(Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1836 et Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1836)
(Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des habitants de la ville de Wiert demandent : 1° l’ouverture du canal par une prise d’eau à l’endroit dit Hocht (sous Maestricht) ; 2° du canal projeté entre Anvers et Loezen. »
(Erratum inséré au Moniteur n°26, du 26 janvier 1836 :) « Le conseil de régence de Ruysselde, Flandre occidentale, demande la construction d’une route de Pitthem à Eecloo en passant par Ruysselde. »
« L’administration communale de Lathuy se plaint de ce que cette commune, avec 44 autres de l’arrondissement de Nivelles, n’aient pas été comprises dans la liquidation faite à diverses administrations en 1833 du chef de prestations faites à l’armée française en 1831. »
M. de Roo demande que les deux premières pétitions, qui se rapportent à des constructions, soient renvoyées à la commission des travaux publics avec invitation d’en faire le rapport avant la discussion du budget de l’intérieur.
- Cette proposition est adoptée. L’autre pétition est renvoyée à la commission chargée d’en faire le rapport.
M. Gendebien écrit pour demander un congé de 2 ou 3 jours.
- Accordé.
« Art. 1er. Administration centrale : fr. 25,260. »
M. Stas de Volder. - Lorsque l’on considère d’un côté les sommes considérables demandées au budget que nous discutons, pour le service sanitaire de l’armée, sommes qui s’élèvent à près d’un demi-million de francs, sans compter les retenues faites aux officiers pour le service de santé, et de l’autre, tout ce que cette jeune et belle armée a eu à souffrir des divers genres de maladie, qui ont plus éclairci ses rangs que plusieurs combats meurtriers, on doit nécessairement se demander si le gouvernement a assez fait pour connaître les causes et arrêter les progrès des maux que nous avons à déplorer. Ces causes peuvent être physiques et morales ; son devoir est de connaître le mal, et d’y apporter remède.
Les résultats déplorables d’une ophtalmie qui a fait de si nombreuses victimes parmi nos jeunes soldats, la grande mortalité qui a eu lieu dans nos hôpitaux, surtout dans le courant de l’année 1835, les bruits qui circulent touchant le service de santé de l’armée, me paraissent être de nature à devoir réclamer toute l’attention de M. le ministre de la guerre. Une investigation qui connaîtrait des causes et du traitement des maladies, des médicaments, de l’observation du règlement du service de santé, du personnel attaché aux hôpitaux serait d’autant mieux accueillie qu’elle paraît être généralement réclamée. La chambre alors pourrait connaître jusqu’à quel point sont fondés les bruits qui circulent touchant le service sanitaire.
D’après ces bruits, M. l’inspecteur-général du service de santé de l’armée n’aurait point réclamé, jusqu’à ce moment, l’exécution de l’article 23 de l’arrêté du 5 janvier 1831, qui veut que les médecins et pharmaciens en chef, ainsi que les médecins principaux, se réunissent chaque année, sous la présidence de l’inspecteur-général, au jour à fixer par le ministre de la guerre, pour délibérer sur les besoins du service, et sur les modifications que l’expérience pourrait exiger d’y introduire.
Il aurait négligé, dans un moment où la mortalité fait de si grands ravages dans nos hôpitaux, et surtout dans les Flandres, de faire quelques tournées d’inspection pour aviser aux moyens d’arrêter les progrès du mal.
On aurait employé dans les hôpitaux des médicaments de mauvaise qualité, malgré les sommes considérables allouées au budget pour cet article.
On aurait admis au service des hôpitaux beaucoup de jeunes gens à peine candidats en médecine, et qui n’ont donné aucune preuve de connaissances.
On n’aurait point eu soin de placer dans les hôpitaux le nombre d’infirmiers nécessaire pour que les malades fussent soignés convenablement.
On n’aurait point assez veillé à ce que les parents et amis des malades ne leur apportassent pas des médicaments ou des comestibles qui, pris mal à propos, ont pu leur nuire de la manière la plus grave.
On aurait remarqué que les jeunes médecins attachés à l’hôpital, au lieu de se lever de suite, lorsqu’il survient quelque crise pendant la nuit, attendent souvent jusqu’au matin, et même ne paraissent dans les salles que peu avant l’arrivée du médecin en chef.
On n’aurait pas assez d’égards pour les convalescents, que l’on voit souvent se traîner mourants à pied le long des routes, ou obligés d’avoir recours à quelque mauvaise voiture.
On n’aurait pas mis assez de soin à n’envoyer à la frontière des polders que des hommes d’un âge fait et d’une constitution robuste, au lieu de jeunes gens qui ne venaient que d’arriver à l’armée et tellement faibles qu’ils ont dû gagner la maladie du pays après quelques jours de séjour.
Un fait qui sert à l’appui vient de m’être rapporté à l’instant par un de mes honorables collègues, qui a pu en être témoin. Dans le mois de septembre dernier, un bon nombre de soldats tombent malades dans les polders des environs d’Anvers et de Beveren, où ils auraient dû être déposés, vu le mauvais état où ils se trouvaient ; mais, au lieu d’en agir ainsi, on les transporte è Gand autant morts que vifs, entassés dans des voitures où il paraît que plusieurs ont succombé en route. Les autres sont placés à l’hôpital de Gand, et, au bout de quelques jours, il s’y déclare une telle dysenterie que 200 hommes environ en sont atteints et que bon nombre en meurent.
Il y aurait beaucoup à dire encore si l’on voulait rapporter tous les bruits qui circulent touchant le service sanitaire de l’armée ; mais je crois devoir me borner pour le moment à observer que si, au lieu d’employer dans nos hôpitaux des jeunes gens non gradués, on y avait placé les jeunes médecins qui aspirent à figurer comme officiers de santé à l’armée, les hôpitaux ne manqueraient point de médecins et on ne se prévaudrait point de cette lacune pour demander l’établissement d’une nouvelle école de médecine militaire.
Je termine en priant de nouveau M. le ministre de la guerre de vouloir faire connaître à la chambre le nombre des militaires entrés dans les hôpitaux dans le courant des années 1831 inclus 1835, avec indication des maladies dont ils ont été atteints, ainsi que le nombre des soldats morts à l’hôpital dans le courant des mêmes années. Je considère une statistique sur cette matière comme très importante dans ce moment, et j’aime à croire que M. le ministre en fera faire le dépôt à la chambre dans le plus court délai possible. Si l’on tient à avoir des statistiques sur les tribunaux, sur les prisons, sur l’industrie et le commerce, etc., quel prix ne devons-nous point attacher, messieurs, à connaître celles qui intéressent au plus haut point tant de pères de famille dont les fils se trouvent sous les drapeaux pour la défense de la patrie
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - En réponse aux observations de l’honorable préopinant, je dois dire que la réunion des médecins principaux a eu lieu dans les années précédentes.
L’article 23 du règlement organique sur le service de santé a été exécuté.
Il est vrai cependant que la réunion dont il est question, n’a pas eu lieu régulièrement par année.
Toutefois les médecins principaux ou partie de ceux-ci, se sont successivement réunis en 1831, 1832, 1833 et 1834. En 1831 pour la confection du règlement, en 1832 pour délibérer sur un objet important d’hygiène, en 1833 et 1834, pour la grave question de l’ophtalmie.
Il a paru tout à fait inutile de les réunir, alors que leur avis ne devait être d’aucun fruit pour le gouvernement. Il n’y avait pas à délibérer sur les besoins du service, ces besoins étant parfaitement connus, et pour ce qui est des modifications à y introduire, c’est au gouvernement seul qu’il appartient d’en déterminer l’opportunité.
La réunion dont il s’agit à l’article que j’ai cité, n’eût donc fait qu’occasionner des dépenses en pure perte. Et, je le répète, alors qu’une réunion générale ou partielle a été reconnue nécessaire, elle a en lieu. Ainsi, sur ce point, je ne pense pas qu’il y ait des reproches fondés.
Passant à une autre observation faite par l’honorable préopinant, je dois déclarer que le nombre des décès, dans l’hôpital de Gand, a dépassé toutes les prévisions. Cette mortalité extraordinaire provient des ravages d’une dysenterie qui s’y est déclarée à la suite de fièvres des polders. J’ai sous les yeux l’état des décès qui ont eu lieu en 1834 et 1835. Il résulte de cet état qu’en 1834, sur 25,775 journées d’hôpitaux, nous avons eu 576 décès. En 1835, 36,160 hommes sont entrés dans les hôpitaux. Je ferai remarquer que dans ce chiffre il y a des doubles emplois. Souvent un hôpital évacue sur un autre hôpital. Il en résulte que le nombre de 36,160 ne représente pas le chiffre des hommes entrés dans les hôpitaux. Je n’ai pas eu le temps de faire défalquer les doubles emplois. On peut cependant diminuer le chiffre d’un tiers qui est la proportion ordinaire. L’on obtient de cette manière 24,000 hommes entrés dans les hôpitaux en 1833. Sur ce nombre il est mort 618 militaires ; ce qui établit une proportion de 170 pour cent, un peu plus d’un et demi. Il résulte de ce relevé comparatif que l’hôpital de Gand présente le chiffre le plus fort. Il est de 3 pour cent, car, sur 5.270 malades, il y en a eu 164 qui ont succombé.
Je considère cette statistique comme utile, surtout pour faire voir quelle différence il résulte d’un bon ou d’un mauvais traitement dans les hôpitaux. Je ferai constater cette différence et je ferai imprimer et distribuer ce tableau à MM. les membres de la chambre.
L’honorable préopinant s’est plaint de ce que l’on ne recevait pas assez d’officiers de santé. Cependant nous recevons tous les officiers qui se présentent. Le nombre des officiers de santé commissionnés s’élève à 125, celui des officiers brevetés monte à 66.
Il y a cette différence entre les officiers commissionnés et les officiers brevetés que ces derniers sont définitivement admis et ne peuvent être privés de leurs grades que conformément à ce qui sera déterminé par la loi voulue par les dispositions de l’article 124 de la constitution, tandis que les officiers commissionnés ne sont admis que pour la durée de la guerre. Leurs commissions sont révocables à la volonté du ministre, mais la révocation est toujours motivée.
L’on s’occupe en ce moment de la formation des cadres d’officiers de santé.
Le nombre des officiers de santé commissionnés s’élève, comme je viens de le dire, à 125, et celui des officiers de santé brevetés dans le grade qu’ils remplissent à 66, et celui des officiers de santé brevetés, mais commissionnés dans un grade supérieur, à 41. Total 107 officiers brevetés.
Dès que le cadre dont je viens de parler sera définitivement arrêté, des brevets seront accordés jusqu’à concurrence du nombre qui sera déterminé par ce cadre. Mais, comme l’article 124 de la constitution, qui s’oppose à ce qu’un officier breveté soit privé de son grade, ne permettrait pas de revenir sur la nomination de médecins dont les connaissances ne présenteraient pas toutes les garanties nécessaires, mon intention est de n’accorder désormais des brevets qu’à ceux dont les capacités auront été constatées par un jury d’examen nommé ad hoc.
Les cadres sont loin d’être au complet : les exigences du service m’ont obligé à y introduire presque tous les médecins reçus docteurs ou diplômés qui en formaient la demande et présentaient quelque garantie. Malheureusement ce nombre a été fort limité, parce qu’en effet, indépendamment de l’instruction que doit avoir le médecin civil, l’officier de santé doit posséder les connaissances chirurgicales, théoriques et pratiques, les plus étendues et si l’on conçoit facilement qu’un jeune médecin veuille commencer sa carrière dans le service militaire, on ne peut penser qu’un médecin ayant une clientèle puisse l’abandonner pour une carrière qui présente si peu d’avenir et qui est si en dehors des penchants ordinaires de l’homme.
Il y a, j’en conviens, quelques exemples de révocation de commissions ; mais ces exemples sont rares et n’ont eu lieu que pour des motifs nettement formulés et positivement prouvés ainsi que j’aurai plus tard l’honneur de vous l’exposer.
Ayant répondu aux diverses observations de l’honorable préopinant, je termine en prenant l’engagement de faire imprimer très prochainement les tableaux statistiques dont il a fait la demande.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai quelques mots à dire sur l’article en discussion. D’abord il ne suffit pas, comme l’a dit M. le ministre de la guerre, que l’on ait le droit de démissionner les officiers du service de santé. Il suffit qu’on ait le pouvoir de le faire pour que ce soit un abus dans l’une des branches de l’administration de la guerre.
Je conçois que si l’on eût employé dans toutes les parties de l’armée le système d’accorder aux officiers la faculté de remplir l’emploi d’un grade supérieur, tout en conservant le titre du grade inférieur, une semblable mesure, comme mesure générale, eût été un véritable bienfait. Mais c’est une mesure toute spéciale que l’on a prise et qui ne s’applique qu’à une seule branche de l’administration, au seul service de santé. Qu’en résulte-t-il ? C’est que les officiers attachés à ce service sont placés dans une position exceptionnelle et sont indépendants de l’administration supérieure.
