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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 16 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 271) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dumon donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Lille-Saint-Hubert demandent qu'il soit interdit, pendant les mois d'avril à novembre, de faire dériver dans le Wormbeke les eaux surabondantes du canal. »

- Renvoi à la commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Convent propose de remplacer l'octroi dans les villes et la contribution personnelle dans les communes par une taxe sur le loyer réel des maisons, bâtiments, fabriques et autres propriétés occupées. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la contribution personnelle.


« Le sieur Schavaete réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une réponse à la demande qu'il a présentée à M. le ministre de la justice. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Harquin, ancien préposé des douanes, demande une augmentation de pension ou un secours. »

- Même renvoi.


« Les facteurs ruraux du canton de Rochefort demandent une augmentation de traitement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Un grand nombre de fabricants de Verviers demandent la libre entrée des houilles et l'abolition des droits sur la fonte. »

M. Closset. - Cette pétition, messieurs, est celle dont on a entretenu la Chambre dans la séance d'avant-hier. Il y est déjà fait droit en partie par le projet de loi que M. le ministre des finances a déposé hier portant règlement temporaire du tarif à l'entrée des houilles.

Il reste néanmoins un point fort important à examiner : c'est l'abolition ou au moins une très forte réduction du droit sur l'entrée des fontes, sans laquelle l'entrée libre des houilles serait presque sans effet.

Vous savez, messieurs, que la rareté excessive de la houille dont on souffre depuis quelque temps provient de la grande consommation que les hauts fourneaux font en ce moment de ce combustible, pour produire la fonte qui leur est demandée. Si l'on veut obtenir un résultat utile, il est nécessaire de se préoccuper autant de la fonte que de la houille, et je désire que les sections de la Chambre, en examinant le projet de loi qui va leur être soumis, y portent leur attention.

Je demande, en attendant, que la pétition soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée de faire le rapport sur le projet de loi dont je viens de parler.

- Adopté.


« Par dépêche du 11 décembre, M. le ministre des finances transmet des explications sur la pétition du sieur Bouquié-Lefebvre, relative à la restitution d'un droit de cautionnement. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Section I. Ponts et chaussées
Article 6

M. le président. - La discussion continue sur l'art. 6 et l'amendement de M. Magherman y relatif.

M. Dumortier. - Messieurs, j'avais demandé la parole hier pour vous présenter en grande partie les observations que vous a faites mon honorable ami, M. de Man. Il est un fait incontestable, c'est que le système actuel quant aux grandes routes pavées ne peut plus être suivi. Voici comment les choses se sont passées.

A la suite de la révolution de 1830, il y avait un excédant considérable sur le produit des barrières ; cet excédant devait être employé à la construction de routes nouvelles. Dans le principe, vers 1831 ou 1832, la Chambre s'était réservé de décréter par son budget les routes qu'on aurait faites dans le pays, au moyen de l'excédant du produit des barrières qui s'élevait, je pense, à 700,000 fr. ; cependant, on a délégué plus tard au gouvernement le soin de répartir cet excédant ; ensuite, on a créé les chemins de fer qui, aujourd'hui, ont rendu une grande partie de ces routes complètement inutiles ; il en est une foule dans le pays qui ne sont connues au budget que par les frais d'entretien qu'elles exigent.

Maintenant, depuis plus de vingt ans, le système des voies de grande communication, utiles, fructueuses, qui rapportent leurs dépenses, est en réalité terminé ; devons-nous continuer d'apporter tous les ans au budget des sommes considérables pour un travail qui est terminé ? Ou bien devons-nous pousser davantage vers la construction des chemins vicinaux ? Dans cette alternative, je n'hésite pas à déclarer que c'est vers les communications vicinales que nous devons surtout diriger dos efforts.

En effet, les grandes communications étant faites, savez-vous ce qui arrivera, si vous continuez l'ancien système ? Vous ferez des communications infructueuses qui, au lieu de vous procurer des revenus, viendront aggraver les charges de votre budget, tandis que les subsides que vous accordez pour la construction de chemins vicinaux rendent le plus grand service qu'on puisse rendre aux populations rurales ; d'un autre côté, cela ne grève nullement notre budget pour l'avenir.

Il est donc évident que c'est dans ce second système que nous devons verser, si nous voulons faire chose utile. Je pose en fait que presque toutes les routes qui sont maintenant entreprises ne couvriront jamais leurs dépenses ; il n'y aura pas assez de voyageurs pour que le produit des barrières puisse suffire aux frais d'entretien.

Ajoutez à cela tout le cortège des dépenses de bureau, de surveillance et des embarras sans nombre, les indemnités que ce système engendre, tandis que dans le système vicinal tout est fait par les communes avec la plus sévère économie, avec le concours de la province, sous la direction des commissaires-voyers et la surveillance de la députation provinciale. En procédant ainsi, avec la même dépense, vous quadruplez les travaux exécutés ; puisque le gouvernement n'intervient que pour un quart dans la dépense ; avec un million de subsides, vous faites pour quatre millions de routes ; vous quadruplez donc les services rendus à la population, et vous n'avez pas grevé l'avenir de vos finances.

Après la création de toutes les routes pavées faites depuis 25 ans, après les constructions de chemins de fer exécutées par l’Etat ou par voie de concession que nous possédons, c'est vers le développement des chemins vicinaux que doivent tendre tous nos efforts.

Un autre point à considérer, c'est qu'en continuant le système suivi jusqu'à présent, il arrivera que des provinces se trouveront complètement déshéritées ; il y en aura pour lesquelles vous voterez des dépenses et d'autres pour lesquelles vous n'en pourrez pas faire.

J'ai entendu que la Flandre orientale faisait de vives réclamations ; elle a dû à la sagesse de son administration sous le gouvernement précédent de se créer une grande quantité de routes ; il en a été de même dans le Hainaut. Par qui toutes ces routes ont-elles été payées ? Par les habitants de la Flandre et du Hainaut.

Maintenant vous prenez leur argent pour faire des routes là où il n'y a pas de circulation et une population très disséminée à laquelle vous faites un don gratuit à charge du budget. La Flandre occidentale a fait d'énormes sacrifices pour avoir des routes, qu'arrivera-t-il ? Que la Flandre occidentale comme les autres provinces qui se sont imposé les plus grands sacrifices, n'aura rien, tandis que les provinces qui n'ont pas fait de sacrifices pour les chemins vicinaux seront favorisées par le budget. Un pareil état de choses ne peut pas continuer.

Une chose incontestable, c'est que toutes les communications générales sont terminées. On fait aujourd'hui des chemins vicinaux qu'on décore du titre de routes de deuxième classe pour donner de l'ouvrage aux ingénieurs qui en sont chargés.

Une deuxième considération a été présentée par mon honorable ami, M. de Man.

Dans la section centrale du budget de l'intérieur nous avons été frappés d'une chose c'est de la tendance qu'on avait au département de l’intérieur de créer un corps complet d'ingénieurs civils, à propos des ruisseaux et cours d'eau ; on demande un crédit pour faire une carte de tous les cours d'eau de la Belgique avec les nivellements. C'est un travail déjà en partie fait par le département de la guerre qui nous entraînerait à des dépenses considérables ; car, pour le faire, il faudrait créer toute une catégorie d'ingénieurs.

Il en résulterait que vous auriez une catégorie d'ingénieurs au département des travaux publics qui n’aurait rien à faire et vous en créeriez une seconde au département de l'intérieur ; vous auriez deux corps d'ingénieurs, l'un au ministère de l'intérieur, l'autre au ministère des travaux publics. Ce qu'il y a à faire, c'est de réunir au département de l'intérieur le crédit affecté aux chemins vicinaux, en stipulant qu'à l'avenir il ne pourra être créé de grande voie de communication sans vote des chambres, comme on l'a toujours fait en 1831, 1832 et 1833, dans les premières années de notre existence politique.

Par ce moyen, la majeure partie des sommes que vous votez devra être utilisée pour la création de chemins vicinaux que toutes les provinces réclament également.

Je pense donc que ce serait un grand bienfait que la réunion au département des travaux publics de la division du ministère de l'intérieur qui concerne les chemins vicinaux. Veuillez remarquer, d'ailleurs, que le ministère de l'intérieur est surchargé de besogne ; c'est le minisîère qui, chez nous, a le plus d'attributions. Or, il est évident qu'en le déchargeant d'une partie de la besogne et en donnant cette partie à celui qui a le corps des ponts et chaussées dans ses attributions, vous aurez fait un acte excellent d'administration.

Vous le voyez, messieurs, tout concourt à faire admettre le système que vous a proposé mon honorable ami M. de Man, système que vous avait déjà indiqué un autre honorable collègue, M. de Naeyer. L'intérêt public, l'intérêt bien entendu de l'administration, l'intérêt si grand des campagnes, la juste répartition des subsides entre les provinces, l'intérêt du trésor public qui demande que l'on ne crée pas des routes (page 272) infructueuses ne devant figurer au budget que par le déficit qu'elles produiront chaque année, tout concourt à faire admettre la proposition de mes honorables amis. Pour mon compte, je l'appuie de toutes mes forces, car nous sommes arrivés à un point où il faut reconnaître que la Belgique possède toutes ses grandes communications utiles, que les communications que l'on tenterait de faire à l'avenir ne seraient que des chemins vicinaux que l'on décorerait du nom de chemins généraux afin de les mettre à la charge du budget, sans l'intervention de la province et des communes.

Je pense donc qu'il faut admettre cette proposition et que ce sera une des meilleures améliorations qu'il nous sera donné de voter.

Il est bien entendu que je n'entends pus toucher aux routes en voie d'exécution. Celles-là devront être continuées. Je n'entends parler que de l'avenir.

M. Vilain XIIII. - Les routes en construction ne seront finies qu'en 1857.

- Un membre. - S'il y a des engagements pris.

M. Dumortier. - C'est une affaire à régulariser. Mais les engagements pris diminuent chaque année. Chaque année il y a des routes qui se terminent, et lorsqu'une route est terminée, il n'y a plus d'engagement pris. Mais je ne veux pas que le gouvernement continue dans le système de créer des routes de grande communication sans le vote des Chambres, parce que je pourrais citer un grand nombre de routes semblables qui sont complètement inutiles au point de vue de la grande communication et qui n'amènent que de la perte pour le trésor public.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la discussion que soulèvent les honorables MM. de Man et de Naeyer peut se résumer dans deux questions : la première : serait-il utile, dans l'état actuel des choses, d'augmenter la dotation de 300,000 fr. qui figure au budget de l'intérieur pour la voirie vicinale ? La seconde question consiste, à mon sens, à savoir s'il convient de réduire l'allocation qui figure au budget des travaux publics pour la construction de routes nouvelles.

