(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 1533) M. T'Kint de Naeyer procède à l'appel nominal à midi et un quart.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. T’Kint de Naeyer présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Quelques faiseurs de bas à Sivry demandent à être exemptés de l'impôt patente qu'on leur réclame. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Henri prie la chambre de lui faire obtenir une récompense honorifique pour acte de dévouement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi déposée par M. Dumortier. Elle est ainsi conçue :
« Vu l'article 2 de la loi communale, article unique : Les bourgmestre et échevins sont nommés par les conseils communaux et dans leur sein. »
Quand M. Dumortier entend-il présenter les développements de sa proposition ?
M. Dumortier. - Dans deux ou trois jours, selon qu'il conviendra à la chambre.
- Le jour sera ultérieurement fixé.
M. de Steenhault. - J'ai l'honneur de déposer un rapport sur une demande en naturalisation.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Destriveaux. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale nommée par le bureau pour examiner le projet de loi relatif à la dispense du grade d'élève universitaire.
La commission propose, à l'unanimité, l'adoption du projet du gouvernement.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Van Cleemputte. - J'ai l'honneur de déposer un rapport sur des demandes en naturalisation.
M. Cools (pour une motion d’ordre). - J'ai fait connaître à la séance d'hier la nature de la motion que je me proposais de faire, c'est de faire décider par vous l'ordre dans lequel les projets présentés hier seraient examinés dans les sections. Mais M. le ministre des finances n'étant pas à son banc, j'attendrai son arrivée pour faire ma motion d'ordre.
M. Coomans. - La chambre a bien voulu fixer à mardi la prise en considération de ma proposition concernant certaines exemptions de taxes d'octroi ; je serai au poste. J'aurai à discuter des chiffres ; j'en ai beaucoup entre les mains ; mais pour que les bases de la discussion ne soient contestées par personne, je prierai M. le ministre de l'intérieur de déposer sur le bureau ou de faire insérer au Moniteur une note indiquant le chiffre, la quotité des impôts locaux prélevés dans nos villes sur chacun des articles que je propose d'exempter, ainsi que le produit desdites taxes pendant les deux dernières années.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il s'agit seulement d'une prise en considération.
M. le président. - La chambre a fixé à mardi le développement de la proposition de M. Coomans ; l'honorable membre demande la communication de certaines pièces.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La discussion n'est pas ouverte.
M. Coomans. - C'est précisément pour nous y préparer tous que je demande des éclaircissements ; c'est dans l'intérêt de tous les membres de l’assemblée que je fais ma proposition. Je sais que les chiffres en question ont été indiqués dans des documents déjà publiés, mais depuis la publication de ces documents, des changements sont intervenus dans divers tarifs communaux. D'ailleurs, M. le ministre de l'intérieur a tous les chiffres sous la main, un employé pourrait en deux ou trois heures réunir les renseignements que je désire.
Je ne veux pas m'exposer à ce que mes chiffres soient contestés, bien que je les aie puisés aux meilleures sources.... Je réclame une simple note dont tous les éléments reposent au département de l'intérieur, puisqu'aucune taxe communale ne peut être prélevée sans l'autorisation du gouvernement.
M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole sur cette observation ?
Personne ne demandant la parole, et M. le ministre des finances étant présent, je donnerai la parole à M. Cools pour faire la motion d'ordre qu'il a annoncée.
M. Cools. - Je demande que la chambre décide dès à présent dans quel ordre on examinera dans les sections les projets qui nous ont été soumis hier ; sans rien préjuger quant au jour où cet examen commencera, je dois dire que je devrai entrer dans quelques détails.
Le gouvernement demande à pouvoir donner une extension très grande à l'intervention du gouvernement dans les travaux d'utilité publique. Vous comprenez que le moins que je puisse faire pour me mettre à la hauteur d'un projet aussi élevé, c'est de donner à ma motion d'ordre un peu plus de développement qu'on ne le fait ordinairement à des questions de cette nature.
Cependant je me renfermerai soigneusement dans l'objet de ma motion ; je m'abstiendrai d'énoncer aucune opinion sur les projets qui nous sont soumis ; je me bornerai à appeler l'attention de la chambre sur quelques points qui doivent fixer son attention, sur quelques points à l'égard desquels les membres ont besoin de connaître la pensée du gouvernement pour mieux pouvoir régler d'une manière normale l'ordre et la marche des travaux dans les sections.
Messieurs, vous avez maintenant le projet sous les yeux, vous l'avez vu dans les Annales qui nous ont été distribuées hier au soir.
La première réflexion qui doit être venue à l'esprit de tout le monde, c'est celle-ci : Quelle influence tous ces projets ont-ils à exercer sur la situation financière du pays que nous venons à peine de rétablir ? Dans cet ordre d'idées, le premier objet qui a besoin d'être examiné, c'est la proposition d'une réduction de péage sur le canal de Pommerœul.
On en comprendra tout de suite la raison : nous avons, il y a deux ans, réduit les péages sur le canal de Charleroy.La réduction était de 35 p. c. On nous propose sur le canal de Pommerœul une réduction qui doit aller jusqu'à 50 p. c. Cependant avec une réduction de 35 p. c. sur le canal de Charleroy, nous avons opéré, sur le produit des péages de ce canal, une réduction de 600,000 fr... (interruption) de 500,000 fr. (interruption)... veut-on 450,000 fr. ? Je dirai une différence notable.
- Plusieurs membres. - C'est le fond.
M. Cools. - Je rentre dans la motion d'ordre.
M. le président. - Je vous engage à vous renfermer dans la motion d'ordre.
M. Rousselle. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Rousselle. - Hier la chambre a décidé qu'elle fixerait, après la distribution de tous les projets, le jour où les sections auraient à s'occuper de l'examen du grand travail qu'a déposé le ministre dans la séance d'hier.
La distribution n'étant pas complètement faite, nous anticiperions sur la discussion, en voulant fixer aujourd'hui l'ordre dans lequel les sections devront s'occuper de ce travail.
Il me paraît que cette discussion ne viendra utilement que le jour où la chambre délibérera sur la fixation du jour où les sections commenceront leurs travaux.
Ne perdons pas notre temps. Nous avons des travaux très importants. Il me semble que nous devrions renvoyer, après la distribution des projets, l'examen des questions que veut soulever l'honorable membre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quatre projets ont été déposés hier. Je comprends parfaitement que l'on décide dans quel ordre ces quatre projets seront examinés. Mais je ne puis pas concevoir comment on pourrait prendre un article d'un projet de loi pour déclarer qu'il devra passer avant les autres, qu'il sera examiné isolément. Cela n'est pas admissible.
Le gouvernement a déposé des projets qui sont un. C'était incontestablement le droit du gouvernement de présenter ces projets avec toutes les dispositions qui s'y réfèrent.
La chambre examinera ces projets ; mais elle ne peut pas vouloir qu'on prenne l'article d'un projet pour s'en occuper séparément.
M. le président. - M. Rousselle n'invoque pas le règlement. Il invoque seulement une décision antérieure de la chambre ; le règlement n'est pas contraire à la motion d'ordre de M. Cools.
J'engage toutefois M. Cools à ne pas entrer dans l'appréciation des projets de loi, et à se borner, dans sa motion, aux considérations qui peuvent influer sur l'ordre dans lequel la chambre examinera les projets.
M. Cools. - Avant de rentrer dans ma motion d'ordre, je repondrai deux mots à l'honorable M. Rousselle et à l'honorable ministre des finances.
Le motif pour lequel je fais ma motion d'ordre aujourd'hui, et je n'ai pas entendu le jour où l'on décidera quand commencera l'examen des (page 1534) projets en sections, c'est que nous ne savons quand la chambre prendra cette décision, qu'il se pourrait qu'à la fin d'une séance, lorsqu'un grande nombre de membres seront partis, on prît une disposition à l'improviste.
Mais je puis faire valoir une raison plus péremptoire que celle-là : c'est que déjà les projets commencent à nous être distribués. Nous avons déjà trois exposés des motifs. Eh bien ! Il ne s'agit pas seulement de savoir dans quel ordre on examinera ces projets en sections, il s'agit aussi de savoir dans quel ordre nous devons étudier ces projets chez nous pour nous préparer à l'examen en sections. Or, nous ne pouvons le savoir, si la chambre ne prend pas une décision à l'égard de la marche de ses travaux.
Je reviens à ma motion d'ordre.
Je dis donc que nous avons besoin de savoir d'abord quelle influence les projets déposés par le gouvernement exerceront sur la situation financière, et qu'à cet effet nous devons commencer par l'examen du projet de diminution des péages sur le canal de Pommerœul.
A cette question s'en rattache une autre : c'est celle de savoir quelle influence aura sur les finances de l'Etat l'abandon des recettes de la station d'Audeghem par suite de la création d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand ; quelle influence enfin aura sur les recettes de l'Etat la construction d'une ligne directe entre Bruxelles et Namur, qui va enlever au gouvernement les recettes que procurent les voyageurs et les marchandises circulant aujourd'hui entre ces deux localités.
Voilà des points sur lesquels, sans rien préjuger, j'appelle toute l'attention de la chambre.
Il est évident que M. le ministre des finances s'est proposé ceci : réduction des péages sur le canal de Pommerœul ; déplacement des voyageurs de la station d'Audeghem ; déplacement des voyageurs de la ligne Bruxelles à Namur ; et malgré cela, maintien de l'équilibre dans les recettes et les dépenses de l'Etat. C'est là un problème que M. le ministre des finances est parvenu à résoudre, mais qui me paraît appartenir à une arithmétique si transcendante que mon intelligence ne va pas jusqu'à pouvoir s'en rendre compte.
Du reste, nous verrons les explications du gouvernement, quand les projets nous seront distribués, et c'est une raison de plus pour ne pas nous hâter de fixer le jour où commencera l'examen.
Après la réduction des péages sur le canal de Pommerœul, viendront tout naturellement les projets de lois d'impôts, il est évident, comme M. le ministre l'a dit, qu'on ne peut commencer les travaux publics que lorsqu'on aura créé les ressources nécessaires pour couvrir les dépenses de ces travaux. Il faut donc commencer par les projets de lois d'impôt, et, parmi ceux-ci, je proposerai l'ordre suivant :
D'abord le projet de loi sur les distilleries, ensuite le projet de loi sur les tabacs, enfin le projet de loi sur les bières.
Le plus compliqué des trois projets est évidemment celui sur les distilleries. C'est celui qui, lorsqu'il arrivera en section centrale, exigera le plus de demandes d'explications au gouvernement. C'est donc par celui-là qu'il faut commencer.
Dans le même ordre d'idées on passera aux tabacs, puis aux bières.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce sont ordinairement les présidents des sections qui règlent ces objets.
M. le président. - La chambre a décidé qu'elle fixerait elle-même le jour de l'examen en sections et M. Cools a le droit de demander que la chambre règle aussi elle-même l'ordre de ses travaux. Je dois donc lui maintenir la parole.
