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DESTRIVEAUX Pierre (1780-1853)

 

 

 

DESTRIVEAUX Pierre, Joseph, né en 1780 à Liège, décédé en 1853 à Schaerbeek.

Age en 1830 : 50 ans

Congressiste (1830-1831, Liège)

Libéral. Elu par l'arrondissement de Liège de 1847 à 1853

 

Biographies

Interventions sessions : 1830-1831 (Congrès national), 1847-1848 (1848-1853)

 

BIOGRAPHIES

 

(Extrait de Destrivaux 1780-1853, par R. JANNE, dans Les gens de robe liégeois et la révolution de 1830, Liège, Thone, 1930, pp. 321-330)

A l'encontre du Barreau de Bruxelles qui doit battre toutes les hautes futaies de la Forêt de Soignes pour dépister un petit Kockaert, et braconner jusqu'en Forêt de Kinkempois des Van Hulst et des Paul Devaux, le Bar­reau de Liège est tellement riche qu'il aurait pu se dis­penser de faire lever un Destrivaux. C'eût été dommage cependant et injuste surtout, car, avant d'être professeur de droit, Destrivaux fut d'abord avocat. Or, en 1830, le Barreau liégeois fit une tournée à Bruxelles, et joua, pour la Belgique entière dont Liège n'avait jamais fait partie, la pièce de la Révolution. Destrivaux s'il ne fut pas le protagoniste de cette troupe en fut le régisseur.

On sait qu'en matière de théâtre les utilités sont tou­jours indispensables.

Sa voix s'est éteinte depuis longtemps et son nom se­rait oublié par tout le monde s'il ne partageait, avec beaucoup de choses inanimées, le triste privilège d'avoir donné son nom à une rue de sa ville natale. Liège le vit naître, en effet, en 1780. II fit, sans quitter son pays, l'école buissonnière à travers la Révolution française. Et, de ses vacances passées au grand air des idées venues de Paris, il conservera toujours un hâle indélébile. Il commença par flâner dans une banque et puis, dans l'étude d'un avocat en renom, celle de Me Harzé. Aussi, conquit-il seulement son diplôme de docteur en droit en pleine gloire napoléonienne, à Paris, où il était allé le chercher sur les instances d'Ansiaux père, de Bassenge et de Henkart.

Mil huit cent onze ! Au temps où des peuples sans nombre, ne rêvaient que d'aventures, au temps où, à peine docteur en droit, on était déjà bâtonnier, il n'était encore lui que stagiaire, mais, il n'avait perdu son temps que pour mieux le rattraper. De cette année où il prêta serment d'avocat, devant la Cour d'Appel de Liège, sa fortune fut accomplie. Il était éloquent, cela suffisait alors pour réussir, et il réussit. On se doute que ce fut dans les affaires correctionnelles et criminelles dans les­quelles il déployait toutes les ressources imagées de son temps. On cite encore à propos de lui deux causes abso­lument désespérées que son talent parvint contre toute attente à gagner. Il était vivant, hardi, naïf à souhait. Toute la vie, il resta non seulement jeune, ce qui est une qualité, mais enfantin, ce qui n'est une qualité que lorsque l'on est véritablement un enfant. Comme disait Stendhal, mais pas à propos de lui on le pense, il donnait pleinement dans cette folie de la première jeunesse qu'on appelle le zèle. Il aurait eu du succès comme avocat, en dépit de fameuses concurrences, notamment de Maihle le régi­cide auquel il fit prêter serment, mais il préféra devenir professeur après avoir été rédacteur au Mercure des Pays­-Bas et au Mercure Surveillant, qui ralliaient alors une sé­rie de petits grands hommes du temps qui palabraient chez le pharmacien Lafontaine en Féronstrée. Il devint professeur de droit quand il le put, c'est-à-dire dès que l'Université de Liège, dont il fut un des plus fervents promoteurs, eut été créée par le Gouvernement hollan­dais qui ne semblait pas se douter qu'il réchauffait un serpent dans son sein. Destrivaux y donnait les cours de procédure civile et de droit criminel, et puis, il laissa tomber celui-là deux ans plus tard pour donner celui de droit public et de droit interne.