Eh bien, pour la seconde proposition (je viendrai tantôt à la première), je dois m'y opposer dans l'intérêt des provinces qui réclament avec une insistance extrêmement vive auprès du département des travaux publics pour la prompte exécution de routes qui, quoi qu'en dise l'honorable M. Dumortier, présentent un caractère d'utilité très réelle.

Je vais faire connaître à la Chambre les routes qui aujourd'hui sont en voie d'exécution et qui, si le crédit est maintenu intégralement, pourront être achevées avant très peu d'années d’ici.

Voici ces routes :

Province d'Anvers.

Achèvement de la route de Turnhout à Tilbourg, 200,000 francs. C'est une route qui a un caractère international, et le gouvernement des Pays-Bays insiste très vivement auprès du gouvernement belge pour qne cette voie de communication utile soit achevée dans le courant de l'année 1854 ou de l'année 1855.

Brabant.

La route de Wavre vers Huy, 195,000 fr.

Le prolongement de la rue de la Loi, 300,000 fr.

M. Dumortier. - ;Ce n'est pas là une route de grande communication.

M. Thiéfry. - C'est une erreur. C'est une route de grande communication, vivement réclamée par l'utilité publique.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est une voie de grande communication qui est décrétée, et je ne pense pas qu'il y ait une route qui ait une importance plus considérable que celle-là.

Flandre orientale.

L'honorable M. Dumortier est dans l'erreur quand il croit qu'il n'y a plus de routes à faire dans la Flandre occidentale. Voici les routes qui y sont décrétées ou en voie d'exécution :

Route de Deerlyck à Caester, 80,000 fr.

Route d'Ingelmunster à Vive-St-Eloy, 70,000 fr.

Route de Poelcapelle à Eessen, 140,000 fr.

Route d’Ypres vers Bailleul, 70,000 fr.

Route de Bloemendaele à Zedelghem, 100,000 fr.

Hainaut.

Route d’Ath à Frasnes, 80,000 fr.

Route de Dour vers Bavay, 20,000 fr.

Liége.

Roule de Huy à Stavelot, 350,000 fr.

Route de Huy vers Wavre, 200,000 fr.

Redressement de la route de Francorchamps à Stavelot, 60,000 fr.

Limbourg.

Route de Hasselt vers Maestricht ;: 50,000 fr.

Route de Riempst à Hollembaye, 140,000 fr.

Luxembourg.

Route de Rochefort à Cribelle, section de Wellin à Gribelle ;: 150,000 fr.

Namur.

Route de Gedinne à Charleville ;: 110,000 fr.

Route de Rochefort à Gribelle, section de Rochefort à Wellin ;: 160,000 fr.

En total donc, 2,475,000 fr.

M. de Naeyer. - Il n'y a rien pour la Flandre orientale.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Nous parlons des routes en construction. Je vais venir aux routes en projet. C'est ce qui fait l'erreur de l'honorable préopinant : il confond les routes en construction avec les routes dont l'utilité n'est pas encore décrétée et dont on me demande chaque jour de décréter l'utilité. Ainsi l'honorable M. de Naeyer serait très contrarié, si je ne décrétais pas d'utilité publique la route de Ninove à Hal, et l'honorable membre sait qu'il faut une dépense d'au moins 200,000 francs pour amener cette route à exécution.

Ainsi pour les routes en construction, il faut une dépense de 2,475,000fr., et l'on ne pourra, en maintenant intégralement le crédit qui figure au budget, achever ces routes que dans les exercices prochains. Si le crédit était réduit, la chambre aura la responsabilité des retards. En cas de réduction du crédit, il est évident que ce sera une nécessité pour le département des travaux publics de reculer l'époque de l'achèvement des routes en construction et l'on arriverait à 1858 ou 1859. Il aura une obligation d'une autre nature, ce sera d'ajourner la construction des routes dont l'utilité n'est pas encore décrétée.

Or, ces routes figurent pour une nouvelle somme de 3,387,000 fr., et c'est ainsi qu'on arrive au chiffre de 5,872,000 fr. que j'ai entendu indiquer hier et qui figure, je crois, dans le rapport de la section centrale.

Ces routes, je n'ai pas besoin d'en faire rénumération devant la Chambre. J'ai le tableau de ces routes sous les yeux.

M. Dumortier. - Quelles sont ces routes ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si la Chambre le désire, je puis les énumérer.

Dans la province d'Anvers, les routes d'Hoogstraeten vers Bréda et de Moll vers Hamont.

Dans la Flandre orientale, la route de Ninove à Hal.

Dans la Flandre occidentale, la route de Nieuport à Pervyse.

Dans le Hainaut, le redressement de la route de Mons à Chimay.

Dans la province de Liège, la route de Berneau à Vaels.

Dans la province de Limbourg, les routes de Hamont à Moll et d'Achel à Peer.

Dans le Luxembourg, le redressement de la route d'Ostende à Arlon.

Dans la province de Namur, les routes de Gedinne vers Hargnies, de Beauraing vers Civet et le prolongement de la roule d'Eghezée jusqu'à la Sambre.

Eh bien, messieurs, la conséquence d'une réduction du crédit qui figure au budget des travaux publics, ce serait, d'une part, de reculer l'achèvement des routes en construction, et d'autre part, d'arrêter l'administration dans les actes qui doivent constater l'utilité publique des routes projetées.

Quant à la première proposition, celle qui consisterait à augmenter le crédit porté au budget de l’intérieur pour la voirie vicinale, je prie la Chambre de vouloir bien remarquer que les provinces et les communes doivent intervenir, les unes et les autres, pour un tiers dans la dépense des chemins vicinaux et que, par conséquent, les 500,000 fr. consacrés à ces chemins par l'Etat, représentent une somme d'au moins 1,500,000 francs.

La question est de savoir si, dans la situation financière où les provinces et les commuues se trouvent, il leur est possible de faire des sacrifices plus considérables que ceux qu'elles font aujourd'hui pour la voirie vicinale ; si l'on veut examiner attentivement les choses, on reconnaîtra que le million et plus que fournissent aujourd'hui les provinces et les communes représente eu quelque sorte le maximum de ce qu'elles peuvent faire.

M. de Naeyer, rapporteur. - Il me semble, messieurs, qu'il règne une certaine confusion dans les esprits, relativement à l'importance actuelle de nos voies de communication pavées et empierrées. Cela tient à la classification qui est encore suivie et qui est devenue un véritable non-sens. On a divisé les routes en plusieurs catégories : d'abord les routes de l'Etat de première classe, qui étaient destinées primitivement à desservir les relations internationales et les grandes relations du pays ; ~2° les routes de l'Etat de deuxième classe, qui avaient pour objet de relier entre elles les différentes provinces ; en troisième lieu les routes provinciales, établies en vue des communications intérieures des provinces, qui devaient relier entre elles les localités les plus importantes de chaque province.

Après cela vous avez les chemins vicinaux divisés eux-mêmes en deux classes : les chemins vicinaux proprement dits, affectés à la circulation intérieure dans les commuues, et les chemins vicinaux de grande communication, destinés à relier plusieurs communes entre elles.

Voilà, messieurs, la classification qui existe encore aujourd'hui sur le papier, mais dans la réalité, c'est de l’histoire ancienne parce que cette classification était fondée sur un ordre de choses qui a subi une transformation complète par suite ce la construction de nos chemins de fer.

En effet, messieurs, il est évident que les grandes relations sont desservies aujourd'hui par le chemin de fer et en partie par les voies (page 273) navigables en ce qui concerne les marchandises, qui forment bien la base de nos moyens de communication.

La destination des routes pavées et empierrées ne peut plus être, en quelque sorte, que de donner des ramifications à ces deux grandes artères, c'est-à-dire d'en étendre, en quelque sorte, les bienfaits à toutes les localités.

Examinez bien, messieurs, toutes les routes pavées ou empierrées qui existent aujourd'hui et vous verrez que leur ulililé consiste, ou à relier des communes entre elles, ou à relier les communes aux villes, aux centres d'industrie ou bien aux stations du chemin de fer, ou bien encore aux voies navigables.

Il est donc évident, qu'au point de vue de la destination qui doit former avant tout la base d'une bonne classification, les grandes routes ont perdu leur caractère primitif et se confondent pour ainsi dire entièrement, sous le rapport de leur véritable utilité, avec les routes provinciales et même avec les chemins vicinaux de grande communication.

La destination des grandes routes étant changée, on pourrait peut-être, avec grand avantage, réduire leurs dimensions, c'est-à-dire rétrécir ces grandes chaussées en leur donnant des dimensions mieux en harmonie avec leur nouvelle destination ; il y aurait de cette manière moyen d'opérer une économie dans leurs frais d'entretien, et puis de mettre une assez grande quantité de grès, à bon marché, à la disposition des communes, afin d'améliorer leurs chemins vicinaux. Je pense qu'on est déjà entré un peu dans cette voie ; je voudrais qu'on s'y engageât davantage.

Messieurs, en examinant scrupuleusement noire situation actuelle, on peut dire, je pense, qu'à la rigueur il n'y a plus que deux catégories de routes, d'abord les chemins vicinaux proprement dits, dont l'ulilité est limitée à un très petit rayon, et restreinte aux communications intérieures des communes ; ces chemins sont à peu près pour les villages ce que sont les rues dans les villes ; puis, les routes d'un intérêt plus général ayant pour objet de relier un certain nombre de communes entre elles, ou bien de mettre une ou plusieurs communes en rapport avec des villes, avec des centres de commerce ou d'industrie, ou bien encore de les rattacher, soit aux stations des chemins de fer ou à la navigation des canaux ou rivières ; ces routes, je les appelle auxiliaires des voies ferrées ou des voies navigables, par un double motif, d'abord parce qu'elles viennent en aide à ces grands moyens de communication pour en propager partout le mouvement et les bienfaits, et aussi parce qu'elles desservent des relations qui ne sont pas encore desservies par les chemins de fer et les voies navigables ou qui ne le seront jamais.

Ces routes auxiliaires ne sont pas toutes utiles au même degré ; mais cela ne doit pas entraîner une nouvelle classification, car les anciennes grandes routes n'avaient pas toutes une importance égale, et la même observation s'applique aux routes provinciales qui sont évidemment utiles à des degrés différents, quoique appartenanlà une même catégorie. Il y aurait peut-être à faire une seule subdivision, c'est-à-dire que parmi les routes que j'appelle auxiliaires, il y en a dont l'utilité actuelle n'est pour ainsi dire que temporaire, parce que dans un avenir qu'il est facile de prévoir, elles seront remplacées par des chemins de fer, qui leur enlèveront les relations qu'elles desservent aujourd'hui.