M. Cools. - Je devrais peut-être m'arrêter là et m'abstenir de parler des travaux publics ; voici pourquoi : M. le ministre des finances nous a dit continuellement qu'il se proposait pour premier but de rétablir l'ordre dans les finances, et pour deuxième but, de créer des impôts pour pouvoir exécuter quelques travaux publics ; ce n'est que quand il a considéré le premier but comme atteint, qu'il est venu proposer les projets de lois dont il s'agit en ce moment. Eh bien, jusqu'ici c'est là une pure supposition ; nous ne savons pas si, oui ou non, l'équilibre est rétabli dans les finances ; ce n'est que quand nous connaîtrons la pensée du sénat sur le projet de loi relatif aux successions que nous saurous si nous pouvons aller en avant. Le sénat a une liberté d'action tout aussi grande que la nôtre.
Le sénat peut non seulement rejeter le projet, mais il peut l'amender de manière que les ressources du trésor soient diminuées. Or, si ce cas se présentait, il est évident que M. le ministre des finances serait forcé de proposer des changements en ce qui concerne les travaux publics. Il devrait venir nous dire : Nous ne pouvons pas exécuter tous ces travaux parce qu'une partie des fonds destinés à ces travaux doit maintenant servir a combler le déficit.
A cet égard, je demanderai une explication formelle au gouvernement : Est-il d'intention, oui ou non, de laisser voter par la chambre les travaux publics avant que le sénat se soit prononcé sur le projet de loi des successions ?
M. le président. - Ceci ne concerne pas l'ordre des travaux des sections.
Vous soumettez à la chambre une espèce de proposition d'ajournement. Une telle proposition ne peut être faite avant l'examen des projets en section. Je vous invite à vous renfermer dans la motion d'ordre.
M. Cools. - M. le président, je vais rencontrer votre observation. Je disais que j'aurais peut-être pu me dispenser de parler des travaux publics par la raison que je viens d'indiquer, c'est que nous ne pouvons pas nous occuper de ces travaux avant de connaître la pensée du sénat sur le projet de loi relatif aux successions. Maintenant, rentrant dans ma motion d'ordre, achevant de la développer, j'aborde l'examen des travaux publics et je dis que l'ordre dans lequel nous devons les examiner est celui-ci : ces travaux sont de trois espèces ; il y a des travaux à exécuter par concession sans l'intervention du gouvernement ; il y a des travaux à exécuter par concession, avec garantie d'un minimum d'intérêt ; et enfin les travaux à faire directement par l'Etat.
Eh bien, l'ordre naturel à suivre, c'est de commencer par les travaux qui exposent l'Etat au moins de danger, par les travaux qui seront concédés sans garantie aucune, par exemple, le chemin de fer de Bruxelles à Gand.
M. le président. - Vous vous écartez encore une fois de la motion d'ordre : vous demandez la division d'un projet de loi qui constitue un ensemble. C'est une question sur laquelle la chambre pourra statuer plus tard, après l'examen en sections ; mais maintenant c'est impossible. J'engage de nouveau l'honorable membre à se renfermer dans sa motion d'ordre, sans cela je devrai lui retirer la parole.
M. Cools. - J'ai achevé de développer ma motion d'ordre ; j'ai du reste déclaré d'avance que je devais entrer dans quelques développements. Je termine en soumettant à la chambre une proposition qui résume les considérations que je viens de présenter.
M. le président. - Voici la proposition de l'honorable M. Cools :
« Je propose à la chambre de décider que l'examen, dans les sections, des projets déposés par le gouvernement, se fera dans l'ordre suivant, sans rien préjuger quant au jour auquel cet examen commencera :
« Réduction des péages sur le canal de Pommerœul ;
« Augmentation de l'accise sur le genièvre ;
« Droit de débit sur les tabacs ;
« Changement de l'impôt sur les bières ;
« Emission d'un emprunt ;
« Travaux à exécuter sans garantie par l'Etat ;
« Travaux à exécuter avec garantie d'un minimum d'intérêt ;
« Travaux à exécuter directement par l'Etat. »
Il y a évidemment dans cette proposition une demande de division de projets formant un ensemble, dans les termes où ils sont présentés par le gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En entendant tout à l'heure l'honorable M. Cools, on disait à mes côtés que sa proposition n'était pas une motion d'ordre mais une motion de désordre, une motion de confusion. L'honorable membre se fait une idée à lui de l'examen auquel il doit se livrer des projets de lois ; il le trouve parfait, et il veut que la chambre l'adopte.
On propose, dans le projet de loi relatif aux travaux publics, une mesure qui aura pour objet une réduction de péages sur une de nos voies navigables. Comme cela peut exercer de l'influence sur notre situation financière, l'honorable membre demande qu'on examine d'abord cette proposition. Il aurait dû, pour être logique, détacher aussi toutes les propositions de nature à influer sur notre situation financière en améliorant les revenus.
M. Dumortier. - Lesquelles ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Celles relatives aux travaux qui sont de nature à faire fructifier des capitaux dépensés qui ne rapportent rien aujourd'hui. Ainsi, par exemple, les travaux de jonction de la Meuse à l'Escaut.
Une réduction de 35 p. c. sur le canal de Charleroy, a donné, dans les recettes, une diminution de 500,000 francs, due comme nous l'avons dit, à des causes qui ne résultent pas directement de l'abaissement du péage. L'honorable membre en conclut qu'une diminution de 50 p. c. sur le canal de Pommerœul à Anloing, priverait le trésor d'une somme plus forte encore. L'erreur est évidente.
L'honorable membre aurait dû se demander quelle était l'importance des revenus de ce canal ; il aurait vu que la réduction éventuelle même de 50 p. c. n'amènerait pas une perte aussi notable que celle éprouvée sur le canal de Charleroy ; elle pourrait représenter 200 mille francs, en tenant compte de certain accroissement qui doit résulter de la plus grande économie qn'il y aura à opérer les transports par cette voie.
Cette disposition fait partie d'un ensemble.
Je comprends que l'honorable membre suive un certain ordre dans l'examen des projets ; mais je ne comprends pas qu'il vienne proposer à la chambre, de décider sans examen, sans connaître l'objet des propositions, leur utilité, leur tendance, la liaison qu'elles ont entre elles, j'ai lieu de m'étonner qu'il vienne dire : J'ai lu dans un des projets telle disposition, je demande qu'elle soit examinée avant toutes les autres. Je n'insiste pas pour combattre cette proposition, car il est impossible que la chambre scinde un projet de loi qu'elle n'a pas examiné.
Quant à l'ordre d'examen des projets de loi, il se présente tout naturellement ; si nous voulons créer des travaux publics, nous voulons créer des ressources pour faire face aux dépenses. Nous n'en créons pas sans ressource. Ces ressources, nous venons de les indiquer. Trois projet sont présentés, ils sont sous les yeux de la chambre. La chambre peut les examiner. Cet examen ne préjuge rien sur l'adoption de ces projets ou sur l'adoption des travaux pubdes.
Raisonnant dans l'hypothèse de l'examen des projets d’après l’ordre dans lequel ils ont été présentés, il n’y aura pas pour cela de résolution. Le projet de loi relatif aux travaux publics est sous presse. Nous pensions que (page 1535) la distribution pourra être faite demain soir ou samedi, au plus tard, La chambre sera donc en mesure d'examiner ce projet mardi. Ne veut-on pas suivre l'ordre que j'ai indiqué ? veut-on examiner d'abord les travaux publics et ensuite les impôts ? rien n'est plus simple ; que la chambre décide que tel jour qu'elle trouvera convenable les sections examineront les projets de loi dans tel ordre soit en commençant par le projet relatif aux travaux publies soit par les projets de loi relatifs aux impôts. Mais que la chambre prenne une décision. Ajourner encore, ne peut que faire perdre du temps.
M. Dumortier. - J'ai demandé la parole pour renouveler la proposition de M. Rousselle.
La chambre a décidé qu'elle réglerait l'ordre du travail en sections après la distribution des projets de loi. Si nous voulons prendre une résolution maintenant, nous allons perdre beaucoup de temps. J'adjure notre honorable collègue à ajourner sa motion d'ordre. |
M. Le Hon. - Si M. Cools ne retire pas sa motion, je demanderai à présenter quelques observations.
M. Cools. - Si ma motion n'avait eu d'autre résultat que d'amener les explications de M. le ministre des finances, je m’applaudirais de l’avoir faite, son intention devient de plus en plus claire. Il vient de faire entendre qu'il désire qu'on procède de leur distribution, cela ne se peut pas. Il est impossible de commencer cet examen avant d'avoir toutes les pièces. Au surplus, déférant à la demande qui m'en a été faite, je déclare ajourner ma proposition jusqu'au moment où la chambre se fixera sur le jour où l'examen commencera dans les sections.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous avons déjà eu une discussion assez longue sur l'ordre de la discussion pour ne pas perdre encore du temps demain ou après, par le renouvellement de la proposition, je demande si l'on voit de l'inconvénient à fixer le jour où commencera l'examen en section ?
Je viens de dire qu'il m'est indifférent qu'on commence par les projets de lois d'impôt ou par les travaux publics. Je ne saurais attacher à cela aucune espèce d'importance. (Interruption.)
Puisqu'on a eu une discussion sur ce point qui se présenterait encore et qui ferait encore perdre du temps, je demande à la chambre si l'on verrait quelque inconvénient a fixer le jour où commencerait l'examen en sections ?
L'examen en sections pourrait indubitablement commencer par celui des trois projets qui ont été distribués hier. Je demande quelle raison il y aurait de ne pas examiner ces projets. Si l'on peut me donner une bonne raison pour me prouver qu'il faut que le projet de loi sur les travaux publics soit distribué pour commencer l'examen des projets d'impôts, je suis prêt à m'y rendre. Mais s'il n'y en a pas, pourquoi perdrions-nous du temps ? Les sections pourront s'occuper utilement. Les projets sont distribués, y a-t-il quelque inconvénient à en fixer l'examen à mardi ?
Je ne demande pas qu'on le commence immédiatement, qu'on le commence demain. J'aurais le droit de demander qu'on le fixât à samedi. Mais je ne le demande pas.
La chambre a décidé qu'elle fixerait l'examen en sections des projets du gouvernement après l'impression et la distribution. Voici trois projets imprimés et distribués, ainsi nous sommes dans les termes de la décision de la chambre.
Ne pas prendre une décision aujourd'hui, ce serait évidemment du temps perdu. Cela ne préjuge rien. L'examen en section revient à ceci : pour le cas éventuel où il y aurait lieu à voter de nouveaux impôts et à exécuter des travaux publics, nous admettons ou nous n'admettons pas que les projets doivent être adoptés. Voilà tout.
J'insiste donc pour que, sans perdre de temps, on fixe à mardi l'examen des projets qui sont imprimés et distribués.
M. Dumortier. - Messieurs, la proposition de M. le ministre des finances est diamétralement opposée à ce que vous avez résolu hier et à ce dont il vient de vous être donné lecture dans le procès-verbal approuvé à l'instant même par la chambre.