Voici le chiffre fourni l’année dernière à la section centrale sur le nombre des officiers de santé employés dans l’armée.
Ce nombre s’élevait dans tous les grades à 223. Dans ce nombre, il n’y en avait que 58 qui fussent brevetés, c’est-à-dire un peu plus d’un cinquième. De manière que les 4/5 des officiers de santé sont subordonnés au caprice de l’administration supérieure de cette arme.
A la vérité, dans ce nombre, il se trouvait encore 38 officiers commissionnés dans un grade supérieur et brevetés dans un grade inférieur. Il n’en est pas moins vrai que la grande majorité des officiers de santé, 130 sur 223, n’ont que de simples commissions. Je ferai cette question à M. le ministre de la guerre : Ou ces officiers sont capables, ou ils ne le sont pas. S’ils sont capables, accordez-leur un brevet : s’ils ne le sont pas, renvoyez-les. Car je n’aime pas qu’un homme incapable vienne faire des expériences sur le corps de nos soldats. Nous ne sommes plus au temps où l’on disait : Fiat experimentum in corpore vili. Si ces officiers sont capables, traitez-les comme tous les officiers de l’armée. Car ils ont les mêmes droits qu’eux.
Je concevrais encore cette mesure, si elle s’étendait jusqu’à l’inspecteur général du service de santé. Mais M. l’inspecteur général est breveté. Il se trouve par conséquent dans les conditions les plus favorables à son grade, tandis que les autres officiers lui sont entièrement subordonnés. Il n’y en a que le quart qui soit dans les conditions voulues par la constitution.
La constitution a dit que les officiers ne peuvent être privés de leurs grades que conformément à la loi. Or, je le demande, un officier de santé qui a exercé en vertu d’une commission l’emploi d’un grade dans cette branche du service militaire, n’est-il pas, pour ainsi dire, identifié à ce grade, de manière que le lui enlever serait le replacer dans l’emploi inférieur pour lequel il est breveté ? N’est-ce pas le frapper d’une mesure équivalente à une destitution ?
Serait-ce que le nombre de ces officiers de santé est trop grand, en supposant notre armée sur le pied de paix ? Non, messieurs, car M. le ministre nous demande une école pour le service militaire de santé, pour compléter le nombre des officiers de cette branche du service militaire. C’est que, loin d’être trop considérable, ce nombre n’est pas suffisant. Alors, quel besoin a-t-on de maintenir ces officiers dans un provisoire continuel ? Il y a véritablement quelque chose d’immoral dans cette mesure.
Si elle était prise dans l’intérêt du trésor, on pourrait peut-être l’excuser. Mais les officiers de santé reçoivent le traitement affecté au grade pour lequel ils ont une commission, et non pas pour le grade inférieur dont ils ont le brevet. Je dis que le traitement ne doit être que le traitement attaché à chaque grade. Quand une personne dessert un grade supérieur, elle n’a pas droit au traitement de ce grade. C’est ainsi que quand le grade de colonel est vacant dans un régiment, si c’est un lieutenant-colonel ou un major qui dessert ce grade, l’Etat ne paie à l’officier faisant les fonctions de colonel que le traitement de lieutenant-colonel ou de major.
C’est cependant l’inverse que l’on fait dans le service de santé ; et pourquoi tout cela ? pour tenir les officiers de santé dans une dépendance qui n’existe que dans cette administration. Je ne puis donc m’empêcher de blâmer M. le ministre de la guerre d’avoir maintenu ce service dans la situation exceptionnelle où il se trouve sans motif.
Depuis quelque temps, les journaux nous ont entretenus d’abus très nombreux qui ont eu lieu dans l’administration du service de santé. Ces abus ont eu un tel retentissement dans le public, qu’il est impossible que la tribune nationale ne demande pas à M. le ministre de la guerre de s’expliquer à cet égard.
Il en est quelques-uns qui paraissent très graves et sur lesquels je désirerais obtenir des explications. L’on a cité un fait relatif à une livrance de charpie, lequel est extrêmement grave. Cette livrance de charpie aurait été rejetée à quatre reprises différentes. Un médecin dans lequel j’ai personnellement la plus grande confiance, parce qu’il a donné des gages à la révolution, un médecin très honorable de l’armée, dis-je, chargé d’examiner cette charpie, aurait adressé à l’administration un rapport tout à fait défavorable. Il aurait été jusqu’à déclarer que cette charpie, formant une livrance considérable, était tellement détériorée qu’elle était de nature à engendrer la pourriture des hôpitaux. Eh bien, messieurs, après le quatrième rejet de cette charpie reconnue mauvaise par les experts, l’on aurait eu recours à des officiers de santé dont l’un était commissionné, et par conséquent sous la dépendance du ministre de la guerre, et ainsi cette charpie aurait été reconnue bonne en dernière analyse.
Si ce fait est exact, il est extrêmement grave. Je désirerais que M. le ministre voulût bien me donner des explications à cet égard. Le fait a fait trop de bruit pour qu’il ne soit pas éclairci. Je désirerais surtout que M. le ministre déposât sur le bureau le rapport du médecin auquel j’ai fait allusion, afin que nous voyions si réellement des officiers de santé ont admis dans les hôpitaux des médicaments de nature à compromettre la santé des soldats.
L’on a signalé d’autres faits encore. J’insiste pour que M. le ministre nous donne des explications sur tous ces faits. Ils sont d’une gravité telle que la législation a le droit d’interroger M. le ministre sur leur véracité.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je répondrai à l’interpellation qui m’a été faite par l’honorable préopinant.
Je dois d’abord faire observer que le tableau qu’il a cité n’est pas exact (en ce que c’est le tableau de 1834). Voici l’état du personnel du service de santé à l’époque du 18 décembre 1835 :
(Erratum inséré au Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1836 :) Sur 232 officiers de santé dont se compose ce service,
66 sont brevetés dans leur grade,
41 sont commissionnés dans un grade supérieur et brevetés dans un grade inférieur,
Donc 107 officiers de santé ont des brevets.
Il n’y en a que 125 qui n’ont que des commissions, et dont la majeure partie se compose de médecins adjoints ou diplômés.
Total : 232.
J’ai donné des brevets aux officiers de santé qui ont rendu des services réels et qui possédant des connaissances supérieures, m’offrent la garantie qu’ils pourront rester définitivement dans les cadres lorsque l’armée sera organisée sur le pied de paix.
Je vais maintenant donner connaissance d’un relevé des officiers de santé sous le rapport de leur capacité. Je laisse de côté les pharmaciens et je ne m’occupe que des médecins qui sont au nombre de 191.
Sur ces 191,
98 ont un diplôme délivré par une université ;
22 n’ont que des diplômes délivrés par les commissions provinciales ;
71 n'ont aucune espèce de diplôme.
Ces 71 officiers font partie du nombre de 125 qui n’ont que des commissions provisoires.
On a parle de beaucoup d’abus qui auraient été signalés dans la pharmacie centrale. J’ai ordonné des inspections qui me mettront à même de connaître ce qui en est des abus signalés. Quant à la livrance de charpie dont a parlé l’honorable M. Dumortier, je dois déclarer que ce fait est inexact et que l’inspecteur général du service de santé s’est pourvu en calomnie contre l’éditeur du journal où ce fait a été signalé.
A cet établissement sont attachés un pharmacien de 1ère classe, directeur, un pharmacien de 2ème classe et un pharmacien de 3ème classe.
L’organisation de cet établissement est très bien entendue, et toutes ses opérations sont scrupuleusement surveillées.
Les experts veillent à ce que les meilleurs médicaments, etc. soient reçus ; d’autre part, les règlements veulent que les chefs de service examinent la qualité de ceux-ci à leur arrivée dans les hôpitaux et infirmeries, et s’ils ne sont pas de bonne qualité et convenables, ces mêmes chefs sont tenus à les refuser.
On a dit que le linge n’est pas trop bon ; cela provient de ce que l’on n’en a pas acheté du neuf depuis 18 mois. (erratum inséré au Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1836 :) L’on a utilisé le vieux linge que j’ai fait verser dans les magasins.
La nécessité d’en avoir quelques pièces de neuf m’a porté à en ordonner la mise en adjudication pour 1835.
Il ne s’est présenté, dans le temps, aucun adjudicataire pour la charpie : une partie, d’une qualité inférieure, refusée par les experts, lorsqu’elle était fournie par contrat, a été achetée depuis, à moitié prix de celui de l’adjudication et elle a été utilisée avec fruit dans nos hôpitaux. C’est une économie réelle, mais elle a donné matière à des plaintes. Il n’y a pas eu pour 10,000 fr. de charpie achetée depuis la révolution.
La farine de lin, reçue à la pharmacie centrale, est celle de tourteaux, d’une qualité supérieure. C’est la même espèce qui est en usage dans tous les hôpitaux tant civils que militaires de Belgique et de France.
Cette farine a toutes les qualités requises ; son prix est beaucoup inférieur à celui de la farine provenant de la pulvérisation de la graine, et il serait contraire à la saine raison d’en employer d’autre.
Partout les comptabilités sont tenues avec un grand soin ; on y veille scrupuleusement, et la vérification s’est faite avec la plus sévère attention dans les bureaux de l’inspecteur général du service de santé, dont je me fais un devoir de faire ici l’éloge qu’il mérite.
Il m’est encore revenu une plainte sur laquelle je crois devoir donner des éclaircissements. L’on m’a dit aussi que tous les draps de mauvaise qualité que par mesure d’économie j’avais fait remettre à la pharmacie centrale, avaient été cotés comme achetés, ce qui eût constitué un véritable vol, une dilapidation. J’ai demandé un rapport sur ce fait. Voici celui qui m’a été adressé :
La côte des médicaments, etc, fournis par la pharmacie centrale est une affaire de convention et n’entre pour rien en comptabilité, car les comptabilités pharmaceutiques des hôpitaux pourraient fort bien se rendre en quantités, et cela suffirait à l’administration qui obtiendrait tous ses apaisements sur la recette et la dépense des objets confiés aux comptables.
Mais si l’on donne une valeur (toute de convention, je le répète) aux objets dépensés, c’est pour connaître le coût des journées de malades et constater quels sont les services dirigés avec le plus d’économie.
Tous objets quelconques entrant à la pharmacie centrale sont cotés. On n’a pas cru devoir changer la cote, pour des parties de linge reçues des dépôts des corps, parce que ce linge rendait un service à peu près égal à celui qui était acheté neuf, et qu’il serait superflu et embarrassant de modifier à tout propos et sans nécessité un prix courant qui doit servir pour plusieurs années.
J’ajouterai surabondamment que ce vieux linge n’est porté en compte, ni au service sanitaire, ni à celui des prisons, et s’il est coté, ce n’est que pro memoria.
En définitive, la cour des comptes ne délivre des mandats que pour les objets achetés. En utilisant ainsi le vieux linge des casernes, j’ai fait une économie réelle, et les sommes qui eussent dû être employées pour l’achat du neuf, ou restent disponibles ou sont employés à l’achat des médicaments, etc.
Il faut, en conscience, être bien mal avisé pour faire un grief d’une chose si simple.
C’est donc pour un travail statistique que j’ai fais faire à la fin de l’année que l’on cote ainsi les effets. Comme ce travail se classe par chiffres, il faut donner une valeur à tous les effets et médicaments qui ont été employés et consommés dans le courant de l’année. C’est alors que l’on donne pour mémoire une cote aux effets usés envoyés à la pharmacie centrale.
J’ai passé avant-hier l’adjudication de tous les médicaments nécessaires à la pharmacie centrale et sur les prix moyens du commerce. J’ai obtenu des rabais de 32, 29, 18 et 12 p. c. Ainsi cette adjudication a été faite à un taux très favorable, malgré que nous exigions les froments, grains, substances, etc., de la meilleure qualité et dont la réception est soumise à des expertises.
M. de Jaegher. - Lors de la discussion de la demande de crédit supplémentaire faite en 1834 par M. le ministre de la guerre, l’honorable M. d’Huart, alors simple député, demanda à M. le ministre ce que devenait l’excédant de la solde des militaires traités dans les hôpitaux. M. le ministre répondit cet excédant n’était pas perdu pour le trésor, qu’il restait dans les caisses des corps, et qu’il servait à des améliorations introduites dans le service des hôpitaux. J’ai fait faire, dit alors M. le ministre de la guerre, 400 lits en fer au moyen de ces fonds. Du reste, je ne demande pas mieux de soumettre au contrôle de la cour des comptes la comptabilité de cet excédant.
Cette déclaration de M. le ministre de la guerre m’engage à lui demander s’il a, en effet, rempli la promesse que je viens de lui rappeler.
Quant au personnel du service de santé, je ne puis qu’applaudir à la résolution qu’a prise M. le ministre de ne faire des nominations définitives qu’avec beaucoup de ménagements.