El il y en a d'autres dont l'utilité peut être considérée comme permanente parce que leur remplacement par des voies ferrées ou bien n'aura jamais lien ou bien échappe encore à toutes prévisions raisonnables. Ces dernières sont les routes agricoles qui doivent surtout et avant tout éveiller la sollicitude du gouvernement et qui méritent évidemment la préférence lorsqu'il s'agit d'exécuter de nouveaux travaux, et cela à raison même du caractère permanent des avantages qu'elles offrent. Tel est en ce moment le véritable état des choses en ce qui concerne les besoins relatifs au développement de nos voies de communication pavées ou empierrées.

Voici maintenant les points, ce me semble, qui résument toute cette discussion.

Le gouvernement doit-il encore intervenir dans la construction des routes ? Cette questionne pense, serait résolue affirmativement à peu près à l'unanimité des voix.

2° A quelle catégorie de routes faut-il appliquer l'acliou du gouvernement ? 11 me semble qu'il ne peut pas être question des chemins vicinaux proprement dits, dont l'ulilitéest restreinte aux besoins de la circulation intérieure d'une localité.

Sinon, ce serait évidemment pousser la centralisation à un poinl extrême ; c'est là une dépense purement locale qui doit être abandonnée aux communes.

Ainsi, l'intervention du gouvernement doit s'appliquer exclusivement aux routes que j'ai en l'honneur de caractériser tout à l'heure, aux routes auxiliaires du chemin de fer et des voies navigables, et de préférence aux routes agricoles qui ne doivent pas être remplacées par le chemin de fer.

3° Maintenant convient-il que cette intervention du gouvernement soit confiée à deux départements ministériels ? Autrefois quand les routes pavées ou empierrées avaient une importance bien plus grande qu'aujourd'hui, nous avions une seule administration centrale pour ce service. Voulons-nous en avoir maintenant deux, alors que l'importance de ces moyens de communication est diminuée et que les caractères distinctifs ont en quelque sorte disparu, ainsi que je viens de le prouver ?

D'ailleurs, une double administration centrale forme réellement un double emploi et doit nécessairement amener une véritable confusion, parce que, d'après les observations que j'ai présentées, les nouvelles routes auxquelles l'intervention gouvernementale doit s'appliquer ont une destination de même nature et qu'il est impossible d'établir une ligne de démarcation bien tranchée ; ces deux administrations centrales viendraient donc en quelque sorte se croiser, et c'est ce qui a lieu aujourd'hui, d'après les observations qui ont été présentées hier par l'honorable M. de Man.

La question principale me paraît être celle-ci : faut-il attribuer l'intervention du gouvernement en matière de nouvelles routes au département des travaux publics ou à celui de l'intérieur ? Eh bien, la question posée ainsi sur son véritable terrain paraît à peine sérieuse. Car enfin n'est-ce pas le département des travaux publics qui exerce l’action du gouvernement en ce qui concerne les travaux de construction qui s'exécutent avec l'argent du trésor, soit que le gouvernement exécute lui même, soit qu'il ne fasse qu'intervenir au moyen de subsides ? Car dans ce dernier cas aussi une surveillance doit être exercée par l'Etaf. Mais évidemment c'est là une attribution essentielle du ministère des travaux publics.

D'ailleurs, ainsi que l'a fait observer l'honorable M. de Theux, le ministre des travaux publics a un personnel spécial à sa disposition ; on ne peut pas faire de routes sans plan, sans devis estimatif, sans nivellement, toutes questions qui doivent être examinées par des hommes de l'art. Or, au département des travaux publics vous avez un personnel tout formé que vous ne pouvez pas renvoyer du jour au lendemain, que vous devez occuper nécessairement ; si vous mettez les constructions de routes dans les attributions d'un autre département ministériel, il faudra créer un nouveau personnel ; on est déjà entré dans cette voie, au ministère de l'intérieur il y a un personnel nouveau qui surgit ; voulez-vous le développer ? Aujourd'hui c'est à peine un arbuste ; voulez-vous en faire un arbre de haute futaie, vous n'avez qu'à en activer la croissance au moyen d'une augmentation budgétaire, et vous serez étonnés des développements qu'il prendra. D'ailleurs, tout le monde est d'accord qu'il est impossible de supprimer toute l'allocation portée au budget des travaux publics pour la construction des routes. De nombreux travaux sont en voie d'exécution, il est de toute impossibilité de les laisser en souffrance. Des engagements avec les provinces, avec les communes ont été contractés pour exécuter d'autres projets dont personne ne conteste l'utilité, et il est évident que ces engagements ne sauraient être rompus brusquement, ce serait là un bouleversement complet ; aussi personne, je pense, n'y songe. Donc il faut attribuer l'intervention du gouvernement, en matière de nouvelles routes, au département des travaux publics ou bien instituer deux administrations centrales et grever ainsi nos budgets de frais de bureaucratie qui ne servent qu'à faire double emploi.

Messieurs, je suis assez d'accord avec l'honorable M. Dumortier, quant au mode d'intervention du gouvernement en matière de construction de nouvelles routes, c'est-à-dire que je pense qu'on doit être très sobre de nouveaux travaux à exécuter directement par l'Etat, et qu'il y a lieu d'intervenir plutôt par voie de subsides ; cependant il faut bien respecter les faits acquis, on ne peut pas changer de système d'un jour à l'autre en laissant en souffrance et les travaux en voie d'exécution et les engagements qui ont été contractés.

Maintenant convient-il de porter aux travaux publics le crédit pour la voirie vicinale alloué maintenant au budget de l'intérieur ? Ce n'est pas tout à fait mon système. J'attendrai la discussion pour voir quel vote j'aurai à émettre sur cette proposition. Dans tous les cas, ce que je ne veux en aucune manière, c'est de diminuer les ressources affectées à l'amélioration de la voirie vicinale qui se confond avec ces routes agricoles si éminemment utiles. C'est là, suivant moi, la dépense par excellence pour les progrès de l'agriculture et même le grand moyen de civilisation matérielle dans nos communes ; aussi nos efforts incessants tendront toujours à augmenter les ressources destinées à l'amélioration de la voirie vicinale et par conséquent à l'exécution de routes agricoles. Mais c'est justement pour cela que je m'oppose à ce que ces ressources soient mangées par des frais de bureaucratie, et par l'impression de volumineux rapports qui n'ont pas, que je sache, le pouvoir magique de transformer les fondrières en chemins praticables.

Je voudrais tout bonnement que le crédit de l'intérieur fût mis à la disposition des autorités provinciales à charge de fournir une somme égale sur leurs ressources et j'aurais ainsi dans chaque province un fonds assez considérable que les autorités provinciales répartiraient entre les différentes routes les plus utiles à construire suivant les besoins des localités et les sacrifices qu'elles consentiraient à s'imposer. Voilà le système que je préférerais, toujours en vue de dégager le fonds dont il s'agit de tous les faux frais dont il est grevé aujourd'hui, par suite de la centralisation complètement inutile qui existe actuellement.

Je trouve ridicule, pour ma part, que pour des subsides relatifs à l'amélioration d'un simple chemin vicinal, il faille envoyer une requête à Bruxelles, alors que le gouvernement ne peut évidemment statuer sur cette requête qu'après avoir demandé aux autorités provinciales quelle résolution il doit prendre ; mais puisque le gouvernement doit demander une résolution aux autorités provinciales, pourquoi ne pas permettre à celles-ci de prendre elles-mêmes cette résolution ? De cette manière une partie considérable des ressources ne serait plus absorbée par des frais de correspondance, par des frais de toute une administration centrale, et de toute une inspection centrale complètement inutiles, et cet argent irait grossir les ressources des provinces, il serait employé là à transformer (page 274) les mauvais chemins en bonnes routes, tandis qu'en réalité il sert maintenant principalement à transformer les papiers en paperasses.

Mais je pense que cette question n'est pas, à proprement parler, à l'ordre du jour. Nous avons une seule chose à examiner : voulons-nous diminuer le crédit porté au budget des travaux publics ? Quant à l'autre question, nous la discuterons plus utilement quand nous examinerons le budget de l'intérieur. La proposition de M. Magherman est en quelque sorte complexe : il propose une réduction au budget des travaux publics et une augmentation au budget de l'intérieur. Nous ne pouvons nous occuper que d'une seule,partie de sa proposition, de la réduction qu'il propose au budget des travaux publics ; quant à l'autre, comme nous ne sommes pas saisis du budget de l'intérieur, nous n'avons pas à nous en occuper pour le moment.

M. le ministre des travaux publics, en répondant à l'honorable M. Magherman, a dit qu'il ne perdait pas de vue les intérêts de la Flandre orientale et il a fait appel à mon témoignage. L'année dernière, j'ai fait ressortir les griefs de notre province en ce qui concerne la répartition des fonds affectés à la construction des routes du gouvernement. Je dois dire que l'honorable ministre des travaux publics a bien voulu prendre mes observations en considération, et qu'il est entré dans une voie réparatrice ; je lui en adresse mes sincères remerciements, je n'attendais pas moins de sa loyauté et de son impartialité qui me sont parfaitement connus. Je suis convaincu qu'il continuera à marcher dans cette voie de la justice et de l'équité.

Si l'honorable ministre veut bien examiner d'une manière approfondie tous les actes posés depuis 1830 il acquerra une conviction toujours plus forte que réellement la Flandre orientale a été particulièrement lésée dans la répartition des crédits alloués pour le développement des voies de communication. J'ai en main un petit tableau extrait de documents officiels et qui le démontre à la dernière évidence. L'Etat a dépensé pour les routes, depuis 1830 jusqu'en 1851, une somme d'environ 30 millions ; or, voici la répartition de cette somme entre les provinces et en même temps la part contributive des provinces.

Dans la province de Luxembourg, l'Etat a dépensé 6,023,725 fr.

Dans la province de Liège, 4,219,279 fr.

Dans la province de Namur, 3,867,732 fr.

Dans la province de Limbourg, 3,695,882 fr.

Dans la province de de Haiuaut, 2,951,533 fr.

Dans la province d'Anvers, 2,554,966 fr.

Dans la province de Brabant, 2,290,110 fr.

Dans la province de Flandre orientale, 2,035,820 fr.

Dans la province de Flandre occidentale, 1,880,220 fr.

La province de Luxembourg est intervenue pour 875,932 fr.

La province de Liège pour 1,783,996 fr.

La province de Namur pour 1,777,208 fr.

La province de Limbourg pour 1,033,121 fr.

La province de Hainaut pour 2,921,188 fr.

La province d'Anvers pour 1,798,764 fr.

La province de Brabant pour 4,773,269 fr.

La province de Flandre orientale pour le pour 2,879,720 fr.

La province de Flandre occidentale pour 1,216,871 fr.

