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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 281) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Dumon lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Le sieur Desadeleer demande qu'une somme de 5 millions soit mise à la disposition du gouvernement pour aider ceux qui sont dans le besoin et propose de soumettre, pendant les années d'abondance, les céréales et les bestiaux venant de l'étranger, à un impôt tel qu'il en revienne annuellement au trésor une somme de 2 millions. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Vottem prie la chambre d'accorder à l'ingénieur Stevens la concession d'un chemin de fer de Liège à Hasselt par Tongres et Bilsen et de Tongres à Diest par Looz. »

- Même renvoi.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Section I. Ponts et chaussées
Article 6

La discussion continue sur l'article 6.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Puisque la Chambre a désiré s'occuper de la question de savoir s'il faut distraire le chapitre des chemins vicinaux du budget de l'intérieur pour le reporter au budget des travaux publics, je viens, messieurs, vous soumettre des observations qui me paraissent de nature à vous faire décider cette question négativement.

S'il ne s'agissait, messieurs, que de soulager le département de l'intérieur qui a assez d'attributions, je le reconnais, la question serait bientôt jugée ; mais il s'agit de l'examiner au point de vue du droit d'abord, et ensuite, sous le rapport de l'intérêt de la voirie vicinale elle-même.

Je commencerai par les considérations légales.

Indépendamment de la question constitutionnelle, sur laquelle de doutes sérieux ont été exprimés dans la séance d'hier, la chambre reconnaîtra bientôt que toute la législation sur la voirie vicinale repose sur ce principe que la direction supérieure de ce service doit ressortir au département de l’intérieur.

Aux ternies de la loi du 10 avril 1841, la dépense nécessitée par la voirie vicinale est à charge des communes.

Les propriétaires riverains y interviennent.

En cas d'insuffisance des revenus de la commune, les habitants y pourvoient à l'aide de prestations.

L'Etat, les provinces n'interviennent que par voie de subsides.

Ici commence le rôle du ministère qui a la voirie vicinale dans ses attributions.

Les subsides sont accordés d'après l'importance des travaux, et en raison des ressources dont les communes disposent, et des sacrifices qu'elles font ; ce qui exige une appréciation de l'état financier des communes, appréciation qui ne peut se faire que par la connaissance de leurs budgets.

Toutes les fois qu'un subside est demandé à l'Etat, la première chose à faire par le gouvernement, c'est donc d'examiner si les communes qur sollicitent un subside sont dans une situation financière de nature à légitimer le concours de l'Etat. Or, cela ne peut se faire que par le département de l'intérieur qui approuve les budgets des communes.

Qu'arriverait-il dans le système des honorables membres qui veulent transférer au département des travaux publics le service de la voirie vicinale ?

Toutes les fois qu'un subside serait demandé au département des travaux publics et que ce département devrait s'assurer de la situation financière des communes, il devrait correspondre avec le département de l'intérieur pour avoir des renseignements sur cette situation ; double intervention, perte de temps et par conséquent confusion d'attributions des deux départements, sans utilité pour personne.

Voilà, pour les chemins vicinaux en général, le régime qui résulterait de l'abandon des principes de la loi du 10 avril 1841.

Lorsqu'il s'agit de la grande vicinalité, la loi investit les députations permanentes du droit de déclarer si tel ou tel chemin sera considéré comme chemin de grande communication (article 24).

La loi attribue aussi aux députations permanentes le droit de régler la part d'intervention de chacune des communes intéressées dans les dépenses d'exécution.

Eh bien, il arrive très souvent que les communes qui croient avoir été lésées par la suite de répartition que la deéputation aura faite entre elles, de la dépense, se pourvoient auprès du gouvernement. A qui s'adressent-elles ? Au département de l'intérieur, parce que tout ce qui appartient à l'administration des communes ressortit à ce ministère.

Mais d'autres motifs puisés dans la loi s'opposent à ce que ce service soit transféré au département des travaux publics. La loi du 10 avril 1841 (article 30) crée un système de surveillance permanente, elle institue des commissaires-voyers. Ce sont des agents provinciaux payés par les provinces qui ont seul de l'autorité sur eux ; et si le gouvernement y intervient pour exercer à son tour une surveillance supérieure,- c’est par l'intervention de l'inspecteur général, qui est chargé de surveiller le bon emploi des fonds accordés par l'Etat.

(page 282) Poursuivons cet examen légal. La loi du 10 avril, dans les article 37, 38, 39, charge les conseils provinciaux de faire, sous l'approbation du gouvernement, les règlements d'exécution pour toutes les mesures qui se rattachent aux chemins vicinaux. Or, ces règlements sont transmis au ministère de l'intérieur qui statue sur toutes les mesures prises par les députations permanentes. Ainsi tout ce qui se rattache à la construction et à la surveillance des chemins vicinaux, et à l'exécution des règlements, toutes ces mesures sont prises par les communes ou les provinces et doivent être appréciées par le gouvernement, c'est-à-dire par le département de l'intérieur.

Supposez que le transfert ait lieu et que le ministre des travaux publics doive intervenir pour conférer des subsides ? Il est évident qu il ne le pourra sans recourir au département de l'intérieur. D'un autre côté, les communes et les provinces consentiront-elles les unes à laisser déplacer entièrement le service de la surveillance, et accepteront-elles comme surveillants légaux des fonctionnaires des travaux publics, qui n'ont rien à démêler avec ce service, tel qu'il est réglé par la loi ?

Les communes font les dépenses ; mais, aux termes de la loi, c'est sous la surveillance et la direction des commissaires-voyers. Consentiront-elles à continuer ces dépenses, quand elles devront être faites sous le contrôle des ingénieurs ;? Les provinces accepteront-elles la direction de ces ingénieurs, sur lesquels elles n'ont pas d'autorité au lieu de celle des coniinissaires-voyers qui sont leurs agents. C'est encore, comme vous le voyez, un obstacle légal à l'adoption de la proposition.

Le caractère provincial et communal de ce service sous la haute direction du département de l’intérieur, se justifie d'ailleurs pleinement, quand on fait attention à l'énorme dépense que les administrations dont il s'agit s'imposent pour la voirie vicinale.

Quelques chiffres vous éclaireront à ce sujet.

Pendant dix ans, la dépense globale s'est élevée à plus de 25,000,000 de francs.

Or, les communes seules ont fourni dans cette somme au-delà de 17,000,000 de francs.

L'emploi de cette somme a été fait sous la direction des commissaires-voyers, et généralement il a été bien fait.

Ce service a-t-il donné lieu à des plaintes sérieuses ?

Depuis quelques jours, on en formule, il est vrai, dans cette enceinte, mais d'une manière vague, générale, comme tout ce qui n'est pas fondé sur une observation exacte et la connaissance de la pratique.

Jusque-là on n'avait pas trouvé de grief véritable à lui reprocher.

L'année dernière, le Sénat, dans le rapport sur le budget de l'intérieur, faisait l'éloge du service de la voirie vicinale. Il a même regretté que l'institution du commissaires voyers ne fût pas obligatoirement étendu à toutes les provinces.

Et à ce propos, il n'est pas inutile de faire observer qu'une seule province, la Flandre orientale, a cru devoir préférer un régime mixte à celui des commissaires-voyers.

Là les ingénieurs sont invités à intervenir pour tout ce qui se rattache aux travaux d'art. La surveillance et la police des chemins vicinaux est abandonné aux bourgmestres des communes.

Or, ces fonctionnaires qui rendent dans l'administration de leur communes de très grands services sous le rapport général, n'ont peut-être pas, en ce qui concerne la voirie vicinale, où ils rencontrent tant d’intérêts particuliers et de résistances individuelles à vaincre, assez d'autorité réelle sur leurs administrés.

Des fonctionnaires indépendants de ces influences locales, par l'origine même de leur mandat, tels que les commissaires-voyers, peuvent évidemment rendre des services plus complets pour assurer l'exécution des règlements.

La loi communale n'est pas moins obstative à un déplacement d'attributions en ce qui concerne la voirie vicinale.

L'article 90, § 12, charge l'administration communale d'entretenir les chemins vicinaux conformément aux lois et règlements de l'autorité provinciale.

Or, ces règlements sont faits et exécutés sous l'approbation du gouvernement, et c'est le département de l'intérieur qui intervient.

Cette surveillance s'exerce en vertu des règlements provinciaux, et par les agents que l'autorité provinciale institue, c'est à-dire, les commissaires-voyers, et non les ingénieurs de l'Etat.

De quelque manière que l'on envisage la question légale, c'est donc au régime actuel, qui place la voirie vicinale dans les attributions du département de l'intérieur, qu'il faut en revenir.

Messieurs, après avoir justifié au point de vue légal le maintien du chapitre XII du budget de l'intérieur concernant la voirie vicinale, examinons en peu de mots les prétendus griefs que l'on articule contre le régime actuellement suivi.

D'abord une remarque que je ne puis m’empêcher de faire : c'est que dans plusieurs circonstances, lorsqu'il s'est agi du budget des travaux publics, des membres de cette chambre ont critiqué avec as sez d'amertume la manière dont, selon eux, le service des ingénieurs se fait. Ils craignent leur omnipotence ; ces plaintes ne sont pas fondées ; mais enfin ce sont les mêmes membres qui reprochent aux ingénieurs leur omnipotence qui aujourd'hui veulent renforcer le service des ingénieurs de l'Etat et leur donner une nouvelle part d'autorité, en mettant à leur disposition complète tous les chemins vicinaux du royaume.

Cela ne me paraît pas logique.

Un grief qu'on a fait entendre à plusieurs reprises pour réduire les crédits du ministère de l'intérieur, c'est la grande dépense qui se fait, dit-on, à ce département ; il dépense trop d'argent ; ce reproche est devenu depuis quelque temps une habitude. On dit à tout propos : l'intérieur est encombré non seulement de travail, mais de choses inutiles, on y dépense trop d’argent, beaucoup d’économie sont à faire. Nous ferons justice de ces prétendus griefs, quand nous discuterons le budget du département de l’intérieur. Je ne parlerai en ce moment que de l’économie qu’on veut faire sur le service de la voirie vicinale.

Messieurs, l'économie que l'on vent faire, je puis la qualifier d’illusion. En effet ce sont les commissaires-voyers que l'on veut supprimer.

M. de Man d'Attenrode. - Pas du tout.

M. de Naeyer, rapporteur. - Personne ne dit cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On veut donc un simple déplacement de crédit, mais où donc serait l'économie ? Pense-t-on qu'il ne faudrait pas augmenter le nombre des ingénieurs de l'Etat, si on leur faisait surveiller tous les chemins vicinaux, ce qui doublerait au moins leur service ?

Si mes renseignements sont exacts, il existe 2,200 lieues de routes de l'Etat, provinciales ou concédées. Et combien y a-t-il de lieues de chemins vicinaux ? Il y en a 1,400. Il faudrait donc ajouter cette énorme quantité de chemins à la surveillance des ingénieurs ; et l'on pense que cela serait possible sans augmentation de personnel. C'est une illusion ; il n'y aurait pas la moindre économie à attendre d'un pareil régime. Et de plus les provinces conserveraient leurs commissaires-voyers.

On veut une meilleure administration. Mais en quoi l'adminisiration actuelle péche-t-clle ? N'ai-je pas fait remarquer que dans une occasion récente on en a fait l'éloge, au Sénat ? Voulez-vous connaître l'opinion qu'on s'est faite dans la chambre sur la manière dont le service de la voirie vicinale a été exécuté. Ce n'est pas bien ancien ; c'est un document émané de la section centrale elle-même dans laquelle siégeait l'honorable M. de Man.

Voici ce qu'on lit dans un rapport de la section centrale sur le budget de 1843 :

La question du transfert au ministère des travaux publics du service de la voirie vicinale, et qui a été soulevée dans la séance d'hier n'est pas nouvelle.

Déjà en 1843, après qu'elle eut examiné l'emploi des sommes allouées pour l'amélioration des chemins vicinaux, la section centrale s'est demandé si, par leur nature même et pour la promptitude de leur exécution, ces travaux ne seraient pas, avec plus de raison, placés sous la direction du ministère des travaux publics.

Sans présenter aucune proposition positive à la législature, la section centrale s'est contentée d'appeler sur cette grave question l'attention du gouvernement qui est le mieux à même - ce sont les expressions de la section centrale - de juger des inconvénients ou des avantages administratifs de ce transfert.

Au budget de l'année suivante, la section centrale où siégeait cncoie l'honorable M. de Man, s'exprimait en ces termes sur la même question :

« La sixième section avait proposé de distraire le chapitre de la voirie vicinale du budget de l'intérieur et de le réunir à celui des travaux publics.

« Cette proposition a été discutée au sein de la section centrale et rejetée par 5 voix ; un membre s'est abstenu.

« Voici les principales considérations qui ont motivé le rejet.

« Il a paru qu'un tel transfert pourrait avoir pour résultat de jeter de la confusion dans les attributions respectives des départements de l'intérieur et des travaux publics.

« L'examen de la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux démontre que cette loi a été votée par la législature dans la pensée que son objet ressortissait au département de l'intérieur, et, s'il devait en être autrement, il deviendrait nécessaire d'apporter des changements à plusieurs de ses dispositions.

« D'ailleurs, ajoutait-on, les dépenses portées au chapitre de la voirie concernent le service de la petite voirie, qui a toujours été placé dans les attributions du département de l'intérieur et qui se lie trop intimement aux intérêts communaux confiés à la tutelle du même département, pour qu'il puisse en être détaché sans de graves inconvénients. »

J'ajouterai qu'il n'a pas été question du transfert dans la discussion des budgets à l'occasion desquels la question s'est produite.

Ainsi la proposition a été rejetée par cinq voix et une abstention.

Voilà, messieurs, ce que pensait votre section centrale en 1844.

Eh bien, je le demande à tous ceux qui ont des notions administratives exactes sur la manière dont le travail est réparti entre les divers départements ministériels, est-ce que tout ce qui concerne los chemins vicinaux, ne tombe pas nécessairement dans les attributions du ministère de l'intérieur, soit par l'autorité des lois spéciales déjà citées, soit par la nature même des attributions dévolues aux administrations qui ressortissent à ce département ?

La conclusion a donc été, que ce qu'il y avait de mieux à faire, c'était de laisser les choses sur le pied actuel.

Un autre grief, c'est cette centralisation qui est, dit-on, la marie du ministère de l'intérieur ; il y a, ajoute-t-on, un corps d'ingénieurs au ministère des travaux publics, et le ministère de l'intérieur veut en avoir un également. Eh bien, messieurs, veut-on savoir en quoi consiste ce (page 283) corps d'ingénieurs pour tout ce qui concerne la voirie vicinale ? Il existe un seul ingénieur, qui porte le titre d'inspecteur général et qui a de plus dans ses attributions le service de l'agriculture.

