Séance du 28 novembre 1860
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 78) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.
M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone communique ensuite l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Renynghe demandent qu'il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France. »
« Même demande d'habitants de Wulveringhem, Meulebeke, Gullehem, Herseaux. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.
« Le sieur Abraham Roost, caporal au 11ème régiment de ligne, actuellement en congé illimité, né à Boxtel (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Nicolas Leyder, hôtelière Virton, né à Saeul (grand-duché du Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire avec l'exemption du droit d'enregistrement. »
- Même renvoi.
« Le sieur Kumps présente des observations sur le projet de loi portant interprétation de l'article 69 du Code pénal et prie la Chambre de le rejeter et de consacrer l'opinion des cours d'appel de Gand et de Bruxelles. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« M. de Breyne, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Vermeire, venant de perdre son beau-frère, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
« M. De Fré, devant assister comme témoin au mariage de son neveu Alph. Vancamp, demande un congé. »
- Accordé.
« M. de Renesse, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« Le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, les demandes de naturalisation des sieurs Menning et Cattelle. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le président. - La section centrale, chargée d'examiner le projet de loi relatif à la propriété littéraire, était présidée par M. Dolez; elle l'est aujourd'hui par M. Vervoort qui en était membre ; il y a lieu de procéder au remplacement de M. Vervoort comme membre.
Comment la Chambre entend-elle qu'il soit procédé à ce remplacement ?
- Plusieurs voix. - Par le bureau, par le bureau.
M. le président. - Le bureau y pourvoira.
M. B. Dumortier. - Messieurs, la Chambre, en rejetant hier la motion de l'honorable M. Guillery, a laissé sans solution la question qu'elle soulevait.
En effet, il résulte de ce vote que la Chambre n'invite pas le ministre à présenter un projet de loi sur les fraudes électorales, mais il résulte aussi des explications données par M. le ministre de l'intérieur que ce projet, qu'il ne croit pas devoir présenter aujourd’hui à la demande de quelques-uns de ses amis, est rédigé et qu'il se réserve de le présenter plus tard s'il le juge convenable.
Pour notre part, nous n'avons pas à demander que le gouvernement présente ou ne présente pas de projet de loi sur cet objet, car nous savons fort bien dans quel but il sera rédigé.
Mais les convenances parlementaires peuvent nous permettre de demander que, si un projet sur la matière dont il s'agit devait être présenté dans le cours de cette session, il ne le fût pas à la veille du jour où elle doit se clore ; un projet de loi d'une telle nature non seulement doit être examiné par la Chambre avec la maturité qu'il exige, mais il doit néanmoins l'être aussi par le Sénat.
Je demande donc que si l'intention du gouvernement est de présenter un projet de loi sur cette matière dans le cours de cette session, il n'attende pas le dernier moment pour le faire. Je n'engage pas M. le ministre à présenter ou à ne pas présenter ce projet, c'est son affaire ; mais s'il se propose de saisir la Chambre de ce projet qu'il dit avoir rédigé, alors par respect pour les convenances parlementaires, je l'invite à ne pas attendre pour le déposer une époque tellement avancée de la session qu'il ne fût plus possible de l'examiner avec maturité.
Il est évident à tous les yeux que les circonstances politiques dans Iesquelles se trouve l'Europe doivent donner les plus sérieuses préoccupations, surtout à un petit pays comme le nôtre ; mais ces préoccupations ne me paraissent pas devoir diminuer avec le cours de la session.
Il est fortement à craindre, au contraire, que les dangers qu'elles recèlent, n'aillent en augmentant vers le commencement du printemps prochain ; vous savez que, dans un pays éloigné auquel il a été fait allusion, des hommes politiques et le chef du cabinet lui-même ont proclamé qu'une guerre serait entreprise dans ces contrées au printemps prochain. La situation sera donc alors plus tendue qu'aujourd'hui. Quand les premiers coups de canon sont tirés, il est difficile de prévoir quand le dernier retentira, et les boulets tiré sur le Pô peuvent retomber sur les frontières du Rhin. Il me semble que songer à présenter le projet dont il s'agit à la fin de la session, ce serait, d'une part, nous exposer à ne pouvoir l'examiner avec maturité et, d'une autre part, s'exposer à le présenter dans des circonstances plus mauvaises que celles actuelles.
Eu parlant des événements auxquels je viens de faire allusion, l'honorable ministre a vanté les progrès de la liberté dans les contrées dont il s'agit ; il s'en est réjoui. Certes je ne contredirai personne, quand il s'agira de questions de liberté. Enfant de la liberté, n'ayant pris place dans cette assemblée que par elle, ce n'est pas moi qui viendrai combattre les idées d'autrui, quand il s'agira de liberté. Mais j'aurais cru que, dans la bouche du gouvernement, à côté de ces sentiments de liberté, il se serait trouvé une parole en faveur du droit des gens, si méconnu, si audacieusement violé vis-à-vis des petites nationalités neutres comme la Belgique.
Ne nous faisons pas illusion, ce que nous trouvons dans les événements qui se présentent, c'est la guerre aux petites nationalités ; c'est le droit des gens foulés aux pieds de la manière la plus scandaleuse.
Or, nous, petite nationalité aussi, environnée de voisins puissants, nous devons au moins avoir quelques paroles pour le respect dû au droit des gens ; et quant à moi, j'ai prononcé ici ces paroles, pour qu'il ne soit pas dit qu'à la tribune belge, à la tribune d'une petite nationalité, aucune voix ne s'est élevée pour protester en faveur du droit sacré des nations, en faveur du droit des gens qui est notre force principale, qui est notre lien vis-à-vis de l'Europe.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous avons donné l'exemple en 1830.
M. B. Dumortier. - En 1830,nous n'avons pas donné l'exemple de choses pareilles.
Nous avons fait une révolution, mais nous ne l'avons pas faite sous la pression des baïonnettes étrangères. Nous avons fait une révolution noble et pure, et vous qui m'interrompez, vous, M. le ministre de l'intérieur, faites un appel à vos glorieux souvenirs ; quand vous éliez au gouvernement provisoire, commandiez-vous des baïonnettes étrangères ou des enfants de la patrie ?
C'était nous, nous seuls qui combattions pour secouer le joug d'un gouvernement étranger, pour conquérir notre indépendance el non pour nous annexer à un puissant voisin. Nous n'avons pas eu besoin de baïonnettes étrangères, nous n'avons pas eu besoin de la violation du droit des gens pour conquérir cette liberté el notre autonomie.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous avions une légion étrangère.
M. B. Dumortier. - Nous n'avons eu une légion étrangère que plus tard, lorsque Bruxelles el la Belgique entière avaient chassé l’étranger du sol de la patrie. Nous n'ayons pas eu de gouvernement (page 79) étranger pour nous imposer des lois et venir établir ici le régime des lois martiales et de mise en état de siège.
Je demande si, pendant le gouvernement provisoire, on a eu besoin de mettre la moindre partie du pays en état de siège, si l’on a eu besoin d'établir quelque part la loi martiale. Non, parce que le mouvement de 1830 était essentiellement national, essentiellement pour la liberté, qu'il avait pour but non de nous réunir à un puissent voisin, mais de reconquérir notre autonomie.
Mais quand je vois ce qui se passe dans d'autres pays, dans ceux auxquels on fait allusion, je crois qu'un député qui aime sa patrie doit se lever pour prononcer quelques paroles en faveur du droit des gens, audacieusement violé, en faveur des petites nationalités aujourd'hui menacées par de grandes puissances de l'Europe. Et loin d'applaudir à des actes aussi odieux, je les flétris de toutes les forces de mon âme comme un outrage à la liberté.
Maintenant que j'ai dit ce peu de paroles, je demanderai quelques explications à M. le ministre au sujet d'une circulaire du 27 septembre, relative aux élections communales.
D'abord je dois remercier M. le ministre de la réponse qu'il a bien voulu me faire hier. Je partage complètement son avis. II faut que le corps électoral, dans le cas dont nous parlions hier, puisse émettre une opinion positive au sujet des personnes auxquelles il donne un mandat.
Je dois dire cependant que la comparaison qu'a faite M. le ministre avec les dispositions de la loi relative au Sénat manque complètement d'exactitude. Pourquoi ? Dans les élections pour les Chambres la même liste comprend des sénateurs et des représentants, mais en catégories séparées. Si vous voulez une seule liste pour les élections communales, liste où l'on inscrive, en les distinguant d'abord, ceux qui ont un mandat de six ans et en second lieu ceux qui n'ont qu'un mandat de trois ans, alors je comprends parfaitement ce système.
Je comprends parfaitement que si l'on procède de cette manière il n'y ait qu'un seul scrutin, car la chose la plus importante c'est que le plus grand nombre possible d’électeurs prenne part au vote.
Mais cela n'a aucun rapport avec la situation indiquée par l'honorable ministre de l'intérieur et dans laquelle les listes renferment, sans désignation aucune, des conseillers nommés pour six ans et des conseillers nommés pour trois ans, sauf ensuite à l'autorité de venir déclarer qu'un tel est nommé pour six ans et qu'un tel est nommé pour trois ans. C'est là ce que je ne puis admettre.
Ce qu'il m'est surtout impossible d'admettre, c'est que les derniers élus, ceux qui ont obtenu le moins de voix, soient regardés comme devant avoir le mandat le plus restreint, alors que la volonté de l'électeur n'a pas été exprimée. Mais il arrive souvent que les candidats qui ont obtenu le moins de suffrages sont précisément les hommes les plus éminents. Ce sont ceux qui rencontrent la plus vive opposition.
Il faut avant tout, messieurs, que le vote populaire soit parfaitement énoncé et ici, encore une fois, je remercie M. le ministre de l'intérieur de ce qu'il a dit hier. Mais je me vois forcé de le prier de s'expliquer sur une autre circulaire, celle du 27 septembre dernier.