A lui revint l'honneur et la difficulté de commenter dans son cours le nouveau Code Pénal ; sans jurispru­dence, sans étude des spécialistes étrangers, Destrivaux dut faire de son mieux et ne fit pas si mal. Ses essais sur le Code Pénal révèlent en lui un esprit de synthèse assez intelligent quoique pas très scientifique et l'on ne doit pas se montrer trop sévère à son égard car il devait créer et non reproduire ce que les juristes oublient trop facilement ; il attachait une importance particulière à la suppression de la peine de mort et aux questions concer­nant la liberté de la presse sur lesquelles il publia de nombreux articles. Mais là n'était pas le principal mé­rite de Destrivaux. Déjà, dans ses essais sur le Code Pénal on pouvait voir percer le théoricien de la Révolution. Nous trouvons chez ce professeur émargeant au budget du roi Guillaume, des phrases aussi significatives que celles-ci : « Les citoyens aiment une patrie, enfin, quand ils en ont une, c'est-à-dire quand ils sont certains d'être demain ce qu'ils étaient hier, quand ils ne sont pas forcés à changer chaque jour de lois, de mœurs, d'inté­rêts politiques, de domination ; c'est alors que l'on peut voir renaître dans un pays l'exercice des antiques vertus patriotiques de la Grèce et de Rome... Mais les lois ré­pressives ne créent pas plus l'amour de la Patrie, que le bâton de janissaire ne peut persuader à l'esclave turc qu'il en a une... »

Lorsqu'il fut nommé recteur en 1824, ce fut lui qui dut prononcer le discours de rentrée et inaugurer cette funèbre Salle académique qui fait le désespoir des étu­diants de Liège. Il avait choisi comme sujet « L'instruc­tion des peuples. » On le sent pénétré de toutes les idées de Rousseau sur l'éducation familiale, mais il sut être habile en restituant aux Bataves la gloire d'avoir inventé l'imprimerie, qui, quelques années plus tard allait tant servir à propager la Révolution contre eux. Il ajoutait même, en comparant les mœurs du passé à celles du présent, que cette comparaison était toute à l'avantage des lois fondamentales actuelles mais, peu après, il pro­nonçait des paroles qui, sorties de la bouche d'un recteur lors d'une rentrée académique, prenaient une singulière importance : « Préparons les remèdes sans brusquerie et dans un sage recueillement, sachant que la liberté est vigilante et n'est point tumultueuse... gardons-nous de la pernicieuse apathie qui fait consi­dérer comme ne touchant personne ce qui touche l'uni­versalité : citoyens hommes libres ne faisons pas comme les esclaves ; n'oublions pas la patrie... » Mais ce fut bien autre chose encore lorsqu'il fut chargé du cours de droit public et qu'il choisit comme sujet des discours d'ouverture « l'Histoire Nationale dans ses rapports avec la loi fondamentale », et qu'il s'écria: « Oh! Souvenir des temps passés, réveille-toi dans nos esprits !... Il appartient aux Bataves de donner une preuve solennelle que la vraie liberté des peuples est la meilleure amie des rois. »

Il fut le professeur le plus écouté de son temps, parce qu'il était resté avocat et qu'il plaidait la plus belle des causes, celle de tout un peuple. Aussi, acquit-il une énorme influence sur les jeunes hommes qui, quelques années plus tard, allaient, comme lui, élaborer la Constitution. Il était peut-être trop éloquent, car il semblait jongler plus avec les mots qu'avec les idées. Les images chevauchaient dans son esprit comme des nuées précipi­tées par la tempête, malheureusement, ses éclairs éblouis­saient plus qu'ils ne donnaient de lumière. C'est peut-être pour cela qu'on se pressait pour l'écouter : il parlait de toutes les questions brûlantes avec des paroles enflam­mées. Il cultivait l'allusion officiellement, comme ces prédicateurs durant l'occupation allemande de 1914 fai­saient accourir dans les églises la foule qui voulait abso­lument voir ce qu'on allait voir. On vit vraiment des choses étonnantes qui vérifiaient comme il le disait : qu'« il n'est pas rare de voir tourner... (contre soi) ... des lois que l'on prétend avoir créées pour sa propre sécurité. »