On parle, messieurs, du service des irrigations, des défrichements, et c'est peut-être là qu'on découvre un deuxième corps d'ingénieurs. Eh bien, d'abord ce service n'a rien de commun avec les chemins vicinaux. Mais savez-vous quel est le corps d'ingénieurs qui y est attaché ? Deux ingénieurs et quatre sous-ingénieurs, qui sont détachés temporairement au département des travaux publics.

On a dit aussi qu'il faut en finir avec la bureaucratie ? Eh bien, messieurs, cette bureaucratie de la voirie vicinale se compose de quoi ? d'un seul employé, la division du ministère de l'intérieur qui est chargée, par adjonction, de ce service, a reçu un seul employé en plus ! Est-ce la peine de parler de bureaucratie ?

En résumé, messieurs, le ministère de l'intérieur doit nécessairement par lui-même ou par les administrations provinciales qui ressortissent à ce département, connaître à propos du service dont vous vous occupez, d'abord de l'approbation des plans des chemins vicinaux, de l'approbation des budgets des communes et des provinces, puisqu'il doit s'assurer si elles sont dans des conditions telles qu'elles aient des droits légitimes à un subside ; en troisième lieu le département de l'intérieur doit statuer sur les demandes de concessions de péages qui sont la conséquence de la construction des chemins vicinaux, car le produit de ces péages est destiné à pourvoir à leur entretien.

En quatrième lieu, le ministère de l'intérieur doit donner son approbation aux règlements faits par les provinces pour assurer l'exécution du service. En cinquième lieu, le même département doit nécessairement intervenir dans le règlement de toutes les parts de contributions imposées aux communes pour les frais de l'entretien général ; il doit intervenir chaque fois qu'une réclamation est faite par une commune contre la part qui lui a été assignée par la députation permanente.

Enfin, les administrations dépendantes du ministère de l'intérieur interviennent dans toutes les questions où il s'agit de convertir en argent les prestations en nature que la loi a créées pour pourvoir à l'entretien de la voirie vicinale.

Toutes ces considérations, empruntées à la loi, doivent, messieurs, vous donner la conviction qu'il n'est pas possible, sans porter le trouble et la confusion dans les attributions des deux ministères, d'adopter la proposition de l'honorable M. de Man.

Je crois pouvoir borner là mes observations.

M. Rogier. - Je me propose de parler dans le même sens que M. le ministre de l'intérieur ; si quelqu'un veut défendre la proposition de M. de Man...

M. de Man d'Attenrode. - Je demande la parole.

M. Rogier. - Alors, je désire parler après M. de Man.

M. le président. - Comme il y a cinq autres orateurs inscrits, je consulterai la Chambre. Quelqu'un s'oppose-t-il à la proposition de M. Rogier ? (Non, non.)

La Chambre autorise M. Rogier à céder son tour de parole à M. de Man et à parler immédiatement après lui.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, je commence par remercier M. le ministre de l'intérieur des termes dans lesquels il a circonscrit cette discussion. Je suis tout disposé à le suivre sur ce terrain.

Le premier motif qu'il a fait valoir contre ma proposition est que, si elle était admise, le vote de la chambre engagerait des conflits d'attributions, une véritable confusion. Il a déclaré qu'il est impossible de laisser intervenir les agents du département des travaux publics dans le service des chemins vicinaux, parce qu'ils sont d’intérêt communal ou provincial, et que les communes et les provinces rcssortissent au département de l'intérieur. Mais, messieurs, la même observation devrait s'appliquer aux chemins provinciaux. Or, je pose une simple question à M. le ministre de l'intérieur : Ne lui arrive-t-il pas quelquefois, de la part des administrations provinciales, des demandes de subsides pour leurs chemins ? Qu'arrive-t-il alors ? Ces demandes sont instruites préalablement, elles se fondent ordinairement sur le plus ou moins d'insuffisance des ressources provinciales, et le gouvernement n'accorde le subside que quand on croit que cette insuffisance est réelle. Or, messieurs, savez-vous quels sont les agents préposés aux routes provinciales ? Vous le savez, d'ailleurs, suffisamment ; il suffit de vous le rappeler. Sont-ce des agents communaux ou provinciaux ? Pas le moins du inonde : ce sont les ingénieurs des ponts et chaussées ; et jamais ou ne s'est plaint d'un conflit d'attributions. Les dilllcultés qui ont été soulevées par M. le ministre de l'intérieur ne sont donc d'aucune valeur. La confusion des attributions n'est pas à craindre. L'expérience prouve le contraire.

Il y a plus, et M. le ministre de l'intérieur l'ignore peut-être, les agents des travaux publics interviennent jusque dans son propre hôtel pour les réparations et les constructions nouvelles que le service de l'administration centrale exige.

Cette intervention soulève-t-elle des conflits d'attributions ? Je ne le pense pas.

Ainsi, est-il nécessaire d'augmenter les constructions du ministère de l'intérieur pour établir des bureaux ? de modifier la distribution des bâtiments ? S'agit-il de réparer un parquet, une porte, une fenêtre ? Le département de l'intérieur est obligé d’avoir recours au personnel des travaux publics ; car le crédit destiné à l'entretien des bâtiments civils est inscrit au budget du département des travaux publics.

Cette intervention ne fait naître aucune confusion, aucun conflit d'attributions.

Pourquoi y en aurait-il, si le personnel des travaux publics était chargé de conduire les travaux des chemins vicinaux ?

Qu'on réponde à ces considérations, si on est capable de le faire avec succès !

M. le ministre de l'intérieur a déclaré ensuite, avec la plus grande assurance, que le service des commissaires-voyers était irréprochable, qu'il se faisait fort bien.

Cette assertion est quelque peu contestable.

Je conviens qu'il existe des cantons où ce service se fait d'une manière convenable, mais il en est beaucoup où il se fait d'une manière fort médiocre. Je dis que cette assertion est contestable et qu'elle m'étonne surtout dans la bouche de M. le ministre de l'intérieur, car il y a à peine quinze jours qu'il adressait la réponse suivante à la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget de l'intérieur ; il lui déclarait :

« Qu'on ne peut méconnaître que le service des agents voyers laisse encore à désirer dans son ensemble...

« Que c'est aux provinces qu'il appartient d'introduire dans ce service les réformes dont l'expérience indiquera la nécessité. »

Voilà un bien mince éloge adressé à la section centrale. Mais ici on ne fait pas difficulté de déclarer que le service des commissaires-voyers ne laisse rien à désirer.

Je dirai de plus qu'il y a dans cette réponse à la section centrale une observation qui exige d'être relevée.

Le gouvernement décline, en quelque sorte, toute action sur les agents voyers. Ce sont des agents provinciaux, dit-il, c'est aux autorités provinciales à faire marcher ce service.

Mais M. le ministre de l'intérieur ignore-t-il donc que tout se lie dans notre système d'administration ? Ignore-t-il que les agents voyers dépendent des commissaires d'arrondissement ; les commissaires d'arrondissement des gouverneurs ; les gouverneurs du chef du département de l'intérieur ? L'honorable M. Piercot a donc à sa disposition des moyens d'améliorer le service des agonis voyers.

Je tiens à établir ceci, car c'est précisément sur ce prétendu manque d'action sur les agents de l'administration en province, que le département de l'intérieur se fonde pour centraliser les services, augmenter le personnel de l'administration centrale, afin d'intervenir directement et sans intermédiaires dans les travaux entrepris par les communes.

C'est ainsi que, pour assurer les effets de cette intervention directe, le département de l'intérieur prélève sur le fonds spécial de 600,000 fr., destiné aux assainissements, des subventions assez considérables, qu'il distribue aux agents voyers. (Interruption.)

Vous conviendrez, messieurs, qu'on eût agi plus convenablement,, plus légalement, en vous demandant votre assentiment avant de faire cette dépense, qui n'a été prévue par personne dans cette chambre quand le crédit a été volé. Car que va-t-il arriver quand le fonds spécial sera épuisé ? On se fondera sur des habitudes prises pour continuer cette dépense, et l'on vous demandera de la porter au budget ordinaire.

Quand des faits de l'espèce se révèlent, les plaintes ne manquent pas, mais la chambre vote. Le gouvernement sait cela, et voilà pourquoi il continue à procéder de cette manière. Je profite de la circonstance pour vous le faire remarquer.

M. le ministre de l'intérieur, après avoir déclaré que le service des agents voyers se fait fort bien partout, a fait une réserve à l'égard de la province de Flandre orientale où il semble qu'on s'est refusé à organiser un service de commissaires-voyers.

Il paraît que dans cette province l'on se permet, si j'ai bien compris M. le ministre, de faire dresser les plans par les ingénieurs du département des travaux publics, et on abandonne la surveillance des travaux aux bourgmestres.

Il paraît que cette manière de procéder est désapprouvée au département de l'intérieur. M. le ministre vient de déclarer que l'origine élective des chefs des administrations communales les rend impropres à diriger les améliorations des chemins vicinaux.

Nous devrions donc en inférer que le service de la voirie vicinale est fort mal fait dans la Flandre orientale. Nous verrons tout à l'heure s'il en est ainsi.

Je commence par déclarer que le système suivi en Flandre orientale, s'il est tel qu'on vient de nous le dire, est précisément celui que je voudrais voir adopter partout.

M. le ministre de l'intérieur se défie de l'aptitude des bourgmestres à poursuivre les améliorations de la voirie vicinale, parce qu'ils doivent en partie leur mandat aux électeurs. Cette défiance me surprend en vérité, et je ne sais ce qu'en dira cette Chambre, qui toujours a désiré maintenir aux communes des libertés qui se sont perpétuées de tout temps dans ce pays, et qui lui donnent un cachet tout particulier.

Au reste quoi que paraisse insinuer M. le minislre de l'intérieur, la Flandre orientale ne se trouve pas mal de l'application de ce système.

J'ai eu l'honneur d'administrer pendant trois ans un district de cette province, celui de Saint-Nicolas. Eh bien, je le déclare de la manière la plus formelle, je ne pense pas qu'il existe, eu Belgique, de province où la voirie vicinale soit tenue avec plus d'entente, avec plus de soin, et cela bien que le gouvernement soit assez avare de subsides à l'égard de cette province, et cela bien que l'on se montre quelque peu récalcitrant aux circulaires qui émanent des bureaux du département de l'intérieur, puisque dans cette (page 284) province on utilise l’expérience des ingénieurs, et que l'on s'abstient d'organiser le service d'inspection, tel qu'il est organisé ailleurs. (Interruption.)

J'entends dire à mes côtés que c'est précisément parce que le gouvernement ne se mêle pas du service de la voirie vicinale dans cette province, qu'il marche d'une manière aussi satisfaisante.

je ne nie pas qu'il en soit ainsi.

M. le ministre de l'intérieur a dit encore que c'était un parti pris que de répéter sans cesre que le département de l'intérieur est surchargé d'attributions.

Eh bien, c'est encore une opinion que j'ai empruntée à M. le ministre de l’intérieur. Je lui ai entendu dire qu'il n'y avait pas d'homme capable de suffire à ces attributions. J'ai même entendu M. Piercot qualifier cette administration d'une manière tellement significative que je ne résiste pas à vous dire le mot : il a déclaré que c'était un « ministère-omnibus ». C'est le mot dont il s'est servi. Je l'ai annoté immédiatement : aussi M. le ministre de l’intérieur a-t-il manifesté le vœu de voir diminuer ses attributions ; c'est ce qu'il a déclaré aussi en section centrale, et j'ai été heureux d'entendre cette déclaration. Maintenant, on vient tenir ici, et cela me surprend péniblement, un langage tout différent : c'est ce que je ne puis tolérer. J'ai de la mémoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'en ai aussi.

M. de Man d'Attenrode. - Il n'y paraît guère.

Enfin, M. le ministre de l'intérieur a déclaré de plus qu'on accusait à tort le département de l'intérieur d'avoir un service d’ingénieurs, attendu que pour la voirie vicinale il n'y a qu'un seul agent.

Eh bien, je vais encore recourir immédiatement aux réponses que M. le ministre de l'intérieur a faites à la section centrale.

Ces réponses se trouvent insérées dans son rapport.

On y trouve que le gouvernement, au lieu de se contenter d'allouer à l'inspection de la voirie vicinale, un crédit de 9,000 fr., comme cela avait été entendu dans cette chambre, prélève encore quelques milliers de francs pour accorder des traitements à d'autres employés.

Et cela est devenu indispensable, le crédit de 9,000 fr. se trouve absorbé par l’inspecteur et par ses frais de route. Or ces frais de route doivent être considérables ; au lieu de résider au centre du pays, à Bruxelles, il réside à Liège.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'csl une erreur ; il réside à Bruxelles.

M. de Man d'Attenrode. - Je maintiens qu'il résidait à Liège ; s'il réside à Bruxelles, ce doit être bien nouveau, et probablement à cause des observations de la section centrale.

Voyons si l'assertion de M. le ministre de l'intérieur qui nous a déclaré tout à l'heure que le service dont il s'agit se résumait dans un seul homme, est exact. Voici la liste officielle des autres employés attachés à ce service :

« Un employé temporaire, 1,200 fr.

« Un architecte, 1,800 fr.

« Un sous-ingénieur, 1,200 fr. »

Ce n'est pas tout, on a encore dépensé sur le crédit de la voirie vicinale les sommes nécessaires pour un travail commencé en 1841 et qui a coûté 800,000 fr., l'atlas des chemins vicinaux de M. Heuschling.

Ces 800,000 fr. n'ont pas suffi, paraît-il ; on a encore imputé 52,000 fr. sur le crédit destiné à la voirie vicinale.

Je pose en fait que le département de l'intérieur enlève au moins une somme de 20,000 fr. à ce crédit, et que si le crédit destiné à la voirie vicinale était transféré au département des travaux publics, le crédit en entier serait employé à la construction de routes ; en effet, la besogne des agents du département des travaux publies diminue, en raison de l'importance des chemins de fer ; ce département a un personnel nombreux qui coûte à l'Etat des sommes considérables, sommes contre lesquelles j'ai si souvent réclamé ; j'ai donc la conviction qu'il y a là un personnel suffisant pour faire face à tous les besoins de surveillance qu'exige la voirie vicinale, sans qu'il soit nécessaire de voter de ce chef une obole de plus et les 20,000 francs distraits de la voirie vicinale lui seront restitués.

Messieurs, encore un mot. J'ai été quelque peu étonné de ne pas voir M. le ministre des travaux publics abonder dans le sens de ma proposition.