Il en résulte que c'est la province de Brabant qui, proportionnellement à la somme fournie par l'Etat, a fourni le contingent le plus considérable. Mais il y a une observation à faire, c'est que cette province se trouve réellement dans une situation exceptionnelle ; c'est que la moitié de ses centimes additionnels est payée par la capitale et par ses faubourgs. Or, Bruxelles est bien le chef-lieu du Brabant, mais elle est aussi la capitale de la Belgique. Sous ce rapport, on peut dire qu'elle est la ville de tous les Belges ; toute la Belgique contribue à la prospérité de Bruxelles, où se dépense une grande partie du budget. C'est une position exceptionnelle.

Après le Brabant, c'est évidemment la Flandre orientale, comme je l'ai démontré l'an dernier, qui a contribué pour la somme la plus forte, proportion gardée avec la somme fournie par l’Etat, puisque ayant dépensé trois millions, elle n'en a obtenu que deux de l'Etat.

Maintenant, si je voulais passer en revue le produit des barrières, je jouirais faire des comparaisons très curieuses.

Je dirai seulement ceci : c'est qu'il y a plusieurs provinces où les nouvelles routes ne produisent pas assez pour leur entretien, et ces provinces ne sont pas les Flandres ; or, l'utilité des routes consiste, suivant moi, dans le mouvement auquel elles donnent lieu, et pour connaître, ce mouvement, le produit des barrières est évidemment un excellent moven d'apprécialion.

On dit toujours qu'en Flandre il n'y a plus de grandes routes à faire. C’est la un véritable malentendu : mais des grandes routes dans le temps de nos anciennes grandes communications pavées ou empierrées ne peuvent plus se faire nulle part ; elles sont une impossibilité, en présence de nos chemins de fer et celles qui existent ont même perdu ce caractère, ainsi que je l'ai clairement établi.

Je voudrais bien qu'on indiquât en Belgique ce qu'on peut appeler des grandes routes pavées ou empierrées. Mais nos grandes routes ce sont nos chemins de fer et nos canaux. C'est donc une mauvaise raison. D'ailleurs, l'honorable M. Magherman l'a réfutée d'une manière complète, irréfragable. Ce qui est à faire, ce sont les routes auxiliaires du chemin de fer.

- Un membre. - Les routes vicinales de grande communication.

M. de Naeyer, rapporteur. - Appelez-les comme vous voudrez, vous arriverez toujours à ceci.

Ce sont des communications de communes entre elles ;

De communes avec des centres industriels ;

Ou avec des chemins de fer ;

Ou avec des voies navigables.

Je vous défie d'en citer une autre ; elles rentrent toutes dans l'une de ces quatre catégories, et leur dénomination commune de routes auxiliaires des chemins de fer et de voies navigables me paraît entièrement exacte.

Voilà donc les routes qui peuvent être faites utilement dans la Flandre orientale et ailleurs. Si le ministre des travaux publics a des doutes sur la possibilité de faire de telles routes dans notre province, je lui promets de luî indiquer une foule de projets, et certainement il n'aura qu'un seul embarras, ce sera celui du choix. Je vais en faire connaître dès maintenant quelques-uns ; et, pour prouver que j'y mets du désintéressement, je les choisirai presque tous en dehors de mon arrondissement.

Vous avez d'abord une route qui part de Beveren, passe à Vracene, à St-Gilles et vient s'arrêter à Stekene, au lieu d'être prolongée jusqu'à Moerbeke, et d'un autre côté, vous avez la route qui, partant de Bouchaute, passe à Ostende, à Zelzaete, à Wachtebeke pour s'arrêter à Moerbeke, au lieu de se diriger jusqu'à Stekene.

Il y a là une lacune. C'est évidemment une lacune d'une route de grande communication, puisque des communes nombreuses et très importantes seraient de cette manière reliées entre elles et en retireraient les plus grands avantages.

Mais allez à la station de Landegem qui n'est qu'à une faible distance de Gand, et vous verrez que cette station est complètement dépourvue de voies de communication pavées, et cependant il y a des communes très importantes à relier à cette station ; je citerai notamment les communes de Meerendré et Somerghem, chef-lieu de canton, avec une population de 8 mille âmes, d'un côté ; Landegem et Nevele aussi chef-lieu de canton, de l'autre côté. La route indiquée par l'honorable M. Magherman appartient à la même catégorie, ainsi que cet honorable membre l'a démontré à la dernière évidence et il y a ceci à remarquer que rien ne fait prévoir qu'elle sera un jour remplacée par un chemin de fer dans la même direction et, sous ce rapport, elle mérite évidemment une sollicitude toute spéciale.

Je pourrais citer encore une nouvelle voie de communication qui sera réellement indispensable pour relier à la station de Denderleeuw un grand nombre de communes, et notamment les chefs-lieux des cantons de Sottegem et de Herzele ; enfin je ne craindrais qu'une seule chose, ce serait d'effrayer l'honorable ministre des travaux publics en citant tous les projets de nouvelles communications, rentrant complètement dans la catégorie des routes agricoles, d'utilité générale, qui sont encore réclamées dans notre province par les besoins de nos populations rurales.

Vous voyez donc qu'à ce point de vue, le seul pratique, il y a des travaux considérables à exécuter dans les Flandres comme ailleurs.

En résumé, je pense qu'il est tout à fait impossible de réduire le crédit proposé au budget des travaux publics en présence des grands besoins dont ce département est encore grevé ; et quant à l'emploi â faire du crédit alloué jusqu'ici au budget de l'intérieur. Je me réserve d'exposer à cet égard ma manière de voir lorsque nous discuterons ce dernier budget.

M. Orban (pour une motion d’ordre). - J'ai demandé la parole pour une motion d'ordre, parce qu'il m'a paru que cette discussion, qui est d'une importance extrême, n'est pas ici à sa place. Sur quoi porte la discussion ? Sur la question de savoir : 1° s'il y a lieu d'augmenter l'allocation de 500,000 fr. qui figure au département de l'intérieur pour la voirie vicinale ; 2° s'il y a lieu de transférer au budget de l'intérieur (chapitre de la voirie vicinale) une partie de l'article en discussion.

Ce sont des questions d'une haute gravité ; mais l'examen de ces questions sera mieux placé à la discussion du budget de l'intérieur. C'est là qu'elles doivent être traitées.Quant à moi, qui avais entrevu cette question, je me disposais à la traiter, mais dans la discussion du budget de l'intérieur, car je ne pense pas que ce soit dans la discussion du budget des travaux publics que nous devions examiner des questions de cette nature.

Je propose donc de réserver cette discussion pour le budget du département de l'intérieur.

M. le président. - La Chambre a entendu la motion d'ordre de M. Orban.

La proposition suivante vient d'être déposée :

« J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de distraire de l'article 6 du budget des travaux publics la somme de 100,000 fr. ;;

« D'y ajouter celle de 492,800 fr. qui figure à l'article 57 du budget de l'intérieur ;;

« Et de faire un article nouveau du total de ces deux sommes, soit 592,800 fr. »

« Article à porter au chapitre II du budget des travaux publics, avec le libellé suivant :

(page 275) « Subsides aux provinces et aux communes pour favoriser l'amélioration de la voirie vicinale.

« (Signé) Baron de Man d'Attenrode. »

M. de Man aura tantôt la parole pour développer son amendement. Comme il y a une motion d'ordre, elle doit d'abord être vidée.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Si l’on veut discuter cette question dès à présent, nous discuterons. Mais je m'apprêtais à faire remarquer à la Chambre, par une observation analogue à celle qu'a présentée l'honorable M. Orban, que sous le nom de budget des travaux publics, on fait la guerre au budget de l'intérieur et que le budget de l'intérieur n'est pas en discussion.

Il me semble que ce qu'il y a de plus simple à faire, c'est de renvoyer à l'examen du budget de l'intérieur la discussion sur le point de savoir s'il faut enlever à ce budget la somme de 500,000 francs pour la voirie vicinale et la reporter au département des travaux publics, et je n'aurai pas de peine alors à démontrer tant par la législation existante que par l'intérêt réel des chemins vicinaux et par les antécédents de la Chambre, qu'il y aurait les plus grands inconvénients à priver le département de l'intérieur d'une attribution qui lui est dévolue depuis plusieurs années. Mais, je le répète, le moment ne me semble pas venu de traiter cette question ; je demande que la Chambre la réserve pour l'époque où elle s'occupera du budget de l'intérieur.

M. Osy. - Je conçois la motion d'ordre de l'honorable M. Orban, appliquée à la proposition de l'honorable M. de Man qui tend à opérer le transfert de tout le crédit pour la voirie vicinale au département des travaux publics. Mais la proposition de l'honorable M. Magherman qui tend simplement à diminuer le crédit pour les grandes routes d'une somme qui serait reportée plus tard au crédit pour la voirie vicinale, me paraît pouvoir être vidée aujourd'hui. Car vous comprenez que si nous votons aujourd'hui la somme totale que demande M. le ministre des travaux publics, nous ne pourrons plus augmenter le crédit pour la voirie vicinale sans augmenter les dépenses générales du budget.

Je dis donc que l'examen de la proposition de l’honorable M. de Man doit être renvoyée à la discussion du budget de l'intérieur. Mais la proposition de l'honorable M. Magherman doit être décidée immédiatement, et, pour ma part, je m'étais fait inscrire pour sous-amender cette proposition en réduisant le chiffre de la réduction qu'il propose sur l'article 6 en discussion.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il me semble cependant que ces deux propositions se lient très intimement. Car il est impossible de distraire du budget du département des travaux publics une somme quelconque affectée aujourd'hui à l'exécution des routes sans préjuger la question que la Chambre se trouve dans l'impossibilité de décider, sans préjuger la question qu'il faut augmenter dès à présent la dotation de 500,000 fr. qui figure au budget de l'intérieur.

Lorsque nous en viendrons à l'examen du budget de l'intérieur, mon honorable collègue établira peut-être par des documents statistiques qu'on ne pourrait sans danger augmenter on ce moment cette dotation, que les communes et les provinces se trouveraient dans l'impossibilité de faire leur part d'intervention pour l'exécution des communications vicinales.

Les deux questions se lient donc intimement. Si vous retranchez de l'article en discussion une somme de 100, de 200 ou de 300 mille fr., vous décidez implicitement la question qu'au budget de l'intérieur vous augmenterez du même chiffre l'allocation qui figure au budget de l'intérieur pour la voirie vicinale.

Je pense donc que la motion d'ordre de l'honorable M. Orban devrait être adoptée telle qu'elle a été formulée par son orateur.

M. Rogier. - Messieurs, je crois que le terrain de la discussion, en ce qui concerne le transfert de la voirie vicinale au département des travaux publics est au budget du département de l'intérieur.

J'ai lu, non sans quelque surprise, dans le discours prononcé hier par l'honorable M. de Man, que M. le ministre des travaux publics et M. le ministre de l'intérieur semblaient à peu près d'accord pour admettre le transfert proposé. J'ai vu aujourd'hui avec plaisir que M. le ministre de l'intérieur n'admettait pas ce transfert.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est la première fois que j'en entends parler.