Comment ne pas évoquer le Disciple de Paul Bourget en pensant à cette année 1826 où, ayant tant exalté la liberté, il fut pris à son jeu : un projet de règlement adopté par une commission dont faisait partie Destrivaux stipulait que dorénavant les examens auraient lieu à date fixe et que les présences au cours seraient désormais pointées deux fois par mois. Il n'y avait là vraiment pas de quoi fouetter un professeur. N'empêche qu'il y eut à ce sujet force protestations de la part des étudiants, force palabres de la part des professeurs et finalement une sorte de pe­tite émeute où le pauvre Destrivaux fut pris à partie et presque traité de tyran. Il dut même suspendre son cours sous les cris de : « Vive la Liberté » qu'on lui retournait en cette occasion. Voulant concilier les deux partis, il reçut, comme bien l'on pense, force horions de toutes parts, puis, un beau jour, comme cela arrive, tout rentra enfin dans le calme sur ce chapitre. Destrivaux réfléchit un instant sur les beautés de la liberté, mais n'en conti­nua pas moins à électriser son auditoire en déclamant des protestations contre la tyrannie. En 1829, il fut envoyé aux fonctionnaires un message où on les contraignait à adhérer au régime personnel. Destrivaux y répondit par une série de trois leçons sur la responsabilité ministérielle qui attirèrent tout le monde à l'Université et donnaient déjà l'atmosphère d'une réunion de conspirateurs. Plus il redoublait de hardiesse, moins il était inquiété. Il reçut bien, comme tous les curateurs d'Université, un avis re­commandant « de ne rien enseigner qui pût servir d'ali­ment aux passions ». Mais, ce fut tout. Il avait cinquante ans au moment où éclata enfin cette Révolution qu'il avait tant prêchée. Ce furent les élèves qui la firent passer de la tribune aux barricades. Quand celles-ci furent disper­sées il siégea au Congrès National. Il n'y fit guère mer­veille : il sut se taire, lui qui ne parlait que trop et ce fut plutôt salutaire, car, hormis son nom qui figure à beaucoup de séances et de votes, nous n'avons guère de son passage au Congrès que la justification de son attitude lors de l'élection de Léopold Ier et il ne semble pas en cette occasion, avoir montré beaucoup de perspicacité lors­qu'il déclare qu' « il vote contre l'élection du prince Léopold de Saxe-Cobourg, non par un motif qui lui est personnel ... mais parce que les circonstances de la can­didature de ce prince lui paraissent porter atteinte à la dignité de son pays et ne promettent rien pour son bon­heur ». Comme quoi, les meilleurs patriotes, peuvent avoir des intentions plus louables que leurs actions.

Destrivaux passa sans peine d'un régime à l'autre. Le premier, sans doute, l'avait créé professeur, mais il n'avait cessé de réclamer le second. Quand il continua d'être professeur sous le régime belge qu'il avait tant con­tribué à faire advenir, il eut des difficultés qu'il n'avait jamais eues avec le régime hollandais auquel il se pliait si difficilement. Le Ministre était catholique, lui était li­béral : quelle maladresse ! Il eut une première brouille avec le Ministre de Theux, puis une seconde, plus grave, qui se termina par une disgrâce de trois ans. En 1841, grâce à Nothomb, qui pratiquait à nouveau l'union et l'Union Sacrée avant la lettre, il put reprendre possession d'une chaire d'histoire politique moderne dans laquelle il donna cours jusqu'à son éméritat. La fin de sa vie lui apporta multitude de titres et d'honneurs acadé­miques et autres. Il fut, dans sa carrière professorale, deux fois secrétaire académique et deux fois recteur. Il fut membre du Conseil provincial et retourna à la Chambre lorsqu'il fut à la retraite. Il présida la Commission des Charbonnages et d'autres Comités de Bienfaisance, dont celui des Sourds-Muets, et fut secrétaire de la Société Libre d'Emulation de Liège.