Si mes renseignements sont exacts, depuis dix ou douze ans tous les ministres qui se sont succédé aux affaires ont réclamé au département de l'intérieur la cession du service des chemins vicinaux comme se rattachant par sa nature au département des travaux publics.

J’en appelle au témoignage de l'honorable M. Desmaisières ; déjà sous son administration, par son organe, le département des travaux publics réclama la distraction de ce service du budget de l'intérieur et son transfert au département des travaux publics.

Je regrette que l’honorable M. Van Hoorebeke ne montre pas plus d'énergie à défendre les attributions de son département.

Je termine ici les observations que j'avais à faire en réponse au discours de l'honorable M. Pierrot, ministre de l'intérieur.

M. Rogier. - Messieurs, parmi les propositions qui ont été improvisées dans cette chambre, je n'en connais pas de plus mal motivée, de plus malheureuse, et, je le dirai, de plus malheureuse, eu égard à son auteur, que celle que nous discutons en ce moment. L'honorable M. de Man veut transférer le service de la voirie vicinale du département de l'intérieur, où il existe depuis 1830, au département des travaux publics.

Voilà vingt-trois ans que ce service fonctionne dans un département : pour le transférer tout à coup dans un autre département, il faudrait des motifs bien déterminants. Nous allons examiner ceux qui sont mis en avant par l'honorable membre.

Ce service est-il mal organisé au département de l'intérieur ? Est-il resté inerte, inactif ? S'est-il montré inintelligent ? A-t-il fait des dépenses exagérées ;? Voyons les résultats obtenus. J'ai quelques détails à donner à la Chambre qui sont de nature à l'intéresser, et ce ne sera pas long.

Depuis que par un premier vote, sous l'administration de M. Liedts, en 1840, une allocation a été portée au budget de l'intérieur pour subvenir aux besoins de la voirie vicinale depuis 1841 jusqu'à 1850, je m'arrête à 1850, parce que je prends mes renseignements au tableau décennal publié l'année dernière, de 1841 à 1850, il a été dépensé en travaux de voirie vicinale, grande et petite voirie, sous l'impulsion du département de l'intérieur, 25,898,000 fr., 8,708,000 fr. pour la grande voirie et 17,190,000 fr. pour la petite voirie.

Les communes sont intervenues dans cette dépense générale, remarquez ce fait important, jusqu'à 67 p. c. et l'Etat jusqu'à concurrence de 13 p. c. seulement. Les provinces et les particuliers ont fait le reste. Dans la grande voirie les communes sont intervenues pour 52 p. c., et l'Etat pour 20 1/2 p. c. ; dans la petite voirie les communes sont intervenues pour 74 p. c. et l'Etat pour 9 3/4 p. c. Ainsi l'Etat, en intervenant dans cette faible proportion, a pu provoquer de 1841 à 1850 l'exécution de travaux pour nue somme de 25,898,000 fr.

Ces dépenses ont-elles été faites sans discernement et sans résultat utile ? Qu'a-t-on fait de ces 25,898,000 fr. ? Voici ce qui a été exécuté : En grande et petite voirie, pavement, empierrement ou ensablement, les communes avec l'aide de l’Etal ont construit, pavé, empierré, ensablé, 1,275 lieues, c'est-à-dire une étendue supérieure à la longueur de toutes les routes nationales, provinciales et concédées réunies.

Nous avons en routes de l'Etat, routes provinciales et routes concédées, une longueur de 1,247 lieues ; et les communes aidées par les provinces et l'Etat, ont exécuté en 10 ans 1,275 lieues de voirie vicinale pour la somme de 25,898,000 fr., soit à peu près 20 mille francs par lieue.

Voilà un exemple de l'activité, de l'intelligence qui ont précédé au service de la voirie vicinale pendant ces 10 années.

De 1830 à 1840 il n'avait été fait de routes vicinales pavées ou empierrées qu'à concurrence de 309 lieues ; avant 1830, nous n'en avions que 299. Ainsi jusqu'à 1840 nous n'avions que 600 lieues environ de chemins vicinaux pavés ou empierrés, et de 1840 à 1850 nous avons ajouté 1,275 îieues, c'est-à-dire plus du double de tout ce que nous possédions.

Messieurs, permettez-moi, puisque je suis sur ce terrain, d'ajouter un renseignement sur l'état de notre grande voirie. Je ne veux pas qu'on puisse croire que si la voirie vicinale a fait de grands progrès, le corps des ponts et chaussées soit resté inactif pour les autres routes. On a beaucoup travaillé au département des travaux publics, mais vous allez voir dans quelle proportion. Tandis que la voirie vicinale effectuait la construction de 1,275 lieues de routes, le corps des ponts et chaussées, dans le même espace de temps, présidait à l'exécution de 411 lieues de routes de l'Etat, routes provinciales et routes concédées.

Et, sous ce rapport, il y avait également un progrès marqué sur les années antérieures. Avant 1795 le pays possédait 452 lieues de routes ; de 1795 à 1814, savez-vous combien nous avons construit de routes ? C'était une période de domination étrangère : nous avons construit en Belgique 38 lieues de routes !

Notre argent était employé à d'autres dépenses.

De 1815 à 1830 nous avons construit 160 lieues.

De 1831 à 1840 nous avons construit 180 lieues ; et enfin de 1841 à 1850 nous avons construit 411 lieues, ce qui nous donne un total, eu 1850, de 1,247 lieues de routes de l'Etat, provinciales et concédées. Et les routes vicinales avaient, en 1850, une éteniluede 1,883 lieues ; donc un tiers de plus que toutes les routes de l'Etat, provinciales et concédées. Depuis 1850, le chiffre s'est encore accru ; il doit être aujourd'hui d'au moins 2,000 lieues.

C'est ce léger service de 2,000 lieues de routes vicinales que l'honorable M. de Man veut tout simplement remettre à l'administration des ponts et chaussées. Il se figure que l'administration des ponts et chaussées va se charger de ce nouveau service, bien supérieur à celui qu'elle a aujourd'hui, sans aucune espèce d'augmentation de personnel ni de dépense.

Voilà un des côtés pratiques et administratifs de la proposition de l'honorable M. de Man.

Messieurs, le résultat que je viens de vous signaler mérite de fixer l'attention, rapproché surtout des moyens mis à la disposition du gouvernement. On peut se demander comment une administration aussi restreinte, aussi modestement organisée que l'administration de la voirie vicinale, a pu faire face à tant de besoins, a pu présider à tant de travaux sans donner lieu, on ne le niera pas, à aucune plainte sérieuse.

Le ministre de l'intérieur a dit que le service de la voirie vicinale, que le service des agents voyers n'était pas encore complètement (page 285) organisé, qu'il laissait encore quelque chose à désirer. Sans doute, messieurs, quel est le service qui ne laisse rien à désirer ? Nul ne viendra dire dans cette enceinte qu'il n'y a aucune espèce d'amélioration à introduire dans ce service comme dans tous autres. Non ; le service des agents voyers n'est pas parfait ; il peut encore se perfectionner. Mais tel qu'il est, ce service s'est recommandé par des travaux immenses, par des travaux dont le pays, à bon droit, peut être fier. Voilà ce qu'il faudrait aussi dire de ce service, pour être juste.

Messieurs, Dieu nous garde de nous associer aux accusations dont le corps des ponts et chaussées a été l'objet dans cette enceinte, et notamment de la part de l'honorable M. de Man ! C'est un corps auquel il avait voué une espèce d'animadversion parlementaire.

M. de Man d'Attenrode. - Cela n'est pas exact.

M. Rogier. - Ce corps n'avait pas vos sympathies. Il a été souvent attaqué par vous en des termes très acerbes. Aujourd'hui tout est changé. Il faut remettre au corps des ponts et chaussées les 2,000 lieues de routes vicinales que les communes, les provinces et l'administration centrale, aidées par les agents voyers, sont parvenues à construire. Cela, messieurs, n'est pas possible.

Il y a, dit-on, surabondance de personnel au département de l'intérieur ; il faut faire cesser cet abus.

M. le ministre de l'intérieur a parfaitement répondu à cette objection. La division de la voirie vicinale qui est chargée en même temps du service de la santé publique, du service de l'hygiène, autre branche de service d'une très haute importance, compte cinq ou six employés.

C'est la division qui a été organisée avec le plus d'économie. C'est celle, je crois, qui renferme le moins d'employés. Et il faut entendre dire dans cette enceinte qu'il y a là surabondance de personnel et que ce mal ne finira que lorsque la voirie vicinale sera remise entre les mains des ponts et chaussées ! Mais l'honorable M. de Man d'Attcenrode s'est-il imaginé que si la division de la voirie vicinale passe aux travaux publics, il ne faudra pas une augmentation de personnel dans ce département ?

Va-t-on trouver aux travaux publics des fonctionnaires tout prêts à se charger de ce service ?

Nécessairement on créera aux travaux publics une nouvelle division, ou l'on prendra la division de l'intérieur avec tout son personnel. On ne fera croire à personne qu'il y a place dans une division des travaux publics pour ce service si important de la voirie vicinale qui comporte à lui seul 2,000 lieues de développements de routes.

Ensuite, si cette idée malheureuse venait à se réaliser, ce que je ne crois pas possible, que ferait-on du service de la santé publique, du service de l'hygiène publique qui se rattache si intimement à la voirie vicinale ?

Est-ce qu'on transportera aussi aux travaux publics le service sanitaire, le service de l'hygène publique ? Pourquoi pas ? il y a aussi des travaux, il y a des constructions à faire, et ces travaux, et tout ce qui est construction et travaux, concernent les ingénieurs des ponts et chaussées, l'honorable M. de Man vient de nous en donner l'assurance. Tout service où l'on remuerait une brique devrait être transporté aux travaux publics.

Pourquoi ne pas transporter aux travaux publics l'instruction primaire ? Il y a là des écoles à bâtir pour des sommes considérables. Pourquoi pas les cultes ? Il y a des presbytères à faire, aussi pour des sommes considérables. Ce sont des travaux ; donc remettons tout cela aux travaux publics, et il en résultera de grandes économies, s'il faut en croire l'honorable M. de Man.

Il y a, dit-on, tendance au département de l'intérieur à accaparer les ingénieurs des travaux publics ; il faut que cela finisse. Où donc s'est manifestée cette tendance ? Je vois dans les documents qui viennent d'être imprimés à l'appui du rapport de la section centrale, un rapport de M. l'inspecteur de la voirie vicinale et de l'agriculture au département de l'intérieur, et voici à quelle occasion.

Dans cette enceinte et au Sénat, il a été souvent réclamé que le gouvernement s'occupât de la question si importante des cours d'eau, question de la plus haute importance pour l'agriculture. M. le ministre de l'intérieur a interrogé son agent et lui a demandé un rapport sur l'importance des cours d'eau et sur les études qui seraient à faire. L'inspecteur lui a répondu : Voilà ce qu'il y aurait à faire ; le travail est très grand, très considérale, il faudrait, pour faire ce travail, deux employés de plus.

Voilà le grand crime des agents de l'administration de l'intérieur qui veulent tout absorber, qui veulent accaparer l'administration des ponts et chaussées, qui veulent créer des services d'ingénieurs ! Pourquoi ? Parce que M. l'inspecteur de la voirie vicinale et de l'agriculture, interrogé par M. le ministre de l'intérieur sur ce qu'il y aurait à faire pour s'occuper utilement de l'immense question des cours d'eau, a dit que pour s'en occuper utilement il lui faudrait deux employés de plus.

Eh bien, qu'a fait la section centrale dont l'honorable M. de Man est rapporteur ? Elle a coupé court à cet esprit envahisseur de l'administration de l'intérieur ; elle a dit : Vous n'aurez pas ces deux employés de plus, et la question des cours d'eau, si souvent recommandée dans cette enceinte et au Sénat, deviendra ce qu'elle pourra ; on ne s'en occupera pas. On aura rendu au pays le service immense de ne pas laisser passer deux ingénieurs des travaux publics au département de l'intérieur pour s'occuper des questions des cours d'eau.

Remarquez, messsieurs, qu'il n'y a pas même de dépense extraordinaire. Les employés des travaux publies sont, en quelque sorte, prêtés au ministère de l'intérieur, mais ils ne reçoivent pas deux traitements ; si on les faisait rentrer au département des travaux publics, ils toucheraient leur traitement sur le budget des travaux publics au lieu de le toucher sur le budget de l'intérieur, et il n'y aurait pas un centime d'économie.

J'ai démontré, messieurs, qu'il n'y a aucun motif pour enlèver au département de l'intérieur un service qui, depuis tant d'années, a très bien fonctionné ; pourquoi maintenant remettre ce service au département des travaux publics ?

J'ai entendu les motifs donnés par l'honorable M. de Man, et j'en suis resté émerveillé ; voici ce que dit M. de Man des agents des ponts et chaussées, auxquels il veut remettre aujourd'hui la voirie vicinale : D'abord ils ont, suivant lui, un esprit dépensier, il l'a dit hier et avant-hier ; mais, en revanche, ils n'ont pas le génie administratif ; du génie, n'en a pas qui veut ! Enfin, ils rachètent cela par l'esprit despotique qui les caractérise. Voilà donc trois qualités qu'on attribue aux agents auxquels on veut aujourd'hui remettre la voirie vicinale : ils ont un esprit dépensier, un esprit anti-administratif et un esprit despotique.

A la vérité, l'honorable membre veut bien leur reconnaître une certaine aptitude : ils ont l'aptitude à faire des projets et des avant-projets ; mais M. de Man les charge de la voirie vicinale à une condition, il l'a dit dans son discours d'hier, c'est à la condition qu'ils se garderont bien de faire des projets et des avant-projets. Ainsi la seule aptitude qui leur restait, d'après l'honorable M. de Man, leur seule aptitude, qui consistait à faire des projets et des avant-projets, l'honorable M. de Man ne veut pas qu'ils en usent. Ils seront donc condamnés à administrer la voirie vicinale exclusivement sous l'influence de cet esprit dépensier, anti-administratif et despotique qui les distingue. Eh bien, messieurs, ce sont précisément trois défauts qui devraient, s'ils existaient, faire repousser d'autant plus la proposition de l'honorable M. de Man, car la voirie vicinale ne comporte pas de grandes dépenses, car la voirie vicinale est une chose essentiellement administrative, car la voirie vicinale n'est pas une chose qui doive être conduite despotiquement, c'est un service qui exige, au contraire, le plus grand esprit de conciliation. Ainsi, messieurs, les agents des ponts et chaussées, s'ils étaient tels que les dépeint l’hononorable M. de Man, seraient, de toutes les administrations, les agents les moins capables d'administrer la voirie vicinale.