Il est de fait que parmi les officiers de santé commissionnés, il en est plusieurs qui ne possèdent pas les connaissances requises pour leur grade. Mais je demanderai à M. le ministre s’il ne conviendrait pas de faire un appel aux jeunes gens qui ont embrassé la carrière médicale. L’on pourrait attacher ainsi des hommes capables au service de santé de l’armée en leur assurant des avantages convenables. Il est beaucoup de jeunes médecins qui s’établissent dans les communes, sans trop de perspective. Si des avantages leur étaient accordés, je suis sûr qu’ils changeraient volontiers leur position actuelle pour un brevet d’officier de santé dans l’armée.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Conformément à la promesse que j’ai faite en 1834, de soumettre au contrôle de la cour des comptes les dépenses faites sur l’excédant de la solde des militaires dans les hôpitaux, j’ai successivement transmis à la cour des comptes la comptabilité des exercices 1831, 1832 et 1833. Comme cette comptabilité est très volumineuse, la cour des comptes m’en a accusé réception et m’a prévenu qu’elle s’occuperait de la vérification définitive des pièces. C’est rempli l’engagement que j’avais pris.
Quant au boni qui provient de l’excédant des recettes sur les dépenses dans quelques-uns des hôpitaux, il arrive parfois que des hôpitaux qui ont plus de dépenses à faire que leurs recettes ne le permettent, prélèvent leur surplus de dépenses sur l’excédant des recettes d’autres hôpitaux.
Mais en définitive le boni des hôpitaux s’élevait, au 18 octobre 1835, à 106,117 fr. déposés dans les caisses de l’Etat. Comme je vis que je pouvais disposer d’une partie de cette somme sans compromettre le service, (erratum inséré au Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1836 :) je décidai qu’il serait donné suite à la première fourniture de 400 lits en fer dont j’avais été très satisfait, M. l’inspecteur général m’ayant fait connaître tous les bons effets de ce nouveau mode de couchage.
J’ai passé par voie d’adjudication publique un marché de 1,000 couchettes en fer au prix de 50 francs chacune, ce qui a absorbé 50,000 fr. sur les 106,000 disponibles. Il restera 56,000 pour le service courant des hôpitaux, qui ont besoin d’avoir constamment une somme d’argent en réserve pour certaines dépenses à payer comptant.
Quant aux jeunes docteurs, je dirai que tous ceux qui se sont présentés en 1835 ont été admis au service. Et voici le relevé exact ainsi que quelques détails sur les révocations de commission.
Ce qui prouve combien il est inexact d’avancer que je ne veux pas admettre au service des jeunes gens diplômés lorsqu’il s’en trouve sur la liste des postulants, c’est que, dans le courant de cette seule année 1835, j’en ai commissionné 25 sur 30 vacatures qui ont eu lieu.
Les 5 autres places ont été données comme suit :
Une à un élève médecin de 1ère classe de l’armée, déjà candidat ;
Une à un ex-officier de santé de la garde civique ;
Une à un candidat en médecine qui avait rendu des services dans un de nos hôpitaux ;
Deux enfin à de jeunes pharmaciens, sur le point de passer leur dernier examen devant la commission médicale de la province.
Passons maintenant aux révocations.
Il y en a eu quatre dans le courant de 1835.
Une pour refus absolu de servir ou plutôt pour désertion ;
Deux pour des faits dont il est dans l’intérêt des révoqués de ne point entretenir la chambre, tant ils sont accablants pour ceux-ci.
Une pour incapacité constatée ; et puisqu’il s’agit de ces révocations de commissions, il est bon de constater qu’elles n’ont eu lieu, jusqu’à ce jour, que pour satisfaire aux exigences mêmes des chambres qui ont, à plusieurs reprises, demandé des réductions dans le personnel du service sanitaire de l’armée ; et lorsque, d’autre part, les motifs les plus graves, toujours bien constatés, ne permettaient plus de maintenir les révoqués dans les fonctions qui leur avaient été confiées.
Je dois dire néanmoins que, pour ce qui concerne cette dernière catégorie, l’administration est toujours restée beaucoup en deçà des demandes des chefs de service.
En voici une preuve :
Pendant la seule année 1832, un de nos médecins principaux, alors chargé du service de la 2ème division, a demandé, soit la révocation, soit le déplacement de dix de ses subordonnés.
Il en est même un dans le nombre, dont la révocation a été sollicitée, au moment où il était mourant, par suite d’une affection contractée au service.
Eh bien ! l’administration a constamment résisté à cette exigence et n’a consenti qu’au renvoi de deux ou trois seulement des plus mal notés.
Au nombre de ceux qui ont vu leur commission de médecin de bataillon révoquée sur la demande de ce médecin principal se trouve ce même M. Spruyt, au sujet duquel un article inséré récemment dans un journal accusa de despotisme et de tyrannie l’inspecteur du service de santé.
J’ai pris note de ces rapports que je tiens en mains, ainsi qu’une lettre d’un médecin principal qui, indépendamment de toutes les autre preuves, servira à démontrer comment il appréciait jadis la conduite que M. Vleminck a constamment tenue à son égard.
Je finis en faisant remarquer que jamais les révocations n’ont été plus nombreuses que lorsque le médecin principal en question était chef de service à l’armée active et avait sous ses ordres un grand nombre de subordonnés.
M. A. Rodenbach. - Lorsque j’ai demandé la parole, je me proposais de parler du vieux linge qu’on dit être fournir par les régiments et qu’on faisait figurer en ligne de compte pour 18 mille fr. ; je voulais demander ce qu’on faisait de ces 18 mille fr.
Le ministre ayant donné des explications sur ce point, je n’y reviendrai pas. Mais je dois dire que depuis quelques temps la presse signale une foule d’abus dans le service des hôpitaux.
Je crois bien qu’il y a de l’exagération dans les plaintes que font entendre les journaux de l’opposition ; cependant, au travers des exagérations des attaques, on voit percer du vrai. On a beaucoup parlé de livraisons de sangsues.
Il est fort rare que les plaintes de cette nature soient des calomnies gratuites. On a signalé de mauvaises livraisons de quinine qu’on aurait falsifié en y faisant entrer des matières blanches. Je sais qu’il y a des moyens de s’assurer si du quinine a été falsifié, mais il paraîtrait qu’on n’a pas fait cette expérience.
Quant au marché de charpie, l’honorable M. Dumortier soutient qu’il a été refusé quatre fois et qu’il a été reçu à une cinquième présentation. Cet honorable membre vous dit qu’un rapport existe constatant qu’un chirurgien-major a rejeté quatre fois de la mauvaise charpie, qu’il considérait comme pouvant envenimer les plaies loin de la guérir, et qu’un autre chirurgien-major a cru pouvoir la recevoir.
Si ce rapport existe, il doit se trouver dans les bureaux de la guerre, et M. le ministre peut se le faire présenter.
Je le prie de porter toute son attention sur ce qui se passe dans la pharmacie centrale et de faire tous ses efforts pour faire disparaître les abus qui peuvent s’y trouver ; car si les matières qu’on emploie sont de mauvaise qualité, la santé de nos soldats peut s’empirer au lieu de s’améliorer, et leur vie peut se trouver compromise.
J’invite de nouveau M. le ministre à se faire produire le rapport du chirurgien qui a rejeté quatre fois la charpie qui a été admise ensuite. La réponse sur ce point ne m’a pas paru satisfaisante ; et dans les questions de cette nature, les explications incomplètes font faire des réflexions pénibles.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne conçois pas l’insistance avec laquelle on revient sur un fait signalé par un journal que de la charpie refusée quatre fois par un chirurgien-major, aurait été ensuite reçue par un autre chirurgien, lorsque le ministre déclare qu’il n’a pas eu connaissance de ce fait et que le journal qui l’a avancé est attaqué en calomnie par le chef du service de santé. La prudence semble commander d’attendre l’issue de cette action en calomnie, pour voir de quel côté est la bonne foi et la raison.
Ne donnons pas trop d’appui à ces sortes de réclamations ; celle-ci provient peut-être d’un médecin mécontent qui, dans sa mauvaise humeur, prétend avoir fait un rapport contre des objets qui malgré cela on aurait acceptés, pour des motifs plausibles.
Attendons, je le répète, que l’action intentée devant les tribunaux soit vidée, et j’espère que l’inspecteur-général du service de santé prouvera qu’il a été véritablement calomnié.
M. Dubus. - Je veux faire une simple observation sur ce que vient de dire M. le ministre des finances. A l’entendre, le fonctionnaire inculpé ayant porté plainte en calomnie, on devrait attendre l’action des tribunaux. Pour moi, je ne crois pas que le ministre doive se reposer sur cette circonstance qu’il y a plainte en calomnie, et attendre tranquillement dans son fauteuil que les tribunaux aient prononcé. Cette poursuite peut n’amener que bien tard une solution, et entre-temps le mal continuerait. Je crois que le ministre doit faire une enquête administrative pour constater les faits, et s’il est constaté qu’on a accepté de mauvaise charpie, il ne saurait prendre trop tôt une mesure pour y porter remède. Cette mesure est commandée par l’intérêt de la santé de nos soldats.
Je ne puis admettre cette doctrine que le ministre doive attendre que l’action en justice ait amené un résultat pour se livrer à des investigations. Je pense que le ministre a un moyen de constater les faits qui lui ont été signalés, puisqu’on dit que le rapport qui les concerne se trouve dans les bureaux du ministère.
Il doit exercer une grande surveillance sur toutes les parties de l’administration et particulièrement sur le service de santé qui donne lieu à tant de plaintes.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les observations de l’honorable préopinant sont très justes. Dès l’instant que ce fait m’est signalé, c’est à moi à prendre des informations. Je me ferai remettre le rapport sur cette charpie qui aurait été rejetée quatre fois et qui ensuite aurait été reçue.
Quant à la charpie qu’on a achetée, je ne pourrais que répéter ce que j’ai dit tout à l’heure.
Je me ferai rendre compte de cette affaire, et quand j’aurai réuni toutes les pièces, je pourrai donner des explications plus précises.
M. Dumortier. - J’aurais quelques mots à répondre aux ministres qui ont parlé avant mon honorable ami.
Il est constant qu’on ne peut pas empêcher les investigations de la chambre sur un fait, parce que ce fait a donné lieu à une action en calomnie. Car il pourrait se faire que la personne inculpée ne pût prouver la vérité de ce qu’elle a avancé, et que cependant le fait fût exact. Dans tous les cas l’action en calomnie portée par un fonctionnaire ne peut arrêter nos investigations. Cependant le ministre des finances a dénié l’exercice de notre mandat en disant qu’une plainte en calomnie avait été portée.
Le ministre vous a dit : Le fait est inexact et en disant cela, on croit avoir répondu à tout.
Si je vous disais moi que je tiens en main la preuve que les allégations contenues dans le discours du ministre sont inexactes ?
J’ai posé des chiffres sur le service de santé, et le ministre a dit qu’ils n’étaient pas exacts. Je tiens en main le tableau dans lequel j’ai pris ces chiffres, et qui est de la main même du ministre.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai dit que dans l’état actuel ces chiffres n’étaient pas exacts.
M. Dumortier. - J’ai déclaré en commençant que l’état dont je me prévalais était celui qu’on avait présenté l’an dernier à la section centrale, l’état du personnel en 1834.
Maintenant je vais rencontrer l’objection de M. le ministre. 71 officiers de santé, dit-il, sont sans diplôme ; nous ne pouvons pas leur donner de brevet définitif. M. le ministre de la guerre a raison. J’approuve fortement sa sage réserve en cette circonstance. Il est incontestable que ceux qui n’ont pas de diplôme ne peuvent pas plus être officiers de santé dans l’armée que dans le civil. J’appelle de tous mes vœux le jour où ceux qui font partie du service de santé dans l’année pourront faire leurs preuves.
Mais mettez de côté ces 71 officiers de santé non diplômes ; sur les 165 qui restent, et qui sont diplômés, vous en avez encore 54 qui ne sont pas brevetés, qui sont dans un état de dépendance. Cependant l’état des officiers de santé doit être aussi bien garanti que celui des autres officiers de l’armée. Je ne vois pas pourquoi on établirait une exception à l’égard du service de santé.
Parmi les officiers diplômes chargés de ce service, les uns sont brevetés et les autres ne sont que commissionnés, et n’ont que des fonctions provisoires ; c’est un véritable abus qu’il importe de faire cesser.
M. le ministre, en parlant du vieux linge que les corps remettent aux hôpitaux, a dit qu’on avait donné au vieux linge une valeur de convention, afin d’évaluer ce que coûtait un soldat à l’hôpital.
Je ferai observer que ces valeurs de convention, résumées en chiffres et portées en compte, sont de nature à embrouiller la comptabilité. Je ne comprends pas comment il est possible de tirer au clair une comptabilité où on fait figurer des chiffres qui ne sont pas des dépenses réelles. Cela prête manifestement à la fraude, et la cour des comptes doit être fort embarrassée pour liquider de pareils comptes.