Le procès-verbal porte que le règlement d'ordre pour les sections sera fait après la distribution des documents que le gouvernement a présentés à la chambre.
Nous avons reçu hier soir les trois projets d'impôts qui ont été déposés par le gouvernement ; mais nous n'avons pas encore reçu le projet sur les travaux publics, et M. le ministre des finances nous annonce que son collègue, M. le ministre des travaux publics, nous fait espérer que nous aurons ce projet samedi.
Comment maintenant décider, sans se mettre en opposition directe avec le procès-verbal que vous venez d'adopter, que mardi vous commencerez en sections l'examen des documents ?
Messieurs, on viendra vous dire, comme M. le ministre des finances : Mais déjà trois projets sont distribués ; examinons-les. Personnellement, je ne tiens pas plus que M. le ministre des finances à ce qu'on examine d'abord les projets d'impôts ou le projet de travaux publics ; quoi qu'il soit plus logique d'examiner les dépenses avant que de s'occuper des ressources pour les couvrir. Mais quelle que soit l'opinion qui prévale, il est certain, qu'il y a une corrélation absolue entre ces divers projets que vous ne pouvez examiner les projets d'impôts sans avoir sous les yeux et sans avoir mûrement examiné le projet de travaux publics.
Vous avez, par une loi à laquelle, il est vrai, je n'ai pas donné mon assentiment, rétabli la situation financière que vous disiez mauvaise. Aujourd'hui que des impôts vous sont demandés pour des travaux publics, vous n'irez pas voter ers impôts si vous n'avez pas résolu de faire des travaux ou si vous n'avez pas l'intention de les faire tous.
Il y a donc une corrélation intime entre le projet de travaux publics et les projets d'impôts. Il faut que nous puissions examiner les projets de travaux publics avant de décider s'il est nécessaire de voter des impôts. Il y a, je le répète, une corrélation absolue entre ces projets, et c'est ce que disait hier M. le ministre des finances lui-même.
La chambre ne peut donc statuer aujourd'hui que mardi on examinera les projets d'impôts en sections ; car si nous n'avions pas pour mardi les projets de travaux publics que l'on nous fait seulement espérer, que l'on n'est pas sûr de pouvoir nous donner samedi, qu'arriverait-il ? Il arriverait infailliblement que les sections seraient dans une impasse.
Ce n'est pas tout. Eu vertu du règlement, non seulement la chambre a le droit de fixer le jour où elle veut examiner les projets de loi dans les sections ; mais elle a le droit de régler l'ordre suivant lequel l'examen aura lieu.
L'article 32, qu'a rappelé hier notre honorable collègue, M. Cools, dit : « Chaque section examinera les propositions et les amendements qui lui sont renvoyés suivant l'ordre indique par la chambre. »
Il faut donc que la chambre indique l'ordre d'examen.
Pourquoi cette disposition a-t-elle été établie dans le règlement ? Messieurs, je suis du petit nombre des membres de la chambre actuelle qui ont pris part à la discussion du règlement en 1831, et ici j'en appellerai à l'honorable M. Lebeau, qui a pris une part très large à cette discussion. Qu'a-t-on voulu ? On a voulu qu'il y eût trois lectures des projets soumis à la chambre : la première lecture, c'est lorsque les ministres viennent déposer les projets ; la seconde, c'est lorsqu'on fait le rapport ; la troisième, c'est le vote.
Voilà les trois lectures exigées par le règlement, dans l'intention de la chambre, et l'on peut vérifier à cet égard les procès-verbaux et le Moniteur ; en faisant le règlement, il était bien entendu que ces trois lectures pouvaient être suivies d'une discussion.
C'est ce qui avait lieu dans l'origine du parlement, et c'est ce, qui se passe encore dans la prise en considération des propositions faites par des membres de la chambre ; c'est la première lecture, vous êtes en droit de présenter des observations.
Maintenant, le gouvernement nous présente un projet de travaux publics. Je suppose que lorsque ce projet sera imprimé, nous trouvions que telle ou telle pièce est nécessaire pour former les convictions lors de l'examen en sections ; la chambre est en droit de la réclamer.
Je sais qu'on viendra me dire : La section centrale demandera cette pièce. Mais ce n'est pas la même chose. La section centrale n'est qu'une délégation des sections, chargée de coordonner leurs travaux. Ce n'est pas à elle seule qu'il appartient de se faire remettre les pièces propres à éclairer les convictions ; c'est à tous et à chacun de nous à exiger ces pièces.
Cela est tellement vrai que de tout temps les sections ont exigé du gouvernement les documents propres à éclairer leur conscience. J'ai encore chez moi des dossiers volumineux de pièces qui m'ont été fournies, en 1831, 1832, 1833 lorsque j'étais rapporteur d'une section, et qui avaient été demandées par cette section.
Il serait, messieurs, par trop commode au gouvernement de ne pas éclairer les consciences, de nous faire voter de grandes dépenses et de dire : La section centrale examinera cela ; quant à vous, vous n'avez pas besoin de vous en occuper.
Ce n'est pas ainsi que les choses peuvent se passer. Il faut les trois lectures exigées par le règlement ; et il faut que dès la première lecture, la chambre puisse décider s'il ne manque pas de pièces pour former ses convictions. Or, nous ne pouvons avoir de certitude à cet égard que lorsque nous avons les projets de loi, et dans l'occurrence il n'en a pas même été donné lecture.
Messieurs, la question est d'autant plus importante dans les circonstances actuelles, que nous ne savons que trop combien le pays a été trompé en matière de travaux publics.
Nous ne savons que trop combien de projets ont été présentés qui ne devaient coûter qu'un petit nombre de millions, et qui, en définitive, ont exigé des sommes énormes.
Je n'accuse personne, je n'accuse les intentions de personne ; mais il n'en est pas moins vrai que le chemin de fer de la Vesdre, par exemple, devait, d'après les développements présentés à cette chambre en 1834, coûter 2,343,000 fr. y compris le pont sur la Meuse,et qu'il a coûté 35 millions de francs.
M. le président. - Vous sortez de la question. Nous n'avons pas à nous occuper en ce moment de ce qu'a coûte le chemin de fer de la Vesdre.
M. Dumortier. - Je signale les précédents pour faire comprendre à la chambre l'importance de s'entourer de tous les documents nécessaires. Je pourrais aussi vous parler du canal latéral de la Meuse et de tant d'autres travaux dont les devis ont été si énormément dépassés.
Il faut donc que la chambre prenne une première lecture, surtout d'un projet aussi important, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, et savoir si elle votera ces impôts, et j'insiste pour qu'on attende la distribution de ce projet, avant de fixer l'examen des diverses propositions dans les sections et leur ordre. Mais décider dès (page 1536) aujourd'hui que mardi vous commencerez cet examen en sections, alors que vous n'aurez que lundi au plus tôt, à votre retour, les documents relatifs aux travaux publics, cela n'est pas possible. Car vous ne pourriez savoir lundi si vous avez toutes les pièces nécessaires pour un examen consciencieux de la matière.
M. le président. - M. Dumortier propose d'attendre la distribution de tous les projets, avant de fixer le jour où l'on commencera l'examen en sections.
Quant au procès-verbal de la séance d'hier, voici ce qu'il porte. « Après des observations, l'assemblée renvoie les projets de loi aux sections et décide qu'elle fixera ultérieurement l’ordre de leur examen en section. »
M. Mercier. - Il est évident que nous ne ferons rien de sérieux en sections, si nous examinons les voies et moyens sans avoir une idée complète des travaux à exécuter, si nous n'avons pas pu prendre une connaissance exacte des projets de travaux publics qui nous sont présentés. Or, nous ne savons pss encore en ce moment quand ces projets nous seront distribués ; nous n'avons à cet égard que des probabilités.
Nous avons décidé hier que nous ne déterminerions le jour de la discussion en sections que lorsque les projets seraient imprimés et distribués. Or, il s'agit ici d'un ensemble de projets ; vous ne pouvez les séparer dans l'examen. Il est évident que ces projets auraient pu être conçus en un seul, s'occupant d'abord des travaux publics, ensuite des voies et moyens pour y faire face. Il a plu à M. le ministre des finances de faire quatre projets de loi, comme il aurait pu en faire dix ; car chaque point spécial qui est dans ce projet de travaux publics, aurait pu faire un projet distincts.
Les quatre projets forment donc un ensemble. Vous ne pouvez vous fixer sur les voies et moyens avant d'avoir examiné quels sont les travaux à exécuter. Quant à moi, je ne le pourrais pas.
M. le ministre des finances nous dit : Il n'y a rien de préjugé par l'examen en sections. Alors il faut dire que le travail des sections ne signifie plus rien. Cependant je crois que les membres qui se rendent dans les sections y votent aussi consciencieusement que dans la chambre même ; et il est impossible de donner son adhésion en sections aux projets d'impôts, avant de savoir si l'on donnera son adhésion aux travaux publics.
Je demande donc que M. le ministre des finances n'insiste pas pour qu'on décide aujourd'hui le jour où les projets de voies et moyens seront examinés en section. Lorsque nous aurons entre les mains le projet des travaux publics, nous prendrons à cet égard une détermination. Il faut même que nous ayons un temps moral pour le lire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai véritablement pas le courage d'insister en présence d'une question aussi simple soulevant de pareils débats.
L'honorable M. Dumortier dit : J'adhère aux observations de M. le ministre des finances ; je crois qu'il est indifférent qu'on examine d'abord les projets d'impôts ou le projet de travaux publics ; et, en effet, il est impossible de concevoir une seule raison pour examiner d'abord tel projet plutôt que tel autre, le projet de travaux publics plutôt que les projets d'impôts ; et la conclusion de l'honorable M. Dumortier est qu'il faut attendre que le projet de travaux publics soit distribué !
C'est aussi la conclusion à laquelle arrive l'honorable M. Mercier.
Mais encore une fois, quand les projets auront tous été distribués, la question ne se présentera-t-elle pas toujours, pour la chambre, de savoir dans quel ordre ils seront examinés ?
Si la chambre était d'opinion qu'elle examinera d'abord les projets d'impôts qui sont déposés et distribués, pourquoi ne déciderait-elle pas le jour où la discussion commencera ? Quelle nécessité y aurait-il d'attendre demain ou lundi ou mardi pour se fixer sur ce point ? Mais je n'insiste pas ; la chambre fera comme elle l'entendra.
J'ai rempli mon devoir, en demandant que la chambre ne se laisse pas arrêter par des moyens purement dilatoires ; car les projets de loi étant distribués, il y aurait évidemment utilité à fixer le jour où ils seront discutés en section.
M. Dumortier. - L'honorable ministre des finances argumente d'une manière fort singulière, comme cela lui arrive souvent. Il dit : L'honorable M. Dumortier vient de dire qu'il lui est indiffèrent d'examiner d'abord les travaux publics ou les impôts, et il s'oppose à ce qu'on fixe maintenant l'ordre de la discussion ; mais c'est précisément la conséquence.
