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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 décembre 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Delehaye, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 352) M. de Perceval procède à l'appel nominal à une heure et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

- La séance est ouverte.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l'analyse d'une pétition adressée à la chambre.

« Le sieur Jean-Joseph Lecapelin, cordonnier, à Liège, né à Amsterdam (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1851

Discussion générale

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, ceux d'entre vous qui, hier, désiraient clore la discussion générale, disaient : Il y a peu de solution possible à ce débat ; il faut l'ajourner à la discussion du projet de loi des péages du chemin de fer, La loi des tarifs résoudra toutes les questions.

C'est pour vous entretenir d'une solution qui n'a pas été indiquée dans cette discussion, que je réclame un moment votre attention.

Vous vous proposez de déterminer légalement les tarifs, et pourquoi ? C'est d'abord pour vous conformer enfin à la loi du 1er mai 1834 ; c'est pour les soustraire à l'instabilité gouvernementale ; c'est, je suppose, afin de les rendre plus productifs.

Mais la loi de 1834 en exige davantage, car il est un moyen plus sûr, plus avantageux, pour moi, d'augmenter les recettes. Ce moyen est fort simple, il consiste à réduire les dépenses d'exploitation.

Ce moyen sera du goût de tout le monde, j'en suis certain, sauf toutefois de ceux qui profitent de ses abus.

Voulez-vous donc réduire les dépenses ? Discutons et réglons le mode d'exploitation par une loi. Je dis que c'est pour nous une obligation, je dis que c'est un devoir. Car le titre du gouvernement, qui l'autorise à diriger l'exploitation, n'est que provisoire ; il ne l'a obtenu qu'à titre d'expérience.

Cette autorisation lui a été accordée par la loi de 1835, pour un an seulement, et cette loi a été renouvelée d'année en année jusqu'à présent.

Il importe de vous faire connaître les conditions de ce titre, car il semblerait, en vérité, à entendre les organes du gouvernement, que ce titre est définitif.

Je crois ne pouvoir mieux faire pour vous le faire connaître, que d'avoir recours à l'exposé des motifs du 23 mars 1835.

Quel était le langage que tenait le gouvernement à la législature pour l'engager à adopter son projet ? Le gouvernement disait : Pour vous faire des propositions de tarifs, pour adopter un mode d'exploitation, il faut que je sache ce que le chemin de fer est susceptible de produire. Laissez-moi exploiter provisoirement pour connaître la valeur de ses produits. Quand nous les connaîtrons, nous préparerons les cahiers des charges nécessaires à la mise en adjudication de l'exploitation à l'industrie privée, si on le juge convenable.

Voyons maintenant le langage de la section centrale. Son rapport du 2 avril suivant propose l'adoption du projet, parce que la demande du gouvernement ne concerne qu'une demande d'exploitation provisoire, qui permettra d'adopter ensuite le mode d'exploitation par adjudication.

En discussion publique la proposition du gouvernement fut vivement combattue par MM. Gendebien, Liedts, Jullien, de Puydt. Un seul membre, M. Legrelle d'Anvers, se leva pour l'appuyer, mais uniquement parce qu'il ne s'agissait que d'une autorisation provisoire.

L'honorable M. de Puydt, qui avait de profondes connaissances dans ces matières, critiqua la demande du gouvernement par les motifs suivants, qui méritent d'être rapportés : « Votre épreuve sera fatale au trésor ou au commerce, disait-il en substance. L'exploitation par le gouvernement sera dispendieuse ; ses dépenses exagérées réduiront les produits, il faudra fixer les péages en conséquence ; et ce sera le commerce qui sera lésé ; car, disait-il, vous êtes obligés, d'après la loi, d'assurer, par le produit des péages, les intérêts, l'amortissement des capitaux engagés, l'entretien et l'administration. »

Messieurs, remarquez-le, il ne venait à l'idée de personne, à cette époque, que le trésor pût éprouver la moindre lésion, tant on était encore à cette époque sous l'influence de la loi de 1834.

Veuillez observer qu'entre les deux systèmes extrêmes, dont l'un s'en remet entièrement à l'Etat pour exploiter les transports, et l'autre abandonne complètement ce service- à l'industrie privée, il existe bien des nuances. C’est ainsi que, depuis que l'Etat exploite les chemins de fer, il a étendu plus ou moins loin son intervention : nous avons eu le système Nothomb, Desmaisières, Rogier.

Le système qui nous régit est celui de l’honorable M. Rogier, qui étend l'intervention de l'Etat aux moindres détails.

Le trésor n'a rien gagné à cette intervention plus étendue. Il est constant que plus elle a été étendue, plus les dépenses se sont accrues et les recettes ne se sont pas élevées à proportion.

D'ailleurs, messieurs, en réclamant la discussion approfondie d'un système d'exploitation définitif, je ne fais que réclamer ce que l'honorable M. Rogier annonçait lui-même en 1*36.

Voici comment il s'exprimait dans la séance du 21 mars : « Lorsque le gouvernement viendra proposer un projet de loi définitif sur le mode d'exploitation, ce sera le moment de discuter les avantages ou les inconvénients de tel ou tel mode. »

L'exposé des motifs du gouvernement du 10 mai 1838, concernant le projet annuel de prorogation de la loi des péages, disait : Le gouvernement croit une disposition expresse nécessaire.

Il est donc évident que le système définitif de l'exploitation des chemins de fer n'a pas été discuté dans cette enceinte.

Il est évident que notre devoir nous impose de le discuter. C'est une question que le gouvernement ne peut soustraire à nos discussions.

Son droit à l'exploitation n'est que provisoire. Le provisoire a été assez long, trop long, le définitif devient indispensable.

Je remarque dans le discours remarquable prononcé par M. Vermeire, il y a peu de jours, le passage suivant :

Il a dit : Dès lors c'est là une question à examiner ; et si on ne peut se résoudre à abandonner totalement l'exploitation à l'industrie privée, il convient du moins de voir s'il ne serait pas plus profitable au trésor d'adjuger le trafic, moyennant une certaine participation aux recettes brutes.

Je suis heureux de voir, par ces paroles, que l'honorable député de Termonde est de mon avis.

Maintenant, messieurs, afin de prouver que je ne verse pas dans une opinion extrême, je tiens à vous soumettre un plan d'exploitation, qui en remettant l'exploitation à l'industrie privée, abandonne au gouvernement une part d'intervention suffisante.

Voici le système d'exploitation, que je soumets à l'attention du gouvernement et à vos méditations ; je demande qu'on l'examine.

D'après le système en vigueur, l'administration adjuge en détail l'exploitation des chemins de fer.

Il devrait en être ainsi, la loi de comptabilité l'exige. S'il est porté atteinte à cette manière de procéder, et j'ai lieu de le craindre, dans les ateliers de Malines, cela est fort irrégulier.

Le système que je me permets de vous soumettre, consisterait à adjuger le trafic globalement, moyennant une participation pour l'Etat sur les recettes brutes.

Les entrepreneurs seraient chargés de l'entretien de la voie, ainsi que du matériel ; ils auraient à rendre, à l'échéance de leur contrat, la route et le matériel dans le même état où ils l'auraient reçu.

Les entrepreneurs pourraient, avec autorisation, augmenter le matériel, améliorer la voie.

A l'échéance du contrat, la plus-value qui en résulterait serait bonifiée aux entrepreneurs sur expertise.

Les tarifs et le nombre minimum des convois seraient déterminés par les cahiers des charges, ainsi que les conditions de sécurité.

L'adjudication déterminerait la part de l'Etat dans les bénéfices.

Les frais d'exploitation s'élèvent pour le présent à 64 p. c. des bénéfices bruts : il est incontestable que l'industrie privée s'en chargerait à des prix réduits.

C'est là un système pratiqué sur les meilleures lignes étrangères.

La réalisation de ce mode d'exploitation déchargerait le trésor de l'entretien d'un personnel nombreux ainsi que de leurs pensions.

Le gouvernement n'aurait plus à pourvoir qu'à celui qui est nécessaire aux recettes et à une haute direction.

Il permettrait la suppression du département des travaux publics, qui a coûté des sommes considérables depuis sa constitution. Car, remarquez-le, c'est l'exploitation par l'Etat qui a motivé l'origine de ce ministère.

Je fais cette observation qui est digne de remarque. Si le gouvernement continue à nous proposer purement et simplement le renouvellement de sa loi des péages, s'il continue le provisoire où nous sommes, l'opinion qui exclut le gouvernement de toute intervention dans l'exploitation, finira par prévaloir, et le commerce pourrait fort bien en souffrir. Car, vous le savez fort bien, on passe très facilement d'une extrémité à une autre.

Cette opinion, messieurs, pourrait bien prévaloir, parce que les résultats de l'expérience confiée au gouvernement, ne sont avantageux, selon moi, ni aux finances, je dirai même, ni au commerce, ni à l'honneur du pays.

Je dis, messieurs, que cette expérience n'est pas avantageuse à nos finances. Pendant longtemps nous avons débattu le chiffre des déficits du chemin de fer ; mon honorable ami M. Vilain XIIII, l'année dernière, afin de couper court à cette discussion interminable, proposa de renvoyer la question à la cour des comptes. La cour des comptes a déposé un travail fort clair, et ses calculs sont basés sur les chiffres que le gouvernement (page 353) lui a fournis lui-même. Je tiens, messieurs, à vous présenter quelques calculs afin que le chiffre du découvert du chemin de fer soit connu dans le pays, car les discussions qui sont intervenues pourraient donner le change sur les résultats de cette entreprise.

D'abord, messieurs, il n'est pas exact de dire que la cour des comptes ait fait état des intérêts combinés, des intérêts des intérêts. Son rapport dit formellement le contraire, et pour tous ceux qui ont examiné ses chiffres, il est clair qu'elle n'a pas calculé ainsi : 44,845,771 fr. 3 c, voilà le chiffre des sommes que les contribuables ont payées réellement pour couvrir l'insuffisance des produits de l'exploitation au 31 décembre 1848. La cour des comptes, pour déterminer ce chiffre, a fait état des dépenses comprises au budget de la dette publique pour l'amortissement et les intérêts des emprunts ; elle a tenu compte des fonds alloués pour les budgets. Mais si l'on veut être plus rigoureux, si l'on veut tenir compte de la perte que le pays a subie par suite de la différence qu'il y a entre le produit réel des emprunts et leur taux nominal, alors le chiffre de la perte s'élève à 74,698,914 fr. 50 c.

Ces chiffres, messieurs, je défie qu'on les conteste. Je les ai revus avec l'honorable M. Vermeire....

L'honorable membre m'interrompt pour me dire qu'il est possible que le capital emprunté soit remboursé au taux où il a été reçu ; je réponds que cela ne m'est pas démontré.

Je dis donc que la seule différence sérieuse entre l'honorable membre et moi, concerne la somme de 5,658,783 fr. que l'honorable M. Vermeire ne veut pas comprendre, parce que cette somme, au 31 décembre 1848, figurait parmi les crédits disponibles. Quant à moi, j'en ai fait état parce que si cette somme n'était pas dépensée elle était engagée et il est bien certain qu'elle est dépensée aujourd'hui : nous savons très bien que le gouvernement n'a pas les fonds nécessaires ni pour compléter le matériel ni pour achever les stations.

Ainsi, messieurs, le découvert soldé par les contribuables à la décharge des chemins de fer a coûté 44,845,771 03 au pays.

Que les contribuables ne l'oublient pas.

Qu'ils n'oublient pas que c'est au déficit des chemins de fer qu'ils doivent d'être menacés de nouveaux impôts, et surtout de l'odieux impôt de succession ;

Que c'est aux déficits du chemin de fer que nous devons la situation précaire où se trouve l'armée, cette grande institution, destinée à défendre l'ordre public et notre nationalité.

J'ai maintenant, messieurs, à soutenir que l'expérience faite par l'Etat depuis 1835 n'est même pas favorable au commerce, et je le prouve : Si, messieurs, l'industrie privée avait une plus large part à l'exploitation de nos chemins de fer, je prétends que nos chemins de fer marcheraient avec plus de célérité, plus de précision et plus d'exactitude ; ils disposeraient d'un matériel suffisant ; nos constructions seraient achevées.

Quant au tarif des marchandises, il ne serait pas plus élevé, car le gouvernement a dit maintes fois que le tarif des matières pondéreuses est moins élevé sur le chemin de fer du Nord que sur le nôtre. Je m'en réfère d'ailleurs à un témoignage qui, selon moi, doit avoir du poids pour nous, celui d'un industriel éclairé qui siège parmi nous et qui nous a dit, il y a trois jours, les paroles suivantes :

« Il n'en reste pas moins démontré que l'industrie particulière exploite à meilleur compte, soigne mieux ses intérêts et produit des résultats très favorables. »

Maintenant, messieurs, je citerai un passage d'un écrivain étranger. Je n'aime pas à faire des citations semblables, parce que je prétends qu'après tout nous connaissons mieux ce qui se passe chez nous que les étrangers. Mais comme M. le ministre des travaux publics a invoqué hier l'autorité d'un écrivain étranger, j'appellerai de la citation qu'il a faite de M. Michel Chevalier de 1840, à une citation que je ferai de M. Michel Chevalier de 1848 ; voici comment s'exprime le célèbre économiste :

« Un autre inconvénient du monopole des voies de communication au profit de l'Etat, c'est qu'après les avoir construites, il est fort à craindre qu'il ne les administre mal.

« L'intérêt privé offre sur ce point un gage, qu'on n'a pas avec l'Etat ; mieux vaut la gestion d'une compagnie, qui prélève 2 ou 5 centimes de plus par kilomètre, si elle entretient parfaitement sa ligne et y assure une circulation régulière et rapide, que celle de l'Etat si, faute d'une bonne administration, le transport coûte 3 cent, de plus par kilomètre, ou que la ponctualité des arrivages soit impossible, ou qu'il faille le double de temps ?

« Si nous consultons l'expérience, elle nous fournira des indications les unes favorables, les autres, en plus grand nombre, contraires à l'Etat.

« Quant aux chemins de fer, les lignes du gouvernement belges résolvent le problème du bon marché ; mais pour ce qui est de la rapidité, elles sont peu satisfaisantes. »

M. le ministre des travaux publics nous a rappelé que, lors de la pénurie des denrées alimentaires, le chemin de fer avait rendu des services en transportant gratuitement les céréales ; il nous a dit que bien certainement les protecteurs du travail agricole conviendraient que le chemin de fer leur avait été utile dans cette circonstance.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai rien dit de cela.

M. de Man d'Attenrode. - En effet, si je ne me trompe, c'est l'honorable M. Rolin qui a dit cela. Quoi qu'il en soit, je prétends que ces exemptions ont profité beaucoup plus aux spéculateurs qu'a l'agriculture et aux consommateurs, car je me rappelle très bien, moi, représentant d'un arrondissement très agricole, que des réclamations très vives ont surgi pour faire cesser cet état de choses.

Le pain n'avait guère diminué de prix ; tout le monde savait que les spéculateurs, le commerce avaient réalisé d'immenses bénéfices aux dépens des contribuables.

Maintenant, messieurs, j'ai à justifier ce que je viens de dire, à savoir que le résultat de l'expérience qui a été faite par le gouvernement n'est pas faite pour flatter notre amour-propre national.

Eh bien, chaque fois que dans les assemblées étrangères il s'agit du plus ou du moins d'intervention du gouvernement, soit dans la construction, soit dans l'exploitation des chemins de fer, on ne manque jamais d'invoquer ce qui se passe en Belgique, afin de ne pas suivre notre exemple ; c'est ce qui est encore arrivé lors de la discussion du chemin de fer d'Avignon ; qu'on relise les longues discussions qui ont eu lieu dans cette circonstance, et l'on pourra s'en convaincre ; qu'on lise ensuite ce qu'a écrit dans la Revue des Deux-Mondes un grand économiste, un grand financier, en appréciant le projet de budget socialiste de M. Pelletier. Voici comment il s'exprime :

« Voyez le gouvernement belge ; c'est là une puissance neutre et le moins occupé des gouvernements. Placé à la tête d'un pays qui va tout seul, on dirait qu'il a imaginé de construire et d'exploiter son réseau de chemin de fer pour avoir l'air de faire quelque chose. Eh bien, réduit à cette unique occupation, il ne s'en est pas tout à fait tiré aux applaudissements de l'Europe. Il ne se peut rien voir de plus mal outillé ni de plus mal exploité que les chemins de fer belges. Les convois y cheminent avec une lenteur désespérante. »

Certes, ces lignes ne sont pas faites pour donner dans le monde une grande idée de nos voies ferrées.

Qu'on compare ce langage avec celui de nos ministres des travaux publics. Nous sommes à même d'apprécier si la manière, dont nous sommes traités n'a pas quelque fondement.

On me dira, sans doute : Mais vous vous mettez en contradiction avec vous-même ; vos observations et celles de vos amis tendent à rabaisser, à dénigrer la valeur des chemins de fer belges ; ce n'est pas là le moyen d'attirer les entrepreneurs pour les exploiter. Ma réponse ne sera pas difficile à faire. Savez-vous bien quels sont ceux qui nuisent à l'exploitation des chemins de fer belges ? Ce sont ceux qui ne savent pas les administrer et qui disent que c'est à cause de la situation topographique de notre pays que les chemins de fer sont moins productifs que ne le sont, par exemple, les chemins de fer du nord de la France ?

Messieurs, j'appuierai donc l'intervention de l'industrie privée partout où elle est possible, par le motif suivant qui est d'une haute importance ; c'est que l'intervention de l'Etat dans l'industrie a pour conséquence la chasse aux places, aux faveurs ; le gouvernement ne soit accorder ces faveurs aux uns qu'aux dépens des autres, qu'aux dépens du caractère national. Ce caractère perd tout ressort, toute énergie, toute indépendance. L'intervention exagérée de l'Etat a pour résultat les gros budgets, les gros impôts, la ruine des finances et des libertés publiques.

Je termine, messieurs, en vous rappelant les paroles suivantes, prononcées par l'honorable M. Pirmez, le 14 décembre 1849 :

«. Voyez les intérêts que l'Etat a absorbés, c'est-à-dire les hommes que vous avez privilégiés ; n'êtes-vous pas effrayés du chemin que vous avez fait depuis 19 ans ? »

J'ai démontré que c'étaient les actes du gouvernement lui-même qui ont fait progresser l'opinion que je professe.