Pour en revenir au fait relatif à la charpie, je désirerais que M. le ministre voulût bien déposer les rapports faits par les médecins.
Une simple dénégation ne vous suffit pas. Si un fonctionnaire a cru son honneur attaqué, il a eu raison de poursuivre, il était dans son droit. Mais nous, nous avons aussi un devoir à remplir. Nous devons nous assurer si la santé de nos soldats n’a pas été compromise par la réception de mauvaise charpie et pour cela, il faut que les pièces relatives à cette affaire soient déposées sur le bureau. J’insiste pour que M. le ministre veuille bien faire ce dépôt. S’il s’y refusait, chacun de nous pourrait penser ce qu’il voudrait de ce refus.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai eu la précaution de dire que les chiffres cités par l’honorable préopinant n’étaient pas exacts en ce qu’ils se rapportaient à l’exercice 1834, et que j’allais avoir l’honneur de présenter à la chambre les chiffres de 1835, et j’ai fait remarquer qu’il y avait eu différence ; comme vient de le reconnaître l’honorable préopinant, nous n’avons plus que 54 officiers ayant des diplômes de l’université ou des commissions provinciales qui ne soient pas brevetés.
Maintenant je crois avoir démontré que les chiffres que j’ai donnés sont exacts.
Quant au linge remis aux hôpitaux par les corps, je ne le fais porter en compte que pour ordre et seulement pour les renseignements statistiques que je demande, afin d’établir la dépense journalière du soldat traité dans chacun des hôpitaux du royaume.
Je tiens en mains la comptabilité de la pharmacie centrale, et il n’y a pas une seule somme en numéraire. La comptabilité n’était tenue qu’en matières et non en valeur. L’évaluation qui a été donnée au vieux linge ne figure que dans les renseignements statistiques et nullement dans les comptes de dépenses.
Quant à la charpie dont la mauvaise qualité aurait été capable d’envenimer les plaies, c’est la première fois que j’en entends parler. Je ferai prendre des informations positives pour m’assurer si ces accusations sont fondées.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il est inutile d’insister davantage sur ce point. Je ferai cependant observer que je n’ai pas dit que le ministre de la guerre ne devait pas faire d’investigations sur le fait qui était signalé.
J’étais persuadé au contraire, quoiqu’il n’en dît rien, qu’il prendrait des renseignements sur tous les prétendus abus dont on avait parlé.
Lorsque j’ai pris tantôt la parole je voulais seulement faire remarquer qu’il pourrait n’être pas très prudent d’insister sur un fait dont les tribunaux étaient saisis, et que prétendre qu’on avait refusé quatre fois un marché de charpie, qui aurait été accepté à une cinquième présentation, c’était donner des armes à une des parties qui vont se trouver devant la justice.
Voilà quel était le but de nos observations. Je pense, je le répète, que la chambre ne doit pas, quant à présent, pousser plus loin ses investigations, parce que les tribunaux auront bientôt à s’occuper de cette affaire.
- L’article premier du chapitre 3 montant à 25,250 francs, administration centrale du service de santé, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Pharmacie centrale : fr. 107,000. »
M. le président. - La section centrale propose de n’allouer que 83,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je me suis rallié à la proposition de la section centrale par la raison que la chambre ayant bien voulu m’accorder l’année dernière un supplément de crédit de 66 mille francs, sur les cent mille francs que j’avais demandes pour achat de médicament, et qu’ayant différé d’en faire usage parce que, pour les sangsues, on voulait me faire payer 270 fr. ce que j’avais payé 60 fr. précédemment, je n’ai pas dû employer tout mon crédit supplémentaire à l’achat des sangsues et j’ai pu acheter d’autres médicaments. De sorte que les hôpitaux se trouvent bien approvisionnés. Je pense dès lors que les 83 mille fr. que propose d’allouer la section centrale, suffiront pour l’année 1836.
M. le président. - M. Dumortier n’aurait-il pas une réduction à demander sur cet article, par suite de la suppression qu’il propose des ambulances.
M. Dubus. - Je rappellerai à la chambre que, sur la demande de M. Dumortier, son amendement a été ajourné au second vote, et qu’après cet ajournement on a adopté plusieurs chiffres qui devraient être modifiés, si l’amendement était adopté.
- Le chiffre de 83 mille fr. proposé par la section centrale à l’article 2 est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole pour faire remarquer qu’il s’est glissé une irrégularité dans la manière de procéder lorsqu’on a décidé que l’amendement de M. Dumortier serait discuté au second vote.
De cette manière, contrairement au règlement, un amendement ne serait voté qu’une fois, tandis que le règlement prescrit de la manière la plus expresse de remettre tout amendement en discussion, 24 heures au moins après son adoption. Il serait plus régulier de remettre cet article ajourné en discussion avant le second vote.
M. Dubus. - Je pense qu’on pourrait voter conditionnellement sur cet amendement, sauf à y revenir au second vote.
Quel a été le motif de l’ajournement ? C’est que dans l’intervalle un fait pourrait se trouver vérifié qui permettrait à la chambre et au gouvernement de modifier certaines allocations. Si ce fait venait à se vérifier avant le second vote rien n’empêcherait qu’on fît subir cet amendement deux votes successifs pour satisfaire à l’article du règlement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - C’est moi qui ai demandé l’ajournement de la proposition de M. Dumortier, par la raison, qu’il résultait des renseignements qui m’étaient parvenus que toutes les administrations existaient encore dans l’armée hollandaise et que je désirais en avoir de nouveaux avant de prendre une décision relativement à la proposition faite. J’aurai ces renseignements sous peu de jours et j’agirai en conséquence.
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1836) « Art. 3. Hôpitaux : fr. 241,695 26 c. »
M. le président. - La section centrale propose de n’allouer que 222,045 fr. 26 c.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je ne me rallie pas à la réduction proposée. Je vais en exposer les motifs.
Cette somme de 19,650 fr. est celle que j’avais demandée pour les traitements des élèves en médecine et en pharmacie, et pour le supplément de traitement à accorder aux professeurs chargés de faire les cours. J’ai eu l’honneur de présenter à la chambre un projet de loi au nom du gouvernement et en attendant que la chambre s’en occupe, je crois devoir présenter quelques considérations qui militent en faveur du chiffre que j’ai demandé.
Et d’abord je ferai observer que le projet de loi pour l’érection d’une école de médecine milliaire à moins pour but la création de l’école elle-même que de conférer aux professeurs de celle-ci le pouvoir de donner aux élèves, qui y seront formés, le droit de pratiquer la médecine, la chirurgie, etc., dans l’armée, sans qu’ils soient possesseurs d’un diplôme de docteur, exigé par la loi de mars 1818.
Ce dernier point seulement, ainsi que je l’ai déjà dit, était à régler par la législature ; le restant était du domaine du pouvoir exécutif.
L’arrêté du 9 octobre dernier m’autorise à faire ouvrir des cours sur toutes les parties de la médecine, chirurgie, etc., pour les officiers et les élèves du service de santé. C’est pour faire ouvrir, en attendant le vote de la loi, que je demande une allocation de 19.000 fr. Car, qu’on veuille bien le remarquer, l’arrêté du 9 octobre n’a point pour but de créer l’école dont il est question dans le projet de loi proposé, c’est-à-dire une école « dont les professeurs auront le pouvoir de conférer le droit la médecine dans l’armée, » mais il se borne à prescrire des mesures « tendant à parvenir à la reconstitution de cette école, » lorsque la loi sera votée.
Il n’y a donc rien de commun entre la demande des fonds, pour le but auquel ils sont destinés, et le projet de loi présenté, la demande des fonds ayant exclusivement pour objet de permettre l’exécution de l’arrêté de 9 octobre ; en d’autres termes, à augmenter les connaissances tant théoriques que pratiques des officiers et des élèves du service de santé, et ne préjuge point par conséquent la question principale.
Et quand bien même cette concordante existerait (ce qui n’est point) d’après ce que je viens de dire, les fonds demandés n’en devraient pas moins être alloués. Il est maintenant, en effet, universellement reconnu que l’érection d’un hôpital d’instruction est non moins indispensable à l’armée comme pour l’école militaire. Or, les chambres n’allouent-elles pas chaque année des fonds pour cette dernière, en attendant la loi qui doit la créer ?
Et pourquoi le faites-vous, messieurs ? Parce que vous en reconnaissez la nécessité, l’urgence. Eh bien, cette nécessité, cette urgence existent pour le service de santé de l’armée comme pour l’école militaire. Elle est telle, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire au commencement de cette discussion, que ce service est sur le point de chômer, si le remède que je propose n’est pas instantanément adopté.
En supposant, en effet, que de jeunes médecins se présentassent en assez grand nombre pour remplir les vides que laissent les démissions, décès, etc., ce qui ne peut se présumer, d’après une expérience de cinq années, il faudrait toujours les moyens d’augmenter leur instruction pratique ; car, ainsi qu’on l’a dit, la théorie ne saurait suppléer à cette dernière, et l’on ne peut plus vouloir que le service de tout un bataillon soit confié à l’inexpérience d’un jeune homme, qui, jusque lors, n’a point traité un seul malade, n’a point pratiqué une seule opération, n’en a pas même vu faire. Trop d’inconvénients, je dirai même trop de malheurs, en ont été le résultat.
Il est, d’autre part, indispensable d’ouvrir, sans plus tarder, des sources d’instruction aux officiers de santé déjà au service, et spécialement aux jeunes médecins adjoints, afin de pouvoir les rendre aptes à avancer en grade et à occuper les nombreuses médecins de bataillon, qui sont vacantes dans l’armée.
Ajourner l’allocation que je sollicite jusqu’après le vote du projet de loi, c’est nous renvoyer à une époque nécessairement éloignée et maintenir, par conséquent, pendant un long espace de temps encore un état de choses qui devient de jour en jour plus préjudiciable à l’armée et auquel, je vous le déclare de la manière la plus sérieuse, il est urgent de mettre un terme.
La section centrale, en retranchant du chapitre en discussion les allocations demandées pour l’ouverture des cours de médecine, etc., n’a point fait attention qu’elle ne laissait subsister aucun fonds pour les élèves, tant médecins que pharmaciens, qui existent en vertu d’un arrêté du régent du 2 juillet 1831.
Vous n’aurez pas oublié, messieurs, que chaque année vous avez voté des fonds pour un certain nombre de ceux-ci actuellement en activité de service. Ce nombre, aux termes de l’arrêté susdit, peut être porté à 20, et je l’ai réduit à 16.
Si vous voulez bien ne pas perdre de vue cette considération, vous remarquerez que la somme demandée pour l’ouverture des cours susmentionnés s’élève tout au plus à 10,000 francs. Cette dépense est trop faible pour que vous hésitiez à la sanctionner, en prenant en considération les immenses avantages que l’armée doit en recueillir.
M. Dumortier. - Je viens m’opposer à l’allocation demandée. Il ne me sera pas difficile, je pense, de faire partager ma conviction à la chambre. Je suis convaincu que l’établissement d’une école de médecine militaire est complètement inutile. Le gouvernement a tous les moyens nécessaires d’organiser le service de santé ; il n’est pas besoin pour cela de créer une troisième université de l’Etat. Nous avons voulu qu’il y eût deux universités de l’Etat ; nous devons désirer qu’elles prospèrent, et pour cela il ne faut pas en créer une troisième. Le régime de liberté a donné naissance à deux universités, et si nous consentions à l’établissement d’une école de médecine militaire, nous nous trouverions avoir cinq universités.
En effet, que doit connaître un médecin militaire ? Toutes les matières de l’enseignement qu’on exige d’un médecin civil. Si vous vouliez établir une école, comme le propose le ministre, vous devriez créer une faculté de médecine et de chirurgie, et avoir des professeurs de tout ce qui se rapporte à l’enseignement médical ; vous devriez aussi créer des facultés pour l’enseignement des connaissances préliminaires et une faculté de philosophie, attendu que nul ne peut prendre ses grades en médecine, s’il n’a subi l’examen de candidat en philosophie ; une faculté de sciences, parce que, pour être médecin, il faut prouver qu’on a des connaissances en sciences.
La loi que nous avons faite est très raisonnable et très sage. On ne peut pas être médecin sans connaître la botanique, sans connaître les médicaments qu’on emploie et qui sont en partie composés de végétaux. Il est essentiel aussi qu’un médecin connaisse les éléments de la chimie, alors que les préparations chimiques sont de nature à occasionner des erreurs graves, comme l’année dernière on a eu à en déplorer dans les environs de Bruxelles.
Mais si vous reconnaissez que nous avons fait une loi sage en exigeant des médecins civils des connaissances dans les sciences, dans la philosophie et les lettres, vous devez reconnaître que le médecin militaire doit avoir les mêmes connaissances ; ainsi il faudra créer une faculté des sciences, une faculté de philosophie et des lettres près de l’école ; de sorte que réellement vous aurez une cinquième université.