Il m'est indifférent, lorsque vous aurez toutes les pièces sous les yeux, que vous examiniez un projet avant l'autre, mais je veux que pour examiner vous ayez toutes les pièces sous les yeux. Quand vous aurez toutes les pièces sous les yeux, que vous aurez pu vous fixer sur la question des travaux publics, sur les impôts, examinez l'un avant l'autre. Je n'y vois pas de difficulté ; mais je ne veux pas qu'on statue sur les projets de loi de recettes sans savoir si vous voulez faire les projets de loi de dépenses.
Quelle singulière précipitation M. le ministre des finances veut-il mettre dans ces débats ! Voilà huit mois que vous examinez les projets de loi, que vous les discutez sans peut-être vous mettre d'accord, et vous voulez que nous, qui n'en avons eu connaissance qu'hier, nous en commencions demain l'examen en sections ? C'est un peu trop fort.
Vous avez eu la session tout entière pour présenter ces projets de loi : vous attendez jusqu'à la fin de la session pour les présenter et vous demandez l'examen immédiat en sections.
Il y a autre chose : il y a le pays qui lui aussi doit examiner de pareilles dépenses afin que nous, qui sommes mandataires de nos concitoyens, nous sachions ce qu'ils veulent.
Il ne suffit pas ici de notre volonté, il faut voir aussi celle du peuple belge ; et certes ce n'est point avec de la précipitation que nous pourrons satisfaire la volonté du peuple. Si nous avons quelques jours de retard, la faute n'en peut être en aucune manière à l'assemblée, elle ne peut être qu'au gouvernement qui a tant tardé, qui a attendu huit mois de session pour nous présenter ces projets de loi, et qui les présente à une époque où jamais, d'après les précédents de la chambre, on ne s'occupe de discussions aussi importantes.
Nous n'avons pas eu de discours du Trône qui annonçât les projets de loi dont la chambre aurait à s'occuper dans la session : nous n'avons eu aucun élément.
Quand nous avons demandé à M. le ministre des finances et à M. le ministre des travaux publics de nous fournir une vue d'ensemble sur les projets de loi qu'ils avaient l'intention de présenter, il s'y sont obstinément refusés ; ils n'ont jamais consenti à nous donner le plus petit éclaircissement. Quand on arrive avec des projets de loi comme ceux qu'on nous propose, il faut au moins qu'on puisse les examiner.
Vouloir qu'on examine immédiatement, c'est nous demander de procéder avec une singulière vitesse, alors qu'on a eu soi-même tout le temps nécessaire pour examiner.
M. le président. - M. Osy vient de déposer la proposition suivante :
« Je propose de décider mardi prochain l'ordre des travaux des sections. »
M. le ministre des finances demande, au contraire, que l'on décide aujourd'hui que les sections se réuniront mardi.
M. Rousselle. - Dès le principe de cette discussion que je déplore, parce qu'elle nous a fait perdre beaucoup de temps, j'ai demandé que la chambre maintînt la décision qu'elle a prise. Il est possible que, par la proposition que vient de déposer l'honorable M. Osy, nous changions cette décision. Je n'en vois pas la nécessité.
Le projet de travaux publics ne sera, dit-on, distribué que demain ou après-demain. La chambre, ayant eu connaissance de ce projet, pourrait décider lundi le jour où elle pourra s'occuper de l'examen en sections, peut-être même samedi. Rien n'empêche qu'après la première lecture que les membres de la chambre auront faite de ce projet, nous ne réglions l'ordre des travaux dans les sections.
Je ne vois donc pas de motif pour changer la décision de la chambre.
Quant à moi, mon désir est que les sections s'occupent des projets de travaux publics avant de s'occuper des voies et moyens ; toujours la chambre examine les recettes avant d'examiner les dépenses, cela est rationnel, car ce sera d'après la décision que nous prendrons sur les dépenses qu'il faudra ou qu'il ne faudra pas des recettes.
Je demande que la chambre maintienne sa décision d'hier.
M. Osy. - Messieurs, nous n'aurons toutes les pièces que samedi soir ; eh bien, lundi nous pourrons lire les projets et mardi nous pourrons, en connaissance de cause, régler l'ordre des travaux des sections, c'est ce que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui ; la discussion actuelle ne mène à rien. Je demande donc que cette discussion cesse et que mardi nous examinions si nous pouvons régler l'ordre des travaux des sections.
- La proposition de M. Osy est mise aux voix, elle n'est pas adopté.
La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il faut maintenant décider quels sont les projets que les sections examineront en premier lieu.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est indifférent.
M. le président. - Il faut que la question soit décidée afin que les travaux des différentes sections coïncident. On peut toutefois laisser aux présidents des sections le soin de régler cet objet.
Quelqu'un fait-il une proposition ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait commencer par le projet de loi sur les distilleries.
M. Coomans. - Il faudrait commencer par les travaux publics.
M. Dumortier. - C'est impossible ; nous n'avons pas les pièces.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne s'agit que des projets distribués, c'est-à-dire des projets d'impôts ; c'est uniquement, si je puis m'exprimer ainsi, un examen matériel, un examen des impôts, considérés en eux-mêmes, abstraction faite des travaux publics.
Je pense qu'on pourrait examiner ces projets dans l'ordre suivant :
Distilleries ;
Bières ;
Tabacs.
(page 1537) Le projet sur les distilleries est le plus important ; c'est celui qui donnera probablement lieu au plus long examen.
M. Coomans. - Je respecte beaucoup la décision de la chambre, qui, au fond, m'était indifférente, mais il me semblerait plus que singulier de discuter les voies et moyens pour des travaux publics dont la chambre ne se serait pas préalablement occupée. J'avais compris la décision de la chambre en ce sens que l'on pourrait, mardi, examiner les projets de dépenses, c'est-à-dire les travaux publics. Avant de créer des ressources, sachons du moins pourquoi.
M. le président. - La chambre a décidé que les sections commenceraient mardi l'examen des projets qui sont distribués, c'est à-dire des projets d'impôts ; vous ne pouvez parler que sur l'ordre à établir entre ces trois projets.
M. Cools. - Je dois appuyer la proposition de l'honorable ministre des finances, qui est la reproduction de celle que j'avais faite moi-même à la chambre. J'avais proposé, en effet, de commencer l'examen des lois d'impôts par le projet de loi sur les distilleries, c'est aussi là ce que M. le ministre demande. Mais je ferai une demande à M. le ministre : il a été décidé que l'on commencera mardi l'examen des projets déjà distribués ; les trois projets distribués concernent les impôts, mais d'ici à mardi, les projets concernant les travaux publics seront également distribués ; je désire connaître l'intention de M. le ministre sur le point de savoir si dans cette session-ci nous allons examiner tous les travaux publics, en d'autres termes, si M. le ministre veut faire suivre immédiatement les projets relatifs aux travaux publics avant que le sénat ne se soit prononcé sur les lois d'impôt, et spécialement sur l'impôt des successions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne crois pas qu'il soit convenable que la chambre subordonne ses travaux aux décisions à prendre ultérieurement par un autre pouvoir. Le gouvernement examinera ce qu'il aura à faire quant aux projets de loi qui ont été adoptés ou qui seront adoptés ou rejetés plus tard par la chambre ; nous n'avons pas à nous prononcer maintenant à cet égard.
Le gouvernement a soumis des propositions à la chambre ; on vient de décider que trois de ces projets, ceux qui sont imprimés et distribués, seront examinés mardi et il s'agit de savoir dans quel ordre ils seront examinés. Eh bien, je propose de s'occuper d'abord du projet de loi sur les distilleries, puis du projet de loi sur les bières, ensuite du projet de loi sur les tabacs.
L'honorable M. Coomans vient de dire qu'il faut examiner les dépenses avant les recettes ; mais l'examen en sections ne préjuge pas l'ordre que la chambre adoptera pour la discussion des projets. Et puis, c'est un argument qu'on peut retourner ; on peut dire qu'il faut voter les recettes avant les dépenses ; car il n'y a pas plus lieu à voter les recettes sans les travaux publics qu'à voter les travaux publics sans les recettes. Il n'y a donc aucune raison pour commencer plutôt par une chose que par l'autre. Quand même la chambre aurait voté les impôts, si elle rejetait ultérieurement les travaux publics, il est bien clair que les impôts deviendraient sans objet. Tout cela est intimement lié ; c'est clair comme le jour.
Maintenant il s'agit de ne pas perdre de temps ; et c'est pour cela qu'on a décidé que les projets distribués seront examinés mardi dans les sections.
La chambre veut-elle remettre aux présidents des sections le soin de régler l'ordre entre ces trois projets de lois, veut-elle le régler elle-même ? Elle en décidera.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Cools(contre la clôture). - Je demande la parole pour une question personnelle.
M. le ministre des finances vient de faire entendre que je n'ai pas compris les devoirs que la chambre a à remplir envers elle-même, que ma proposition aurait pour but de mettre la chambre à la disposition du sénat.
Je demande à m'expliquer à cet égard, car c'est réellement bien là une question personnelle.
Je dirai donc à M. le ministre que c'est lui qui manquerait ici à tout ce qu'il doit à la majorité qui a voté la loi sur les droits de succession, dans la persuasion qu'après le vote de cette loi l'équilibre financier serait établi et maintenu, en ne s'expliquant pas sur la question que j'ai posée. Ce serait manquer à ce qu'on doit à la majorité que de ne pas lui dire si l'on s'abstiendra de demander à la chambre de discuter le projet de travaux publics avant de savoir si, par le vote du sénat, l'équilibre dont a parlé M. le ministre des finances sera maintenu, si l'équilibre, que nous avons si péniblement créé, est solidement établi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant m'impute d'avoir manqué à mes devoirs envers la majorité en ne répondant pas à son interpellation. Il me semble d'abord que la majorité n'a pas parlé, et je ne sache pas que quelqu'un ait mission de parler en son nom.
Quelle est d'ailleurs cette interpellation ? L'honorable membre cherchant à connaître quand le gouvernement portera devant le sénat le projet de loi récemment voté par la chambre, désirait savoir si les résolutions que peut éventuellement prendre la chambre seront subordonnées à la résolution du sénat.
Déjà l'honorable membre m'avait adressé cette interpellation : j'avais jugé prudent et convenable de n'y pas répondre.
Il y revient : je lui ferai remarquer que, à mon sens, la chambre n’a pas à subordonner sa résolution à celle que peuvent éventuellement prendre d'autres pouvoirs.
Je crois qu'elle doit agir dans sa puissance et dans sa dignité, de même que les autres pouvoirs agiront aussi dans leur puissance et dans leur dignité.
L'honorable membre se trompe s'il croit que j'ai voulu lui dire quelque chose de désagréable. J'ai répondu à son interpellation. Je crois l'avoir fait d'une manière convenable.