Dans cette circulaire on suppose le cas, très fréquent, du reste, où un nombre de personnes plus grand que celui des candidats à élire obtiennent la majorité absolue; et vous savez, messieurs, qu'au moyen du classement des votes, la majorité absolue peut être obtenue par un nombre de candidats double, moins un, de celui des membres à nommer.
Ainsi, lorsqu'il y a dix places vacantes, la majorité absolue peut être obtenue par 19 candidats. Cela arrive très rarement, mais on voit assez fréquemment la majorité absolue être acquise à deux ou trois personnes de plus qu'il n'y en a à nommer.
D'après la loi, le mandat n'est acquis qu'à un nombre de candidats égal à celui des membres à nommer. Le corps électoral a un mandat, mais il a aussi une obligation, une limite.
Le mandat du corps électoral, c'est de pourvoir à un certain nombre de places vacantes ; ce nombre épuisé, le corps électoral n'a plus aucune espèce de mandat. Ainsi, par exemple, il y a dix personnes à nommer et 12 personnes obtiennent la majorité absolue, en ce cas ce sont les 10 candidats qui ont obtenu le plus de voix qui sont nommés. Mais que faire des deux autres ? Les deux autres ont obtenu la majorité absolue et cependant ils ne sont pas nommés parce que les autres ont une majorité plus forte.
Eh bien, messieurs, dans la circulaire dont je viens de parler, on décide que si, avant l'installation du conseil communal, l'un des conseillers qui ont été nommés vient à mourir ou renonce à son mandat, il sera remplacé par l'un des candidats qui ont obtenu la majorité absolue.
Messieurs, je dis que c'est là la chose la plus étrange qu'il soit possible d'imaginer.
Encore une fois le corps électoral a un mandat limité au nombre des places vacantes, et tout ce qui va au-delà est nul et non avenu. Vouloir étendre ce mandat après coup, vouloir que des personnes qui ne sont pas nommées soient ensuite considérées comme nommées, c'est contraire à tous les principes. Que diriez-vous, messieurs, si aux élections de Bruxelles, au lieu des onze députés sortants il y en avait quatorze qui obtinssent la majorité absolue; que, dans l'intervalle qui sépare l'élection du jour de l'ouverture de la session, deux ou trois des candidats qui ont obtenu le plus de voix se retirent et fassent place aux autres, vérifierez-vous les pouvoirs de ces derniers? Non, vous ne les vérifierez pas. Je suppose qu'un des candidats ait un ami, un frère qui n'a pas été élu et à qui il veut faire place ; il se retire, il fait place à son frère ou à son ami ; et voilà un homme qui n'a pas été élu par le corps électoral et qui viendrait siéger ici.
Ce sont cependant les conséquences du système consacré par la circulaire ministérielle, circulaire que je considère comme tout à fait inconstitutionnelle.
Il est évident, et je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien répondre à ceci, il est évident que le corps électoral n'a de pouvoir que pour le nombre des places vacantes ; qu'au-delà de ce nombre, son pouvoir n'existe plus ; qu'il n'a pu conférer un mandat aux personnes qui dépassent le chiffre des places vacantes, tandis que la circulaire ministérielle suppose que le corps électoral a conféré un mandat aux personnes sur lesquelles il n'avait pas le droit de le conférer. Voilà où est la question.
Le corps électoral a-t-il, oui ou non, le droit de conférer plus de mandats que la loi ne lui permet de conférer ? Evidemment non : le pouvoir du corps électoral est limité par la loi qui fixe le nombre des places vacantes, et tout ce qu'il fait en dehors et au-dessus de la loi, est comme si cela n'avait pas été fait.
Le cas dont il s'agit dans la circulaire s'est présenté dans le Hainaut, dans la province de Namur, et, si je suis bien informé, dans les Flandres.
Eh bien, messieurs, allez-vous admettre le principe des députés suppléants sans nomination législative? Encore une fois il n'y a pas de nomination législative par le corps électoral, quand elle est faite en dehors de la limite fixée par la Constitution ou par la loi ; dans ce cas, le corps électoral n'a plus de pouvoir. Eh bien, c'est ce pouvoir, qui n'existe pas, que la circulaire dont je parle tend à consacrer.
Je demande à M. le ministre de l'intérieur des explications sur cete circulaire qui, comme précédent, pourrait lier les Chambres législatives.
Des cas semblables se sont déjà présentés. J'ai assisté à plusieurs vérifications d'élections où des personnes non élues avaient obtenu la majorité absolue. Il résulterait de la doctrine de M. le ministre de l'intérieur que si, avant la vérification des pouvoirs, un des membres élus était décédé, celui qui n'avait pas été proclamé par le bureau électoral serait venu siéger dans cette enceinte. Cela n'est pas possible. Je pense que nous devons nous garder de laisser poser de pareils précédants qui peuvent lier singulièrement la législature.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le discours de l'honorable préopinant se divise en deux parties très-inégales; il s'est élevé d'abord à une très grande hauteur; il a invoqué le droit des gens; il a parlé de la situation de l'Europe ; puis il est retombé tout d'un coup sur une question très minime, presque insignifiante, à laquelle il ne parviendra pas à donner une grande importance.
Voici de quoi il s'agit : dans une élection, il se présente quelques fois ce cas-ci, à savoir que le nombre des conseillers élus est supérieur au nombre des conseillers à élire.
Il y a, par exemple, 9 conseillers à nommer. Il arrive que 10, 11, 12 candidats sont élus.
M. de Naeyer. - Ils ne sont pas élus pour cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Qu'ils obtiennent la majorité absolue.
M. Coomans. - C'est autre chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Supposons que 8 obtiennent la majorité absolue et que, pour la 9ème place, il y en ait deux qui obtiennent aussi la majorité absolue avec parité de voix.
Lequel doit être préféré ?
- Un membre. - Le plus âgé.
(page 80) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous disons nous que c'est le plus âgé.
II y a une autre doctrine qui veut qu'il y ait ballottage entre les deux candidats.
Nous avons décidé que c'était le plus âgé après avoir été d'abord d'opinion qu'il fallait un ballottage.
M. de Naeyer. - Il faut un ballottage.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La loi communale se tait complètement à cet égard.
Qui prononcera ? Sera-ce le bureau principal qui décidera quel est le candidat le plus âgé et qui le proclamera ? La loi communale ne le dit pas. Sera-ce la députation qui le fera ? La loi ne le dit pas.
Voici l'opinion qui a été émise par le ministère de l'intérieur dans une récente circulaire. Il a dit que c'est au conseil communal que le débat se videra. C'est le conseil communal qui admettra le plus âgé.
C'est ainsi que lorsque deux parents au degré prohibé par la loi, ont obtenu parité de suffrages pour une seule place, ce n'est pas le bureau électoral qui décide, car il n'est pas institué pour trancher ces sortes de questions, c'est le conseil communal qui prononcera l'admission.
Je ne pense pas avoir commis un excès de pouvoirs, ni une énormité administrative.
La circulaire dit que si deux candidats ont obtenu la majorité absolue et en même temps parité de suffrages, et si l'un meurt avant l'installation du nouveau conseil, l'autre sera admis; de même si l'un des deux parents se désiste, l'autre fera partie de droit du conseil communal.
Voilà toute la question.
Je ne pense pas qu'elle mérite les honneurs d'une discussion parlementaire.
L'autre point du discours de l'honorable membre est beaucoup plus sérieux, beaucoup plus grave, et je me permettrai d'y répondre eu quelques mots.
J'ai le plus grand respect pour les nationalités et j'ai la plus grande sympathie pour les nations qui parviennent à ressaisir leur indépendance. Ce que j'ai dit hier, je le répète aujourd'hui.
J'ai surtout de la sympathie pour les nations qui, tout en reconquérant leur indépendance comme l'a fait la Belgique, savent établir leur nationalité sur des bases libérales et savent fonder un gouvernement libre en même temps qu'elles se constituent à l’état de nation indépendante.
Et si l'on vient invoquer le droit des gens, le respect aux droits des gens contre les nations qui s'émancipent, revendiquent leur nationalité et se constituent sur des bases libres, il faudra aussi l'invoquer contre la Belgique elle-même.
Je dis, messieurs, que, loin de redouter l'extension des gouvernements parlementaires en Europe, tous ceux qui, en Belgique veulent sauvegarder le régime parlementaire, tous ceux-là doivent faire des vœux pour voir des gouvernements semblables s'étendre de plus en plus en Europe. Plus l'Europe sera librement représentée, plus les institutions libérales se répandront et se consolideront en Europe, plus le régime libéral de la Belgique aura de garanties.
Voilà, messieurs, comment je pense avoir été en droit de m'associer à ceux qui, dans cette enceinte, ont manifesté leurs sympathies pour les nations qui se constituaient à l'état d'indépendance, à l'état de gouvernements libres.
Quant aux excès, je les blâme de quelque part qu'ils viennent. Les mauvais gouvernements finissent toujours par succomber sous leurs propres excès. Les nations elles-mêmes, quand elles ne savent pas se gouverner, quand elles s'abandonnent aux passions, quand elles se livrent aux hommes ou aux principes excessifs, celles-là courent aussi des dangers ; et elles doivent savoir s'en préserver. Mais quant aux nations qui, avec courage et en même temps avec modération, font ce que la Belgique a fait en 1830, il m'est impossible de ne pas leur accorder toutes mes sympathies.
Voilà, messieurs, ce que je réponds à l'honorable préopinant, et en usant ce langage, je crois demeurer tout aussi bon patriote et me montrer, en même temps, tout aussi bon conservateur que l'honorable député de Roulers.
