(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 833) M. de Villegas fait l'appel nominal à 1 heure 1/4.
M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Adrien Riewerts, capitaine de navire à Anvers, né à Dunsum (Danemark), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Adolphe-Gaspard Schult, commis-négociant à Anvers, né à Francfort-sur-Mein, demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Pierre Hansen, second à bord d'un navire de commerce, né à Fohr (Danemarck), demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Thomassin, ancien employé des contributions, présente un mémoire sur la réforme du système de l'impôt. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Les secrétaires communaux de Seraing, Boncelles, Jemeppe, Ramet demandent des modifications aux articles 109 et 111 de la loi communale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vertongen appelle l'attention de la chambre sur la mise en vente par le domaine d'un pavé qui, de la route royale de Bruxelles, conduisait à l'ancienne abbaye d'Afflighem. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Neuville, sous Huy, demande que le chemin de fer projeté entre Liège et Namur ne soit point établi sur la rive droite de la Meuse. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
« Plusieurs médecins vétérinaires diplômés, exerçant dans la province du Hainaut, demandent que tous les artistes vétérinaires soient admis à traiter les animaux atteints de maladie contagieuse ou épizootique, et prient la chambre de s'occuper du projet de loi sur les vices rédhibitoires des animaux domestiques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Magloire-Nicolas Teissier, préposé de deuxième classe des douanes, à Nafraiture, ayant demandé la naturalisation ordinaire, prie la chambre de l'exempter du droit d'enregistrement. »
- Même renvoi.
« Les administrations communales de Ghislenghien, Hellebecq, Issières, Rebaix, Ostiche, Bouvignies, Mainvault, Bassilly, Silly, Meslin-l'Evêque, Gibecq et Ottignies demandent que le gouvernement fasse des approvisionnements de grains et prenne des mesures pour mettre à exécution les travaux publics qui ont été décrétés. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Le conseil communal d'Assebrouck présente des observations contre le projet de loi relatif à la dérivation des eaux de la Lys. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.
« Les sieurs Pecher et Matthyssens, trésorier et secrétaire de l'association commerciale d'Anvers, présentent des observations concernant le projet de loi sur les sucres. »
M. Osy. - Messieurs, je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur les sucres. Mais comme ce document pourra beaucoup éclairer la discussion, j'en demande l'impression au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
Par message en date du 27 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi contenant le budget du département de la j ustice pour l'exercice 1846.
Pris pour notification.
M. d’Elhoungne. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant des modifications provisoires au tarif des douanes.
Plusieurs membres. - La lecture !
M. d’ElhoungneM. d’Elhoungne, rapporteur. - Messieurs, l'adhésion unanime que les sections ont donnée au projet de loi apportant des modifications provisoires au tarif des douanes a allégé la responsabilité de votre section centrale sans la dispenser d'examiner avec maturité et avec soin les graves questions que ce projet soulève.
Les relations commerciales qui se sont rétablies depuis 1830 entre la Belgique et le royaume des Pays-Bas, ne présentent point pour les deux pays le même degré d'importance. Le royaume des Pays-Bas a trouvé sans interruption, et à travers tous les changements de législation, un large débouché en Belgique pour les produits de ses colonies, de son agriculture, de ses pêcheries. L'industrie belge, au contraire, déchue du rang qu'elle occupait sur le marché néerlandais, a vu ses exportations se réduire dans une proportion que l'inexactitude et l'exagération de nos statistiques ont trop longtemps, peut-être, laissée inaperçue.
(page 834) Quel que fût le désavantage de cette situation, la Belgique a pu, sans doute, se montrer attentive à la respecter. Dans le désir de voir ses rapports avec les Pays-Bas se multiplier et s'étendre sous l'influence d'un traité réciproquement favorable, elle a pu user de ménagements et prendre plus d'une fois l'initiative des concessions. Mais la Belgique pouvait-elle aller plus loin, sans que sa modération ne dégénérât en faiblesse ? En présence du tarif exceptionnel et hostile dont le gouvernement néerlandais a frappé brusquement les produits belges, sans tenir compte ni des bons procédés ni des avances de la Belgique, celle-ci devait-elle rester impassible ? Telle est la question que le gouvernement belge s'est posée, et qu'il n'a point hésité à résoudre négativement. Dès lors il a dû recourir, lui aussi, aux représailles. Il l'a fait avec fermeté, quoique avec mesure encore ; il l'a fait, non pour engager une lutte fâcheuse, mais dans le but hautement avoué de ramener le gouvernement néerlandais à des dispositions plus conciliantes et plus justes, de le rappeler au sentiment des grands et vrais intérêts des deux pays. (Assentiment.)
C'est là l'origine, messieurs, et c'est là le sens de l'arrêté royal du 12 janvier 1846, dont le gouvernement est venu demander l'approbation à la législature par le projet de loi qui fait l'objet de ce rapport.
L'appréciation de ce projet exige que nous jetions un coup d'œil rétrospectif sur ce qui s'est passé dans les deux pays, depuis 1830, au point de vue de leurs rapports commerciaux.
Le tarif du 26 août 1822, qui régissait la Belgique et la Hollande avant leur séparation, ne doit point être considéré isolément. Il se reliait d’une manière intime à un système colonial éminemment protecteur qui lui servait de complément et de correctif. La marine nationale, le haut commerce et plusieurs des industries les plus considérables trouvaient, dans le système colonial, une compensation à la concurrence trop vive, que la libéralité du tarif général leur créait dans les ports et sur les marchés de la mère patrie.
Les événements de 1830, en laissant les deux pays nominalement soumis à la même législation, leur firent cependant une position bien différente. La Hollande conservait son régime commercial dans toute sa force, dans toute son intégrité ; la Belgique au contraire se trouvait soumise à un système incomplet, dépareillé, auquel la perte des colonies avait donné après coup un caractère de libéralité qu'il n'avait jamais eu.
Certes, la Belgique eût usé d'un droit incontestable en restituant immédiatement à sa législation ce qu'elle avait eu jusqu'alors de protecteur pour la marine, le commerce et l'industrie. La Belgique aurait été d'autant plus fondée à le faire que le gouvernement néerlandais, non content de lui appliquer et le tarif de 1822 et le tarif colonial, avait pris des mesures tout exceptionnelles contre les produits belges qu'il frappa, pour la plupart, de prohibition.
La Belgique aima mieux procéder d'après un principe tout contraire. Un arrêté du gouvernement provisoire, du 7 novembre 1830, commença par dégrever tous les produits hollandais de quelque importance que l'application du tarif de 1822 allait atteindre.
Plus tard, il est vrai, on revint sur ces dispositions, mais sans poser aucun acte hostile à la Hollande, sans prendre contre elle aucune mesure de représailles. Dans les modifications apportées successivement au tarif belge, on resta en somme bien au-dessous de la protection que la loi du 26 août 1822 accordait directement à l'agriculture et à la pêche, et qu'elle ménageait, combinée avec le système colonial, à la marine, au haut commerce, et à l'industrie manufacturière.
Cette observation générale, qui suffirait à elle seule pour écarter les griefs dont le gouvernement néerlandais a cru pouvoir se plaindre, nous conduit à préciser le caractère et la portée, au point de vue international, des lois sur les céréales, sur l'entrée du bétail, sur la pêche maritime, sur les droits différentiels, ainsi que des dispositions qui ont accordé à plusieurs branches de l'industrie nationale des droits protecteurs plus élevés.
Dans la pensée de ses auteurs, la loi du 31 juillet 1834 sur les céréales était destinée à protéger l'agriculteur belge également contre toutes les concurrences du dehors. Bien que cette loi ait été tempérée par les lois spéciales qui décrètent la libre entrée de l'orge, et qui autorisent l'introduction à des droits de faveur de certaines quantités de céréales du Limbourg et du Luxembourg néerlandais, on ne contestera point son caractère essentiellement protecteur. Mais il est impossible de soutenir qu’elle ait été préjudiciable, soit à l'agriculture, soit au commerce des Pays-Bas. En effet, comme elle consacre l'exemption de tout droit, quand le froment et le seigle atteignent le prix de 20 fr. et de 15 fr. l'hectolitre, il s'ensuit que les quantités de céréales que la consommation belge réclame, quand elles ne sont pas introduites à un droit modéré, le sont en exemption de tout droit. D'un autre côté, la mobilité des droits faisant obstacle à ce que le port d'Anvers devienne le centre d'un grand commerce de grains, elle supprime ainsi, au profil des ports hollandais, une concurrence dont on ne saurait méconnaître l'importance, et elle assure jusqu'à un certain point au commerce hollandais le monopole de l'approvisionnement du marché belge, puisqu'il est, par sa position, à même de profiter le premier des oscillations que le prix des céréales imprime a l'échelle des droits. Le chiffre des importations de céréales qui ont lieu chaque année en Belgique du royaume des Pays-Bas, et la faible proportion des quantités soumises au payement du droit, donnent à ces réflexions la consécration de l'expérience.
La loi du 31 décembre 1835, sur l’entrée du bétail, est issue d'un ordre de faits que le gouvernement des Pays-Bas a créé lui-même. L'arrêté du gouvernement provisoire, que nous avons déjà eu l'occasion de rappeler, avait substitué un droit de 10 et de 5 francs par tête, au droit de 20 et de 10 florins fixé par la loi du 26 août 1822. A cette mesure libérale, qui avait pour but de conserver aux éleveurs hollandais le débouché belge, le gouvernement des Pays-Bas répondit par la prohibition du bétail à la sortie. Cette prohibition, maintenue pendant plusieurs années, équivalait pour l'éleveur belge à une protection énergique Elle devait le stimuler puissamment. Elle devait par conséquent pousser l'élève du bétail en Belgique à un prompt développement. Aussi, quand la prohibition à la sortie fut levée aux frontières des Pays-Bas, il fallut bien accueillir les réclamations de plusieurs districts agricoles et rendre, au moins en partie, à l'éleveur belge, cette protection dont il avait joui par le fait du gouvernement néerlandais. C'est dans ces circonstances que la loi du 31 décembre 1835 fut portée. Cette loi ne renchérit pas sensiblement sur le tarif de 1822 ; et sous son empire les exportations de bétail de Hollande en Belgique ont suivi une progression croissante.
La législation belge sur la pêche maritime n'a point davantage été dictée par une pensée d'hostilité contre le royaume des Pays-Bas, ni par un système de protection que celui-ci puisse taxer d'exagération. La loi du 26 août 1822 frappait de prohibition le poisson de mer provenant de la pêche étrangère, à l'exception du hareng saur et du stockvisch. Le gouvernement provisoire ne laissa pas subsister ces dispositions exorbitantes. Il établit sur toute espèce de poisson, produit de la pêche étrangère, un droit uniforme de 10 p. c. ad valorem, droit que le congrès national remplaça bientôt par celui de 15 fr. 90 les 100 kil. sur le poisson frais fin, et de 7 fr. 95 les 100 kil. sur le poisson commun (Décret du 13 avril 1831). Cette tarification n'a jamais soulevé de réclamation. Si elle a été modifiée, ce fut uniquement pour simplifier la perception du droit désormais ramené au taux moyen de 12 francs et pour prévenir et réprimer la fraude. Sous l'empire de cette loi, les importations de poisson de mer provenant de la pêche hollandaise ont plutôt augmenté que diminué. Si donc elle froisse aussi profondément qu'on l'a dit les pêcheries néerlandaises, ce ne peut être que par suite des entraves qu'elle a mises à la fraude. Or, ce serait la justification la plus éclatante de la loi.
La section centrale n'ignore pas, et elle n'entend point contester par les réflexions qu'elle vient de faire, l'intérêt vital qui se rattache pour la Hollande à l'importation du poisson et surtout à l'importation du poisson frais en Belgique. A l'égard de cet article, qui forme l'unique ressource de la nombreuse population du littoral hollandais, la Belgique est le seul marché possible. En effet d'une part la consommation de la Hollande même est insignifiante à côté de la consommation si considérable de la Belgique, et d'autre part le marché anglais, le seul qui ne soit pas fermé à l'entrée du poisson, est si abondamment pourvu par ses propres pêcheurs, que le poisson, à l'exception des turbots et des soles, s'y vend à vil prix.