M. Rogier. - L'honorable M. de Man a dit hier que vous aviez assisté à une réunion de la section centrale et que vous aviez paru donner votre assentiment à la proposition de transfert. Je vois avec plaisir que M. le ministre de l'intérieur n'admet pas ce transfert, et que, lorsque viendra la discussion de son budget, il le combattra. Et en effet, messieurs, il ne sera pas difficile de démontrer que ce service est parfaitement placé au département de l'intérieur.

C'est, sans vouloir en aucune manière incriminer ou déprécier les autres services, le plus beau service peut-être de toute l'administration, le service le mieux conduit, le mieux tenu, celui qui a produit les plus grands, les meilleurs résultats. Voilà ce que je ne crains pas d'avancer, et ce sera facile à démontrer surabondamment lorsque nous nous occuperons du budget de l'intérieur, auquel il faut, me paraît-il, rattacher la discussion actuelle. Si l'on veut continuer cette discussion aujourd'hui, je demanderai la parole pour combattre la proposition de l'honorable M. de Man.

En ce qui concerne la proposition de l'honorable M. Magherman, je crois qu'elle peut trouver sa place et que sa place est à la discussion du budget des travaux publics. Y a-t-il au budget des travaux publics une somme supérieure aux besoins des routes de première et de seconde classe ? Voilà la question. S'il y a une somme supérieure aux besoins, rien ne serait plus logique que de distraire l'excédant et de le reporter, lorsque nous discuterons le budget de l'intérieur, à l'allocation de 500,000 fr. pour la voirie vicinale. Reste à M. le ministre de l'intérieur à décider s'il doit admettre cette augmentation d'allocation, augmentation qui nécessairement entraînerait une augmentation de dépense de la part des communes et des provinces.

M. Malou. - Il m'est impossible, messieurs, de comprendre les motifs de l'opposition que l'on fait. On dit qu'il y a lieu de discuter la proposition de l'honorable M. Magherman aujourd'hui, mais qu'il n'y a pas lieu de discuter la proposition de mon honorable ami M. de Man. Et pourquoi ? Mais si nous analysions bien le but que les honorables auteurs de ces amendements se proposent, nous verrions que réellement il s'agit de savoir si tel service sera attribué au département des travaux publics ou s'il restera au département de l'intérieur.

Ainsi je réduis la proposition de mon honorable ami à ces termes : Y a-t-il lieu de transférer au ministère des travaux publics le service de la voirie vicinale pour le réunir au service des routes ? Eh bien, je vous le demande, y a-t-il une question qui tienne plus intimement, plus nécessairement à la discussion du budget des travaux publics ? Supposez, en effet, que l'on écarte aujourd'hui ce débat par une motion. Qu'arrivera-t-il ?

Vous voterez le crédit sans faire le transfert que demande l'honorable M. de Man, et lorsque vous arriverez à la discussion du budget de l'intérieur, on vous fera une motion d'ordre bien mieux motivée par laquelle on vous dira qu'il est trop tard pour discuter ce transfert, puisqu'on n'a voté au budget des travaux publics que le crédit pour les routes de première et de deuxième classe.

Eh bien, messieurs, la question est posée ; elle est opportune aujourd'hui, je crois l'avoir établi ; discutons-la ; elle mérite toute l'attention, de la Chambre, je crois que nous pouvons y consacrer quelques heures ; et elles seront bien employées.

M. de Theux. - Je conçois, messieurs, que les honorables ministres de l'intérieur et des travaux publics puissent, chacun, donner de très bonnes raisons pour maintenir leurs attributions telles qu'elles sont aujourd'hui réglées ; mais s'il s'agit de changer quelque chose à ces attributions, je me prononcerai contre le système qui consiste à réduire le crédit du budget des travaux publics pour augmenter le crédit du budget de l'intérieur. En effet, messieurs, nous obtiendrons bien mieux par l'intermédiaire du département des travaux publics que par l'intermédiaire du ministère de l'intérieur, un système complet de chemins ou de routes. De cette manière les routes les plus importantes seront faites, tandis qu'au ministère de l'intérieur une grande partie du crédit est dépensée à des objets de très peu d'importance, qui entrent surtout dans les attributions des administrations des provinces et des communes.

On dit, messieurs, que tout est fait en matière de grandes routes, c'est une erreur ; de ce que beaucoup de localités sont dotées de chemins de fer, il ne résulte pas qu'il n'y a plus de voies de communication à exécuter. Il existe encore en Belgique des parties très considérables de territoire qui n'ont aucun espoir d'obtenir jamais de chemins de fer et qui n'ont actuellement aucune route pavée, ni de l'Etat, ni vicinale ; faudrait-il donc que ces parties du pays restassent condamnés à l'isolement ? Cela n'est ni dans le système du gouvernement ni dans la pensée de la Chambre. Si l'on a satisfait, en premier lieu, les localités les plus importantes, les plus populeuses, il reste maintenant à satisfaire d'autres localités qui ont attendu patiemment que leur tour vînt ; dans la province de Limbourg, par exemple, on a adopté une mesure très sage ; on a décrété que la province contribuerait pour un quart dans toutes les routes que décréterait le gouvernement et on a laissé au gouvernement le soin de décréter celles qu'il jugerait le plus utiles.

Je pense donc, messieurs, que l'on ne peut pas, actuellement, distraire du budget des travaux publics une somme quelconque dont le retranchement préjugerait une augmentation des attributions du département de l'intérieur. Si l'on veut absolument qu'une somme soit transcrite de l'un ou de l'autre budget, je donnerai la préférence au système qui consiste à opérer le transfert du budget de l'intérieur au budget des travaux publics.

M. Lebeau. - Je ne me rappelle pas bien, messieurs, les termes précis de la motion d'ordre, mais si elle avait pour objet de faire déclarer explicitement par la Chambre que telle partie des attributions du ministre des travaux publics doit passer dans les attributions du ministre de l'intérieur, je crois que la Chambre devrait avoir quelque scrupule à s'engager dans cette voie, qui ne me paraît pas très rigoureusement constitutionnelle. Elle ne me paraîtrait pas même de nature à conduire au résultat que la Chambre aurait en vue, c'est-à-dire à un changement dans les attributions respectives de deux ministres sur lesquelles le gouvernement pourrait toujours revenir.

Les changements d'attributions, messieurs, ne s'opèrent régulièrement, selon moi, que par arrêté royal. C'est ainsi que cela a été réglé sous plusieurs ministères et notamment sous le ministère d'honorables membres qui viennent de prendre la parole.

(page 276) S'il s'agissait donc simplement d'un changement d'attributions, je croirais, sans examiner le fond, devoir voter contre la motion, la considérant comme bien près, au moins, d'une inconstitutionnalité. Si l'on pense, au contraire, devoir arriver au résultat dont il s'agit en accordant aujourd'hui moins de fonds à un ministère et ultérieurement plus de fonds à un autre, c'est là une question d'appréciation dans laquelle je n'ai pas l'intention d'intervenir. Je tiens uniquement à engager mes honorables collègues, à quelque côté de la Chambre qu'ils appartiennent, à bien examiner s'il n'y aurait pas dans l'adoption de la motion, telle qu'elle est conçue, une atteinte à la prérogative royale.

M. Magherman. - En demandant le transfert d'une somme de 300,000 francs du budget des travaux publics au budget de l'intérieur, je n'ai pas eu l'intention, messieurs, d'apporter des entraves à l'achèvement des routes actuellement en construction ; mon but a été uniquement d'empêcher qu'on ne construise à l'avenir, aux frais de l'Etat, des routes ayant un caractère exclusivement vicinal, alors que dans d'autres provinces on refuse la construction, à charge du budget des travaux publics, de routes qui ont réellement une utilité presque gouvernementale. Eh bien, messieurs, je trouve que ce but sera également atteint par l'amendement de l'honorable M. de Man ; je me rallie donc à cet amendement et je retire celui que j'avais proposé.

M. Dumortier. - Messieurs, je viens combattre la motion d'ordre qui n'est en réalité autre chose que le rejet, par une voie détournée, de la proposition de l'honorable M. de Man. En quoi consiste cette proposition ? Elle consiste à augmenter le crédit des chemins vicinaux d'une somme qu'on retrancherait du crédit des routes, et nos adversaires nous disent que nous pourrons faire cela quand il s'agira du budget de l'intérieur. Mais, messieurs, quand nous discuterons le budget de l'intérieur, il sera trop tard, puisque le budget des travaux publics sera voté.

Il s'agit d'examiner s'il convient de consacrer une somme plus forte aux chemins vicinaux et une somme moindre aux grandes routes ; c'est-à-dire s'il faut réduire le budget des travaux publics. Eh bien, messieurs, c'est ici la place de cette discussion ; il n'y en a point d'autre.

Pourquoi, messieurs, devons-nous admettre le système qui nous est proposé par l'honorable M. de Man ? Pour le motif excessivement simple qu'il y a injustice dans la répartition ; que si vous examiniez le tableau dont M. le ministre des travaux publics vient de donner lecture, les provinces de Liège et de Limbourg figurent seules pour 4 millions sur 6 millions. Eh bien, c'est précisément pour cela que je veux combattre la motion d'ordre de l'honorable M. Orban.

Il y a un abus, et nous sommes précisément à l'endroit où nous devons le réprimer. Je conçois que les députés des provinces qui ont obtenu quatre millions sur six, trouvent très bien l'état actuel des choses ; quant à moi, qui trouve que les autres provinces sont lésées, je combats la motion de l'honorable M. Orban, qui n'est que le rejet de celle de l'honorable M. de Man.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ferai observer de nouveau, à l'occasion de cet amendement, que vous arrivez nécessairement, en examinant cet amendement, à examiner le budget de l'intérieur. Faut-il faire un emprunt au budget des travaux publics au profit d'un autre budget ? Il faut évidemment réserver cette question jusqu'à l'examen du budget de l'intérieur.

Quand ce dernier budget sera discuté, si vous trouvez convenable de ne plus laisser les chemins vicinaux à l'intérieur, vous en ferez une question de principe, et votre décision trouvera son application dans le budget de 1855.