M. B. Dumortier. - J'ai entendu, avec une étrange surprise, M. le ministre de l'intérieur comparer le mouvement national de 1830 contre l'étranger, la conquête de l'indépendance si noble, si grande, si élevée de notre pays, aux événements qui se passent dans les pays auxquels il fait allusion ; et je l'ai entendu surtout avec douleur dire dans cette enceinte que, si nous invoquons le droit des gens contre les événements qui se passent ailleurs, on peut à bon droit l'invoquer contre nous.
Eh bien, je le dis, une telle parole, qui est d'ailleurs complètement inexacte dans tout ce qu'elle renferme, n'aurait jamais dû être prononcée par un ministre du Roi à qui est confiée la garde du pays contre la cupidité de nos puissants voisins. Quoi ! invoquer le droit des gens en faveur des petites nationalités, ce serait exposer la nôtre ! En vérité, je ne comprends plus rien à un tel Iangage, qui est le renversement de toutes les idées.
Oui, messieurs, en 1830, nous avons conquis notre indépendance, nous avons conquis noire liberté, nous avons expulsé l'étranger de notre territoire et nous avons constitué la patrie opprimée sous le joug de la tyrannie étrangère ! Mais était-ce sous la pression des baïonnettes étrangères, était-ce pour perdre notre nationalité en nous annexant à un état voisin ? L'avons-nous fait en violant les principes les plus élémentaires ? Est-ce, par hasard, l'étranger qui est venu, avec des années, nous aider à faire notre révolution ? Non, cette révolution, nous l'avons faite par nous-mêmes ; c'est nous et nous seuls qui avons secoué le joug de l'étranger ; c'est nous et nous seuls qui avons constitué notre indépendance, notre nationalité. Nous avons fait notre révolution contre l'étranger et vous voudriez lui assimiler des actes faits contre les nationalités moindres, les honteuses conquêtes d’un puissant voisin en violation du droit des gens.
Or lorsque j'entends comparer une telle situation à celle qui s'est présentée dans le cours de cette année, je dis que c'est amoindrir considérablement, aux yeux de l'Europe entière, la situation de la patrie, que c'est donner des armes à l'étranger contre nous, que de nous représenter comme des annexionnistes.
Si nous avons conquis par la force de nos armes notre indépendance, si nous l'avons conquise par le fer en chassant l'étranger de notre territoire, au point de vue européen nous n'existons qu'en vertu du droit des gens. Le droit des gens, voilà le droit essentiel de la Belgique ; le droit des gens et les traités, voilà ce qui nous constitue vis-à vis de l'Europe, ce qui est notre unique force ! Si le droit des gens et les traités peuvent être foulés aux pieds sans motifs par l'étranger, si un voisin puissant peut s'emparer des petits Etats qui l'environnent, la Belgique n'a plus les garanties auxquelles elle a droit, qui constituent sa force aux yeux de la diplomatie européenne.
Car du jour où le droit des gens, le droit des Etats faibles, peut être audacieusement et impunément foulé aux pieds, la force brutale remplace le droit, et la force, vous ne l'avez pas. Il est très dangereux...
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Il ne fallait pas soulever cette question.
M. B. Dumortier. - C'est M. le ministre de l'intérieur qui l'a soulevée hier.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - M. le ministre de l'intérieur n'a fait allusion qu'à la Lombardie.
M. B. Dumortier. - M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il applaudissait aux événements qui venaient de s'accomplir, mais qu'il ne pouvait se défendre de certaines inquiétudes quant au maintien de l'état des choses qui n'est pas encore consolidé. Ce sont ces applaudissements que je condamne, comme une atteinte au droit des gens, au droit des petites nationalités. Qu'il applaudisse au développement de la liberté ; j'y applaudis aussi ; mais que des paroles imprudentes ne viennent pas compromettre la force et la puissance du droit des gens qui est notre propre garantie.
C'est à vous, M. le ministre des affaires étrangères, qui m'interrompez, c'est à vous, défenseur du droit des gens, à prendre la parole pour protester en faveur des principes sur lesquels repose l'ordre européen et qui sont, au point de vue international, notre seul point d'appui. Là était, là est votre devoir ; en défendant le droit des gens, vous défendez les droits de la Belgique.
(page 81) M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - C'est pour cela que je proteste contre votre interprétation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Avons-nous respecté le droit des gens en déchirant les traités de 1815, pour nous constituer ?
M. B. Dumortier. - Ainsi, pour vous le droit des gens n'existe pas !
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je le répète, on n'a fait allusion qu'à la Lombardie. Je demande la parole.
M. B. Dumortier. - Il vous plaît de détourner la question ; la Lombardie est consolidée par les traités.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je ne détourne pas la question, je la replace.
M. B. Dumortier. - En voulant lui donner le change, vous condamnez avec raison la doctrine de vos collègues.
Messieurs, les paroles qui se prononcent ici ont du retentissement en Europe. Nous, Etat faible, Etat neutre, entouré de pays voisins où chaque jour se lisent des menaces d'annexion, nous ne devons faire entendre ici que des paroles en faveur du droit des gens et non des paroles d'applaudissements pour l'abus de la force sur le droit.
Quand un peuple se lève pour revendiquer son indépendance, il ne viole pas le droit international ; mais quand un souverain plus fort arrive dans un autre pays avec des armées pour le conquérir, pour l'annexer à son territoire, il viole le droit des gens ; c'est en vain qu'on appelle cela favoriser la liberté ; c'est un honteux trafic, un odieux abus de la force contre l'indépendance des gouvernements des petits pays. Quant à moi, je suis trop ami de mon pays pour tolérer de pareilles maximes ; elles pourraient avoir une funeste portée contre nous ; je proteste contre les prétentions des grandes nations sur les petites; je proteste contre la cupidité des grandes nations qui, jouant le rôle de corsaires et de pirates, veulent absorber et annexer à leur Etat les petites nations qui les environnent, et quand je fais entendre de pareilles protestations, mes paroles doivent avoir de l'écho dans le parlement.
M. le président. - La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - M. le président, je m'aperçois que la Chambre ne désire pas que ce débat se prolonge, je renonce à la parole.
- La discussion générale est close.
M. le président. - La section centrale est d'accord avec le gouvernement, excepté sur un point : l'article relatif à la voirie vicinale ; la section centrale, propose de porter le crédit à un million au lieu de 700 et quelques mille francs.
Le gouvernement se rallie-t-il à cet amendement ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je m'expliquerai lorsque nous en serons à cet article.
M. le président. - La discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai à M. le président de vouloir bien réunir la section centrale ; j'aurai à proposer quelques changements de chiffres et de rédaction sur lesquels il sera facile de s'entendre.
M. le président. - Proposez-vous l'ajournement de la discussion des articles ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non, M. le président ; seulement des articles auxquels il y aura lieu de faire des changements.
M. le président. - Vous les indiquerez au fur et à mesure qu'ils se présenteront.
« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service. : fr. 214,550. »
- Adopté.
« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, éclairage et chauffage, menues dépenses, loyer d'une succursale de l'hôtel des bureaux et souscription au Bulletin administratif du ministère de l'intérieur : fr. 45,960.
« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de route et de séjour, courriers extraordinaire : fr. 4,300. »
- Adopté.
« Art. 5. Pensions. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Subvention éventuelle d'une ou de plusieurs caisses de pensions des secrétaires communaux : fr. 15,508. »
- Adopté.
« Art. 7. Secours à d'anciens employés belges aux Indes, ou à leurs veuves, charge extraordinaire : fr. 4,094 66. »
- Adopté.
« Art. 8. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés, à des veuves et enfants d'employés qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, a raison de leur position malheureuse : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Frais de bureau et jetons de présence de la commission centrale de statistique. Frais de bureau des commissions provinciales. Vérification des registres de la population : fr. 9,000. »
- Adopté.
« Art. 10. Frais de rédaction et' de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 5,300. »
- Adopté.
« Art. 11. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 12. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,300.’
- Adopté.
Art. 14. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 15 Traitement des employés et gens de service : fr. 59,000. »
- Adopté.
(page 82) « Art. 16. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,700. »
- Adopté.
« Art. 17. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 18. Traitement des employés et gens de service : fr. 51,000. »
- Adopté.
« Art. 19. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,250. »
- Adopté.
« Art. 20. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 21. Traitement des employés et gens de service : fr. 55,150. »
- Adopté.
« Art. 22. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »
- Adopté.
« Art. 23. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 24. Traitement des employés et gens de service : fr. 59,000. »
- Adopté.
« Art. 25. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,930. »
- Adopté.
« Art. 26. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 27. Traitement des employés et gens de service : fr. 51,000. »
- Adopté.
« Art. 28. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,690. »
- Adopté.
« Art. 29. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 30. Traitement des employés et gens de service : fr. 39,000. »
- Adopté.
« Art. 31. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »
- Adopté.
« Art. 32. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 33. Traitement des employés et gens de service : fr. 39,000 »
- Adopté.
« Art. 34. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »
- Adopté.
« Art. 35. Traitement du gouverneur, des députés, du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 36. Traitement des employés et gens de service : fr. 42,000. »
- Adopté.
« Art. 37. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700. »
- Adopté.
« Art. 38. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr. 174,915. »
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, la section centrale s'est occupée de la position des employés des commissariats d'arrondissement. Il y a déjà eu de nombreuses réclamations de la part de ces fonctionnaires, et ces réclamations ont toujours excité la sympathie de la Chambre et même de plusieurs ministres qui se sont succédé aux affaires.