Mais si le gouvernement néerlandais doit reporter une si vive sollicitude sur ces pêcheurs parmi lesquels la marine, qui fait la grandeur et la force de la Hollande, recrute ses meilleurs matelots, le gouvernement belge n'a-t-il point de son côté à protéger les pêcheurs de son littoral ? N'a-t-il pas à se préoccuper de la prospérité et de la décadence de leur périlleuse industrie ? N'a-t-il pas à tenir en vue l'intérêt commercial et maritime qui, sans être pour la Belgique une question d'existence comme pour la Hollande, reste néanmoins assez important pour dominer les considérations d'un autre ordre, et mettre une barrière aux concessions ?
Nous ne nous arrêterons pas aux diverses mesures qui ont renforcé le tarif belge dans un but de protection en faveur de l'industrie manufacturière. A la seule exception des tapis en poil de vache et de certains tissus de laine compris dans l'arrêté du 14 juillet 1842, la Hollande est entièrement désintéressée dans la question. Il nous suffira donc de consigner à ce sujet deux remarques : la première, c'est que le gouvernement belge s'est toujours montré disposé à excepter, au moins partiellement, les produits hollandais de l'arrêté du 14 juillet ; la seconde, c'est que la protection, obtenue par l'industrie belge sur le marché intérieur, l'industrie hollandaise la possède plus exclusive sur son marché colonial.
Et cette observation n'est pas sans quelque importance pour l'appréciation de la lo du 21 juillet 1844, sur les droits différentiels, dont il nous reste à parler. En effet, ce qui a porté la Belgique à favoriser, par un système de droits différentiels, les relations directes avec les contrées transatlantiques, n'est-ce pas l'exclusion que ses navires et les produits de son industrie rencontraient dans les colonies des puissances européennes, et particulièrement dans les colonies néerlandaises ? Nous n'avons pas à examiner ici, si la loi des droits différentiels a réalisé les prévisions de ses partisans, et si, telle qu'elle est, (page 835) elle pouvait les réaliser. Nous n'avons à l'envisager qu'au seul point de vue des relations commerciales avec les Pays-Bas ; nous n'hésitons à le dire, sous ce rapport, elle est exempte de tout reproche. La protection qu'elle accorde au pavillon belge et au commerce national est très modérée, quand on les compare au système colonial qui protège le pavillon et le commerce néerlandais. Rien ne serait plus facile à établir par le parallèle des deux législations, si l'exception introduite dans la loi même du 21 juillet 1844, pour le café Java et pour le tabac venant des Pays-Bas par la Meuse, ne donnait l'éclat de l'évidence au désir qu'a toujours eu la Belgique de faire aux importations néerlandaises une position favorisée. « Cette mesure, a dit avec raison M. le ministre des affaires étrangères, en l'envisageant non seulement comme une stipulation d'attente, comme une concession faite en vue d'une réciprocité incertaine, et dans tous les cas encore à venir, constitue pour la Belgique un sacrifice notable, pour les Pays-Bas un avantage très signalé. En effet, d'une part, elle altère par sa base tout le système commercial que l'on vient d'établir en Belgique, et neutralise par conséquent, non moins par son influence immédiate que par les entraves qu'elle apporte à la liberté d'action du gouvernement belge, une partie des effets que l'on attend de ce système ; d'autre part, elle occasionne annuellement au trésor belge une perte de 4 à 500,000 francs. » Nous ajouterons que, par cette exception, la Hollande recevait sur le marché belge une position privilégiée qui faisait tourner à son profit, plus efficacement peut- être que pour le commerce belge, le système entier des droits différentiels.
Vainement dirait-on que la possession de ce privilège avait un caractère transitoire et précaire ; car, pour s’y maintenir, il suffisait à la Hollande de reconnaître en principe qu’une faveur de cette portée devait donner lieu à une compensation. C’est dans ce sens éminemment libéral que les chambres avaient voté la disposition de la loi du 21 juillet. En cela elles se montraient conséquentes avec leurs précédents : n’avaient-elles pas en effet, à une époque antérieure, étendu spontanément aux navires hollandais le remboursement du péage de l’Escaut ? N’avaient-elles pas accordé, par la loi du 6 juin 1839, des avantages signalé au Luxembourg néerlandais ? Quoiqu’on en ait dit, la loi du 21 juillet 1844 n’a donc pas été un acte d’hostilité commerciale contre le royaume des Pays-Bas ; et on semble l’avoir senti lorsqu’après plusieurs années de silence, on a groupé autour de cette loi toute une série de griefs non moins dénués de fondement.
Toutefois, messieurs, si les considérations qui précèdent ont établi que sous le rapport de l'agriculture, de la pêche maritime du commerce et de la navigation, le gouvernement néerlandais ne peut élever des plaintes légitimes contre la législation belge, est-ce à dire qu'il n'y ait rien à faire ? Est-ce à dire qu'il n'y ait point là un champ fécond ouvert aux négociations ? Votre section centrale s'empresse de le déclarer, telle n'a pas été sa pensée. En examinant le passé, elle n'a point voulu préjuger l'avenir. C'est au gouvernement, qui seul sera en position de peser les compensations offertes, à restreindre ou à étendre les concessions que la Belgique pourra être appelée à faire.
Nous venons, messieurs, de vous rappeler la conduite et les actes de la Belgique. Nous avons maintenant à mettre sous les yeux de la chambre les actes du gouvernement néerlandais lui-même. Il suffira, pensons-nous, de les indiquer pour faire toucher du doigt l'inconséquence des griefs qu'il reproche à la Belgique, et l'injustice de la guerre de tarif qu'il lui a déclarée.
Comme nous l'avons déjà dit, de 1830 à 1839, le gouvernement des Pays-Bas frappa de prohibition la plupart des produits belges. En remaniant pendant cet intervalle son tarif, il abaissa pour les autres provenances les droits d'entrée sur plusieurs articles, et particulièrement sur les objets manufacturés ; pour d'autres articles, pour la houille par exemple, il remplaça le droit de douane par un droit de consommation. Quant au marché si important des colonies, il resta soumis à toutes les restrictions d'un système qui poussait la protection jusqu'au monopole.
Ce fut aux faveurs facilement appréciables de cette législation commerciale, que la Belgique se trouva enfin admise en 1839 après la conclusion du traité de Londres. Elle en jouit jusqu'au mois de juin 1845, époque à laquelle le tarif des Pays-Bas subit un nouveau remaniement. Cette fois les modifications avaient un autre caractère. Elles accusaient une tendance très marquée vers le système protecteur en matière d'industrie. Un grand nombre d'articles, choisis précisément parmi ceux que la Belgique importe en Hollande, étaient taxés à un taux plus élevé que précédemment ; ainsi sur les verres à vitres il y avait augmentation de 12 9/10 p. c ; sur la cristallerie, de 7 p. c. et 10 p. c ; sur la clouterie, de 6 p. c ; les chapeaux de soie étaient frappés même d'un droit prohibitif. Quant aux articles, sur lesquels les droits étaient abaissés, quelques-uns, comme le bétail et la pêche, n'étaient dégrevés peut-être qu'en vue des négociations avec la Belgique, et tous les autres étaient loin d'avoir, pour la Belgique, l’importance des articles soumis à une surtaxe : les tableaux annexés, ci-après, en fournissent la preuve irrécusable.
Il se présente ici, on doit le reconnaître, un étrange contraste entre les principes que le gouvernement néerlandais proclame et les actes qu'il pose. Multiplier et aggraver les droits protecteurs, maintenir rigoureusement un véritable monopole colonial, se montrer aussi persévérant à menacer de représailles que prompt à en user, ce sont là des faits qu'il est difficile de concilier avec le grand principe de la liberté commerciale que la Néerlande, d'après l'expression d'un de ses diplomates, a toujours écrit sur sa bannière.
Dans ses traités de commerce avec d'autres puissances, la Hollande n'a point hésité à acheter, par des concessions faites à l'industrie étrangère, le débouché ouvert soit aux produits de son agriculture, soit aux produits de ses colonies. Le traité signé à Paris, le 21 juillet 1840, accorde à beaucoup d'articles de l'industrie française, un traitement privilégié en Hollande. Le traité avec le Zollverein, du 21 janvier 1833, qui est expiré, consacrait le même principe.
On le voit donc clairement : pendant que la Hollande se maintenait et se développait sur le marché belge, pendant qu'elle y trouvait et des concessions gratuites, et des avances, et des privilèges, elle refusait non-seulement à la Belgique le retour même partiel au statu quo de 1830 quant aux colonies, mais elle frappait de préférence les produits belges par son tarif, et ne plaçait pas même la Belgique dans la position de la nation la plus favorisée.
Voilà quelle était la proposition prise par les deux pays, quand des négociations infructueuses ont déterminé le gouvernement belge à restreindre, par un arrêté du 29 décembre dernier, à un avantage de 3 fr. 50 c. par 10 kil., la faveur de 5 fr. par 100 kil. que la loi des droits différentiels permettait d’accorder au café de Java. C’est à cet arrêté que le gouvernement des Pays-Bas répondit le 5 janvier par des mesures de représailles ; et le gouvernement belge décréta des mesures analogues contre les provenances néerlandaises par ses arrêtés du 8 et du 12 janvier.
Ces derniers actes, messieurs, rentrent évidemment dans la longue négociation dont M. le ministre des affaires étrangères vous a fait l’exposé. Votre section centrale a cru devoir s’abstenir de se prononcer sur cette négociation. En émettant une opinion sur la marche qu’on y a suivie, sur le langage qu’on y a tenu au nom de la Belgique, sur les propositions qu’on y a faites, votre section centrale craindrait de créer des difficultés à la marche du gouvernement, auquel il importe de laisser toute sa liberté d’action et toute sa responsabilité. Plus tard le contrôle des chambres s’exercera avec plus d’opportunité sur ce point qui reste entièrement réservé.
Nous allons donc nous borner, pour compléter notre tâche, l’examen de l’arrêté du 12 janvier 1846, que le projet de loi présenté par le gouvernement tend à faire approuver par les chambres.
Les considérations qui précèdent ont établi la nécessité dans laquelle le gouvernement belge s’est trouvé de répondre, par de promptes représailles à l’arrêté néerlandais du 5 janvier. Cette nécessité, toutes les sections l’ont proclamée et votre section centrale n’a point hésité à la reconnaître.
Par là se trouve sanctionné en principe l’arrêté royal du 12 janvier. Mais, son opportunité admise, la question de légalité se présente aussitôt.
Cette question a été résolue avec la même unanimité par les sections et dans le sein de la section centrale. Il a paru constant qu’aucune loi n’investit le gouvernement du droit de modifier le tarif des douanes par arrêté royal, pendant la réunion des chambres. Il a même été rappelé, dans la troisième section, qu'une disposition ayant pour objet d'investir le gouvernement d'un pareil pouvoir, avait été proposée et rejetée dans la discussion de la loi des droits différentiels . A cette occasion, la cinquième section a exprimé le regret que le gouvernement ait cru devoir prendre un arrêté illégal alors qu'il lui était si facile de soumettre immédiatement les mesures de représailles à la législature ; et dans le sein d'une autre section (la deuxième), l'on a émis l'opinion que le gouvernement eut dû se borner à demander d'urgence aux chambres les pouvoirs nécessaires pour agir selon les circonstances. ;
Il n'a point paru à votre section centrale qu'il y eût utilité à s'appesantir sur ce point en présence du bill d'indemnité que les sections se sont empressées d'accorder au gouvernement.