Mais, pour créer une telle institution, que demande-t-on ? on demande un petit crédit de 19 mille fr. ; et l’on pense qu’avec une si petite somme on fera passer facilement la chose : le premier pas étant fait, le reste se fera sans difficulté. Je ne vois pas que la chambre doive donner son assentiment à un pareil système. L’instruction, dit la constitution, doit être réglée par la loi : il faut une loi pour régler l’instruction militaire, comme toute autre instruction.
Il faut surtout une loi pour régler l’art médical qui peut compromettre la vie des citoyens, quand il est entre les mains de personnes qui n’ont pas les connaissances nécessaires.
Il faudrait qu’une commission donnât des diplômes médicaux militaires, de manière que les médecins militaires se passassent de l’examen devant le jury : quelle serait la conséquence de cette manière d’opérer ? c’est qu’un diplômé par la commission pourrait exploiter le corps d’un soldat, mais qu’il ne pourrait exploiter le corps d’un citoyen. Car il ne pourrait traiter le moindre citoyen sans encourir les peines comminées par la loi contre ceux qui exercent l’art de guérir sans avoir subi certaines épreuves.
Nous avons assez de deux universités de l’Etat ; n’en créons pas une troisième.
Vous nous dites : Le service de santé de l’armée est sur le point de chômer si on ne vote pas les 19,000 fr. que l’on demande pour poser la première pierre de l’édifice que l’on veut construire : mais, je le répète, supprimez les ambulances, et placez les officiers de santé que vous y occupez, de manière à compléter le service de l’armée. Les médecins des ambulances n’ont rien à faire quand l’armée est en garnison. Il est inutile de créer une école à côté des universités que nous avons. Je fais trop de cas de nos jeunes soldats pour livrer leur corps à des hommes qui n’auraient pas des connaissances suffisantes : nous ne pouvons souffrir qu’une personne qui n’aurait pas la capacité requise puisse exercer le service de santé dans le civil ; pourquoi exercerait-elle dans le militaire ?
On nous objecte : On ne peut confier la santé des soldats à des jeunes gens ; mais si un jeune homme a reçu, par un diplôme, le droit de traiter dans le civil, il a aussi le droit de traiter dans le militaire. Peut-on déclarer qu’un jeune homme qui aura été reconnu capable pour le civil, soit incapable pour le militaire, parce qu’il est jeune homme ?
Il faut faire preuve de capacité pour exercer la médecine ; et quand on a fait cette preuve, qu’importe l’âge ? Dès l’instant que le jury a constaté la capacité d’un élève, vous ne pouvez l’empêcher d’exercer, et vous ne pouvez pas ne pas le recevoir parce qu’il est jeune.
Il n’y a aucun motif pour accorder le crédit demandé. Nous ne devons pas ainsi préjuger une grave question en accordant un crédit qui porterait le ministre à établir demain, sans loi, ce qu’il ne peut faire qu’avec une loi.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je ferai d’abord observer que nous ne discutons pas sur une demande de crédit, ou plutôt sur une augmentation de crédit, mais sur une réduction proposée par la section centrale, et qui se monte à 19,000 fr.
Je ne sais pas comment on peut comparer à une université une école pour les jeunes élèves médecins. Songez donc que les personnes que l’on admettrait à suivre les cours seraient au nombre de 32 ; que l’instruction ne serait pas publique, et que c’est raison de dire que la constitution ne s’applique pas à ces cours, puisque ce n’est pas une instruction publique, et qu’il faut des conditions pour pouvoir y être admis.
Quelles personnes suivront les cours ? Ce sont d’abord les 16 élèves admis en vertu de l’arrête du régent. On admettrait ensuite, d’après les règlements projetés, et qui seront insérés dans le Bulletin officiel, à suivre les cours et la clinique de l’hôpital, ceux qui auraient prouvé posséder les connaissances exigées des jeunes médecins, avoir fait leur philosophie, avoir subi des examens sur la botanique, la physique et la chimie, dans les conditions voulues par le programme des examens.
Les examens seraient publics : tous les jeunes gens qui s’y présenteraient seraient admis à les subir. On choisirait trois ou quatre élèves chaque année pour remplacer ceux qui seraient admis dans le service de santé. Je me propose de faire suivre ces cours, par 16 adjoints médecins, et de choisir ceux-ci parmi ceux qui, dans le commencement de la révolution, et ayant fait preuve de dévouement, ont été brevetés, et qui cependant n’ont pas les connaissances nécessaires pour être docteurs ni pour pratiquer l’art de guérir. Ils servent depuis cinq ans ; il faudrait créer un moyen de les rendre aptes, d’en faire des médecins. Je ne comprends pas comment des cours faits dans un de nos hôpitaux militaires peuvent être comparés à ceux d’une université. (Ces cours n’auraient pas lieu à Louvain ; on choisirait une autre ville.)
L’honorable préopinant est revenu sur les 45 officiers de santé attachés aux ambulances. J’ai déjà dit et je répète que dans un moment où les divisions de l’armée ne sont plus réunies, il faut un service temporaire près des points d’agglomération pour recevoir les malades, qu’ensuite l’on évacue sur les hôpitaux sédentaires ; or, ce sont dans les hôpitaux temporaires qu’on emploie les officiers de santé dont il s’agit.
Le troisième article du chapitre III ne comprend que les officiers de santé attachés aux hôpitaux fixes et sédentaires ; les hôpitaux temporaires doivent être desservis par les officiers de santé qui sont aux ambulances.
On nous dit sans cesse : Recevez des docteurs. Mais nous recevons tous ceux qui se présentent ; nous en avons reçu 25 l’année dernière sur 30 vacatures.
L’école de santé militaire est infiniment importante. Sur ce point, je ne m’en suis pas rapporté à mes connaissances personnelles ; j’en ai parlé à M. Larrey : il m’a dit que notre service ne serait bien fait que lorsque nous aurions, à l’instar de l’Autriche, de la Prusse, de la France, une école spéciale d’instruction pour les médecins qui se dévouent au service militaire.
D’après toutes ces considérations, je persiste à demander l’allocation de la somme portée au présent article et sans réduction.
M. A Rodenbach. - Je désirerais savoir si l’on demande les 19,000 fr. en vertu de l’arrêté du régent qui voulait aussi une instruction dans les hôpitaux. Je ne pense pas que les frais d’une instruction semblable coûtent cette somme ; et 19,000 fr. sont une majoration trop grande.
La section centrale, et un grand nombre de membres ne sont pas d’avis que l’on accorde d’augmentation avant d’avoir discuté sur l’utilité ou la nécessité d’établir une école de santé militaire. Puisqu’il y a une loi soumise à la chambre sur cet objet, il me semble que nous devons l’examiner avant d’accorder aucune allocation. Il faut déclarer le principe avant d’aviser aux moyens de le mettre en pratique. Si la loi est votée, nous n’aurons besoin que du même chiffre de 19,000 fr. Actuellement nous devons seulement voir ce que dans le budget précédent on accordait pour les 16 élèves.
Vous manquez de médecins, mais il n’y a là rien d’étonnant : vous ne donnez que des commissions temporaires ; les bons médecins ne veulent pas déranger leur position pour en prendre une précaire.
Donnez des brevets et vous verrez que des hommes habiles se présenteront pour le service de santé : celui qui a une clientèle, même dans une petite commune, ne veut pas d’un emploi temporaire.
On dit que parmi les officiers de santé actuellement au service, il en est dont l’instruction chirurgicale n’est pas fort avancée, et dont on voudrait fortifier le savoir ; mais je ne crois pas que le gouvernement doive instruire de tels hommes. Dans les autres administrations, ceux qui ne sont pas assez instruits sont éliminés ; il doit en être de même dans l’administration du service de santé.
Il est des hommes, objecte-t-on, qui ont rendu des services au commencement de la révolution : nous en sommes infiniment reconnaissants ; mais de ce qu’ils auraient combattu les ennemis du pays, ce n’est pas une raison pour qu’on leur donne le droit de tuer, par impéritie, nos jeunes gens. Il est temps que le pays soit servi par des hommes capables.
Le ministre a voulu comparer son école de santé aux écoles militaires ? je vous avoue que s’il nous faut autant d’institutions pour apprendre à guérir les soldats que nous en avons où l’on va puiser la science de la guerre, je refuserait les fonds nécessaires à de semblables prodigalités.
En France, il n’y a pas une telle superfétation d’écoles. On prétend qu’il faut des connaissances spéciales pour le service de santé militaire ; il me semble qu’un médecin, qu’un chirurgien doit savoir traiter tout malade, les militaires comme les autres : la physiologie, l’anatomie sont les mêmes au civil et au militaire ; les maladies sont les mêmes dans les deux états ; on se bat en duel dans le civil ; il y a des ophtalmies dans le civil. Les meilleurs médecins militaires ont-ils guéri cette maladie qui a frappé de cécité un grand nombre de nos jeunes soldats ? ils n’ont pas fait preuve de connaissances bien profondes dans cette circonstance. On ignore encore les causes de cette triste maladie : plus de mille jeunes gens sont devenus aveugles ; nous le voyons par les pensions que l’on demande.
Je ne sais pas si une école augmenterait la somme de connaissances de nos médecins militaires ; tout ce que je sais, c’est que, depuis le premier jusqu’au dernier, ils ne savent rien relativement à l’ophtalmie.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Puisque le préopinant parle de l’ophtalmie, je saisirai cette occasion pour donner à la chambre quelques détails sur les effets de cette maladie.
L’administration centrale du service de santé a tenu, avec le plus grand soin, des notes exactes sur les mouvements des ophtalmiques dans tous les corps de l’armée. Des tableaux récapitulatifs de ces états me sont adressés mensuellement, et c’est avec une vive satisfaction que je peux démontrer par des chiffres, et de la manière la plus irrécusable, combien ont été heureux les succès dus aux mesures proposées par le chef de telle administration et la commission réunie des médecins principaux de l’armée.
Le chiffre total des mouvements dus soit aux entrées dès l’origine de la maladie, soit par évacuations d’un hôpital sur l’autre, s’est élevé en 1834 à 9,234 ; en 1835, ce chiffre n’a été que de 5,211, dont il faut défalquer le quart sur l’un et l’autre, à cause de double emploi, par suite d’évacuations des malades qui les font figurer dans deux hôpitaux.
Parmi les 9,234 hommes traités dans les hôpitaux en 1834, 4,408 ont été renvoyés guéris complètement : si la simple proportion avait eu lieu entre les guérisons comme entre les cas d’ophtalmie, nous n’aurions dû avoir en 1835 que 2,438 guérisons, tandis que 2,646 hommes ont été renvoyés complètement guéris, ce qui présente un avantage proportionnel de 1/12 en sus du chiffre de l’année précédente.
En 1834, le chiffre des hommes qui ont perdu un œil, s’est élevé à 141 ; ce chiffre en 1835 n’a été que de 35, c’est-à-dire que la diminution a été des 3/4.
Le chiffre des aveugles en 1834 a été de 122.
En 1835 il n’a été que de 15, c’est-à-dire que la diminution a été les 7/8 de l’année précédente.
Ces chiffres sont concluants. Ils prouvent suffisamment la bonté des mesures en vigueur, et nous permettent d’espérer prochainement la disparition totale de ce terrible fléau.
Une considération, bien importante et que je dois aussi vous faire connaître, c’est que la majeure partie (les 2/3 environ) des hommes qui entrent actuellement dans les hôpitaux ne sont atteints que de granulations, qui dénotent une maladie déjà ancienne, et que la plupart sont traités pour la 3ème, 4ème, 5ème et même la 6ème fois. Les cas d’ophtalmie récente sont fort rares, et les affections en général très légères ; le chiffre des accidents le prouve complètement : si, malgré cette décroissance de la maladie, le chiffre des mouvements est encore considérable, il faut l’attribuer aux soins que l’on prend d’éloigner des rangs de l’armée les plus légères affections et à l’importance qu’y attachent maintenant les officiers de santé, d’après les instructions qui leur ont été données et l’étude plus approfondie qu’ils ont faite de cette maladie.
Pour donner de nouveaux moyens d’instruction à nos officiers de santé, j’ai fait traduire un ouvrage allemand écrit par un médecin très distingué de Vienne, et je l’ai mis à la disposition des médecins de l’armée.
M. de Jaegher. - Comme membre de la section centrale, je dois exprimer le regret que le ministre de la guerre n’ait pas cru devoir se rallier à la demande de la suppression qu’elle a faite. C’est à l’unanimité que la réduction a été votée par la section centrale, et chaque membre a déclaré être l’organe de la majorité de la section particulière qui lui avait donné mandat.
Il me semble que, jusqu’à ce que le ministre ait soumis un projet de loi basé sur la nécessité d’établir une telle institution, on doit adopter les considérations qui ont dirigé la section centrale dans le refus qu’elle fait d’allouer la somme demandée.
La loi a aboli les officiers de santé dans l’intérêt de la société ; dès lors on n’a pas cru que le soldat dût faire exception et qu’il dût être traité autrement que par des docteurs.