M. de Mérode. - Messieurs, on a commencé une discussion sur la question de savoir s'il conviendrait que le ministère de l'intérieur ait moins d'argent et que celui des travaux publics en ait plus. A quoi bon reporter cette discussion à celle du budget de l'intérieur ? Quand on discutera ce budget, on dira : « Vous mêlez au budget de l'intérieur une question qui concerne le budget des travaux publics. » Puisqu'on a commencé la discussion, il serait plus simple que M. le ministre de l'intérieur nous expliquât dès à présent qu'il n'est pas à propos, puisqu'il le croit, d'augmenter la part afférente à son budget. Si nous remettons cette discussion jusqu'au budget de l'intérieur, nous ne serons pas plus avancés, lorsque nous aurons perdu de vue tout ce qui a été dit aujourd'hui. Quant à moi, je ne tiens pas plus à donner cette attribution au ministère de l'intérieur qu'à celui des travaux publics. Je veux savoir ce qu'il est le plus à propos de faire ; je ne le saurai pas mieux quand on discutera le budget de l'intérieur que je ne le saurai aujourd'hui qu'on discute celui des travaux publics.

Si M. le ministre de l'intérieur n'est pas prêt à donner les explications, je conçois qu'il ne les donne pas ; mais s'il est prêt, pourquoi n'interviendrait-il pas dès à présent dans la discussion ?

M. de Man d'Attenrode. - Permettez, messieurs, que je vous dise en peu de mots pourquoi je ne puis admettre la motion d'ajournement de l'honorable député du Luxembourg.

Que veut-il ? Il veut disjoindre deux questions connexes pour moi.

Ainsi, d'une part, il consent à ce que l'on discute la question de savoir, si l'on distraira de l'article 6 du budget des travaux publics une somme de 300,000 fr. à affecter à encourager la voirie vicinale. Et de l'antre part, il fait des efforts pour que l'on ajourne ma proposition, qui tend à donner au département des travaux publics le service de la voirie vicinale.

Eh bien, messieurs, je ne puis admettre cette disjonction, et voici pourquoi. Si le service des chemins vicinaux continue à figurer au budget de l'intérieur, je suis bien décidé à m'opposer à toute augmentation. Je ne puis donc consenlir à distraire un crédit quelconque de l'article 6 du budget des travaux publics pour la voirie vicinale, que si j'acquiers l'assurance que ce service cessera d'appartenir au département de l'intérieur.

J'ai de bons motifs à donner à l'appui de cette opinion, des motifs d'économie, et d'autres encore.

D'ailleurs cette proposition m'a été inspirée par le souvenir que j'ai conservé d'un échange d'observations en section centrale entre MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics ; ce souvenir m'est parfaitement présent à la mémoire ; l'honorable M. Piercot aura beau le contester à présent.

Ceux de nos collègues qui font et soutiennent des motions d'ajournement sont tout bonnement les adversaires de ma proposition.

Qu'ils cessent donc de la combattre par des moyens détournés, qu'ils la combattent directement ; ce sera plus franc, plus loyal.

Car quand il s'agira de discuter le budget de l'intérieur, on dira que nous n'avons pas à discuter à ce propos les attributions dudit département des travaux publics, on dira que c'est trop tard. Aujourd'hui c'est trop tôt, prétend-on ; à ce compte cette question serait insoluble.

Cette question est du domaine de la législature, on n'a pas le droit de la soustraire à ses discussions.

Si la circonstance n'est pas opportune, elle ne le sera jamais.

M. Orban. - Messieurs, il me paraît que la question est extrêmement simple. Il est évident que ce n'est pas aujourd'hui, à l'occasion du budget des travaux publics, que vous pouvez voter une augmentation au budget de l'intérieur. Le premier objet de ma motion d'ordre ne peut donc être contesté.

Le second objet de ma motion est également incontestable, car vous ne pouvez pas, à propos du budget des travaux publics, décréter la distraction de la voirie vicinale du budget de l'intérieur.

Ce qui fait le fond de cette discussion, c'est un procès au département de l'intérieur. En soutenant et en adoptant une pareille thèse, vous décréteriez que le département de l'intérieur ne convient pas pour l’administration de la voirie vicinale. Eh bien, pour discuter cette question, il faut évidemment attendre la discussion du budget de l'intérieur. Car supposons, par exemple, que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas présent à la discussion du budget des travaux publics, chose qui aurait pu se faire, car c'est par un véritable hasard que M. le ministre de l'intérieur est présent ; eh bien, je le demande sérieusement : Auriez-vous pu condamner M. le ministre de l'intérieur sans l'entendre ?

El maintenant M. le ministre est présent, mais il n'est pas préparé à cette discussion, nous-mêmes nous ne le sommes pas : une preuve que ce n'est pas le moment d'examiner cette question, c'est qu'elle est traitée dans le rapport sur le budget de l'intérieur. Je sais qu'elle est traitée dans ce rapport, mais je ne l'ai pas lu. Ce n'est donc pas le moment de discuter cette question.

Maintenant on dit qu'en adoptant ma motion, on rend impossible l'adoption de la proposition de M. Magbrrman.

C'ct une erreur, rien m'empêche qu'après avoir adopté ma motion ou retranche une partie du crédit porté au budget des travaux publics ; seulement ceux qui voteront cette réduction sauront dans quel but ils la voteront, ils sauront que c'est pour augmenter d'une somme égale le crédit porté au budget de l'intérieur pour les chemins vicinaux.

Rien n'empêche donc que vous rejetiez une partie du crédit demandé si vous croyez qu'elle doit être portée à un aulre budget.

Un aulre mode qui conviendrait peut-être à tout le monde, serait de tenir en suspens une somme égale à celle indiquée par MM. Magherman et Osy, et de ne la voter définitivement qu'après la discussion qui aurait lieu lorsqu'on s'occuperait du budget de l'intérieur.

M. Rousselle. - Je déclare que je voterai pour la motion d'ordre de l'honorable M. Orban, mais je n'attache pas à ce vote la même signification que plusieurs de nos honorables collègues. Quant à moi, je crois que toutes les questions doivent rester parfaitement intactes pour être discutées lors de l'examen du budget de l'intérieur, celle relative à la distraction de la voirie vicinale du département de l'intérieur pour être transférée au budget des travaux publics, comme celle de la réunion de toutes les voies de communication à ce dernier département.

Je voterai la réduction du crédit proposé au budget des travaux publics, mais je n'attacherai pas à mon vote cette condition prématurée que la somme en provenant viendra en augmentalion de l'allocation qui figure au budget de l'intérieur pour la voirie vicinale. Nous déciderons cette question quand nous serons au budget de l'intérieur.

Si je vote la réduction au budget des travaux publics, c'est parce que je suis convaincu que cette réduction n'empêchera pas le ministre de ce département de faire face à ses engagements pris et aux besoins du service des routes. Je trouve même qu'il y a nécessité de faire une diminution sur certains crédits du budget des travaux publics, qui, comme celui-ci, en sont susceptibles, parce que nous serons obligés de voter des augmentations considérables sur d'autres articles par suite de l'élévation du prix du fer et de la houille.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne crois pas me tromper, en disant qu'il n'entre dans les intentions de personne de diminuer les sommes consacrées à la construction de routes nationales, provinciales ou vicinales.

(page 277) Je pense qu'il est dans la pensée de tout le monde de maintenir intactes les sommes portées aux budgets pour l’exécution des diverses voies de communication, quelle que soit leur nature.

Si l'on n'adopte pas la motion de l'honorable M. Orban, il arrivera peut-être que la chambre aura réduit, contrc sa volonté, l’importance des sommes affectées aux constructions de routes ! En effet, je suppose l'amendement de M. Magherman adopté, M. Ch. Rousselle vient de dire qu'il ne s'engageait pas à augmenter an budget de l'intérieur l'allocation pour la voirie vicinale.

D'un autre côté il pourra résulter des explications présentées par M. le ministre de l'intérieur, l'impossibilité d'augmenter l'allocation de 500,000 francs portée à son budget, eu égard à l'état financier des communes.

On aurait donc diminué le crédit porté au budget des travaux publics et on n'aurait pas augmenté celui de l'intérieur. Ce résultat serait la conséquence du vote de l'amendement. Il n'entre pas, je pense, dans l'intention de la chambre de le consacrer.

M. Malou. - Je trouve que nous perdons beaucoup de temps pour peu de chose. Je suppose la motion de M. Orban adoptée ; je vais déposer un amendement ayant pour objet d'augmenter de 300 mille fraucs l'allocation portée au budget des travaux publics pour construction de routes, et je défie que par une motion quelconque on empêche la discussion de cet amendement ; c'est ce qui arrivera cinq minutes après le vote de la motion, si elle est adoptée. C'est-à-dire qu'on vous propose d'écarter, par une espèce de question préalable, une demande d'augmentation de crédit au budget des travaux publics.

Prenez garde, dit-on, vous touchez à une question constitutiouaclle, à la division des pouvoirs ; vous portez atteinte à la prérogative de la Couronne !

Messieurs, il y a des précédents qui prouvent que cette objection n'est pas fondée. Je me rappelle que quand deux ministères étaient réunis dans les mains de mon honorable ami, M. de Theux, M. Lebeau, je crois, a proposé de dédoubler le ministère, de créer un nouveau ministère, et il a fallu voter sur cette proposition.

M. Lebeau. - Vous vous trompez, j'ai émis des observations, il n'y a pas eu de vote.

M. Malou. - Qu'importe ! si vous n'avez fait qu'émettre des observations, si la chambre s'en est occupée, mon argument subsiste.

Remarquez où l'on va avec cette théorie : la Chambre a le droit de voter le budget ; elle a le droit d'insérer tel crédit dans tel budget ou dans tel autre ; si elle ne pouvait pas le faire, elle ne voterait pas le budget. Qu’indique l'amendement de mon honorable ami M. de Man ? Que les attributions de tels ministères doivent être réparties de telle manière ? Il a le droit de le faire. Je ne comprends pas qu'on méconnaisse la connexité intime des deux propositions.

En effet, l'une tend à transférer une allocation du département de l'intérieur à celui des travaux publics ; l’autre tend à transférer une allocution de ce dernier département à celui de l’intérieur. Ce sont deux questions intimement liées qu'il faut discuter. Je défie qu'on empêche la discussion de suivre son cours. Si la motion était adoptée, je ferais la proposition d'augmenter le crédit.

M. Osy. - Je ne veux pas discuter maintenant le budget de l’intérieur, comme vient de le dire M. le ministre ; quand j'aurai la parole, je démontrerai que sans rien déranger aux engagements pris par M. le ministre, on peut distraire 100 mille francs de l'allocation portée à son budget, et quand nous serons au budget de l'intérieur, je proposerai d'augmenter le crédit pour la voirie vicinale ; mais quant à présent, je ne veux pas parler de ce budget.

Je veux qu'on fasse le moins possible de grandes routes et le plus possible de chemins vicinaux. Voilà pourquoi je propose une réduction de 100 mille francs ; en adoptant mon amendement vous prononcerez sur une question de chiffre plutôt que sur une question de principe.

Si j'ai la parole pour le développer, je démontrerai qu'il y a nécessité de l'adopter.