J'ai foi dans l'avenir, parce qu'il est dans les conditions de son existence de la faire progresser chaque jour davantage.

Messieurs, il me reste encore un mot à dire concernant un intérêt que mon devoir m'oblige de patronner plus spécialement, parce qu'il est davantage dans le cercle de mes relations habituelles.

L'honorable M. Lelièvre, au début de cette discussion, a recommandé à l'attention du gouvernement le chemin de fer de Louvain à la Sambre. Je me joins à cet honorable député, afin que le gouvernement fasse en sorte que cette entreprise puisse se terminer. Après cette réclamation j'aurai une plainte à faire à propos de ce chemin de fer.

La société concessionnaire a fait faire, vous le savez, des travaux très considérables et entre autres, un tunnel qui a été foré à travers le Mont-César, dans le faubourg de Louvain. Ce tunnel était à l'état de bouveau, c'est-à-dire que les parties creusées ne sont soutenues que par des étançons en bois et qu'aucune maçonnerie n'est venue soutenir la voûte.

Cet état de choses a donc duré longtemps, les échafaudages se sont détruits, des éboulements en ont été la conséquence.

La route vers Malines s'est effondrée sous un chariot chargé de verreries, on ne l'a dégagé qu'avec des peines infinies ; des maisons se sont affaissées. Maintenant les propriétaires lésés se sont adressés au gouvernement pour obtenir des indemnités ; et le gouvernement n'a pas daigné leur répondre. Il me semble que le gouvernement se trouvant substitué à la compagnie déchue, il doit entretenir les travaux au moins au point de vue de la sécurité publique.

Je dis de plus qu'il doit des indemnités aux personnes lésées par la négligence de l'administration. J'espère qu'il prendra ces intérêts en mûre considération. J'ai dit.


(page 354) - M. de Breyne, élu député par le district de Dixmude, dont les pouvoirs ont été vérifiés et l'admission prononcée dans une précédente séance, prête le serment prescrit par la Constitution.

Il lui est donné acte de sa prestation de serment.


M. Lesoinne. - Je ne veux pas prolonger cette discussion qui a déjà duré. J'ai demandé la parole pour répondre un mot à une allégation de mon honorable ami, M. Julliot, dans la séance d’hier. Il a attribué à l’arrêté pris en novembre dernier par le ministre dos travaux publics pour réduire à 20 cent. le prix du transport des houilles destinées à l'exportation, la hausse du prix des charbons dans le bassin de Liège où l'honorable membre s'approvisionne.

Je pense que l'honorable membre est dans l'erreur ; car pour que la mesure dont il se plaint pût avoir l'effet qu'il lui attribue, il aurait fallu que l'on eût transporté des charbons à ce prix. Je ne sais ce qui s'est passé dans les autres bassins du pays, mais ce que je sais positivement, c'est que dans le bassin de Liège on n'a pas transporté de charbon pour l'exportation au prix de 20 centimes. L'honorable membre ne peut donc, en bonne justice, attribuer le surcroît de dépense que la hausse qui a eu lieu récemment dans le prix des charbons chez nous a occasionnée dans son ménage, à la mesure adoptée par le gouvernement.

M. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour répondre à M. Rolin quand je l'avais entendu dire que j'avais choisi un point de vue très facile, très commode pour pouvoir mieux le combattre.

J'avais eu l'honneur de dire à l'assemblée qu'il avait porté en décompte du chemin de fer les sommes payées par le trésor public pour l'amortissement du capital dépensé pour l'établir. L'honorable M. Rolin a cru me faire une réponse très victorieuse en disant qu'il avait porté ces sommes en compte et en décompte.

Il suffit de lire le tableau du compte rendu qui porte la signature de l'honorable membre pour se convaincre que mon observation est fondée.

Messieurs, si vous examinez ce tableau, vous verrez que chaque emprunt décroit annuellement de toutes les sommes qui ont été remboursées par l'Etat.

Ainsi, si je prends les intérêts de l'emprunt fait en vertu de la loi de 1836, je trouve qu'en 1839, les intérêts sont évalués un million et qu'en 1846 ils ne sont plus portés que pour 900 mille fr., et ainsi du reste ; voilà ce que je ne puis admettre. Vous défalquez l'amortissement des emprunts contractés pour l'établissement du chemin de fer comme si cet amortissement avait été payé par le chemin de fer.

Or, le chemin de fer n'ayant jamais payé les intérêts, à plus forte raison, n'a jamais payé l'amortissement.

Il est donc tout à fait contraire à toutes les bases de comptabilité de déduire du compte du chemin de fer, comme l'a fait l'honorable M. Rolin, les sommes versées par le trésor public à la décharge du chemin de fer. A quel chiffre s'élèvent-elles ? Il suffit de jeter les yeux sur le travail de la cour des comptes pour constater qu'elles s'élevaient au 31 décembre 1848 à 45 millions, somme à laquelle il faut ajouter les déficits des années 1849 et 1850.

Ainsi, il est constant, d'après le travail de la cour des comptes, qu'au 31 décembre 1848, 45 millions avaient été prélevés sur les impôts, pour faire face au déficit du chemin de fer. Voilà ce qui a été prélevé sur les contributions ! Voilà ce que vous avez payé !

Je ne veux pas entrer dans des calculs différents, comme vient de le faire l'honorable M. de Man, comme l'a fait l'honorable M. Vermeire, par la raison fort simple qu'il est toujours facile de contester de tels calculs, d'après les bases sur lesquelles on se pose.

Je me borne donc à accepter purement et simplement le travail de la cour des comptes qui constate que le chemin de fer a coûté, au 31 décembre 184S, 221 millions, et qu'il a amené 45 millions de déficit, ou, en d'autres termes, 45 millions de primes déguisées. Cela me suffit. Une pareille situation financière peut-elle continuer ? Evidemment non ; il est impossible que l'on continue un état de choses aussi ruineux pour le trésor public.

M. le ministre des travaux publics croit avoir tout fait, lorsqu'il dit qu'il y a en Angleterre et en France des chemins de fer qui ne rapportent que 3 p. c. C'est possible. Je ne conteste pas qu'il ne puisse y avoir, en Angleterre et en France, des chemins de fer dans une situation mauvaise ne rapportant que 3 p. c. Mais, je vous le demande, est-ce là une réponse ?

Allez donc, M. le ministre, dire à M. de Rothschild que, puisqu'il y a des chemins de fer qui ne rapportent que 3 p. c, il doit par conséquent réduire le tarif du chemin de fer du Nord, de manière qu'il ne produise que 3 p. c., et vous verrez comment ce conseil sera accueilli ! La question n'est pas de savoir s'il y a des chemins de fer placés dans des conditions défavorables et telles qu'ils ne peuvent rien produire.

La question est de savoir si notre chemin de fer est de nature à produire ; s'il peut produire davantage. Voilà la question, la véritable question.

Mais l’on s'est gardé, l'on se gardera toujours d'y répondre ; car ce serait la condamnation de tarifs démesurément réduits tels que le tarif actuel.

Le tarif a amené cet autre inconvénient qu'il a enlevé en 1849 au trésor public un million sur le produit des canaux et des barrières, et autant en 1850. Ce million, vous n'en parlez pas ; vous ne rencontrerez pas cette observation ; vous vous en garderez bien. Détourner la discussion pour équivoquer : voilà le talent du ministère.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Les tarifs du chemin de fer sont indépendants de ces produits.

M. Dumortier. -Je prie M. le ministre des travaux publics de se convaincre que la connexité est au contraire évidente. En effet, si (ce que personne de nous n'admettra) vous aviez un tarif tellement élevé que le roulage pût continuer, évidemment il n'y aurait pas de perte sur le produit des barrières.

Mais quand vous abaissez le tarif de telle sorte que le roulage est interrompu, que le transport des houilles par les routes ne peut plus se faire, vous diminuez le produit des barrières. La question de la tarification du chemin de fer se lie donc à celle du produit des barrières.

Examinez la situation du trésor ; immédiatement après la publication du tarif du 1er septembre 1848, le produit des barrières baissa de 200,000 francs. Pourquoi ? Parce que les fermiers des barrières voyant que le tarif du 1er septembre enlevait aux routes ordinaires, au profit du chemin de fer, le transport des houilles, ont immédiatement dû réduire la somme qu'ils pouvaient payer à l'Etat, comme fermiers des barrières.

Le tarif, démesurément bas du 1er septembre 1848 sur le transport des marchandises, a produit les réductions ci-après sur les revenus du trésor public :

Sur le produit du canal de Charleroy, 600,000 fr.

Sur le produit de la Sambre canalisée, 200,000 fr.

Sur le produit des barrières, 200,000 fr.

Total, 1,000,000 fr.

Voilà un résultat de ce déplorable système qui consiste à baisser les tarifs, d'une manière exagérée, dans l'intérêt de deux ou trois localités, et de faire payer par toute la Belgique ce qui ne se fait que dans l'intérêt de deux ou trois localités.

Car qui profite de cet abaissement immodéré des tarifs ? Je vais vous le dire : C'est Anvers, Liège et le bassin de Charleroy. Le reste de la Belgique n'en profite pas.

Ne croyez pas que lorsque vous avez abaissé, par exemple, de 20 centimes aux 100 kilog. le prix de transport du café, cette différence arrive jamais jusqu'au consommateur. Non, messieurs, pareille différence n'arrive pas jusqu'au consommateur. Elle tourne au profit de qui ? Des grands négociants, des grands spéculateurs.

Quand vous transportez cent livres de café, comme je le disais, pour 83 centimes d'Anvers à Cologne, évidemment vous donnez une prime. C'est un système de primes.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - A un prix plus élevé nous n'aurions pas le transport.

M. Dumortier. - Vous l'aviez auparavant et vous continueriez à l'avoir. Sous le tarif de l'honorable M. Rogier, on avait le transport du café au tarif de 50 centimes par tonne-lieue ; vous l'auriez encore avec ce même tarif.

On accorde donc des primes qui s'élèvent tous les ans à des millions, à six millions de francs pour trois localités.

On a beaucoup discuté, messieurs, sur la question de savoir ce qu'a coûté le chemin de fer. Cette question est importante, sans doute ; mais à mes yeux, c'est beaucoup plus une question de curiosité qu'une question pratique. Ce qu'il importe de savoir, ce n'est pas la dépense totale du chemin de fer qu'il faut connaître, mais ce que le chemin de fer nous coûte annuellement en dépenses au budget de la dette publique, la somme qu'il faut couvrir chaque année au moyen de revenus au chemin de fer, et en cas de déficit, au moyen des contributions.

Eh bien, de cela encore on n'a pas parlé, et l'on ne parlera pas.

J'ai eu l'honneur de dire plusieurs fois à la chambre ce que coûte le service annuel du chemin de fer. La part afférente au chemin de fer, que nous avons sur les quatre emprunts, part que l'Etat doit servir chaque année, s'élève déjà à 8,969,000 fr., c'est-à-dire 9 millions en chiffre rond par année.

Ajoutez à cela les émissions de bons du trésor autorisées par des lois spéciales ; les 7 millions, partie de l'emprunt forcé appliquée au chemin de fer, et vous verrez que le chemin de fer coûte au budget de la dette publique au-delà de 10 millions chaque année.

Ajoutez, messieurs, à ces 10 millions les 8 millions et demi que l'on nous demande pour le service du chemin de fer et vous arrivez au chiffre minimum de 18 millions et demi pour le service annuel du chemin de fer.

Je ne tiens pas compte des pertes que l'Etat a essuyées et qui ne se trouvent pas remplacées par des bons du trésor, comme celle qui a été éprouvée depuis quelques années.

Vous avez donc à dépenser chaque année un minimum de 18 millions et demi pour faire face à la situation créée au trésor par le chemin de fer.

Or, quand vous recevez, comme en 1848, 12 millions ; comme en 1849, 13 millions et demi ; comme en 1850, 14,800,000 francs, vous avez (page 355) chaque année un déficit de quatre, du cinq et six millions, et ce sont ces millions accumulés qui forment ce chiffre de 45 millions que la cour des comptes nous signale comme ayant été perdu pour le trésor, par suite des déficits du chemin de fer, depuis le commencement de son exécution.

Messieurs, quel doit être notre but ? Notre but doit être d'équilibrer les recettes et les dépenses. Le grand embarras de la situation, quel est-il ? C'est le déficit. C'est pour combler ce déficit qu'on veut porter la main sur le budget de la guerre. Eh bien, savez-vous, messieurs, quel est le plus grand ennemi du budget de la guerre, du budget de la défense de notre territoire, de la défense de notre nationalité ? C'est la tarification, le déficit du chemin de fer.

M. Manilius. - il n'y a pas ici d'ennemi du budget de la guerre.

M. Dumortier. - Je prie l'honorable M. Manilius de croire que je parle très sérieusement quand je dis que la tarification du chemin de fer ou, pour mieux dire, le déficit qui en est la conséquence est le plus grand ennemi du budget de l'armée.

Et pourquoi ? Quel est notre grand embarras dans les circonstances actuelles ? Messieurs, nous le savons tous, c'est d'équilibrer nos recettes avec nos dépenses.

Nous sommes en déficit de plusieurs millions. Il faut pourtant, et le ministère est d'accord avec nous sur ce point, que les recettes couvrent les dépenses. Cela est indispensable. Un pays dans lequel les recettes ne balancent pas les dépenses, doit nécessairement arriver tôt ou tard à la ruine, à la banqueroute.

Pour établir cet équilibre, il n'y a que deux moyens possibles : ou augmenter les recettes, ou diminuer les dépenses. Pour augmenter les recettes, que faut-il ? Il faut établir de nouveaux impôts. Mais il faut reconnaître que la chambre n'est pas très disposée à voter de nouveaux impôts.

Réduire les dépenses ; ici c'est le budget de l'armée, c'est le budget de la guerre qui se présente. On cherche à établir une réduction sur le budget de la guerre

Or, pourquoi cette réduction ! Evidemment, messieurs, parce que le chemin de fer ne comble pas ses dépenses.

Le jour où le chemin de fer comblera ses dépenses, notre situation financière sera admirable. Que l'on fasse rapporter au chemin de fer les recettes qu'il peut rapporter, qu'il doit rapporter parce qu'il le peut, et tous les embarras financiers disparaîtront.

Il en résultera encore ce grand avantage, que l'on ne devra pas frapper de nouvelles contributions sur le peuple ; car en définitive, l'Etat ne doit pas rendre des services à perte ; celui qui voudra se servir du chemin de fer pavera ; celui qui ne voudra pas s'en servir, ne payera pas. Ce sera un impôt facultatif qui vaut infiniment mieux que les impôts forcés et obligés.

Messieurs, le chemin de fer peut-il payer ses dépenses ? Evidemment, il le peut.

Il importe peu de savoir s'il y a, en Europe, certains chemins de fer qui ne rapportent que 3 p. c. La question n'est pas là. La question est de savoir si le chemin de fer belge peut rapporter davantage. Or, il est bien vrai que nous n'avons, en Belgique, ni une ville de Londres, ni une ville de Paris. Mais il est vrai aussi qu'il n'existe nulle part, en Europe, un chemin de fer placé dans des circonstances aussi favorables pour les produits que le nôtre. Nous n'avons pas une ville de Paris en Belgique, mais nous avons une ligne du Midi qui conduit à Paris ; nous avons une ligne du Nord qui conduit à Cologne ; nous avons des lignes le long desquelles sont accumulées des populations prospères, des populations florissantes, des populations riches, des lignes sur lesquelles nous avons un mouvement commercial, un mouvement de voyageurs, comme il n'en existe nulle part.

Et ne venez pas dire que, dans un pareil état de choses, le chemin de fer ne peut rapporter que 3 p. c. Le chemin de fer peut rapporter facilement sa dépense. Il suffit de le vouloir pour le pouvoir.

Voyons, messieurs, quels sont les produits du chemin de fer du Nord !

- Un membre. - Et le chemin de fer rhénan ?

M. Dumortier. - Le chemin de fer rhénan ne rapporte pas parce qu'il a eu la folie de suivre votre système.

Le chemin de fer du Nord avait rapporté déjà, au 9 décembre de cette année, 22,366,379 fr. 70 c ; il rapportera cette année 24 à 25 millions de fr. et l'an dernier, à la même époque, il n'avait rapporté que 18 millions. Il y avait donc déjà, au 9 décembre, une augmentation de 4 millions.

Si maintenant vous décomposez la recette de la dernière semaine telle qu'elle nous est donnée dans le document officiel qui a paru il y a deux jours, vous verrez, messieurs, qu'en France, pendant la semaine du 3 au 9 décembre les voyageurs ont produit 175,175 francs, et les marchandises 265,201 francs, c'est-à-dire que, sur la ligne française du Nord, les voyageurs ne rapportent que 2/5 et les marchandises 3/5 du produit total.

Sommes-nous dans cet état en Belgique ? Evidemment non. C'est à peine si les marchandises rapportent autant que les voyageurs, et d'où cela provient-il ? Cela provient de ce que les tarifs sont démesurément bas, et qu'on a bouleversé les catégories. Quand vous voulez transporter par le chemin de fer des marchandises de valeur au même prix que les marchandises brutes, quand vous voulez transporter le sucre, le café, les fils de laine au même prix que le sable, le gravier, les briques, les pierres de tailles, évidemment vous faites une perte, c'est une prime que vous accordez aux marchandises, que vous favorisez outre mesure.

Quand vous voulez transporter la houille à 20 centimes par tonne-lieue, évidemment c'est encore une prime que vous accordez, puisque hier M. le ministre des travaux publics reconnaissait que le coût du transport revenait de 22 à 30 centimes. (Interruption.) Il ne s'agit pas, en Belgique, de transports exceptionnels. Eh bien, messieurs, si le gouvernement est forcé d'avouer qu'en moyenne le transport lui coûte 25 centimes, et si vous transportez à raison de 20 centimes, n'est-il pas évident que vous perdez 5 centimes par tonne-lieue, et que, par conséquent, plus vous transportez, plus vous perdez ? C'est donc une prime, une prime dissimulée, mais une véritable prime que vous accordez, moins la franchise.

Mais si vous voulez accorder une prime à telle ou telle industrie, venez la proposer franchement et n'accordez pas des primes déguisées.