M. Cools. - Il est libre à M. le ministre de répondre ou de ne pas répondre ; mais mon observation subsiste.
M. Cumont (contre la clôture). - J'ai demandé la parole pour faire une proposition qui terminerait le débat.
Il a été décidé irrévocablement que les sections seront convoqués mardi.
On discute maintenant la question de priorité ; je propose d'en laisser la décision aux présidents de sections.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cette proposition.
- La discussion est close.
La proposition de M. Cumont est adoptée.
M. le président. - En conséquence, les sections se réuniront mardi ? elles examineront les projets dans l'ordre qui sera déterminé par les présidents des sections. A quelle heure la chambre fixe-t-elle la réunion des sections ?
M. Dumortier. - On discutera cela lundi.
M. le président. - Il est bon de prendre une résolution plus tôt.
M. Dumortier. - De même qu'on vient de revenir sur la résolution d'hier, de même lundi, quand j'aurai examiné le projet de travaux publics, je me réserve de proposer à la chambre de revenir sur sa décision d'aujourd'hui.
M. le président. - Vous avez le droit de faire des propositions. La chambre statuera.
Je propose à la chambre de décider dès à présent que les sections se réuniront mardi à onze heures, afin que chacun soit prévenu et puisse être à son poste.
Il n'y a pas d'opposition ? (Silence.)
Je déclare la proposition adoptée.
Les amendements du sénat sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 62 membres présents.
En conséquence, le projet de loi sera transmis au sénat, et notification en sera donnée au sénat.
Ont pris part au vote : MM. Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Cans, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delescluse, Deliége, de Meester, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Rodenbach, Rogier, Rousselle (Ch.) et Delfosse.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 31.
« Primes pour construction de navires : fr. 20,000. »
M. Vermeire. - L'article 51, pour lequel on demande un crédit de 20,000 francs, a été contesté par deux sections. Je lis dans le rapport de la section centrale :
« La première section demande que M. le ministre explique à la section centrale ses vues sur le renouvellement de la loi accordant des primes pour la construction de navins, qui expire le 31 décembre prochain ; et dans le cas négatif, s'il ne présenterait pas un projet de loi pour faciliter encore la nationalisation des navires étrangers.
« La quatrième section, à l'unanimité de quatre membres et une abstention, émet le vœu que la loi ne soit plus renouvelée.
« Les autres sections adoptent sans observation.
« Le désir de la première section a été communiqué à M. le ministre des affaires étrangères, qui a répondu en ces termes :
« Dès le 15 janvier dernier, une circulaire a prescrit une sorte d'enquête administrative sur cet objet, et, en outre, sur le régime d'entrée (page 1538) des navires étrangers nationalisés par le gouvernement. Cette enquête s'est ouverte dans les provinces d'Anvers, de Brabant et des deux Flandres.
« Dans cet de choses et eu égard a ce que l'instruction de l'affaire n'est pas entièrement terminée, il paraît impossible de se prononcer encore sur la question des primes de navires. Selon toute apparence, le gouvernement sera à même de le faire avant la fin de la session.
« Toutefois, l'intention du gouvernement est, dans tous les cas, de ne pas maintenir le régime tel qu'il existe aujourd'hui, l'exécution de la loi du 7 janvier 1837 entraînant de trop lourds sacrifices pour le trésor.
La déclaration qui a été faite hier par M. le ministre des affaires étrangères me force d'expliquer en peu de mots quel est le motif pour lequel les primes ont été instituées en faveur de la construction des navires.
Mais avant de me livrer à cet examen, je crois devoir dire que les charges que ces primes imposent au trésor ne sont pas si lourdes. En effet, messieurs, depuis 1837, que la loi existe, jusqu'au 15 janvier de cette année, il n'a été inscrit que 78 navires jaugeant ensemble 19,752 tonneaux ; de manière que toutes les primes accordées pendant les 14 années ne s'élèvent pas à 300,000 francs.
Les primes ont été instituées à la suite d'un vote émis dans la discussion du budget des affaires étrangères de 1835.
Quelques jours après, le premier projet de loi sur les primes fut présenté. Le rapporteur de la section centrale de cette époque appuyait le système des primes, non seulement parce qu'il devait procurer beaucoup de travail aux ouvriers, mais encore parce qu'il était une introduction au système des droits différentiels.
Il discutait, dans son rapport, les avantages qui résultent du commerce direct avec les pays transatlantiques, tant pour l'importation des matières de consommation dont nous avons besoin, que pour l'exportation de nos produits industriels.
Il étayait ses raisonnements de l'exemple de l'Angleterre, de la France et des Pays-lias et disait que la prospérité de ces nations était due surtout à leur nombreuse marine marchande.
Il ajoutait qu'à cette époque la marine marchande de la Grande-Bretagne se composait de 24,500 bâtiments, celle de la France de 15,000, celle des Pays-Bas de 1,400, tandis que la Belgique n'en avait que 136 !
Voici, messieurs, comment s'exprimait le ministre qui a présenté le premier projet sur les primes :
« Je n'ai pas besoin de vous dire, messieurs, que les constructions et les armements maritimes répandent le travail et les richesses dans presque toutes les classes de la société par le grand nombre d'industries secondaires qu'ils occupent et la diversité des matériaux qui leur sont nécessaires. »
Et le rapporteur, confirmant ces motifs, fit ressortir avec force les avantages qui résultaient pour les différentes industries de la construction des navires ; il se basait encore sur l'exemple de ce qui s'élait passé sous le gouvernement des Pays-Bas.
« A cette époque, disait-il, les constructions navales se succédaient sans interruption, nos chantiers étaient pleins de vie... Cette activité s'étendait sur tous les points du pays ; les producteurs de bois, de fer, de lin, de chanvre, de houille, de comestibles élargissaient le cercle de leurs valeurs ; une masse d'ouvriers trouvaient de l'emploi dans la préparation et la transformation de ces matières brutes, dans la confection des navires, des fers, des voiles, etc., etc.. »
Venait ensuite le plaidoyer en faveur des droits différentiels.
Ainsi, messieurs, cette loi sur les primes préparaît le système de droits différentiels inauguré par la loi du 21 juillet 1844, et celle-ci avait pour but :
1° De développer le commerce direct au moyen d'une marine nationale transportant les marchandises sous pavillon favorisé ;
2° D'encourager la construction navale et toutes les industries qui en dépendent au moyen des faveurs attachées au pavillon national.
Voilà le double but de cette loi.
Je crois, messieurs, avoir démontré que les primes sont la prémisse des droits différentiels, et que ces deux éléments sont inséparables, qu'ils ne peuvent exister l'un sans l'autre.
Vous voudrez bien remarquer, messieurs, que je ne justifie pas le système des droits différentiels ; je me borne à constater ses rapports avec le système des primes. Je m'abstiendrai d'entrer dans d'autres détails sur ce point, parce qu'il ne s'agit pas en ce moment de discuter le système commercial.
Mais, dit-on, le double but que l'on a voulu atteindre est manqué : d'une part la loi sur les droits différentiels n'a pas produit les bons résultats qu'on s'en était promis ; d'autre part, les constructions navales n'ont pas augmenté dans une grande proportion.
Sans vouloir, messieurs, attribuer à la loi sur les droits différentiels les résultats que nous avons obtenus, je citerai cependant quelques chiffres qui se trouvent dans le rapport de la section centrale, page 25.
Le mouvement du commerce général (entrées et sorties réunies) était en 1849 de 910 millions. La moyenne des quatre années précédentes de 674. En plus pour 1849, 242
La moyenne des années antérieures avait été :
de 1830 à 1839, à l’entrée de 223 millions de francs ; à la sortie de 172 millions de francs ;
de 1840 à 1845, à l’entrée de 277 millions de francs ; à la sortie de 205 millions de francs ;
de 1845 à 1848, à l’entrée de 355 millions de francs ; à la sortie de 314 millions de francs.
Ainsi il y a eu grande progression dans ces dernières années. Si le nombre de nos navires n'a pas considérablement augmenté il n'en est pas moins vrai que le tonnage s'est accru de 50 p. c. Nous avions au 1er janvier 1851, un tonnage total de 33,521, tandis que le tonnage de 1838 n'était que de 21,620. Il y a donc une augmentation de 11,901.
Mais, messieurs, s'il était vrai que la marine n'eût pas augmenté, il n'y aurait pas eu de primes à payer et dès lors quelle serait la lourde charge qui pèserait de ce chef sur le trésor ?
Maintenant, messieurs, la prime qui est allouée pour la construction des navires, est-ce bien une véritable prime dans toute l'acception du mot ? Evidemment non, car je vois, par un état que je tiens ici en mains, que pour les matières premières qui entrent dans la construction, le gréement et l'équipement d'un navire de 500 tonneaux, en supposant qu'on fît tout venir de l'étranger, on payerait des droits s'élevant ensemble à 21,500 fr., tandis que la prime ne s'élève qu'à 7,500.
Il y aurait donc un grand avantage à construire sans prime, mais avec un régime libéral.
La question ainsi posée, je crois, messieurs, qu'il y aurait une souveraine injustice à supprimer les primes accordées pour la construction de navires et à maintenir d'autre part les droits sur les matières premières qui doivent servir à cette construction.
J'arrive, messieurs, à l'exemple de la Hollande qui a été invoqué.
En Hollande on paye pour la nationalisation des navires étrangers, indépendamment de l'enregistrement préexistant, un droit d'enregistrement de 4 p. c. équivalant, d'après les documents que nous a soumis M. le ministre des affaires étrangères, à 7 francs 50 centimes par tonneau ; mais d'autre part on jouit, en Hollande, des réductions suivantes sur les matières premières.
Les machines, qui payaient précédemment 6 p. c. de leur valeur, ne payent plus, d'après la loi du 8 août 1850, que 1 p. c.
Les fils de lin qui payaient 3 florins ne payent plus, d'après cette même loi, que 1 florin sur les 100 kilogrammes.
Le chanvre, qui payait 50 cents, et qui, ici dans le pays, payerait 2 florins, ne paye en Hollande que 25 cents les 100 kilogrammes ; les charbons de terre qui, autrefois payaient 2 florins, sont maintenant, libres à l'entrée ; le cuivre pour doubler les navires payait 4 florins, il n'en paye plus qu'un ; les toiles à voiles, qui payaient 75 cents, n'en payent plus que 50 ; le zinc, pour doubler les navires, payait 1 florin 50 cents, le droit est réduit à 30 cents ; enfin les cordages, les câbles, payaient six florins, ils ne payent plus que 2 florins actuellement.
Est-ce la question ainsi posée que le gouvernement fait examiner ? S'il en était ainsi, je l'en féliciterais, et je lui promettrais de le suivre de bien près sur ce terrain ; même je voudrais quelque chose de plus ; je désirerais qu'on revisât tout le système des droits différentiels et qu'on proposât simultanément des réductions successives sur tous les articles en général.
Mais je m'élèverai toujours contre ce système qui tend à enlever les primes à certaines industries, alors que l'on conserve à d'autres des primes qui s'élèvent jusqu'à 160 p. c.
