvent.
Les fonctions de député font peur à beaucoup d’hommes honorables ; car, comme je le disais tout à l’heure, elles absorbent un homme tout entier.
Si les sessions étaient moins longues, on travaillerait davantage et on travaillerait mieux. Après quatre sessions de 10 et 11 mois on est fatigué, on écoute avec distraction, on ne va pas en sections. C’est là un effet de la longueur de nos sessions plutôt que la cause du mal. Peut-être aussi faut-il ajouter que l’on travaille beaucoup moins chez soi que lors du congrès ; j’ajouterai encore que les ministres eux-mêmes, forcés d’être ici pendant dix mois pour nous combattre, forcés de se trouver également à une autre chambre, ne peuvent plus consacrer le temps nécessaire aux améliorations réclamées par l’administration.
Mais, dira-t-on sans doute, tout cela est vrai, mais oiseux. Comment arriver à avoir une session plus courte ? A mon avis, le moyen en est très simple. J’ai entendu reprocher à certains membres de cette assemblée de faire perdre beaucoup de temps, en parlant beaucoup plus qu’il ne fallait. Il est pourtant juste, selon moi, que ceux dont les opinions ne triomphent pas ordinairement dans cette enceinte fassent tous leurs efforts pour les faire prévaloir. S’il faut dire que l’on abuse du temps de la chambre, la faute en est à la chambre elle-même qui laisse abuser de son temps. Si la chambre perd son temps, ce n’est pas à la minorité qu’il faut s’en prendre, mais à la majorité qui laisse faire.
Notre grand défaut n’est pas de ne point faire observer le règlement, c’est surtout de ne savoir pas clore ; la chambre actuelle ne sait pas clore une discussion. Nous sommes si bons collègues, que pour ne pas nous être désagréables les uns aux autres, dès qu’un orateur demande la parole, à l’instant on rouvre la discussion. Je conçois que c’est une chose assez désagréable que de dire à quelqu’un : Vous ne parlerez pas, vous vous tairez ; mais, en bons citoyens, nous devons avoir cette sévérité réciproque, nous devons nous fermer la bouche, quand il y a lieu. Les mécontents diront au premier abord que c’est de l’oppression, que l’on bâillonne la liberté des discussions mais, bientôt après, on s’apercevra que nous aurons fait des lois, et au lieu de paroles, on trouvera des faits.
En Angleterre, il est très rare que l’on prononce huit ou dix discours sur le même sujet ; il faut pour cela que les matières soient excessivement importantes.
Ici, cela arrive tous les jours, pour des questions minimes, je pourrais dire microscopiques. Le moindre amendement amène dix discours.
En France, où sur ce point on est moins avancé qu’en Angleterre, il est rare que le même orateur prenne deux fois la parole, et jamais il ne la prend trois fois. Ici, ce sont des répliques et des contre-répliques ; cela ressemble à des affaires de tribunaux, où les deux parties sont en présence, et où chaque avocat veut avoir le dernier. Je crois aussi que nos discours seront plus courts, quand nous saurons faire une clôture ; on écoutera mieux ; les discours moins longs auront plus de substance. Si l’on impose certaine brièveté aux orateurs, il arrivera que la discussion sera écoutée plus attentivement. ; on étudiera les questions chez soi, ce qui est inutile maintenant, car on est si sûr d’entendre les mêmes arguments remués dans tous les sens, qu’il est inutile de s’en occuper à l’avance.
A mon avis, c’est à la majorité à abréger les discussions, à les clore. C’est là le seul remède au mal, et il ne faut pas se le dissimuler, le mal est grand.
Qu’avons-nous fait depuis deux ans ? Les budgets ; une seule loi, la loi provinciale, qui va nous revenir ; un travail provisoire, la loi sur le chemin de fer, et quelques petites lois accessoires de deux ou trois articles. Cette année on nous a dit que les budgets dureraient 15 jours ; ils ont duré trois ou quatre mois. Nous avons fait la moitié d’une loi, et nous avons été obligés de couper en deux cette loi qui nous reviendra. L’an prochain, ce sera la même chose. J’ai demandé au greffe de combien nous étions arriérés. De 40 à 50 projets de loi. La constitution nous impose de faire des lois. Si nous n’allons pas un autre train, dans 10 ou 15 ans, les obligations qui nous sont imposées ne seront pas remplies. Avec le mode de discussion actuel, serions-nous capables de faire un code ? Jamais.