La même chose a lieu, messieurs, pour le transport des houilles à l'intérieur. On a tellement abaissé le prix de transport que les bassins ne sont plus aujourd'hui dans les conditions de lutte que la nature a créées pour eux. Ainsi le bassin de Liège avait son écoulement par la Meuse, le bassin de Mons par l'Escaut et ses affluents, le bassin de Charleroy avait son écoulement par la Sambre et par la partie supérieure de la Meuse, les charbonnages du Centre avaient leur canal sur Bruxelles.

Eh bien, vous avez détruit tout l'équilibre existant entre les divers bassins et cela au détriment de l'industrie elle-même et au détriment du trésor public.

On a transporté plus de houilles, je le reconnais, mais a-t-on gagné davantage ? Quand on transportait par les canaux assez de houille pour faire un revenu de 600,000 fr. au trésor public, c'étaient 600,000 fr. de bénéfice net, sans qu'il y eût un centime à déduire, car les frais du canal, les frais des employés étaient payés par les premières recettes et la somme de 600,000 francs était un bénéfice net. Lorsque maintenant vous transportez pour 600,000 francs par le chemin de fer, vous avez la consommation du coke, l'usure du matériel, les traitements des employés, enfin, des frais d'exploitation considérables. Mais, messieurs, c'est une ruine pour le trésor public, et il n'y a pas un seul financier, un seul banquier, un seul entrepreneur qui consente jamais à établir un système comme celui du gouvernement. (Interruption.)

M. le ministre des travaux publics dit que le chemin de fer du Nord transporte la houille à 20 centimes ; mais pourquoi ? Parce que la compagnie du chemin de fer du Nord a à lutter contre un canal qui ne lui appartient pas. Si le canal de Saint-Quentin appartenait à la compagnie du chemin de fer du Nord, ce chemin de fer ne transporterait pas la houille à si bas prix. M. de Rothschild lutte contre le canal de Saint-Quentin, qui appartient au gouvernement, et cela se conçoit parfaitement, mais le gouvernement belge contre qui lutte-t-il ? Contre un canal appartenant à l'Etat, et qui formait une des plus belles ressources du trésor public. Ici c'est donc le gouvernement qui lutte contre lui-même.

Mais, messieurs, cela est éminemment, déraisonnable. Verra-t-on jamais un particulier qui vient se faire concurrence à lui-même ? Mais un pareil industriel serait immédiatement envoyé à Bicêtre ou à Charenton.

L'honorable M. Dechamps nous a parlé hier, messieurs, de l'ancien tarif. L'honorable membre veut bien une classification dans le tarif, mais il ne veut pas de tarifs exagérés ; je pense que sous ce rapport nous sommes tous d'accord avec lui ; personne ici ne veut de tarifs exagérés. Ce qu'il faut, c'est, comme je le disais, de trouver le chiffre heureux qui ne nuise pas aux transports et qui procure des recettes au trésor.

Mais l'honorable M. Dechamps a fait remarquer avec beaucoup de raison combien notre tarification est tombée depuis 8 années. En vertu du tarif arrêté par M. Rogier à sa sortie du ministère, les marchandises pondéreuses payaient encore 50 c. par tonne-lieue. A cette époque, des contestations se sont élevées sur le tarif de l'honorable M. Rogier ; mais l'honorable M. Rogier lui-même n'avait pas changé sous ce rapport le tarif antérieur, et la contestation ne portait que sur deux points : la diminution considérable du prix des petites marchandises, diminution de 25 p. c. si ma mémoire est fidèle, et surtout le factage qui était établi de telle manière que les facteurs prélevaient 40 p. c. de la recette brute. Voilà ce que l'on critiquait, mais personne n'a désapprouvé le prix de 50 c. que M. Rogier avait maintenu pour les grosses marchandises.

Eh bien, messieurs, qu'ont fait tous les ministres qui se sont succédé ? Et ici je les condamne tous ; ils ont toujours abaissé le prix, et de 50 centimes ils sont descendus jusqu'à 20 centimes, qui est le taux actuel pour l'exportation. Mais on a fait plus par le tarif du 1er septembre 1848 et plus encore par le tarif du 1er juillet 1849 ; on a bouleversé et confondu toutes les classes, de manière que, aujourd'hui, les marchandises de valeur, qui devraient payer et à raison de leur valeur et à raison de l'assurance dont elles sont l'objet, puisque l'Etat est responsable de la détérioration qu'elles peuvent subir pendant le transport, de manière, dis-je, que ces marchandises ne payent pas plus, aujourd'hui, que la houille, le sable, la terre, les pierres, les marchandises les plus brutes.

Il est indispensable, messieurs, de sortir de cet état de choses, et pour cela que faut-il faire ? Il faut exécuter la loi. Or que veut la loi ? La loi veut que les tarifs du chemin de fer soient faits par la législature.

Un projet de loi vous est présenté sur la tarification des voyageurs, et nous le discuterons bientôt.

Mais je prie M. le ministre des travaux publics de prendre envers la chambre l'engagement de présenter également le projet de loi relatif à (page 356) la tarification des marchandises. (Geste affirmatif de M. le ministre des travaux publics). Je prends avec plaisir acte de cet engagement.

La loi qui abandonne au gouvernement le pouvoir de régler les péages du chemin de fer, n'est prorogée que jusqu'au 1er avril 1851. Ainsi, il faut nécessairement que, pour cette époque, un projet de loi nous soit présenté, pour fixer la tarification des marchandises ; ou qu'on accorde un nouveau délai au gouvernement, pour régler la tarification par arrêté royal. Or, nous sommes tous d'accord sur ce point, qu'il faut rentrer dans la loi primitive, qu'il faut déterminer définitivement par la loi la tarification des marchandises.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous présenter cette loi dans un délai assez rapproché, pour que la chambre puisse se livrer à un mûr examen de la tarification des marchandises. C’est une question très importante, très délicate. Il est essentiel de s'entourer d'une foule de renseignements ; il faudra laisser aux sections et à la section centrale le temps d'examiner cette question sous toutes ses faces. Arriver au dernier moment avec un pareil projet, ce serait mettre la chambre dans l'impossibilité de le voter dans le courant de la session. M. le ministre ferait bien de nous le présenter à notre rentrée ; alors la chambre pourrait l'examiner avec tout le soin qu'elle a apporté à l'examen de la question relative à la tarification des voyageurs.

M. le ministre des travaux publics a annoncé à la chambre qu'il avait quelques modifications à proposer au projet de loi que le gouvernement a présenté sur le tarif des voyageurs. Je désirerais également que ces modifications pussent être communiquées à la section centrale le plus tôt possible. Si la section centrale pouvait être saisie immédiatement de ces modifications, elle pourrait encore faire un rapport complémentaire avant notre séparation, et nous serions alors en mesure de commencer la discussion du tarif des voyageurs, immédiatement après les vacances que la chambre a l'habitude de prendre à Noël ; cela est très désirable dans l'intérêt financier du pays.

Je suis heureux de voir que la chambre comprenne aujourd'hui la nécessité de modifier les tarifs du chemin de fer...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La chambre ne s'est pas prononcée.

M. Dumortier. - On voit bien l'attitude de la chambre. Je suis donc heureux de voir que la chambre comprenne la nécessité de faire produire au chemin de fer tout ce qu'il peut produire. Si le tarif du 1er septembre n'avait pas été adopté, la recette, suivant toute probabilité, s'élèverait aujourd'hui à 17 millions (interruption), oui, d'après l'échelle ascensionnelle que suivaient les recettes chaque année, nous aurions maintenant une somme de 17 millions. D'année en année, les augmentations étaient considérables. En 1843, les recettes ne s'élevaient qu'à 8,900,000 francs. En 1844, elles se sont élevées à 11,230,000, en 1845, à 12,400,000, en 1846, à 13,600,000, en 1847, à 14,800,000.

Vous voyez donc qu'il y avait une augmentation de plus d'un million chaque année par l'augmentation progressive qu'engendre la création du chemin de fer ; nous serions donc arrivés aujourd'hui, sans ce malheureux tarif du 1er septembre, à une recette de 17 millions de francs, et cela aurait servi à merveille les finances publiques.

Je pense que ces tarifs ont été très malheureux ; j'ai démontré, et on ne saurait me réfuter, qu'ils ont occasionné une perte de deux millions à deux millions et demi.

Eh bien, il est temps d'en finir avec ce système de pertes annuelles, il est temps de faire produire au chemin de fer tout ce qu'il peut produire sans gêner la circulation, sans gêner les contribuables, sans accorder des primes indirectes à certaines industries.

Je le répète donc, je suis heureux de voir que la chambre comprenne aujourd'hui la nécessité de modifier les tarifs du chemin de fer, afin de faire cesser ces déficits annuels qu'il produit dans nos finances ; nous avons eu un déficit de 45 millions, produit en dix années : ce qui fait une somme de plus de 4 millions que nous avons perdue annuellement sur le compte du chemin de fer. Il faut donc en finir une bonne fois avec ce système. Y a-t-il rien de plus rationnel que de faire rapporter au chemin de fer une somme suffisant, pour qu'il couvre ses dépenses ? Mais je ne veux pas qu'on adopte des tarifs exagérés que, pour mon compte, je repousse formellement.

- La discussion générale est close. La chambre passe aux articles.

Discussion des articles

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service.

« Charge ordinaire : fr. 306,350.

« Charge extraordinaire : fr. 17,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Frais de route et de séjour du Ministre, des fonctionnaires et des employés de l'administration centrale : fr. 18,100. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 40,000. »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, à l'occasion de cet article, l'honorable M. Osy, dans une précédente séance, m'a demandé si le système de non-assurance des bâtiments de l'Etat était un système général, et s'appliquait à tous les bâtiments de l'Etat. En réponse à cette interpellation, je dirai qu'en effet c'est à la suite d'un accord établi entre les divers départements ministériels que le système de non-assurance des bâtiments de l'Etat a été accueilli.

Je pense qu'il y a un grand avantage à l'adoption de cette mesure. En effet, si l'on consulte l'expérience des vingt dernières années, on voit que, pendant tout ce temps, il n'y a eu que deux bâtiments de l'Etat incendiées, savoir l'hôtel de la cour des comptes et l'hôtel du gouvernement provincial, à Liège. Tous deux étaient assurés ; et il a été alloué à l'Etat, pour l'un, une somme de fr. 34,980 60 et pour l'autre une somme de 50,900 52. Total, fr. 83,887 12

Il est évident que cette somme est loin de représenter le montant des primes d'assurances que l'Etat aurait payées pendant la même période, si tous ses bâtiments avaient été assurés.

Il résulte en effet d'un relevé des propriétés bâties dépendant du domaine de l'Etat, relevé formé en 1846, qu'elles ont une valeur approximative d'environ 26,400,000 francs, de sorte que les frais d'assurance, au, taux de 60 centimes par mille francs, s'élèveraient à 15,840 fr., de manière que pour les vingt ans on aurait payé une somme totale de 316,800 francs, non compris les intérêts.

Du reste, une mesure semblable a reçu son exécution en France depuis plusieurs années ; en France, l'Etat, aux termes d'une circulaire, est devenu son propre assureur.

Voici dans quels termes s'explique cette circulaire :

« Il ne convient pas que l'Etat, qui n'est autre chose que l'association universelle des citoyens, entre dans une société particulière qui, par sa nature, ne peut embrasser qu'un cercle fort circonscrit ; l'assurance ayant pour but de couvrir des pertes individuelles et les répartissant sur plusieurs, ce serait agir au rebours de son principe que de rejeter sur une association privée les dommages éprouvés par la fortune de tous.

« On concevrait l'Etat se constituant assureur universel et réparateur de tous les sinistres particuliers, au moyen d'une prime perçue au profit du trésor par les mêmes agents et dans les mêmes formes que l'impôt ; mais on ne saurait admettre la généralité des contribuables s'associant quelques individus et se faisant assurer par eux. »

M. Osy. - Je remercie M. le ministre des travaux publics des renseignements qu'il a bien voulu me donner.

J'avais effectivement fait une interpellation à M. le ministre, afin de savoir si c'était une mesure générale adoptée par le gouvernement, parce que l'année dernière encore nous avons vu aux budgets des primes d'assurances pour nos propriétés. Maintenant le gouvernement est décidé de courir lui-même les risques et les dangers auxquels sont exposées ses propriétés et, pour ma part, je crois que c'est là une bonne opération, et je l'approuve.

C'est le département des finances qui a pris l'initiative de cette mesure et comme je l'ai dit tantôt, elle a été successivement adoptée par tous les départements.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils, etc.

Première section. Ponts et chaussées
Article 5

M. de Renesse. - Le chapitre qui a rapport aux routes me fournit l'occasion d'émettre quelques considérations en faveur d'une voie de communication réclamée depuis plusieurs années par une partie de la province de Limbourg, plus particulièrement froissée dans ses intérêts par l'exécution du traité de paix avec la Hollande.

Les conseils communaux de plusieurs cantons du Limbourg, avoisinant la ville de Maestricht, ont adressés de vives réclamations pour obtenir la construction d'une route de Riempst à Hallembaye ; cette voie de communication serait le prolongement naturel de la route de l'Etat de Maeseyck vers Tongres, elle relierait plus directement cette contrée du Limbourg, qui a perdu l'important débouché de Maestricht vers la ville de Visé, vers les marchés de grains de Berneau et d'Aubel, du district de Verviers vers les houillères d'Oupaye et la ville de Liège.

Celle voie de communication a été recommandée, à plusieurs reprises, au gouvernement par le conseil provincial du Limbourg ; cette province interviendra pour une certaine part dans les frais de construction, ainsi que les communes intéressées ; cette route pourrait être exécutée en empierrement, les matériaux se trouvant sur les lieux.

Les études de cette route étant achevées, l'enquête toute favorable, ayant indiqué le tracé le plus utile aux intérêts de cette contrée du Limbourg, j'ose espérer que M. le ministre des travaux publics pourra me donner l'assurance que l'exécution de cette voie de communication ne sera plus ajournée indéfiniment, qu'elle pourra être décrétée dans le courant de l'année 1851.

(page 357) M. David. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour présenter l'amendement suivant :

Je propose une réduction de 200,000 fr. sur le chiure de 935,475 fr.

De plus, je demande de supprimer, au littera D, les mots : « travaux d'amélioration » et de laisser subsister les mots : « construction de routes » en y ajoutant « et de chemins de grande communication ».

- L'amendement est appuyé.

Le gouvernement ne se rallie pas à cet amendement.

M. David. - Voici le peu de considérations que j'aurai l'honneur de faire valoir en faveur de mon amendement.

Je voudrais d'abord qu'après le parachèvement des routes projetées et en voie d'exécution, le gouvernement adoptât un système nouveau et général en ce qui concerne la construction des routes ; je voudrais, en un mot, que le gouvernement ne procédât plus par lui-même à ces constructions, mais que l'allocation qu'il reçoit au budget fût distribuée en subsides aux provinces, aux communes et aux particuliers ou concessionnaires ; je crois que ce serait là un mode de procéder qui produirait des résultats bien plus avantageux pour le développement de nos voies de communication.

Voici le résumé d'une statistique fort consciencieuse et tirée des documents officiels que l'honorable M. Rousselle a établie l'an dernier, dans la séance du 24 mai 1849 ; ces chiffres, qu'elle confirme, sont incontestables et restés incontestés.

De 1830 à 1849, le gouvernement a dépensé une somme de 18,500,000 francs pour établir 273 lieues de routes. Avec cette somme, on aurait pu construire 1,260 lieues de routes provinciales et 3,184 lieues de chemins de grande communication pavés, empierrés ou ensablés. Vous voyez que j'ai tout lieu de croire que mon amendement pourra être adopté, puisqu'avec une somme égale nous construirons une beaucoup plus grande étendue de chemins de grande communication propres à remplacer les routes.

D'après les chiffres que je viens d'indiquer, il est clair que nous devrions donner la préférence à ces chemins de grande communication ; construits sans luxe, ils coûtent beaucoup moins et diffèrent très peu de certaines grandes routes ; ils sont d'une largeur convenable, assez bien entretenus et ils le seraient mieux s'ils recevaient la destination de remplacer les autres. Des barrières y sont établies ; on y observe la même police que sur les grandes routes ; les rampes ne peuvent dépasser celles qui sont admises sur les grandes routes par le corps des ponts et chaussées.

Il y a, selon moi, une raison très puissante pour nous engager à restreindre quelque peu la construction de grandes routes par l'Etat. C'est le développement que prennent les constructions de chemins de fer. Par suite de la construction des chemins de fer en exploitation, bien des routes déjà sont devenues d'une utilité extrêmement secondaire.

Ne pouvons-nous pas craindre, pressentir même que par suite des progrès de tous les jours dans les modes plus économiques de construire et d'exploiter les chemins de fer on établisse des voies ferrées parallèles aux routes pour lesquelles nous votons d'aussi énormes dépenses ; ces routes deviendraient inutiles comme tant d'autres le sont déjà et nous aurions ainsi autorisé des dépenses en pure perte.

La question d'économie n'a non plus pas été étrangère à la présentation de mon amendement. Nous avons voté une augmentation de 200,000 francs pour la voirie vicinale au budget de l'intérieur. Les subsides accordés sur ce crédit, vous le savez, s'appliquent toujours à des chemins vicinaux de grande communication pavés, empierrés ou ensablés.

Si vous admettez avec moi que dans beaucoup de circonstances les chemins de grande communication remplacent certaines routes, vous adopterez la réduction de 200 mille fr. que je propose.

Il me reste à motiver le changement de rédaction que je propose au libellé du littera D.

Je propose de supprimer les mots « travaux d'amélioration ». En voici la raison : les littera A et B qui ont pour objet l'entretien ordinaire et les travaux en dehors de l'entretien ordinaire, mettent à la disposition du gouvernement près de 1,700 mille fr.

La dénomination de travaux d'amélioration est, selon moi, à peu près synonyme à celle de travaux d'entretien ; l'administration peut avec cette désignation exécuter les travaux d'entretien et puiser sur le fonds expressément destiné aux constructions de routes nouvelles.

Je demande donc la suppression des mots : « travaux d'amélioration. »

Je demande en outre qu'on ajoute au littera D « et chemins de grande communication ».

M. de Perceval, rapporteur. - Je ferai observer à l'honorable membre que le changement de rédaction qu'il propose n'est pas possible, car nous ne votons pas sur les littera mais sur l'ensemble de l'article.