Ainsi, en 1856, l'honorable M. de Decker a ordonné une enquête sur la question de savoir s'il n'y avait pas lieu de faire entrer dans le cadre des fonctionnaires de l’Etat, les employés des commissariats d'arrondissement. De son côté, l'honorable M. Rogier a toujours témoigné ses sympathies pour ces modestes employés. Cependant, jusqu'à présent aucune résolution n'a été prise. Il me semble qu'il y aurait lieu de décider, une fois pour toutes, si les employés des commissariats d'arrondissement doivent prendre rang parmi les fonctionnaires de l'Etat, ou s'ils doivent perpétuellement rester aux gages des commissaires d'arrondissement.
Il me semble que ces employés sont absolument aussi utiles au pays que la plupart des commis employés des bureaux des directeurs des contributions, des inspecteurs des contributions, des ingénieurs en chef des ponts et chaussées. Je ne sais pourquoi on les laisse dans une position si exceptionnellement désavantageuse, où ils sont aux gages d'un autre fonctionnaire, où ils n'ont pas le moindre avenir. Ils sont comme des parias dans l'administration.
L'enquête qui a eu lieu d'après les instructions de l'honorable M. de Decker, a donné ce résultat que tous les gouverneurs, sans exception, ont été favorables à ce changement de position. Dès lors ii ne peut y avoir qu'une difficulté, c'est celle qu'a soulevée l'honorable M. Rogier, dans sa réponse à la section centrale, c'est la dépense.
Il faudrait, paraît-il, augmenter le budget de 58,000 fr. Certes, la question de dépense mérite toujours d'être prise en considération. Mais s'il y a justice, s'il y a équité à donner cette position aux employés dont il s'agit ; si l'administration, comme je le crois, ne peut qu'y gagner, on ne doit pas pins s'arrêter devant cette dépense de 58,000 fr. qu'on ne s'est arrêté devant celle de 62,000 fr. qui a été votée en 1856 pour les employés des administrations provinciales.
Quoi qu'il en soit, s'il n'y avait que cette question de la dépense qui dût arrêter le gouvernement, je crois que les employés des commissariats d'arrondissement seraient déjà enchantés d'être placés au rang des fonctionnaires de l'Etat, de pouvoir espérer quelque avancement, de pouvoir devenir, par exemple, employés des administrations provinciales ou même d'un département ministériel, et je crois qu'ils ne se plaindraient pas quant au traitement.
L'organisation est faite, ïl n'y a qu'à accorder à ces employés le traitement que leur donnent les commissaires d'arrondissement. Plus tard, si l'on veut augmenter le traitement, on pourra le faire.
Je crois donc qu'en présence de cette sollicitude exprimée par l'honorable M. de Decker et par l'honorable M. Rogier lui-même, il n'y a pas de motifs pour ne pas prendre une mesure favorable à ces modestes employés.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, des propositions telles que celle qui vient d'être faite et qui se sont produites déjà dans d'autres sessions, sont assez embarrassantes pour un ministre. Si nous ne suivions que cette impulsion assez naturelle à un gouvernement de chercher à étendre sa clientèle, son patronage, on nous offre une clientèle de cent employés, de plus de cent fonctionnaires publics. C'est assez attrayant, surtout pour des hommes qu'on accuse parfois de vouloir tout centraliser, tout accaparer. Mais j'ai déjà, dans des sessions (page 83) précédentes, tout en manifestant mes sympathies pour ces employés, fait ressortir les inconvénients de la mesure que l'on propose. Convient-il d'accroître le nombre des fonctionnaires publics d'une centaine ? Convient-il d'augmenter le budget d'une somme portée pour le moment à 50,000 fr. mais qui évidemment sera, avant deux ou trois ans, jugée insuffisante. Du jour où le trésor public sera substitué aux commissaires d'arrondissement pour salarier ces fonctionnaires, je prédis à la Chambre que le système que l'on conseille au gouvernement conduira inévitablement à ces deux résultats : accroissement considérable du nombre des employés des commissaires d'arrondissement et accroissement de l'allocation portée au budget. Cela me paraît inévitable. Veut-on entrer dans cette voie ?
Il faut, je le répète, une certaine abnégation de la part du gouvernement pour refuser de pareilles faveurs. Mais nous sommes ministres aussi pour défendre les intérêts du trésor, pour n'admettre que des dépenses strictement nécessaires.
L'état de choses que l'on signale a toujours existé ; jamais les employés des commissariats d'arrondissement n'ont été considérés comme fonctionnaires de l'Etat.
Il y a d'ailleurs bien d'autres branches d'administration dont le personnel ne tarderait pas à réclamer le même privilège.
Les directeurs du trésor, les conservateurs des hypothèques, les receveurs de contributions, ont des employés nommés et rétribués par eux ; ces employés pourraient invoquer l'exemple qui aurait été donné pour les employés des commissariats d'arrondissement, et ils ne manqueraient pas de venir à leur tour réclamer la faveur d'entrer dans la grande famille officielle et de faire partie des fonctionnaires de l'Etat. Cela pourrait nous conduire extrêmement loin.
Quant à moi je désire que nous marchions plutôt à la diminution du nombre des employés qu'à l'augmentation de ce nombre. Je crois que le vrai progrès consisterait à mieux rétribuer les fonctionnaires et à en avoir un moins grand nombre.
Je ne puis donc me rallier à la motion de l'honorable député de Bastogne.
Il y a deux ans, messieurs, on a amélioré la position des commissaires d'arrondissement ; on a supprimé la quatrième classe et on a fait entrer les titulaires de cette classe dans la troisième. C'est aux commissaires d'arrondissement à salarier convenablement ceux de leurs employés qui leur rendent des services, et je suppose que les commissaires d'arrondissement, dont la position a été améliorée, auront fait participer leurs employés aux avantages qui leur ont été accordés.
Il est vrai, messieurs, que les traitements des commissaires d'arrondissement ne sont pas très élevés. Il en est des traitements des commissaires d'arrondissement comme des traitements de tous les fonctionnaires publics ; depuis le haut de l'échelle jusqu'au bas, les fonctions publiques ne sont pas suffisamment rétribuées, et j'espère qu'un temps viendra où l'on comprendra la nécessité de rehausser la position des fonctionnaires de diverses catégories.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, si j'ai présenté les observations que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre, c'est que depuis plusieurs années, à chaque discussion du budget de l'intérieur, il a été question de la position des employés des commissariats d'arrondissement.
Je crois donc qu'il est indispensable que ces fonctionnaires, qui méritent toute notre sollicitude, sachent au moins à quoi s'en tenir sur les intentions du gouvernement. Je le crois d'autant plus que plusieurs ministres ont, à diverses reprises, témoigné beaucoup de sympathie pour les employés des commissariats d'arrondissement et ont montré des dispositions à les admettre au rang des fonctionnaires de l'Etat.
L'honorable ministre de l'intérieur semble animé à leur égard de sentiments moins favorables, bien qu'il ait prononcé des paroles sympathiques en ce qui les concerne, et je pense qu'ils peuvent maintenant très peu espérer. Je demanderai, s'il en est ainsi, pourquoi l'on a consulté les gouverneurs des provinces, qui tous ont émis un avis favorable. Tous ont répondu que, dans l'intérêt de l'administration et dans l'intérêt de la justice distributive, il y avait lieu d'améliorer la position des employés des commissariats d'arrondissement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est pas moi qui ai fait l'enquête.
M. d'Hoffschmidt. - C'est l'honorable M. de Decker qui a fait l'enquête, mais l'honorable M. Rogier a exprimé l'opinion que la mesure dont il s'agit serait conforme à l’intérêt d'une bonne administration.
On nous dit, messieurs : « Il y a 100 fonctionnaires de cette catégorie. » Je pense, moi, que c'est une raison de plus pour s'en occuper ; s'i1 n'y en avait que deux ou trois ce ne serait pas la peine de soulever un débat dans cette Chambre. Il y a cent personnes qui, dans le cercle modeste de leurs attributions, rendent des services à l'Etat comme les autres fonctionnaires publics ; et on les laisse dans leur position anomale ; non seulement ils n'ont aucun titre, mais on les frappe de certaines incompatibilités; ainsi ils ne peuvent pas faire partie d'un conseil communal ni d'un conseil provincial ; ils ne peuvent être ni secrétaire communal, ni receveur communal.
Je dis qu'il y a quelque chose à faire pour ces fonctionnaires, je dis qu'il est indispensable d'améliorer leur position. Quant à la dépense, elle existe déjà au budget de l'Etat, car les employés des commissariats d'arrondissement sont payés sur les émoluments accordés aux commissaires. On dit qu'il y aurait augmentation, mais je n'en vois pas la nécessité.
Ce que demandent ces fonctionnaires, c'est plutôt de ne plus être dans une position anomale, exceptionnelle, c'est d'être fonctionnaires de l'Etat, puisqu'ils rendent des services à l'Etat comme tous les autres fonctionnaires.
M. Coomans. - Je saisis avec empressement l'une des rares occasions qui me sont offertes d'applaudir au langage de l'honorable ministre. Je viens d'entendre sortir de sa bouche deux grandes vérités, la première c'est qu'il serait convenable, qu'il serait d'une bonne politique de diminuer le nombre des fonctionnaires plutôt que de l'accroître tout en améliorant leur sort ; la deuxième c'est qu'il s'agit réellement de substituer (ce sont les termes dont s'est servi M. le ministre de l'intérieur) de substituer le trésor public aux commissaires d'arrondissement pour le payement des appointements de leurs employés.
Ce dernier point mérite d'être noté ; il ne s'agit, en effet, que d'une augmentation déguisée du traitement des commissaires d'arrondissement. Je ne dis pas que ces honorables fonctionnaires sont trop rétribués, mais je crois qu'ils le sont convenablement eu égard aux traitements des autres catégories de fonctionnaires ; et je dis que si la Chambre voulait s'occuper d'une réforme sérieuse des traitements de tous les fonctionnaires de l'Etat, il y aurait d'autres fonctionnaires que MM. les commissaires de district qui mériteraient de passer avant eux.