Il faut le dire, la conviction de l’impuissance de la stérilité de la représentation nationale fait de grands progrès dans le public. Et la représentation nationale est tout le gouvernement représentatif. Je vous demande où une pareille opinion pourrait conduire. Voilà pourquoi j’ai cru devoir dire que le remède du mal existant était dans la volonté de la majorité elle-même, qui seule pourra faire ce que tous les changements au règlement n’effectueraient pas.
Je vous demande pardon d’avoir contre mon habitude, entretenu si longtemps la chambre, j’ai cru devoir expliquer pourquoi quelques membres de cette assemblée, et moi-même qui avions pris autrefois une part active aux discussions parlementaires, répugnions aujourd’hui d’y participer. En effet quelquefois on aimerait mieux jouer un amendement à croix ou pile que de se livrer aux discussions fastidieuses et interminables qu’il entraîne presque toujours.
M. Dumortier. - Je crois que la majorité rendra hommage à la semonce qu’elle vient de recevoir, car vous avez pu voir, messieurs, que l’honorable préopinant, dans l’oraison qu’il vient de prononcer, a semoncé la majorité, comme s’il y avait dans cette chambre une majorité toujours prête à se lever pour donner raison aux organes du gouvernement. Je ne crois pas que la chambre soit encore tombée si bas.
Le mal, dit-on, est grand, très grand ; moi, je crois pouvoir prétendre qu’il ne l’est pas à tel point qu’on le dit. Pour ma part ; j’assiste à toutes les séances ; depuis que cette chambre est réunie, je n’en ai pas manqué vingt. Je déclare pour mes collègues et pour moi, je déclare que je repousse tout ce qu’on a pu dire sur la prétendue impuissance de la chambre, c’est une attaque injuste, et qui ne repose sur rien.
Il faut examiner les faits non comme ils se passent seulement en Belgique, mais dans tous les pays où il y a une représentation nationale. Voilà ce qui avait lieu aux états-généraux. La seconde chambre ne siégeait que quelques jours de la semaine, nous siégeons tous les jours ; cela est sans exemple, et à coup sûr c’est une vie très fatigante. Voyez ce qui se pratique en France et en Angleterre. En France, quand la chambre siège pour les pétitions, elle siège au nombre de 60 sur 600 ; veuillez remarque que ce n’est qu’un dixième ; nous, nous sommes toujours en nombre, c’est-à-dire un sur deux. En Angleterre, quoique les députés soient au nombre de 658, il suffit que 36 soient présents pour que l’assemblée puisse délibérer.
Ainsi, toutes les déclamations contre les membres de cette assemblée sont injustes à l’excès. Ces membres ont un mandat à remplir, dont ils s’acquittent honorablement ; mais ils ne sont pas esclaves, ils ont aussi des charges de famille qui les réclament.
Je suis charmé de pouvoir rendre cet hommage à mes honorables collègues, et si les journaux nous ont attaqués sur ce point, c’est qu’ils y ont été provoqués par le gouvernement. C’est sur les instigations d’un honorable ministre d’État qui ne siège pas ici en ce moment, qu’ils ont cherché à avilir la représentation nationale, pour tout faire tomber au profit du gouvernement central, du pouvoir exécutif. Il n’y a pas dans toute l’Europe une assemblée nationale qui remplisse son devoir mieux que la représentation belge.
Je dirai aussi mon opinion sur les faits avancés par l’honorable préopinant.
Suivant lui, on ne fait pas assez de lois. Cela est incontestable, et il est triste qu’il ne s’en fasse pas d’avantage. A qui la faute ? L’honorable préopinant l’attribue à la longueur des débats : je le veux bien mais comme lui je remonterai plus loin. Quelle est la cause de la longueur des débats ? C’est que le vent de la révolution ne souffle plus dans les voiles de l’Etat. C’est qu’on veut nous ramener à l’ancien régime qui nous gouvernait.
On a parlé de la loi communale qui n’était faite qu’à moitié. Si le gouvernement avait voulu présenter une loi qui fût la reproduction de celle du gouvernement provisoire, cela eût été bien plus vite. Nous avons été six mois pour discuter cette loi, mais si nous n’avons pu faire beaucoup de bien, nous avons du moins empêché beaucoup de mal.