M. David. - Je demande une réduction de 200 mille francs sur l'article 5.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si j'ai bien compris l'honorable député de Verviers, il demanderait une réduction de 200 mille francs sur le chiffre global porté à l'article. 5.

Je ne puis pas me rallier à cet amendement. Je pense qu'il conviendra d'attendre le projet de loi sur la classification des routes ; c'est alors seulement que le gouvernement pourra prendre une détermination sur l'amendement proposé par l'honorable membre.

Le crédit pour l'amélioration et l'entretien des routes sur lequel porte la réduction proposée, je dois le faire remarquer, est déjà engagé pour une somme d'environ 200 mille francs, sur l'exercice 1851, Si donc on considère les engagements pris, on verra que ce ne sera pas de trop de 700 mille francs pour les quelques lieues de route qu'on se propose de faire et auxquelles cette allocation suffira à peine.

La chambre doit être d'autant moins portée à adopter la proposition faite qu'elle a augmenté de 200 mille francs le crédit pour la voirie vicinale. Je ne puis qu'engager l'honorable membre à retirer son amendement.

M. de Perceval, rapporteur. - Je ne sais jusqu'à quel point il est nécessaire de combattre l'amendement de l'honorable M. David. Je pense que les observations faites par M. le ministre des travaux publics suffiront pour déterminer la chambre à le rejeter.

Chose étrange ! l'honorable membre demande une réduction de 200,000 fr., et au même instant l'honorable, M. de Renesse réclame la construction d'une route de Riempst à Hallembaye (province de Limbourg). Avant la fin de cette discussion, je suis persuadé que l'exemple de cet honorable collègue sera suivi par plusieurs d'entre nous. En présence du grand nombre de routes qui restent à construire, je pense que l'honorable M. David fera bien de ne pas persister dans son amendement, car la réduction qu'il propose n'est pas opportune, dans les circonstances actuelles, alors que le gouvernement a pris des engagements qui le lient vis-à-vis de plusieurs administrations provinciales et communales, et qui absorbent déjà le crédit pétitionné au budget.

Puisque j'ai la parole, je me permettrai d'appuyer les observations qui ont été émises au sein de la section centrale et qui sont relatives à la route qu'il importe de construire entre Turnhout et Tilbourg. Le génie militaire n'y trouve plus aucun inconvénient, et cette autorité, assez difficile de sa nature, paraît être tombée d'accord avec le département des travaux publics sur la construction de cette route qui intéresse plusieurs de nos provinces ; car, messieurs, veuillez remarquer qu'elle est d'un intérêt général.

J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'urgente et l'indispensable nécessité de cette route. Un mot, maintenant, sur lest tracés projetés. Il en est deux. L'un par Raevels, Weelde et Poppel, l'autre par Bar-le Duc. Je ne me prononce pas sur ces deux tracés ; je ferai seulement remarquer que si le département des travaux publics adopte le premier tracé par Raevels, Weelde et Poppel, il aura une longueur de 20 kilomètres sur le territoire belge, tandis que s'il adopte au contraire le tracé par Bar-le-Duc, il n'y aura qu'une longueur de 6 kilomètres.

Ce que je demande surtout avec de vives instances, c'est que cette route de Turnhout à Tilbourg soit construite le plus promptement possible. C'est la première de toutes les voies de communication projetées qu'il est du devoir du gouvernement d'achever. Il n'existe plus aucun prétexte sérieux pour en retarder l'exécution.

Je reviens à l'amendement de M. David et je le repousse, au nom de la section centrale ; car, loin de demander une diminution sur le crédit global en discussion, je pense qu'il faudrait plutôt l'augmenter pour satisfaire à des réclamations impérieuses, fondées, légitimes ; mais malheureusement notre situation financière ne nous permet pas pour le moment d'y songer.

M. Rousselle. - Je crois devoir appuyer l'amendement de l'honorable M. David, vu surtout qu'on a augmenté de 200,000 francs le crédit destiné à l'amélioration de la voirie vicinale, en vue d'allouer de plus forts subsides en faveur des chemins de grande communication pavés, empierrés et ensablés.

J'ai toujours été contraire au système que le gouvernement suit depuis quelques années pour la construction des routes. Je dois naturellement être encore plus contraire à ce système, après avoir examiné les précieux documents que l'honorable ministre des travaux publics a déposés sur le bureau de la chambre, à la demande de M. David. Que résulte-t-il de ces documents ? C'est que, depuis 1830, l'Etat a construit 305 lieues de routes auxquelles il a appliqué 22,493,641 fr. 29 c., ce qui fait revenir en moyenne la lieue de route (sans compter les subsides qui ont pu être payés par les provinces et les communes) à 72,950 fr.

L'année dernière, lorsque j'ai eu l'honneur de parler à la chambre sur la même question, à propos de l'insuffisance du crédit qu'on allouait à la voirie vicinale, il y avait 273 lieues construites ou en construction qui avaient occasionné pour le trésor une dépense de 18,519,257 fr. 95. Ainsi la lieue de route ne revenait qu'à 67,673 francs. Entre les renseignements que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre alors et ceux que je lui offre aujourd'hui, il y a donc une différence de 35 lieues de roules, auxquelles le gouvernement a appliqué 3,974,383 fr. 36 c. ; ce qui fait par lieue une moyenne de 113,354 francs.

De sorte que plus nous avançons, plus les routes sont coûteuses. Reçoit-on un produit en rapport avec ces dépenses ? Non ; les barrières rapportent toujours de moins en moins. Aucune des routes que nous faisons ne donne de quoi pourvoir à son entretien.

Je dis qu'on est dans un mauvais système, lorsqu'on fait au compte de l'Etat des routes qui ne rapportent pas leur entretien. Quand le produit d'une route à péage ne couvre pas ses frais d'entretien, c'est qu'elle n'étend son influence que sur un rayon fort restreint. Dans ce cas, ce n'est pas l'Etat qui doit la faire, mais la localité intéressée, avec le concours de l'Etat.

Je puis faire une grande concession dans certaines circonstances, pour certaines localités, j'admettrais que l'Etat donnât un subside équivalent à la totalité des frais de construction, mais moyennant qu'il ne se chargeât pas des frais d'entretien. En prenant à lui la charge de ces frais, l'Etat se met dans une position extrêmement embarrassante.

(page 358) L’honorable ministre des travaux publics a fait tout à l'heure allusion à la classification des routes. Certes, il faudra bien que cette question se vide ; car il y a un décret du congrès de 1831 et une loi de 1833, qui l'ordonnent.

Le département des travaux publics avait en 1845, consulté, au vœu de la loi provinciale, les conseils provinciaux sur cette classification. Depuis lors, on n'en entend plus parler. Le travail repose probablement dans certains cartons d'où j'espère que l'honorable ministre actuel voudra bien le tirer.

Lorsqu'en 1845 on a appelé les conseils provinciaux à donner leur avis sur la classification des routes, il a été posé comme un principe que, lorsqu'on ferait cette classification, on ne prendrait aucune attention ni à l'époque de la construction, ni par qui cette construction a été faite. Or je dis que l'Etat se mettra dans un embarras très grand si, lorsqu'il voudra procéder à la classification, il prétend avoir la faculté de mettre à la charge des provinces ou des localités intéressées l'entretien des routes qui ne sont pas aujourd'hui à leur charge, et dont le produit ne suffit pas à cet entretien.

En ne donnant que des subsides pour faire les routes, dussent-ils, je le répète, équivaloir parfois à la totalité des frais de construction, et en laissant la charge d'entretien aux localités qui réclament des routes, je dis que le gouvernement ferait une bonne affaire, et éviterait des embarras peut-être insurmontables, à l'époque où la classification devra se faire.

Je crois donc qu'une somme de 700,000 fr. répartie entre les provinces et les communes pour faire des routes serait une somme suffisante pour 1851, puisqu'il resterait encore 500,000 fr. pour les nouvelles constructions, le crédit n'étant engagé que jusqu'à concurrence de 200,000 fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je vais répondre, d'une manière excessivement brève aux quelques observations que vient de présenter M. Ch. Rousselle. Cet honorable membre voudrait que l'on abandonnât aux communes et aux provinces, à titre de subside, les sommes que l'Etat affecte directement aujourd'hui à la construction des routes. Eh bien, messieurs, je crois qu'au fond de ce système, il y aurait ce grave inconvénient que les communes les plus pauvres, les provinces les plus pauvres seraient précisément celles qui seraient déshéritées, parce que ce seraient celles-là qui ne pourraient apporter leur contingent à la construction des routes.

D'autre part, l'honorable M. Rousselle prétend qu'aujourd'hui le produit des barrières est insuffisant pour les frais d'entretien des routes. Cela est tout à la fois vrai et pas vrai. Cela est vrai pour certaines provinces, notamment pour la province de Limbourg, pour la province de Namur et pour la province de Luxembourg. Mais pour toutes les autres provinces il y a un excédant considérable.

Du reste je dois rappeler ici une considération que j'exposais tantôt : c'est qu'on ne pourrait pas, sans bouleverser complètement les sommes affectées à l'entretien et à la construction des routes, adopter l'amendement de l'honorable M. Rousselle. Il y a aujourd'hui des routes en voie d'exécution et en projet pour une somme d'environ 10,000 fr. Il est impossible, si l'on réduit le chiffre de 200,000 fr., que le gouvernement puisse subvenir aux engagements contractés.

M. de Mérode-Westerloo. - Messieurs, j'ai vu, avec une vive satisfaction, la section centrale exprimer le vœu que l'allocation de 935,000 fr., portée à ce chapitre du budget des travaux publics pour l'exercice de 1851, fût divisée également entre toutes les provinces, afin de pourvoir à la construction de leurs roules les plus urgentes. C'est indiquer implicitement, pour la province d'Anvers, la route de Turnhout à Tilbourg à l'attention de M. le ministre des travaux publics. En effet, si nous parcourons des yeux sur la carte les limites qui séparent notre pays de la Hollande, nous sommes frappés de pouvoir suivre cette frontière sur une distance de près de vingt lieues, sans y rencontrer une seule voie de facile communication avec le pays limitrophe.

On n'ignore point, cependant, combien sont nombreux les rapports commerciaux entre cette partie du Brabant septentrional, connue sous l'ancien nom de Mairie et le chef-lieu de l'arrondissement de Turnhout, placé au centre de ce vide considérable que je signalais tout à l'heure, et que borne à l'est la route de Hasselt à Eindhoven, et à l'ouest celle d'Anvers à Bréda.

Aussi y a-t-il plus de 20 ans que des réclamations fondées s'élevèrent, pour demander l'établissement d'une voie pavée entre Turnhout et Tilbourg.

L'opposition du génie militaire belge empêcha longtemps le gouvernement d'y faire droit, et depuis qu'elle a été levée, les études préparatoires furent entreprises avec empressement par le ministère des travaux publics.

Les négociations entamées avec le gouvernement hollandais, au sujet de la route internationale dont je parle, se sont formées sous les garanties de la meilleure entente.

Je ne vois donc plus rien s'opposer à ce que la main soit mise à l'œuvre, et je ne doute point que cette route ne continue d'être, à raison de son incontestable nécessité, l'objet d'une vive sollicitude de la part de M. le ministre des travaux publics.

Je ne puis aussi qu'appuyer la proposition de l'honorable baron Osy, relative à la continuation du canal de Campine jusqu'à Anvers, condition indispensable de son rapport.

Le mode d'achèvement, indiqué par l'honorable membre, ne serait d'ailleurs nullement onéreux au trésor public. Au contraire, il le déchargerait, en partie au moins, des frais d'entretien de la section achevée de ce canal.

M. Thibaut. - Messieurs, je pense qu'il est impossible d'adopter, cette année au moins, l'amendement présenté par l'honorable M. David.

Ainsi que vous l'a fait remarquer l'honorable M. Van Hoorebeke, le crédit proposé est déjà engagé pour une somme assez forte dans les projets de routes qui sont en voie d'exécution. J'ajouterai, messieurs, que plusieurs routes sont à terminer, et qu'il est indispensable que le gouvernement puisse disposer des sommes nécessaires pour parvenir enfin à achever des routes qui sont très utiles aux localités qu'elles parcourent. Mais s'il est impossible d'admettre une réduction au chiffre porté à l'article 5, sous le littéra D, je demanderai s'il ne serait pas possible d'en apporter une, de moins d'importance, il est vrai, au littera A, qui concerne l'entretien ordinaire des routes, d'après les baux existants et ceux à intervenir en 1831.

Ainsi que vous avez pu le remarquer en lisant le rapport de la section centrale, la plupart des baux d'entretien de routes expirent au mois de mai de l'année prochaine. Il est à supposer que les baux nouveaux n'entraîneront pas des dépenses aussi fortes que celles qui ont été faites pour les années que nous venons de passer. Je pense que les baux datent d'environ six ans. Eh bien, messieurs, depuis six ans on a pu constater que le mouvement et la circulation sont devenus moindres sur la plupart des grandes routes. Il me paraît qu'il en résultera que les frais d'entretien diminueront dans des proportions à peu près égales.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics, s'il ne pourrait pas admettre au chiffre global, mais en la faisant porter sur le littera A, une réduction de 50,000 fr.

Je ferai remarquer qu'en prenant la moyenne du tableau qui nous donne l'état général des dépenses d'entretien des routes depuis 1830, nous ne devrions porter qu'une somme de 1,285,000 fr. tandis qu'on porte celle de 1,475,000 fr. Il y aurait donc lieu, d'après cette moyenne, de diminuer le chiffre de 200,000 fr. ; mais je ne voudrais pas prévoir que les baux d'entretien des routes apporteront une diminution aussi forte. Je la supposerai seulement du quart. Je demanderai donc s'il ne serait pas possible d'admettre une réduction de 50,000 fr.

Messieurs, nous avons au même article le littera C. « Etudes de projets, frais de levée des plans et achat d'instruments ; matériel et impressions. »

J'aime à croire, messieurs, que les fonctionnaires qui sont chargés de faire la levée des plans ne s'occupent que de projets sérieux. Je me permettrai donc de demander à l'honorable ministre des travaux publics s'il existe un projet de route partant du chef-lieu du canton de Gedinne pour se rendre à la Meuse en traversant les communes de Rienne et Villerzée.

Je ne sais, messieurs, si je dois dire le motif qui me porte à faire cette interpellation. Mais j'ose croire que M. le ministre voudra bien me répondre et je désire que sa réponse soit aussi publique que possible. Voici donc le motif qui m'anime.

D'après les renseignements que j'ai lieu de croire très exacts, des agents appartenant à l'administration des ponts et chaussées qui ont fait des études préliminaires pour le tracé de la route dont je viens d'avoir l'honneur de parler, ont insinué aux populations intéressées à la construction de cette route, qu'elles ne pouvaient pas avoir l'espoir de la voir construire aussi longtemps que l'arrondissement de Dinant ne serait pas représenté à la chambre par un membre au moins ayant les mêmes opinions politiques que le cabinet actuel.

J'espère que M. le ministre démentira ce fonctionnaire, qu'il déclarera que les agents subalternes ont, sinon outrepassé leurs instructions, au moins qu'ils les ont très mal comprises.

S'il m'était démontré que des conducteurs font quelquefois des études dans d'autre but que d'arriver à la construction de routes, ce serait pour moi un motif de demander une réduction sur le littera C.

M. de Perceval, rapporteur. - Si j'ai bien compris l'amendement de l'honorable M. Thibaut, il consiste à reduire du chiffre global : 1° au littera A, une somme de 50,000 fr., et 2° au littera C, une somme de 10,000 fr.

Je ne sais jusqu'à quel point il convient de combattre la seconde partie de cet amendement, alors que, d'un autre côté, l'honorable M. Thibaut réclame la construction d'une route.

M. Delehaye. - L'amendement de M. Thibaut n'est pas parvenu au bureau. Il n'est par conséquent pas jusqu'ici appuyé.

M. de Perceval. - Je demanderai à l'honorable M. Thibaut s'il dépose un amendement formel ?

M. Thibaut. - J'ai demandé à M. le ministre s'il ne pourrait pas accueillir cette proposition ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je ne puis pas me rallier à la proposition qui tendrait à réduire de 50,000 fr. le crédit porté au littera A. La raison en est extrêmement simple ; c'est que je ne puis pas savoir jusqu'à présent quel sera le résultat des baux qui interviendront. S'il y a des excédants, les excédants se trouveront à la fin de l'exercice ; mais il y aurait imprudence à réduire dès à présent le crédit de 1,400,000 fr., en vue d'une éventualité qui peut ne pas se réaliser.

(page 329) Je dois ajouter une observation en réponse à l'une de celles qui ont été présentées par l'honorable M. Thibaut. M. Thibaut a semblé vouloir insinuer que le gouvernement, dans la répartition des subsides et des allocations destinées aux routes, tiendrait compte de l'opinion de l'un ou de l'autre membre qui s'intéresserait à la construction de la voie de communication dont il s'agirait.

Je crois, messieurs, que je n'ai pas besoin, devant la chambre, de repousser une semblable insinuation. Dans cette circonstance, comme dans toutes les autres, le gouvernement doit se montrer juste pour toutes les localités et pour toutes les opinions, et c'est dans cette justice que je fais consister la véritable force du gouvernement.

Encore un mot, messieurs, relativement à la route de Turnhout à Tilbourg, à laquelle s'intéressent plusieurs honorables membres. Je puis déclarer que les ingénieurs des deux pays sont tombés d'accord sur le tracé le plus convenable, de manière que je pense que, dans l'exercice prochain, ce projet pourra recevoir un commencement d'exécution.

M. Rousselle. - Messieurs, j'ai peu de chose à ajouter à ce que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre.

L'honorable ministre a dit que le droit de barrière laisse un boni considérable sur les dépenses d'entretien ; voyons ce qui en est. Lorsque j'ai pris la parole sur ce sujet l'année dernière, les droits de barrière rapportaient 1,773,425 francs ; la charge d'entretien des routes était de 1,420,670 francs ; il y avait donc alors un boni de 352,755 fr. Voici la situation actuelle : les droits de barrières sont évalués à 1,613,473 fr. ; beaucoup de réadjudications sont annoncées et il y aura certainement une réduction sur ce chiffre, mais prenons le tel qu'il est ; les dépenses d'entretien sont portées au budget pour 1,473,125 fr., de sorte qu'il ne reste plus qu'un boni de 140,548 fr. D'où il suit que la charge du trésor augmente à mesure que l'intérêt général est moins engagé dans les constructions. D'où cela provient-il, messieurs ? C'est que, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire à la chambre, toutes les routes que l'on construit depuis quelques années sont une charge pour l'Etat ; leur entretien n'est pas couvert par le produit des barrières. Je me bornerai à cette observation parce que je crois qu'elle démontre suffisamment qu'il faut, pour sortir de ce mauvais pas, se borner à accorder des subsides en laissant l'entretien des routes à la charge des localités qu'elles traversent. Or, pour donner des subsides, une somme de 700,000 fr. à engager en 1851 serait plus que suffisante.