Je signalerai en première ligne tous les membres de la magistrature. Il est clair que notre magistrature est trop mal rétribuée. Si je ne prends pas moi-même l'initiative d'une proposition dans ce sens, c'est en premier lieu, parce qu'il me paraît convenable qu'une pareille proposition soit d'abord faite par le gouvernement ; ensuite qu'il ne m'est pas démontré qu'une réforme aussi sérieuse pût se faite sans une augmentation notable des charges publiques.
Voilà pourquoi je m'abstiens pour le moment. Mais lorsqu'il s'agira d'améliorer la situation financière des employés de l'Etat, je désire très vivement que le gouvernement et les Chambres se mettent d'accord pour faire passer en première ligne la réforme des appointements de la magistrature.
M. Desmaisières. - Messieurs, je crois devoir appuyer les observations de l'honorable M. d'Hoffschmidt, en faveur des employés des commissaires d'arrondissement.
Ces observations sont parfaitement justes. Il y a un autre point qui concerne les commissaires d'arrondissement et dont je crois devoir entretenir la Chambre.
Messieurs, à une époque où les économies étaient à l'ordre du jour, plusieurs commissariats d'arrondissement ont été supprimés. L'expérience acquise pendant les années écoulées depuis lors a pu établir l'utilité de revenir sur cette suppression, au moins pour quelques districts et notamment pour celui d'EecIoo, dont l'importance administrative est considérablement augmentée.
Il me suffira de citer comme ayant le plus contribué à amener ce résultat, le canal de Selsaete, le canal de Schipdonck, le canal d'Eecloo, le chemin de fer d'Eecloo à Gand, beaucoup de routes nouvelles et la création de nouveaux polders.
On voit aujourd'hui dans ce district de grands établissements industriels à l’instar de ceux de Gand et de Saint-Nicolas. D'autres viendront s'y joindre, il ne faut pas en douter.
Je désire donc qu'une enquête ait lieu sur la question de savoir s'il faut ou non rétablir les commissariats d'arrondissement qui ont été supprimés et dont le territoire a été annexé à d'autres districts.
Je désire surtout que cette enquête ait lieu pour le district d'Eecloo, qui a droit plus que tout autre à voir son commissariat rétabli.
(page 84) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, en 1848, époque à laquelle nous cherchions à faire partout des économies et des simplifications d'administration, on a supprimé quatre commissariats d'arrondissement. On a réuni notamment l'arrondissement d'Ostende à celui de Bruges, et celui d'Eecloo à celui de Gand. Ces deux derniers arrondissements réunis forment une circonscription de la plus grande importance, et s'il fallait revenir sur ce qui a été fait en 1849, je crois que le commissariat d'Eecloo devrait être rétabli un des premiers ; mais nous ne voyons pas encore la nécessité de revenir sur les réformes partielles opérées il y a onze ans.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article 38 est mis aux voix et adopté.
« Art. 39. Emoluments pour frais de bureau : fr. 88,850. »
- Adopté.
« Art. 40. Frais de route et de tournées : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art. 41. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843 : fr. 500. »
- Adopté.
« Art. 42. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice. Vacations des officiers de santé en matière de milice. Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 63,000. »
M. Coomans. - Messieurs, à plusieurs reprises, j'ai signalé l'inconvenance, l'injustice qu'il y a, selon moi, à assimiler les miliciens réfractaires aux voleurs et aux assassins, à les mettre même au-dessous de ces grands criminels.
A ce sujet, j'ai demandé la suppression du libellé et de la somme qui se rattache à ce libellé : « Primes pour arrestation de réfractaires. »
L'année dernière, je pense, M. le ministre de l'intérieur, tout en disant que la chose lui paraissait peu importante, m'a promis de supprimer le libellé pour son prochain budget M. le ministre aura oublié ce point ; mais, moi, je ne l'ai pas perdu de vue ; la reproduction de ce libellé me choque énormément ; je viens proposer à la Chambre de supprimer dans l'article 42 les mots « primes pour arrestation de réfractaires. «
Je n'ai pas besoin d'apprendre à la Chambre que ces primes n'existent pas pour d'autres malfaiteurs, qui méritent avec beaucoup plus de raisons toutes les sévérités de la loi.
Je propose donc formellement la suppression de ce libellé, et je demande à M. le ministre de l'intérieur de fixer lui-même le chiffre qui se rapporte au libellé, afin que je puisse compléter ma proposition.
De deux choses l'une : ou ce chiffre est élevé, et alors nous gagnerons quelque chose à le supprimer ; ou bien, comme je le pense, il est très minime, et alors M. le ministre ne voudra pas, pour une bagatelle, se priver du plaisir de rayer de son budget ces mots inconvenants.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, ce libellé existe depuis 183; il n'a jamais offusqué personne. Les primes payées pour arrestation de réfractaires se bornent à très peu de chose. On n'ena pas fait, pour ainsi dire, usage. Mais je ne puis pas dire à l'instant même s'il y a lieu de supprimer ce libellé. Je ne sais si l'année dernière j'ai promis d'examiner....
M. Coomans. - Oui.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Enfin cela m'est échappé. Eh bien, je vous promets cette fois d'examiner si, au prochain budget qui sera présenté dans quelques mois, il convient de faire disparaître le libellé.
M. Coomans. - Puisque c'est pour la dernière fois, je n'insiste pas sur ma proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai promis d'examiner, mais je ne m'engage à rien.
- L'article 42 est mis aux voix et adopté.
« Art. 43. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription. Frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 2,100. »
- Adopté.
« Art. 44. Inspections générales, frais de tournées et commandants supérieurs : fr. 6,885. »
M. le président. - La section centrale a adopté l'article 44, avec la faculté pour le gouvernement de transférer une somme de 4,185 fr. de l'article 44 à l'article 45.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est d'accord avec le gouvernement que la section centrale a soumis cette proposition à la Chambre.
M. le président. - La parole est à M. Van Humbeeck sur l'article 44.
M. Van Humbeeck. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la manière dont il est procédé, aux inspections générales de la garde civique, la façon dont il y est procédé me paraissant tout à fait irrégulière.
Un fonctionnaire éminent du département de l'intérieur, qui occupe en même temps une position élevée dans le grand état-major de la garde civique, s'est attribué ou plutôt on lui a attribué (car je suppose qu'il agit par ordre supérieur) dans ces inspections une mission qui, d'après moi, ne peut être la sienne.
Cependant les observations que je viens présenter à la Chambre n'ont, dans mon intention, aucun caractère personnel contre cet honorable fonctionnaire. Je n'entends traiter ici qu'une question de principe, de hiérarchie qui me paraît avoir une grande importance on du moins qui peut l'avoir dans des circonstances données.
Les fonctions d'inspecteur général de la garde civique ont été établies d'abord par un arrêté du gouvernement provisoire, puis confirmées, régularisées par la loi du 31 décembre 1830 qui est notre première loi sur la garde civique.
Cette loi, à côté de l'inspecteur général, avait établi un état-major ayant pour chef un officier du grade de colonel et se composant de plusieurs autres officiers de différents grades.
Par un autre texte de cette même loi, les fonctions d'inspecteur général avaient été dévolues à vie à M. le général baron d'Hooghvorst. C'était en quelque sorte une récompense nationale, admirablement entendue du reste, pour les services qu'il avait rendus à la cause nationale.
Mais il n'y a pas de services, ni de récompense nationale qui puisse soustraire aux atteintes de l'âge, et il se trouve que notre inspecteur général ne se sent plus la force de faire ces inspections par lui-même.
Surgit donc la question de savoir qui, dans ce cas, peut être appelé à le suppléer.
C'est cette question qui me semble avoir été, en pratique, mal résolue par le département de l'intérieur.
Toutes les lois qui se sont succédé sur cette matière, les arrêtés organiques rendus en présence de ces lois, n'ont jamais fixé d'une manière complète les règles de la hiérarchie.
Mais un principe général a été posé, c'est que dans la garde civique les rapports des supérieurs avec leurs inférieurs sont les mêmes que dans l'armée.
Dans le silence des lois et des arrêtés organiques, la question que j'ai soumise à M. le ministre de l'intérieur et à la Chambre doit donc être vidée par analogie des règles qui ont été adoptées dans l'armée.
Mais il se présente au premier abord une certaine difficulté : c'est que l'inspecteur général réunit à ce titre celui de général en chef.
Si l'on s'attache au titre de général en chef seul, il semble qu'on doive prendre pour règles celles qui sont relatives aux remises de commandement. Si l'on s'attache au titre d'inspecteur général, on doit faire appel à des règles spéciales.
Je dis que la difficulté n'existe qu'au premier abord. Voici pourquoi.
C'est que, qu'on le considère comme général en chef ou comme inspecteur général, ni dans l'un ni dans l'autre ordre d'idées, on ne trouve la justification de la marche suivie au département de l'intérieur.
Comme général en chef, l'honorable baron d'Hooghvorst ne peut être suppléé, d'après toutes les règles de la hiérarchie suivies dans l'armée, que par l'officier de la garde le plus élevé en grade après lui, c'est-à-dire par le plus ancien des commandants supérieurs ayant le grade de général.
Eh bien, messieurs, ce n'est pas du tout ce qui se fait.
Lorsque le général d'Hooghvorst ne peut remplir sa mission par (page 85) lui-même (et c'est le cas qui se présente le plus souvent), il est suppléé par son chef d'état-major qui n'a que le grade de colonel.