Je crois que si nos débats se prolongent outre-mesure, c’est que le gouvernement a eu pour tâche constante de violer la constitution, et de vouloir ramener le pays à des institutions que la révolution avait supprimées. Voulez-vous la preuve de ce que j’avance ? Une loi vient de vous être présentée en quinze articles, elle a été votée en une demi-heure, parce que le gouvernement était indifférent pour cette loi ; s’il en était toujours ainsi, il y aurait moins d’acrimonie, on entendrait moins de paroles acerbes. Si le contraire a lieu, c’est qu’il existe ici un parti qui veut déraciner toutes nos libertés. Que le pays compare ce qui a été fait par la première législature avec ce qui a été fait pendant les années subséquentes. Pendant la première législature, nous étions encore voisins du congrès ; aussi sous cette influence fîmes-nous beaucoup de lois.
Le gouvernement n’avait pas alors ce système envahisseur qui l’anime aujourd’hui. Présentez-nous des lois qui soient toujours l’expression sincère de la constitution, elles seront toujours votées en très peu de temps.
Je ferai remarquer que nos séances sont trop courtes, c’est leur brièveté qui nous empêche d’aller aussi vite que nous le voudrions. Ces séances ne dirent que trois heures, trois heures et demie. Il me semblerait infiniment plus sage de suivre l’exemple des états-généraux ; nous commencerions nos séances de 10 heures à 5 heures, mais elles ne seraient pas publiques tous les jours ; nous nous réunirions à 10 heures en sections, et les jours où il y aurait séance publique, elle commencerait à midi, et nous finirions à 5 heures. Pour ceux qui travaillent chez eux, qui se rendent dans les sections, et je suis du nombre, c’est une vie très fatigante.
Il arrive aussi que la section centrale se réunît à 7 heures du soir jusqu’à minuit, et beaucoup de nous ont et quelquefois jusqu’à douze heures de travail par jour : c’est une vie tuante, je ne saurais trop le répéter. Il serait beaucoup plus simple de suivre le système des états-généraux. Ne siégeons que quatre jours par semaine, en commençant la séance à dix heures, et les autres jours, travaillons à la section centrale et dans les commissions.
Remarquez, je vous prie, quelle est l’heure à laquelle les votes s’émettent. La première heure est occupée par l’appel nominal, la lecture du procès-verbal, les pétitions ; des motions que l’on fait prennent encore un assez long laps de temps, je ne veux pas dire pourtant que ce soit inutile, mais si vous n’aviez que quatre séances par semaine, il n’y aurait que quatre heures consacrées à cela, et le reste du temps serait plus fructueusement employé.
Ce système serait préférable à celui qui a été suivi jusqu’à présent. Quant à ce qui a été dit de sang-froid par l’honorable préopinant, j’ai démontré que c’était de la plus haute injustice, et je répéterai en terminant que la chambre des représentants belge s’acquitte de son mandat avec l’honneur, le zèle et l’intégrité désirables.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a dans le discours de l’honorable préopinant des choses qu’il ne m’est pas possible de passer sous silence.
D’après ce qu’il a dit, ce serait le gouvernement qui aurait fait attaquer la chambre ou certains membres de la chambre par des journaux salariés. Un seul mot répondra victorieusement à cette assertion, c’est que le gouvernement n’a pas un seul journal salarié. Cette raison me dispense de toute autre réfutation sur ce point.
La longueur des discussions, ajoute l’honorable député de Tournay, provient de ce que le gouvernement cherche à introduire dans les lois organiques des dispositions tendant à fausser la constitution, à détruire toutes nos libertés. Bien loin de loi, messieurs, de pareilles intentions ! Nous tenons à insérer dans nos lois des idées pratiques, des gages certains d’ordre et de sécurité ; nous voulons ces conditions dans l’intérêt même du maintien des libertés publiques et rien autre chose.
Si nous entendons la mise en pratique des principes constitutionnels autrement que l’honorable préopinant, nos vues n’en sont pas moins pour cela moins pures que les siennes. En effet, comment supposer raisonnablement que nous voudrions fausser la constitution ? serait-ce pour un court passage que nous ferons au ministère que nous irions consentir à abdiquer ces libertés, pour la conquête desquelles nous aussi nous sommes fiers d’avoir travaillé ? Nous y tenons autant que personne ; et si quelquefois nous sommes en contradiction avec lui, qu’il sache bien que nos intentions sont aussi bonnes que les siennes !