Savez-vous, messieurs, ce qui résulterait de cette transformation ? En voici deux résultats inévitables, suivant moi : aggravation de dépenses pour les communes, aggravation de dépenses pour l'Etat. Aujourd'hui, par qui est administrée la voirie vicinale ? Par des agents provinciaux nommés par le conseil provincial, et qui ont tout intérêt à ménager les finances des communes et les finances des provinces.

Par quoi veut-on remplacer ce corps de. fonctionnaires électifs ? Par des fonctionnaires de l'Etat. Et qui nous fait cette proposition ? Un honorable membre qui ne cesse de prononcer des discours, de faire des rapports contre la centralisation, contre la manie qu'aurait le gouvernement de tout absorber, de tout centraliser. Voilà que l'auteur de ]outes ces accusations contre la prétendue manie centralisatrice du gouvernement, propose de faire d'un grand nombre d'agents électifs, d'agents, provinciaux, des fonctionnaires de l'Etat ; il veut concentrer dans les mains de l'Etat tout le service de la voirie vicinale qui, aujourd'hui, appartient à des fonctionnaires électifs, à des fonctionnaires provinciaux et communaux !

Si ce système était admis, savez-vous, messieurs, ce qui en résulterait ? Les agents des ponts et chaussées ne s'inquiéteront pas de la situation financière des provinces et des communes, ils s'en inquiéteront d'autant moins qu'ils ne seront pas les agents du ministère de l'intérieur qui est appelé à venir en aide aux communes lorsqu'elles sont en souffrance. Ainsi les agents des ponts et chaussées (et à leur point de vue ils ne feront pas mal), les agents des ponts et xhaussées, quoique M. de Man le leur défende, feront des projets et des avants-projets plus ou moins coûteux pour les communes ; et, comme ils ont un esprit dépensier, un esprit anti-administratif et un esprit despotique, ils forceront les communes à passer par leurs conditions. Que fera le département de l'intérieur, qui n'aura plus rien à voir dans l'administration de la voirie vicinale ? Il ne pourra plus rien empêcher, et lorsque les communes auront été obérées par des agents qui n'ont pas à ménager leurs finances, elles s'adresseront au ministère de l'intérieur, qui devra leur venir en aide. Voilà la première conséquence de la proposition de l'honorable M. de Man.

Cette proposition a un autre danger : jusqu'aujourd'hui le service de la voirie vicinale est resté ce qu'il doit être, une dépense essentiellement communale ; mais prenez-y garde, avec le changement proposé par M. de Man, vous courez risque de changer cette dépense essentiellement communale en une dépense de l'Etat. Quand la voirie vicinale sera administrée par les agents de l'Etat, on n'y regardera pas de si près, on dépensera plus largement et comme ce sont les ponts et chaussées qui ont à faire les rapports, ils engageront le département des travaux publics à se montrer plus large pour les dépenses d'entretien comme pour les dépenses de construction. Je n'hésite pas à le dire, si cette transformation était effectuée, il ne s'écoulerait pas deux ans avant que le département des travaux publics ne fût chargé de beaucoup de dépenses qui, aujourd'hui, n'incombent pas à l'Etat.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez, pour combattre cette proposition de l'honorable M. de Man.

(page 286) Ainsi que l’a fait observer M. le ministre de l’intérieur, elle a déjà été l'objet de discussions dans le sein des sections centrales, elle n'a jamais abouti. Je ne suis pas enneni des changements utiles, mais je suis grand adversaire des changements inutiles, et encore plus grand adversaire des changements nuisibles. Or, je ne vois aucun côté justifiable dans la proposition de l'honorable M. de Man ; je n'y vois que de mauvais côtés. Pourquoi dès lors cette proposition serait-elle admise par la Chambre ;?

Messieurs, je ne sais jusqu'à quel point il y a convenance de tirer parti de paroles particulières échangées entre un membre de cette chambre et un ministre. Aux excellentes raisons données ici officiellement par M. le ministre de l'intérieur, on vient opposer je ne sais quels lambeaux de conversations qu'on aurait eues avec lui. Quant à moi, je ne puis attacher aucune espèce d'importance à ces conversations.

Nous connaissons l'opinion de M. le ministre de l'intérieur par les discours qu'il prononce dans cette enceinte, et on ne peut venir invoquer contre lui quelques paroles qui auraient pu lui échapper chez lui ou dans l'un ou l'autre salon.

Je le répète, je ne puis attacher aucune importance à ces espèces de révélations qui à l'avenir rendront, sans doute, M. le ministre de l'intérieur plus réservé à l'égard de certains membres.

Une dernière observation. M. le ministre de l'intérieur a parfaitement démontré que le transfert de la voirie vicinale, de l'intérieur aux travaux publics, ne peut se concilier avec la législation actuelle. Si l'on adoptait la proposition de l'honorable M. de Man, il faudrait commencer par modifier profondément la loi du 10 avril 1841.

La Chambre a certainement le droit d'adopter cette proposition, c'est à-dire que la Chambre, en discutant les budgets, a le droit de transférer un chapitre d'un budget à l'autre ; mais ce droit existe, aussi et particulièrement, entre les mains du pouvoir exécutif. Si donc le Roi en son conseil croyait utile, par des raisons particulières, de maintenir la voirie vicinale au département de l'intérieur, vous n'auriez pas le pouvoir d'empêcher le gouvernement de maintenir la voirie vicinale là où il la croit le mieux administrée.

Il y a une foule d'antécédents. Le budget ne lie pas le pouvoir exécutif, en ce qui concerne les attributions des ministres. En 1840, l'instruction publique, qui figurait au budget de l'intérieur, a été transférée par arrêté royal au département des travaux publics, et personne n'a critiqué ce transfert au point de vue de la légalité. En 1834, la police qui était à la justice, a été, par arrêté royal, transférée au département de l'intérieur, et personne n'a trouvé à redire à ce changement d'attributions opéré par arrêté royal.

Plus tard, en 1841, l'instruction publique qui avait figuré au budget des travaux publics a été reportée, en vertu d'un arrêté royal, au département de l'intérieur. Lorsque l'honorable M. Dechamps a passé du ministère des travaux publics à celui des affaires étrangères, il a fait transférer à ce dernier département par arrêté royal la division du commerce intérieur, bien que cette division figurât dans le budget de l’intérieur.

La division du budget ne lie en aucune manière le pouvoir royal. Vainement auriez-vous mis au département des travaux publics l'administration de la voirie vicinale ; dès le lendemain, le Roi pourrait remettre cette administration au département de l'intérieur, où elle est très bien. Il n'y aurait aucune espèce d'illégalité. Le pouvoir exécutif étant responsable de sa gestion, il doit rester libre de la distribuer comme il l'entend, de la répartir entre les départements et les fonctionnaires qu'il croit les plus aptes à en administrer les différentes parties.

Aujourd'hui, il n'y aurait pas illégalité, mais absence de convenance, à transférer d'un département à l'autre un service public, alors que l'un et l'autre ministère repoussent le transfert.

Par toutes ces raisons, je m'oppose à la proposition de l'honorable M. de Man.

Projet de loi sur les distilleries

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi général sur les distilleries.

Le but principal de ce projet de loi est d'augmenter le taux de l'accise sur le genièvre ; et de crainte que la présentation de ce projet de loi n'ait pour conséquence de faire accélérer la distillerie jusqu'au vote de la loi et qu'il n'en résulte un renchérissement dans le prix des grains, le gouvernement a inséré dans le projet un article qu'il a puisé dans de nombreux précédents parlementaires, et par lequel il est déclaré que toutes les déclarations, à partir du 1er janvier 1854, seraient réglées d'après la nouvelle loi.

- Ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué, est renvoyé à l'examen des sections.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi déposé par M. le ministre da l'intérieur, et tendant à faire allouer un crédit provisoire de 150,000 fr., pour le service de son département, l'honorable ministre prévoyant que son budget ne pourra pas être discuté avant la nouvelle année.

- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. Allard (pour une motion d’ordre). - Messieurs, les sections ont été réunies aujourd'hui pour examiner le projet de loi relatif aux houilles étrangères. J"ai présenté dans ma section une proposition tendant à déclarer les houilles libres à l'entrée jusqu'au 31 juillet prochain. Cette proposition a été accueillie. Eu attendant que cette mesure soit adoptée par la Chambre et produise de bons effets, je crois devoir rappeler à M. le ministre des travaux publics ce qu'il disait, il y a quelques jours, à l'honorable M. Delehaye qui provoquait l’établissement de convois de nuit pour le transport des houilles : « Qu'il s'était mis en mesure pour avoir le matériel nécessaire pout accélèrer le transport des houilles ».

Eh bien, messieurs, malgré cette déclaration, il y avait hier dans la station à Manage 400 waggons de houille qui attendaient leur départ pour diverses destinations ; de ces 400 waggons, le chemin de fer de l'Etal en a transporté 53 seulement.

La station de Marimont avait hier 120 waggons chargés ; les stations du Bois-du-Luc, de la Louvièie, de Bracquegnies étaient également encombrées de waggons chargés. Je prie M. le ministre de prendre des mesures pour accélérer les transports. La société anglaise avait hier plusieurs locomotives attelées à ses trains, tandis que les trains de l'Etat n'en avaient qu'une seule. Si l'on veut que la houille arrive aux centres de consommation où elle manque, il faut qu'on prenne des mesures pour l'y conduire. Il est impossible d'imputer aux charbonnages le défaut de charbons quand des waggons chargés encombrent les stations, qu'on ne les transporte pas et qu'on les laisse ainsi sans matériel pour charger au fur et à mesure ce qu'on extrait.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Dans les limites des pouvoirs que je possède, il sera fait droit aux observations de l'honorable représentant du Hainaut. Il est de fait qu'il y a un véritable encombrement dans les stations depuis la fermeture, des voies navigables, par suite de l'insuffisance du matériel pour faire face à toutes les demandes qui sont adressées à l'administration. Je ferai remarquer que les embarras ne proviennent pas toujours du fait du gouvernement, mais de celui de la compagnie concessionnaire avec laquelle le gouvernement a encore en ce moment des difficultés.

Cette compagnie se trouve dans l'impossibilité de faire face à toutes les demandes, son matériel est insuffisant ; l'administration ne peut pas y suppléer, elle ne peut pas avoir l'obligation de diriger son matériel sur les lignes concédées quand il ne suffit pas pour enlever toutes les marchandises déposées sur les lignes de l'Etat, il arrive journellement que des établissements industriels importants placés sur la ligne concédée s'adressent à l'administration pour avoir du matériel ; l'administration cherche à satisfaire d'abord aux besoins des stations situées le long de la ligne de l'Etat.

Si la compagnie de Liège à Namur et de Mons à Manage avait un matériel suffisant, ces embarras n'existeraient pas. A cet égard, le gouvernement a les pouvoirs nécessaires pour obliger les compagnies à avoir le matériel nécessaire à leur exploitation.

M. Moncheur. - Le matériel de la compagnie est plus considérable que celui de l'Etat, eu égard à la longueur de ses lignes.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La ligne de Mons à Mauage est avanl tout industrielle ; c'est même une ligne exclusivement industrielle. C'est de ces stations que partent les transports et presque rien n'est en destination pour elles ; l'on conçoit donc que le matériel affecté au service de ces lignes doive être très considérable et ne suffise pas en ce moment. Une autre raison pour laquelle l’administration se trouvait vis-à-vis de la compagnie concessionnaire de Mons à Manage dans une position difficile, c'est que cette compagnie livrait à la station mixte de Manage toutes les expéditions pêle-mêle. L'administration lui a donné l'ordre de livrer ses expéditions suivant les destinations respectives ; cette exigence était parfaitement légitime. Ce n'est pas au gouvernement, à l'administration qu'il appartient, ou qu'il incombe le devoir de faire le triage des expéditions qui ont lieu d'un des points des lignes concédées. Si l'on veut que l'on suffise aux demandes qui se produisent et se renouvellent chaque jour, il est indispensable que les compagnies viennent en aide à l'administration et n'entravent pas son action par leurs exigences ou leur mauvais vouloir.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour l’exercice 1854

Discussion des articles

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Section I. Ponts et chaussées
Article 6

M. Thiéfry. - Je n'ai réclamé hier la parole que pour rectifier des faits mal interprétés.

Lorsque M. le ministre des travaux publics a indiqué les dépenses qui devaient être affectées par son département à l'achèvement de plusieurs routes, il a cité le prolongement de la rue dela Loi. On a cru qu'il ne s'agissait réellement que d'une rue, et des murmures se sont fait entendre ; MM. de Man et Osy ont pensé que c'était un moyen d'accorder à la ville de Bruxelles un subside extraordinaire pour des dépenses qu'elle seule doit supporter. Et comme il n'arrive que trop fréquemment que des membres de cette Chambre adressent aux ministres des observations non fondées sur de prétendus avantages qu'ils font à la capitale, je crois devoir rappeler ce qui a rapport à cette affaire.

Au projet de loi présenté pour la réunion du Quartier-Léopold à la ville, il y avait un plan d'après lequel la ville de Bruxelles devait exécuter non seulement une route directe vers le champ de manœuvres, et que M. le ministre a appelé le prolongement de la rue de la Loi, mais encore établir deux nouvelles voies de communication, l’une vers la chaussée de Louvain, l'autre vers celle de Wavre. Ces routes ont été (page 287) proposées dans l'intérêt général ; elles faciliteront les abords de la capitale, et permettront d'éviter des pentes dangereuses. On améliorera par conséquent la grande voirie, et on rendra un véritable service aux voituriers qui feront usage de ces routes.

La ville de Bruxelles a consenti à se charger de tous les travaux, qui lui coûteront plus d'un million, à une seule condition, c'est de rester dans le droit commun, c'est de pouvoir profiter des mêmes avantages que le gouvernement accorde à toutes les communes qui construisent des routes, et dans cette circonstance on n'aura fait ni plus ni moins our Bruxelles que pour Louvain, Anvers, ou autres localités.

Ces explications suffiront, je pense, pour faire voir aux honorables membres qui ont critiqué le subside à accorder à la ville de Bruxelles, qu'il ne s'agit ici que d'un acte de justice.

J'ajouterai même que si des réclamations devaient avoir lieu en raison des subsides alloués pour les routes, elles seraient faites par les députés du Brabaut et du Hainaut, car il résulte des renseignements fournis à la Chambre que ces deux provinces ne reçoivent pas les sommes auxquelles elles auraient droit de prétendre, et il en est de même poue les sommes allouées pour les chemins vicinaux.