C'est une anomalie complète, c'est une confusion, c'est une méconnaissance des règles de la hiérarchie, et je dis que ce reproche que je fais au département de l'intérieur ne peut être évité en disant qu'on suit les règles qui sont plus spécialement relatives aux inspections qu'aux commandements, car si l'on considère le général d'Hooghvorst comme inspecteur général, en laissant de côté sa qualité de général en chef qui implique un commandement, on arrive à lui attribuer une mission tout à fait personnelle.
Dans l'armée un inspecteur général n'est suppléé de droit par personne. S'il ne peut faire son service par lui-même, personne n'a le droit de se mettre à sa place et lui-même ne peut désigner personne.
Il faut une nouvelle délégation qui vient immédiatement du chef de l'armée, du Roi et couverte par la responsabilité ministérielle.
Dans l'un ni dans l'autre cas on ne trouve la justification de la marche qui a été suivie au département de l'intérieur.
Maintenant, messieurs, je suppose même qu'on puisse admettre une délégation ministérielle, à défaut de délégation royale ; mais alors viennent de tout autres considérations, les considérations de convenances.
De quelle manière faut-il dans un pareil cas procéder à un pareil remplacement ? Il me semble qu'on doit se dire que la mission est excessivement importante, excessivement délicate et que ce n'est pas trop pour qu'elle soit remplie avec le caractère d'autorité qu'elle exige, de prendre un officier du rang le plus élevé qui existe dans la garde civique. C'est ce qui se fait dans l'armée lorsque de pareilles délégations spéciales sont nécessaires. Dans la garde civique il y avait aussi des précédents qui semblaient commander d'en agir ainsi.
Dans la loi que j'ai citée, la loi du 31 décembre 1850, à côté de l'inspecteur général, on avait créé un inspecteur général adjoint qui avait d'après la loi le rang d'officier général.
Dans un arrêté du 7 juin 1831, rendu en vertu de cette loi, il est question des détails des inspections générales de la garde civique, et un article de cette loi dit que les rapports de ces inspections seront remis au ministre de l'intérieur par l'officier général qui en avait été chargé.
Si je ne me trompe, à l'époque où cet arrêté a été rendu, les fonctions d'inspecteur général adjoint n'existaient déjà plus ; mais l'arrêté supposait néanmoins que les inspections pouvaient être faites par un autre que l'inspecteur général ordinaire et que dans ce cas, son remplaçant serait un officier général.
Je crois qu'on a eu tort de se départir du mode de procéder indiqué par la loi du 31 décembre 1830 et par l'arrêté du 7 juin 1831.
Il y a encore à tenir compte d'un principe général en matière de hiérarchie, c'est que les fonctions d'un chef d'état-major ne se rapportent pas aux inspections, mais bien au commandement.
Dans l'armée, un chef de corps d'armée quelconque, un commandant de division territoriale peut se trouver en même temps chargé d'une inspection générale, peut être inspecteur général d'une arme ; jamais le chef d'état-major ne lui sera attaché en sa qualité d'inspecteur, mais bien comme constituant son adjoint dans le commandement.
Pour prendre une comparaison qui rendra ma pensée saisissable pour tout le monde, un chef d'état-major est tout simplement au général ce que le capitaine adjudant-major est au colonel ou le lieutenant adjudant-major au chef de bataillon ; et jamais un colonel ni un chef de bataillon n'auront l'idée de se faire suppléer dans leurs fonctions par leur capitaine adjudant-major ni par leur lieutenant.
Je dis que c'est une question qui, dans plusieurs circonstances, peut n'avoir aucune importance ; mais qui peut en avoir une très grande dans certaines circonstances données.
Supposons, en effet, une grande solennité nationale ; supposons que, dans cette grande solennité, on réunisse, sous le commandement du général en chef inspecteur général, la garde civique de Bruxelles et celle de Gand, deux gardes ayant chacune à leur tête un officier général: supposons enfin qu'au dernier moment l'inspecteur général commandant en chef se trouve empêché de faire son service ; est-il possible d'admettre qu'il se fasse remplacer par son colonel chef d'état-major qui se trouverait ainsi placé au-dessus de deux officiers ayant rang d'officier général?
Il serait impossible au département de l'intérieur de ne pas renier en pareil cas tous ses précédents ; c'est pour cela que je dis que ces précédents ne se soutiennent pas et qu'il serait bon de revenir aux errements de la loi de 1830 et de l'arrêté du 7 juin 1831 ; c'est-à-dire de faire remplacer l’inspecteur général empêché par un autre officier de la garde ayant le grades de général.
Puisque je suis au chapitre de la garde civique, je me permettrai de présenter dès maintenant et afin de n'avoir plus à reprendre la parole, deux autres observations qui ont trait à d'autres articles de ce chapitre
A la fin de la dernière session un crédit a été voté et je l'ai appuyé en faveur de l'armement de la garde civique.
M. le président. - M. Van Humbeeck, un amendement relatif à cet objet a été déposé ; peut-être serait-il préférable de réserver cette partie de vos observations jusqu'à ce que cet amendement soit mis en discussion.
M. Van Humbeeck. - Je n'insiste pas, M. le président ; je n'avais d'autre but que d'éviter de prendre plusieurs fois la parole à propos de la garde civique.
Cependant je présenterai encore une observation générale. M. le ministre de l’intérieur est, en quelque sorte le père de la loi du 8 mai 1848. Cette loi offrait de très grands avantages, mais on l'a trouvée quelque peu sévère, quelque peu vexatoire, et en 1853 des réformes y ont été apportées. Sous le prétexte de corriger on a été beaucoup trop loin. M. le ministre de l'intérieur, qui s'est toujours montré si dévoué à la garde civique, pourrait-il-nous dire s'il n'entre pas dans ses intentions de nous présenter bientôt une nouvelle loi organique qui, sans avoir les inconvénients de la loi de 1848, n'offrît pas non plus ceux qu'on reproche à juste titre à la loi de 1853.
M. Manilius. - Je suis d'accord, en partie du moins, sur les observations de l'honorable préopinant qui tendent particulièrement à établir qu'un fonctionnaire, quel que soit son rang, ne peut pas être appelé à exercer une action d'autorité sur un autre fonctionnaire occupant un rang plus élevé ?
Je partage cette opinion en principe ; mais je n'admets pas que le fait se soit déjà produit ; je n'admets pas que des inspections aient eu lieu dans les conditions supposées par l'honorable membre, attendu que ce n'est pas en qualité de chef d'état-major que le colonel dont on a parlé a fait les inspections. Je ne pense pas que les inspections générales se soient jamais faites dans ces conditions.
Si je suis bien informé, l'honorable préopinant a fait allusion à l'inspection de la garde civique de Mons par un chef d'état-major ayant rang de colonel. Eh bien, messieurs, je crois que cet officier supérieur était parfaitement dans son droit : attendu qu'il était le plus ancien colonel et qu'il agissait en vertu de la mission que lui avait confiée l'inspecteur général de la garde civique.
En principe, l'officier chargé d'un service d'inspection doit avoir un grade supérieur à celui de l'officier qu'il est chargé d'inspecter et je ne pense pas que l'on se soit écarté de ce principe.
Quant aux fonctions en elles-mêmes, je crois aussi que l'honorable préopinant a commis une erreur. L'honorable membre a dit que les fonctions de chef d'état-major sont à peu près les mêmes que celles, par exemple, du capitaine adjudant-major. Un capitaine adjudant-major de régiment est l'adjudant du colonel ; il n'est pas, à proprement parler, le chef de l'état-major ; il occupe un des postes les plus élevés dans l'état-major, mais non le plus élevé ; le plus haut grade est celui de lieutenant-colonel.
Voilà des principes vrais, principes inscrits dans les règlement militaires et que nous ferons bien de suivre autant que possible ; surtout en ce qui concerne la hiérarchie, et les ordonnances du service et des manœuvres.
Je le répète, l'officier, soit adjudant, soit chef d'état-major, soit tout autre, peut être chargé de remplacer un fonctionnaire même du grade de général dans un commandement où il a le grade le plus ancien. Je tenais à faire cette observation afin qu'on ne puisse pas me taxer d'ignorance à cause de mon silence.
M. de Baillet-Latour. - La fin du discours de l'honorable préopinant m'oblige à prendre un instant la parole. J'ai aussi l'honneur d'occuper un grade supérieur dans la garde civique de la capitale et à ce titre, je crois devoir engager M. le ministre de l'intérieur à vouloir bien nous donner un mot d'explication sur la question qui vient d'être traitée. Cette question me semble pouvoir se résumer en ceci : l'inspecteur général des gardes civiques peut-il déléguer son colonel pour procéder aux inspections ; en d'autres termes, quelles sont les règles hiérarchiques à suivre en cette matière ?
Cette question, messieurs, a une importance incontestable, il importe, en effet, que les droits de chacun soient nettement définis ; il (page 96) importe que l'on sache quel est positivement l'officier supérieur qui, en cas d'empêchement du lieutenant général, peut être appelé à le suppléer. J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à nous donner sur ce point une explication bien précise et qui puisse servir de règle à l'avenir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne pensais pas avoir à fournir des explications à propos de l'article dont il s'agit.
Le ministre, à certaines époques, fait inspecter la garde civique dans les provinces. La loi suppose l'inspection faite par le général en chef. Il a sous lui un état-major dont le chef est un colonel.
Le ministre prescrit au général en chef de faire des inspections à telles ou telles époques.
Au moment de faire une inspection, le général empêché par l'âge ou par la maladie écrit qu'il ne pourra pas la faire : alors le ministre charge le colonel chef de l'état-major de cette inspection.
L'inspection se fait ainsi dans des conditions très régulières et partout elle se fait à la satisfaction générale des gardes. Nulle part il n'y a eu l'ombre d'une réclamation de la part de qui que ce soit ; l'inspection se fait au nom du ministre par un colonel chef d'état-major de la garde civique.