M. Dumortier. - Je m’étonne des paroles de M. le ministre des finances, car je n’ai jamais révoqué en doute la loyauté de son caractère, à laquelle je me plais à rendre hommage ; mais j’ai cité des faits…
M. Milcamps. (avec précipitation). - Quels faits ? où sont-ils ? (On rit.)
M. Dumortier. - Je vais vous les dire : quand le gouvernement est venu proposer dans la loi communale à avoir la nomination des bourgmestres, soit dans le sein, soit en dehors du conseil ; quand le gouvernement a voulu la nomination des échevins sans intervention aucune, alors que ces magistrats devaient tenir leur mandat du peuple ; quand il est venu demander de révoquer dans les villes même les bourgmestres et les échevins, ce qui n’avait pas lieu même sous Guillaume ; quand il a voulu mettre à la charge des communes le traitement des vicaires et des ministres des cultes, que la constitution met à la charge de l’Etat ; quand il s’est opposé à une disposition qui rendait aux communes l’administration de leurs bois ; je puis dire, j’imagine, que le gouvernement n’a pas marché dans le sens de la révolution.
On vous a dit que l’on voulait des gages d’ordre, de tranquillité publique pour le maintien des libertés. Je les veux aussi moi, et je prétends que les institutions populaires sont la plus sûre des garanties de l’ordre, pourvu qu’un gouvernement supérieur, sage et bien entendu, les dirige convenablement. J’ai parlé du gouvernement comme être moral, et je répète qu’il a faussé tous les principes de la constitution.
Quant à ce qu’a dit l’honorable préopinant que le gouvernement n’avait pas de feuilles salariées, je ne sais s’il a voulu parler du gouvernement ou du ministère ; mais un fait que personne n’ignore, c’est qu’il y a des feuilles salariées et très bien salariées, et que c’est au moyen de ces feuilles que l’on cherche à jeter du discrédit sur la représentation nationale. Personne n’ignore qu’il y a des rapports entre l’une de ces feuilles et un honorable ministre d’Etat qui, lorsque la chambre n’est pas en nombre, cherche toujours à faire du scandale à cette occasion, à jeter du louche dans l’assemblée. Quel est le but d’une telle conduite ? Vraiment, je ne le connais pas ; mais son résultat est de discréditer la chambre dans le public.
Si le gouvernement veut que la chambre soit respectée, qu’il la respecte lui-même, qu’il donne l’exemple du respect pour la représentation nationale ! Mais en est-il ainsi ? J’en appelle à vos souvenirs ; je crois que les faits sont clairs pour tous ceux qui ne sont pas prévenus.
M. Gendebien. - Mon intention n’est ni d’accuser la majorité de faiblesse, ni d’exciter à des actes qui ressembleraient fort au bâillonnement de la minorité. Sans suivre les ministres et quelques orateurs sur le terrain où ils ont placé la discussion, je parlerai sur la proposition dont nous avons à nous occuper. Je ne dirai que deux mots sur la grave accusation que l’on a lancée contre la représentation nationale.
La représentation nationale n’a pas fait tout ce que pourront faire les législatures à venir. En voici deux raisons : La première, c’est que nous avions une constitution nouvelle qui ne ressemblait guère aux précédentes ; il s’agissait de l’interpréter et le plus souvent de la défendre contre le gouvernement. A qui doit-on reprocher la longueur des débats à cet égard ? A ceux sans doute qui attaquaient la constitution, et non pas à ceux qui la défendaient.
D’un autre côté, nous avions un règlement nouveau. Pour l’interpréter, pour le maintenir, un préopinant a souvent élevé la voix et prolongé longtemps les discussions. Vous savez jusqu’à quel point il s’est montré sévère à cet égard ; sa prudence allait jusqu’à se refuser à voter, même en cas d’urgence, un projet de loi le jour de sa discussion parce qu’on y avait introduit un amendement, quelquefois insignifiant.
Savez-vous quelle est encore la cause que nos discussions se prolongent ? C’est le découragement dont on est parvenu à frapper les hommes qui se sont depuis longtemps dévoués au pays, les hommes consciencieux qui sont tous les jours à leur poste, et qui n’en recueillent d’autre récompense que des injures de la part de certains adorateurs du pouvoir fort, de certains ministres et de certains journaux, alors que la part de leurs amis ils essuient le reproche d’être dupes. En effet, il y a de la duperie à certains hommes de se rendre assidûment aux séances, alors qu’elles se tiennent habituellement au nombre de 52, 54, et que trop souvent nos sommes obligés de délibérer en dessous du nombre requis par la constitution.