Je prie donc le gouvernement de bien peser les conséquences de la suppression des primes pour construction de navires ; je l'engage surtout à ne point jeter la perturbation dans les industries qui emploient un grand nombre d'ouvriers et où la main-d'œuvre entre pour plus d'un tiers dans la dépense totale. Ce n'est pas une faveur que je sollicite pour les constructeurs de navires ; je demande l'application pure et simple du droit commun ; je demande que l'on place sur la même ligne toutes les industries qui s'exercent dans le pays.
M. Osy. - Après ce que vient de dire mon honorable ami, M. Vermeire, j'aurai peu de mots à ajouter sur l'article qui est maintenant en discussion. Quand le gouvernement a institué les primes pour construction de navires, c'était une compensation des droits élevés qui protégeaient les autres produits du pays. Aujourd'hui le gouvernement paraît vouloir, du moins pour plusieurs branches d'industrie, abolir tout ce qui constitue des primes. Pour ma part, je ne m'y oppose pas ; mais je demande, avec plusieurs de mes honorables amis, que le gouvernement suive la même marche pour toutes les industries. Si le gouvernement est disposé à ne plus renouveler la loi de 1837, qui va expirer, il est juste alors, comme vient de le dire l'honorable M. Vermeire, qu'on abolisse ou du moins qu'on abaisse fortement les droits d'entrée sur les bois, sur le cuivre, sur les fers, sur les houilles, pour que nous puissions construire à bon compte et comme nos voisins. Mais si le gouvernement abolit les primes sans donner aucune compensation, je serai autorisé à dire qu'il n'est pas juste.
M. le ministre des affaires étrangères nous a dit hier que cette affaire était en instruction, que déjà depuis le mois de janvier une enquête avait eu lieu dans quatre de nos provinces. J'en conclus que, à l'heure qu'il est, le gouvernement doit être instruit de ce qu'il y a lieu de faire. - Il eût été utile de connaître encore dans la session actuelle l'intention du gouvernement sur cette importante question. - Quoi qu'il en soit j'engage M. le ministre des affaires étrangères à s'attacher surtout (page 1539), dans le nouveau projet qu'il nous présentera, à établir une juste harmonie entre toutes les industries,
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je ferai remarquer d'abord que le crédit de 20 mille francs demandé au budget n'implique en aucune manière le maintien ou l'abolition du système des primes pour la construction de navires. Dans toutes les hypothèses, ce crédit devait être porté au budget attendu que les déclarations qui ont été faites pendant l’année courante, avant l’expiration du 30 juin, sont encore considérées comme valables ; par conséquent, il en résultera déjà une certaine dépense dans le courant de l’année 1852, qui nécessite le crédit que je demande à la législature. C’est ce que la section centrale a parfaitement reconnu ; c’est pourquoi elle a admis sans la moindre difficulté le crédit proposé.
Ainsi, la chambre n'a pas à se prononcer en ce moment, le moins du monde, sur la question de savoir si le système des primes pour construction de navires sera ou ne sera pas maintenu ; elle n'a qu'à voter le crédit, conséquence forcée de la loi actuellement en vigueur. C'est pour cela que je faisais remarquer hier à la chambre qu'il me semblait assez inutile ou tout au moins prématuré d'entrer maintenant dans l'examen de la question des primes, ce qui pourrait nous mener fort loin et sans aucune issue possible, puisque aucun vote ne pourrait être émis ; aucune conclusion ne pourrait être adoptée.
La loi sur les primes pour construction de navires est du 3 juin 1837 ; elle expire le 1er janvier prochain. C'est une loi d'un caractère temporaire qui a été renouvelée tous les trois ans jusqu'à présent. Il s'agira donc, pour le gouvernement et pour les chambres, d'examiner s'il faut maintenir ce système. Dans cette position, messieurs, le gouvernement a déjà fait examiner la question. Il semblait d'autant plus indispensable de le faire que, vous le savez, dans des Etats voisins, un nouveau système a été adopté ; des modifications très importantes ont été introduites dans le système commercial.
Il était d'autant plus important encore d'aborder un pareil examen que la charge devenait fort lourde aussi pour le Trésor. Ainsi, dans l’année actuelle, par exemple, je crois que le crédit destiné à l’allocation de primes pour construction de navires dépassera cent mille francs.
Il y avait donc un intérêt très grand pour le Trésor à savoir si l'on voulait maintenir ce système de primes.
Des commissions, on l'a dit tout à l'heure, ont été instituées dans différentes provinces. On leur a demandé leur avis sur la question, et les derniers renseignements me sont parvenus depuis peu.
Maintenant, messieurs, nous aurons des propositions à soumettre à la chambre. L'honorable M. Osy désirerait qu'elles fussent présentées dans le cours de la session actuelle. Mais il me semble que la législature est encore saisie de travaux assez importants pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en ajouter de nouveaux ; et puis il est à remarquer que l’examen que nous avons à faire, les décisions à prendre par la chambre, ne concerneront pas seulement le système des primes. A cette question se rattachent d’autres questions, notamment, comme l’a dit l’honorable M. Vermeire, celle de savoir si pour certaines matières premières nécessaires à la construction des navires, on doit maintenir le tarid actuel et si, en ce qu concerne la nationalisation des navires, on ne changera pas non plus le tarif actuellement en vigueur.
Il y a un ensemble de mesures à coordonner et qui doivent être examinées simultanément, voire même la loi sur les droits différentiels. Il y aura donc des résolutions très importantes, qu'on doit faire concorder, à prendre par le gouvernenient et par les chambres. Je crois qu'il serait inutile de prolonger ce débat aujourd'hui, puisque, comme je l'ai dit, il ne pourrait aboutir à aucun résultat. Dans la session prochaine cette question devra naturellement être débattue, par suite des propositions qui seront soumises à la chambre.
M. Vermeire. - Je demanderai à répondre quelques mots à M. le ministre des affaires étrangères. La loi actuelle expire le 31 décembre de cette année. D'après les dispositions de cette loi, ce ne sont que les navires dont les quilles sont posées six mois avant l'expiration de la loi qui ont droit à la prime.
Si donc nous ne savons pas dès aujourd'hui, que les primes seront maintenues, on ne peut plus poser de quilles pour de nouveaux bâtiments, et la construction des navires se trouve tout à coup arrêtée. Voilà pourquoi j'aurais désiré savoir si le gouvernement reproduirait le système des primes ou demanderait une prorogation d'un an pour avoir le temps d'examiner dans son entier le système nouveau qu'il veut proposer, car le système des primes pour construction de navires se lie si intimement avec le système des droits différentiels que l'un ne peut pas subsister sans l'autre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Il est évident que ceux qui construiront maintenant des navires s'exposeront à ne pas recevoir de prime ; mais on ne construit pas seulement des navires en vue de la prime. Cette construction ne sera donc point arrêtée. Mais il est parfaitement exact que si la loi n'est pas renouvelée, le système maintenu, ceux qui feront construire des navires s'exposeront à ac pas avoir de prime.
M. Loos. - Il y a quelque chose d'inexplicable dans la manière dont on procède ; l'on affranchit de tous droits certaines matières premières nécessaires à certaines industries ; et quant à la construction des navires, on maintient des droits très élevés sur les matériaux employés, tandis que, d'un autre côté, on supprime la prime qui avait existé jusqu'à présent. Je ne suis pas plus partisan des primes que les honorables collègues qui les ont combattues ; mais je viens appuyer la proposition de M. Vermeire de décharger cette industrie des droits qu'elle paye sur les matières premières qu'elle emploie.
Supprimez, si vous voulez, les primes que vous lui accordez, mais abaissez les droits d'entrée sur les matériaux qui lui sont nécessaires, tels que les bois, le fer, le cuivre, les cordages ; car tous ces matériaux sont imposés à l'entrée d'une manière exorbitante dans nos tarifs. On a toujours prétendu qu'il fallait avoir une marine marchande nationale, c'est-à-dire des navires appartenant à des armateurs belges. Vous avez voulu protéger les industriels qui fournissent le fer, le cuivre, les cordages aux constructeurs de navires, et par les droits à l'entrée sur ces objets et par la prime pour construction de navires.
Aujourd'hui, M. le minisire déclare qu'il ne renouvellera pas la loi en vertu de laquelle les primes sont accordées ; il en résulte que depuis le 30 juin les armateurs savent qu'ils n'auront plus de prime pour les constructions qu'ils entreprendraient.
M. le ministre, en déclarant qu'il ne proposera pas la prorogation de la loi, qu'il veut faire cesser le système des primes, aurait dû annoncer qu'il proposerait de décharger en même temps cette industrie de tout ou partie des droits qui pèsent sur elle.
C'est une justice à l'égard de toutes les industries, mais surtout à l'égard d'une industrie qu'on disait essentielle pour le pays parce que sa prospérité importe à beaucoup d'autres.
M. le minière aurait dû changer tout le système en même temps, et s'il ne supprimait pas les droits sur les matériaux en supprimant les primes, présenter un projet de loi d'après lequel il serait fait restitution des droits payés sur les matériaux employés pour la construction des navires.
Ce principe a été admis pour les bois d'acajou provenant de Santo-Tomas. Ce principe peut être étendu aux autres matériaux ; si nous ne procédons pas ainsi, nous faisons d'une main ce que nous défaisons de l'autre, nous créons un système commercial que nous démolissons par parties.
Pour ma part, je répète que je ne suis pas partisan des primes, j'en désire la suppression, mais je désire aussi que les droits établis sur les matériaux employés à la construction des navires soient abaissés ; sans cela, il n'y aurait pas de justice distributive.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - C'est précisément pour ne pas détruire un système partiellement que nous voulons examiner la question de la position de la navigation nationale dans son ensemble, et c'est ce qu'on ne ferait pas si on venait maintenant traiter la question des primes sans s'occuper des autres questions qui s'y rattachent.
Je n'ai pas dit que nous allions supprimer les primes, j'ai dit que l'intention du gouvernement était de modifier la loi en vigueur.
Mais ira-t-on jusqu'à la suppression entière ou réduira-t-on seulement les primes, ou les maintiendra-t-on seulement pendant un certain temps, en faisant concorder cette mesure avec d'autres modifications à notre régime commercial, telles que des réductions de tarif sur les droits d'entrée, dont sont frappés les matériaux servant à la construction des navires, ou appliquera-t-on l'article 40 de la loi sur les entrepôts ? Ce sont là des questions sur lesquelles je n'ai pas à m'expliquer aujourd'hui. C'est quand nous déposerons le projet de loi, que ce système sera développé dans son ensemble. Si ceux qui construiraient maintenant, sont exposés à ne pas recevoir la prime, cela tient au caractère temporaire de la loi. Cette loi a toujours été temporaire, elle a été successivemant renouvelée ; quand elle était sur le point d'expirer, les constructeurs étaient dans la même position qu'aujourd'hui. Si on avait voulu que cette éventualité ne se présentât pas, il aurait fallu donner à la loi un caractère définitif.