M. Pirmez. - A l'occasion de l'entretien des roules, je dois attirer l'attention particulière de M. le ministre sur un fait qui a été signalé à la chambre par une pétition que la chambre a renvoyée à M. le ministre des travaux publics le 11 de ce mois.

Il existe, au sortir de Charleroy, un tronçon de route qui depuis nombre d'années n'a reçu aucune réparation et qui, par conséquent, se trouve dans le plus grand délabrement.

Avant de s'adresser à la chambre, le pétitionnaire s'est adressé à différents ministères et à toutes les administrations à qui il présumait l'autorité de faire réparer cette route.

Si le travail que nécessite la discussion de son budget n'a pas permis à M. le ministre de prendre connaissance de cette affaire et de donner des explications, je le prierai de le faire dans une prochaine séance.

M. Liefmans. - Messieurs, je conçois difficilement la persistance avec laquelle l'honorable M. David s'efforce de faire adopter son amendement que l'honorable M. Rousselle vient d'appuyer par différentes considérations. D'après la déclaration de l'honorable ministre des travaux publics il y a impossibilité, au moins pour l'année 1851, de l'admettre. Et cela est incontestablement vrai. En effet le chiffre porté au budget est destiné à couvrir les frais de construction de routes déjà décrétées, dont les travaux sont déjà commencés, qui sont sur le point d'être achevées. Il en est de même des frais nécessites pour différentes améliorations assez importantes. Mais si l'amendement n'est pas fondé pour cette année, il ne l'est pas non plus pour l'avenir ; en effet, que vous propose-t-on ? Que le gouvernement n'intervienne plus que par des subsides à donner aux provinces et aux communes, dans la construction de routes ; que le gouvernement ne fasse, plus par conséquent, construire des routes nouvelles par lui-même. Or, messieurs, cela serait bien fâcheux ; car, depuis vingt ans, le gouvernement a dépensé des sommes considérables pour la construction de routes dans les provinces et surtout dans les localités les plus importantes et par conséquent les plus riches, et ce avec l'argent fourni par les contribuables de tout le pays. Ces routes produisent beaucoup et plus que ne produiront probablement d'autres voies de grande communication qui restent encore à exécuter. Mais il n'en est pas moins vrai qu'elles ont été faites avec l'argent de tous les habitants du royaume. Or serait-il bien juste maintenant, quand les localités qui ont contribué par l'impôt à la construction des routes exécutées jusqu'à ce jour, manquent encore de voies de communication, de suspendre et d'empêcher des travaux ultérieurs aux frais du gouvernement.

Evidemment non. Les localités qui n'ont point encore de routes aujourd'hui ne peuvent pas être négligées. Il est équitable que les contrées plus favorisées viennent à leur tour et par l'impôt en aide à l'exécution de travaux d'utilité publique, qui, pour être moins productives, n'en sont pas moins indispensables. Il serait injuste et réellement déplorable de rayer du budget ce chiffre qui y figure depuis tant d'années. On se trompe si l'on croit que les routes pourraient se faire convenablement à l'aide seulement de subsides fournis par le gouvernement ; car les travaux manqueraient presque toujours d'ensemble. Des communes qui se touchent ne travailleraient pas de concert. L'une construirait et l'autre ne le ferait point ; en effet différentes communes n'ont pas des ressources qui leur permettent d'entreprendre des constructions de grandes routes ; et de là résulterait que les travaux manquant d'unité n'aboutiraient pris au résultat qu'on est en droit d'attendre de l’intermédiaire du gouvernement. L'amendement, messieurs, me paraît devoir être rejeté pour les divers motifs qui ont été produits.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable comte de Renesse a demandé où en était le projet de route de Riempst à Hallembaye. Je puis répondre à l'honorable membre que des instances ont été faites auprès des communes intéressées à l'exécution de la route, et que d'après les renseignements sur leur intervention dans la dépense, ce projet pourra également, je l'espère au moins, recevoir un commencement d'exécution dans le courant de l'exercice prochain.

M. de Mérode. - Messieurs, on a signalé une différence qui existe entre le produit des barrières et les frais d'entretien des routes dans certaines provinces. Ainsi, dans le Luxembourg, le déficit est à peu près de 80,000 fr.

Je pense qu'il y a une cause particulière de ce déficit ; c'est que dans le Luxembourg les parcours sont très longs ; les attelages doivent être aussi nombreux pour traîner la même charge que dans les provinces plus riches, et le droit de barrière est excessivement élevé pour le Luxembourg. Si tout le pays était comme le Luxembourg, il serait évident pour moi que le droit de barrière devrait être complètement modifié.

En effet, ceux qui ont parcouru ce pays, savent que les chevaux y sont de petite taille, que les distances étant très longues et les pentes assez rapides, |c droit de barrière est énorme, et que les habitants évitent les routes pour ne pas payer ce droit de barrière.

Il me semble que cette province devrait être mise sous un régime exceptionnel à l'égard du droit de barrière. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Vous voyez, messieurs, que je ne suis pas toujours partisan de la hausse des tarifs. Je suis partisan de cette hausse, quand elle peut amener un résultat favorable au trésor, et, par conséquent, à la généralité des habitants du pays qui ont intérêt à ce que les finances de l'Etat soient prospères ; mais quand le contraire a lieu, comme je crois que c'est le cas dans le Luxembourg, à l'égard du droit des barrières, je suis d'avis qu'alors il y a lieu de modérer les péages.

Il est un autre objet, sur lequel j'appelle également l'attention de M. le ministre des travaux publics.

C'est qu'en Belgique, sur beaucoup de routes empierrées, il manque des cantonniers, c'est-à-dire des ouvriers, placés de distance en distance et constamment occupés à tenir les routes en bon état. C'est ce qui a lieu en France.

Quel est le procédé qu'on emploie en Belgique ? On apporte une quantité de grosses pierres, on les casse tant bien que mal, et ensuite on abandonne la route à elle-même, jusqu'à ce qu'elle soit assez dégradée, pour qu'on doive recommencer la même opération. Je recommande cet objet à l'attention de M. le ministre des travaux publics.

M. David. - Messieurs, je concevrais l'opposition que rencontre mon amendement, s'il devait avoir pour but de faire cesser en partie la construction des routes. Mais loin de là, l'honorable M. Rousselle et moi, nous avons proposé un système qui tendrait, au contraire, à donner plus de développement à la construction des roules.

Au moyen des subsides, on provoquerait de nouvelles constructions ; en remplaçant les grandes routes par des roules de grande communication, en leur donnant à peu près la même direction qu'une grande route devrait avoir, on obtiendrait plus de routes avec la même somme.

M. Rousselle. - Messieurs, je demande la parole, uniquement pour proposer un nouveau classement du chiffre, quelle que soit la décision que la chambre prendra sur l'amendement de l'honorable M. David. Je crois qu'il faut porter à la colonne des charges ordinaires et permanentes tout le montant du produit des barrières, parce qu'aux termes des lois, il forme un fonds spécial qui doit être affecté au service des routes ; tout le reste est donc un don de l'Etat, pour augmenter le fonds applicable à la construction des routes ; et cette partie du crédit forme une dépense extraordinaire et essentiellement temporaire.

Je demande donc qu'on porte à la colonne des charges ordinaires et permanentes le montant des droits de barrière qui est de 1,613,473 fr., et que le reste de la somme qui sera votée soit porté à la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

M. Moncheur. - Messieurs, je dois faire remarquer à l'honorable M. Rousselle qu'il y a erreur de sa part ; car l'honorable membre parle du produit des barrières qu'il voudrait faire figurer à la colonne des charges ordinaires ; tandis qu'il ne s'agit pas ici du produit des barrières, mais de la dépense pour l'entretien des routes. Mais, messieurs, que propose, en outre, M. Rousselle ? Il propose de ne placer que dans la colonne des dépenses extraordinaires et temporaires les 935,000 fr. destinés à la construction et à l'amélioration des routes. Quant à moi, je suis d'avis que la dépense pour les routes sera longtemps encore une charge ordinaire du budget des travaux publics ; je crois qu'il n'y a peut-être pas dans tout ce budget une dépense plus utile, plus nécessaire même que celle-là.

Comme l’a fait remarquer M. le ministre des travaux publies, il est encore une grande quantité de localités qui sont tout à fait privées de routes, et ce sont précisément les localités qui en ont le plus grand besoin. Ce sont en effet celles qui ne sont pauvres que parce qu'elles n'ont (page 360) pas de voies de communication. Lorsqu'une voie de communication s’ouvre dans une localité semblable, messieurs, la fertilité la suit.

Or, il y a encore un nombre considérable de contrées où la fertilité n'attend que des routes pour se produire ; il faudra bien construire ces routes, alors une production nouvelle de céréales viendra nécessairement en cas de disette, augmenter les approvisionnements de nos marchés.

Je crois donc, messieurs, que cette charge a encore un caractère évident de permanence et qu'elle doit figurer à la colonne des charges ordinaires, jusqu'à ce que nous soyons arrivés à un état de choses différent de celui qui existe aujourd'hui.

- L'amendement de M. Rousselle est appuyé ; il est conçu en ces termes :

« Portera la colonne des charges ordinaires et permanentes la somme de 1,613,473 fr.

«c Le restant de la somme, tel qu'il sera voté par la chambre, à la colonne des charges extraordinaires et temporaires. »

- La discusion est close.

L'amendement de M. David se rattachant à l'article 5 est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'amendement de M. Ch. Rousselle est également mis aux voix et rejeté.

L'article du budget est mis aux voix ; il est conçu en ces termes :

« Art. 5. Entretien ordinaire et amélioration des routes, construction de routes nouvelles, études de projets, etc. : fr. 2,618,600. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Plantation de routes, etc. : fr. 41,200. »

M. de Bocarmé. - Un système nouveau pour l'élagage des arbres le long des routes et des accotements des voies navigables de l'Etat a été appliqué depuis deux ans. Cette innovation ayant été fortement, et je crois, à bon droit critiquée, une commission fut nommée pour faire un rapport sur la méthode Stephens laquelle s'écarte des règles admises, et occasionne de grandes dépenses de main-d'œuvre.

Je prie M. le ministre des travaux publics de bien vouloir communiquer à la chambre les résultats des investigations de la commission ; et j'attire, à cette occasion, son attention et sa sollicitude sur les plantations qui dépendent de son département car elles sont assez importantes et elles exigent, dans leurs détails, des soins intelligents tant sous le rapport des revenus qu'on peut en attendre que sous celui des ménagements qu'il faut avoir en faveur des riverains et en faveur de l'agriculture.

M. de Perceval. - Je viens appuyer les observations présentées par l'honorable M. de Bocarmé, au sujet du système d'élagage actuellement en vigueur.

Le système Stephens, comme l'a dit l'honorable député de Tournay, est critiqué par des hommes très compétents en ce qui concerne le mode d'élagage des routes. En principe, je dois d'abord faire remarquer qu'il n'est nullement profitable au trésor public.

J'ai sous les yeux un rapport très détaillé, présenté aux chambres législatives en 1841, par M. le ministre des travaux publics. J'y trouve que les plantations générales des routes présentaient une valeur de 2,309,102 francs de capital, et un revenu pour l'Etat de 229,648 francs. D'après ces chiffres, vous devez être convaincus comme moi, messieurs, qu'il importe que le département des travaux publics donne toute sa sollicitude aux plantations des routes.

Je critique le système Stephens, et à l'appui de mon opinion, permettez-moi de vous présenter celles d'un grand nombre d'arboriculteurs, qui jouissent en Europe d'une réputation et d'une compétence incontestées sur la matière qui nous occupe en ce moment.

Il résulte des documents que j'ai sous les yeux, documents qui tous discutent et analysent le système Stephens, que cet élagage est des plus vicieux.

Pour ce qui me concerne, je désire voir cesser les expériences du système Stephens qui s'exécutent depuis trois ans le long de nos routes. Une preuve, entre cent autres, se trouve consignée dans le rapport de la section centrale.

Sur la route de Saint-Trond à Hasselt, les accotements ne sont plus praticables pour les personnes qui fréquentent cette voie de communication soit à cheval, soit en voiture.

L'opinion de M. Du Breuil, professeur à l'école d'agriculture et d'économie rurale, à l'école primaire du département de la Seine-Inférieure, repousse de toutes ses forces le système Stephens.

Par suite des plaintes nombreuses sur l'effet des mauvais élagages pratiqués sur les arbres qui bordent les routes et les voies navigables de l'Etat, le département des travaux publics ouvrit une enquête. Un rapport fut fait par M. de Bavay, professeur d'arboriculture. J'y trouve encore que ce praticien éminent partage l'opinion du célèbre Du Breuil sur l'élagage d'après la méthode Stephens.

Je rencontre les mêmes idées chez une autre célébrité, M. Hotton, un de nos forestiers les plus érudits pour la partie des élagages. Et, messieurs, je m'appuie surtout sur cette dernière autorité, parce qu'il est à ma connaissance personnelle que M. Hotton a été appelé en France par le gouvernement pour diriger les élagages du bois de Boulogne et ceux du canal de l'Ourcq. Eh bien, messieurs, cet homme si compétent rejette également le système Stephens.

Cependant, messieurs, en présence des expériences auxquelles le département des travaux publics se livre encore actuellement, j'hésite à émettre une opinion absolue.

Dans mon opinion, il conviendrait peut-être de varier l'élagage suivant la nature du sol et la qualité des arbres.

Mais ce que je demande, c'est que le gouvernement cesse d'appliquer le système Stephens dans toutes les provinces et indistinctement sur toutes les routes ; car je prévois qu'on arrivera à des résultats déplorables pour les arbres d'abord et pour le trésor ensuite, si le département des travaux publics persévère dans la voie où il s'est engagé.

En effet, M. le ministre nous a dit que les expériences n'amèneront une conclusion que dans vingt années. Si nous devons attendre un résultat dans un avenir aussi éloigné, et si, comme j'en ai la conviction, le système Stephens est déclaré vicieux à cette époque, je déclare que cette expérience aura été déplorable et ruineuse pour le trésor, car nous aurons fait des dépenses en pure perte et nous aurons gaspillé de gaieté de cœur une immense et productive ressource.

Messieurs, en critiquant le système d'élagage Stephens, je dois vous faire remarquer que j'émets mon opinion personnelle, et que je ne parle nullement ici au nom de la section centrale.

Je dois ajouter, du reste, en terminant, que je m'estime très heureux de trouver un appui dans l'honorable M. de Bocarmé, qui vient également de critiquer ce système. Personne de vous n'ignore que l'honorable député de Tournay est d'une grande et incontestable compétence pour traiter les questions qui se rapportent à la physiologie végétale.

M. Delfosse. - La section centrale n'a exprimé aucune opinion.

M. de Perceval. - Nous sommes d'accord ; la section centrale ne s'est pas prononcée sur le système Stephens.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La chambre aura remarqué que mon attention a été appelée sur la question importante des plantations.

J'ai adressé une circulaire aux ingénieurs en chef dans les provinces pour leur demander quel est le système d'ensemble suivi dans l'aménagement des plantations le long des voies navigables, et les lacunes qui resteraient à combler.

Le procédé d'élagage dont on a parlé et qui consiste, comme on sait, à raccourcir les branches à certaine distance du tronc n'est pas définitivement jugé ; il y a controverse parmi les hommes les plus capables ; des expériences comparatives ont eu lieu, et il serait très difficile de dire dès à présent d'une manière absolue ce qui en est de ce mode d'élagage.

Je crois néanmoins qu'il convient d'en restreindre l'application. Dans le courant de cette année, il n'y a pas eu de nouveaux essais. En 1850 on n'a fait que vérifier les expériences antérieures, et pour apprécier ces expériences on a appelé, à les contrôler, les hommes spéciaux qui dans cette chambre ou au sénat avaient attaqué le procédé Stephens. Je crois qu'en accordant une attention spéciale à cet objet, en donnant plus d'extension au système de plantations, en y procédant dans une pensée d'unité et d'ensemble, en complétant la surveillance, on fera rapporter infiniment davantage à cette branche importante du service.

M. de T’Serclaes. - Messieurs, ayant eu occasion de causer avec un inspecteur des forêts de la Couronne de Prusse, qui est un des hommes les plus éminents de la foresterie, je lui ai entendu dire que le système adopté en Belgique était éminemment vicieux. C’est un renseignement à ajouter à ceux que d'honorables préopinants ont déjà fournis.

- L'article 6 est mis aux voix et adopté.

Section II. Bâtiments civils
Article 7

« Art. 7. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat : fr. 63,550. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Construction, dans la cour de l'hôtel du ministère de l'intérieur, d'un bâtiment destiné à y loger les bureaux d'expédition, etc., charge extraordinaire : fr. 18,500. »

M. David. - Je viens proposer la suppression de l'allocation demandée pour la construction de bureaux d'expédition au ministère de l'intérieur.

Dans la discussion du budget de l'intérieur, l'honorable M. Cumont interpella le ministre, et lui demanda si bientôt la division de l'industrie serait réunie à la division du commerce. Si je me le rappelle bien, M. le ministre répondit que la question serait sérieusement examinée, qu'il ne voyait pas d'inconvénient à cette réunion, et qu'il pourrait en résulter certains avantages. Si cette réunion a lieu, la division de l'industrie sera transportée au département des affaires étrangères qui est moins chargé de travail que le ministère de l'intérieur, Alors certains bureaux de l'intérieur deviendraient libres, M. le ministre pourrait y transférer certaine division de son département ; plusieurs locaux seront libres et le bureau d'expédition, tel qu'il existe aujourd'hui, suffirait aux exigences du service.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On a parlé de réunir l'industrie au commerce ou le commerce à l'industrie ; mais rien n'a encore été décidé à cet égard.