Il y a tel membre qui n’est venu à la chambre que deux ou trois fois depuis l’ouverture de la session ; d’autres qui n’ont assisté qu’à huit ou dix séances, et qui n’y prennent la parole que pour défendre leurs amis ou pour attaquer nos libertés.
Si vous voulez que l’on aille dans les sections, il faut que tout le monde s’y rende et remplisse ses devoirs ; il faut aussi moins multiplier les commissions ; car, qu’arrive-t-il ? Sur trois propositions, il y en a deux au moins qui sont renvoyées à une commission ; il en résulte que les sections sont presque vides, parce que beaucoup de membres font partie de commissions.
De plus il est impossible de discuter utilement tous les jours dans les sections et en séance publique. En effet, il faut d’abord chez soi se préparer à la discussion ; après cela discussion dans les sections, et discussion en séance publique ! Songez qu’il faut aussi faire la part du temps où l’on doit s’occuper de ses propres affaires. Or, les sections se réunissent à 10 heures du matin ; en sortant des sections on se rend à la séance publique qui se prolonge jusqu’à 5 heures.
Croyez-vous qu’il y ait beaucoup d’hommes capables de résister à un tel travail de 7 heures par jour, à 7 heures d’attention et de discussion soutenue ! Je défie l’avocat le plus versé dans les affaires, le plus habitué au travail, de discuter tous les jours pendant 7 heures ; je défie la plus forte tête d’y résister. Je défie tout magistrat quelconque de siéger tous les jours pendant 7 heures.
Que résulte-t-il de là ? C’est que l’on ne donne qu’une demi-attention aux discussions ; c’est que les uns ont soin de se soustraire aux travaux des sections ; les autres aux travaux de l’assemblée générale ; je ne parle pas de ceux qui ne vont ni aux sections, ni aux séances publiques, mais ils sont la principale cause du dégoût qui nous atteint tous et qui rendra tous nos travaux stériles. Si vous voulez que l’on se rende aux sections et à l’assemblée générale, si vous voulez rendre leur travail infructueux, il faut restreindre le temps des délibérations des sections et de la chambre. De cette manière chacun de nous arrivera préparé à la discussion. Mais qu’arrive-t-il ? Les 3/4 du temps nous arrivons à la séance, sans même avoir lu le projet de loi à l’ordre du jour. D’ailleurs, les projets de loi présentés sont tellement incomplets qu’il est inutile de les lire avant qu’ils aient été examinés par une commission ou une section centrale ; car ils sortent de là totalement changés.
On a parlé de la longueur des débats. Il n’est pas étonnant que quelquefois les discussions soient longues, lorsqu’un orateur a parlé pendant deux heures entières sur la question des échevins, et a prononcé un discours qui tient sept colonnes du Moniteur ; et cela pourquoi ? pour nous arracher un vote qui devait, en violant la constitution, donner au gouvernement la nomination des échevins. Est-il étonnant que nos séances soient toujours longues, lorsque nous avons vu naguère 5 ministres insister pendant trois heures sur une question préalable tellement inconstitutionnelle, tellement absurde, qu’en définitive tout ce labeur de cinq ministres, pendant trois heures, n’a abouti qu’à entraîner 5 députés, puisque sur 78 votants, il y a eu pour la question préalable 10 voix dont 5 étaient celles des ministres.
La discussion de proposition évidemment mal fondées ou attentatoires à la constitution, voilà ce qui fait perdre du temps ; et l’on sait de quel côté ces propositions nous arrivent, et comment elles nous arrivent souvent.
Je pense qu’il faut mettre de côté toute récrimination, qu’il faut soigneusement s’en abstenir, qu’il faut surtout être ménager de toutes les mercuriales que vous venez d’entendre quand on ne peut se citer soi-même comme modèle à suivre, et qu’on a plus que tout autre besoin d’indulgence.