Chaque fois qu'il s'agit de la ville de Bruxelles, je suis réellement peiné d'entendre toujours l'honorable M. Osy énumérer les sommes que l’on a données à la capitale, comme si, pour les mêmes motifs, on n'accordait rien aux autres localités. Ces observations n'ayant d'autre but que de faire croire à une partialité qui n'existe pas, je ne puis les laisser sans réponse. L'honorable membre reproche au gouvernement d'avoir prêté, en 1848, 200,000 francs pour la construction d'une caserne que la ville de Bruxelles n'était pas obligée de faire. J'ai déjà eu l'honneur de lui dire, dans la séance du 9 mars 1852, qu'on n'a pas dans cette circonstance accordé la moindre faveur à la capitale ; ce qu'on a fait pour elle, on l'avait déjà fait pour Louvain, Gand, Ypres, Tournai, Namur, Audenarde, Saint-Trond, Tirlemont, Mons, Liége, Hasselt, Lierre.

Il est vrai qu'Anvers n'est pas compris dans ces villes auxquelles on a prêté de l'argent pour construire des casernes ; mais aujourd'hui le ministre de la guerre en élève lui-même, aux frais de l'Etat, dans la citadelle d'Anvers. M. Osy ne réclame pas à ce sujet ; je ne présenterai pas non plus la moindre réclamation, ni contre ces travaux, ni contre d'autres faits par l'Etat au profit de la ville d'Anvers. Je préfère, pour obtenir des subsides, indiquer les besoins d'une localité, plutôt que de reprocher au ministre ce qu'il accorde aux autres.

L'honorable membre critique encore chaque année, non pas un acte du ministère, mais une mesure adoptée par les trois pouvoirs, la rente de 300,000 payée par l'Etat ; il devrait également se rappeler les motifs réels de la création de cette rente : il s'agissait d'indemniser la ville des pertes énormes qu'elle avait supportées en 1830, et il me paraît que les services qu'elle a rendus alors au pays, en arborant la première le drapeau de l'indépendance nationale, étaient assez importants pour ne pas être oubliés aussi tôt.

Je voulais présenter quelques observations sur les deux amendements soumis à vos délibérations.

La discussion qui vient d'avoir lieu me dispense de m'étendre à ce sujet. Je me bornerai à dire quelques mots. L'honorable M. de Man propose d'augmenler le budget des travaux publics au moyen du transfert d'une allocation à prendre au budgetde l'intérieur, il a été guidé dans sa proposition, non parce que le service est mal exécuté par ce dernier ministère, mais, a-t-il dit, par la crainte de voir augmenter le personnel des ingénieurs. Ses observations concernent le département de l'intérieur, on vient déjà de les discuter, on a pu apprécier les motifs qui ont donné lieu à la proposition, elles ne sont certainement pas suffisantes pour changer les attributions des ministres.

Les orateurs qui m'ont précédé ont suffisamment développé les raisons qui m'engagent à rejeter cette proposition.

L'amendement de M. Osy, au contraire, a pour but une diminution de 100,000 fr. sur le budget des travaux publics. Si la Chambre l'adopte, M. le ministre vous a dit ce qu'il en résulterait ; quand on réclamera une route, il répondra qu'il faut attendre, que le crédit de son budget est diminué. Comme je pense que, dans l'intérêt de la prospérité du pays, il est avantageux de donner de l'extension aux voies de communication, je ne veux pas réduire ce crédit et je voterai contre les deux amendements.

M. Julliot. - Messieurs, nous avons tellement enveloppé tous nos intérêts dans les langes de l'Etat, qu'il se révèle dans cette Chambre une émulation générale pour s'en dégager un peu, tantôt sur tel point, tantôt sur tel autre ; et cela promet. Chacun a une idée qu'il présente pour être traduite en application.

Mais en faisant toujours le procès aux théories, nous sommes devenus si pratiques que nous ne nous retrouvons plus dans les principes.

Nous préconisons en même temps la centralisation et la décentralisation administrative.

Nous ne lions pas assez les idées entre elles ; de là, viennent les discussions quelque peu confuses des dernières séances auxquelles nous avons contribué tous.

C'est ainsi que nous voyons émaner de la même source les efforts les plus intelligents et les plus persévérants pour arracher à l'Etat son action partout où elle est inutile, en même temps qu'on nous dépose un projet centralisateur. Mais je demanderai à ce champion de la décentralisation comment il est arrivé à l'idée de transformer une petite centralisation dans une irès-graijde, comment il trouve utile de prolonger par de nouveaux aliments la durée d'une corporation quasi-féodale mais temporaire, et qui n'est pas loin d'avoir fait son temps ; car on dirait que la construction des grandes routes va seulement se développer puisque l'honorable M. de Man demande le développement du ministère qui y préside.

Je ne sais comment ceux qui veulent beaucoup de chemins vicinaux et à bon marché arrivent à conclure qu'il faille en confier la construction aux agents des ponts et chaussées.

Entre le ministère de l'intérieur et celui des travaux publics il y a, en fait de voirie, ceci : c'est que dans le ménage du premier on se fait honneur avec peu de chose, et que le second, avec son grand train de maison, avec ses nombreux intendants, les uns plus élevés que les autres, est obligé, par position, d'en dépenser six fois autant pour obtenir le même résultat.

L'honorable M. de Man propose de faire distribuer par le ministre des travaux publics 592,800 francs en subsides aux provinces et aux communes, pour favoriser l'amélioration de la voirie vicinale ; mais si cette distribution doit se faire globalement aux provinces, peu importe le ministère qui les fait, car il n'aura d'autre besogne que de délivrer autant de mandats qu'il y a de provinces, et pour cette division unique, aucun employé spécial n'est nécessaire, ni à l'un ni à l'autre ministère, et alors pourquoi déplacer les attriburions ?

Si au contraire la motion a pour but de supprimer nos commissaires voyers et de les remplacer par le personnel des ponts et chaussées, vous ne produirez, avec une somme donnée, que le tiers de services utiles que vous produisez par la voie usitée.

Si telle est la portée de la proposition, je m'y opposerai de toutes mes forces, car ce serait arrêter tont court l'élan donné à la voirie vicinale.

Soyons justes, l'intervention de l'Etat dans la voirie vicinale et sous la forme où elle s'est produite, a fait des prodiges ; elle a doté les campagnes de près de 2,000 lieues de routes praticables et peu coûteuses. Qui de nous pourrait soutenir le contraire ? Je ne m'inquiète pas de savoir qui a donné cet élan, mais je dis que cette initiative a fait un bien incalculable à la généralité du pays, et que celui qui a la conscience d'en être l'auteur peut se contenter de sa part d'utilité fournie au pays, en admettant même que l'intention ait été politico-économique. Et pourquoi ces grands résultats par un minime concours de l'Etat ? Je vais vous le dire : Parce que dans cette matière, on a décentralisé l'administralion, qu'on nous a administré de près ; les commissaires-voyers a pied, couverts d'une blouse, sont venus dans nos communes nous dire : Vos chemins ne sont pas l'affaire de l'Etat ; aide-toi, le ciel l'aidera ; donnez en travail ce que vous n'avez pas en argent, je fournirai un subside et nous travaillerons ensemble.

Voilà tout le secret de ce puissant levier ; appliquez-le à d'autres matières et vous obtiendrez le même résultat ; mais gardons-nous de charger les longs bras de l'Etat, dans la personne de l'honorable ministre des travaux publics, de placer les cailloux et de curer les ruisseaux dans nos villages.

Le nom pour caractériser ces projets me fait défaut.

Si, donc, nous voulons que le bienfait des moyens de communication se généralise, ne touchez pas à cette organisation, car il n'est aucun fait d'un intérêt si général que celui qui se pose dans toutes les communes sans distinction et à la fois.

Ceux surtout qui ont des appréhensions politiques sur la puissance du gouvernement doivent m'aider à démontrer que l'abandon des routes et des canaux aux provinces qui recevraient de l'Etat les sommes qu'il dépense maintenant serait utile, car ils atteindraient complètement leur but.

Faites refluer l'action des travaux publics dans la sphère rapprochée de l'intérieur et prenez sur ces travaux qui s'adressent bien moins à l'intérêt général que ceux qui se font dans toutes les communes, tout ce que vous pouvez leur prendre en respectant les droits acquis sur les routes décrétées, et nous aurons fait chose utile et profitable.

Plus on administrera de près, plus les bras de l'Etat, se raccourcissant, seront à portée de défendre ses poches.

Tel est le but utile que nous devons poursuivre sans relâche, et pour ma part je n'y faillirai pas, car les questions économiques qui se préparent à paraître nous en fourniront l'occasion.

Je repousserai donc le projet de l'honorable M. de Man, et voterai l'amendement de l'honorable baron Osy, comme toutes les propositions qui auront pour but de rapprocher l'administration des administrés.

- Plusieurs voix. - La clôture ;! la clôture !

M. de Man d'Attenrode. - Je demande la rarole contre la clôture.

Messieurs, permettez-moi de vous dire encore un mot ; je ne parlerai pas deux minutes. Il dépend de moi de clore le débat, en retirant ma proposition ; laissez-moi dire quelques mots.

M. Orban. - A moins que ce soit pour retirer la proposition, je m'oppose à ce que M. de Man ait la parole ; je réclame mon tour, car je me propose de combattre sa proposition.

M. de Muelenaere. - Comme mon honorable ami a manifesté l'intention de retirer sa proposition, on devrait, ce me semble, lui donner la parole ; ce serait le meilleur moyen de clore le débat.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

(page 288) M. le président. - La parole est à M. Rodenbach.

M. de Theux (pour une motion d’ordre-. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, on n'a pas compris l'objet et le sens de la clôture ; chacun de nous l'aurait votée, s'il avait été entendu que l'honorable M. de Man pourrait expliquer les motifs pour lesquels il voulait retirer sa proposition ; mais dans l'incertitude où nous étions à cet égard, nous avons dû voter contre la clôture.

M. le président. - On a demandé la clôture pure et simple ; la clôture a été mise aux voix ; elle n'a pas été adoptée ; je dois donner la parole aux orateurs suivant leur ordre d'inscription.

Le premier inscrit est M. Rodenbach.

- Un membre. - Il cède la parole à M. de Man.

M. le président. - Puisque M. Rodenbach cède son tour de parole à M. de Man, M. de Man a la parole.

M. Rodenbach. - J'y consens.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai été amené à déposer la proposition que vous discuter par une conviction profonde. J'ai cru que je remplissais un devoir en agissant ainsi. Les débats qui ont surgi prouvent que cette question n'était pas dénuée d'importance.

En rejetant la motion qui tendait à empêcher la discussion, vous m'avez donné une preuve de bienveillance dont je vous remercie.

Mais je le déclare sans détour, j'éprouve un scrupule, c'est de vous avoir demandé un vote sur une question présentée ici d'une manière incidente, sans que vous ayez eu le temps de l'examiner dans vos sections. Il y a eu trop de présomption de ma part, je ne puis approuver moi-même cette manière de procéder. Je retire donc ma proposition.

Mais cette discussion n'aura pas été inutile, la question a été posée. Et j'espère qu'il est bien entendu, et c'est là l'avis de grand nombre de mes collègues, que le gouvernement examinera la question avec maturité d'ici au prochain budget. (Interruption.)

Je dis qu'il est bien entendu que le gouvernement examinera cette question d'ici au prochain budget, et que c'est l'avis d'un grand nombre de mes collègues. (Interruption.)

Il me semble fort extraordinaire d'entendre l'honorable M. Rogier réclamer contre cette recommandation.

La lumière, me semble-t-il, ne doit pas lui déplaire. S'il est suffisamment instruit, il doit au moins permettre à ses collègues de demander au gouvernement qu'il étudie cette question.

M. le président. - (erratum, page 320) La proposition de M. de Man étant retirée, il ne reste plus que la proposition du gouvernement et celle de M. Osy.

« Le chiffre du gouvernement étant le plus élevé, je le mets d’abord aux voix (2,577,438 francs).

- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Plantations des routes ;: fr. 41,200. »

- Adopté.

Section II. Bâtiments civils
Articles 8 et 9

« Art. 8. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat : fr. 90,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Travaux de construction, d'amélioration et d'entretien, charge extraordinaire ;: fr. 60,000. »

- Adopté.

Article 10 (nouveau)

M. le président. - Un article 10 nouveau est proposé, comme charge extraordinaire, par le gouvernement dans les termes suivants :

« Seconde annuité due à la ville de Bruxelles pour distribution d'eau, d'après le nouveau mode, aux bâtiments civils situés en cette localité ;: fr. 6,400. »

- Adopté.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article 11

« Art. 11 (10 du projet). Canal de Gand au Sas-de-Gand. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 26,685.

« Charge extraordinaire ;: fr. 34,500. »

- Adopté.

Article 12

« Art. 12 (11 du projet). Canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 12,585.

« Charge extraordinaire ;: fr. 43,000. »

M. le président. - Le gouvernement propose par amendement de porter à 20,975 fr. les charges ordinaires et à 48,000 fr. les charges extraordinaires. La sectiou centrale, a adopté ces augmentations.

M. David. - Il me semble que l'augmentation de 8,390 francs demandée au chiffre primitif des charges ordinaires doit figurer dans la colonne des charges extraordinaires. Cette augmentation a pour objet de rembourser à l'entrepreneur de l'entretien du canal de Maestricht à Bois-le-Duc les retenues qui ont été faites sur les six annuités précédentes ; elle ne peut donc se produire qu'une fois tous les six ans et, dès lors, ce complément ne doit pas être compris dans le chiffre de l'entretien annuel du canal. J'admets que ce n'est pas précisément une dépense extraordinaire, mais au moins n'est-elle que temporaire, et dès lors elle ne doit pas figurer dans la colonne des charges ordinaires et permanentes.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La proposition que fait l'honorable M. David est réellement sans importance. La raison qu'il donne de l'augmentation demandée est parfaitement exacte ; mais l'année prochaine le crédit sera ramené à son chiffre normal et, dès lors, je ne vois pas de nécessité à reporter cette augmentation de 8,390 fr. dans la colonne des charges extraordinaires.

M. David. - Dans tous les cas c'est une dénomination fort mal choisie : on ne peut évidemment pas donner le nom de charge ordinaire à une dépense qui ne doit se présenter qu'une fois tous les six ans. Il est très essentiel cependant que ma proposition soit adoptée ; car si on maintient la somme de 8,390 fr. parmi les charges ordinaires, il est très possible qu'elle y figure encore au budget prochain.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ferai remarquer à l'honorable M. David qu'il s'agit des travaux d'entretien ordinaire ; il s'agit de régulariser cette partie du crédit. Or, ces allocations inscrites pour travaux d'entretien ordinaire figurent toujours dans la colonne des charges ordinaires. C'est une simple régularisation : on demande cette augmentation pour apurer ce qui se rapporte aux travaux ordinaires.