En supposant que la division de l'industrie fût transférée au département des affaires étrangères, les bureaux du département de l'intérieur ne seraient pas même suffisants ; la division de l'industrie occupe une maison séparée, pour laquelle on paye un loyer, et dans cette même maison, se trouve la division de la voirie vicinale, division à laquelle nous avons joint le service de santé et les travaux d'hygiène publique.

En supposant que la division de l'industrie fût reportée au département (page 361) des affaires étrangères, les locaux du département de l'intérieur feraient encore insuffisants.

Il résulte de l'état de choses actuel des inconvénients pour la marche du service ; il y a moins d'unité, moins de promptitude dans les rapports entre le ministre et les chefs de division ; il y a aussi plus de frais ; il faut plus de concierges et plus de messagers, ce qui fait que l'allocation pour le matériel du département de l'intérieur, quelque économie qu'on y mette, est insuffisante ; elle est en outre inférieure à celles de quatre autres départements, et cela à cause de l'éparpillement et de la mauvaise distribution des bureaux.

J'insisterai donc pour qu'on vote, dans un but d'économie, l'allocation portée pour le département de l'intérieur au budget des travaux publics.

- L'amendement est retiré.

L'article est adopté.

Article 9

« Art. 9. Construction d'un bâtiment pour le dépôt des archives du gouvernement provincial d'Anvers, charge extraordinaire : fr. 29,000. »

- Adopté.

Section III. Services des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage
Articles 10 à 14

« Art. 10. Canal de Gand au Sas-de-Gand. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 26,348.

« Charge extraordinaire : fr. 4,850. »

- Adopté.


« Art. 11. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 92,585.

« Charge extraordinaire : fr. 46,750. »

- Adopté.


« Art. 12. Canal de Pommerœul à Antoing. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 96,489. »

- Adopté.


« Art. 13. Sambre canalisée. Art. 13. Entretien et travaux de dragage.

« Charges ordinaires : fr. 103,782.

« Charges extraordinaires : fr. 14,447 41. »

- Adopté.


« Art. 14. Canal de Charleroy à Bruxelles. Travaux d'entretien et d'amélioration.

« Charges ordinaires : fr. 60,700.

« Charges extraordinaires : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Service de l'Escaut. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charges ordinaires : fr. 20,000.

« Charges extraordinaires : fr. 36,800. »

M. Vermeire. - J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur les excavations qui continuent à se produire dans l'Escaut devant les communes de Buggenhout et de Baesrode et qui y forment, dans son lit, des bancs de sable qui deviennent très dangereux pour la navigation.

Il n'y a que le gouvernement impérial qui, dans le but d'arrêter ces excavations, fit placer dans l'Escaut trois têtes. Elles existent encore, mais au lieu d'arrêter, elles seraient de nature à agrandir les bancs de sable, et à augmenter les excavations par suite de l'absence de travaux intermédiaires qui devaient soutenir ces têtes.

Ni le gouvernement des Pays-Bas, ni le gouvernement actuel, n'ont pris aucune mesure pour prévenir ces atterrissements et ces éboulements, nonobstant les réclamations des communes riveraines et celles de la chambre de commerce de Termonde.

Il en est de même en amont de Termonde au milieu de la rivière à Appels, à l'endroit dit « Hoogland ».

Les éboulements d'un terrain sablonneux. à la rive droite de l'Escaut, ont donné naissance à trois bancs de sable au milieu du fleuve. Ils menacent d'interrompre entièrement la navigation et ont déjà causé plusieurs sinistres. Le 20 mars de cette année, un bateau chargé de chaux, venant de Tournay en destination de Termonde, y a touché et s'y serait immanquablement brisé sans la présence de quatre autres bateaux, dans lesquels des ouvriers ont, à force de travailler, transbordé la cargaison et empêché ainsi la submersion du bateau. Je tiens encore en mains le procès-verbal d'un autre sinistre qui vient d'avoir lieu au même endroit.

J'engage beaucoup M. le ministre des travaux publics à faire examiner ces questions, afin d'y porter remède le plus tôt possible,

- L'article 15 est adopté.

Articles 16 et 17

« Art. 16. Service de la Lys. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charges ordinaires : fr. 28,500.

« Charges extraordinaires : fr. 49,166 67. »

- Adopté.


« Art. 17. Service de la Meuse, dans les provinces de Liège et de Namur. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charges ordinaires : fr. 20,000.

« Charges extraordinaires : fr. 200,000. »

- Adopté.

Article 18

« Art. 18. Service de la Meuse dans la province de Limbourg. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charges ordinaires : fr. 60,000.

« Charges extraordinaires : fr. 30,000. »

M. de Renesse. - Je crois devoir attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur les dégâts extraordinaires occasionnés, au mois de février de cette année, aux chemins de halage et aux digues de la Meuse dans le Limbourg ; ce fleuve parcourt 10 lieues 1/3 sur le territoire de cette province.

Depuis 1840, sous la bonne direction de M. l'ingénieur en chef Kummer, chaque année un travail d'ensemble y a été exécuté, et a permis de rétablir une partie des chemins de halage, fortement détériorés ; environ 30,000 mètres de digues et chemins de halage ont été réparés et défendus par des ouvrages en fascinages ; mais, par la crue extraordinaire des eaux au commencement de cette année, par suite de la fonte subite des neiges, des dégâts assez considérables ont été occasionnés aux ouvrages de défense à la Meuse ; ce fleuve, en plusieurs endroits, menace de prendre une autre direction, d'occasionner de grands désastres ; si jamais un pareil événement arrivait, des communes entières seraient submergées, leurs populations seraient exposées aux plus grands dangers.

Déjà, dans le rapport de cette année, fait au conseil provincial par la députation, il est établi que, par la dernière inondation, « les effets désastreux des débordements ne se sont pas bornés aux travaux de défense de la rivière même ; envahissant violemment toutes les parties basses de la vallée, elles ont non seulement entraîné des parties de digues intérieures, couvert ou détruit partiellement des grandes routes, telles que celles de Maestrichl à Wezel, de Hechtel à Maeseyck, de Hasselt vers la Meuse ; les propriétés communales et particulières ont aussi éprouvé de grands dommages, notamment, à Lanaye, Boorsheim, Eysden, Lanacken, Eelen, Lancklaer, Meeswyck, Neerhaeren, Stockheim, Uyckhoven, Leuth Vucht, Maeseyck, Ophoven, Kessenich, etc. »

Dans dix de ces communes riveraines de la Meuse, les pertes aux propriétés communales et particulières, ont été évaluées à environ 80 mille francs. Cependant, malgré les vives réclamations des autorités communales, appuyées par l'administration supérieure de cette province, aucun secours direct n'a été accordé aux populations qui ont souffert de ces débordements extraordinaires. Sous ce rapport, les habitants des rives de la Meuse dans le Limbourg n'ont pas été aussi avantagés que ceux d'une province voisine qui paraissent avoir obtenu quelques soulagements.

J'ose appeler l'attention toute particulière de M. le ministre sur la nécessité de faire exécuter, le plus tôt que faire se pourra, les réparations les plus indispensables aux digues et chemins de halage de la Meuse, afin de prévenir les grands désastres qui pourraient arriver, si cette rivière changeait de lit, prenait une autre direction.

Les rapports de M. le gouverneur du Limbourg et de M. l'ingénieur en chef, chargé du service de la Meuse, doivent avoir indiqué les mesures qui sont à prendre, les ouvrages indispensables à faire pour garantir les populations riveraines de grands malheurs et pour maintenir une bonne et continue navigation sur ce fleuve.

- L'article 18 est adopté.

Motion d’ordre

Opérations électorales du district de Dixmude

M. de Mérode (pour une motion d’ordre). - Les chambres sont plus particulièrement intéressées au maintien de la liberté des élections et à l'exécution des mesures légales établies pour sa garantie. Cependant nous venons de voir un magistrat traité de « cerveau malade » par le ministre de l'intérieur, dans une lettre adressée au bourgmestre de Dixmude, à l'occasion des dernières élections et livrée par celui-ci à la publicité.

Je n'aurais certes pas à me mêler des épanchements intimes de M. Rogier avec M. de Breyne, passant candidat du gouvernement, précédemment appuyé par circulaires émanant du commissaire de l'arrondissement où s'est accomplie l'élection ; mais il ne s'agit pas ici d'une lettre critique particulière, mais bien d'une diatribe imprimée, dont l'épitre ministérielle est l'élément principal, et qui n'a dû être communiquée au public dixmudois et ensuite au public de tout le pays qu'avec l'assentiment de son auteur ; car il est difficile de croire, eu effet, que M. de Breyne-Peellaert se fût permis de mettre au jour, sans autorisation, les confidences particulières de M. Rogier.

Messieurs, si les ministres peuvent flétrir par des injures les précautions d'ordre public que les magistrats, chargés de ce soin, croient devoir prendre au moment d'une élection, selon leur responsabilité, il faut (page 362) supprimer l'autorité que la loi lui confère et laisser au pouvoir ministériel l'omnipotence sur la police des réunions électorales. Jusqu'à ce jour, personne parmi les ministres ne s'était permis de censure insultante contre les fonctionnaires de l'ordre judiciaire qui président aux élections et qui ne relèvent pas d'eux ; c'est une des nouveautés de la politique nouvelle, que je ne pourrais jamais adopter et contre laquelle je dois protester.

M. Delfosse. - Ce n'est pas une motion d'ordre.

M. de Mérode. - Je devais m'expliquer sur une affaire aussi grave. C'est aujourd'hui que l'honorable représentant de Dixmude a prêté serment. C'était la seule occasion que j'eusse de m'expliquer. Loin de me chicaner, l'honorable M. Delfosse et tous les membres qui siègent sur d'autres bancs que moi, loin de me chicaner sur ma motion d'ordre, devraient m'approuver.

M. Delfosse. - Je me suis borné à faire remarquer à la chambre que l'honorable comte de Mérode, qui avait demandé la parole pour une motion d'ordre, ne faisait aucune espèce de proposition, qu'il n'y avait par conséquent pas de motion d'ordre. Je suis loin de blâmer l'honorable comte d'avoir provoqué des explications de M. le ministre de l'intérieur ; mais je pense qu'il aurait dû prendre la parole au moment où l'honorable M. de Breyne a été admis à prêter serment.

M. de Mérode. - Eh bien, c'est une interpellation !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je serais tenté de remercier l'honorable M. F. de Mérode de l'interpellation qu'il vient de m'adresser. J'aime beaucoup que les questions qui s'agitent avec passion et violence dans certaine presse, viennent se débattre dans cette chambre. La plupart du temps, le gouvernement y trouve un moyen éclatant de justification, et, la publicité de nos débats est le meilleur remède contre les injustes accusations ou contre les faussetés.

J'ai vu depuis quelques jours, dans les journaux, une proclamation attribuée à l'honorable bourgmestre de Dixmude, où figurait une lettre que j'aurais écrite à ce magistrat. J'avoue qu'en lisant cette lettre mon premier sentiment a été un certain étonnement. On m'y attribuait des paroles qui m'étaient entièrement étrangères. J'ai écrit à mon honorable collègue et ami M. de Breyne, ainsi qu'au gouverneur de la province pour demander des explications. Ces explications m'ont été fournies, et il en résulte que M. de Breyne s'était mépris sur le caractère confidentiel d'une communication qui lui avait été faite et sur la portée de certaines expressions qu'elle renfermait.

Voilà ce que j'avais à dire sur l'incident.

J'ajoute que, pour le surplus, la conduite de l'administration communale est tout à fait irréprochable.

L'administration communale de Dixmude a trouvé dans le réquisitoire du juge de paix, adressé directement à l'autorité militaire supérieure de Gand, un manque d'égards et de convenance.

L'administration communale de Dixmude s'était engagée, au moyen de la gendarmerie et de la police locale, à maintenir la ville à l'abri de tout excès.

Cependant, messieurs, j'avais recommandé de renforcer d'un certain nombre d'hommes la brigade de gendarmerie.

Ce ne fut pas sans surprise que je vis que plus tard on ne s'était pas contenté de ces moyens locaux, et qu'on avait requis la force militaire.

Pour ma part, messieurs, je n'ai pas qualifié cet événement de douloureux, mais je crois qu'il était regrettable, parce que l'administration communale de Dixmude avait formellement déclaré que la présence d'un renfort, même de la gendarmerie, ne pourrait produire sur l'esprit de la population qu'un mauvais effet, ne pourrait qu'irriter les esprits. Dès lors, lorsque j'ai vu qu'on avait appelé non seulement la gendarmerie mais encore des troupes, j'ai regretté ce fait, et dans une lettre particulière adressée à M. le gouverneur de la Flandre occidentale, j'ai exprimé ce regret, l'engageant à se mettre immédiatement en rapport avec l'administration communale de Dixmude afin que les soldats, qui ne faisaient qu'obéir à un ordre, ne fussent pas mal accueillis par la population et ne devinssent pas l'occasion de quelque conflit fâcheux.

Voilà, messieurs, l'exposé fidèle des faits tels qu'ils se sont passés.

L'honorable M. de Mérode verra qu'ici la politique nouvelle n'a rien fait de nouveau. Ce qu'il y a de nouveau sous la politique nouvelle, ce qui ne s'était jamais vu, c'est la force armée appelée dans une ville tranquille, dans une ville paisible, dans une ville de quelques milliers d'habitants au moment des élections.

Il y a là, messieurs, un danger, un antécédent regrettable. Car enfin tous les présidents de bureaux électoraux n'appartiennent pas à l'opposition. Ils peuvent aussi appartenir au parti du gouvernement. Et que diriez-vous si, sous prétexte de maintenir l'ordre, de préserver les électeurs contre de certains excès, les présidents de bureaux électoraux, dévoués à la politique gouvernementale, appelaient à eux la force armée dans le but d'intimider les électeurs du parti contraire ? Je crois, je le répète, qu'il a été posé ici un antécédent fâcheux.

Je ne conteste pas que M. le président du bureau électoral de Dixmude avait le droit de requérir la force armée. C'est toutefois une question de savoir si lorsque l'autorité communale, chargée principalement et essentiellement du maintien de l'ordre, déclare qu'elle possède tous les moyens de préserver la localité de désordres dont elle a toute la responsabilité, le juge de paix, président du bureau électoral, peut encore convoquer la force armée en dehors de la force locale ; s'il peut requérir autant d'hommes qu'il lui plaît et là où il lui plaît, et s'il peut le faire non seulement pendant l'élection, mais plusieurs jours à l'avance. Voilà, messieurs, des questions très importantes, que je ne veux pas discuter en ce moment.

J'ai fait connaître à M. le gouverneur de la Flandre occidentale que le fait de la réquisition adressée à Gand était regrettable, mais qu'il était accompli ; qu'il fallait donc le prendre tel qu'il était, engager l'administration locale à souffrir ce qu'elle n'avait pu empêcher, et prendre les mesures nécessaires pour éviter toute espèce de conflit à l'occasion de la présence de la troupe armée dans Dixmude.

Voilà, messieurs, comment les choses se sont passées, et j'aime à croire que ces explications suffiront pour justifier entièrement la conduite du gouvernement dans cette circonstance.

M. de Breyne. - Messieurs, après les explications que vient de donner M. le ministre de l'intérieur, je n'ai que peu de mots à ajouter. La lettre qui fait l'objet du débat m'est arrivée au milieu de la lutte électorale, au moment où l'on proclamait le résultat du scrutin. L'on comprend donc que je me sois mépris sur le caractère et sur certaines expressions qu'elle renferme, et ce, d'autant plus que j'avais à calmer une population que l'on avait excitée comme à dessein par des mesures que rien ne justifiait. J'ajoute que les différentes traductions qui en ont été faites en ont altéré le sens.

Je dirai même, si l'on veut, que j'ai écrit cette proclamation sous l'empire de l'enthousiasme général, difficile parfois à maîtriser après une lutte aussi vive.

M. de Mérode. - Etait-ce une lettre anonyme ?

M. de Breyne. - C'était une lettre signée, mais non par M. le ministre de l'intérieur. D'après ce que j'ai dit du caractère de cette lettre, je ne me crois pas obligé de faire connaître la personne qui l'avait signée.

Messieurs, il s'agit ici d'une question qui m'est personnelle, et vous sentez dès lors combien ma position est difficile. Si je devais faire connaître la chambre tout ce qui s'est passé à Dixmude, vous seriez étonnés...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Faites-le, il n'y a pas de mal.

- Plusieurs membres. - Faites-le !

M. de Breyne. - Messieurs, puisqu'on m'y engage...

M. Delehaye. - M. de Breyne, je dois vous faire remarquer que c'est M. le ministre de l'intérieur qui a été interpellé et non pas vous.

M. de Breyne. - M. le ministre de l'intérieur a été interpellé ; mais c'est moi qui suis attaqué. Si la chambre veut m'écouter, je suis prêt ; si elle dit qu'elle est satisfaite, c'est tout ce que je demande.

M. de Mérode. - Puisque cette lettre est le produit de l'enthousiasme, je n'ai plus rien à dire. Mon interpellation cesse, dès que M. le ministre désavoue cette lettre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'y a pas de désaveu. Je demande la parole.

M. de Mérode. - Vous ne la connaissez pas, elle n'est pas de vous, c'est tout ce qu'il me faut.

C'est à M. le ministre de l'intérieur qui je me suis adressé. Il me dit que cette lettre n'est pas de lui. Cela me suffit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'honorable M. de Mérode s'était adressé à moi avant la séance, comme cela se fait entre membres du parlement, je lui aurais épargné la peine de désavouer ce qu'il vient de dire. Je lui aurais dit ce que je viens de déclarer à la chambre, et je crois dès lors qu'il n'aurait pas fait cette interpellation. Il s'agit ici d'une lettre tout officieuse. Il est évident qu'elle n'était pas de nature à être publiée. Au reste, je ne désavoue pas le fond de la lettre, qui est vrai après tout, bien que la forme laisse à désirer.

M. de Theux. - En entendant la réponse de M. le ministre de l'intérieur, je croyais que M. de Breyne avait été trompé par une lettre portant une fausse signature ; mais il résulte des explications données par M. de Breyne que la lettre était signée, non par une personne privée, mais qu'elle émane d'une autorité publique.