Toutefois en reconnaissant que le gouvernement avait pris l'arrêté du 12 janvier en dehors des pouvoirs que nos lois lui attribuent, on devait se trouver devant des difficultés sérieuses d'exécution. Un membre de la section centrale a proposé d'y obvier en donnant a la loi qui sanctionnera l'arrêté du 12 janvier, un effet rétroactif au 13 janvier, date à laquelle cet arrêté est devenu exécutoire. Cette proposition, accueillie par la section centrale, se trouve formulée par l'article suivant qu'elle propose d'ajouter au projet du gouvernement :
(page 836) « Article additionnel. Les dispositions du tarif ci-dessus sont applicables aux marchandises déclarées pour la consommation après le 13 janvier 1846. »
Abordant l'examen des articles, l'attention de la section centrale s'est portée sur les vues émises et les propositions faites par plusieurs sections. Ainsi, la sixième section, après avoir décidé que les aggravations de tarif frapperaient sur le transit comme sur l'importation, avait adopté pour tous les articles une tarification plus élevée que celle du projet. La cinquième section, au contraire, demandait que l'on exceptât du tarif proposé par le projet de loi, le beurre et le fromage qui sont des objets de consommation à l'usage du peuple. La troisième section, portant ses regards sur le péage de l'Escaut, recommandait à la section centrale la question de savoir, s'il ne convient pas de suspendre le remboursement de ce péage aux navires hollandais. Dans le sein même de la section centrale, on a signalé l'omission de plusieurs articles importants du commerce hollandais, pur exemple, le tabac de Java et le bleu d'azur, dans les dispositions du projet de loi.
Votre section centrale, après avoir entendu MM. les ministres des finances et des affaires étrangères, a généralisé toutes les propositions qu'on vient d'indiquer dans la question suivante : Y a-t-il lieu d'aggraver les dispositions du projet présenté par le gouvernement ?
Cette question, votre section centrale l'a résolue négativement à l'unanimité. Il lui a paru qu'au moment où les négociations ont été reprises et se poursuivent entre le gouvernement belge et le gouvernement des Pays-Bas, la chambre devait user avec réserve de son initiative. Une rédaction plus complète de l'article 3 du projet, en parant aux éventualités de l'avenir, assurera d'ailleurs au gouvernement toute la latitude que des circonstances, qu'on aime à croire peu probables, sinon impossibles, rendraient nécessaire. Voici cette rédaction nouvelle que votre section centrale vous propose pour l'article 3 du projet :
« Art. 3. Le gouvernement pourra, selon les circonstances, réduire ou augmenter, par arrêté royal, les droits sur les marchandises dénommées ci-dessus ou sur toutes autres importées des pays désignes à l'article premier.
« Les arrêtés pris en vertu de la disposition qui précède seront soumis à l'approbation des chambres. »
C'est dans ces termes, messieurs, et avec les changements peu importants d'ailleurs qui viennent d'être indiqués que voire section centrale vous propose, à l'unanimité, l'adoption du projet de loi.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je demanderai que la chambre veuille bien me permettre d'attendre que le rapport de l'honorable M. d'Elhoungne soit imprimé et distribué, avant de faire une proposition pour sa fixation à l'ordre du jour.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Corswarem. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi tendant à l'érection du hameau de Stockroye en commune séparée de celle de Zolder, province de Limbourg.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, vous avez renvoyé à votre commission des finances les projets de loi de règlement des comptes des exercices 1830, 1831 et 1832, auxquels le sénat a apporté un amendement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de cette commission.
M. Osy. - Messieurs, l'amendement apporté à ces projets par le sénat consiste en un changement de date. Je crois que nous pourrons entendre la lecture du rapport et passer immédiatement au vote. (Assentiment.)
- La chambre déride qu'elle entendra la lecture du rapport et passera immédiatement à la discussion des projets.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, vous avez prescrit le renvoi à voire commission des finances des projets de loi concernant le règlement des budgets des exercices 1830, 1831 et 1832, que le sénat vous a transmis avec une légère modification, par message du 16 février dernier.
Voici les motifs de ses amendements :
Les articles 2 et 3 de chacun de ces projets de loi tendent à poser une limite aux engagements du trésor, à permettre sa libération définitive.
Vous avez adopté ces projets en février 1845, et par suite vous avez fixé à la date du 31 décembre 1845 la prescription définitive des créances appartenant à ces trois exercices.
Le sénat ne leur a donné sa sanction que le 16 févier 1846 ; et la loi ne pouvant avoir d'effet rétroactif, il s'est vu obligé de remplacer aux articles 2 et 3 des trois projets, la date du 31 décembre 1845 par celle du 31 décembre 1846.
Votre commission des finances ne peut que vous proposer, par mon organe, l'adoption des projets de loi de règlement des budgets des exercices 1830, 1831 et 1832, tels que le sénat vous les a transmis.
La discussion est ouverte sur le premier projet approuvant les comptes de 1830.
Personne ne demandant la parole, la chambre passe à l’examen des articles.
« Art. 1er. Les dépenses de l’exercice 1830 et antérieurs, constatées dans le compte rendu par le ministre des finances, sont arrêtées, conformément au tableau A ci-annexé, à la somme de trente-un millions deux cent quatre-vingt-six mille quatre-vingt-dix-sept francs quarante et un centimes, ci : fr. 31.286,097 41
« Les payements effectués sur ce même exercice, jusqu’à l’époque de sa clôture, sont fixés à trente-un millions cent quatre-vingt-trois mille cinq cent trente-quatre francs quatre-vingt-dix-huit centimes, ci : fr. 31,183,534 28.
« Et les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice, et restant à payer, à cent deux mille cinq cent soixante-deux francs quarante-trois centimes, ci : fr. 102,562 43. »
- Adopté
« Art. 2. Les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice 1830 et antérieures restant à payer, pour lesquelles les mandats émis n’ont pas été présentés au payement au 1er janvier 1838, sont annulées ; elles seront portées en recette extraordinaire au compte définitif de l’exercice 1835.
« Les créances dont il s’agit, non sujettes à prescription par des lois antérieures, dont le payement serait réclamé ultérieurement, pourront être réordonnancées sur l’exercice de 1844 jusqu'au 31 décembre 1846, époque où elles seront définitivement prescrites au profit de l’Etat. »
- Adopté.
« Art. 3. Sont exemptées de la prescription prononcée par l’article précédent, les créances liquidées et mandatées sur l’exercice 1830, dont le défaut de payement proviendrait d’opposition ou de saisie-arrêt ; les créances de l’espèce, seront, à l’expiration de l’année 1846, versées dans la caisse des fonds de consignation et de dépôt, mais ne produiront pas d’intérêts en faveur des tiers. »
- Adopté.
« Art. 4. Les droits et produits constatés au profit de l’Etat sur l’exercice 1830 et antérieures sont arrêtés, conformément au tableau B ci-annexé, à la somme de vingt-neuf millions huit cent sept mille cent quarante-neuf francs quatre-vingt-dix-huit centimes, ci : fr. 29,807,149 98
« Dans laquelle se trouve comprise celle de deux millions deux cent dix-huit mille quatre cent cinquante-sept francs soixante-huit centimes (fr. 2,218,457 68 centimes), admise provisoirement pour le solde en caisse au 30 septembre 1830, chez les divers comptables de l’Etat.
« Les droits recouvrés et renseignés dans le cours de l’exercice, suivant les développements du même tableau, sont arrêtés à vingt-neuf millions huit cent sept mille cent quarante-neuf francs quatre-vingt-dix-huit centimes, ci : fr. 29,807,149 98
« Et les droits et produits restant à recouvrer et à renseigner en recette extraordinaire à un compte ultérieur, sont fixés suivant les développement du même tableau, à néant. »
- Adopté.
« Art. 5. Les sommes non renseignées au compte de l’exercice 1835 et années postérieures, et qui pourraient être ultérieurement réalisées sur les ressources affectées à l’exercice 1830 et antérieurs, par suite de l’apurement des comptes des comptables, seront portées en recette au compte de l’exercice courant, au moment où les recouvrements auront lieu. »
- Adopté.
« Art. 6. L’excédant de dépenses de l’exercice 1830 et antérieurs, arrêté par l’art. 1er, à : fr. 31,286,097 41 sur les recettes fixées par l’art. 1er à fr. 29,807,149 98 est réglé, conformément au tableau C ci-annexé, à la somme de un million quatre cent soixante-dix-huit mille neuf cent quarante-sept francs quarante-trois centimes, ci : fr. 1,478,947 43. »
- Adopté.
« Art. 7. Cet excédant de dépense sera transféré, à titre de dépense extraordinaire, et sous un article spécial, au compte définitif de l’exercice 1843, et l’extinction en aura lieu au moyen de ressources extraordinaires que la loi du règlement de cet exercice déterminera. »
- Adopté.
« Mandons et ordonnons, etc. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ce projet ; il est adopté à l'unanimité des 51 membres présents.
Ce sont : MM. Anspach, Clep, d'Anethan, David, de Baillet, de Bonne, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Theux, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dumortier, Fleussu, Goblet, Huveners, Jonet, Kervyn, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Mercier, Orban, Orts, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Zoude.
La chambre passe à l'examen du second projet approuvant les comptes de 1831.
La discussion générale est ouverte.
Personne ne demandant la parole, la chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Les dépenses ordinaires et extraordinaires de l’exercice 1831, constatées dans le compte rendu par le ministre des finances, sont arrêtées, conformément au tableau A ci-annexé, à la somme de cent dix neuf millions (page 837) deux cent treize mille six cent huit francs soixante-neuf centimes : fr. 119,213,608 69.
« Les payements effectués sur ce même exercice, jusqu’à l’époque de sa clôture, sont fixés à cent dix-neuf millions cent trente mille six cent cinquante-neuf francs onze centimes : fr. 119,130,659 11.
« Et les dépenses restant à payer, à quatre-vingt-deux mille neuf cent quarante-neuf francs cinquante-huit centimes : fr. 82,949 58. »
- Adopté.
« Art. 2. Les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice 1831 restant à payer, pour lesquelles les mandats émis n’ont pas été présentés au payement au 1er janvier 1838, sont annulées. Elles seront portées en recette extraordinaire au compte définitif de l’exercice 1835.
« Les créances dont il s’agit, non sujettes à prescription par des lois antérieures, dont le payement serait réclamé ultérieurement, pourront être réordonnancées sur l’exercice de 1844 jusqu'au 31 décembre 1846, époque où elles seront définitivement prescrites au profit de l’Etat. »
- Adopté.
« Art. 3. Sont exemptées de la prescription prononcée par l’article précédent, les créances liquidées et mandatées sur l’exercice 1831, dont le défaut de payement proviendrait d’opposition ou de saisie-arrêt.
« Les créances de l’espèce, seront, à l’expiration de l’année 1846, versées dans la caisse des fonds de consignation et de dépôt, mais ne produiront pas d’intérêts en faveur des tiers. »
- Adopté.
« Art. 4. Il est accordé au ministre des finances, sur l’exercice 1831, pour couvrir les dépenses extraordinaires effectuées au-delà des crédits ouverts par les lois des 15 janvier 1831 (n°58), 24 janvier 1831 (n°50), 26 février 1831 (n°52), 10 avril 1831 (n°107), 14 avril 1831 (n°113), 20 juillet 1831 (n°184), 22 septembre 1831 (n°233), 6 octobre 1831 (n°248), 14 novembre 1831 (n°204), 14 novembre 1831 (n°305), 15 novembre 1831 (n°306), 24 novembre 1831 (n°320), 22 février 1832 (n°124), 19 juillet 1832 (n°513), 3 décembre 1832 (n°355) et 2 octobre 1833 (n°97) des crédits complémentaires jusqu’à concurrence de six millions sept cent quatre-vingt-dix-neuf mille six cent quarante-cinq francs dix-huit centimes.