Destrivaux qui fut le Victor Hugo de la Faculté de droit, voyait peu à peu ses élèves rester de plus en plus indifférents aux laves de ce volcan sous la neige, comme il se désignait lui-même lorsqu'il commença à vieillir. Il ne parvenait pas à comprendre, hanté qu'il était toujours par l'épopée révolutionnaire de ses belles années que cela ne pouvait pas durer éternellement de courir sus aux ty­rans, surtout quand ils étaient disparus. Aussi, passait-il auprès de ses élèves, pour un glorieux enfonceur de portes ouvertes.

Il faisait sourire après avoir fait pleurer. Jusqu'à sa mort il ne put jamais comprendre que des paroles indis­pensables peuvent à un moment donné ne plus devenir utiles.

Destrivaux était très lié avec Comhaire et Ansiaux, deux médecins et professeurs très à la mode alors. Il collabora avec ce dernier dans des circonstances qui méritent d'être rapportées. On sait qu'au XVIIIe siècle, dans le système légal en vigueur à Liège, le suicide puni par la loi sauf en cas d'aliénation mentale était poursuivi jusque sur le ca­davre lui-même, et que celui-ci était privé de la sépulture religieuse. Il arriva que, pour détourner les soupçons qui pesait sur son mari de s'être suicidé, une femme préféra se laisser emprisonner. Le docteur Pfeffer, qui avait exa­miné le cadavre, ne voulut pas laisser passer de la sorte pareil déni de justice. Il écrivit sur le champ un mémoire destiné à la publication et l'épouse trop fidèle fut acquittée. Destrivaux et Ansiaux firent précéder ce mémoire d'une suite d'observations sur l'utilité de la médecine lé­gale dans les affaires d'ordre criminel et sur le rôle que celle-ci aurait désormais à jouer dans les affaires de ce genre : ils tracèrent même le plan d'un cours complet de médecine légale qui paraissait alors extrêmement hardi et leur aliéna bien des sympathies. Ce ne fut pas le seul ou­vrage publié par Destrivaux, bien au contraire. Il parlait beaucoup et ne publiait pas moins, mais ses œuvres im­primées que l'on retrouve encore au fond des biblio­thèques, n'offrent plus qu'un caractère documentaire sur l'état des esprits et des idées de son temps. Son cours de droit public est particulièrement révélateur sur ce point, non moins que le discours qu'il prononça le 12 sep­tembre 1811, à la Société d'Emulation, lors du concert funèbre donné à la mémoire de Bassenge et où Destri­vaux dans ce panégyrique, préconisait que le nom de Bas­senge figurât parmi ceux des illustrations liégeoises qui décoraient la grande salle de la Société.

Destrivaux mystique de la liberté, était orateur de la loge de la Parfaite Intelligence. Il était d'une grande droi­ture d'esprit et de caractère : sans doute, manquait-il de nuance et du sens des réalités, mais on ne peut douter qu'il n'ait avant la Révolution de 1830, fait œuvre utile. Il contribua dans un cours de Droit, qui aurait pu assommer plusieurs générations d'étudiants, à échauffer les esprits qui allaient créer la Belgique d'aujourd'hui. Il était juste, si la science juridique, peut oublier son temps, que l'Histoire, elle, conservât de lui un souvenir recon­naissant. Liège qui l'avait vu naître et vivre ne le vit point mourir. Après avoir habité de nombreuses années dans un immeuble maintenant disparu de la rue dite au­jourd'hui de Saint-Remy et qui avait été l'atelier du célèbre peintre Bertholet et l'officine de la nom moins célèbre empoisonneuse Brinvilliers, il mourut à Schaer­beek, le 3 février 1853, alors qu'il achevait la troisième partie de son cours de droit public .Ces braves Bruxellois,

(Qui) prennent de leur mieux un air de capitale,

ne pourront contester cependant que par son nom, sur­tout quand on le prononce avec une certaine nonchalance, par sa carrière, par son cœur, il ne soit de pure essence liégeoise, ce qu'il ne fallait peut-être pas démontrer.