Or, messieurs, s'il en est ainsi, c'est le cas ou jamais, pour M. le ministre de l'intérieur, de se faire reproduire cette correspondance et de faire connaître à la chambre quelle suite il aura cru devoir donner à un abus aussi scandaleux. (Interruption.)

Oui, messieurs, à un abus aussi scandaleux du nom, de l'autorité et de la haute position du gouvernement. Voilà, messieurs, ce que j'ai à dire sur cette lettre. Je le répète, il est du devoir de M. le ministre de l'intérieur d'instituer sur ce point une enquête et de s'expliquer ensuite clairement devant la chambre.

Il est un autre point, messieurs, sur lequel je dois exprimer mon opinion. Je veux parler du réquisitoire du président du bureau électoral. En droit ce réquisitoire lui appartient, et quant à l'usage de ce droit, il est abandonné à l'appréciation, à la conscience du magistrat. On dit : Mais l'administration communale avait garanti qu'il n'y aurait point de désordre.

Messieurs, cette déclaration de l'autorité communale est très respectable, l'autorité communale est dans l'obligation de maintenir la police dans toute la commune ; mais le président du bureau électoral a un droit (page 363) tout spécial, c'est de maintenir la police dans l'assemblée électorale elle-même et aux abords du lieu où elle se tient.

Il y a donc, messieurs, dans cette circonstance deux polices bien distinctes : l’une appartient au président du bureau électoral sous sa responsabilité personnelle, c’est celle du lieu où l’élections e fait et des abords de ce lieu ; l’autre appartient à l’autorité municipale, c’est celle de la commune entière.

On dit qu'il pourrait être fait abus du droit de réquisitoire. Je ferai remarquer, messieurs, que dans le cas présent M. le ministre de l'intérieur avait déclaré que le gouvernement ne croyait pas devoir se mêler de ce qui se passerait à Dixmude, que le président du bureau électoral avait le droit de pourvoir à la police.

Voilà ce que M. le ministre de l'intérieur a répondu à l'honorable M. Dumortier lorsqu'il avait fait connaître à la chambre la pétition de quelques électeurs de Dixmude qui craignaient qu'il n'y eût du désordre dans la commune.

Messieurs, il n'entre point dans mes intentions d'agiter ici une question irritante, d'autant plus que nous sommes encore trop rapprochés de l'époque où l'élection a eu lieu ; mais ce qui s'est passé à Dixmude et ce qui s'est passé dans d'autres localités m'oblige à faire connaître à la chambre mon opinion sur le maintien de l'ordre public dans les communes où des élections ont lieu, et voici, messieurs, le principe que je crois vrai et que je recommande à l'attention du gouvernement et des autorités.

C'est que chaque fois que, par la vivacité d'une lutte électorale, on prévoit que des violences pourraient être exercées soit à l'égard des propriétés, soit à l'égard des personnes, que des insultes pourraient être adressées à des personnes, le devoir le plus impérieux de l'autorité municipale est non seulement de prendre avant et pendant l'élection toutes les mesures nécessaires pour que la tranquillité ne soit pas troublée, pour qu'aucune inquiétude ne préoccupe les électeurs et les autres habitants de la commune, mais encore, après l'élection, d'empêcher tout rassemblement tumultueux. Et ici l'autorité municipale est pleinement dans son droit ; dans mon opinion, elle doit prévenir, non seulement que des insultes, des charivaris puissent être dirigés contre le parti vaincu ou contre le parti vainqueur, mais elle doit même empêcher toute ovation qui pourrait devenir le prétexte d'un tumulte. (Interruption.) Lorsqu'il n'y a point de tumulte à craindre dans la commune, que les ovations se manifestent, je n'ai rien à dire ; mais lorsque le tumulte est à craindre, je dis que les ovations mêmes doivent être défendues par l'autorité municipale.

Remarquez bien, messieurs, que nous défendons ici la cause de l'ordre public et, en même temps, la cause de la dignité de toutes les autorités électorales, car il est impossible que le mandat d'un élu, quel qu'il soit, ne soit pas moralement atteint si l'opinion publique ne considère pas l'élection comme ayant été parfaitement libre, et elle n'est pas libre non seulement si elle a été troublée d'avance, mais encore si elle a été troublée par des actes subséquents. Ainsi, messieurs, il est certain que, surtout dans les petites communes peu populeuses, la crainte d'être exposé à des charivaris, à des insultes et autres démonstrations de ce genre, est de nature à influencer le vote, à porter bien des électeurs à voter pour le candidat opposé à celui qu'ils préfèrent et cela pour le maintien de la paix publique.

Je dis donc, messieurs, que dans l'intérêt de la dignité des pouvoirs électifs, il y a obligation rigoureuse, comme il y a d'ailleurs obligation constitutionnelle de maintenir la liberté à tous égards, et que les autorités doivent prendre toutes les mesures pour qu'il n'y ait aucun désordre quelconque, avant, pendant ou après l'élection.

M. Delfosse. - Il est certain que le président du collège électoral a le droit de requérir la force armée. Mais quelle force armée ? Est-ce celle qui se trouve sur les lieux, ou celle qui se trouve dans tout le royaume ? Si cette dernière opinion pouvait prévaloir, c'est le président du collège électoral qui deviendrait ministre de la guerre, et de graves abus seraient possibles.

Lorsqu'il y a des élections générales, le même officier pourrait recevoir plusieurs réquisitions à la fois. Il est, dit-on, tenu d'obéir, sinon il tombe sous l'application d'une disposition pénale ; à laquelle de ces réquisitions obéira-t-il ?

Si la loi avait voulu donner au président du collège électoral le droit de requérir la force armée, partout où elle se trouve, elle aurait pris des mesures pour le cas où la même force armée serait simultanément requise par plusieurs présidents de collèges électoraux.

M. Dumortier. - Messieurs, la loi électorale, article 22, est trop positive pour qu'on puisse s'écarter de son texte :

« Les présidents (des bureaux électoraux) sont chargés de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'ordre et la tranquillité aux abords des sections et de l’édifice où se fait l'élection ; les autorités civiles et les commandants militaires sont tenus d'obéir à ses réquisitions. »

Le président est donc chargé de prendre les mesures nécessaires, pour maintenir la tranquillité.

Maintenant l'on vient dire : « Mais le président peut-il être ministre de la guerre ? »

Je suis surpris de voir l'honorable M. Delfosse, qui si souvent argumenté du texte de la loi, et, qu'il me permette de le lui dire, quelquefois en dehors de l'esprit de la loi, venir prétendre que cet article, ne signifie rien, quant au président ; mais, messieurs, il est évident que par cela seul que la loi confère un droit au président du bureau électoral, elle lui impose aussi un devoir, celui de maintenir l'ordre aux abords du bureau électoral, et d'empêcher que la tranquillité ne puisse être troublée.

Maintenant quand l’élection a lieu dans une ville où il existe une garnison, on conçoit très bien que le président du bureau électoral n’a pas besoin de faire venir des troupes d’ailleurs ; mais si l’élection se fait dans une ville où il n'y a pas de garnison, et si le président peut prévoir que la tranquillité sera troublée, il ne fait qu'exécuter son devoir, en s'adressant au gouverneur militaire pour faire venir les troupes qu'il juge nécessaires pour le maintien du bon ordre.

Et, dans l'espèce, quelqu'un peut-il regretter, avec M. le ministre de l'intérieur, qu'une troupe quelconque ait été demandée à Dixmude, lorsque nous avons vu que des personnes ont été menacées ? (Interruption.) Oui, mon honorable ami, M. Cassiers a été fortement menacé, à la suite de l'élection, et, sans la présence des troupes, il est possible que des désordres graves eussent eu lieu.

Je dis donc que le président du bureau électoral a parfaitement eu raison, et qu'il a parfaitement bien fait, en requérant des troupes pour assurer l'ordre public ; que s'il ne l'eût pas fait, sa responsabilité aurait été engagée.

Du reste, il n'a fait que se conformer à ce que M. le ministre de l'intérieur lui-même a indiqué dans la réponse qu'il m'a faite, il y a une douzaine de jours, lorsque j'ai parlé sur la pétition des habitants de Dixmude ; M. le ministre ne m'a-t-il pas dit, en effet, que le président du bureau électoral n'avait qu'à faire des réquisitions, et que l'autorité militaire était tenue d'obtempérer à ces réquisitions ? Eh bien, qu'a fait le président du conseil électoral de Dixmude ? Il a pris le Moniteur, il y a lu ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, et il n'a fait qu'exécuter mot pour mot les recommandations de M. le ministre.

Maintenant je ne conçois pas comment, pour s'être conduit aussi légalement, le président d'un bureau électoral peut être blâmé par l'autorité supérieure. Je déclare, pour mon compte, que les expressions de blâme qu'on s'est permises en cette circonstance, m'ont paru excessivement inconvenantes. Je ne reconnais à personne, pas plus à M. le ministre de l'intérieur qu'à un gouverneur de province, de blâmer le président d'un bureau électoral, dans l'exercice du mandat que la loi lui confie.

Le président d'un bureau électoral, en vertu de la loi, a un pouvoir absolu pour maintenir la tranquillité (interruption), oui, il a un pouvoir absolu, et il l'a sous sa responsabilité ; et je répète que personne, pas plus le ministre de l'intérieur qu'un gouverneur de province, n'a le droit de le blâmer, lorsqu'il a fait ce qu'il croyait que sa responsabilité exigeait de lui.

Il est inviolable en pareille matière ; il n'est responsable que devant les tribunaux des actes qu'il aura posés.

Comme on me le fait remarquer, avec raison, à côté de moi, il n'est pas même responsable devant la chambre, il ne l'est que devant les tribunaux pour les actes qu'il pose dans l'exercice de ses fonctions.

Sans doute l'opinion est libre de le blâmer ou de ne pas le blâmer, comme elle peut flétrir la conduite de celui qui se permet de déverser un tel blâme ; mais l'autorité supérieure n'a pas ce droit, elle forfait à son devoir, lorsqu'elle blâme le président d'un bureau électoral des mesures qu'il a prises dans l'intérêt de l'ordre public.

Quand bien même ces mesures n'auraient pas été nécessaires, on n'avait pas le droit de le blâmer administrativement ; personne ne pourrait soutenir le système contraire.

Messieurs, je ne parlerai pas de la lettre qui a fait l'objet de la motion, puisqu'elle se trouve désavouée, et que M. de Breyne avoue qu'elle a été insérée dans un moment d'ivresse électorale.

Mais cette lettre vient de quelqu'un ; eh bien, je dis que la personne qui l'a écrite, ministre ou gouverneur, mérite d'être blâmée très sévèrement, parce que personne n'avait le droit, comme fonctionnaire, d'écrire des paroles de blâme contre le président du bureau électoral ; car un président représente la souveraineté du peuple dans les élections, et personne n'a le droit de le blâmer dans l'exercice des fonctions qu'il tient de la loi.

Le blâme retombe sur celui qui s'est permis un abus d'autorité aussi inqualifiable et qui constitue une véritable violation de la division des pouvoirs sur laquelle repose notre Constitution.

M. de Brouckere. - Messieurs, je ne m'occupe nullement de ce qui s'est passé à Dixmude : la réquisition de cinquante hommes, faite par un juge de paix qui s'est trompé, suivant moi, n'a pas une bien grande importance. Mais les doctrines que vous venez d'entendre et qui partent de membres de cette chambre peuvent avoir des conséquences beaucoup plus graves.

Je soutiens, en premier lieu, que le juge de paix n'avait aucun droit de requérir, alors qu'il a requis ; et qu'au moment où son pouvoir de requérir commençait, il ne pouvait pas requérir ceux qu'il a requis.

Le juge de paix n'est pas président du bureau électoral, avant qu'on ne procède à l'élection ; il n'est président du bureau électoral que quand il y a un bureau électoral. Et de quoi est-il chargé alors ? De la police de l'assemblée et des abords de l'assemblée, pour que l'élection soit une chose vraie et sincère.

Mais jusqu'au moment de l'élection, il y a ni bureau électoral, ni président du bureau électoral. L'autorité communale a seule le droit de requérir la force publique, elle seule doit maintenir la tranquillité publique.

(page 364) En second lieu, je dis que le juge de paix n'avait pas le droit de requérir ceux qu'il a requis. Il a fait venir des troupes d'Ypres, c’est-à-dire d'une localité étrangère à son district. Que dit la loi ? Le président du bureau électoral a le droit de requérir la force publique, et les commandants militaires sont tenus d'obéir à ces réquisitions Mais dans quelles limites ? Dans les limites du district où le président du bureau électoral exerce son pouvoir.

Les bourgmestres ont le pouvoir de requérir la force publique, et l'autorité militaire est forcée d'obéir... Où ? Dans la commune.

Un gouverneur de province a le droit de requérir la force publique ; mais quelle force publique ? La force publique de la province qu'il administre.

Il serait très singulier qu'on eût voulu donner au président d’un bureau électoral un pouvoir plus étendu que celui qui est attribué à toutes les autorités, investies par la loi du droit de requérir la force publique, il peut requérir la force publique dans le district où il exerce son pouvoir, mais il ne peut franchir ce district.

Maintenant on dira : Il peut arriver qu'une autorité communale soit imprévoyante, qu'elle n'ait pas pris les précautions nécessaires ; alors, en pareil cas, vous, président du bureau électoral, qui ne l’êtes pas encore, vous écrivez quelques jours à l'avance à l'autorité supérieure qui dispose de troupes ; vous lui faites connaître vos craintes ; et alors le cas échéant, cette autorité, à moins d'assumer sur elle une grande responsabilité, dirigera des troupes sur l'endroit où vous avez pouvoir, auquel vous pourriez les requérir.

Si le président d'un bureau électoral venait dire à un ministre : « Je n'assure pas la liberté des élections, je ne pourrai pas remplir convenablement mes fonctions de président, à moins que dans le district dont je vais présider les élections, vous ne mettiez une force de.....» le ministre le fera et, s'il ne le faisait pas, il serait responsable. Voilà comment je crois qu'il aurait fallu agir et comment on n'a pas agi dans l'occurrence.

M. Malou. - Je viens d'examiner le texte de la loi électorale. Je ferai seulement deux observations ; la première, c'est qu'une disposition de la loi électorale modifiée en 1843, interdit toute espèce de rassemblements tumultueux, non seulement avant l'élection, mais le jour de l'élection. Si tel a été le but et le sens de la loi, je dis que la liberté électorale n'a pas été suffisamment assurée à Dixmude. Le dernier paragraphe de l'article 12 de la loi est ainsi conçu : « Tout individu qui le jour de l'élection aura causé du désordre ou provoqué des rassemblements tumultueux, soit en acceptant, portant, arborant ou affichant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera puni d'une amende de 50 à 500 francs et en cas d'insolvabilité, d'un emprisonnement de six jours à un mois. »

Ainsi la loi a voulu assurer la tranquillité, interdire les manifestations, i son-seulement jusqu'au scrutin, mais pendant toute la journée de l'élection.

Quant aux droits du président de requérir la force armée, nous devons, dans l'intérêt de nos institutions, nous abstenir de toute exagération dans l'un sens comme dans l'autre.

D'après la loi électorale, les pouvoirs du président du bureau électoral ne commencent pas le jour de l'élection, ainsi que le suppose l'honorable préopinant. Les présidents des bureaux électoraux sont, en vertu de la loi, institués au moins dix jours avant l'élection ; ils ont des devoirs à remplir en cette qualité, aussi bien les juges de paix que les présidents des tribunaux de première instance. Les articles 20 et 21 de la loi sont formels à cet égard.

Les droits des juges de paix président des bureaux électoraux sont les mêmes que les droits de présidents de tribunaux de première instance.

Que doivent vouloir toutes les opinions ? Que la sécurité des électeurs, que la liberté électorale, dans son expression la plus vraie, soit assurée. Si l'on admettait dans un sens absolu l'opinion exprimée par l'honorable M. de Brouckere, il me semble que ces résultats ne pourraient pas être obtenus.

Il y a en effet plusieurs districts cornue celui de Dixmude où il n'y a d'autre force organisée que les gardes champêtres et des gendarmes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Combien y a-t-il de brigades de gendarmerie dans le district ?

M. Malou. - Si vous me souteniez qu'il appartient au président du bureau de réunir toutes les brigades de la gendarmerie, vous auriez raison ; mais je ne pense pas qu'il puisse exercer en ce sens son droit de réquisition ; il peut requérir la troupe selon que les besoins du service le permettent. On me dit que le juge de paix devait d'abord s'adresser au gouverneur de la province et au ministre. Si je ne me trompa, il a commencé par suivre cette voie.

Si je suis dans l'erreur...

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Malou. - Le président du bureau principal a écrit à M. le ministre de l'intérieur et à M. le gouverneur, et je crois qu'il ne s'est décidé à requérir directement 50 hommes, que quand il a vu qu'il ne recevait pas de réponse pour les réquisitions qu'il avait faites par la voie administrative.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je lui ai répondu immédiatement de s'adresser directement au gouverneur.

M. Malou. - Il s'est donc adressé au gouverneur ; n'en recevant pas de réponse satisfaisante, devait-il s'abstenir d'exercer son droit ou pouvait-il convoquer 50 hommes pour assurer la sécurité des opérations d'un collège composé de 700 et quelques électeurs ?

Telle est la question.

Maïs je suppose un instant, très gratuitement, que le juge de paix de Dixmude se soit trompé en fait, qu'il ait eu tort de requérir 50 hommes a l'occasion de la lutte électorale de Dixmude ; ce ne serait, après tout, qu'une erreur, une appréciation faite en conscience, bien qu'elle fût inexacte.

Lorsqu'il en est ainsi, qui donc a le droit d'écrire une lettre contenant un blâme au sujet de l'exercice de ses fonctions, ou de publier une proclamation où il n'est pas seulement blâmé, mais insulté ? C'est là un fait que toutes les opinions doivent réprouver. (Interruption.)

Oui, messieurs, j'en appelle de vos murmures à vos réflexions plus calmes ; un intérêt politique élevé est en jeu ; personne, lors même qu'il y aurait eu une erreur d'appréciation, personne n'aurait le droit de publier une proclamation comme celle que les journaux ont fait connaître ces jours derniers.