Mais on a fait pour les primes pour construction de navires une loi temporaire qui a dû être renouvelée tous les trois ans, et chaque fois que la loi a dû être renouvelée, ceux qui commençaient des constructions six mois avant l'expiration de la loi étaient exposés à ne pas recevoir de prime.
Le crédit peut être voté dans tout état de cause. S'il ne se fût agi que de la question des primes, on aurait pu présenter un projet de loi. Comme cela se rattache à tout un système, force est de suspendre les résolutions qu'il y aura à prendre.
- L'article 31 est mis aux voix et adopté.
« Art. 32. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,050. »
- Adopté.
« Art. 33. Pêche maritime. Primes : fr. 92,050. »
- Adopté.
« Art. 34. Pilotage. Personnel : fr. 169,410. »
- Adopté.
« Art. 35. Pilotage. Remises à payer aux pilotes (crédit non limitatif) : fr. 187,510. »
- Adopté.
« Art. 36. Passage d'eau. Personnel : fr. 11,850. »
- Adopté.
« Art. 37. Police maritime. Personnel : fr. 27,900. »
- Adopté.
« Art. 38. Police maritime. Primes d'arrestation aux agents et vacations aux experts chargés de la surveillance de l'embarquement des émigrants (crédit non limitatif) : fr. 2,800. »
- Adopté.
« Art. 39. Sauvetage. Personnel : fr. 14,300. »
- Adopté.
« Art. Paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres. Traitement des courriers et agents : fr. 14,350. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Dans la discussion du budget.de 1851, j'ai pris vis-à-vis de la chambre l'engagement de rechercher s'il n'y aurait pas moyen d'affermer, à certaines conditions, le service des bâtiments à vapeur entre Ostende et Douvres. Immédiatement après le vote du budget par le sénat, je me suis adressé à différentes compagnies en Angleterre pour leur proposer cette cession. J'ai fait des propositions à ces sociétés : l'une, la General Steam navigation Company, et l'autre, la Méridional continental general steam Company. J'indiquais, entre autres conditions, la reprise de trois bâtiments à vapeur qui appartiennent maintenant à l'Etat.
Il me semble, en effet, que si nous affermions ce service à une compagnie, les trois bâtiments dont il s'agit deviendraient parfaitement inutiles. Les deux compagnies m'ont demandé de pouvoir faire visiter les bâtimenls de l'Etat, et cette autorisation leur a été accordée immédiatement. L'une de ces compagnies a déjà décliné toute négociation à cet égard, et jusqu'à présent l'autre compagnie n'a pas fait connaître ses intentions. Je continuerai à rechercher s'il n'y a pas moyen d'arriver à un résultat. Je m'adresserai à d'autres compagnies et peut-être parviendrons-nous à obtenir un arrangement satisfaisant, c'est-à-dire un arrangement qui réaliserait des économies, tout en offrant les mêmes garanties de régularité et de sécurité que le service de l'Etat.
Il importe, en effet, qu'il y ait régularité et promptitude. Ce sont les conditions qui seront nécessairement imposées à la société qui serait chargée de ce service.
Je tenais à donner ces explications pour démontrer que j'avais fait des tentatives sérieuses. Je continuerai à en faire.
- La discussion est close.
L'article 40 est adopté.
« Art. 41. Bâtiments de l'Etat. Brick Duc de Brabant (désarmé). Canonnières n° 5 et 11 (désarmées). Personnel : fr. 195,783 34. »
- Adopté.
« Art. 42. Idem. Vivres : fr. 54,385. »
- Adopté.
« Art. 43. Pensions : fr. 5,500. »
La section centrale propose de diviser cet article en deux articles ainsi conçus :
« Art. 43. Pensions : fr. 1,500. »
« Art. 44. Secours aux marins blessés, médicaments, etc. : fr 4,000. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je me rallie à cette proposition.
- Les articles 43 et 44, proposés par la section centrale, sont adoptés.
« Art. 45. Dotations à la caisse de prévoyance : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 46. Magasin : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Matériel des divers services : fr. 319,500. »
- Adopté.
La chambre passe au texte du budget, ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1852, à la somme de 2,108,738 fr. 34 c, conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget, qui est adopté à l'unanimité des 60 membres présents.
Ce sont : MM.Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Cools, Coomans, Cumont, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delescluse, Deliége, de Meester, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles) et Delfosse.
M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant l'examen du budget des voies et moyens pour l'exercice 1852.
M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Je demande que la discussion de ce budget n'ait lieu qu'après celle des projets de lois dont la chambre est saisie depuis hier. Voici pourquoi : il faut nécessairement que, dans le budget des voies et moyens, vous fassiez figurer toutes les recettes de l'Etat ; or, on nous a proposé une série de projets qui vont nécessairement modifier le chiffre des recettes et celui des dépenses il est donc absolument impossible de voter maintenant un demi-budget des voies et moyens et un second demi-budget plus tard.
D'ailleurs la chambre a toujours eu pour habitude de ne discuter le budget des voies et moyens qu'à la fin de l'exercice en cours d'exécution. Je conçois que les budgets des dépenses soient discutés maintenant, parce que l'expérience a démontré qu'on ne pouvait pas les voter tous avant la fin de l'année ; mais il n'en est pas de même du budget des voies et moyens ; pour celui-ci il faut suivre les précédents et en renvoyer la discussion au commencement de la prochaine session.
D'ailleurs il ne manque pas d'autres objets à l'ordre du jour ; mais n'y en eût-il même pas, encore ne serait-ce pas un motif pour déroger aux précédents, alors surtout que nous savons tous que le budget des voies et moyens sera incomplet. Nous avons voté la loi sur les successions, les résultats qu'elle va produire n'y sont pas prévus. On nous convie à voter des impôts, ils n'y sont pas compris. On nous convie à réduire les péages sur le canal de Pommerœul ; il n'est pas tenu compte de cette réduction de recette au budget. Vous voyez donc bien qu'il nous est impossible de voter le budget des voies et moyens dans ces conditions, et que nous devons, nous conformant ainsi à un usage établi depuis vingt ans, en renvoyer la discussion à la prochaine session.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre semble avoir pris le parti d'opposer à toutes les propositions du gouvernement de perpétuelles demandes d'ajournement. Je ne vois pas quel motif on aurait de ne pas examiner maintenant le budget des voies et moyens. Il y a une loi d'impôt qui a reçu la sanction de la chambre, mais qui n'est pas encore définitivement une loi ; les résultats qu'elle produira ne figurent pas au budget des voies et moyens, soit. La chambre peut faire deux choses, ou bien ne pas y comprendre le produit présumé de cette loi jusqu'à ce que celle-ci soit définitivement adoptée, ou bien y comprendre le produit probable de cette loi, comme conséquence du vote qu'elle a émis ; dans l'une comme dans l'autre hypothèse, cela sera parfaitement indifférent ; cela n'aura aucun résultat, cela ne nuira à aucun intérêt, cela n'en servira aucun. Quant aux autres projets de lois qui ont été déposés, ils constituent, si l'on peut s'exprimer ainsi, une sorte de budget extraordinaire comprenant à la fois des recettes et des dépenses.
Les recettes et les dépenses encore à voter, d'après les propositions du gouvernement, ne sont pas de nature à influer sur les voies et moyens ni sur les dépenses contenues dans les autres budgets. Ce sont des recettes et des dépenses à faire en dehors des budgets. Il est donc évident que la chambre peut, dès maintenant, s'occuper du budget des voies et moyens.
L'honorable membre dit que constamment on a remis à la fin de l'année le vote des budgets.
M. Dumortier. - Du budget des voies et moyens.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez dit que tous les budgets se trouvaient généralement dans cette condition qu'on était obligé de voter des crédits extraordinaires pour ne pas entraver la marche du service par le relard apporté au vote de ces budgets.
Mais la loi de comptabilité a prescrit que les budgets devaient être présentés au moins dix mois avant l'ouverture de l'exercice, et cela afin que les chambres puissent les examiner et les voter avant cette époque.
D'un autre côté, le sénat s'est toujours plaint de ne recevoir le budget des voies et moyens que dans les derniers jours de l'année, de telle sorte qu'il n'avait plus le temps de se livrer à aucune discussion. Il le recevait, et devait le voter presque aussitôt pour qu'il pût être publié avant le 1er janvier, sans cela les impôts n'auraient pas pu être perçus. Le gouvernement a fait en sorte de remplir scrupuleusement les prescriptions de la loi de comptabilité ; tous les budgets ont été présentes dans le délai déterminé par cette loi. La plupart des budgets de dépenses sont votés ; un rapport est fait sur le budget des voies et moyens ; pourquoi renverrait-on l'examen de ce budget à la prochaine session ? D'ailleurs qu'en résulterait-il ? C'est que ce budget devrait encore une fois être voté précipitamment en décembre et porté ensuite au sénat, qui aurait à peine le temps de le voter.
Le budget des voies et moyens, que contient-il ? Des probabilités de recettes. Ces probabilités sont-elles raisonnables, sont-elles bien établies d'après les indications qui ont servi à les formuler, c'est ce qui est à examiner. Je crois donc que la discussion peut fort bien en avoir lieu dès maintenant.
M. Osy, rapporteur. - Si les projets financiers proposés hier, par M. le ministre des finances devaient combler notre déficit, je partagerais l'opinion de,l'honorable M. Dumortier. qu'il ne serait pas convenable de voter le budget des voies et moyens avant de connaître les résultats de ces lois. Mais il n'en est nullement ainsi. Je me suis appliqué, dans le rapport, à vous donner exactement la situation au mois de mai dernier. Maintenant que nous avons voté le projet de loi sur les successions, je crois que M. le ministre trouvera convenable de faire au budget des voies et moyens les changements qui doivent résulter de cette loi ; nous connaîtrons alors la situation exacte du pays. Je pense donc que nous (page 1541) pourrons très bien nous occuper maintenant du budget des voies et moyens. Oh ! s'il s'agissait d'une question politique, je partagerais assez l'opinion de M. Dumortier, de la laisser jusqu'à la session prochaine. Ainsi nous aurons à examiner plus tard les questions qui se rattachent au budget de la guerre et nous verrons alors quels changements pourront en résulter dans notre situation.
Mais, je le répète, il n'en est pas ainsi du budget des voies et moyens ; et je pense que nous pouvons fort bien l'examiner maintenant. Toutefois, je demanderai que la discussion en soit renvoyée à demain. Voici pourquoi ; le projet de loi contient un article tendant à autoriser l'émission de 15,000,000 de bons du trésor. Par suite des propositions qui nous sont soumises, la rédaction de cet article, si on le maintient, devra nécessairement être modifiée, puisque M. le ministre demande à faire un emprunt pour les 25 ou 26 millions de travaux qu'il propose et à ne pas consolider les 20 millions dont j'ai eu l'honneur de parler dans le rapport qui est sous vos yeux.
Je crois donc que l'article 3 devrait être modifié et que M. le ministre pourrait, d'ici à demain, nous dire son opinion à cet égard.
Je demande que la discussion soit remise à demain.