« Ces crédits demeurent répartis conformément aux indications de la cinquième colonne du tableau A ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 5. Les crédits montant à cent vingt-deux millions six cent six mille quatre cent soixante-quinze francs quatre-vingt-trois centimes, ouverts au ministre des finances conformément au tableau A, pour les services ordinaires et extraordinaires, sont réduits d’une somme de trois millions trois cent quatre-vingt-douze mille huit cent soixante-sept francs quatorze centimes (fr. 3,392,867 14 c). »
- Adopté.
« Art. 6. Au moyen des dispositions contenues dans les deux articles précédents, les crédits du budget de l’exercice 1831 sont définitivement fixés à cent dix-neuf millions deux cent treize mille six cent huit francs soixante-neuf centimes, et répartis conformément au même tableau A. »
- Adopté.
« Art. 7. Les droits et produits constatés au profit de l’Etat sur l’exercice 1831 et antérieures sont arrêtés, conformément au tableau B ci-annexé, à la somme de cent vingt millions quatre cent soixante-trois mille six cent quatre-vingt-onze francs huit centimes : fr. 120,463,691 08
« Les recettes effectuées sur le même exercice jusqu’à l’époque de sa clôture sont fixées à cent vingt millions vingt-cinq mille quatre cent soixante francs vingt-et-un centimes : fr. 120,025,460 21.
« Et les droits et produits restant à recouvrer à quatre cent trente-huit mille deux cent trente francs quatre-vingt-sept centimes : fr. 438,230 87.
« Les sommes non renseignées au compte de l’exercice 1835 et années postérieures, et qui pourraient être ultérieurement réalisées sur les ressources affectées à l’exercice 1830 et antérieurs, par suite de l’apurement des comptes des comptables, seront portées en recette au compte de l’exercice 1844, au moment où les recouvrements auront lieu. »
- Adopté.
« Art. 8. Le résultat général du budget de l’exercice 1831 est définitivement arrêté ainsi qu’il suit :
« Dépenses fixées par l’art. 1er à fr. 119,213,608 69
« Recettes fixées par l’article précédent à fr. 120,025,460 21.
« Excédant de recettes réglé à la somme de huit cent onze mille huit cent cinquante et un francs cinquante-deux centimes : fr. 811,851 52.
« Cet excédant de recettes sera transporté en recette extraordinaire au compte définitif de l’exercice 1843.
« Mandons et ordonnons, etc. »
Il est procédé au vote sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité par les 51 membres présents.
La chambre passe au troisième projet qui porte règlement de l’exercice 1832.
« Art. 1er. Les dépenses ordinaires et extraordinaires de l’exercice 1832, constatées dans le compte rendu par le ministre des finances, sont arrêtées, conformément au tableau A ci-annexé, à la somme de cent soixante-trois millions six cent cinquante-deux mille cinq cent quatre-vingt-dix-huit francs vingt-huit centimes : fr. 163,652,598 28.
« Les payements effectués sur ce même exercice, jusqu’à l’époque de sa clôture, sont fixés à cent soixante-trois millions soixante mille sept cent un francs cinq centimes : fr. 163,060,701 05.
« Et les dépenses restant à payer, à cinq cent quatre-vingt-onze mille huit cent quatre-vingt-dix-sept francs vingt-trois centimes : fr. 591,897 23. »
- Adopté.
« Art. 2. Les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice 1832 restant à payer, pour lesquelles les mandats émis n’ont pas été présentés au payement au 1er janvier 1838, sont annulées. Elles seront portées en recette extraordinaire au compte définitif de l’exercice 1835.
« Les créances dont il s’agit, non sujettes à prescription par des lois antérieures, dont le payement serait réclamé ultérieurement, pourront être réordonnancées sur l’exercice courant jusqu'au 31 décembre 1846, époque où elles seront définitivement prescrites au profit de l’Etat. »
- Adopté.
« Art. 3. Sont exemptées de la prescription prononcée par l’article précédent, les créances liquidées et mandatées sur l’exercice 1832, dont le défaut de payement proviendrait d’opposition ou de saisie-arrêt ; les créances de l’espèce, seront, à l’expiration de l’année 1846, versées dans la caisse des fonds de consignation et de dépôt, mais ne produiront pas d’intérêts en faveur des tiers. »
- Adopté.
« Art. 4. Il est accordé au ministre des finances, sur l’exercice 1832, pour couvrir les dépenses extraordinaires effectuées au-delà des crédits ouverts par les lois des 29 mars 1832 (n°211), 4 avril 1832 (n°226), 9 mai 1832 (n°317), 9 mai 1832 (n°318), 25 mai 1832 (n°389), 3 juin 1832 (n°438), 8 juillet 1832 (n°505) et 20 février 1833 (n°170) des crédits extraordinaires jusqu’à concurrence de cinq millions cent cinquante et un mille six cent soixante et dix-neuf francs trente-trois centimes (5,151,679 fr. 33.c.) Ce crédit demeure répartis conformément au tableau A ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 5. Les crédits montant à deux cent sept millions quatre-vingt-treize mille quatre cent vingt et un francs quatre-vingt huit centimes (207,093,421 fr. 88 cent.), ouverts au ministre des finances conformément au tableau A ci annexé, pour les services ordinaires et extraordinaire de l’exercice 1832 sont réduits d’une somme de quarante-trois millions quatre cent quarante mille huit cent vingt-trois francs soixante centimes (fr. 43,440,823 60 c.)
- Adopté.
« Art. 6. Au moyen des dispositions contenues dans les deux articles précédents, les crédits du budget de l’exercice 1832 sont définitivement fixés à cent soixante-trois millions six cent cinquante-deux mille cinq cent quatre-vingt-dix-huit francs vingt-huit centimes (fr. 163,652,598 28 c.), et répartis conformément au même tableau A. »
- Adopté.
« Art. 7. Les droits et produits constatés au profit de l’Etat sur l’exercice 1832 et antérieures sont arrêtés, conformément au tableau B ci-annexé, à la somme de cent cinquante-huit millions deux cent soixante-quatorze mille huit cent cinquante francs quatre-vingt-deux centimes, ci : fr. 158,274,850 82.
« Les recettes effectuées sur le même exercice jusqu’à l’époque de sa clôture sont fixées à cent cinquante-sept millions six cent seize mille cent quatre-vingt-cinq francs trente centimes, ci : fr. 157,616,185 30 c.
(page 838) « Et les droits et produits restant à recouvrer à six cent cinquante-huit mille six cent soixante-cinq francs cinquante-deux centimes : fr. 658,665 52.
« Les sommes non renseignées au compte de l’exercice 1835 et années postérieures, et qui pourraient être ultérieurement réalisées sur les ressources affectées à l’exercice 1830 et antérieurs, seront portées en recette au compte de l’exercice 1844, au moment où les recouvrements auront lieu. »
- Adopté.
« Art. 8. Le résultat général du budget de l’exercice 1832 est définitivement arrêté ainsi qu’il suit :
« Dépenses fixées par l’art. 1er à fr. 163,652,598 28
« Recettes fixées par l’article précédent à fr. 157,616,185 30.
« Excédant de dépenses réglé à la somme de six millions trente-six mille quatre cent douze francs quatre-vingt-dix-huit centimes, fr. 6,036,412 98 conformément au résultat des tableaux A et B ci-annexés.
« Cet excédant de dépenses sera transporté en dépense extraordinaire au compte définitif de l’exercice 1843, et l’extinction en aura lieu au moyen des ressources extraordinaires que la loi du règlement de cet exercice déterminera. »
- Adopté.
II est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 51 membres présents.
La discussion continue sur l'article 7.
M. Delfosse. - Le compte rendu de la dernière séance par le Moniteur es, en partie, inintelligible, on a mis au bas de la deuxième colonne de la page 802 les deux premiers paragraphes d'un discours que j'ai prononcé. Le reste de mon discours se trouve à la première colonne de la même page et au commencement de la deuxième, mêlé à un discours de l'honorable M. Rogier. Le discours de M. Rogier finit à ces mots : c'est pourquoi je persiste dans ma proposition.
M. de Man d’Attenrode. - Vendredi, lorsque la séance était près de finir, j'ai demandé à la chambre qu'elle voulût bien nous autoriser à faire imprimer quelques documents qui feraient suite aux annexes du rapport de la section centrale. Ce sont, messieurs : d'abord un arrêté du 6 novembre 1836, qui proroge le service du caissier de l'Etat en faveur de la Société générale ; ensuite un article additionnel qui porte la date du 18 octobre 1839. Il me semblerait convenable de faire imprimer encore l'arrêté du 30 mars 1843, par lequel le gouvernement donne à, la Société générale la faculté de proroger son existence jusqu'en 1853, si je ne me trompe. J'avais demandé encore l'impression des statuts de la banque de France. Quelques-uns de mes honorables collègues avaient témoigné le désir que je comprisse cette pièce parmi celles dont je devais demander l'impression, La chambre ne se trouvant plus en nombre lorsque j'ai fait cette proposition, elle n'a pu être mise aux voix ; je demanderai que M. le président veuille bien la mettre aux voix maintenant.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ne vois aucune difficulté à faire imprimer le contrat qui a prorogé les fonctions de caissier général et l'arrêté de 1843, qui se trouve dans toutes les collections ; mais, messieurs, j'ai cherché partout ce qu'on appelle les statuts de la banque de France et je ne les ai pas trouvés : la banque de France est régie par des lois, des arrêtés, des règlements intérieurs, dont plusieurs dispositions, encore en vigueur aujourd'hui, datent de l’origine de cette institution, c'est-à-dire de l’an VIII de la république française. Le privilège de la banque de France a été prorogé en dernier lieu par la loi de 1840, et cette loi contient, outre la |prorogation, quelques dispositions qui ne peuvent guère jeter de lumières sur le système de banques publiques établi en France. Il m'est difficile, d'ailleurs, de comprendre la connexité qui peut exister entre les statuts de la banque de France et la discussion actuelle. La chambre pourrait se borner, ce me semble, à ordonner l'impression des pièces qui se rattachent directement, soit à la société générale, soit aux fonctions de cette société comme caissier général de l'Etat.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, les paroles prononcées par M. le ministre des travaux publics, vers la fin de la séance de vendredi, me semblent de nature à exiger de ma part quelques explications concernant la portée de l'art. 7 que nous discutons.
L'honorable chef de ce département s'est demandé si la portée de cet article n'était pas de nature à faire passer les agents des départements de la guerre, des travaux publics et autres, qui manient les fonds appartenant au trésor, sous les attributions du ministre des finances.
Déplus, il est des honorables membres de cette chambre qui pensent que cette importante disposition n'impose pas le caractère de comptable aux agents des administrations centrales ou provinciales qui manient momentanément les deniers de l'Etat pour faciliter des services urgents ou de menus détails, impossibles à soumettre au visa préalable de la cour des comptes.
Avant de me prononcer, avant d'émettre une opinion sur ces deux questions, je tiens à dire encore quelques mots sur la portée de l'article.
Le paragraphe premier prononce formellement l'incompatibilité entre les fonctions d'ordonnateur et de comptable, c'est-à-dire entre celui qui dépense et celui qui paye.
Les motifs de cette incompatibilité découlent d'un principe fondamental, qui veut que tout acte de finance ne soit posé qu'avec le concours simultané de deux personnes. C'est ainsi que, dans cette circonstance, cette incompatibilité oppose l'homme d'argent à l'homme politique et vice-versa ; elle oppose l'homme soumis aux habitudes les plus régulières, soumis à une juridiction spéciale, à l'homme hardi, impatient dans ses projets. Cette incompatibilité constitue un contrôle précieux, tend à prévenir les abus ; elle se base sur la défiance, car le mot confiance est un mot inconnu dans le vocabulaire de la comptabilité.
Le paragraphe premier du même article exprime ensuite de la manière la plus claire que tout individu qui touche les deniers publics, autrement qu'en qualité de créancier de l'Etat, devient immédiatement comptable. Il n'est pas inutile de récapituler ici les engagements que prennent ceux qui acceptent ce caractère.