M. Pirmez. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

M. Delehaye. - Si personne ne demande plus la parole, je déclare la première motion terminée....

M. Pirmez a la parole.

M. Pirmez (pour une motion d’ordre). - La chambre a mis à l'ordre du jour de lundi, la loi relative aux monnaies d'or. Le rapport ne pourra, d'après ce que j'ai appris, être distribué que dimanche ; beaucoup de membres quittent Bruxelles, le dimanche ; on n'aura pas eu assez de temps pour examiner le rapport et se préparer pour la discussion si on la maintient à lundi. Je pense qu'on ferait bien de la remettre à mardi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si le rapport sur le projet de loi dont parle l'honorable préopinant pouvait être distribué dimanche, on aurait le temps, ce me semble, de l'examiner, et il serait désirable qu'on pût le discuter lundi. Si la distribution n'a pas lieu dimanche, il faudra bien remettre la discussion à un autre jour. La question est de savoir si le rapport pourra être distribué dimanche.

M. Cools. - Je pensais que le rapport pourrait être distribué samedi ou dimanche matin. Mais je doute maintenant que la distribution puisse se faire avant lundi à cause des annexes qui doivent être imprimées à la suite du rapport. Dans tous les cas, la chambre comprend que je suis à ses ordres. Je pense qu'il vaudrait mieux fixer pour la discussion de ce projet un jour plus éloigné que lundi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande si l'incident sur l'élection de Dixmude est terminé.

M. Delehaye. - Personne ne demandant plus la parole, il m'avait paru que la chambre l'entendait ainsi. Si la chambre veut reprendre cette discussion, je donnerai la parole aux membres qui la demanderont.

- Un membre. - M. de Breyne avait demandé à donner des explications.

M. le ministre de l'intérieur.—J'ai moi-même des observations à présenter.

On a prétendu que la liberté électorale n'avait pas été suffisamment garantie dans les élections de Dixmude. J'ai interrompu l'honorable membre pour lui dire que la presque totalité des électeurs se sont rendus aux élections.

Par là vient à tomber cette accusation que tous les moyens auraient été employés par l'administration pour intimider les électeurs des campagnes et les empêcher de remplir leur devoir. Tous les électeurs, à un petit nombre près, sont donc venus déposer leur vote.

Je demande si, pendant les opérations électorales, il y a eu trouble quelque part, un commencement de violence, un symptôme de désordre.

Je ne pense pas que personne soutienne ici que les opérations électorales aient été troublées.

Sous ce rapport, il n'y a que des éloges à donner aux autorités communales et à la police de Dixmude.

Après l'élection, après le triomphe, on pouvait s'attendre, vu la nature de la lutte, à quelques manifestations un peu vives.

Où sont, en effet, les désordres matériels ?

On me dit qu'il y a eu quelques caricatures, quelques sifflets. Mais la perspective de pareilles misères dans une élection où les passions politiques étaient en jeu nécessitait-elle la réquisition d'une force armée extraordinaire ? N'y avait-il pas quelque danger à l'appeler au sein d'une population paisible ?

Le juge de paix était-il dans son droit ? C'est une question qui paraît controversée. Dans tous les cas, on a le droit aussi d'examiner et de critiquer la manière dont il a usé de son pouvoir.

D'après nos institutions, il n'y a d'inviolabilité pour personne, sauf pour le Roi.

Les présidents des bureaux électoraux sont justiciables de l'opinion publique comme tous les autres citoyens dans l'exercice de leurs fonctions.

On a (c'est le même système qui continue) voulu faire de ces élections de Dixmude (district jusque-là si tranquille, si paisible) l'objet d'une lutte passionnée à outrance ; et si nous avions à rechercher, à citer des lettres écrites dans l'intimité, et qui, par hasard, auraient reçu de la publicité, on verrait s'il ne s'est pas écrit des énormités dans le camp contraire.

Après tout, quelle importance sérieuse peut-on attacher à une lettre familière écrite à un bourgmestre ; et si, par un hasard qu'on peut expliquer, une partie de cette lettre a été livrée plus ou moins exactement à la publicité, tous les hommes impartiaux apprécieront ce fait à sa (page 365) juste valeur. Dans l'intimité, on peut s'expliquer dans des termes bien plus vifs qu'on ne le ferait dans une lettre officielle. Il est de fait que si la lettre écrite à l'honorable M. de Breyne avait dû être livrée à la publicité, on se serait expliqué sur le juge de paix en termes moins durs.

Reste à apprécier au fond la conduite du juge de paix. Quant à moi, je crois qu'elle a été tout au moins imprudente.

M. de Theux. - Je croyais la discussion terminée, la chambre s'étant occupée d'une autre motion : j'étais sorti avec un grand nombre de membres ; et je suis rentré ayant été averti que la discussion avait recommencé. Je désire ajouter une observation.

S'il ne s'agit que d'une lettre intime, je n'ai plus à m'occuper de son contenu.

Mais je ne puis admettre que l'honorable M. de Breyne soit exempt de faute pour avoir donné à la lettre qu'il a insérée dans sa proclamation le caractère d'une lettre officielle, le caractère d'une lettre émanée du ministre de l'intérieur. Je le dis dans l'intérêt de la dignité du gouvernement ; car je n'hésite pas à dire que si la lettre émanait du ministre de l'intérieur, cela porterait atteinte à la dignité du gouvernement.

Un mot sur les doctrines qui viennent d'être émises par le ministre.

Assurément les violences qui accompagnent l'élection sont la plus grande atteinte à la liberté électorale ; mais il est vrai aussi que les désordres que l'on prévoit devoir suivre une élection sont encore de nature à en altérer la liberté.

Ainsi, par exemple, dans une certaine localité, un candidat au conseil provincial ayant échoué à une première élection, il y eut postérieurement une élection à la chambre des représentants. Ces élections furent suivies de désordres tellement graves que lorsqu'une nouvelle place devint vacante au conseil provincial, la majorité n'osa pas continuer ses succès, et le candidat du parti opposé fut accepté par esprit de prudence et de paix.

Voilà à quelles conséquences on arrive, et comment la liberté électorale peut être froissée.

N'oublions pas que, si nous avons des libertés, elles n'ont de prix qu'autant que nul ne sera insulté attaqué dans sa considération à propos de l'exercice de ces libertés. Or les insultes à des candidats ou à des électeurs sont une atteinte portée à leur dignité ; et si la loi de vendémiaire a cru devoir être aussi sévère à l'égard des communes où il y a des désordres et des dégâts matériels en leur imposant une amende triple du dommage causé, c'est qu'à une autre époque où il y avait eu un régime de liberté, on avait reconnu qu'à côté de cette liberté pouvait régner la terreur.

Voilà pourquoi, en toutes circonstances, je me suis opposé au retrait de la loi de vendémiaire, quelque onéreuse qu'elle puisse être pour les communes. Mais si la loi de vendémiaire est nécessaire pour le matériel, l'autorité communale ne doit pas être moins vigilante en ce qui concerne l'honneur et la considération des personnes.

M. de Breyne. - A entendre les honorables orateurs, MM. de Theux et Malou, il semblerait qu'ils veuillent jeter un blâme sur l'administration communale de Dixmude. Je déclare nettement que je ne l'accepte pas.

Je vous donnerai, messieurs, les explications les plus péremptoires.

Deux ou trois jours avant les élections, je reçus, de M. le gouverneur de la Flandre occidentale, une lettre par laquelle il m'annonçait que le juge de paix lui demandait d'envoyer à Dixmude, pour les élections, deux compagnies d'infanterie, comme police auxiliaire. Il me consultait sur cette demande. Je pris l'avis de mes collègues du collège échevinal. Tous les trois nous fûmes d'opinion que nous devions repousser toute police auxiliaire, que nous ne voulions pas de troupes, qu'assurés du concours de la population entière de Dixmude, nous pouvions répondre du maintien de la tranquillité. Tel fut le sens de ma réponse à M. le gouverneur, au nom des habitants de Dixmude, à qui l'on voulait faire une si mauvaise réputation.

Déjà avant que la lettre de M. le gouverneur de la Flandre occidentale ne me fût adressée, un journal avait inséré un avis du juge de paix annonçant l'arrivée d'un détachement de troupes.

Je fis connaître à M. le gouverneur les dispositions que j'avais prises pour assurer la tranquillité publique. Je lui dis que je prenais sous ma responsabilité tout ce qui pouvait arriver.

La veille de l'élection, je reçus de bonne heure de M. le gouverneur de la Flandre occidentale une lettre par laquelle il m'annonçait qu'il n'y aurait pas d'envoi de troupes. Cependant ajoutait-il, pour satisfaire au désir exprimé par M. le juge de paix, j'enverrai à Dixmude, à la disposition de la police locale, deux gendarmes détachés de la brigade de Thourout et cinq gendarmes détachés de la brigade de Furnes. Ces hommes seront à la disposition de l'autorité locale pour, en cas de besoin, lui prêter main forte.

Après cette lettre, grand fut mon étonnement d'apprendre l'arrivée en notre ville d'un détachement de 62 hommes commandé par deux officiers.

Messieurs, la présence de ce détachement avait singulièrement exaspéré la population dixmudoise. La troupe s'est trouvée entourée par un millier d'ouvriers, car c'était l'heure à laquelle ils quittent l'ouvrage.

40 à 50 personnes de la bourgeoisie s'étaient rendues à l'hôtel de ville pour protester contre la mesure que révélait l'arrivée de ces troupes, en manifestant leur antipathie de les loger.

Je pris alors la parole et je dis aux personnes qui se trouvaient dans les bureaux de l'hôtel de ville : Mais amis, il faut cependant voir ce que vous allez faire. Un soldat n’est-il pas une machine, en ce sens, bien entendu, qu'il obéit à des ordres supérieurs, à des ordres formels ?

Ces soldais ne sont pas venus ici par leur impulsion, par leur volonté, mais par l'ordre de leurs chefs ; il faut que vous respectiez la mission dont ils sont chargés. J'ajoutais encore : Ne voyez-vous pas dans chaque soldat un frère ? il faut donc les recevoir avec bonté.

Messieurs, j'ajoutai encore beaucoup d'autres choses pour calmer l'animation. Mais en présence de cette agitation des esprits, en présence des difficultés de loger ces soldats, à la veille d'une lutte électorale qui paraissait devoir être vive, je crus qu'il fallait tâcher d'arranger lu choses pour le mieux.

J'envoyai donc cette troupe, par escouades de 8, 10 ou 12 hommes dans des auberges où l'on loge ordinairement les soldats pour le compte de la bourgeoisie, en prenant l'engagement, au nom de l'administration communale, de payer toute la dépense.

Messieurs, j'entrerai encore dans quelques détails, parce qu'il faut ici une explication franche, une explication ouverte, afin que le pays sache qui a eu tort ou raison.

Après avoir indiqué à l'officier commandant les logements pour sa troupe, je le quittai. Il avait place un poste de 12 hommes à la maison de passage attenante à l'hôtel de ville, et qui donne sur la place. Un factionnaire se trouvait à la porte. A 10 heures du soir, ce même capitaine vint me consulter sur ce que je présumais de sa mission du lendemain. Je lui répondis : Vous avez reçu un ordre formel de vous mettre à la disposition de M. le juge de paix, je n'ai rien à vous prescrire. D'après ce qui se passe, je ne suis plus police municipale, paraît-il ; demain la loi communale ne sera plus rien pour moi. Vous agirez, vous et M. le juge de paix, sous votre responsabilité.

Cet officier me demanda alors un conseil. Je lui répondis : Je veux bien vous donner un conseil, mais non un ordre. Si vous voulez m'en croire, vous retirerez voire troupe de la vue de la population. Demain, au lieu de placer des hommes, soit aux abords de la salle d'élection, soit sur la place publique, faites entrer toute votre troupe chez le concierge de la maison de passage, et retirez votre factionnaire. Il me demanda s'il pouvait répéter au juge de paix la conversation que nous avions eue ensemble. J'y consentis.

Il alla donc, le lendemain matin, chez le juge de paix, et lui demanda ce qu’il devait faire. M. le juge de paix lui répondit : Je n'ai pas d'ordre à vous donner, vous devez savoir ce qu'il vous reste à faire.

J'avais engagé le capitaine à ne pas accepter d'ordre verbal, mais à se faire donner un ordre par écrit. Il demanda donc cet ordre par écrit. Le juge de paix lui dit : Je ne sais pas quel ordre je vous donnerai.

il fit connaître au juge de paix le conseil que je lui avais donné. Le juge lui dit qu’il n'avait qu'à le suivre.

Un quart d'heure après, le capitaine était chez moi. Il me déclara que le juge de paix avait formellement approuvé le conseil que je lui avais donné la veille.

Ce conseil fut suivi, et dans l'après-midi la troupe quitta la ville sans que son intervention eût été utile en aucune façon. J'arrive, messieurs, aux élections.

Il serait trop long de vous dire toutes les mesures de précaution que j'avais prises en ma qualité de chef de la police. Je n'entrerai pas dans ces détails.

Je vous dirai seulement que ces mesures étaient telles que j'étais aussi certain que de mon existence de maintenir le bon ordre et la tranquillité. Je pouvais compter sur toute la population de Dixmude, qui m'avait déclaré qu'elle ne m'abandonnerait pas plus que je n'étais disposé à l'abandonner.

Messieurs, quelques instants avant l'élection, et pendant l'élection, nous avons vu notre petite ville honorée d'un grand nombre de citoyens accourus de tous les côtés ; l'affluence était immense. Mais j'en appelle ici au témoignage de tous ceux même qui pouvaient être venus dans l’intention de fomenter des troubles ; je leur demande : Avez-vous vu un pauvre, un ouvrier, une femme ou un enfant sur la place publique, pendant l'élection ? Voilà ce que je leur demanderai et ils devront vous répondre, messieurs, que jamais peut-être, dans toute la Belgique, une élection ne s'est faite avec plus d'ordre et plus de tranquillité.

Eh bien, messieurs, après l'élection, qu'est-il arrivé ? Peut-être quelques sifflets, quelques huées, qu'on ne peut empêcher. (Interruption.) Car n'est-il pas dans les habitudes qu'après une élection qui a été vivement disputée, les électeurs victorieux chantent victoire aux dépens des vaincus !

Certains journaux ont dit qu'on a brûlé publiquement des hommes de paille. Etant chargé de la police, j'ai fait une enquête ; le lendemain de l'élection, j'ai fait venir les habitants des rues où l'on disait que toutes ces démonstrations avaient eu lieu, car, moi non plus, je ne veux pas de désordres. On m'a répondu : « Nous ne savons rien, il n'a pas été fait d'hommes de paille, il n'a pas été brûlé d'hommes de paille. » Eh bien, messieurs, le journal qui a inventé cette calomnie doit avoir reçu aujourd'hui une sommation par huissier de rétracter ce qu'il a avancé.

On a inventé beaucoup d'autres histoires On a parlé d'un honorable sénateur qui aurait été assailli, menacé ; eh bien, messieurs, il n'en est rien.

Voici ce qui est arrivé. Le sénateur dont il s'agit faisait partie de deuxième section qui était réunie dans une salle de l'hôtel de ville, mais le bas de l'hôtel de ville est occupé par un hôtelier.

(page 366) L'honorable sénateur dont il s'agit descend et dit à son domestique : « Faites atteler. » Le domestique se présente dans la cour où, un moment après, un grand nombre d'électeurs et de curieux se trouvent rassemblés. Tout d'un coup l'honorable sénateur se présente devant la porte, et, voyant une grande affluence de monde, il veut sortir de l'autre côté ; là il rencontre encore une grande affluence de monde ; il se retire de nouveau et revient dans le corridor où il trouve un honorable propriétaire de Dixmude, M. Dubois, frère de votre ancien collègue au Congrès et à la chambre ; il lui dit : « M. Dubois, je suis inquiet ; je vois du monde partout. » M. Dubois lui répond : « M. Cassiers, vous êtes mon adversaire politique, mais je vous donne la garantie la plus formelle qu'on ne vous touchera pas ; restez ici, je vais faire atteler vos chevaux. »

M. Dubois traversa la foule, et arriva sur la place, à 20 pas de l'hôtel de ville, où se trouvait un brigadier et 4 hommes à cheval ; par conséquent il n'y avait aucun danger pour l'honorable sénateur ; M. Dubois s'adresse au brigadier et lui dit : « Il faut aller dans la cour de l'hôtel de ville écarter un peu le monde, afin qu'on puisse facilement atteler les chevaux. » Le brigadier écarte le monde, fait atteler, donne même un coup de main, car, à en croire les assistants, le domestique avait perdu la tête comme son maître.

Les chevaux attelés, M. Cassiers vient et entre dans sa voiture ; pas une menace, pas un mot, pas un coup de sifflet, pas une huée. La voiture part, cinq gendarmes l'entourent ; alors le public insulté par ces précautions outrageantes fit entendre quelques sifflets, quelques huées.

Je ne dirai pas ce qui lui est arrivé à une demi-lieue de Dixmude, je ne veux m'occuper que de ce qui s'est passé dans la ville.

L'élection terminée, il y a eu naturellement des cris de joie, on a chanté, on a distribué quelques caricatures qui ont chagriné certaines personnes, mais tout s'est borné là.

L'officier qui commandait le détachement est venu chez moi et m'a dit : M. le bourgmestre, je viens vous remercier du bon conseil que vous m'avez donné.

Le lendemain, messieurs, tout le monde était dans l'inquiétude, tout le monde voulait avoir des explications sur ce qui s'était passé, et les habitants notables, le conseil communal en tête, sont venus chez moi, demander si je n'avais pas reçu de nouvelles du gouvernement, relativement à l'envoi de ces troupes ; car c'était toujours là le point qui préoccupait le public ; on disait que cet envoi de troupes était un déshonneur pour la ville, et en même temps une faute qui rejaillissait sur ses magistrats. Voilà, messieurs, ce qu'on me disait, et j'ai répondu :

« En effet, messieurs, j'ai une communication à vous faire, mais elle n'est peut-être pas destinée à recevoir une grande publicité. » On a dit : « Donnez toujours ; tout le monde est dans l'enthousiasme ; on veut savoir ce qui en est. » C'est alors, messieurs, que j'ai fait ma proclamation. C'est dans ces circonstances qu'elle a été produite, mais, je dois le répéter, l'honorable ministre de l'intérieur n'y est pour rien. C'est une lettre particulière qui m'a été adressée.

Voilà, messieurs, les principaux épisodes de ce qui s'est passé à Dixmude.

M. Delehaye. - L'incident est terminé.

- La séance est levée à 5 heures et demie.