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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 26 février 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 755) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Dumon lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre :

« Le sieur Colet, facteur rural attaché au bureau des postes de Nivelles, prie la chambre de lui accorder une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Lierre prient la chambre d'adopter le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Lierre à Turnhout. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.


« Le conseil communal de Huy prie la chambre d'accorder au sieur Stephens la concession d'un chemin de fer de Huy à Landen par Hannut. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« L'administration communale de Ryckevorsel déclare protester contre toute assertion qui tendrait à faire croire que les habitants de cette commune ont eu l'intention de renoncer à l'exécution du canal de Turnhout à Saint-Job in 't Goor et demande que ce canal soit achevé immédiatement. »

« Même déclaration des administrations communales de Saint-Léonard et Brecht, Ooslmalle et Vlimmeren, Beersse. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout.


« Des électeurs à Ninove demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu de canton, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande des électeurs à Bachle-Maria-Leerne, Zeveren et Calcken. »

- Renvoi à la commission des pétitions pour le mois de mars.


« Des électeurs à Neerheylissem demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »

« Même demande des électeurs à Meensel-Kieseghem. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Solvay soumettent à la chambre les réclamations qu'ils ont présentées au gouvernement contre certaines clauses du cahier des charges pour la concession d'uu chemin de fer de Tubize aux Acren, par Enghien. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à cette concession.


« Quelques distillateurs à Bruxelles présentent des observations sur le projet de loi concernant les distilleries. »

- Renvoi à la seclion centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Heckendorff, propriétaire à Anvers, prie la chambre de ne pas adopter le tracé d'un chemin de fer de Contich à Turnhout par Herenthaïs, et de se prononcer pour un chemin de fer partant d'Anvers en ligne directe sur Turnhout, pour être relié plus tard au chemin de fer projeté hollando-rhénan par Venloo. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Lierre à Turnhout.


« M. le ministre de la guerre envoie à la chambre deux exemplaires de l'annuaire militaire officiel pour 1853. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Osy, au nom de la section centrale qui a examiné un projet de loi de crédit au département de l'intérieur, dépose le rapport sur ce projet de loi.

Proposition de loi exemptant de droits certains actes relatifs à l'exclusion des locataires

Rapport de la commission

M. Deliége, au nom de la commission spéciale qui a examiné la proposition de loi de M. Lelièvre relative à l'exemption de droits pour certains actes concernant l'exclusion des locataires, dépose le rapport sur cette proposition.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports, et met la discussion de ces projets de loi à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Vote sur l’ensemble du projet

La discussion sur ce projet de loi a été close hier.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi.

En voici le résultat :

64 membres font présents.

62 membres votent pour l'adoption.

2 membres (MM. Thienpont et Julliot) votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Theux, Dumon, Jacques, Jouret, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Roussel (A.), Rousselle (C). Thiéfry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.). Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Cans, Clep, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Decker et Delfosse.

Proposition de loi sur la redevance des mines

Développements

M. le président. - M. de Man d'Attenrode est prié de monter à la tribune à l'effet de développer les motifs de sa proposition concernant les redevances dues à l’Etat par les mines.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, l'examen de la législation qui régit les redevances dues au trésor public par les mines concédées gratuitement et à perpétuité par l'Etat, nous a déterminé à faire usage de notre droit d'initiative parlementaire.

La proposition de loi que nous avons l'honneur de soumettre à votre appréciation tend à appeler les richesses minérales à garantir un léger tribut au trésor public, en échange des avantages, conférés si largement à l'industrie privée.

Le but de ce projet est de ramener les formes administratives destinées à établir l'assiette de l'impôt à des procédés plus équitables, moins arbitraires pour les exploitants, plus simples et plus sûrs pour assurer les droits de l'Etat.

Il s'agit de définir les divers articles de dépenses qui doivent venir en déduction de la valeur du produit brut des mines, de manière à établir l'uniformité du produit net imposable à la redevance.

Cette proposition tend enfin à décharger les ingénieurs auxquels est confié le soin de veiller à la sécurité des travaux et à l'aménagement utile des richesses souterraines, d'une besogne fiscale, nuisible à la considération et à la confiance nécessaires à l'accomplissement des devoirs dont ils sont investis par leurs fonctions.