M. Lebeau. - La question que j'ai soulevée n'est pas uue subtilité indigne d'occuper les moments de la Chambre ; je n'ai pas l’habitude de provoquer la Chambre à des discussions oiseuses et futiles. Les questions qui touchent à la division, à la délimitation des pouvoirs ne sont pas des futilités ; elles méritent toujours un examen sérieux, à quelque opinion politique qu'on appartienne.

Je n'aurais pas repris la parole, si l'honorable M. Malou n'avait pas jugé à propos de me mettre en cause, d'invoquer mes précédents qui seraient contraires, non pas à l’opinion positive, mais aux scrupules que j'ai émis tout à l'heure.

Je n'ai jamais demandé qu'on votât explicitement sur la réunion de deux ministères, opérée par M. de Theux, et, remarquez-le bien, par simple arrêté roayl, sans aucune intervention de la législature.

J’ai pu critiquer cette réunion, c’était mon droit ;; mais je n’ai jamais demandé à la Chambre d’émettre un vote explicite, impératif, direct, sur cette question.

Si j avais commis une faute pareille, je m'en accuserais comme d'un acte d'inexpérience.

Si l'on veut réduire la proposition à une réduction de chiffre, incontestablement la Chambre est dans son droit. Elle fera ainsi, dit-on, sous une autre forme, ce que je lui conteste ; soit ; mais ce sera sous une forme constitutionnelle.

La répartition des attributions ministérielles est virtuellement sous le contrôle des Chambres, mais uniquement par voie de discussion et au moyen de réduction de subsides. Elles doivent d'abord être réglées librement par le Roi, d'après la connaissance ou même l'opinion qu'il peut avoir des besoins administratifs et des aptitudes diverses des différents ministres. C'est là du simple bon sens. Cela saute aux yeux.

Ce n'est pas une question oiseuse que celle dont la forme pourrait avoir pour résultat de porter atteinte, contre la volonté de tous, à un autre pouvoir ; il y a certains actes qui, légitimes sous une certaine forme, cessent de l'être sous une autre.

Je regrette d'avoir dû reprendre la parole. Je ne l'aurais pas fait si l’honorable M. Malou ne m'avait pas mis en cause dans cette discussion.

M. Rogier. - Ce qui met un peu de confusion dans cette discussion, c'est que nous nous occupons à la fois de deux propositions entièrement contradictoires : l’une qui a pour but de transférer au budget de l’intérieur une partie du crédit des routes au profit de la voirie vicinale ; l'autre qui a pour but de transférer au département des travaux publics l'allocation et les attributions du département de l'intérieur en ce qui concerne la voirie vicinale.

La proposition de M. Osy, qui a pour but une réduction, est parfaitement à sa place. Y a-t-il lieu de réduire de cent ou de deux cent mille francs le budget des travaux publics ? Ceux qui croient qu'il y a lieu de faire une réduction, afin d'en reporter le montant au budget de l'intérieur, voteront la réduction.

Mais si M. le ministre des travaux publics démontre que toute la somme lui est indispensable pour assurer le service, ceux qui ne veulent pas porter atteinte au service du département des travaux publics, voteront la somme. Nous restons ainsi dans le budget du département des travaux publics. Ceux qui votent la réduction le font avec cette réserve qu'ils voteront une augmentation de pareille somme au budget de l'intérieur ; telle est du moins l’intention de l’honorable auteur de la proposition. Mais si M. le ministre des travaux publics nous démontre que la somme qu il a demandée est indispensable pour le service des travaux publics, je voterai la somme, me réservant d'examiner au budget de l’intérieur, s'il y a lieu d'augmenter l'allocation de 500,000 fr., ainsi que la proposition en a été faite à différentes reprises. Si M. le ministre des travaux publics consent à cette réduction, je serai charmé de la voter. Si M. le ministre de l'intérieur consent à une augmentation, je serai aussi charmé de la voter.

Quant à la question de savoir s'il faut transférer du département de l'intérieur au département des travaux publics, la voirie vicinale, parce que cette partie essentielle de l'administration serait ainsi mieux dirigée, c'est ce que nous examinerons dans la discussion du budget de l’intérieur. C'est là que je me réserve de démontrer que cette espèce de discrédit qu'on cherche à jeter sur le service de la voirie vicinale n'est nullement justifié, que ce service marche parfaitement bien, qu'il ne donne lieu à aucune espèce de reproche fondé. Je suis prêt à combattre de front la proposition de l’honorable M. de Man, loin de vouloir recourir à un moyen détourné, pour repousser cette proposition qui, quand elle sera un peu éclaircie, sera rejetée à uue immense majorité. Je le prédis à son honorable auteur et à ceux qui l'ont soutenue. Si l'on veut rétablir l'ordre dans la discussion, je crois qu'il faut se borner à s'occuper du budget des travaux publics et statuer sur les propositions de réduction à ce budget, chacun faisant ses réserves pour le budget de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Tout ce qui intéresse le département de l’intérieur dans cette discussion, c'est qu'en s'occupant du budget des travaux publics on ne vienne pas incidemment discuter le budget de l'intérieur, et qu'on ne fasse pas, à l'exemple de l'honorable M. de Man, planer une sorte de suspicion sur la manière dont se fait le service de la voirie vicinale. Je n'aurai pas de peine à démontrer que ce service est parfaitement fait, et qu'il ne mérite aucun des reproches qui lui ont été adressés.

Mais dans l'intérêt du service et de nos discussions, je demande qu'on n'introduise pas dans le budget des travaux publics une discussion incidente très grave qui intéresse le département de l'intérieur.

M. de Mérode. - Je ne conçois pas les scrupules constitutionnels qu'on vient mettre dans cette question-ci ; car enfin je crois me rappeler que la somme qu'on alloue au ministère de l'intérieur pour les chemins vicinaux l'a été par des votes de la Chambre. Ce n'est pas le Roi qui, par décret, a réglé ces attributions du ministère de l'intérieur. (Interruption.)

Dans tous les cas les attributions résultent surtout de l'allocation et de son importance ; ainsi elles seraient nulles si le crédit voté n'était que de 25,000 fr.

L'honorable M. Osy fait une proposition de réduction de 100,000 fr. au budget des travaux publics. M. le ministre des travaux publics répond : Vous allez ôter 100,000 fr. à mon ministère ! Commencez par ne pas me les ôter.

On n'a pas de renseignements pour savoir si ces 100,000 fr. seront utilement appliqués aux chemins vicinaux. Dans la position où l'on nous met, il est impossible de voter ; car je ne puis voter pour la somme de 100,000 fr. aux travaux publics, si je ne sais pas à quoi elle servira. Si l'on vote sur la proposition de l'honorable M. Osy, je serai obligé de m’abstenir. Pourquoi ? Parce que M. le ministre de l'intérieur ne veut (page 278) pas donner d'explications sur la question. Quand on sera au budget de l'intérieur, on vous dira : Vous voulez prendre 100,000 fr. au budget des travaux publics ; niais nous ne nous occupons pas du budget des travaux publics, nous nous occupons du budget de l'intérieur et l'on vous opposera ainsi la même fin de non recevoir.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix la motion d'ordre de M.Orban.

M. Orban (sur la position de la question). - Remarquez bien que ma motion d'ordre n'empêche en aucune manière que l'on vote ensuite sur la proposition de l'honorable M. Osy.

M. Malou. - J'ai le droit de présenter au budget des routes, une augmentation de crédit pour la voirie vicinale, et si la motion d'ordre est adoptée, je ferai cette proposition.

- La motion d'ordre de M. Orban est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

En conséquence, la discussion continue sur l'article et sur les amendements de M. de Man et de M. Osy.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, si l'honorable M. Magherman ne nous avait pas proposé d'augmenter le crédit destiné à l'amélioration de la voirie vicinale, je n'aurais pas fait la proposition de transférer ce service du département de l'intérieur au département des travaux publics. Ce n'est pas, messieurs, comme M. le ministre de l'intérieur vous l'a dit, il y a un instant d'une manière assez peu convenable, que j'entende élever le moindre soupçon sur la manière dont ce service est fait au département de l'intérieur. Cette idée ne m'a pas le moins du monde préoccupé en rédigeant ma proposition. Mais ce qui me préoccupe, c'est la tendance du département de l'intérieur à centraliser de plus en plus ce service en agissant directement sans l'intervention des autorités provinciales et à fonder au département de l'intérieur un nouveau personnel d'ingénieurs qui petit à petit grandira et grandira malgré nous.

Ma proposition de transfert a donc d'abord un but d'économie de personnel au département de l'intérieur dans le présent et surtout dans le futur.

Elle aura ensuite l'avantage, si elle est adoptée, de tirer parti du personnel du département des travaux publics dont l'utilité se fait moins sentir au fur et à mesure que le développement des chemins de fer diminue l'importance des routes pavées.

Messieurs, ceci est tellement clair, qu'il est inutile d'insister davantage là-dessus.

Dans les quelques paroles que j'ai prononcées hier, j'avais, en quelque sorte, préparé la proposition que j'ai faite aujourd'hui ; les idées que j'ai développées n'ont soulevé aucune opposition.

Je tiens cependant à aller au-devant d'une objection que j'ai entendue en conversation particulière, et qui frappe peut-être les partisans de la motion de l'honorable M. Orban.

Ce qui les effraye, c'est la tendance un peu despotique, c'est l'esprit dépensier du corps des ingénieurs des ponts et chaussées.

Il y a bien quelque chose de vrai dans cette objection.

Mais d'où provient l'état de choses actuel ? Cela tient à que cette administration n'est pas organisée comme elle devrait l'être. Mais il dépend du gouvernement, il dépend de M. le ministre des travaux publics d'améliorer ce qui existe. Savez-vous ce qui manque au département des travaux publics ? C'est le génie administratif ; l'esprit ingénieur y domine beaucoup trop. Les ingénieurs se sont emparés de l'administration. Or, ils ne sont pas faits pour administrer.

D'ailleurs, messieurs (et le libellé que je vous propose vous l'indique suffisamment), mon désir n'est pas du tout que les ingénieurs des travaux publics procèdent pour les chemins vicinaux comme ils procèdent pour les grandes routes, qu'il y ait des projets, des avant-projets, et une foule d'autres mesures préparatoires qui prennent beaucoup de temps et qui coûtent très cher. Je demande que M. le ministre des travaux publics soit le dispensateur de ces subsides, et il les distribuera tout aussi bien que M. le ministre de l'intérieur. Il a de plus que lui un personnel suffisant et capable d'exercer un contrôle sérieux et d'imprimer une direction aux travaux entrepris par les communes.