Raymond JANNE.

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(Extrait de J. SCHAAR, Biographie nationale de Belgique, t. V, 1876, col. 814-819)

DESTRIVEAUX (Pierre-Joseph), professeur à l'université de Liége, naquit en cette ville le 13 mars 1780, et mourut à Schaerbeek lez-Bruxelles le 3 février 1853. On n'a guère de détails sur sa première jeunesse. Apres avoir hésité pendant quelque temps sur sa vocation, il fréquenta l'étude de Maître Harzé, avocat en renom, et le 4 septembre 1806, obtint à Paris le diplôme de licencié en droit. En 1808, il fut nommé défenseur près la cour criminelle de Liége, titre qu'il échangea, le 11 juin 1811, contre celui d'avocat près la cour d'appel. Doué d'une imagination ardente et d'un remarquable talent oratoire, Destriveaux se conquit en peu de temps un rang distingué parmi ses confrères. Il était d'ailleurs vivement stimulé par la présence, au barreau de Liége, de plusieurs avocats français d'un mérite supérieur, que les événements politiques y avaient amenés, et dont le contact influa sur l'épanouissement de ses facultés. On doit regretter qu'il ne lui ait pas été donné de déployer ses brillantes qualités sur un plus grand théâtre, où il se serait certainement fait un nom illustre.

A partir de la restauration, il s'adonna avec passion à la politique, à laquelle il était demeuré jusque-là étranger. Ses études autant que ses aspirations personnelles le mirent au nombre des libéraux avancés. A cette époque, le pharmacien Lafontaine réunissait chez lui la plupart des réfugiés politiques français et des Liégeois qui se signalaient par leur esprit d'opposition. Nous citerons J .-B. Teste, Bory de Saint-Vincent, Mailhe, Pocholle, le docteur Ansiaux, Guillois, Levenbach, Cauchois-Lemaire, Guyet, Paganel, P. de Ceulleneer, Brissot­-Thivars, Thuriot de la Rosière, Harel, Duval de la Bretonnière, etc. (Note de bas de page : Destriveaux était franc-maçon et déiste. Ses opinions philosophiques et religieuses ayant souvent été dénaturées, nous croyons utile de rappeler que, toute sa vie, il professa « qu'il ne concevait pas de morale sans religion.») Admis dans leur intimité, Destriveaux ne tarda pas à collaborer à la rédaction du Mercure des Pays-Bas et du Mercure surveillant, feuilles libérales qui s'inspiraient des idées de ce cercle politique.

Le 8 novembre 1815, le gouvernement ayant institué une commission en vue de réorganiser le haut enseignement dans les provinces méridionales du royaume, Destriveaux, l'un des premiers, réclama, dans la presse, l'installation d'une université de l'Etat à Liége ; tout porte à croire que sa voix fut entendue, l'Université ayant été créée l’année suivante. Destriveaux y fut immédiatement nommé professeur ordinaire, chargé des cours de droit criminel moderne et de procédure civile. Deux ans plus tard, il devint titulaire de la chaire de droit public interne et externe, mais il renonça au cours de procédure civile. De 1833 à 1835, il donna un cours de droit administratif, qui eut beaucoup de succès. Il conserva ces attributions jusqu'à la réorganisation de 1835, après laquelle il enseigna pendant, une année exclusivement le droit criminel (code pénal, instruction criminelle) et le droit militaire. Des difficultés survenues entre le ministère catholique et l'honorable professeur éloignèrent celui-ci de l’Université pendant trois ans. Enfin, en 1841, il fut chargé du cours d'histoire politique moderne. Deux fois secrétaire académique (1824­-1825 et 1832-1833), et deux fois recteur (1823-1824 et 1845-1846), il obtint l'éméritat le 28 septembre 1847.