Je pense qu’il faut rentrer dans la discussion de la proposition de M. Desmanet de Biesme. Tout à été dit à cet égard. Il est utile de contraindre chacun de nous à se rendre à ses devoirs, puisque nos plaintes sont restées sans résultat jusqu’ici. Or, c’est le but auquel tend la proposition qui vous est faite. Il convient donc de l’adopter. Je crois qu’il y aurait quelque chose de plus à faire ; il faudrait décider que la séance publique s’ouvrira à une heure précise ; il faudrait faire l’appel nominal à une heure précise et annoter tous les membres présents. Si nous arrivions à nous réunir dès une heure, ce serait beaucoup de gagné.
Maintenant la séance publique est fixée à midi ; et il est rare que nous soyons réunis avec une heure un quart, et les diligents pâtissent pour les retardataires.
L’heure des sections devrait être fixée à 11 heures ou midi. Cinq heures et demie de travail dans les sections et en séance publique, c’est tout ce qu’un homme peut faire. Alors on aura le temps de préparer la besogne chez soi et l’on discutera avec plus de précision et de concision.
Ainsi, en résumant la discussion, je demande que la chambre s’arrête à la proposition de M. Desmanet de Biesme, ou s’occupe seulement de modifier le règlement en ce qui concerne l’heure des séances. Je crois que cela ferait gagner beaucoup de temps à la chambre.
M. de Foere. - Plusieurs honorables préopinants ont approuvé la proposition en discussion. Quant à moi, je trouve qu’elle n’a qu’un but, cela de vilipender la chambre. (On rit.) Ensuite, elle est entachée d’imprévoyance.
Si l’on fait une comparaison avec les chambres législatives des autres pays, celles de France, d’Angleterre, on trouve que la chambre des représentants belges est beaucoup plus assidue ; et qu’il y a entre les chambres des trois pays cette différence remarquable, qu’en France, dans les cas ordinaires, les députés présents sont dans la proportion d’un à quatre, en Angleterre d’un à cinq, tandis qu’en Belgique il sont dans la proportion d’un à deux.
Un honorable membre a cité comme exemple l’Angleterre. Voici ce qu’il a dit : un Anglais se trouve à Odessa ; il apprend que le parlement a été dissous ; il part aussitôt pour se rendre aux élections. Cet argument se réduit à ceci : Il y a un électeur qui s’est rendu en toute hâte aux élections d’Angleterre ; donc tous les membres du parlement assistent à ses discussions. Si l’exception devait faire la règle, ou si la logique nous enseignait à déduire des conséquences générales d’un fait particulier, l’honorable membre aurait parfaitement raison.
Toute loi qui n’est pas fondée sur un principe absolu se trouve bornée à une question d’avantages et d’inconvénients.
La question est toujours de savoir de quel côté se trouvent les plus nombreux avantages, ou les plus nombreux désavantages et les plus graves. Eh bien, messieurs, si vous envisagez la question sous cette face, vous trouverez que la motion, dans ses résultats, aura certainement les plus grands désavantages.
Si elle pouvait être accueillie favorablement, elle aura certainement pour effet d’écarter de la représentation nationale les membres les plus utiles. Consultez l’histoire parlementaire, vous trouverez que ce sont les membres qui ont une position sociale indépendante et qui ont des affaires particulières, qui gèrent le mieux les affaires du pays : vous écarterez ces membres de la chambre et vous la peuplerez de fainéants, d’ignorants, qui n’ont rien à faire et qui ne savent rien faire ; telle serait la suite immanquable de la motion d’ordre si elle pouvait être adoptée.
Si la présence aux séances prouvait quelque chose, prouvait des qualités dans les membres assidus, je pourrais admettre que la motion produira un bon effet ; mais les assidus peuvent n’être, les uns, que de simples automates ; d’autres, des membres serviles du pouvoir ; d’autres, des parleurs éternels et superficiels qui n’ont rien approfondi (on rit) ; d’autres, des membres intéressés qui viennent faire ici leurs propres affaires ou les affaires de leur famille. (On rit encore.)
Craignez, messieurs, d’imprimer une fâcheuse direction aux élections, si, par votre vote, vous faites croire aux électeurs que tout le mérite d’un membre de la chambre dépend de son assiduité aux séances ; alors vous exposerez le pays à avoir une représentation dont le plus grand mérite consisterait à répondre ici exactement aux appels nominaux.