M. David. - Les frais d'entretien annuel étaient de fr. 13,983 33 ; mais pour obtenir que l'entrepreneur des travaux d'entretien les exécutât convenablement, on lui faisait une retenue d'un sixième chaque année ; de manière qu'on ne lui a payé jusqu'à présent que 12,585 fr. au lieu de fr. 15,983 33 ; or, le bail d'entretien venant à échoir l'année prochaine, il faut rembourser à l'entrepreneur le montant des retenues qu'il a subies pendant les années précédentes à titre de garantie et qui s'élève à fr. 8,390. Cette augmentation ne devant plus se reproduire l'année prochaine, j'ai donc raison de demander qu'on la fasse figurer parmi les charges temporaires.

J'ajouterai, messieurs, que cette manière de procéder ne me paraît pas très régulière : il me semble qu'on devrait demander chaque année au budget la somme réellement nécessaire pour l'entretien du canal, et faire figurer comme recette au compte du trésor la somme retenue à titre de garantie, et à l'expiration du bail on solderait à l'entrepreneur le montant des retenues qui lui auraient été faites.

Je fais donc la proposition formelle de reporter les 8,390 fr. parmi les charges temporaires.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Il ne s'agit évidemment ici que d'une charge ordinaire. Pourquoi le gouvernement a-t-il demandé celle augmentaion de 8,390 fr. ? Pour restituer à l'entrepreneur les retenues qui ont été faites annuellement sur ce qui lui était dû pour l'entretien ordinaire. Il est donc bien évident que cette retenue faite à l'entrepreneur constitue également une charge ordinaire.

Au fond, j'attache très peu d'importance à la chose ; mais je crois que, pour la régularité, l'augmentation doit être maintenue dans les charges ordinaires.

- La proposition de M. David est mise aux voix et rejetée.

L'article du projet est adopté avec l'augmentation de fr. 8,390 proposée aux charges ordinaires.

Articles 13 à 15

« Art. 13 (12 du projet). Canal de Pommerœul à Antoing. Entretien et travaux d'amélioration ;: fr. 81,800. »

- Adopté.


« Art. 14 (13 du projet). Sambre canalisée dans les provinces de Hainaut et de Namur. Entretien et travaux de dragage ;: fr. 106,000. »

- Adopté.


« Art 15 (14 du projet). Canal de Charleroi a Bruxelles. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 60,500.

« Charge extraordinaire ;: fr. 19,000. »

- Adopté.

Article 16

« Art. 16 (15 du projet). Escaut. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 28,600.

« Charge extraordinaire ;: fr. 4,360. »

M. Boulez. - Messieurs, je désire faire une courte interpellation à M. le ministre des travaux publics.

Je lui demanderai de nouveau si, pour utiliser le canal de Schipdonck il compte consacrer des fonds au redressement des courbes de la Lys de Harlebeke à Deynze et prin-cipalemcnl de Vive-Saint-Eloi à Deynze. Ce redressement est de toute nécessité pour que le canal de Schipdonck produise des résultats utiles aux nombreuses populations de ces contrées, il exigera d'ailleurs moins de dépenses qu'un second chemin de halage (qui n'a jamais existé), que l'administration des ponts et chaussées veut établir, et pour lequel il faudrait démolir toutes les constructions qui se trouvent le long de cette rivière depuis Gand jusqu'aux frontières de France, abattre tous les arbres, remblayer les terrains marécageux et les bas-fonds pour une utilité insignifiante, tandis que ces redressements seraient compensés pour une part par la vente des terrains conquis sur le lit actuel de la Lys.

Il y aurait de plus l'avantage de prévenir des inondations fréquentes (page 289) fatales à la culture, qui arrivent après quelques jours de pluies ; car à cause de la grande affluence d'eau des ruisseaux la Maudel, la Gaverbeke et d'autres courants d'eau qui se déversent dans la Lys à une distance d'un kilomètre. Les eaux séjournent trop longtemps dans les courbes qui existent dans ces environs et occasionnent des inondations périodiques après trois ou quatre jours de fortes pluies, d'où il résulte des pertes considérables pour les propriétés riveraines de cette rivière, et c'est en grande partie pour remédier à ce fléau que le canal de Schipdonck est en voie d'exécution. Pourquoi les parties du territoire dont je prends en ce moment la défense n'auraient-elles pas une faible part à ce bienfait ?

Je prie M. le ministre des travaux publics de me dire si ce redressement à exécuter à la Lys pourra se faire ; les localités que j'ai l'honneur de représenter spécialement ici s'attendent à une réponse favorable.

M. Van Overloop. - Je désire simplement adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publies. Des plaintes nombreuses ont été faites par les habitants de Tamise sur l'état de l'embarcadère qui doit servir au passage des piétons et des voitures. Je demande si des mesures ont été prises pour donner satisfaction aux pétitionnaires. Aujourd'hui, le passage d'eau peut à peine être utilisé par les piétons ; et cependant, aux termes des lois qui régissent la matière, il faut qu'il soit praticable, non seulement pour les personnes, mais encore pour les voitures.

D'un autre côté, il résulte de cet état de choses que l'entrepreneur du passage d'eau serait, selon moi, fondé à réclamer une réduction sur le prix de son bail.

Je prie donc M. le ministre de me dire si des ordres ont été donnés pour qu'il soit fait droit aux réclamations.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - En réponse à l'interpellation de l'honorable M. Boulez, je lui ferai remarquer que la Lys est une rivière qui a été reprise par l'Etat en 1840 et qu'ainsi tous les ouvrages de redressement à effectuer à cette rivière doivent être faits au moyen d'allocations spéciales à porter au budget. En ce qui concerne le crédit extraordinaire mis à la disposition du gouvernement pour l'exécution du canal de Deynze à Schipdonck, il n'est pas permis au gouvernement d'en distraire une fraction quelconque pour la Lys ; ces fonds doivent conserver l'affectation qui leur a été donnée. Le gouvernement examinera s'il ne conviendrait pas de demander une allocation spéciale pour cet objet.

Quant à l'interpellation de l'honorable M. Van Overloop, je puis dire que des ordres ont été donnés à l'effet d’assurer le parfait état de l'embarcadère sur l'Escaut à Tamise.

M. Dumortier. - L'article maintenant en discussion concerne les travaux à effectuer à l'Escaut. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics à quel point en sont les travaux pour lesquels on a, par la loi de 1851, voté une somme assez considérable.

Je fais cette demande d'une manière d'autant plus pressante que l'an dernier, messieurs, par suite des inondations prolongées du haut Escaut, la récolte du foin sur ces magnifiques prairies a été totalement perdue, ce qui a occasionné aux propriétaires une perte qu'on peut évaluer à plusieurs millions de francs.

Maintenant, messieurs, les causes restant les mêmes, tout porte à croire que l'an prochain nous aurons encore les mêmes désastres ; tout porte à croire que cet état de choses doit se perpétuer. Cependant une somme assez considérable a été votée pour l'Escaut, par la loi de 1851.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - 1,500,000 fr.

M. Dumortier. - Eh bien, je demanderai au gouvernement, pourquoi alors qu'on emploie de toute part les sommes allouées par la loi de 1851, pourquoi l'Escaut seul reste en arrière et pourquoi on n'y apporte pas les améliorations reconnues nécessaires.

Je me réserve de prendre encore la parole si la réponse de M. le ministre le rend nécessaire.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'année dernière, à l'occasion de la discussion relative à l'Escaut, j'ai déclaré que le crédit extraordinaire de 1,500,000 fr. dont le gouvernement peut disposer en faveur de ce fleuve, serait intégralement affecté à l'exécution d'ouvrages qu'il réclame.

Je maintiens encore cette déclaration. L'honorable M. Dumortier me demande pourquoi jusqu'à présent le gouvernement n'a pas utilisé au moins une partie de ce fonds. La raison en est extrêmement simple : c'est qu'avant d'employer la moindre partie de cette allocation, il fallait bien que le gouvernement fût renseigné sur les effets qui auraient pu résulter de l'exécution immédiate de ces travaux.

D'après une loi qui est encore en vigueur, le gouvernement ne peut exécuter aucun ouvrage sur l'Escaut sans demander préalablement l'assentiment des villes de Tournai et d'Audenarde. Cet assentiment leur a été demandé pour l'exécution de certains barrages qui seront exécutés.

Quant aux autres ouvrages plus considérables et qui rentreront plus particulièrement dans le chiffre de 1,500,000 francs, j'ai ici un état indiquant les travaux à exécuter pour améliorer l'écoulement des eaux du haut Escaut. Mais, d'accord en cela avec M. l'ingénieur en chef des ponts et chaussées dans le Hainaut, le gouvernement doit apporter la plus grande circonspection dans l'exécution d'ouvrages de cette nature et les faire conformément au programme arrêté par la commission spéciale instituée pour cet objet.

M. Dumortier. - Je demande à M. le ministre si, avant de faire exécuter ce programme que nous ne connaissons pas, les administrations communales de Tournai et d'Audenarde seront consultées.

Je vois M. le ministre me faire un signe affirmatif ; c'est déjà quelque chose ; mais je ferai remarquer que tout système qui n'aurait pas pour base la dérivation du haut dans le bas Escaut, occasionnerait une dépense frustratoire pour l'Etat (il laisserait nos prairies dans l’état où elles sont.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. de Decker. - J'avais demandé la parole, mais je crois pouvoir me référer aux discours qui ont été prononcés cinq ou six fois dans les sessions précédentes sur le même objet.

- L'article 16 est mis aux voix et adopté.

Article 17

« Art. 17 (16 du projet. Lys dans les deux Flandres. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 34,970.

« Charge extraordinaire ;: fr. 45,050. »

M. le président. - Le gouvernement et la section centrale proposent d'augmenter de 10,000 fr. les charges extraordinaires.

M. E. Vandenpeereboom. - Dans la colonne des charges extraordinaires figure une somme de 45,050 fr. destinée à construire des ponts sur la dérivation de la Lys, dans l'intérieur de la ville de Courtrai. M. le ministre a pris l’engagement, pour servir les intérêts généraux, de rendre ces ponts carrossables. Je demande si la somme qui est demandée est suffisante, pour permettre au gouvernement de remplir cet engagement, et, dans le cas contraire, si M. le ministre est disposé à porter au prochain budget la somme supplémentaire nécessaire. La ville de Courtrai a fait tant de dépenses pour aider à l'amélioration de la Lys, qu’elle me semble avoir droit à ce que les travaux projetés soient complets et en état de satisfaire aux nombreux intérêts groupés autour de cette rivière.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, il est possible qu'à la suite d'un examen ultérieur l'administration reconnaisse l'utilité de rendre carrossables les deux ponts eu dérivation, qui doivent être faits dans la traverse de Courtrai. J'admets même que ces ouvrages présentent un caractère d'utilité très réelle. Si les fonds alloués étaient insuffisants, je me réserverai dans un budget prochain de demander une augmentation de crédit.

- L'article est adopté.

Articles 18 et 19

« Art. 18 (art. 17 du projet). Meuse, dans les provinces de Liège et de Namur. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 23,100.

« Charge extraordinaire ;: fr. 220,000. »

- Adopté.

« Art. 19 (art. 18 du projet). Meuse, dans la province de Limbourg. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 82,800.

« Charge extraordinaire ;: fr. 40,000. »

- Adopté.

Article 20

« Art. 20 (art. 19 du projet). Dendre. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 41,146 56.

« Charge extraordinaire ;: fr. 3,000. »

M. de Ruddere. - Messieurs, dans le budget des travaux publics pour 1854, qui est soumis à notre délibération, je vois, avec regret, qu'aucune somme n'est portée pour continuer les travaux d'amélioration du cours de la Dendre. Le faible crédit de fr. 500,000 alloué en 1851 doit être considéré comme absorbé par les travaux d'adjudication qui ont eu lieu en novembre dernier pour les barrages à Pollaere et à Denderleeuw, et d'un aqueduc à Santbergen, ainsi que par l'acquisition que l'Etat a faite de divers moulins et autres frais.

M. le ministre des travaux publics nous a promis dans la séance du 5 avril dernier, tout en reconnaissant l'insuffisance de la somme votée en 1851, d'y remédier de l'une ou de l'autre manière pour parfaire les travaux urgents de la Dendre.

Ces travaux sont établis d'une manière précise dans le rapport de M. l'ingénieur en chef de la province de la Flandre orientale du 27 octobre 1852.

Messieurs, il ne manquerait plus qu'une somme de 500,000 fr. pour achever les travaux dans la partie de la Flandre orientale, travaux qui sont des plus urgents pour remédier aux fréquentes inondations auxquelles cette riche vallée est exposée continuellement et qui portent un si grand préjudice à l'agriculture. La Dendre a été reprise par l'Etat, le 18 février 1840 ; les travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire ont figuré pour la première fois dans le budget des travaux publics en 1841, pour une somme de 17,431 fr. ; son revenu annuel varie de 20,000 fr. à 24,000 fr. ; l'entretien ordinaire et extraordinaire se fait avec le revenu de cette rivière, ainsi le trésor public y contribue pour rien.

Je ne puis comprendre, messieurs, l'abandon dans lequel on a laissé la Dendre, sans s'inquiéter des pertes qu'éprouvent annuellement les malheureux propriétaires riverains ; cette négligence ne paraît impardonnable, quand on examine que l'arrondissement d'Alost paye des (page 290) contributions foncières énormes, hors de proportion avec les provinces limitrophes, sans qu'aucun subside par l'Etat lui ait encore été accordé pour travaux. J'espère que M. le ministre des travaux publics qui connaît la nécessité des travaux à faire pour améliorer le cours de la Dendre proposera un crédit supplémentaire pour 1854 ou fera une demande spéciale pour mettre un terme aux pertes incalculables que l'inondation occasionne à l'agriculture.

M. de Portemont. - Messieurs, le gouvernement convient que les plaintes des habitants de la vallée de la Dendre, dont nous nous sommes fait l'écho dans cette enceinte, sont parfaitement fondées Je ne répéterai donc pas leurs justes doléances ; après avoir constaté que la nécessité d'améliorer le cours de la Dendre est universellement reconnue, je me bornerai à supplier M. le ministre des travaux publics de vouloir demander un nouveau crédit pour compléter les travaux qui viennent d'être adjugés. Et, en effet, messieurs, ces ouvrages en réclament impérieusement d'autres, tels que la reconstruction des barrages non compris dans cette première adjudication, l'élargissement de la rivière, le dévasement de son lit, le redressement des principales courbes, etc. ; tant qu'ils n'auront pas reçu ce complément indispensable, les avantages qu'ils doivent nous procurer seront illusoires.