A l'époque où Destriveaux monta dans la chaire de droit criminel, il n'existait aucun commentaire sur le code pénal. Le nouveau professeur, étranger d'ailleurs aux travaux des criminalistes allemands, se trouvait livré à ses propres forces, en présence de textes promulgués depuis trois ans à peine, et sur lesquels la jurisprudence était encore muette. Destriveaux ne resta pas au-dessous de sa tâche. En 1818, il publia, à Liége, un Essai sur le code pénal. Cet ouvrage, alors au niveau de la science, fut très favorablement accueilli. L'auteur y joint à des connaissances étendues et à un jugement sain l'avantage d'un style clair, énergique, animé. Ses observations relatives aux lacunes, aux imperfections et aux rigueurs parfois excessives de la nouvelle loi pénale, se distinguent par un sincère amour de la vérité et de la justice. L'un des premiers, Destriveaux signala dans ce livre les vices, du code en matière de crimes politiques, avec une énergie et une force de raisonnement que n'ont point surpassées les commentateurs qui lui ont succédé. Son Essai contient également une éloquente discussion sur l'infanticide et l'avortement. Plusieurs des observations émises dans cet ouvrage ont reçu la sanction de la loi. Le cours de droit public de Destriveaux eut, d'autre part, un grand retentissement. Plus brillant que profond, ce cours savait du moins inspirer le culte des libertés et des grands principes constitutionnels. Ce fut surtout durant les années qui précédèrent la révolution que la parole du maître eut une influence considérable. Si l'on songe qu'au nombre de ses disciples de cette époque, se trouvaient la plupart des jeunes gens que le nouveau régime appela dans la suite à la gestion des affaires publiques, on reconnaîtra combien ses leçons laissèrent de traces durables dans le pays.

Lorsque en 1829 le message du 11 décembre fut envoyé aux fonctionnaires, avec sommation d'y adhérer, c'est-à-dire d'adhérer au système du gouvernement personnel, Destriveaux osa faire tout exprès trois leçons sur la responsabilité ministérielle. Des applaudissements frénétiques, dont la signification n'était pas douteuse, accueillirent cette courageuse protestation. Disons, à l'honneur du gouvernement des Pays-Bas, que le professeur ne fut pas inquiété : seulement, par une circulaire en date du 20 janvier 1830, émanée du gouverneur De la Coste, les curateurs des universités furent invités à ne rien laisser enseigner qui pût servir d'aliment aux passions. Destriveaux, plutôt que de renier ce qu'il avait professé, préféra mutiler son cours. Plus tard, sous le ministère De Theux, il refusa de remonter dans sa chaire de droit public, parce que le gouvernement voulait qu'on lui soumît le programme des cours. Esclave de ses principes, jamais il ne fléchit devant les exigences du pouvoir. Quand ses attributions se bornèrent à l'enseignement de l'histoire politique moderne, il ne put s'empêcher de consacrer une partie notable de son cours à l'exposé des principes fondamentaux du droit public, surtout à la théorie de la souveraineté du peuple. En 1849, il commença la publication d'un traité de droit public : deux volumes parurent successivement ; le troisième, complété par une main étrangère,. ne parut qu'en 1855, après la mort de l'auteur. Dès son apparition, cet ouvrage fut longuement analysé par l'Indépendance belge et par plusieurs grands journaux français. Destriveaux estimait que, depuis l'ère des gouvernements représentatifs, l'enseignement du droit public avait été rarement complet ; que le droit lui-même avait été plus souvent traité sous le rapport polémique ou législatif que sous le rapport didactique. Il s'attacha, dans son livre, à interroger et à suivre la marche naturelle des idées, à ne jamais séparer le principe de la déduction. Le tome l, intitulé Théorie ou Philosophie, contient l'exposé des principes du droit public interne et externe ; le tome II, intitulé Histoire, contient une récapitulation des faits saillants de l'histoire du droit public, depuis la décadence de l'empire romain jusqu'à la révolution française de 1789 ; le tome III, intitulé Belgique, traite des institutions politiques des Pays-Bas catholiques et de la principauté de Liége, des conséquences politiques de notre . incorporation à la France, de la Belgique sous le régime hollandais, et enfin de la révolution de 1830.