Celui qui accepte le caractère de comptable, s'engage à justifier de sa gestion auprès de la cour des comptes ; il se soumet à une juridiction spéciale, exceptionnelle, dont la Constitution a consacré l'existence. En vertu de l'article 116 de la Constitution, la cour des comptes est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public.
Ainsi, le comptable est obligé de faire liquider ses comptes par la cour des comptes.
Le décret du 30 décembre 1830 qui découle de l'article 116 de la Constitution, a développé d'une manière plus complète quels sont les devoirs auxquels se soumet le comptable.
D'après l'article 7 du décret du 30 décembre 1830, la cour des comptes a le droit de fixer les délais endéans lesquels les comptes des différents comptables des deniers du trésor doivent être déposés à son greffe.
En vertu de l'article 8, la cour a le droit de prononcer contre les comptables retardataires une amende au profit de l'Etat.
D'après l'article 10 la cour règle et apure les comptes. Elle établit, par ses arrêts définitifs, si les comptables sont quittes, en avance, ou en débit.
Dans les deux premiers cas, elle prononce leur décharge définitive, et dans le troisième cas elle les condamne à solder leur débet au trésor, dans le délai qu'elle prescrit. D'après l'article 12, ces arrêts sont exécutoires.
Bien que ces diverses dispositions ne soient pas inscrites dans la Constitution, elles découlent de l'article 116, et elles ont, selon moi, un caractère constitutionnel.
Le comptable s’engage ensuite à fournir un cautionnement. En Belgique, il est obligé de fournir un cautionnement en vertu de l'arrêté du 24 février 1814. Le rapport explique qu'il serait nécessaire qu'une loi vînt régler le taux des cautionnements. La loi du 15 septembre 1817 exige ensuite un privilège sur les biens meubles et immeubles de tous les comptables. Une perturbation très grave a été apportée dans cette garantie donnée en faveur du trésor, par l'organisation de 1823 qui a abandonné l'encaissement des deniers publics à une société anonyme, qui a abandonné le trésor à ses spéculations.
Par suite de l'introduction de ce système, les comptables des contributions directes ont été supprimés ; et la Société générale les a remplacés avec ses agents. On a ainsi supprimé les receveurs généraux et les receveurs particuliers ou d'arrondissement. Venaient ensuite les percepteurs qu'on nomme à présent receveurs, mais l'Etat a perdu la garantie du privilège qui leur était imposé, car c'étaient les receveurs particuliers qui étaient responsable des perceptions, c'étaient eux qui exerçaient également le privilège sur leurs biens. M. le ministre des finances a donc fort bien fait de nous présenter une disposition qui tende à faire disparaître cette lacune,.
Quant au caissier général, l'Etat a renoncé à tout privilège à exercer sur lui. Le caissier croyait pouvoir exercer un privilège sur ses agents en province. Le tribunal d'Arlon l'a débouté de cette prétention, et un jugement de la cour de Liège est venu confirmer la décision du tribunal d'Arlon ; c'est en vertu de cette décision que le caissier général n'exerce pas de privilège sur ses agents.
Les comptables se soumettent ensuite à la vérification de leur caisse. ; ils n'y sont soumis que par les règlements ; l'article 50 que la section centrale a introduit dans le projet, leur en fera un devoir.
Ensuite les articles 62 et 74 du code pénal prononcent l'emprisonnement et même les travaux forcés contre les comptables qui seraient déclarés coupables de malversation, de soustraction, ou de détournement des fonds de l’Etat.
D'après l'article 6 que la chambre a voté, les préposés à la perception sont comptables. Maintenant l'article 7 déclare comptables les préposés à l'encaissement, les préposés à la conservation du trésor ; cet article les rend justiciables de la cour des comptes et les place sous les ordres du ministre des finances.
Mais, outre les préposés à la perception, ainsi qu'à l'encaissement et à la conservation du trésor, il existe d'autres personnes qui manient des deniers publics. Et ici, j'arrive à la question de savoir si ces agents, d'après l'article 7, révèlent le caractère de comptable.
Les exigences de certains services demandent que la cour des comptes ouvre à l'administration des avances ; et elle ne peut le faire que lorsqu'il s'agit de services urgents et de menus détails. Il est en quelque sorte impossible d'éviter ces avances de fonds. Il faut, dans ces circonstances, exiger qu'il y ait un agent comptable, justiciable de la cour des comptes. Je pense que c'est nécessaire, et je vais en donner les raisons,
Dans le système actuel, quand ces avances sont faites, il n'existe pas d'individus qui soient responsables de ces caisses spéciales, et comme ils ne sont pas justiciables de la cour des comptes, celle-ci n'est pas en droit de (page 839) poser un délai pour la reddition du compte de ces avances de fonds. Dès lors elle n'exerce pas un contrôle suffisant. Que résulte-t-il de ce système ? C'est que les fonds, déposés dans ces caisses, restent sans surveillance, qu'on n'en rend compte que tardivement, qu'au bout de 2 ou 3 ans, souvent même après la clôture de l'exercice. Il en résulte une grande confusion pour la reddition des comptes, et j'ai pu m'en assurer en épluchant les comptes des six premières années de notre indépendance.
Ensuite, c'est un moyen de soustraire certaines dépenses à la publicité. Il arrive souvent que, pour connaître l'emploi des crédits que nous avons votés, nous nous rendons dans les bureaux de la cour des comptes, et là on nous apprend que tel crédit a été liquidé à titre d'avance et que l'on n'a pas encore rendu compte de l’emploi. Et ce qui est à remarquer, c'est que ce système s'applique précisément aux dépenses qu'il nous serait le plus intéressant de connaître.
Plusieurs fois les fonds ont même disparu, et je pourrais citer plusieurs cas. Maintenant la chambre me permettra de lui donner lecture d'un extrait du cahier d'observations de la cour des comptes, concernant l'exercice définitif de 1835 ; cet extrait vous prouvera qu'en France, l'administration constitue un agent comptable, responsable des avances qui lui sont faites. D'ailleurs, par l'article 13 de la loi relative à la cour des comptes, le gouvernement a proposé une disposition aux termes de laquelle un agent comptable serait constitué dans le cas dont il s'agit. Cet article pose une limite aux avances, et établit que la cour fixe le délai où il devra être en justifié.
Je vais vous donner lecture de ce passage du cahier de la cour des comptes, il est de nature à faire interpréter d'une manière saine l'article 7.
« La cour s'empresse de signaler une excellente mesure d'ordre qui a été prescrite par le département de l'intérieur, et qui a pour objet de prévenir les abus qui peuvent résulter de la remise de fonds, à charge de rendre compte, entre les mains de certains fonctionnaires, pour payer directement quelques catégories de dépenses. Dans une circulaire du 9 mai 1840, adressée à MM. les gouverneurs de province, M. le ministre informe ces fonctionnaires que, « par suite des mesures prises, il ne leur sera plus accordé, à partir de 1840, des fonds à titre d'avance pour couvrir les menues dépenses de leur administration, et que son département ne donnera aucune suite aux demandes qui lui auraient été adressées de ce chef pour l'année courante. Il les invite en même temps à arrêter les moyens pour que les dépenses de l'espèce soient liquidées directement au nom des intéressés, sur déclaration. »
« Déjà l'expérience a fait voir l'utilité de cette mesure ; elle est destinée à empêcher le retour d'un abus qui s'est révélé dans une de nos provinces, abus qui a sans doute déterminé M. le ministre à la prendre.
« Le fait auquel la cour vient de faire allusion, démontre de nouveau la nécessité d’une loi de comptabilité et la réelle insuffisance des dispositions actuelles ; non point que celles-ci ne renferment en principe tout ce qui est nécessaire pour donner à la cour des règles certaines sur la conduite qu'elle a à tenir ; mais il faut plus que cela pour une administration régulière des finances : il faut que les règles soient écrites, qu'elles le soient avec clarté et avec détail, afin que chacun puisse y voir ce qu'il a à faire sans qu'à cet égard la moindre incertitude soit possible.
« L'abus signalé plus haut s'est manifesté à l'occasion d'une remise de fonds entre les mains d'un gouverneur de province, à charge d'en rendre compte, pour faire des distributions à des victimes de l'agression hollandaise en 1832. Ces distributions étant souvent minimes, et la difficulté de les faire parvenir aux intéresses assez frayeuse pour ceux-ci, on crut avantageux de recourir à ce mode, au lieu d'employer le visa préalable. Dans la province dont il s'agit, la distribution essuya de longs délais, dont l'administration aura à justifier ; car il advint que, pendant ces délais, l'employé à qui les fonds avaient été remis en dépôt disparut avec une partie de ceux-ci, laissant ainsi dans sa caisse un déficit de 24,000 francs, dont 14,508 fr. 70 c. à charge du trésor, le surplus appartenant à une caisse particulière. Des poursuites criminelles intervinrent ; il fut décidé par une chambre de mise en accusation que l'employé prévaricateur et fugitif n'était point comptable ; décision qui devait avoir pour effet de faire reporter toute la responsabilité du vol sur la personne du gouverneur, qui avait fait le dépôt des fonds entre ses mains.
« C'est à la cour des comptes qu'appartient le droit de juger les comptables ; mais est-ce elle qui est toujours compétente pour décider quels sont ceux à qui cette qualité compète ?
« Dans l'espèce, est-ce le gouverneur, au nom de qui les fonds ont été mandatés, ou bien l'employé qui, d'après un usage constant de la province où le fait s'est passé, a eu les fonds en dépôt dans sa caisse, qui est le comptable avec toutes les obligations que cette qualité entraîne après elle ?
« Il ne sera sans doute point sans intérêt de voir sous quel point de vue une question analogue a été considérée par une autorité de qui les lumières ne seront contestées par personne.
« La cour, désirant s'éclairer sur une affaire dans laquelle une difficulté à peu près de même genre se présentait à résoudre, crut, vu la nouveauté de la question, ne pouvoir faire rien de mieux que de s'adresser à la cour des comptes de France.
« Voici la réponse qu'elle reçut de son premier président : « Les lois qui régissent la cour des comptes de France ne l'autorisant pas à délibérer sur des questions de jurisprudence qui ne résulteraient pas de faits particuliers soumis à sa juridiction, je ne puis, M. le président, vous faire parvenir que l'expression de mon opinion personnelle sur la question dont il s'agit. Je l'ai examinée avec la plus sérieuse attention, et il m'a paru que l'article 17 de l'ordonnance du 14 septembre 1822 était la seule disposition applicable à l'espèce ; cet article est ainsi conçu :
« Les fonctions d'ordonnateur et d'administrateur sont incompatibles avec celles de comptable.
« Tout agent chargé d'un maniement de deniers provenant de notre trésor royal est constitué comptable par le seul fait de la remise des fonds sur sa quittance ; aucune manutention de ces derniers ne peut être exercée ; aucune caisse publique ne peut être gérée que par un agent placé sous les ordres de notre ministre des finances, nomme par lui, responsable envers lui de sa gestion et justiciable de notre cour des comptes.
« Toutefois, pour faciliter l'exploitation des services administratifs, régis par économie, il pourra être fait aux agents spéciaux de ces services, Sur les ordonnances du ministre ou sur les mandats des ordonnateurs secondaires, l'avance d'une somme qui ne pourra excéder 20,000 fr., à la charge par eux de produire au payeur, dans le délai d'un mois, les quittances des créanciers réels.
« Le fait que vous énoncez, M. le président, vous paraîtra, sans doute, comme à moi, rentrer dans les dispositions du paragraphe 3 de l'article que je viens de citer ; et dans le cas où, en France, un des agents désignés par ce paragraphe n'aurait pas satisfait, dans le délai prescrit, aux obligations qui lui sont imposées, il devrait être déclaré comptable de fait des sommes qui lui auraient été remises, et devenir par là justiciable de la cour des comptes.