Vous voulez que les membres demandent un congé pour pouvoir s’absenter ; mais chaque demande de congé peut provoquer une discussion. Vous savez que les représentations nationales sont divisées en partis opposés ; quand un membre demande un congé, il peut toujours craindre que la section de la chambre qui ne sympathise pas avec lui, soit en politique extérieure, soit en politique intérieure, n’élève un débat sur la demande, débat qui sera presque toujours inconvenant, car il sera personnel. Nous en avons déjà vu des exemples : or, qui viendra s’exposer à des inconvénients aussi considérables ? Les convenances parlementaires, les égards que nous nous devons les uns aux autres, ne sont pas toujours observés dans les débats, et il s’en suivra que le vœu de l’honorable député de Namur ne sera presque jamais rempli.
Nous avons été souvent témoins de discussions animées, de discussions personnelles : dernièrement encore (il y a 15 jours environ), des discussions très fastidieuses, très dégoûtantes, se sont élevées entre deux membres relativement à leur absence. Quel intérêt la chambre peut-elle prendre à des discussions purement personnelles ?
Le mérite de chaque membre doit être dans sa conscience, dans le sentiment qu’il a de sa propre dignité, dans sa conviction qu’il est dévoué aux intérêts du pays et qu’il contribue, dans cette chambre, autant qu’il est en lui, à la prospérité de la nation.
Comme on l’a fait observer, beaucoup de Belges ne voudront pas se présenter aux élections si vous voulez soumettre à des règlements aussi rigoureux, aussi dégradants, les membres de cette chambre.
Messieurs, j’ai souvent remarqué que le travail de la chambre ne s’avance pas, précisément parce qu’on exige que tous les membres prennent part aux discussions. En Angleterre les trois quarts du travail du parlement sont faits par les commissions ; et ceux qui font partie des commissions ne sont pas obligés de se présenter aux séances du parlement. Les commissions préparent les projets de loi ; leur travail est très élaboré, parce que les membres qui en font partie sont pris parmi ceux qui ont des connaissances spéciales.
Si vous dispensiez les membres de vos commissions à siéger dans la chambre, vous feriez avancer les travaux parlementaires. Voyez comment vont les travaux préparatoires. La commission pour les naturalisations est en arrière de plusieurs mois ; la commission de la banque siège depuis deux ans et ne termine rien ; ce sont cependant des questions graves, importantes, qu’elles ont à examiner, il leur est impossible de voir la fin de leur travail parce que vous exigez que ceux qui les composent siègent.
L’honorable député de Namur a cité l’exemple des états-généraux ; mais chacun de nous sait que les états-généraux étaient divisés en deux camps opposés ; d’un côte c’étaient les Belges, de l’autre c’étaient les Hollandais. Il n’y a aucun terme de comparaison entre la chambre d’alors et la chambre actuelle. Maintenant la chambre est toute composée de Belges : nous avons tous un intérêt commun ; nous n’avons pas un intérêt étranger l’un à l’autre ; nous pouvons par conséquent avoir quelque confiance les uns à l’égard des autres. Pourquoi les projets de loi qui ne présentent qu’un intérêt secondaire ne pourraient-ils pas être élaborés et discutés quand la chambre est en nombre ?
Permettez aux députés qui ont des affaires chez eux, aux industriels, aux négociants, aux propriétaires de s’occuper de leurs propres intérêts ; de se relever alternativement, de prendre des congés de manière que la chambre soit toujours en nombre ; je ne vois là aucun inconvénient. Il faut laisser à la chambre et à ses membres des mouvements tout à fait libres.
Ce sont les électeurs qui sont les seuls juges de ceux qui font des absences et de ceux qui sont assidus : je ne crois pas que la présence continuelle à nos séances sera un motif suffisant pour déterminer les électeurs dans leurs choix ; le vrai mérite à leurs yeux sera la probité, les talents, le dévouement au pays.
Vouloir tout réglementer, descendre dans les règlements aux détails les plus minutieux, ce serait gêner les grands mouvements des élections et des discussions parlementaires ; ce serait attacher de l’importance aux plus petites choses, et aux petites choses qui ne peuvent procurer aucun bien.
Je suis étonné que l’orateur que vous avez entendu avant moi ait appuyé la motion : lui, qui croit avec raison qu’on peut refuser de porter la décoration de la croix de fer parce que tout Belge doit trouver sa dignité, dans la pureté de sa conscience, dans son dévouement aux intérêts généraux, comment se fait-il qu’il demande l’établissement d’une censure ? Il veut qu’un membre soit insensible à une décoration et qu’il soit sensible a une flétrissure émanée de la chambre ; c’est là, selon moi, une inconséquence évidente.