(La suite de ces développements, qui s’étendent de la page 755 à la page 772 des Annales parlementaires, n’est pas reprise dans la présente version numérisée. La proposition de loi est la suivante)

(page 772) « Léopold, Roi des Belgique,

« A tous présents et à venir, Salut.

« Chapitre premier. Assiette et quotité de l'impot.

« Art. 1er. L'exploitation des mines n'est pas considérée comme un commerce et n'est pas sujette à patente.

« Art. 2. Les propriétaires de mines sont tenus de payer à l'Etat une redevance fixe et une redevance proportionnelle au produit net de leur exploitation.

« Art. 3. La redevance fixe est annuelle et réglée d'après l'étendue de la concession. Elle est de 25 francs par kilomètre carré.

« Art. 4. La redevance proportionnelle est un impôt annuel assis sur le produit net imposable de la propriété souterraine, comme la contribution foncière.

« Elle est réglée annuellement par le budget de l'Etat.

« Toutefois, elle ne peut s'élever au-delà de 5 p. c.

« Art. 5. Il est imposé en sus un décime par franc pour fonds de non-valeur.

« Art. 6. Le produit net imposable d'un siège d'extraction d'une concession de mines, puits, galerie, ou excavation à ciel ouvert est fixé d'une manière invariable par expertise, comme il est dit au chapitre II, et ce pour un terme de cinq années, après lesquelles il sera procédé à une nouvelle expertise.

« Art. 7. Tout nouveau siège d'exploitation est dispensé de la redevance proportionnelle pendant trois années à partir de la première extraction de ses produits utiles.

« Cette disposition n'est pas applicable aux puits munis de treuils à bras, ou aux excavations a ciel ouvert.

« Art. 8. Les réclamations à fin de dégrèvement de la redevance proportionnelle sont jugées dans les formes usitées pour la décharge de la contribution foncière.

« Le dégrèvement sera de droit quand l'exploitant justifiera que la mine a été en inactivité de produits utiles pendant plus de trente jours consécutifs. Il sera proportionnel au chômage de la mine.

« Les mines atteintes, seit par un coup d'eau soit par un coup de feu, qui leur aurait occasionné un chômage de plus d'un mois, seront en outre dispensées du payement de l'impôt proportionnel pendant trois mois après la reprise des travaux d'exploitation.

« La remise de la redevance fixe ne peut avoir lieu.

« Art. 9. Le produit des redevances fixe et proportionnelle est versé au trésor public pour servir aux dépenses générales de l'Etat.

« Chapitre II. De l'expertise des mines

« Art. 10. Une commission d'expertise se réunit pendant le premier trimestre de l'année, dans chaque district minier, quand les besoins du service l'exigent, à l'effet de procéder à l'évaluation du produit net imposable de chaque siège d'extraction d'une concession de mines.

« Elle est nommée par le ministre des travaux publics.

« Art. 11. Cette commission se compose de l'ingénieur du district, d'un exploitant de mines, et du contrôleur des contributions directes.

« Art. 12. La commission d'expertise s'entoure, pour évaluer le revenu net imposable, de tous les renseignements propres à l'éclairer.

« Afin d'établir le produit net, elle déduit du produit brut estimé d'après la valeur commerciale et la quantité du minerai extrait annuellement, les dépenses ordinaires et journalières ; c'est-à-dire les frais d'extraction indispensables à la formation du prix de revient du minerai sur le carreau de la mine.

« Art. 13. Elle ne tient compte, ni des dépenses extraordinaires destinées à augmenter le développement et la valeur de la mine, ni de l'intérêt et de l'amortissement des capitaux qui y sont engagés.

« Art. 14. Les commissions d'expertise peuvent réunir en un chiffre unique le produit net imposable de plusieurs sièges d'extraction d'une même concession de mines, lorsque ces sièges seront des puits munis de treuils à bras ou des excavations à ciel ouvert.

« Art. 15. Le produit net imposable est calculé par la commission, sur une moyenne du revenu des cinq années antérieures à l'expertise et de trois années, quand l'exploitation n'a eu que cette durée.

« Lorsque les calculs ne peuvent porter que sur une moyenne de moins de 3 années, le produit net imposable ainsi obtenu ne pourra servir de base à la redevance proportionnelle quependaut trois années seulement, terme au bout duquel il devra être procédé à une nouvelle évafua-tion.