Si M. le ministre veut créer des docteurs dans son école, qui conférera les grades et d’après quelle loi seront-ils conférés ? Qui fera les cours ? Si ce sont des médecins étrangers au service militaire, à quoi bon une école particulière ? Tout ce que l’on a allégué jusqu’ici ne sont que des prétextes ; ce que l’on veut apprendre principalement aux officiers de santé, c’est l’obéissance. Tel est le but avoué de l’établissement d’une école spéciale…
Je partage l’opinion de la section centrale, et je persiste à réfuter l’allocation demandée.
M. F. de Mérode. - On vient de nous dire que les membres de la section centrale avaient voté au nom de la majorité des sections dont ils étaient les rapporteurs ; mais cette majorité des sections n’avait sous les yeux qu’un simple projet de budget, elle ne connaissait pas les motifs que le ministre de la guerre vient d’exposer. Il me semble que les hautes considérations qu’il a développées ôtent quelque valeur à cette opinion que les sections se sont faites prématurément.
Quant à la loi sur l’instruction supplémentaire médicale des officiers de santé de l’armée, je ne crois pas qu’elle soit promptement votée ; vous savez quel temps il nous faut pour porter une loi. Et comme il y en a beaucoup de très importantes à discuter, je ne vois pas quand il sera possible d’aborder celle qui regarderait le service de santé. En attendant le bien qui en résulterait, les inconvénients ou plutôt les malheurs provenant de l’état de choses actuel se renouvelleront. Peut-il y avoir un motif assez puissant pour refuser un traitement meilleur à nos jeunes soldats qui sont dans les hôpitaux ?
En France, en Autriche, en Prusse, en Hollande, on a des établissements semblables. Ce fait est bien plus puissant que tous les autres raisonnements que l’on nous donne. Dans ces pays la science est répandue, et cependant on crée des écoles spéciales pour la santé du soldat. Puisque telle est l’opinion de M. Larroy, puisque telle est l’opinion de ceux qui dirigent les hôpitaux de France, d’Autriche, de Prusse et de Hollande, pouvons-nous refuser une somme aussi modique que celle qui est demandée afin de procurer à nos chirurgiens militaires l’instruction convenable ?
On parle des médecins qui suivent la carrière civile et qui pourraient prendre du service dans les corps militaires ; mais il est évident que les meilleurs médecins préféreront la carrière civile, parce qu’elle est plus libre et qu’elle présente un avenir meilleur. Vous aurez beau leur faire un appel, ils n’y répondront pas ; les médiocrités seules se présenteront.
J’appuie la demande faite par le ministre.
M. Liedts. - Je viens appuyer aussi l’allocation demandée par M. le ministre de la guerre.
Tous les ans, dans cette enceinte, l’on entend les mêmes plaintes sur le service sanitaire de l’armée ; et le premier membre qui ait parlé dans cette séance est venu déplorer le sort des soldats malades ; il a appelé l’attention du ministre et sur les ophtalmies et sur la mortalité qui ont fait tant de ravages dans nos régiments : messieurs, si vous voulez réellement, sérieusement porter remède au mal, c’est par une mesure législative que vous y parviendrez.
La loi qui enlève chaque année une partie des membres des familles pauvres, est l’impôt le plus lourd qui pèse sur le pays, et cet impôt frappe particulièrement le pauvre, car le riche se dérobe facilement à cette obligation par quelques sacrifices d’argent. C’est parce que je suis pénétré de cette vérité que je donnerai mon approbation à toutes les mesures qui tendront à améliorer l’état du soldat.
Au lieu d’améliorer sa position, que voit-on dans notre pays ? Vous placez le soldat dans une position exceptionnelle. Vous savez que d’après nos lois pénales il est défendu d’exercer l’art de guérir sans diplôme ; dans l’armée en est-il ainsi ? Non, vous y voyez des médecins sans certificat de capacité comme sans instruction : quels soins peuvent-ils donner à nos soldats malades ? Faut-il s’étonner d’après cela que la mortalité soit plus grande parmi nos jeunes militaires que parmi les citoyens ? Quand nous n’avons pas confiance dans un médecin, nous en prenons un autre ; il n’en est pas de même pour le soldat.
Chez lui la confiance est contrainte et forcée ; il n’a pas d’autre médecin que celui qu’on lui donne. Ces motifs sont graves et doivent faire exiger des médecins de l’armée autant d’instruction qu’on en exige des médecins qui donnent leurs soins aux autres citoyens du pays. Or, il n’y a pas de mesure plus propre à remédier au mal que celle proposée par M. le ministre de la guerre, c’est-à-dire, l’institution d’un hôpital d’instruction.
Si cet établissement n’était, comme on a voulu le dire, qu’une troisième université, moi qui ne voulais qu’une université, je serais le premier à m’y opposer. Mais il n’en est pas ainsi.
Il ne s’agit pas d’autre chose que de placer dans un hôpital militaire des médecins capables qui augmenteront les connaissances des médecins de l’armée qui n’ont pas reçu de diplôme.
Je n’examinerai pas jusqu’à quel point cet hôpital peut être utile même pour les médecins qui ont reçu des diplômes dans nos universités. Mais je puis dire à l’honorable M. A. Rodenbach que j’ai lu une brochure fort bien faite où l’on cite les autorités les plus imposantes pour prouver qu’il faut à un médecin d’armée autre chose que des théories, et qu’il lui faut même des connaissances spéciales.
On a prétendu qu’on pourrait remédier au mal en donnant des commissions aux médecins qui se présenteraient. Certes, si je voyais dans M. le ministre de la guerre des dispositions à refuser des médecins diplômés qui se présenteraient pour être médecins dans l’armée, je serais le premier à l’en dissuader ; mais loin de là ; vous avez reçu de M. le ministre l’assurance que tous les médecins, ayant reçu des diplômes, qui se sont présentés, ont été admis dans l’armée.
M. A. Rodenbach. - Y sont-ils admis définitivement ?
M. Liedts. - M. le ministre de la guerre vous répondra mieux que moi sur ce point. Ce n’est pas, au reste, parce que les diplômes ne sont pas définitifs dans l’armée, que les médecins diplômés ne se présentent pas en plus grand nombre.
La vraie raison de cet état de choses, c’est que les traitements sont trop faibles ; comment voulez-vous qu’un médecin de nos universités consente à être médecin adjoint aux appointements de 1,400 fr., alors que dans le moindre village il peut gagner davantage ? Ira-t-il passer dans un régiment les plus belles années de sa vie, avec la perspective d’être réduit, à la paix, à chercher vainement à se faire une clientèle ? car il sera arrivé à un âge où ce lui sera bien difficile.
On a enfin proposé d’ajourner le crédit demandé. C’est encore une proposition que je soutiendrais volontiers, s’il ne s’agissait que de quelques mois ; mais de bonne foi voyez-vous, si ce crédit est ajourné, la possibilité de le voter avant 2 ans, quand vous songez à tous les projets de loi urgents dont nous avons à nous occuper. Je crois donc que si nous voulons porter un remède au mal, nous devons voter maintenant le crédit demandé par M. le ministre de la guerre.
M. Dubus. - J’avoue que je ne suis nullement préparé à cette discussion, à laquelle personne même ne s’attendait. Chacun a pensé, quand il a vu M. le ministre de la guerre présenter un projet de loi instituant une école de médecine militaire, qu’il serait le premier à demander le renvoi de la discussion sur le crédit dont il s’agit maintenant au moment ou l’on discuterait ce projet de loi. En effet toutes les sections se sont opposées à ce crédit ; la section centrale s’y est également opposée.
M. le ministre s’apercevant que la mesure qu’il avait projetée rencontrait ainsi une opposition en quelque sorte unanime, a pris le parti de déférer la question elle-même à la législature, en présentant un projet de loi relatif à l’établissement de l’école pour laquelle il demandait un crédit. Quand nous discuterons ce projet, nous approfondirons les questions qu’il soulèvera, questions que nous ne pouvons qu’effleurer dans cette discussion inopinée pour chacun de nous. Remarquez-le, on veut, en obtenant de vous ce crédit, vous faire faire un premier pas, pour que la question ne soit plus entière quand viendra la discussion de la loi, et pour que l’école soit ainsi instituée sans loi, tandis que vous demeurerez saisis de la loi qui a pour objet d’autoriser son établissement.
J’ai écouté avec attention les observations qu’a présentées M. le ministre de la guerre pour expliquer les motifs qui l’ont déterminé à ne pas se rallier à l’amendement de la section centrale. Ce sont précisément les raisons qu’il a données pour justifier l’institution pour laquelle il nous a présenté un projet de loi ; c’est donc ce projet lui-même qu’il met prématurément en discussion.
Le ministre a soutenu que cet hôpital d’instruction était indispensable, parce que les officiers de santé militaires ne pouvaient puiser que là les connaissances pratiques qui leur sont nécessaires. C’est là la base du projet de loi lui-même. Mais ce projet de loi n’est pas adopté par la chambre et il ne peut l’être sans examen et sans discussion.
Au reste, cette assertion du ministre est fortement contestée, et je pourrais, pour la combattre, me prévaloir des moyens par lesquels un autre orateur a appuyé le ministre. Il faut, dit-il, des connaissances pratiques aux officiers de santé militaires ; mais il en faut aussi, on l’a déjà dit, aux officiers de santé civils. Est-ce que la loi n’a pas pourvu à ce besoin ? Est-ce que les diplômes de docteur sont délivrés aux personnes qui ont étudié la médecine sans qu’elles aient fait preuve de connaissances théoriques et pratiques ? Soutenir que ces diplômes sont accordés sans que cette justification ait été faite, c’est attaquer la loi elle-même. Mais si vous admettez qu’un docteur, muni d’un diplôme accordé par nos universités, peut, sans danger pour la santé publique, exercer l’art de guérir, vous devez reconnaître qu’il peut aussi bien exercer son art en traitant des malades de l’ordre militaire qu’en traitant des malades de l’ordre civil.
Ici je ferai remarquer que le dernier orateur entendu a posé une règle dont je m’empare. Il ne veut pas que le soldat soit placé dans une position exceptionnelle ; mais il ne fait pas attention qu’il appuie une mesure d’où résulte cette position exceptionnelle. Il veut conserver définitivement cet état de choses selon lequel aucun diplôme ne serait exigé pour un médecin militaire, tandis qu’il en serait exigé un du médecin civil. Cependant il nous dit qu’il ne veut pas placer le soldat dans une position exceptionnelle.
Mais il y a, dit-on, des officiers de santé sans diplôme ; on a dû prendre ces officiers de santé à défaut d’autres. Pour moi je crois que s’il y avait eu moins de favoritisme dans la collation de ces places, on aurait trouvé des officiers de santé diplômés. On en aurait trouvé si on avait voulu jeter les yeux sur cette foule de jeunes docteurs en médecine qui pullulent dans toutes les villes importantes du pays ; sur le grand nombre d’hommes à talent qui n’ont rien à faire, et qui auraient accepté volontiers des fonctions militaires honorables et bien rétribuées. Je suis convaincu que si l’on avait voulu trouver des hommes capables, on en eût trouvé ; mais on n’a rien fait pour cela. Tout à l’heure un honorable orateur en a indiqué un moyen : ce serait de faire un essai, de mettre ces places au concours, en annonçant qu’il serait donné des brevets définitifs à ceux qui feraient des connaissances théoriques et pratiques nécessaires. Je suis persuadé qu’ainsi, non seulement on trouverait un homme capable, mais que 20, 30 candidats se présenteraient.
Que l’on fasse donc cet essai : jusqu’à ce qu’on l’ait, on ne peut pas dire qu’il n’y a que la mesure proposée qui puisse procurer des officiers de santé militaires, ayant les connaissances nécessaires.
L’honorable préopinant qui a parlé avant moi n’appuierait pas, a-t-il dit, la mesure, s’il devait en résulter la création d’une université ou d’une demi-université de plus ; cependant on ne peut se refuser à reconnaître que c’est là une des conséquences de la mesure, si on veut en définitive ne pas placer le soldat dans une position exceptionnelle. Car, dès lors, vous devez exiger de l’officier de santé militaire toutes les connaissances que l’on exige de l’officier de santé civil, soit : des connaissances en philosophie et lettres, en science, en médecine. Voilà donc trois facultés que vous devez établir dans votre école de médecine militaire. Sinon il sera vrai de dire que vous n’exigez pas de l’officier de santé militaire les connaissances exigées de l’officier de santé civil, et par suite que vous placez le soldat dans une position exceptionnelle.
Je crois que, pour être assuré de la capacité de tous les officiers de santé militaires, il faut exiger d’eux tous des diplômes ; ceux qui n’en ont pas auront à s’en procurer. Ils ont ou ils n’ont pas les connaissances nécessaires. S’ils en ont, qu’ils en justifient ; pour ceux qui ne les ont pas, qu’on prenne une mesure que l’on avait prise sous le roi Guillaume, et qui consistait à autoriser ces médecins à exercer leurs fonctions dans une ville où il y a une université. Ils suivraient les cours de l’université, et quand ils auraient acquis les connaissances nécessaires, ils se présenteraient devant le jury d’examen. Il n’y aurait pas besoin pour cela de créer un nouvel établissement.