« Au surplus, la circonstance particulière sur laquelle vous me demandez un avis, ne saurait se présenter dans notre gouvernement, parce que les ordonnateurs supérieurs restent étrangers à tout maniement de deniers.
« Il n'appartient qu'à vous d'examiner si la participation qu'a prise l'administrateur dans le maniement des fonds qui lui ont été versés, peut engager sa responsabilité, conformément au paragraphe 3 de l'article 17 de l'ordonnance que je viens de citer, ou si l'absence de toute règle en cette matière dans la comptabilité de la Belgique, ne le placerait pas dans une position moins rigoureuse.
« Je remercie la cour des comptes de Belgique de la confiance qu'elle a bien voulu accorder à celle de France, et je me félicite d'être auprès de vous, M. le président, l'interprète de sa jurisprudence sur la question que vous lui avez soumise. »
« L'observation saillante qui découle de la lettre précitée, c'est que le cas, ainsi qu'on vient de le voir, qui ne saurait se présenter dans la comptabilité française, aurait dû ne pouvoir s'offrir dans la comptabilité belge ; c'est-à-dire, que la réunion des deux qualités d'administrateur et de comptable aurait dù y être interdite, comme elle l'est en France. Pas plus un gouverneur qu'un ministre ou tout autre fonctionnaire administrateur, ne peut être à la fois ordonnateur et comptable, c'est-à-dire avoir un maniement matériel de deniers du trésor, et la conclusion naturelle de ce qui précède est un puissant et nouvel argument qui fait voir la sérieuse nécessité de compléter la comptabilité belge ; nécessité qui devient de plus en plus sensible, quel que soit le point de vue sous lequel on la considère. »
Vous voyez donc, d'après l'extrait que je viens de lire, qu'en France l'ouverture d'une avance provoque la désignation d'un agent comptable du service spécial que l'on crée. Aussi ces avances ne sont pas faites au nom des administrateurs, cela résulte de l'incompatibilité qui existe entre l'ordonnateur et le comptable.
Messieurs, je demanderai la permission de dire encore un mot du système de comptabilité du chemin de fer et de sa régie.
Quelques honorables collègues ont paru se figurer que j'attaquais l'administration de la régie. Je crois que cette régie, fondée je crois, sous l'administration de M. Rogier, est une chose fort utile.
M. Rogier. - C'est sous l’administration de M. Nothomb.
M. de Man d’Attenrode. - Quoi qu'il en soit, je pense que c'est une chose fort utile, parce que cela permet de contrôler les salaires des ouvriers, qui autrefois étaient payés directement par les ingénieurs.
Mais voici en quoi consiste l'abus dont je me plains. Il s'agissait de procéder au département des travaux publics comme on agit au département de la guerre. Au département des travaux publics, on paye le salaire des ouvriers ; au département de la guerre, on paye la solde de l'armée. Mais voici comment on procède au département des travaux publics : La cour des comptes ouvre un crédit sur un agent de ce département ; que fait-il ? Il transforme le crédit sur lui-même, en espèces, et se forme ainsi une caisse. Il est donc ordonnateur et comptable, ce qui est irrégulier, et ce que la loi que nous faisons tend à empêcher. Que résulte-t-il de ce mode ? C'est que la cour des comptes, ayant ouvert un crédit, un moyen de service dont on ne devrait faire usage qu'au fur et à mesure des besoins au profit des créanciers de l'Etat, s'attend à en voir justifier au moyen de mandats délivrés au nom des intéressés.
Si ces justifications ne sont pas produites, elle doit croire qu'on n'a pas usé du crédit, que les fonds ne sont pas sortis du trésor.
Mais comme le crédit est ordinairement converti en espèces, l'administration des travaux publics vient en justifier tardivement au moyen d'un compte de dépenses opérées directement par elle.
C'est de là en partie que sont résultées les difficultés qui ont surgi entre la cour et le département des travaux publics.
Mais voici quels sont les abus sérieux qui ont été la suite de la constitution de cette caisse irrégulière.
Le gouvernement ne s'est pas contenté d'en user pour le salaire des ouvriers occupés de l'entretien du railway ; il en a fait usage pour d'autres dépenses beaucoup plus importantes.
Il y a cinq ou six ans, on s'est servi de cette caisse pour faire une avance de 1,800 mille francs à la maison Cockerill. C'est là une grande irrégularité.
(page 840) M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - La cour des comptes en a été instruite....
M. de Man d’Attenrode. - Il est impossible que la cour ait jamais donné son assentiment à une dépense que la législature n'avait pas autorisée.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Elle a donné son visa.
M. de Man d’Attenrode. - Je ne puis croire qu'elle l'ait donné pour faire une avance de 1,800 mille francs sans un crédit législatif.
J'ai dit vendredi que le gouvernement se sert encore de cette caisse pour faire des avances à des entrepreneurs. D'après des renseignements que je dois croire exacts, ces avances s'élèvent jusqu'à 300 mille fr. pour le moment.
Vous vous rappelez ensuite toutes les difficultés qu'on a eues pour faire construire la section de la Vesdre de Liège à Aix-la Chapelle. Je n'entrerai pas dans l'examen approfondi des causes de ces embarras : les cahiers des charges étaient mal rédigés, les plans n'étaient pas suffisamment mûris et les entrepreneurs, au lieu de travailler au chemin de fer, travaillaient le gouvernement devant les tribunaux. Le gouvernement, pour pallier les fautes qu'il avait laissé commettre, s'est servi de la caisse de la régie pour faire exécuter les travaux par lui-même .C'est ainsi que la caisse de la régie, destinée à des travaux d'entretien, qui était a servi à payer des sommes immenses pour la construction de la section la plus dispendieuse de notre railway.
Je pense que quand vous aurez prononcé qu'il y a incompatibilité entre les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable, que lorsqu'un agent comptable sera responsable de la caisse qui sera aux travaux publics, je pense qu'on ne continuera pas à faire un usage semblable des fonds qui y seront déposés.
J'insiste donc sur la nécessité de poser des règles pour que ces caisses exceptionnelles donnent lieu à la désignation d'agents qui auront le caractère de comptables extraordinaires jusqu'à ce qu'ils aient rendu compte de la gestion qui leur aura été confiée.
J'en viens à la question que M. le ministre des travaux publics m'a fait l'honneur de me poser dans la séance de vendredi. Il m'a demandé si les agents comptables des divers départements passeraient à ce titre dans les attributions du ministre des finances, par suite de la disposition de l'article 7. Je crois pouvoir répondre négativement ; et je dis qu'il est impossible de l'interpréter ainsi, surtout si l'on veut se rappeler que l'article 15 du projet de loi sur la cour des comptes pose une exception en leur faveur. Cependant, quand un agent d'un ministère reçoit une avance, qu'il revêt le caractère de comptable, je pense que dès lors il doit exister une espèce d'affinité entre ce comptable et le ministre des finances ; je pense qu'il doit exister dès lors certains rapports qui devront être définis par le règlement.
Le ministre des finances a la surintendance du trésor public. Ces caisses particulières constituent des parties du trésor ; le ministre des finances doit donc exercer sur elles une surveillance comme sur la caisse principale. Je ne vois d'ailleurs rien de si étrange dans cette situation. Ne voyons-nous pas le bourgmestre, le maire, en France, qui, par ses attributions de maire, appartient essentiellement au ministre de l'intérieur, se trouver cependant, par les fonctions d'officier de police judiciaire, dans la dépendance du ministre de la justice ? Cela ne nuit en aucune façon à son caractère de fonctionnaire du département de l'intérieur.
Je pense d'ailleurs que ces caisses spéciales ont été trop nombreuses jusqu'ici. Je compte sur la loi de comptabilité pour en faire diminuer le nombre. Il faut que les espèces, en sortant de la poche du contribuable, passent le plus tôt possible entre les mains des créanciers de l'Etat, que le trésor public conserve le moins de deniers possible. C'est un grand principe qu'ont développé tous les hommes capables qui ont traité d'une manière si claire et si remarquable ces belles questions en France.
Pour prouver encore, messieurs, qu'il est utile que M. le ministre des finances exerce une action réelle sur ceux qui détiennent les deniers de l'Etat, je citerai les avances qui ont été faites aux corps de l'armée sur le trésor. Au commencement de notre existence nationale, quand on a formé l'armée, le trésor a fait des avances considérables aux divers corps. Il a dû, dès lors, s'établir des décomptes avec le trésor. Dans certains corps les dettes ont diminué ; dans d'autres, elles ont augmenté. Vous conviendrez tous, messieurs, qu'il serait nécessaire que M. le ministre des finances sût où en est la situation du trésor avec l'armée, et je crois pouvoir dire qu'il l'ignore.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Pas du tout.
M. de Man d’Attenrode. - Avant de terminer, j'ai encore un mot à dire concernant l'amendement que M. le ministre des finances propose à l'article en discussion. M. le ministre comprenant que l'article 7 était de nature à gêner deux services que je considère comme tout à fait exceptionnels, le service de caissier de l'Etat par une société anonyme, et le service des recettes du chemin de fer par des agents du département des travaux publics, a présenté deux articles dérogatoires. Je n'entends pas me prononcer maintenant sur ces deux amendements, car je désire que la chambre ne s'en occupe que lorsque nous arriverons aux dispositions du projet qu'ils concernent. Mais, je le déclare, je ne comprends pas quel a été le but de M. le ministre en nous proposant son amendement à l'article 7. Ne dirait-on pas que cet amendement tend à préjuger notre vote concernant les deux articles dérogatoires ? Si vous n'adoptiez pas ces deux articles, l'article 7, auquel je tiens beaucoup, commencera par une disposition qui n'aura plus de signification ; je suppose même que vous adoptiez les deux articles dérogatoires, pour un temps limité, que signifiera l'amendement proposé à l'article 7, quand les lois dérogatoires et exceptionnelles auront cessé leurs effets ?
Je déclare donc que je voterai contre cet amendement, et lorsque nous en viendrons au vote, je demanderai la division.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ne suivrai pas l'honorable préopinant dans les considérations assurément très intéressantes qu'il vous a présentées, mais qui me paraissent ne pas se rattacher à l'article 7.
L'honorable rapporteur demande le rejet de l'amendement que j'ai présenté et qui consiste à ajouter à l'article en discussion : « sauf les exceptions établies par la loi ». Le motif de cet amendement est très simple : ce n'est pas seulement en vue des deux dérogations temporaires que j'ai cru devoir présenter, que j'ai proposé de mettre dans la loi le principe d'exceptions possibles ; mais c'est parce que je suis convaincu que dans ce pays il sera souvent nécessaire d'établir des exceptions comme celles-là, Or, il suffit que cela soit possible pour que l'amendement doive être adopté.
Il peut paraître étrange, messieurs, de réserver dans une loi les exceptions à faire par d'autres lois. Mais ici rappelons-nous bien quel est l'esprit, quelle est l'essence de la loi que nous discutons. C'est en quelque sorte une loi organique, une loi de principe, et il faut prendre garde que ses règles ne soient considérées comme tellement absolues, que lorsque le gouvernement viendrait demander à la législature des exceptions, il ne rencontrât de très grandes difficultés. Cela ne préjuge absolument rien, ni quant aux exceptions temporaires que je propose, ni quant à la possibilité d'autres exceptions dans l'avenir.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Mon intention n'est pas de prolonger la discussion sur cet article, puisque le principe qu'il consacre ne me semble jusqu'à présent combattu par personne ; mais j'ai besoin de donner quelques explications en réponse à ce qui a été dit sur la régie du chemin de fer. Ces explications, du reste, seront très courtes. Il y a un premier point qui a été signalé, dans la séance de vendredi dernier, par l'honorable rapporteur, et qu'il a tiré des observations de la cour des comptes. D'après ces observations, qui concernent les comptes de 1841, il serait resté, sans justification de la part de la régie, une somme de 6,618,209 fr. Comme cette somme m'a paru extrêmement élevée, je me suis fait donner des explications à cet égard, et il en résulte que la seule dépense qui en 1841 restât à justifier de la part de la régie, ne s'élevait qu'à 508,933 fr. Mais voici d'où provient peut être la différence entre cette somme si peu élevée et la somme énorme qui, d'après les observations de la cour des comptes, n'aurait pas été complétement justifiée ; c'est que la cour n'avait probablement pas encore statué sur les pièces justificatives qui lui avaient été envoyées, ou qu'une partie de ces pièces étaient encore restées au département.