Messieurs, la proposition de l'honorable M. Magherman, tendant à distraire du service des grandes routes une somme quelconque pour la reporter au crédit destiné à l'encouragement de la voirie vicinale, n'a rencontré jusqu'ici aucune opposition, et le fait est qu'il n'y a aucune observation valable à faire contre le principe de cette proposition. Je ne parle pas du chiffre. M. le ministre des travaux publics a donné des motifs pour établir que celui que proposait l'honorable M. Magherman était trop considérable. J'ai pris les observations du gouvernement en considération, et ma proposition tend à réduire le chiffre de 300,000 fr. à 100,000 fr.

Or, il est facile d'établir que si vous détachez une somme de 100,000 francs de l'article 6 pour en grossir le chiffre destiné aux encouragements à donner à la voirie vicinale, votre vote n'entravera en rien les engagements pris par le département des travaux publics. Ici je vais laisser parler les chiffres, et je crois qu'il n'y aura rien à répondre. M. le ministre des travaux publics nous a déclaré au début de cette séance qu'il y avait pour 2,400.000 fr. d'engagements, et que ces engagements devaient être accomplis d'ici à 1857. Si je ne me trompe, il lui faut donc une somme de 800,000 fr. par an.

Or, comme le crédit qui figure à l’article 6 est de 944,000 francs, il reste libre une somme de 144,000 francs ; et comme je ne propose de disposer que de 100,000 francs, 44,000 francs restent encore disponibles pour des dépenses imprévues.

D'ailleurs, la plupart des routes nouvelles dont M. le ministre vous a donné la nomenclature peuvent être rangées dans la catégorie des communications vicinales ; il faut en excepter cependant la disposition de 300,000 francs pour la continuation de la rue de la Loi. Cet engagement m'a quelque peu étonné ; je croyais que la cession du Quartier-Léopold devait mettre la ville de Bruxelles à même d'exécuter tous ses projets d'embellissements.

Je crois donc être très modéré en ne proposant que le chiffre de 100,000 francs.

Au reste, messieurs, comme je l'ai dit hier, on fait autre chose que de construire des routes, que de poursuivre celles qui sont commencées.

Le corps des ponts et chaussées dépense des sommes considérables pour des rectifications dont le public ne comprend pas l'utilité.

L'on peut donc réduire le crédit de l'article 6, et il est temps de donner aux ingénieurs un autre élément à leur activité.

M. Osy. - Messieurs, je me prononcerai contre l'amendement de l'honorable M. de Man, non que je le considère comme inconstitutionnel, car vous pouvez très bien transférer une somme d'un budget à un autre, mais parce que je trouverais peu convenable de trancher aujourd'hui, d'une manière incidente en quelque sorte, la question de savoir s'il faut que les chemins vicinaux soient administrés par le département des travaux publics ou par le département de l'intérieur. Si nous décidions cette question si importante par le vote d'un article du budget, nous pourrions gêner la liberté du Sénat et du pouvoir exécutif. Je préférerais que la question fût examinée séparément, qu’elle fît l'objet d'une proposition spéciale.

Quant à mon amendement, messieurs, il est d'une tout autre nature : je partage l'opinion qu'il vaut beaucoup mieux faire des chemins vicinaux que de grandes routes. Depuis que les chemins de fer se multiplient partout, ce qu'il faut ce sont des affluents au chemin de fer, c'est-à-dire des chemins vicinaux.

M. le ministre des travaux publics nous a donné l'état des engagements pris pour 3 ans, relativement aux grandes routes ; d'après les notes que j'ai prises, ces engagements s'élèvent à 2,470,000 fr., ce qui fait à peu près 800,000 fr. par an ; le chiffre porté au budget est de 944,000 fr. ; je puis donc sans aucun inconvénient proposer une réduction de 100,000 fr.

On nous annonce, messieurs, une route de Wavre à Huy, qui coûtera 488,000 fr. ; eh bien, vous allez avoir un chemin de fer de Wavre à Namur et à Huy ; pourquoi donc faire cette route ? Je conçois que toutes les localilés entre Wavre et Huy désirent être reliées au chemin de fer, mais vous atteindrez bien mieux ce but par des chemins vicinaux, qui ne vous coûteront pas 488,000 francs.

M. le ministre des travaux publics vous a dit qu'il y aura 300,000 fr. à dépenser pour faire une rue, la rue de la Loi ; cette rue a deux kilomètres ; eh bien, messieurs, les chemins de grande communication coûtent 100,000 francs par 5 kilomètres ; cette rue du 2 kilomètres coûtera donc autant que 2 lieues dans d'autres localités. Je dis que c'est purement et simplement un cadeau qu'on fait à la ville de Bruxelles. Certes quand nous avons voté la réunion du Quartier Léopold, nous n'avons pas entendu entraîner l'Etat à dépenser 300,000 francs pour une rue ; personne ici n'a certes pensé que son vote pût avoir une pareille conséquence. Je dis que c'est là un très mauvais emploi des sommes que nous mettons à la disposition du gouvernement. Nous avons fait des sacrifices immenses pour la capitale, et certainement je ne les regrette pas, mais il est cependant une limite où il faut s'arrêter.

Nous avons donné à la ville de Bruxelles 300,000 francs de rente pour des collections et nous avons pris en outre, à notre charge l'entretien de ces collections qui coûte 200,000 francs par an. Nous avons encore, dans d'autres occasions, fait des sacrifices énormes pour la ville de Bruxelles. Ainsi en 1848, nous lui avons avancé pour une caserne 200,000 fr., remboursables en vingt ans, sans intérêt. Je le répète, messieurs, je ne regrette pas ces sacrifices, mais il est temps de nous arrêter ; il faut que nous soyons justes pour tout le monde et surtout il ne faut pas dépenser 300,000 francs pour faire une rue de deux kilomètres dans une localité, alors qu'avec cette somme on pourrait faire ailleurs dix kilomètres de route.

Je vous propose, messieurs, de retrancher 100,000 fr. du crédit de 944,000 fr., et je déclare d'avance que quand nous en serons au budget de l'intérieur, je proposerai d'augmenter de 100,000 fr. le crédit destiné aux chemins vicinaux. Ce que j’ai en vue, c'est de faire décider par la Chambre ce principe qu'il convient de faire moins de grandes routes et plus de chemins vicinaux. J'atteindrai ainsi le but que l'honorable M. Magherman avait eu vue : nous avertirons le gouvernement de ne plus prendre d'engagements pour les grandes routes qui ont perdu leur utilité depuis qu'il se fait des chemins de fer dans toutes les parties du pays.

Quaul à la forme de mon amendement,pour éviter toute espèce de contestation à cet égard, je propose purement et simplement de réduire de 100,000 fr. le crédit de 944,000 fr.

M. le président. - M. Osy propose de réduire de 100,000 fr. le crédit de l'article 6.

- L'amendement est appuyé.

(page 279) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la Chambre aura pu remarquer qu'elle se trouve en présence de deux propositions distinctes. L'une consisterait à augmenter indirectement l'allocation du budget de l'intérieur pour les chemins vicinaux ; l'autre consisterait à réduire une des allocations du budget des travaux publics.

Quant à la première de ces propositions, je pense qu'on n'insistera pas beaucoup. On reconnaît que la discussion sera mieux engagée lors de l'examen du budget de l'intérieur, et qu'alors on pourra examiner s'il convient d'augmenter la dotation pour la voirie vicinale.

Je ne m'attache en ce moment qu'à détruire la raison principale qu'allèguent les partisans de la proposition de l'honorable M. Osy, proposition qui consiste à réduire de 100,000 fr. le chiffre de l'article 6 de mon budget ; ils disent : « Il y a au budget des travaux publics une allocation de 900,000 fr. pour la construction de routes ; il y a des engagements pour 2,400,000 fr. ; les routes en construction ne doivent être achevées qu'en 1857 ; rien n'empêche de réduire de 100,000 fr. le crédit de 900,000 fr. qui figure au budget ; les routes ne s'en feront pas moins, »

Il y a deux objections à faire à ce raisonnement ; la première, c'est que les honorables membres ne tiennent pas compte de l'imprévu qui joue un grand rôle dans cette matière ; la seconde, c'est qu'ils veulent réduire le crédit de 900,000 francs sans faire aucune espèce d'état des routes en projet. La dépense de ces routes s'élève à environ 3,400,000 francs.

Il est évident que si l'on réduit le crédit, on ne se hâtera pas de décréter d'utilité publique certaines voies de communication qui sont aujourd'hui vivement réclamées par des provinces.

Mais il y a à cette proposition un autre danger que j'ai déjà signalé : c'est que, si la majorité, adoptant la proposition de l'honorable M. Osy, réduisait aujourd'hui l'allocation du budget des travaux publics, il pourrait arriver que lors de la discussion du budget de l'intérieur, une autre majorité fît rejeter une proposition d'augmentation de crédit, en ce qui concerne la voirie vicinale.

Il y aurait donc ce résultat qui n'entre dans les prévisions de personne : c'est qu'au lieu d'avoir 1,400,000 à 1,500,000 fr. pour l'amélioration des voies de communication, on n'aurait plus que 1,300,000 fr. (Interruption.)

Je ne puis accepter la connexité des deux propositions, parce que je ne puis pas admettre qu'on discute une proposition qui se rattache au budget de l'intérieur, alors que ce budget n'en pas en discussion.

Quelle grande difficulté y aurait-il à attendre la discussion du budget de l'intérieur et à mettre alors aux voix une motion analogue à celle de l'honorable M. de Man ? Si cette motion était adoptée, le gouvernement présenterait dans le budget de l'intérieur ou dans celui des travaux publics une résolution conforme à celle qui aurait été prise par la Chambre.

L'honorable M. Osy a critiqué deux faits qui se rapportent à l'administration des travaux publics ; l'un concerne la route de Wavre à Huy ; l'honorable membre a évalué la dépense à 400,000 francs ; la route, en ce qui concerne la province de Liége, ne figure dans le tableau que j'ai sous les yeux, que pour une somme de 260,000 francs.

En ce qui concerne le subside que le département des travaux publics a alloué à la ville de Bruxelles, pour la jonction de deux routes de grande communication, l'acte n'est nullement critiquable. L'arrêté a été au Moniteur. La Chambre a pu constater les sacrifices que la ville de Bruxelles s'est imposés pour ce travail d'ensemble dont la dépense s'élève à plus d'un million. Or quelle est la proportion admise en quelque sorte en principe par le département des travaux publics, quand il s'agit de subsides destinés aux voies de communication ?

Les provinces ou du moins certaines provinces contribuent pour un tiers, les communes et les particuliers font le deuxième tiers, l'Etat donne le troisième tiers.Ce principe est aussi, je pense, admis par le département de l'intérieur, lorsqu'il s'agit de communications vicinales. Le subside que la ville de Bruxelles a reçu ne dépasse pas le tiers de la dépense totale.

Je ne crois pas qu'on puisse mettre en doute le caractère de haute utilité nationale que présente le travail d'ensemble que la ville de Bruxelles s'est chargée de faire.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.