Je reconnais que dans les localités où il existe un commandant supérieur il pourrait peut-être y avoir certains inconvénients à faire inspecter la garde par un simple colonel, mais cela ne s'est pas présenté, car l'inspection ne s'est faite ni à Gand, ni à Bruxelles. Là d'anciens généraux sont commandants supérieurs, on suppose que le service se fait d'une manière plus sévère que partout ailleurs. Dans les autres localités l'inspection a été faite cette année par le colonel de l'état-major de la garde civique et elle a été faite, je le répète, à la satisfaction générale.
En fait, on ne niera pas l'utilité des inspections, on ne niera pas que le ministre a le droit de faire faire les inspections ; il pourrait les faire lui-même, sans être revêtu d'uniforme, en sa qualité de ministre ; je ne crois pas qu'un commandant aurait le droit de lui dire : Vous n'êtes pas mon supérieur en grade, mon ancien. Il pourrait faire l'inspection lui-même, il peut déléguer quelqu'un à sa place ; c'est ce qu’il fait, à la grande satisfaction de la garde et à la grande utilité de l'institution.
Les observations de l'honorable membre, qui n'avaient du reste rien de personnel au colonel dont il s'agit, manquent donc de fondement.
Je crois qu'il faut encourager le gouvernement à faire ces inspections ; elles produisent sur la garde un bon effet ; elles forcent les comptables à se tenir au courant et les officiers à veiller à ce que l'armement soit tenu en bon état. Quand une inspection est annoncée, chacun est sur ses gardes et l'ordre s'introduit dans le service.
En même temps qu'il inspecte la garde, le délégué s'occupe des questions relatives à l'emplacement du tir, des constructions à faire, des subsides à accorder ; l'inspecteur a été chargé de s'entendre avec les commandants pour arriver à la formation de compagnies spéciales au sein de la garde. C'est une mission spéciale dont il a été chargé. Je n'ai qu'à me féliciter de cette innovation ; mon intention est de la continuer dans l'avenir comme par le passé. Voilà un an qu'on l'a commencée, elle sera continuée d'année en année.
M. Van Humbeeck. - Je demande la parole. Je n'ai qu'un mot à dire, car je pense que nous sommes d'accord. Le but de mes observations était de lever un doute qu'il peut y avoir sur la marche suivie par le département de l'intérieur, quant à l'inspection de la garde civique. Est-il entendu que le colonel, dans ses inspections, procède non comme chef de l'état-major général de la garde civique, mais comme délégué du ministre de l'intérieur, et qu'il ne peut être délégué pour inspecter un corps commandé par son supérieur en grade ou un égal en grade, mais plus ancien que lui.
Est-il entendu que le ministre, par la délégation faite à ce colonel, ne pourrait pas faire inspecter un colonel chef de corps plus ancien que lui en grade par conséquent, quoique de grade égal, son supérieur ? Est-il entendu qu'il ne pourrait pas faire inspecter par lui un commandant supérieur d'un grade plus élevé que le sien ?
Du moment que nous sommes d'accord sur ces trois points, il n'y a plus de débat possible. C'est sur ces points qu'un doute s'était élevé.
Que le ministre a le droit d'inspection, c'est évident ; mais qu'il l'exerce lui-même ou qu'il délègue son droit comme je viens de l'indiquer. Hors de là, je ne peux pas l'admettre.
M. Manilius. - Nous sommes d'accord que la hiérarchie du grade doit être respectée dans tout ce qui a rapport au service militaire de la garde civique ; mais en dehors de cela, un officier d'état-major quel que soit alors son grade peut être chargé d'une inspection, comme un intendant militaire, qui n'a que le grade de capitaine, est chargé d'inspecter l'administration, la comptabilité, ou même l'armement d'un corps ; on ne fait pas exécuter de manœuvre devant lui, on ne fait pas parader les troupes, il inspecte l'armement, l'habillement, la comptabilité, l'administration en un mot.
Il est entendu que s'il s'agissait de l'application des règlements militaires, la hiérarchie serait observée pour la garde civique en général, comme elle l'est pour l'armée.
Je saisirai cette occasion pour recommander à M. le ministre, quand il survient des ordonnances contenant des innovations pour les manœuvres dans l'armée, de les communiquer aux commandants de la garde civique ; il faut que la garde civique soit tenue au courant des innovations et mise à même de manœuvrer comme la troupe de ligne ; c'est d'ailleurs prescrit par la loi. C'est pour que, sur le terrain, la garde civique puisse manœuvrer concurremment avec la troupe de ligne que j'engage M. le ministre à lui faire communiquer toutes les ordonnances relatives aux manœuvres des troupes d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie qui peuvent paraître.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable membre se trompe sur les points de fait et de droit qu'il vient d'indiquer comme entendus entre nous. Je n'ai pas dit qu'un colonel délégué du ministre ne pourra pas inspecter uei légion commandée par un colonel plus ancien que lui ; le droit du gouvernement est absolu. Le gouvernement a le droit de faire inspecter, n'importe par qui, de déléguer qui il veut ; un colonel serait mal venu à ne pas vouloir laisser inspecter sa légion par un colonel moins ancien que lui, investi d'un mandat de l'autorité supérieure.
Il y a des raisons de convenance à prendre en considération ; je les ai signalées tout à l'heure; mais le droit d'inspecter la garde civique reste absolu dans les mains du ministre. Il s'agit seulement d'en faire un usage conforme aux convenances, et c'est ce qui a été fait.
M. Goblet. - Je ne puis admettre la doctrine de M. le ministre de l'intérieur, parce qu'avec ce système on pousse excessivement loin le droit de délégation du ministre. Celui-ci pourrait désigner un sous-Iieutenant ou un simple garde pour inspecter la garde civique. Votre système est entier ou il ne l'est pas. Eh bien, il est évident que si vous pouvez déléguer toute personne que vous jugez convenir, vous pourrez aller jusqu'à déléguer un officier inférieur ou un simple garde. Eh bien, ce droit vous ne devez pas l'avoir.
Vous, ministre, en qualité de chef suprême de la garde civique, vous pouvez l'inspecter. Mais constituer un inspecteur de votre propre autorité, alors que cet inspecteur n'a pas le droit d'inspecter par lui-même, c'est ce que vous ne pouvez faire. Vous ne pouvez faire inspecter un officier supérieur par un officier inférieur. Ce sont des règles que vous ne pouvez changer.
Il est vrai que vous avez l'habitude de traiter les affaires de la garde civique un peu en famille. Mais je crois qu'elles doivent être traitées aussi sérieusement que celles de l'armée. Si la garde civique a quelques côtés imparfaits, il ne faut pas, en la rendant plus imparfaite encore, rendre son service impossible.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne puis admettre de semblables récriminations. Je n'ai reçu de plaintes de qui que ce soit ; pas un officier n'a fait d'observation au ministre. Dès lors je ne puis accepter une critique qui me représenterait comme ne tenant aucun compte de la dignité de la garde civique. En vue de la fortifier, de maintenir la discipline dans ses rangs, l'ordre dans son administration, j'ai délégué à un officier supérieur, chef d'état-major, le droit d'inspection ; et je m'applaudis du choix que j'ai fait.
On vient maintenant me supposer l'intention de déléguer un simple garde, un brigadier ou je ne sais qui. Il ne faut pas me supposer de pareilles intentions. Si je m'avisais de faire semblable chose, je concevrais vos critiques. Mais jusque-là je ne puis les accepter.
- La discussion est close.
L'article 44 est adopté.
« Art. 45. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, magasin central, etc. (Une somme de 4,185 francs pourra être transférée de l'article 44 à l'article 45) : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 46. Personnel du magasin central : fr. 3,115. »
- Adopté.
(page 87) « Art. 47. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 48. Tir national : fr. 25,000. »
M. le président. - Le bureau a reçu un amendement ainsi conçu :
« A ajouter à l'article 48 sous le n°48bis :
« Frais de concours et d'expériences pour arrêter un type de carabine de guerre uniforme à adopter par les sociétés de tir et les corps de la garde civique, armés de carabine : fr. 40,000 fr.
« (Signé) Orts, De Fré, Van Humbeeck. »
La parole est à l'un des auteurs de l'amendement pour le développer.
M. Orts. - Messieurs, l'amendement que nous avons l'honneur de présenter sera développé par moi en peu de mots et par des considérations fort simples. J'ai pour cela deux motifs : d'abord parce que, au fond, ce n'est pas, malgré ce qu'on pourrait croire, une grosse question que je viens soulever ; et en second lieu parce que cet amendement devait être développé par l'honorable membre qui en avait eu la première pensée, par l'honorable M. Jamar, qu'une circonstance empêche d'assister à nos débats.
Le gouvernement a, depuis quelque temps, donné un grand essor à l'institution du tir national ; il a stimulé les gardes civiques et les personnes étrangères à cette partie de la force publique, qui cherchaient, dans des tirs particuliers, à se perfectionner dans le maniement des armes de guerre.
M. le ministre de l'intérieur vient de nous annoncer tout à l'heure que le gouvernement persévère dans cette voie et qu'il a même attiré sur ce point l'attention de l'officier supérieur chargé de l'inspection de la garde civique. Je l'en remercie pour ma part, et je crois que parmi toutes les améliorations dont l'organisation de la garde civique est susceptible chez nous, il n'y en a pas de plus sensible, de plus pratique, de plus réellement utile que le développement des tirs spéciaux et du tir national qui vient les couronner, que d'apprendre au garde civique à manier utilement une arme, le jour où le pays croirait pouvoir compter non seulement sur son courage, mais sur son expérience.