Dans tous les cas, je crois que la chambre commettrait tout au moins une imprudence, si elle allait voter ce crédit et faire ainsi un premier pas, alors que la loi elle-même d’institution n’a pas été discutée.
Un honorable ministre d’Etat ne croit pas à une prochaine discussion de la loi. Mais si la loi est urgente, qu’on en déclare l’urgence, et qu’on la discute immédiatement. Mais on ne peut pas demander que l’on vote ce crédit, alors que la loi même n’a été examinée ni discutée. Je m’oppose de toutes mes forces à l’adoption de ce crédit. Je ne suis pas éclairé de manière à pouvoir le voter. Il faut que la loi ait été discutée auparavant.
M. A. Rodenbach. - J’ajouterai encore quelques mots à ce que j’ai eu l’honneur de dire tout à l’heure.
J’ai aussi parcouru la brochure citée par l’honorable député d’Audenaerde, la brochure de M. Fallot, nommé directeur de l’école spéciale. Je ne conteste pas qu’il n’y ait du talent dans cet opuscule. Mais je connais également un grand nombre de chirurgiens distingués de l’armée, des hommes qui étaient médecins dans les armées de Napoléon, qui s’y sont distingués et ont été décorés pour leur mérite ; eh bien, ils m’ont dit que cet hôpital d’instruction était une véritable superfétation, qu’un homme qui a fait les études nécessaires et qui a passé un mois ou deux dans un hôpital était en état de traiter toutes les maladies de l’armée ; car il n’y a pas de secret dans les maladies des militaires.
On a parlé encore du fléau qui a désolé notre armée. Personne ne l’a regretté plus que moi ; car depuis plusieurs années, j’ai souvent élevé la voix en faveur des malheureux ophtalmistes. Mais je le demande, la diminution de ce fléau n’est-elle pas due bien moins à nos chirurgiens militaires qu’au système d’isolement indiqué par un médecin allemand ? Car c’est dans leurs foyers que les soldats atteints de l’ophtalmie ont été se guérir, et les médecins de l’armée ne les ont pas suivis dans leurs loyers.
Pour prouver le peu d’utilité d’une école spéciale, je citerai l’Angleterre, dont le service de santé militaire, comme on l’a remarqué dans ses campagnes, et comme nous-mêmes avons pu le remarquer à la bataille de Waterloo, est le plus perfectionné de toute l’Europe, et qui cependant n’a pas d’école spéciale de médecine militaire.
Je crois qu’il faudrait avant tout écrire des circulaires dans toutes les communes pour faire savoir qu’il sera délivré des brevets définitifs d’officiers de santé militaires aux personnes qui auront fait preuve des connaissances nécessaires ; car on ignore cela ; et je suis persuadé que si on le savait, les hommes capables se présenteraient en grand nombre. Je demande donc que l’on ait recours à ce moyen, car il faut tenter les moyens d’économie : s’ils ne réussissent pas, la chambre s’empresserait de voter le crédit demandé ou toute autre somme, fût-elle plus forte, qui serait nécessaire pour améliorer le service de santé de l’armée.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je répondrai à une des observations de l’honorable préopinant relative au service de santé de l’armée anglaise. M. Charles Dupin, auteur d’un ouvrage très estimé sur les forces navales et militaires de l’Angleterre, dit que dans les premières campagnes, sous le duc d’York, en 1793 et 1794, le service de santé de l’armée anglaise était très mal fait ; que les malades et les blessés mouraient en grand nombre parce qu’ils étaient confiés aux soins de jeunes docteurs tout frais émoulus des universités de Cambridge et d’Oxford ; mais que depuis le service de santé s’est amélioré grâce à l’établissement d’une école où l’on fait des cours spéciaux d’hygiène militaire et navale. M. Charles Dupin le dit positivement.
M. de Jaegher. - L’honorable M. Dubus a devancé mes intentions en relevant quelques-unes des paroles de l’honorable député d’Audenarde qui a parlé avant lui.
C’est afin d’améliorer le bien-être du soldat qu’il votera pour l’allocation demandée. Je croyais avoir, dans une intention semblable, soutenu une opinion contraire. Il nous a dit que le tiers des officiers de santé n’avaient pas de diplôme. C’est un motif pour lequel il veut instituer une école. Mais ce n’est pas par suite du manque de moyens que le service de santé de l’armée est privé d’hommes capables. Ce qui éloigne de ce service les hommes de talent et d’étude, c’est qu’ils ne veulent pas se trouver sur la même ligne que des individus sans aucune instruction, et qui sortent de la boutique d’un pharmacien pour devenir officier de santé dans l’armée. C’est pour cela que vous trouvez difficilement des hommes capables.
- Le chiffre de 241.695 26 c., demandé par le gouvernement pour l’article 3 « hôpitaux (personnel), » est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le président. - Je mettrai maintenant aux voix le chiffre de 222,045 fr. 26 c., proposé par la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Si la chambre ne veut pas admettre la somme nécessaire pour le supplément de traitement des professeurs, il faut au moins qu’elle accorde, cette année comme les précédentes, la somme de 8,000 francs pour traitement de 16 élèves des hôpitaux militaires ; ces élèves n’ont pas démérité ; on ne peut pas supprimer leurs traitements.
M. Dumortier. - La discussion est close ; il ne peut être présenté de proposition nouvelle qu’au second vote.
M. le président. - Le gouvernement demande le chiffre de 230,045 fr. 26 c.
M. Dumortier. - Je demande la question préalable.
M. Dubus. - Nous demandons l’exécution du règlement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’est pas nécessaire d’opposer la question préalable à la proposition de M. le ministre de la guerre ; il la présentera au second vote ; cela est fort indifférent pour lui : je ferai remarquer cependant que M. le ministre de la guerre pouvait demander que cette proposition fût mise aux voix, car elle n’est pas nouvelle ; il avait annoncé dans la discussion que si vous n’admettiez pas le crédit qu’il demande, vous seriez toujours obligés de voter le traitement des 16 élèves attachés aux hôpitaux militaires. Au reste, puisqu’on veut faire à cette proposition une objection en invoquant le règlement, M. le ministre de la guerre ne voit pas de difficulté à renvoyer sa proposition au second vote.
- L’article 2 « Hôpitaux (personnel) » est adopté avec le chiffre de 222,045 fr. 26 c. proposé par la section centrale.
« Art. 4. Matériel : fr. 125,000. »
- Adopté.
« Article unique. Ecole militaire : fr. 110,000. »
M. Brabant. - Je ne proposerai pas de réduire l’allocation demandée pour l’école militaire au chiffre de l’année dernière, quoiqu’il excède l’allocation de 1832, 1833 et même de 1834. Dans ces différentes, années, il n’a été accordé que 48,000 fr. Enfin, messieurs, en 1834, un supplément de 52,000 francs n’a été accordé à l’école que sous la réserve d’un prochain examen de la loi présentée par M. le ministre de la guerre. La même réserve n’a pas été introduite au budget de l’année passée, et il a été alloué à l’école un crédit de 85.000 francs. Maintenant le chiffre demandé est porté à 110,000 fr., tandis que dans la prévision de l’adoption de la loi, la dépense ne serait que de 60,000 francs.
Je crois cette allocation de 110,000 francs assez mal justifiée. Je demanderai, par exemple, pourquoi les officiers attachés comme professeurs à l’école reçoivent un supplément de traitement. Je suis le premier à rendre justice tant à ces professeurs qu’au chef de cette école, que je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement, mais qui m’a toujours été représenté comme l’un des officiers les plus distingués de l’armée. La plupart des professeurs ont des grades déjà bien rétribués. Ils ne sont pas tenus au service des officiers de leur arme.
Je crois qu’un traitement moyen de 5,000 fr., qui est le traitement de leur grade, doit leur suffire. Je vois que les professeurs des mathématiques, qui sont les professeurs fondamentaux de l’école, ne reçoivent que 3,000 fr. par an.
Il me semble ensuite que l’on pourrait faire des réductions dans l’état-major de l’école militaire. Je vois un commandant directeur des études, un commandant en second, un inspecteur des études ; en voilà autant qu’il en faut pour l’école polytechnique, et cependant notre école militaire ne compte que 60 élèves. Il me semble qu’un inspecteur des études est tout au mois inutile.
Je ne crois donc pas proposer une réduction trop forte en la portant à 10,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il est vrai que le crédit de l’exercice dernier n’a été fixé qu’à 85,000 fr. Depuis cette époque l’école a reçu un développement tel qu’il a fallu demander une augmentation sur cette allocation. L’on a nommé plusieurs professeurs civils. Ils ne sont pas trop payés puisqu’ils ne reçoivent qu’un traitement de 3,000 fr.
La principale observation de l’honorable préopinant porte sur les suppléments de traitement accordés aux officiers qui donnent des cours à l’école militaire. Ces professeurs sont chargés de toutes les branches de l’enseignement militaire. Ils reçoivent à ce titre un supplément de traitement dont le plus élevé est de 1,000 fr. et le moindre de 800 fr. Le total de ces sommes ne monte qu’à 7,200 fr.
En supposant qu’il fût possible de réduire de quelque chose le montant de ces traitements, il n’en faudrait pas moins consacrer une certaine somme à l’effet d’accorder des suppléments de traitement aux professeurs militaires. Un officier chargé d’un cours est obligé de se livrer à un travail constant, d’acheter des ouvrages, de faire copier des dessins. En supposant que l’on puisse réduite du tiers la totalité des suppléments de traitement, il resterait toujours un crédit de 5,400 fr. à conserver. Je ne vois pas trop où l’on pourrait prendre les 10,000 fr, que l’on propose de réduire.
Je passe à la seconde observation de l’honorable préopinant. L’état-major de l’école se compose du commandant de l’école, en même temps directeur des études : il reçoit de ce chef un supplément de traitement montant à 2,400 francs ; un major, commandant en second de l’école : il reçoit un supplément de traitement de 1,500 francs ; un inspecteur des études qui reçoit également 1,200 fr. ; un lieutenant chargé de la police qui reçoit 600 fr. ; un adjudant qui reçoit 450 fr., ce qui fait en tout 5,800 francs. On pourrait tout au plus réduire ce chiffre. Ce qui ne ferait en tout qu’une réduction de 4,000 francs sur les 110,000 francs demandés.
Je demande donc que le crédit proposé par le gouvernement et admis par la section centrale soit maintenu.
M. de Puydt, rapporteur. - J’ajouterai une autre observation. C’est que dans le cours de l’année l’on a ajouté un cours pour l’instruction des officiers détachés à l’état-major et sortant de l’artillerie. Cette addition a dû augmenter le personnel de l’école. Les officiers attachés comme professeurs à l’école sont chargés de l’enseignement de branches très importantes. Les travaux exigent des études continuelles et l’acquisition d’ouvrages très coûteux. Rien donc ne peut justifier de ce côté la réduction du supplément de traitement qu’on leur accorde.
M. Dumortier. - L’an dernier, la section centrale chargée de l’examen du budget de la guerre crut devoir se transporter à l’école militaire pour l’inspecter, afin de faire son rapport à la chambre. Je faisais partie de cette section centrale. Je dois dire que nous avons été parfaitement contents de notre visite. Nous rendîmes hommage au directeur de l’école, auquel nous devons de la reconnaissance pour la manière dont il dirige cet établissement. Mais dans quel but cette visite était-elle faite ? C’était pour engager la chambre à accorder les 85,000 fr. demandés. Si l’on proposait aujourd’hui le maintien de ce crédit, il ne s’élèverait pas une voix pour le combattre. Mais c’est 25,000 francs d’augmentation qu’on vous demande. C’est un peu plus du tiers de la dépense que vous avez votée l’année passée. Quant à moi, je le déclare, je n’aime pas à voir les dépenses de l’Etat aller ainsi en augmentant.
Si l’année passée l’école a bien marché avec 85,000 francs, elle peut marcher avec le même crédit aujourd’hui. Il n’y a pas de raison pour que l’on augmente les dépenses de cet établissement dans une proportion aussi forte.
Je ferai une réflexion. On nous demande 110,000 francs pour l’école militaire. Chacune des universités de l’Etat coûte au trésor 240,000 francs. L’école militaire coûtera donc presque la moitié d’une université. Ajoutez à cela une école d’artillerie et une école pour le service de santé que M. le ministre vous demande, et vous aurez une université militaire en 3 volumes qui vous coûtera plus qu’une université civile. Il faut nous borner à voter le crédit de l’année dernière, ou si une augmentation est justifiée, que l’allocation totale ne dépasse pas 110,000 francs. Je ne donnerai mon assentiment à aucun chiffre supérieur.