A partir de cette dernière époque, Destriveaux s'intéressa directement aux affaires publiques. Il fut successivement député au Congrès national (9 novembre 1830), l'un des six membres du comité diplomatique institué par le gouvernement provisoire (18 novembre 1830), membre du conseil provincial de Liége (30 septembre 1836), membre de la chambre des représentants (8 juin 1847). Il conserva ce dernier mandat jusqu'à sa mort, aussi attaché que jamais aux principes de sa jeunesse et champion déclaré des idées libérales. A Liége, il fit partie d'un grand nombre de commissions administratives, d'institutions philanthropiques, etc. Destriveaux était décoré de la Croix de fer et chevalier de l’ordre de Léopold (1846).

Julien Schaar

Voir aussi : Alph. LE ROY, L’université de Liège depuis sa fondation ; U. CAPITAINE, Nécrologe liégeois pour 1853-1854.

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1830-1831 (Congrès national)

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre du Congrès (10/11/1830)

(01) Projet d’adresse en réponse au discours du gouvernement provisoire (11/11/1830)

(02) Règlement d’ordre du congrès national (12/11/1830, 13/11/1830)

(03) Négociations relatives au statut du Luxembourg (17/11/1830)

(04) Forme du gouvernement de la Belgique (19/11/1830, 22/11/1830)

(05) Constitution. Droit d’association (27/12/1830)

(06) Constitution. Droit de résister aux actes illégaux de l’autorité (27/12/1830)

(07) Communication diplomatique relative à la reconnaissance par les Puissances de l’indépendance belge (03/01/1831)

(08) Question du choix du chef de l’Etat (Nemours-Leuchtenberg) (05/01/1831, 12/01/1831)

(09) Garde civique (17/01/1831)

(10) Constitution. Indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics, notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux (05/02/1831)

(11) Constitution. Non-rétroactivité des lois (06/02/1831)

(12) Constitution. Droit des prétendants au trône de se marier (06/02/1831, 07/02/1831)

(13) Loi électorale (16/02/1831, 21/02/1831)

(14) Proposition de voter des remerciements à M. le vice-président de Gerlache (25/02/1831)

(15) Pétition des élèves du ci-devant collège philosophique (01/03/1831)

(16) Taxe des barrières (06/03/1831)

(17) Préliminaires de paix (08/07/1831)

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1847-1848

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre nouvellement élu (élection non contestée) (10/11/1847)

(01) Adresse en réponse au discours du trône. Indépendance réciproque de l’Eglise et de l’Etat, notamment en matière d’enseignement (20/11/1847)

(02) Rapport de pétitions relatives au refus d’avancements dans le service sanitaire de l’armée (26/11/1847)

(03) Instruction primaire et intervention du clergé dans l’enseignement (nomination des instituteurs, enseignement normal, convention de Tournay) (18/12/1847)

(04) Jury d’examen universitaire (29/03/1848)

(05) Budget du département de la guerre pour 1848. Crédit supplémentaire (04/04/1848)

(06) Demandes en naturalisation (12/04/1848, 14/04/1848)

(07) Emission d’un emprunt forcé (20/04/1848 (soir))

(08) Cours forcé des billets de banque de la Société générale (10/05/1848)

(09) Transfert d’un chef-lieu de canton de Glons à Fexhe-lez-Slins (10/05/1848)

(10) Incompatibilités parlementaires (18/05/1848, 19/05/1848 (après-midi))