« Art. 16. Les propositions des commissions d'expertise sont transmises avant le 15 avril au comité d'évaluation de leur province, chargé de recueillir les réclamations qu'elles pourraient avoir soulevées, et de les modifier, s'il y a lieu.

« Art. 17. Le comité d'évaluation de chaque province est nommé par le Roi.

« Il se compose du gouverneur civil remplissant les fonctions de président, d'un membre du conseil provincial, de deux ingénieurs du service des mines de l'Etat, de deux exploitants de mines et du directeur des contributions directes.

« Art. 18. Les avis des comités d'évaluation sont transmis avant le 15 juin, avec les pièces à l'appui, au conseil des mines, chargé de statuer sur le travail de l'expertise.

« Art. 19. Le conseil des mines se prononce sur le chiffre du produit net imposable attribué aux diverses exploitations de mines dans les deux mois depuis la réception des pièces.

« S'il juge une nouvelle expertise nécessaire, il y est procédé à l'intervention de nouveaux experts dans les formes et sous les conditions énoncées plus haut.

« En tout cas, les décisions rendues par le conseil sont définitives.

« Chapitre III. Dispositions générales

« Art. 20. Le produit net imposable, déterminé comme il est dit au chapitre précédent, sert de base à la redevance due aux propriétaires du sol en vertu de l'article 9 de la loi du 2 mai 1837.

« Art. 21. Un arrêté royal rendu sur le rapport du ministre des travaux publics, le conseil des mines entendu, réglera les mesures à prendre pour rechercher le produit net imposable en se fondant sur les dispositions précédentes.

« Art. 22. Sont abrogées les dispositions contraires à la présente loi et notamment les articles 34 à 39 de la loi du 21 avril 1810, et les articles 20 à 27, ainsi que le titre III du décret du 6 mai 1811. »

- Cette proposition est appuyée ; la chambre en ordonne l'impression et la distribution.

Prise en considération

M. Brixhe. - Je ne m'oppose point à la prise en considération. Je demande l'impression et la distribution des développements donnés par l'honorable M. de Man, afin que les membres puissent étudier sa proposition.

Je propose d'ajourner la discussion de la prise en considération à quinzaine, après la distribution des développements de M. de Man.

La prise en considération immédiate serait un acte de politesse, rien de plus, et non le résultat d'une appréciation, impossible à cette heure, des longs développements que vous venez d'entendre.

Mon but, en retardant un peu la prise en considération, c'est de mettre les divers intérêts engagés dans la question, à même de produire leurs observations, qui devront éclaiier les travaux des sections.

M. de Man d'Attenrode. - Cette discussion se résume uniquement aujourd'hui dans la question de savoir si la proposition, dont je viens d'avoir l’honneur de vous soumettre les développements, mérite d'être examinée, s'il y a lieu que vous la preniez en considération.

Quelles sont les conditions requises pour déterminer la chambre à prendre en considération une proposition due à notre droit d'initiative ?

C'est que cette proposition ait un but utile, c'est qu'elle ait fait l'objet d'études suffisantes et consciencieuses.

Or, je suis fondé à soutenir que ma proposition réunit ces conditions.

Cependant mon honorable ami M. Brixhe s'est cru obligé de vous demander un délai de 15 jours, avant de vous prononcer sur la prise en considération.

L'honorable représentant a déclaré que c'était dans le but de procéder avec des formes polies, qu'il a fait cette proposition. Messieurs, ce que je réclame ce n'est pas de la politesse, c'est de la justice que je vous demande.

Si cette proposition était admise, ce serait mettre mon projet en état de suspicion, car ce procédé est sans antécédents dans cette chambre.

On n'accueille pas de cette manière une proposition de loi sérieuse et aussi approfondie que celle que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre.

Cette proposition n'a pas un caractère régulier ; c'est incontestable. Car voilà en quoi elle se résume : L'honorable député de Charleroi vous demande un délai afin d'examiner, s'il y a lieu, de vous livrer à l'examen de ce que je vous propose.

(page 773) Une proposition caractérisée ainsi est inadmissible.

Cette proposition a donc, je le déclare, un caractère déguisé d'ajournement indéfini que vous n'admettrez pas, je l'espère.

Mais d'ailleurs, messieurs, à quoi bon cet ajournement ? La prise en considération qui vous est demandée n'engage personne. La question reste intacte. Si vous l'adoptez, vous déclarez seulement que mon projet de loi mérite d'être examiné, parce qu'il est reconnu qu'il a un but utile.