M. Dumortier. - M. le ministre des finances me paraît avoir deux langages diamétralement opposés : d'une part, il est animé d'un immense intérêt pour l'autre chambre : il ne veut pas que l'autre chambre soit mise dans l'impossibilité de discuter le budget des voies et moyens en temps opportun, et, d'autre part, il vient vous proposer de porter au budget des voies et moyens le produit des droits de succession qui ne sont pas encore adoptés par l'autre chambre. (Interruption.) Je dis que ce serait une chose inconcevable que de porter au budget des voies et moyens le produit d'un impôt qui n'est pas encore voté par le sénat, et n'est point transformé en loi ; ce serait manquer gravement aux égards que les chambres se doivent entre elles. Le budget des voies et moyens n'est qu'une loi d'application : vous ne pouvez y porter que le produit des impôts établis par les lois. Agir autrement, ce serait dire au sénat qu'on veut lui forcer la main. Or, nous ne pouvons pas forcer la main au sénat, pas plus que nous ne pouvons vouloir que le sénat nous force la main. Si nous voulons respecter notre indépendance, sachons respecter celle de l'autre chambre.
Il est un autre motif pour lequel vous ne pouvez pas voter le budget des voies et moyens maintenant. On propose de transformer momentanément les bons du trésor en un emprunt, et à mon avis de toutes les mesures que le gouvernement a présentées hier, c'est là la seule qui soit bonne. Celle-là je l'approuve et je ferai remarquer que tout le monde n'agit pas avec la même loyauté envers ses adversaires ; quant à moi, je saurai toujours approuver les projets que je croirai bons de quelque part qu'ils viennent, de même que je combattrai aussi ceux que je croirai mauvais, sans avoir égard aux hommes qui les auront présentés.
Je dis donc que cette mesure est bonne, au moins à la première vue, car je ne connais point le projet de loi. Mais si elle est adoptée, vous n'aurez plus à porter de somme pour faire face aux bons du trésor au budget des voies et moyens, puisque la dette flottante sera amortie. Vous voyez donc qu'il n'y a pas possibilité de voter le budget des voies et moyens aujourd'hui.
Ce n'est pas tous, messieurs ; en Belgique le vote du budget des voies et moyens a toujours été un vote politique. Pas de redressement de griefs, pas d'argent, tel a toujours été le principe des assemblées belges depuis des siècles. Eh bien, voulez-vous qu'à la session prochaine la chambre ne puisse pas se prononcer sur notre politique ? Vous savez bien qu'il n'y a que le budget des voies et moyens qui lui en offre l'occasion naturelle.
D'un autre côté, messieurs, au budget des voies et moyens se rapporte une foule de questions, il s'agit là de toute l'organisation financière du pays ; tout le monde peut proposer des modifications à nos différents impôts. Ainsi telle personne pourra soutenir que, tandis que M. le ministre des finances présente des droits considérables sur les successions en ligne directe, des droits nouveaux sur le tabac, sur le genièvre, sur les bières, les mines devraient bien produire beaucoup plus au trésor. Comment se fait-il que les mines, qui ont une valeur si considérable en Belgique, ne rapportent que 200,000 ou 250,000 fr. alors que la propriété territoriale rapporte 13 millions du seul chef de l'impôt foncier ? Eh bien, nous ne pouvons pas en ce moment nous livrer utilement à l'examen de ces questions.
Je conçois l'impatience de M. le ministre des finances : le parti ministériel paraît décidé à voter tout ce que présente le minislère.(Interruption.)
M. Lebeau. - C'est une inconvenance !
M. le président. - M. Dumortier, vous ne pouvez pas dire que la majorité est disposée à voter tout ce que le ministère propose.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit qu'elle y est disposé, j'ai dit qu'elle y paraît disposée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez dit : « le parti ministériel. »
M. Dumortier. - MM. les ministres ont bien parlé de personnes attelées au char ministériel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une mauvaise plaisanterie que vous ne devriez pas reproduire dans cette enceinte. Laissez cela aux mauvais journaux !
M. Dumortier. - Je crois cependant que les paroles ont été prononcées.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas exact. M. Dumortier, qui parle toujours avec tant de convenance, qui a toujours un choix si heureux d'expressions, devrait faire preuve de plus d'indulgence.
M. Dumortier. - M. le ministre de l'intérieur sait bien que je ne suis pas le moins du monde animé de mauvaises intentions à son égard ; nous sommes tous deux hommes de 1830 et je m'en souviens.
M. le président. - Il ne s'agit pas de 1830 en ce moment ; il s'agit de savoir si l'on discutera le budget des voies et moyens.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je proteste contre les paroles qu'on m'a attribuées.
M. Dumortier.- Je crois que c'est à moi-même que les paroles ont été adressées : « Si M. Dumortier veut s'attacher au char ministériel. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je le nie.
M. le président. - J'engage l'orateur à se renfermer dans I» question d'ajournement.
M. Dumortier. - Je crois, messieurs, qu'il n'est pas possible de nous livrer maintenant à la discussion du budget des voies et moyens : il faut auparavant statuer sur les projets d'impôts ; vous avez un chiffre de bons du trésor que vous devrez retrancher du budget si le projet de conversion déposé par M. le ministre des finances est adopté.
M. le ministre des finances a dit hier, que, bien que l'emprunt qu'il propose soit destiné à des travaux publics il n'y sera pas employé dans le principe et absorbera la dette flottante jusqu'à ce que les travaux soient en voie d'exécution ; eh bien, si les bons du trésor doivent être absorbés par l'emprunt, nous ne pouvons pas les porter au budget des voies et moyens. Nous ne pouvons donc pas voter le budget des voies et moyens avant d'avoir statué sur le projet d'emprunt ; nous ne pouvons voter le budget des voies et moyens qu'après avoir statué sur tous les projets de lois qui s'y rapportent.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier vient de m'altribuer la proposition de faire figurer au budget des voies et moyens le produit présumé de la loi sur les successions, et il en a conclu qu'il y avait, de ma part, une intention cachée et bien préméditée de vouloir ainsi enlever un vote au sénat. D'abord, j'ai bien dit qu'on pouvait faire l'une ou l'autre chose, porter ou ne pas porter au budget le produit présumé de la loi ; mais j'ai ajouté qu'au fond cela était parfaitement indifférent. Voilà ce que j'ai dit sur ce point.
Ensuite, quant à l'intention que m'attribue l'honorable M. Dumortier, s'il y avait réfléchi un seul instant, il aurait dû comprendre combien c'était ridicule. Qu'est ce que cela fait que le chiffre qualifié « successions » au budget des voies et moyens soit estimé à six ou à huit millions ?
Qu'est ce que cela fait que l'article du budget des voies et moyens « Successions » ait une évaluation qui aura été forcée par la chambre, dans la prévision de l'adoption du projet de loi ? Le sénat, s'il adoptait même cette évaluation, ne serait pas le moins du monde engagé quant au principe de la loi sur les successions en ligne directe. Tout ce qui résulterait du rejet de la loi, c'est que le produit présumé ne se réaliserait point.
Ainsi, l'honorable M. Dumortier peut parfaitement retrancher cette supposition toute gratuite.
Maintenant l'honorable M. Osy demande qu'on examine seulement demain le budget des voies et moyens ; si la chambre le désire, je n'ai pas de raison pour m'y opposer ; cependant, je dois le dire, le motif que donne l'honorable membre ne me semble pas péremptoire. Je puis le lui prouver immédiatemenl et répondre en même temps à l'honorable M. Dumortier.
D'après le projet de budget des voies et moyens, le ministre des finances serait autorisé à émettre des bons du trésor à concurrence de 15 millions ; mais d'après une proposition que j'ai présentée hier, si l'emprunt que je demande à contracter se réalise, j'affecterai la partie de cet emprunt, qui ne serait pas immédiatement employée en travaux publics, à éteindre tout ou partie de la dette flottante. Il n'est pas nécessaire pour cela de modifier l'article 3 du budget des voies et moyens.
Dans la loi d'emprunt, rien ne s'opposera, si elle est adoptée (et c'est seulement alors que la question pourra se présenter) à ce qu'on insère une disposition portant que les sommes provenant de cet emprunt, qui ne seraient pas immédiatement employées à l'exécution de travaux, serviront à couvrir, à due concurrence, les bons du trésor dont l'émission a été autorisée par l'article tant du budget.
De cette façon, il y aurait certitude que l'autorisation donnée au ministre des finances ne comprendrait pas à la fois et une émission de bons du trésor de 15 millions et une autorisation d'emprunter à concurrence de 26 millions.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
Celle de M. Osy est adoptée.
M. le président. - Nous avons maintenant à l'ordre du jour un feuilleton de naturalisations.
- Plusieurs membres. - A demain !
M. Vermeire. - Vous vous rappelez, messieurs, que dernièrement il est arrivé à la chambre une pétition des fabricants de couvertures de coton, de Termonde. Je me propose de présenter un amendement pour supprimer le droit d'entrée qui pèse maintenant sur les déchets de coton. Je demande qu'on fixe à demain l'examen de ce projet de loi.
M. le président. - Plusieurs rapports ont été faits sur des pétitions, le premier par M. Alphonse Vandenpeereboom, sur plusieurs petitions (page 1542) qui demandent l'achèvement du chemin de fer de l’Entre-Sambre et Meuse.
La commission conclut au renvoi à M. Ic ministre des travaux publics.
Le second, fait par le même, sur des pétitions relatives au chemin de fer de la Flandre occidentale. La commission conclut au même renvoi.
M. Dumortier. - Ces pétitions touchant à des questions relatives à l'un des projets de lois dont nous sommes saisis, je demande que la chambre en ordonne le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
M. le président. - Nous avons encore un rapport fait par M. Loos, au nom de la commission permanente d'industrie sur différentes pétitions adressées par des habitants des communes de Comines, de Houthem et de Warneton, relativement à l'augmentation du droit sur le tabac importé par les frontières de terre.
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements,
M. A. Vandenpeereboom. - Un projet de loi relatif à cet objet étant en ce moment soumis à la chambre, je demanderai le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion.
- Adopté.
M. le président. - La chambre veut-elle aborder maintenant l'examen du feuilleton de naturalisations ?
- Un membre. - La chambre n'est plus en nombre.
Une voix. - L'appel nominal !
M. Cumont. - Il est possible que demain on ne soit pas en nombre, puisqu'il n'y a presque rien à l'ordre du jour ; je demande qu'on s'ajourne à mardi.
M. le président. - La chambre a décidé, quand elle était en nombre, que la discussion du budget des voies et moyens serait fixée à demain. M. Cumont propose de revenir sur cette décision ; il est douteux que maintenant la chambre soit encore en nombre.
M. Van Grootven. - Si la chambre n'est plus en nombre, je demande que demain la séance soit fixée à midi.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal sur la proposition de M. Cumont.
L'appel nominal constate que la chambre n'est plus en nombre. En conséquence, la décision prise est maintenue et la séance est fixée demain à midi.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.