Du reste, il y a péril en la demeure, car le lit de la Dendre s'obstrue de plus en plus, et entre-temps les malheureux habitants de la vallée sont continuellement exposés à des inondations ruineuses tandis que la navigation devient de jour en jour plus difficile.

J'aime à croire que M. le ministre des travaux publics qui a déjà reconnu l'urgence des améliorations demandées, proposera lui-même de faire droit à ma réclamation. Il se rappellera que dans la séance du 19 février 1853 il a dit à la Chambre : « Lorsque les ouvrages à exécuter au moyen des 500,000 francs votés en 1851, seront faits ou en cours d'exécution, nous en proposerons d'autres, et de nouveaux crédits seront réclamés ». Eh bien, ces ouvrages sont en voie d'exécution et il est probable qu'ils seront poussés avec toute l'activité désirable. C'est donc le moment de demander une nouvelle allocation, au lieu de diminuer de 6,645 francs la somme destinée au service de la rivière. Mais, répondra-t-on peut-être, le crédit de 500,000 francs est encore à la disposition du gouvernement. Messieurs, cela me paraît inexact : l'adjudication des travaux à exécuter au moyen de cette somme est approuvée ; ainsi l'emploi on est fait. Il y a plus, si le crédit voté en 1851 était encore à la disposition du gouvernement, j'y verrais un motif de plus pour demander immédiatement les sommes nécessaires à l'amélioration du cours de la Dendre, car les travaux adjugés ne profiteront aux riverains que lorsqu'on aura achevé ceux qui en sont la conséquence.

Il importe donc de prévenir pour ces derniers les retards éprouvés par les autres et pour cela il faut dès aujourd'hui donner au gouverne menl les moyens de les arrêter et de les faire exécuter le plus tôt possible.

Une autre considération qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que les travaux d'amélioration qu'on va exécuter dans le Hainaut doivent empirer encore la situation déjà si malheureuse de la ville de Grammont, si d'un autre côté on ne se hâte de faciliter sur son territoire l'écoulement des eaux de la rivière. Lors de la discussion du budget des travaux publics pour l'exercice 1853, j'ai eu l'honneur d'exposer à la Chambre la position critique dans laquelle se trouve cette ville à la moindre crue de la Dendre ; j'ai désigné quelques obstacles tant à l'écoulement des eaux qu'à la navigation et entre autres le pont supérieur de Grammont ; j'ai ajouté que cette masse informe est un danger permanent, puisqu'elle menace ruine et qu'au premier choc d'un bateau descendant la rivière elle peut s'écrouler ; enfin j'ai établi que, depuis 1829, la nécessité de reconstruire ce pont avait été généralement reconnue.

Maintenant je vous le demande, messieurs, n'est-il pas évident que lorsqu'on aura reconstruit les ponts de Lessines, des Acrcn et de Boureng, lorsqu'on aura abaissé les barrages comme le propose M. l'ingénieur Wolters, n'est-il pas évident, dis-je, qu'une plus grande quantité d'eau arrivera à Grammont et y causera des désastres plus nombreux et plus considérables ? J'ajouterai que le chemin de fer de la vallée de la Dendre rétrécit encore la vallée en plusieurs endroits et notamment à l'entrée de la ville de Grammont. Dans cet état de choses, je crois devoir appeler encore une fois l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le pont supérieur de Grammont, qui forme un obstacle bien plus sérieux à l'écoulement des eaux et à la navigation, que ceux de Lessines, des Acren et de Boureng, dont le gouvernement vient de décider la reconstruction.

Ici je dois rencontrer une objection qu'on peut me faire, à savoir : que les ponts de Grammont construits dans un intérêt purement local, c'est à-dire dans le but d'établir des voies de communication entre les deux rives de la rivière, sont à la charge de la ville. Je pourrais me borner à répondre que les ponts de Lessines, des Acren et de Boureng se trouvent dans le même cas et que si l'Etat se charge de leur reconstruction, la justice distributive exige qu'il en fasse autant pour ceux de Grammont. Cependant je ferai encore observer que cette dernière ville n'a, sous ce rapport, aucun intérêt à satisfaire, puisque les ponts actuels suffisent aux besoins de la circulation.

Mais, messieurs, il me semble que là n'est pas la question. Il est incontestable que le pont supérieur de Grammont forme un des principaux obstacles tant à l'écoulement des eaux qu'à la navigation ; la différence qu'on remarque entre le niveau de la rivière en amont et en aval de cette construction vicieuse et la difficulté que les bateaux éprouvent pour la franchir le prouvent d'une manière péremptoire. Si, donc, le gouvernement veut améliorer le régime de la Dendre, il doit faire disparaître cet obstacle, comme les ponts de Lessines, des Acren et de Boureng. D'ailleurs, messieurs, imposer cette reconstruction à la ville de Grammont, ce serait la rendre impossible, car ses moyens pécuniaires ne lui permettent pas de l'entreprendre.

J'espère, messieurs, que ces considérations suffiront pour engager M. le ministre des travaux publics à accéder à ma demande, j'avoue que je ne comprendrais pas qu'on refusât à la ville de Grammont ce qu'on a déjà accordé à deux localités voisines.

- L'article est adopté.

Article 21

« Art. 21 (art. 20 du projet) Ruppel. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 15,000.

« Charge extraordinaire ;: fr. 75,000. »

- Adopté.

Article 22

« Art. 22 (art. 21 du projet). Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 13,000.

« Charge extraordinaire ;: fr. 150,000. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, dans la séance du 19 février dernier et à propos du budget des travaux publics, je me suis plaint de ce que le crédit qui avait été porté au budget pour l'exercice de 1852 n'avait reçu aucune espèce d'emploi. J'ai formulé cette plainte d'accord avec mon honorable ami M. de La Coste.

M. le ministre des travaux publics m'a fait la réponse suivante : « Je crois pouvoir donner aux honorables membres qui ont traité cette question, l'assurance que, dans le courant de cette année, ïe gouvernement, dans la limite du crédit qui lui a été alloué, fera procéder à l'exécution des travaux indiqués par la commission. »

Or, messieurs, voici quels étaient ces travaux indiqués par la commission. La commission, disait M. le ministre des travaux publics, avait indiqué deux catégories de travaux : les uns devaient être exécutés immédiatement, d'autres devaient être exécutés subsidiairement. Parmi ces derniers travaux figurait le redressement de la dérivation de la Dyle à Malines. »

J'ai aujourd'hui à formuler la même plainte qu'en février dernier. Le crédit voté pour 1853 n'a pas reçu plus d'emploi que le crédit de 1852. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics quelles sont ses intentions et ce qu'il compte faire du crédit demandé pour 1854 ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, les travaux à exécuter à la Dyle et au Demer ont fait l'objet de l'examen très attentif et très approfondi d'une commission spéciale qui a été instituée en 1850. L'honorable de Man, j'en suis convaincu, a une parfaite connaissance de ce travail ; il suit, comme moi, que la commission qui a été instituée en 1850 a proposé, avant d'exécuter des travaux entre Aerschot et Diest, de faire les ouvrages qui ont pour objet de faciliter l'écoulement des eaux en aval de cette rivière, c'est-à-dire, à Malines. Le crédit qui figurait au budget de 1853 est complètement engagé. Il est vrai que les ouvrages ne sont pas exécutés. Mais il y a peu de temps le Moniteur a rappelé l'adjudication des travaux qui doivent être faits aux environs de Malines et dont l'exécution aura pour objet de faciliter l'écoulement des eaux en aval de cette rivière. Je tiens à la main un résumé des travaux qui ont été indiqués par la commission et j'y lis : « Considérant qu'une expérience de longue durée permet de se prononcer et que la commission s'est rigoureusement gardée de proposer de soulager aucune localité en amont de Malines, autrement que par des mesures générales applicables à toute l'étendue du travail. »

C'est donc lorsque ces ouvrages seront exécutés, et ils le seront d'ici à peu de temps qu'on pourra songer à améliorer les travaux en amont, c'est-à-dire entre Diest et Aerschot, et je pense que c'est à ces travaux que seront consacrés les subsides que la Chambre allouera ultérieurement.

M. Landeloos. - Il résulte des explications que vient de donner M. le ministre des travaux publics, que, jusqu'à ce jour, on n'a pas pu exécuter les travaux en amont d'Aerschot parce que les travaux de la Dyle n'avaient pas été exécutés en aval de Malines. Cependant, d'après l'opinion émise par la commission d'enquête qui a été instituée en 1850, les travaux qui devaient se faire entre Aerschot et Diest ne pouvaient aucunement porter préjudice à la ville de Malines, attendu que la dérivation qui y avait été exécutée était suffisante pour pouvoir laisser écouler toutes les eaux qui devaient affluer par suite des travaux à exécuter en amont d'Aerschot.

D'après les promesses formelles que M. le ministre des travaux publics a faites lors de la discussion du budget de 1853, le crédit qu'il demandait devait servir, non seulement à l'exécution des travaux réclamées par la ville de Malines, mais il devait en outre être employé à exécuter les autres travaux que je viens d'indiquer.

Et, nonobstant ces promesses, rien n'a été fait durant l'exercice qui vient de s'écouler. Ni les travaux que réclame la ville de Malines n'ont été exécutés ; ni ceux que les localités qui sont en amont d'Aerschot ont si souvent réclamés pour obvier aux inondations périodiques dont elles souffrent, n'ont reçu un commencement d'exécution.

(page 291) Je ne puis donc assez insister pour qu'on mette la main à l'œuvre durant l'exercice qui va s'ouvrir, et j'engage d'autant plus M. le ministre des travaux publics à faire exécuter simultanément ces deux espèces de travaux, que d'après les renseignements que j'ai obtenus et d'après les rapports qui doivent avoir été faits au département des travaux publics, leur exécution, tout en prévenant les inondations auxquelles sont sujettes les communes au-delà d'Arschot, ne peut aucunement nuire à la position de Malines.

En agissant ainsi, M. le ministre peut-être certain que les nombreuses plaintes qui lui ont été si souvent adressées viendront à cesser.

M. de La Coste. - Il me semble, messieurs, qu'il est maintenant bien facile de satisfaire aux réclamations que mes deux honorables collègues viennent de présenter de nouveau ; M. le ministre des travaux publics a dit, si je l'ai bien entendu, que les crédits de 1853 sont engagés pour l'exécution des travaux qu'il a jugé à propos d'ordonner dans la ville de Malines ; je ne récriminerai pas contre les retards que nous avons déjà éprouvés ; quant à ceux du Demer, je ne récriminerai pas contre la préférence donnée à la ville de Malines ; il faut avouer pourtant que le Demer joue de malheur ; il est bien vraiment malheureux pour le Demer, en coulant dans la Dyle, de rencontrer à Malines une dérivation, car, vous savez, messieurs, que les dérivations ont souvent la vertu de faire dériver vers elles l'argent du trésor ; c'est précisément ce qui arrive ici.

Des crédits ont été alloués pour la Dyle et le Demer, mais, je dois le dire, très spécialement pour le Demer, car le crédit annuel a été augmenté par l'initiative de la Chambre, sur la proposition de l'honorable M. de Man, appuyée par ses collègues de l'arrondissement de Louvain, qui avaient notoirement en vue les travaux du Demer. Eh bien, il se trouve maintenant que tout cela dérive vers la dérivation de Malines.

Cependant, encore une fois, messieurs, je laisse le passé pour ce qu'il est, pourvu que M. le ministre des travaux publics veuille bien nous rendre justice au moins cette année. S'il a engagé le crédit de 1853 pour les travaux de Malines, il a à sa disposition le crédit de 1854 ; qu'il veuille bien nous donner l'assurance qu'il emploiera ce crédit à prévenir les inondations dont nous nous plaignons.

M. le ministre nous oppose l'avis de la commission ; elle a dit qu'il fallait s'occuper des travaux en aval et n'exécuter en amont que ceux qui appartiennent au système général des travaux à faire sur tout le coursd e la rivière ; mais, messieurs, nous ne demandons pas autre chose. Nous demandons qu'on poursuive, en amont d'Aerschot, les travaux qui doivent s'exécuter successivement sur tout le cours de la rivière ; travaux qui ont été faits jusqu'à Aerschot et dont il n'est résulté aucun inconvénient pour l'aval ainsi que la commission l'a constaté ; elle a déclaré formellement que la ville de Malines n'éprouvait aucun inconvénient par suite de ces travaux.

Eh bien, nous demandons qu'on les poursuive en amont d'Aerschot, sauf les digues qui ne conviennent point à cette partie de la rivière ; ce principe très juste d'ailleurs, qu'il faut préparer les voies en aval avant de faire affluer les eaux avec une trop grande abondance, il y a été fait droit et doublement fait droit en faveur de la ville de Malines ; mais il ne faut pas non plus l'exagérer.

En effet, messieurs, de quoi s'agit-il ? Le lit du Demer aux abords d'Aerschot est rempli de décombres, rempli de vase ; eh bien, est-ce qu'il y a prescription en faveur de l'aval pour que les choses restent dans cet état ? Nous demandons que le gouvernement fasse dévaser le Demer en amont d'Aerschot qu'il en fasse rectifier le lit, qu'il y fasse donner la largeur nécessaire, la largeur voulue. Ce sont là des demandes tellement justes que la ville de Malines n'a certainement rien de raisonnable à y opposer. Cette ville, pour laquelle je n'ai personnellement que des sympathies, a obtenu tout ce qu'elle désirait ; elle a d'abord obtenu par une convention faite avec M. Dechamps, tout ce qu'elle réclamait alors, et maintenant elle a obtenu du ministre actuel tout ce qu'elle exigeait de nouveau. Mais si, d'exigences en exigences, elle en vient à absorber toujours les crédits, jamais nous n'obtiendrons justice.

Je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien, maintenant, employer le crédit de 1854 aux travaux qu'il a lui-même définis, qui doivent s'exécuter sur tout le cours de la rivière et qui consistent dans un dévasement, une rectification et un élargissement convenables, on réclame aussi (et à cet égard je désirerais que M. le ministre voulût bien réitérer dans cette enceinte la déclaration qu'il nous a faite verbalement), on réclame aussi la reconstruction d'un pont appelé Hooibrug ; ce pont est en ruines, il fait barrage et exhausse les eaux supérieures suivant les uns de 25 centimètres, suivant les autres et c'est probablement dans les grandes crues, de 50 centimètres. On demande que le gouvernement fasse reconstruire ce pont dans un système tel qu'il ne mette plus obstacle à la circulation des eaux. L'honorable ministre m'a dit que cette affaire est arrangée et que le gouvernement y intervient par un subside ; je désirerais qu'il voulût bien confirmer publiquement cette déclaration.