M. de Puydt, rapporteur. - Je faisais partie de la section centrale de l’année dernière, et j’ai assisté à la visite dont vient de parler l’honorable préopinant. Je lui rappellerai que l’on n’avait propose un crédit de 85,000 fr. que dans la prévision que la loi serait votée dans le courant de l’année. Si cette loi est votée dans le sens qu’elle a été rédigée, il en résulterait une grande économie dans les dépenses de cet établissement. Car les élèves au lieu de recevoir une solde de l’Etat, paieraient une pension. Comme la loi n’a pas été votée, l’intérêt du service a exigé que l’organisation de l’école fût complétée d’après les dispositions mêmes du projet. L’on ne pouvait laisser subsister plus longtemps l’état provisoire de cet établissement.
L’école est donc organisée d’après les conditions du projet de loi ; mais par la raison que les chambres ne l’ont pas encore discutée, l’on n’a pu exiger des élèves le paiement d’une pension. Les élèves qui reçoivent actuellement une solde de l’Etat n’y sont entrés qu’à la condition qu’après l’adoption du projet de loi, ils paieraient cette pension. Si la loi était adoptée, au lieu de coûter 110,000 fr. à l’Etat, l’école militaire coûterait 60,000 fr. de moins. De manière que la dépense annuelle ne serait que de 50,000 fr.. Si cet établissement coûte si cher à l’Etat, c’est à nous-mêmes que nous devons nous en prendre ; c’est parce que nous avons négligé de discuter la loi organique présentée il y a trois ans par le gouvernement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’augmentation que je demande sur le crédit alloué l’an dernier est de 25,000 fr. Si je justifie cette augmentation, il sera raisonnable de m’accorder la somme que je sollicite.
Messieurs, si vous vous reportez au budget de 1835, vous verrez que l’école ne comptait que 30 élèves présents, et que 30 nouveaux devaient entrer le 1er juillet, c’est-à-dire au milieu de l’année.
Maintenant le nombre des élèves est de 60, ce qui fait une différence de 12,000 fr. pour la solde.
Ensuite, dans le courant de l’année, nous avons admis 20 jeunes officiers, choisis dans les armes de l’infanterie et de la cavalerie, pour les disposer, par des études préliminaires, à entrer dans le corps de l’état-major, et il a fallu créer des cours de géodésie et de topographie, dont la dépense sera de 13,000 fr., ce qui fait les 25,000 que je demande.
M. Dubus. - Le rapporteur de la section centrale a motivé l’augmentation de crédit sur ce que l’école a été établie de fait sur le pied sur lequel on se propose de l’organiser d’après le projet de loi dont la chambre est saisie. Mais il a fait remarquer que quand la loi serait votée, la dépense diminuerait de 60 mille francs. Cela prouve que rien n’est plus facile que d’obtenir la réduction proposée. Si on obtiendra cette réduction et au-delà quand le projet sera devenu loi, qui empêche le ministre de mettre l’école sur le pied où elle sera en ce qui concerne la solde des élèves et la rétribution des professeurs, quand la loi sera votée ? N’y a-t-il donc que les dispositions onéreuses à l’Etat qui doivent être mises immédiatement à exécution, et celles qui lui sont favorables doivent-elles être nécessairement ajournées ? c’est ce qu’on ne justifie en aucune manière. Voici une observation qui est consignée en marge du budget :
« Les élèves reçoivent la solde de sergent d’artillerie d’après le projet de loi présenté aux chambres, ils devront au contraire payer une pension de mille fr., au moyen de laquelle ils seront complètement entretenus, ce qui diminuera la dépense de l’école de 60,000 fr. environ. »
Ainsi, dès qu’il y aura une loi, nous pourrons faire sur cette école une économie de 60,000 fr, que paieront les élèves, et parce qu’il n’y a pas de loi, non seulement ils ne paient rien, mais on les paie. Qu’on dise pourquoi on est obligé d’en agir ainsi et pourquoi, en admettant qu’on continue à les payer, on leur donne la solde entière. Ceux qui, quand la loi sera votée, devront payer une pension de 1,000 fr., ne se contenteraient-ils pas de ne rien payer ou au moins de ne recevoir que la demi- solde ? C’est une observation que je fais pour prouver que rien n’est plus facile que de réduire le crédit au taux de l’an dernier. Qu’on paie à ces 60 élèves une demi-solde au lieu d’une solde entière, et on rentrera dans le crédit de l’an dernier, et ce sera une transition pour arriver au moment où ces élèves, au lieu de recevoir, devront payer. Le changement qui s’opérera dans leur position sera moins brusque. De cette manière le crédit de 85,000 fr. sera suffisant, à moins que le ministre ne démontre qu’il est impossible de mettre à exécution le moyen que je propose.
M. Brabant. - Messieurs, je crois avoir été bien large vis-à-vis de l’école militaire en consentant à une allocation de 100,000 fr. M. le ministre vous a parlé des bases sur lesquelles est organisée l’école pour établir son chiffre de 110,000 francs. C’est sur ces mêmes bases que je m’appuierai pour demander la réduction de 10,000 fr. que je propose. Et quand nous en viendrons à la discussion du projet de loi d’organisation dont la chambre est saisie, je m’opposerai à ce qu’on exige une pension des élèves, parce que ce serait le moyen de la rendre inaccessible aux jeunes gens sans fortune.
Je vous ai annoncé que mon intention était de faire porter la réduction que je proposais sur les officiers détachés. Pour justifier l’inutilité du supplément de traitement qu’on leur accorde, j’ai comparé le traitement des professeurs civils avec celui des professeurs militaires. J’ai fait observer que le maximum du traitement des professeurs civils était de trois mille francs, tandis que les professeurs militaires, recevant 5,500 francs pour leur grade, touchaient encore 1,200 francs de supplément de traitement. Je pense que quand on reçoit 5,500 francs pour son grade, on peut être capable d’enseigner et enseigner ce qu’on sait. On a dit qu’ils devaient acheter des livres. Mais, messieurs, il est impossible d’être officier du génie, sans avoir une assez belle bibliothèque. D’ailleurs, ils ont à leur disposition la bibliothèque de l’école. Je ne sais si elle existe déjà ; mais je vois qu’on nous demande une allocation de 8,783 fr. pour achat de livres, dessins, bosses, instruments de géodésie. etc.
En supprimant tous les suppléments de traitement, nous aurions une réduction de 13,050 fr. ; mais je ne vais pas si loin. Je sais qu’il y a certains officiers de l’état-major qui ont besoin de leur supplément de solde. C’est pourquoi je ne demande pas la suppression totale de ces suppléments de solde. La réduction pourrait encore porter sur les frais de bureau qui sont vraiment exorbitants. On ne conçoit pas qu’il puisse y avoir 3,000 fr. de frais de bureau pour 60 élèves. L’école militaire ressemblerait assez aux régiments de réserve qui se composant de 1,100 hommes, exigeraient 24,000 fr. de frais d’administration.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je crois pouvoir déclarer qu’en tout temps les officiers attachés aux écoles militaires ont reçu des suppléments de solde pour les peines qu’ils se donnent pour instruire les jeunes gens confiés à leurs soins. J’ai eu pendant plusieurs années la direction des écoles militaires en France, et je déclare positivement que tous les officiers, quel que soit leur grade, employés aux écoles d’état-major, polytechnique, Saint-Cyr, le Flèche, et à l’école d’application de Metz, recevaient un tiers en sus de leurs appointements comme supplément. Je n’ai pas donné un tiers en sus, j’ai pris un terme moyen. Et les officiers attachés à l’école militaire méritent, sous tous les rapports, du zèle, de l’application, de leurs connaissances et des efforts qu’ils font pour les faire acquérir par leurs élèves, méritent, dis-je, que la chambre veuille bien accorder l’allocation que j’ai demandée pour eux.
M. le président. - Plusieurs propositions sont faites. Je vais commencer par le chiffre le plus élevé, qui est celui proposé par le ministre et la section centrale.
- « 110,000 fr. »
Ce chiffre est adopté.
« Art. 1er. Matériel de l’artillerie : fr. 715,000. »
M. le président. - La section centrale propose de réduire ce chiffre à 695,000.
Le ministre se rallie à cette réduction.
- Le chiffre de 695,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Matériel de génie : fr. 1,150,000. »
M. le président. - La section centrale propose de réduite ce chiffre à 1,125,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je me suis rallié à cette réduction et à la proposition de la faire porter sur l’objet auquel l’applique la section centrale.
M. Mast de Vries. - Les villes de Hasselt et Lierre sont comprises dans la ligne de fortifications que le gouvernement se propose d’établir. Si les travaux doivent s’exécuter immédiatement, l’allocation est inutile, et si elles ne doivent pas se faire maintenant, je ne sais pas encore si ce serait le cas d’accorder l’allocation en ce qui concerne ces villes. Je désirerai, avoir quelques explications sur ce point.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les dépenses du matériel du génie se divisent en trois classes distinctes dont chacune a un objet spécial. Les allocations portées à la première colonne sont destinées à l’entretien annuel des fortifications et bâtiments ; celles qui sont portées à la seconde colonne, ont pour objet soit la construction de nouveaux bâtiments, soit la réparation de ceux qui existent, quand elle excède les prévisions pour l’entretien ordinaire ; et la troisième colonne comprend les fortifications proprement dites, les nouveaux ouvrages à faire et les améliorations à apporter aux ouvrages qui existent.
Je remarque qu’à la première colonne, dans l’allocation pour entretien annuel, les villes de Hasselt et Lierre sont comprises, la première pour sept mille fr, et la seconde pour 6,500. Ces deux villes ont été fortifiées d’une manière passagère, à la vérité, dans le courant de 1832. On a dépensé assez d’argent ; et il a été décidé que tant que notre ligne de défense ne serait pas réalisée, tant que la chambre n’aurait pas mis le gouvernement à même d’exécuter les projets préparés, on continuerait à entretenir ces deux places dans l’état où elles ont été mises en 1835.
C’est en conséquence de cette décision que j’ai demandé ces deux sommes, qui ne s’appliquent qu’à l’entretien des fortifications et à l’entretien du peu de bâtiments qui existent dans les places à la disposition du gouvernement.
M. Lejeune. - Je demanderai à M. le ministre si c’est sur cette allocation qu’il paie les loyers des habitations qui ont servi de corps de garde dans les cantonnements, et qui ont été l’objet de vives réclamations. Ces loyers ont été payés en 1835, mais le ministre peut-il faire droit aux réclamations pour les années 1831 à 1834 ? A-t-il les fonds nécessaires pour couvrir cette dette ; et, s’il en manque, comment en demandera-t-il ?
Dans des communes, des citoyens ont été forcés de donner leurs maisons pour servir de corps de garde : en 1830, le gouvernement a payé des indemnités ; mais en 1832, 1833, 1834, le département de la guerre a constamment refusé les réclamations relatives à cet objet ; il a prétendu ne rien devoir de ce chef. Cependant, depuis le 1er janvier, le ministre a reconnu que les habitants qui avaient été forcés de livrer une partie de leur maison avaient droit à une indemnité : puisque leur droit est reconnu, a-t-on les fonds nécessaires pour y faire face ?
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Le service des corps de garde dans les cantonnements et dans les localités dont l’honorable préopinant est représentant a été fait dans des maisons particulières. Ils étaient assez nombreux par suite des postes établis sur la frontière des Flandres : j’en ai fait réduire le nombre au strict nécessaire.
Relativement à ces anciens corps de garde, il m’est arrivé un assez grand nombre de réclamations pour le loyer des maisons qui avaient été ainsi employées. En 1835, j’ai voulu établir de la régularité dans cette partie du service ; et, en conséquence j’ai fait payer les loyers des habitations que l’on occupait comme corps de garde.
Toutefois, autant que ma mémoire peut me le permettre, je crois me rappeler que beaucoup de réclamations sont parvenues trop tardivement et après que les fonds destinés à payer cette dépense avaient été épuisés.
Il est encore d’autres créances relatives à ces exercices arriérés, et pour le paiement desquelles il faudra nécessairement accorder des crédits supplémentaires, ainsi que j’aurai l’honneur de vous l’exposer prochainement. Mais je me permettrai de vous faire observer que ces dettes arriérées sont antérieures à mon administration, qui n’en laissera aucune à réclamer sur les exercices de 1833, 1834 et de 1835.
- Le chiffre de 1,125,000 francs, mis aux voix, est adopté.
« Art. 1er. Traitement temporaire de non-activité : fr. 269,369 74 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des aumôniers : fr. 16,100. »
- Adopté.
« Art. 3. Traitement d’employés temporaires : fr. 55,030 fr.
M. le président. - La section centrale propose de réduire ce chiffre à 13,050 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je ne puis me rallier à cette réduction, qui se monte à plus de 40,000 fr., et s’applique aux officiers d’état-major et aux officiers sans troupes.
- De toutes parts. - A lundi ! à lundi !
- La séance est levée à 4 heures et demie.