Messieurs, j'ai ici la situation de la comptabilité de la régie au 1er mars 1846. Le tableau qui la présente est fort détaillé et contient beaucoup de chiffres. Je pense que la chambre ne voudra pas que je lui en donne lecture, mais je pourrai le faire insérer au Moniteur.
Voici, du reste, le résultat sommaire de la comptabilité de la régie au 1er mars 1846.
Il restait à justifier envers la cour des comptes du chef des dispositions. du directeur de la régie sur les crédits ouverts à son profit, savoir :
Sur le fonds spécial : fr. 1,532,062 60
Sur les budgets : fr. 1,111,299 85
Total : fr. 2,643,362 43
Mais cette somme comprend des demandes en régularisation que le directeur de la régie a transmis au département et de la vérification desquelles on s'occupe en ce moment.
Les pièces de dépenses dont se composent ces demandes, s'élèvent à, savoir :
Sur le fonds spécial : fr. 988,563 24
Sur les budgets : fr. 355,325 18
Total : fr. 1,343,888 42
Reste :fr. 1,299,474 03
De sorte qu'en résultat le directeur de la régie n'a à justifier envers mon département que d'une somme de fr. 1,299,474 03, laquelle somme se compose : 1° en partie d'avances faites par ce comptable pour payement de travaux urgents, ensuite d'ordres émanés tant de mes prédécesseurs que de moi, pour une somme dépassant les 400,000 fr. ; la régularisation de ces dépenses dépend de décisions à intervenir et de décomptes à établir par mon département ; 2° en partie de dépenses liquidées par le directeur de la régie dans les derniers mois pour emprises, salaires d'ouvriers, travaux de parachèvement et d'entretien, etc., desquelles le directeur doit encore se justifier envers le département.
Du reste les pièces justificatives pour le reliquat seront incessamment envoyées au département des travaux publics.
J'ai, messieurs, une seconde observation à présenter relativement aux avances fort considérables à la vérité qui ont été faites par la régie, pour la maison Cockerill et pour les entrepreneurs du chemin de fer de la Vesdre. Les décisions qui ont été prises à cet égard, ne l'ont été qu'après délibération du conseil des ministres, et la cour des comptes a dû en être préalablement informée, puisque c'est elle qui a ouvert à la régie les crédits nécessaires.
C'était dans des moments critiques, et il y avait urgence. Le gouvernement a cru, à cette époque, qu'il y avait le plus haut intérêt à prendre cette (page 841) mesure. Du reste l'administration de la régie y était tout à fait étrangère et elle n'a fait qu'exécuter les ordres qui lui ont été donnés.
Voilà, messieurs, les courtes explications que j'avais à présenter. Il en résulte que les sommes dont il reste à justifier de la part de la régie ne sont pas très considérables et qu'elles le seront très incessamment ; que, quant aux avances qui ont été faites par la régie, elles l'ont été par suite de décisions prises par le gouvernement. Il arrive encore aujourd'hui que des avances sont réclamées, soit parce qu'un entrepreneur a immédiatement besoin de fonds, soit par d'autres causes ; mais la liquidation ne tarde pas à s'en faire.
Je n'entrerai pas dans de plus grands détails, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne contestons pas le principe posé dans l'article 7.
M. Rogier. - Messieurs, l'article en discussion soulève des questions d'une haute importance. Il est très regrettable que pour discuter de pareilles questions, nous nous trouvions en présence d'un gouvernement dont l'existence est depuis quelque temps à l'état problématique. Nous ne voulons pas demander en ce moment d'explications nouvelles ; cependant il faudra bien que ces explications nous arrivent quelque jour. Nous désirons seulement que, pour la marche régulière des affaires, ce jour ne soit plus très éloigné.
Je dis, messieurs, que l'article 7 soulève des questions d'une haute importance.
En effet, il soulève d'abord la question de savoir quel sera le caissier de l'Etat, cette question qui agite la chambre et le pays depuis notre régénération politique. Presque chaque année elle a été soulevée dans cette enceinte, toujours la solution en a été renvoyée à l'époque où une loi sur la comptabilité serait présentée aux chambres. Cette loi est présentée, et voici un nouvel ajournement. M. le ministre des finances propose en effet de continuer le régime actuel jusqu'à l'année 1830.
Ainsi donc, messieurs, nous discutons une loi de comptabilité générale de l'Etat, et une des bases essentielles de cette loi, ce que la section centrale appelait la pierre angulaire de l'édifice se trouve retiré de la loi. Nous faisons encore du provisoire, nous faisons une loi très incomplète.
L'article 7 soulève aussi des questions importantes au point de vue administratif, et ici encore il est très regrettable que MM. les ministres ne se trouvent pas tous à leur banc pour défendre leurs attributions, pour défendre leurs droits, attributions et droits qui peuvent se trouver plus ou moins compromis par diverses dispositions de la loi qui vous est soumise.
Cette loi, messieurs, a une tendance remarquable, c'est de favoriser en quelque sorte l'absorption des autres administrations par le département des finances.
Eh bien, je crois que chaque ministre doit avoir à cœur de maintenir autant que possible ses attributions intactes, et de les étendre même autant que les nécessités du trésor public le permettent, autant que la régularité de la comptabilité peut s'harmoniser avec les besoins administratifs.
L'article 7, messieurs, interprété à la lettre, ferait passer dans les mains de M. le ministre des finances des attributions très importantes des autres ministères.
M. le ministre des finances a eu la générosité, il est vrai, de laisser provisoirement à M. le ministre des travaux publics les recettes du chemin de fer ; mais ce n'est que provisoirement. Son article nouveau combiné avec l'article 7 est conçu de telle manière que M. le ministre des finances entend bien s'emparer quelque jour des recettes du chemin de fer. S'il le nie, il ne niera pas du moins que l'article 7, tel qu'il a été présenté dans sa généralité, n'avait pas excité ses répugnances, qu'il s'était d'abord parfaitement trouvé de ces attributions nouvelles que la section centrale voulait lui conférer.
Voilà pour le chemin de fer. Pour les postes, nous ne savons pas ce qu'elles deviendront. On nous dit bien que les recettes des postes continueront provisoirement d'être faites conformément aux arrêtés et règlements en vigueur. Mais c'est encore du provisoire.
Messieurs, dans une loi de comptabilité qui devait avoir pour but, et pour but essentiel, de régler la comptabilité des chemins de fer, il ne fallait pas introduire une exception qui ajournât la solution de cette question.
La comptabilité du chemin de fer a aussi chaque année excité dans cette chambre de vives discussions. Toujours la solution des difficultés qui ont été soulevées, la réponse aux objections qui ont été faites, avaient été renvoyées à la loi de comptabilité, comme la question du caissier de l'Etat. Arrive cette loi, et on ajourne également la question de la comptabilité du chemin de fer.
Mais, messieurs, bien que M. le ministre des finances ait consenti provisoirement à ne pas s'emparer des postes et du chemin de fer, ce qui reste dans l'article 7 est encore de nature à flatter singulièrement son amour-propre. Car cet article, interprété à la lettre, laisse encore à M. le ministre des finances une belle part dans le domaine de ses collègues.
Il dispose, en effet, dans sa généralité, que tout employé qui aura un maniement de fonds, sera comptable (ce que j'accepte, ce qui me paraît sage et convenable), sera justiciable de la cour des comptes (ce qui est encore très bien), mais sera placé sous les ordres de M. le ministre des finances. Ainsi, dans chaque ministère, il y a des employés désignes par le chef du département, à qui l'on ouvre des crédits, à qui l'on fait des avances pour certaines dépenses urgentes. Cela a lieu au ministère des affaires étrangères, au ministère des travaux publics, au ministère de l'intérieur. Ces employés, par cela seul qu'ils manient des fonds, se trouveront sous les ordres du ministre des finances. Je dis, messieurs, que les autres ministres ne peuvent accorder à M. le ministre des finances, devînt-il chancelier de l'échiquier, une aussi grande part dans leur ménage intérieur. Il faudrait des explications à cet égard, et je suppose que les minisires, autres que M. le ministre des finances, désireront ces explications.
L'article 7, messieurs, a été emprunté, comme beaucoup d'autres du projet, au règlement général français du 31 mai 1838. Je ne sais pas si en faisant ces emprunts à la législation française, on a toujours tenu compte des grandes différences qui existent dans la situation des deux pays. Je crains que, séduit par la réputation dont jouit avec raison la comptabilité française, on ne se soit trop empressé d'introduire dans notre législation des articles qui ne s'harmonisent pas avec les faits existants.
Ainsi il y a entre la Belgique et la France deux différences très grandes dans le mode de comptabilité.
Nous avons d'abord le visa préalable de la cour des comptes pour toute dépense, garantie très forte, particulière à notre pays et qui, je pense, n'existe dans aucun autre. En France les dépenses se font sans que la cour des comptes y donne préalablement son visa. Voilà donc une très grande différence qui devrait engager à donner aux ministres belges un peu plus de facilités dans leurs opérations, au lieu de leur imposer de nouveaux liens.
En second lieu, messieurs, nous avons un caissier de l'Etat, établi sur de tout autres bases que le caissier de l'Etat français. Le mode de recettes diffère entièrement en Belgique et en France. En Belgique on peut dire qu'il n'existe pas de garanties pour la conservation des deniers publics. Une caisse publique qui ne peut être contrôlée chaque jour, à toute heure par le gouvernement, n'offre point de garanties au pays.
En France, messieurs, des garanties réelles existent à cet égard. Le recouvrement et l'encaissement des recettes s'opère par des agents nommés par le gouvernement, responsables devant lui, dont les caisses sont ouvertes à toute heure de jour au gouvernement. Ici les fonds sont déposés dans des caisses dirigées par des agents sur lesquels le gouvernement ne peut exercer aucune action, auxquels il n'a mot à dire, qui ne sont nullement justiciables de lui.
Les différences sont donc radicales pour les deux pays, et il était impossible de transporter dans notre législation, en quelque sorte sans examen et de confiance, toutes les dispositions françaises qui s'appliquent à un système entièrement différent.
Maintenant, en supposant l'exception proposée par M. le ministre des finances admise, en supposant que la chambre accepte l'ajournement qu'il propose quant au caissier de l'Etat, je dois lui faire une question.
L'article 7 (en l'acceptant provisoirement), l'article 7 soumet sans exception à la cour des comptes et rend responsables envers le ministre, tous les agents chargés d'une manutention de fonds et tous ceux par qui sont gérées des caisses publiques. Je demande si, quels que soient les arrangements à intervenir avec le caissier actuel, cet article lui sera appliqué, si cet article sera accepté par le comptable avec lequel on continuerait le contrat actuel ; je demanderai également si l'article 8 sera appliqué aux comptables appartenant à la Société générale.
Voici ce que porte cet article :
« Art. 8 (nouveau). Aucun titulaire d'un emploi de comptable de deniers publics ne peut être installé dans l'exercice de ses fonctions, qu'après avoir justifié de sa prestation de serment et du versement de son cautionnement, dans les formes et devant les autorités à déterminer par les lois et règlements, »
Je demande, en un mot, si le gouvernement, se réserverait la nomination des agents, se réserverait de leur imposer des cautionnements, enfin si l'article 7, l'article 8 et tous les articles qui peuvent concerner le caissier de l'Etat s'appliqueront à la Société générale, continuée dans ses fonctions par une prorogation du contrat ? Je demande si le ministre des finances a la certitude que ces conditions seront acceptées par le caissier de l'Etat avec lequel l'on aurait renouvelé le contrat.