Un autre ouvrage est demandé non en amont mais en aval d'Aerschot : on demande l'établissement (erratum, page 320) d'un barrage entre Werchter et Aerschot ; ce barrage est demandé par la commune de Betecom et quelques autres ; il aurait pour effet d'améliorer la navigation et, accessoirement, il faciliterait l'irrigation des prairies, qui ont beaucoup souffert des travaux exécutés dans l'intérêt des terres arables.

Cette affaire doit sans doute être instruite au ministère des travaux publics, et si, comme je le suppose, le barrage ne peut nuire an cours de la rivière et ne présente que des avantages, c'est encore là un ouvrage qu'on pourrait exécuter sans faire aucun tort à la ville de Malines. Les eaux n'y arriveraient pas une minute plus tôt ; et il n'en arriverait pas un mètre cube de plus et la navigation si imparfaite de cet important cours d'eau recevrait une notable amélioration.

M. de Man d'Attenrode. - La réponse que M. le ministre des travaux publics a bien voulu m'adresser, ne me satisfait pas, je regrette de le dire. En effet que résulte-t-il de cette réponse ? C'est qu'on n'a fait aucun travail au Demer, ni en 1852, ni en 1853, que le gouvernement ne paraît pas disposé à en faire en 1854, et que tous les travaux sont concentrés autour de Malines. En effet, j'ai pris des renseignements officiels et d'après ces renseignements il paraît que le gouvernement ne veut plus entreprendre à l'avenir aucun travail considérable en amont d'Aerschot.

J'ai encore à me plaindre de ce que M. le ministre des travaux publics n'a pas rempli les engagements qu'il a contractés l'année dernière : d'après sa réponse, on allait exécuter les travaux indiqués par la commission d'enquête ; or, il a indiqué lui-même quels étaient ces travaux ; ils se divisaient en deux catégories, les uns devaient être exécutés immédiatement en amont d'Aerschot ; les autres ne devaient être exécutés que subsidiairement, dans les environs de Malines ; voilà ce que M. le ministre a déclaré de la manière la plus formelle.

Eh bien, voici ce qu'on va faire du crédit de 1853. Un cahier des charges a été signé le 3 décembre et le conseil des ponts et chaussées se propose de consacrer 80,000 fr. à élargir la dérivation de Malines, qui a déjà 57 mètres.

MM. les ingénieurs veulent donner 57 mètres à cette dérivation, c'est-à-dire une largeur égale à celle du débouché de la Dyle et du Demer réunis. Eh bien, messieurs, je dis qu'une dépense aussi considérable n'a pas été prévue par la commission d'enquête ; elle ne l'a jamais indiquée.

C'est ainsi, messieurs, qu'on prépare des travaux très considérables autour de Malines afin de prévenir des inondations dont le retour n'est probable qu'une ou deux fois par siècle, tandis qu'on néglige de prévenir des inondations annuelles et qui se renouvellent précisément à l'époque de la récolte des foins. Tous les ans des centaines d'hectares sont inondés par les eaux et l'on est ensuite obligé d'accorder des réductions de l'impôt foncier par suite des pertes qu'éprouvent les cultivateurs. C'est ainsi qu'on dépense beaucoup pour prévenir un mal qui ne se reproduit que très rarement et qu'on néglige celui qui se reproduit lous les ans.

J'espère que M. le ministre des travaux publics tiendra compte de nos observations.

La suspension prolongée des travaux du Demer aux environs d'Aerschot a répandu l'inquiétude parmi les populations de ce canton. Les comices agricoles nous ont adressé des réclamations pressantes et justifiées.

Il faut que le département des travaux publics se conduise de manière à ne pas faire croire que les améliorations qui dépendent de lui deviennent le monopole des centres de population, et que les populations agricoles sont laissées dans l'oubli, parce que leur influence pèse moins sur le gouvernement.

D'ailleurs les travaux que nous réclamons intéressent aussi la navigation, ils intéressent même la province de Limbourg, car si l'administration continue comme elle le fait depuis trois ans, les améliorations que le conseil provincial de cette province réclame depuis longtemps ne se réaliseront jamais.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, je suis loin de dire qu'il ne faille rien faire pour le Demer.

Je sais que les riverains de cette rivière souffrent des inondations. Les plaintes des représentants de l'arrondissement de Louvain se font annuellement entendre dans cette enceinte. Mais on s'est occupé si souvent de cette question, la cause du Demer a été plaidée si souvent par les représentants de l'arrondissement de Louvain, la cause de la Dyle a été plaidée si souvent par les représentants de l'arrondissement de Malines qu’à mon avis il est vraiment oiseux d'entretenir plus longtemps la Chambre de cette question.

Je dirai un seul mot en réponse à l'honorable M. de Man : c'est que si l'on exécute des travaux en aval, ce n'est pas pour parer à des inondations qui n'arrivent qu'une ou deux fois par siècle ; ces inondations sont malheureusement annuelles. Il est très naturel que si dans l'avenir on veut exécuter des travaux en amont, on commence par ouvrir des débouchés en aval.

M. de Man d'Attenrode. - Cela a été fait.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Oui, mais le débouché qu'on a donné aux eaux n'a pas été suffisant, et ce qui le prouve, ce sont précisément tous les travaux qu'on se propose d'exécuter maintenant.

Au surplus, je veux être juste pour tout le monde, je ne m'oppose nullement à ce qu'on fasse les travaux qui sont réclamés par les riverains du Demer, comme les travaux qu'on exécute en ; faveur des riverains de la Dyle.

M. de Man d'Attenrode. - Je vous remercie de cette déclaration.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne ferai que deux observations. La première, c'est qu'il y a peu de rivières reprises par (page 292) l'Etat depuis quinze ans qui aient été mieux traitées que la Dyle et le Demer. Depuis 1846, je vois figurer au budget des travaux publics une allocation de près de 100,000 fr. en faveur de la Dyle et du Demer. Au budget de 1834, le gouvernement propose encore un crédit de 150,000 fr. Il me semble qu'en présence de ces faits, les honorables députés sont mal venus de se plaindre et que la Dyle et le Demer ne jouent pas de malheur comme ils viennent de le déclarer.

La seconde observation est celle-ci : c'est que les travaux qui sont exécutés actuellement par l'administration, comme les travaux qui seront exécutés ultérieurement, ont été indiqués à la suite d'une enquête dans laquelle les provinces d'Anvers, de Brabant et de Limbourg ont été représentées par des délégués. La commission a même procédé avec un soin si consciencieux qu'afin de s'entourer de tous les renseignements possibles, elle avait engagé le gouvernement à instituer une enquête préliminaire dans toutes les communes de la vallée du Demer depuis Hasselt jusqu'à Malines, et ce n'est que quand cette enquête préliminaire a été terminée que la commission a arrêté les bases de son travail. Or, c'est sur ces bases que l'administration opère en ce moment.

Lorsque l'administration vient proposer d'élargir le débouché qui existe aujourd'hui à Malines, elle ne fait que ce que la commission lui a proposé de faire.

Maintenant est-il vrai de dire avec l'honorable M. de Man qu'on abandonne complètement l'amont ? Le gouvernement se réserve de demander des crédits ultérieurs, si ces crédits sont nécessaires.

L'inquiétude des honorables députés de Louvain ne me semble en aucune façon justifiée. Je n'ai aucune raison de préférence pour tel ou tel système ; je ne vois dans tout cela que l'intérêt public.

L'honorable M. de La Coste a fait appel à mes souvenirs, et j'y réponds en lui déclarant qu'en effet le gouvernement interviendra pour 7,000 francs dans la construction du pont d'Aerschot, qui est, si je ne me trompe, placé à la rencontre de deux routes provinciales. L'Etat aurait pu, à la rigueur, s'opposer à intervenir dans cette dépense ; il s'est montré néanmoins plus généreux que la province, et a offert à la commune d'y contribuer pour plus des deux tiers dans la dépense.

M. de La Coste. - Messieurs, il resterait, dans l'esprit de la chambre, une impression véritablement erronnée si l'on ne distinguait pas l'emploi de ce crédit de son libellé. Il est bien vrai qu'il porte pour intitulé : « la Dyle et le Demer » ; mais si M. le ministre voulait bien nous donner le détail des sommes qui ont été appliquées au Demer, on verrait que cela se réduit à très peu de choses.

Vers l'année 1847, on a appliqué en partie le crédit suivant sa destination, c'est-à-dire à des travaux à la Dyle et au Demer ; mais depuis 1848 on n'a plus rien fait au Demer qu'une écluse à Aerschot. Ainsi la chambre ne doit pas se figurer que le chiffre du crédit donne la mesure de ce qui est fait pour le Demer.

Si cette équivoque devait durer, il n'y aurait pas d'autre parti à à prendre que de scinder le crédit et de faire la part de la Dyle et la part du Demer.

Maintenant, je remercie M. le ministre des travaux publics de l'assurance qu'il a bien voulu me réitérer relativement à cet ouvrage très utile, mais qui n'est qu'une partie de ce que nous demandons. M. le ministre ne répond nullement à la demande que nous avons faite relativement au crédit que nous discutons, à savoir si le crédit de 1854 va de nouveau être appliqué aux travaux de dérivation de la Dyle à Malines, ou si l'on aura égard aux inquiétudes de tout un district sur les inondations qui se renouvellent annuellement.

Une telle inaction en présence de ces désastres, avec les fonds nécessaires pour les prévenir, s'explique si peu, que je serais disposé à voter contre le crédit et contre le budget à défaut d'une réponse satisfaisante.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ferai remarquer que la dérivation effectuée à Malines doit être payée sur le budget de 1852, de manière qu'il ne sera pas nécessaire d'imputer cette dépense sur le crédit que je demande au budget de 1854.

- L'article 22 est mis aux voix et adopté.

Articles 23 à 25

« Art. 23 (22 du projet). Senne. Entretien des ouvrages d'art, loyer d'une maison éclusière à Vilvorde ;: fr. 2,250. »

- Adopté.


« Art. 24 (23 du projet) Canal de Gand à Ostende. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 22,500.

« Charge extraordinaire ;: fr. 22,500. »

- Adopté.


« Art. 25 (24 du projet) Canal de Mons à Condé. ; Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 9,985.

« Charge extraordinaire ;: fr. 18,000. »

- Adopté.

Article 26

« Art. 26 (art. 25 du projet). Canal de la Campine, dans les provinces de Limbourg et d'Anvers. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charges ordinaires ;: fr. 42,470.

« Charge extraordinaires ;: fr. 16,400. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, il y a quelques années, des pavillons ont été construits le long du canal de la Campine et sur les bords de la Meuse.

J'ai toujours ignoré quel pouvait être le crédit sur lequel on avait imputé la dépense de ces constructions ; je m'en suis plaint sous l'administration de M. Rolin. Depuis lors, quelques-unes de ces maisons de plaisance ont été vendues ; mais j'ai appris qu'il en reste encore qui n'ont pas été aliénées.

Ainsi, il existe encore un pavillon sur la commune de Lommel, il peut être évalué avec le jardin, à 10,000 fr. ; il est occupé par un éclusier qui l'utilise pour exercer un commerce de charbon. Il y en a encore une autre à Neerpelt, un troisième à Lille-St-Hubert, ces deux constructions sont d'une médiocre importance. L'entretien de ces bâtiments occasionne des dépenses tout à fait inutiles. Aussi je demande au gouvernement de faire pour ces pavillons ce qu'il a fait pour les autres, de les aliéner au profit de l'Etat.

Il me reste encore à faire une observation, il y a en Campine des ingénieurs qui ressortissent à des départements différents.

Les uns, chargés des irrigations, dépendent du département de l'intérieur.

Les autres, préposés au service du canal, ressortissent au département des travaux publics.

Il paraît que les attributions de ces deux catégories d'ingénieurs ne sont pas déterminées d'une manière bien précise, qu'ils ne s'entendent pas, et cela au préjudice des propriétés.

Je citerai un seul fait. Il existe en Campine une commune celle de Moll. Un canal colateur destiné à recueillir les eaux surabondantes a été construit sur cette commune au début des irrigations. Il aboutit au grand canal.

Comme ce colateur répandait du sable dans le canal, voici ce qu'ont imaginé les ingénieurs du département des travaux publics, qui ont conservé ce canal secondaire dans leurs attributions (on ne sait trop pourquoi) ; ils ont établi un barrage avec des poutres au point d'intersection des deux canaux. Mais, un beau jour, les eaux étant devenues très abondantes, le barrage a été enlevé avec violence, les sables ont fait irruption dans le grand canal, les eaux se sont répandues sur plusieurs centaines d'hectares et ont occasionné des pertes considérables.

Il est vrai que l'Etat, auquel le canal appartient, n'a pas réclamé à cause du dommage qu'il a éprouvé.

Mais les propriétaires ont réclame des indemnités.

Le département des travaux publics a fait quelque difficulté pour reconnaître le fondement de leurs demandes d'indemnités. Alors les propriétaires se sont adressés aux tribunaux. L'Etat a été condamné ; il a payé les frais du procès et les indemnités.

M. le ministre des travaux publics me permettra de lui demander quelques explications sur cette affaire.

Messieurs, il est évident que le système qui consiste à entretenir aux frais de l'Etat deux catégories d'ingénieurs en Campine est absurde. Il est clair que l'intérêt du pays exigerait qu'ils fussent tous rattachés au même département. Mais je crains que cette mesure ne souffre quelques difficultés. J'insiste au moins pour que leurs attributions soient déterminées d'une manière précise, afin de prévenir des conflits nuisibles aux intérêts du pays.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il me serait difficile d'entrer dans le détail des faits signalés par l'honorable préopinant, mais à la prochaine séance je fournirai, si la chambre le désire, des explications complètes sur les constructions dont l'honorable membre a parlé et qui ont fait l'objet d'un examen attentif. Je prouverai que les critiques dont elles ont été l'objet l'année dernière, de la part de l'honorable membre, ne sont nullement fondées. Je me réserve de revenir sur ce premier point dans une prochaine séance, comme je reviendrai sur la seconde observation.

- L'article 26 est mis aux voix et adopté.

Article 27

« Art. 27 (art. 26 du projet). Canal d'embranchement vers Turnhout. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire ;: fr. 7,800.

« Charge extraordinaire ;: fr. 7,200. »

- Adopté.

La discussion est renvoyée à lundi.

La séance est levée à 4 1/2 heures.