Il est certain qu’un député qui a la conscience de ses devoirs, qui fait tous ses efforts dans l’intérêt de la dignité et de la prospérité de son pays, n’attachera aucune importance à être affiché au poteau de la chambre. J’ai dit.
M. Desmanet de Biesme. - Je m’étais imposé la loi de ne pas prendre la parole pour soutenir ma proposition, parce que j’avais éprouvé trop de peine en voyant quelques journaux s’en emparer pour attaquer la représentation nationale d’une manière très inconvenante. Cependant je suis obligé de la prendre pour un fait personnel.
L’honorable préopinant m’a accusé de vouloir vilipender la chambre : en faisant cette proposition tel ne pouvait être mon but. Qu’est-ce que j’ai demandé ? Ce que vous aviez adopté dernière ; ce que vous aviez adopté comme motion d’ordre les années précédentes. Je demande désormais qu’on mette en tête du Moniteur ce que vous mettiez à la fin.
Messieurs, je ne veux éloigner personne de la chambre ; je veux moins encore la peupler de fainéants ; ma proposition n’est hostile à aucune espèce de citoyens. Je conçois que les avocats, les négociants, les industriels, doivent pouvoir de temps en temps s’éloigner de la chambre. Aussi je ne demande pas que nous soyons continuellement cent et un membres ; mais je veux que nous soyons toujours en nombre suffisant pour délibérer.
S’il y avait toujours à peu près 75 membres présents, on pourrait accorder des congés alternativement et chacun pourrait s’occuper de ses affaires, tandis qu’on voit que ce sont presque toujours les mêmes qui sont absents. Je ne vois pas grand mal à ce que leurs noms soient connus du public. Il y a des membres qui restent des trois et quatre mois sans venir siéger.
L’honorable député de Thielt a interprété d’une manière assez peu charitable ma proposition.
Il a dit aussi que je m’attachais à quelque chose de minime et que ma proposition aurait pour résultat d’éloigner de la chambre des hommes de talent et de probité.
Je serais fâché d’éloigner de la chambre les hommes de grande capacité dont parle l’honorable député de Thielt ; mais encore faut-il que ces grandes capacités se donnent la peine de se rendre à nos séances, afin que nous soyons toujours en nombre pour délibérer. Je n’en dirai pas davantage. Je livre ma proposition à la chambre qui en fera ce qu’elle voudra, et l’opinion publique jugera si j’ai bien ou mal fait de la présenter.
M. de Foere. - L’honorable membre a été dans l’erreur lorsqu’il a cru que j’avais attaché à sa motion d’ordre une question intentionnelle. Je n’ai pas dit qu’il avait voulu, mais que sa motion d’ordre avait pour effet de vilipender la chambre.
Je ne sors jamais des termes du règlement, et le règlement défend d’accuser les intentions. Mais la motion d’ordre pourrait avoir la tendance que j’ai indiquée, sans que cette tendance fût dans l’intention de son auteur. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. de Behr.
« A l’ouverture de chaque séance, lorsqu’après l’appel nominal l’assemblée ne sera pas en nombre suffisant pour délibérer, les noms des membres qui auront répondu à l’appel seront insérés au Moniteur en tête du compte rendu de la séance. »
M. Jullien. - Je partage l’opinion de M. de Behr, et je suis disposé à voter pour son amendement ; mais il me semble qu’il parle d’une séance qui n’aura pas lieu.
M. de Behr. - On n’a qu’à supprimer les mots : de la séance.
- La proposition de M. de Behr ainsi modifiée est adoptée.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau, en conformité de l’article 5 de la loi du 16 février 1833, n°157, concernant l’émission des bons du trésor, le compte spécial de toutes les opérations relatives à la négociation des bons du trésor pendant l’année 1834, faite tant en vertu de ladite loi du 16 février, que de celle du 1er mai 1834.
Ce compte spécial est revêtu du visa et de l’approbation de la cour des comptes, à laquelle il a été soumis préalablement.
- La chambre donne acte à M. le ministre du dépôt qui vient d’être fait.
M. le président. - Que veut-on mettre à l’ordre du jour de demain ?
- Plusieurs membres. - A après-demain la séance publique. On travaillera demain dans les commissions et les sections. (Oui !oui !)
M. le président. - Vendredi séance publique à une heure.
- La séance est levée à 4 heures et demie.