M. le ministre des finances voudra bien, sans doute, faire imprimer le dernier contrat passé avec la Société générale.
M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est convenu.
M. Rogier. - Je pense que le gouvernement n'est lié que pour une année, que l'on peut de part et d'autre dénoncer la convention ; il faudrait avoir cette convention sous les yeux et je ne pense pas qu'elle ait été imprimée...
M. le ministre des finances (M. Malou). - Elle pourra être distribuée ce soir ; elle ne contient que quelques articles.
M. Rogier. - Il est bien difficile, messieurs, de ne pas traiter ces questions à propos de l'article 7, bien qu'elles doivent encore l'être par les articles 54 et 57, mais si on ajournait la discussion actuelle jusqu'à l'examen de ces articles, il est probable que les articles 7 et 8 ne seraient pas les seuls qui devraient être ajournés ; il en est encore d'autres qui se rattachent au caissier. Je crois que pour gagner du temps, on devrait discuter maintenant les articles qui forment exception à l'article 7. Je demande à M. le ministre des finances s'il ne pense pas que l'on pourrait discuter, en même temps que l'article 7, les articles 54 et 57 ? Une fois que l'on serait fixé sur le point de savoir si la question du caissier de l'Etat se trouve ajournée ; alors on pourrait régler les autres articles en conséquence, mais si nous restons dans le doute sur ce point important, je crains bien que toute la discussion ne s'en ressente. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il n'est pas de mon avis à cet égard ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Quelle que soit la décision de la chambre à l'égard des dernières observations de l'honorable M. Rogier, je dois regretter de ne pas avoir donné, dès le début de la discussion, des explications sur les amendements relatifs au caissier général de l'Etat. Vous venez en effet, messieurs, d'entendre l'honorable M. Rogier parler de la (page 842) combinaison que j'ai eu l'honneur de proposer, sans que (et je dois l'imputer à moi-même) sans que les motifs et les conséquences de cette combinaison aient été expliqués.
Il existe aujourd'hui, entre le gouvernement et la Société Générale, un contrat d'après lequel le gouvernement et la Société Générale peuvent dénoncer cette convention un an à l'avance pour y mettre un terme. J'ai pensé, et, pour la question du caissier de l'Etat et pour celle du service de la recette du chemin de fer, qu'il est impossible d'organiser le service en même temps que l'on posait les principes de la comptabilité générale. Le regret que l'honorable M. Rogier exprime de ce que la loi soit incomplète, ne retombe plus seulement sur le gouvernement, il retombe en même temps sur la section centrale ; le gouvernement et la section centrale sont entièrement d'accord sur ce point, qu'on ne peut pas, du jour au lendemain, supprimer la régie, supprimer le caissier de l'Etat sans rien y substituer, et cela est évident. N'eussé-je proposé aucun amendement, la force des choses nous eût amenés à reconnaître qu'il est impossible de supprimer la régie et le caissier de l'Etat le onzième jour après le vote de la loi.
Ces deux questions sont forcément en dehors de la loi, en ce sens que le principe absolu qu'elle pose ne peut pas, en ce qui les concerne, recevoir une application immédiate. On peut regretter ces lacunes, mais pour moi, je ne les regrette nullement ; le projet de loi dont la chambre s'occupe en ce moment contient les principes généraux, les principes essentiels, et en dehors de ces principes, il est des questions assez vastes pour faire l'objet d'une discussion toute spéciale. Ainsi le caissier de l'Etat et la régie du chemin de fer sont deux questions que ni le gouvernement, ni la chambre ne. sont, je pense, en mesure de résoudre aujourd'hui. L'on ne peut improviser à cet égard un système complet qui puisse recevoir son exécution le onzième jour après le vote de la loi. (Interruption.) L'honorable membre me dit : « Nous perdrons notre temps, » je crois que nous ne perdrons nullement notre temps, si après dix ou quinze jours de discussion, nous avons terminé la loi générale sur la comptabilité en laissant à résoudre, les deux questions dont jviens de parler et qui demandent une étude spéciale et complète. Si nous laissons ces deux questions en dehors de la loi actuelle en fixant même une date avant laquelle elles doivent être résolues, c'est pour que l'examen en puisse être mûri, pour qu'il soit complet et que ces questions reçoivent une solution convenable.
Les dates sont différentes pour la régie et pour le caissier de l'Etat, et voici pour quel motif : Je pense que dans le cours de la session prochaine (et je me suis, mis d'accord à cet égard avec mon collègue des travaux publics), la chambre peut facilement être saisie d'une loi ayant pour objet d'organiser le système de la recette du chemin de fer, mais il n'en est pas de même de ce qui concerne le caissier général.
La Société générale chargée, en 1823, des fonctions de caissier, a une durée limitée ; aux termes du contrat primitif, elle a été fondée pour 27 ans et 3 mois ; sa durée expire le 31 décembre 1849.
En 1843, messieurs, est intervenu un arrêté qui a prorogé éventuellement la durée de la Société générale. Je n'entrerai pas dans les détails de cet arrêté, puisque l'impression vient d'en être ordonnée ; cependant, je me trouve amené à l'analyser. Au termes de cet arrêté la durée de la société est prorogée éventuellement jusqu'au 31 décembre 1855. Le gouvernement se réserve de faire connaître, au plus tard le 31 décembre 1849, les changements et les additions qu'il jugera convenable d'apporter aux statuts. Afin de satisfaire aux besoins de l'époque et aux intérêts du pays. Lorsque ces changements auront été indiqués, il courra un délai endéans lequel les actionnaires devront déclarer s'ils acceptent les changements proposés par le gouvernement. Il se fera ainsi, sur les conditions proposées par le gouvernement, une négociation analogue à celle qui se fait toutes les fois qu'une société anonyme débat avec le gouvernement les conditions que celui-ci pose à son existence.
L'article stipule en outre que si l'on ne parvient pas à se mettre d'accord sur ces conditions, le gouvernement assignera un délai pour la liquidation de la Société générale. Eh bien ! Je propose à la chambre de fixer pour la solution de la question du caissier de l'Etat, la date à laquelle expire le privilège de la Société générale, parce qu'il pourrait intervenir alors telle condition nouvelle, tel changement aux statuts de la Société générale, qui aurait peut-être résolu pour beaucoup d'esprits la question du caissier général, telle qu'elle s'est présentée jusqu'à ce jour.
La disposition transitoire que je propose me paraît avoir ce sens bien déterminé : il sera fait une exception temporaire aux principes absolus de la loi de comptabilité jusqu'à ce que le délai que j'assigne soit expiré. En d'autres termes, le contrat actuel acquerra, quant au gouvernement, la durée de la Société générale. J'ai cependant cru, messieurs, qu'il fallait dès à présent stipuler au profit du trésor des garanties qui lui manquent aujourd’hui.
Et, messieurs, en disant que j'ai stipulé ces garanties dans la loi, je reste fidèle à ce principe indiqué tout à l'heure avec raison par l'honorable rapporteur, que quelles que puissent être les garanties de crédit, de solidité en matière de comptabilité, on se tient aux garanties légales. Ainsi, lorsque j'ai demandé des garanties, ce n'est point que dans ma pensée ni dans la vérité des choses, il puisse exister des motifs quelconques pour stipuler ces garanties. D'une part la Société générale, par des circonstances connues de la chambre, a été dispensée, vers la fin de l'existence du royaume des Pays-Bas, de fournir un cautionnement ; aujourd'hui, d'après une disposition transitoire que j'ai l'honneur de proposer, elle sera tenue de fournir cette garantie au trésor : d'autre part d'après le contrat de 1825, le gouvernement avait renoncé, à raison du cautionnement, au privilège du trésor public : j'ai pensé, messieurs, que dès à présent ou pouvait stipuler que le caissier général serait soumis aux dispositions de la loi de 1807 qui règle le privilège du trésor public.
Ces conditions, me demande l'honorable nombre, seront-elles acceptées ? Messieurs, le gouvernement et la législature disposent à l'égard du caissier général et s'il arrive que ces conditions que nous croyons devoir prescrire dans la loi, ne soient pas acceptées, c'est que la Société générale les considérera elle-même comme de nature à donner lieu à la résolution du contrat. C'est une chose qui n'arrivera pas, je pense ; mais si elle arrivait ce n'est pas un motif pour nous déterminer à ne pas stipuler des conditions que nous considérons comme devant être établies.
L'honorable membre regrette que nous n'ayons pas le contrôle matériel des caisses. J'aurais pu, messieurs, inscrire dans la loi que nous aurions l'investigation des caisses ; mais permettez-moi de dire que je n'y aurais inscrit que des mots. En effet, une vérification des caisses suppose la vérification momentanée de tout un service, même de tous les services dont un comptable est chargé ; c'est ce que prouve, entre autres, un des derniers articles du projet de la section centrale, article dans lequel elle déclare que lorsqu'un comptable est chargé en même temps d'autres recettes, la vérification doit se faire simultanément. S'il n'en était pas ainsi, la vérification serait complétement illusoire. Or, je demande s'il est possible d'organiser dans le pays un système d'inspection de toutes les agences de la Société générale, non seulement en tant qu'elles se rapportent aux fonctions du caissier général, mais même dans toutes les affaires particulières de la société ? Evidemment cela est impossible.
L'honorable membre a vu dans l'article 7, auquel je reviens, une tendance qui est très loin de ma pensée. Je n'ai pas bien compris si l'honorable membre critiquait le principe même de l'article 7 ; je crois que non ; je crois qu'il l'accepte. Eh bien, messieurs, si en vertu d'un principe utile, nécessaire, il arrivait que l'action du ministère des finances fût quelque peu étendue, où serait le mal, où serait l'inconvénient ? Mais, précisément en réservant la solution des questions du chemin de fer et des postes qui doit augmenter considérablement les attributions du département des finances, je démontre par les faits, combien je suis peu pressé d'arriver à cette augmentation d'attributions.
Ce serait, d'ailleurs, une erreur de croire, messieurs, que nous ne nous sommes pas entendus entre collègues sur ces questions d'attributions. L'honorable membre invite, en quelque sorte, mes collègues à défendre leurs attributions contre moi ; mais sous ce rapport leur présence est complétement inutile. Déjà l’honorable rapporteur avait prévenu une des objections de l'honorable M. Rogier ; mon honorable collègue des travaux publics avait demandé. dans la dernière séance si les personnes auxquelles on fait des avances dans les ministères à charge de rendre compte, devaient être considérées comme tombant sous l'application de l'article 7, et l'honorable rapporteur a fait remarquer avec raison que tel n'était pas le sens de l'article.
En France, malgré cette disposition, il existe non seulement dans l'armée, mais dans d'autres services : encore, notamment dans la marine, des agents qui sont seulement nommés sur présentation, c'est-à-dire avec concert préalable du ministre des finances ; alors il n'y a aucun déplacement d'attributions, il y a seulement un lien établi, dans l'intérêt public, entre ces fonctionnaires et l'administration des finances, où doivent se centraliser, du moins par une relation quelconque, toutes les opérations du trésor public.
Un mot encore sur l'observation par laquelle l'honorable M. Rogier a débuté.
La chambre aura, avant peu de jours, nous le désirons comme l'honorable membre, des explications sur la situation actuelle qui paraît le préoccuper. Mais, messieurs, quels que puissent être les bruits qui ont couru a cet égard, je pense qu'il n'existe pas aujourd'hui, et qu'il n'existera pas plus tard de motifs pour suspendre les travaux parlementaires. La loi que nous discutons a un caractère en quelque sorte constituant ; les différentes dispositions que ce projet contient, doivent être résolues, indépendamment de l'opinion qu'on peut avoir sur la situation, et indépendamment de cette situation elle-même.
Je puis, du reste, me borner à répéter qu'avant peu de jours la chambre et le pays connaîtront toute la situation.
- La séance est levée à 5 heures moins un quart.