Mais s'il est bon d'encourager le tir national et les tirs qui sont pour ainsi dire préparatoires à ce dernier, il faut aussi conserver à ce dernier le caractère d'utilité qui détermine les encouragements de la Chambre et du gouvernement. Ce n'est pas en effet pour favoriser le goût d'un divertissement ou d'un exercice gymnastique que nous chargeons le budget d'une somme assez importante pour encourager les tirs. Nous voulons que ces tirs aient un but, un résultat, une utilité sérieuse. Par conséquent il faut que l'on habitue, à l'aide de ces tirs et par l'appât qu'ils présentent aux populations, au maniement des armes de guerre, au maniement des armes qui, au jour du danger, peuvent être utiles à celui qui les porte.
Si l'on n'avait envie que d'encourager un divertissement très honnête et favorable au développement de la santé, ce serait une affaire de médiocre importance et qui ne mériterait pas, je le répète, les sacrifices que nous faisons. Mais voici l'inconvénient grave auquel il s'agit de porter remède. Aujourd'hui quiconque se présente au tir national, peut tirer avec l'arme qu'il est habitué de manier. Or, ces armes sont aussi différentes à peu près que les caprices de ceux qui les portent. Du moment que le tireur qui prend part au tir national n'appartient pas à la garde civique, il peut se servir de l'arme de son choix, de l'arme de sa fantaisie ; or, le maniement de ces armes de fantaisie est quelque chose de parfaitement inutile au point de vue où le gouvernement et la représentation nationale se placent en encourageant les tirs.
En effet, l'arme de fantaisie est une arme qui, au jour de danger sera sans utilité aucune pour celui qui aura acquis l'habitude de la manier. Je dis plus ; ce sera une arme frappée de stérilité entre ses mains, parce que chacune de ces armes de fantaisie a un calibre différent, et que par conséquent il faudrait que chacun de ceux qui les portent eût un approvisionnement particulier dans sa poche, ce qui est inconciliable avec la régularité que l'on doit avoir dans les moments où le maniement de l'arme devient sérieux.
Nous voulons remédier à cet inconvénient à l'aide d'une dépense que je crois d'une minime importance en présence de l'utilité de la chose.
Le gouvernement pourrait, à l'aide d'un concours et de quelques expériences, arriver à déterminer facilement quel est, au point de vue de la solidité, de la facilité du maniement, l'arme de guerre qu'il convient de recommander aux tireurs et de recommander aux compagnies de la garde civique qui sont armées de carabines et qui ont les unes des carabines d'une espèce, les autres des carabines d'une autre espèce. Je ne parle pas de l'infanterie, car je crois que le seul parti à tirer des fusils de l'infanterie de la garde civique ce serait de les vendre aux prix qu'on pourrait en obtenir.
Si le gouvernement avait déterminé ainsi, par un concours et par des expériences, une arme utile, on verrait toutes les sociétés de carabiniers s'empresser d'adopter cette arme, à la condition qu'on pût se la procurer à un prix modéré.
Le tir national deviendrait ainsi quelque chose de beaucoup plus équitable ; tous les tireurs seraient sur la même ligne et tous auraient acquis l'habitude du maniement d'une arme utile.
II y aurait de plus cet immense avantage que si un jour le gouvernement devait faire appel au courage individuel des enfants de la Belgique, il aurait de grandes facilités à remplir son premier devoir en pareille circonstance : c'est de mettre à leur disposition des munitions dont il leur soit possible de se servir. Je dis que c'est là un point de la plus haute importance, et sans vouloir faire de l'érudition militaire, ce qui m'irait excessivement mal, je rappellerai un document très récent, le rapport du général de Lamoncière qui attribue en grande partie ses revers à l'impossibilité où il était do donner à ses troupes des munitions convenables, parce qu'elles étaient munies d'armes reçues en cadeau de toutes les parties du monde.
Je désire donc que le gouvernement veuille bien faire le nécessaire pour arriver à déterminer une arme uniforme. Le gouvernement ne sait peut-être pas combien cette mesure est réclamée par l'opinion publique.
II y a une foule de sociétés de carabiniers prêtes à se constituer, mais elles sont arrêtées par cette difficulté que les armes dont elles pourraient se munir actuellement seraient peut-être, plus tard, déclarées défectueuses par le gouvernement.
Ce que nous demandons a été fait dans tous les autres pays où l'on a voulu se préparer à utiliser au besoin la bonne volonté des citoyens ; en Hollande, en Angleterre, en Suisse, on a fait des concours, et l'on est arrivé en Hollande et en Suisse, à des résultats heureux.
Pour obtenir également ces résultats, pour que le gouvernement puisse, dans un cas donné, fournir à la garde civique mobilisée et aux populations qui accourraient sous les drapeaux des munitions en rapport avec leurs armes, pour atteindre ce but nous demandons un bien faible sacrifice ; nous demandons une somme de 10,000 fr. et nous croyons cette somme plus que suffisante ; nous sommes persuadés qu'au moyen d'indications précises données par M. le ministre de l'intérieur, on pourrait s'entendre sur un chiffre moindre. On donnerait un prix de 5,000 francs à celui qui fournirait l'arme la meilleure, la plus simple, la plus facile à manier, la plus portative ; le reste de la somme serait consacré à quelques prix secondaires.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande le renvoi de cet amendement à la section centrale. Je demande aussi à pouvoir réfléchir avant de me prononcer définitivement.
Je rends hommage aux honorables auteurs de l'amendement. Il serait, en effet, très avantageux d'arriver le plus tôt possible à l'uniformité dans l'armement de la garde civique et de l'armée, car si l'on n'obtenait pas l'uniformité de calibre et de munitions, il pourrait en résulter, dans un moment donné, la plus fâcheuse confusion.
Voilà donc le problème à résoudre, c'est d'arriver à l'uniformité d'armement, à l'uniformité de munitions. Les questions qui se rattachent à ce problème ont été et sont encore agitées dans d'autres pays et elles n'ont pas reçu de solution définitive, même en Suisse, en Hollande et en Angleterre ; on continue les recherches.
Je pense qu’après de profondes études faites par des hommes compétents, le département de la guerre a déterminé un modèle ; il sera trèsdifficile au département de l'intérieur d'introduire un autre modèle et surtout un autre calibre.
La commission directrice du tir national, composée d'hommes très compétents, s'applique à rechercher l'arme qui pourrait être la plus convenable.
Plusieurs armuriers, sans attendre la prime que l'on promet, se sont mis à l'œuvre ; on fait des essais sur plusieurs points, et le ministre de l'intérieur pourra bientôt soumettre à l'examen d'une commission spéciale un certain nombre de carabines ; mais il est indispensable que (page 88) le ministère de l'intérieur marche d'accord avec le ministère de la guerre, si l'on veut arriver à l'unité dans l'armement et dans les munitions.
M. Orts. - Messieurs, j'appuie moi-même le renvoi de l'amendement à la section centrale, et j'ai demandé la parole pour remplir envers M. le ministre de l'intérieur ce que je considère comme un devoir de convenance.
Je sais que la question est grave et j'aurais prévenu M. le ministre de la présentation de l'amendement si cette présentation n'avait pas dû être faite par M. Jamar, qui se trouve dans l'impossibilité d'assister à la séance.
L'amendement n'a pas une portée aussi considérable que le pense M. le ministre de l'intérieur ; il ne s'agit pas d'un modèle d'arme uniforme pour l'armée et pour la garde civique.
H y a deux catégories très différentes d'armes ; il y a les armes qui doivent être employées par les troupes appelées à agir en corps et les armes à employer par les troupes qui font le service de tirailleurs. C'est la carabine particulièrement qui joue ce dernier rôle. Jamais on n'a songé, ni au département de l'intérieur ni au département de la guerre, à avoir un seul modèle d'arme pour toutes les catégories de soldats et de gardes civiques.
M. le président. - Le bureau a été chargé de compléter la section centrale qui s'occupe de l'examen du projet de loi sur la propriété littéraire et artistique.
Le bureau a nommé membre de cette section centrale M. Dolez qui l'a présidée en qualité de premier vice-président de la Chambre, et qui consent à y rester dans une position plus modeste.
- Sur la proposition de M. le président, la Chambre décide qu'elle se réunira demain à 2 heures en séance publique, pour continuer la discussion des articles du budget de l'intérieur.
M. Allard (pour une motion d’ordre). - Messieurs, hier, au commencement de la séance, on a présenté, au milieu de l'inattention générale, l'analyse de la pièce suivante :
« Par dépêche du 20 novembre, M. le ministre de l'intérieur fait connaître qu'il a chargé une commission d'examiner et de déterminer quelle part revient au sieur Fafchamps, dans l'invention et la propagation des machines à traction directe destinées à l'épuisement des mines, et transmet à la Chambre ;
« 1° Une expédition de l'arrêté instituant la commission ;
« 2° Une copie des instructions qui ont été données à celle-ci ;
« 3° Une copie du rapport de MM. Liagre, Brasseur et Lamarle. »
La Chambre a ordonné le dépôt des pièces au bureau des renseignements ; mais il est impossible qu'au milieu du bruit, les membres de l'assemblée aient entendu l'analyse qui était présentée.
La Chambre se rappellera que maintes fois il a été question des pétitions du sieur Fafchamps qui se prétend l'inventeur d'une machine d'épuisement à traction directe. Un rapport a' été fait par l'honorable M. De Fré, et il faut avouer que, dans ce rapport, un autre honorable citoyen, qui a propagé aussi une machine à traction directe, a été plus ou moins maltraité.
Je demande que la lumière se fasse enfin sur cette question ; et pour atteindre ce but, je propose à la Chambre d'ordonner l'impression du rapport de MM. Liagre, Brasseur et Lamarle.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On pourrait faire imprimer toutes les nièces qui ont été déposées.
M. Allard. - Je me rallie à cet amendement.
- La proposition de M. Allard, ainsi modifiée, est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.