Je dis de plus que ce projet a un caractère d'urgence.

Il y a eu unanimité de la part des diverses branches de l'administration pour reconnaître qu'il est indispensable que la base de la redevance proportionnelle soit fixée législativement.

Plusieurs ministres l'ont reconnu ; les documents parlementaires le constatent. Le conseil des mines l'a reconnu de la manière la plus formelle dans un rapport transmis au ministre des travaux publics en 1847.

Eh bien, messieurs, ma proposition n'a d'autre but que de donner une base légale à la redevance, que de la soustraire à l'arbitraire des interprétations ministérielles.

Maintenant, messieurs, dans la supposition que ma proposition de loi soit prise en considération, et je ne puis pas supposer le contraire, y a-t-il lieu de l'envoyer pour avis au conseil des mines ? Je vous avoue que cela ne me semble pas indispensable.

Rien ne m'est plus facile en effet que d'établir que ma proposition est conforme aux principes développés dans le rapport adressé par le conseil des mines en 1847, au gouvernement.

Quel est l'objet de ma proposition ?

Je demande que le produit des redevances soit plus considérable, qu'il suffise au moins pour couvrir les dépenses que l'administration des mines occasionne au trésor public.

Eh bien, le conseil des mines a déclaré que c'est être peu exigent que de vouloir que les redevances couvrent les frais spéciaux qu'exige la surveillance des mines. Le conseil conclut nettement à augmenter la redevance proportionnelle.

Et ma proposition n'élève pas la redevance de 2 1/2 p. c. à 5 p. c. Elle maintient le statu quo. Elle se borne à demander une légère augmentation en diminuant les chances de fraude et en supprimant la déduction des dépenses extraordinaires.

Qu'est-ce que je propose encore ? Je vous propose de substituer une estimation régulière à une estimation débattue de gré à gré entre l'ingénieur et l'exploitant.

Il est vrai, je le reconnais, que le conseil des mines ne propose pas ce système d'une manière absolue, mais il recommande avec instance que l'on maintienne les abonnements, or l'abonnement c'est l'expertise.

Je diffère seulement avec le conseil des mines en ce que je propose que l'abonnement soit imposé à tous les exploitants, tandis que le conseil en laisse l'application facultative.

Voici ce que je vous demande de plus. Je vous demande de décider qu'à l'avenir il ne soit plus tenu compte des dépenses extraordinaires dans le décompte à faire pour déterminer le produit net.

Eh bien, ici encore je suis d'accord avec le conseil des mines, et je le suis aussi avec les conclusions du rapport de l'inspecteur général des mines, qui, lui aussi, a transmis au gouvernement un travail sur cette matière.

Je vous le demande, messieurs, quel inconvénient y aurait-il à arrêter ce principe par une loi ?

Ce principe a été en vigueur pendant 11 ans, de 1823 à 1834.

L'industrie des mines ne s'en est pas plaint pendant cette période. Elle a attendu que la Belgique eût recouvré son indépendance pour le faire. Elle a profilé de la faiblesse ordinaire de l'administration sous un gouvernement constitutionnel. Elle a profité des préoccupations politiques, de l'instabilité des cabinets pour obtenir cette concession, pour obtenir qu'une grave atteinte fût portée à l'assiette de la redevance proportionnelle.

Peut être, messieurs, éprouvez-vous quelque surprise de voir un de vos collègues entreprendre une tâche aussi épineuse, une tâche aussi lourde. Cette impression ne m'étonne pas ; cette tâche est en effet fort lourde, trop lourde pour moi ; mais voici ce qui m'a poussé à l'entreprendre : c'est un sentiment de justice, d'équité.

L'inégale répartition des charges publiques, que j'ai constate, depuis longtemps, m'a semblé difficile à tolérer plus longtemps.

C'est au sein de la section centrale des voies et moyens pour l'exercice 1846, dont je faisais partie, que j'ai conçu l'idée d'étudier cette question. L'honorable M. Liedts, aujourh'hui ministre des finances, en était le président, et j'en fus le rapporteur. Le rapport de cette section centrale m'a encore été confié l'année suivante, et diverses observations furent consignées dans ces deux rapports. Elles tendaient à démontrer au gouvernement l'urgence de formuler un projet de loi et de le soumettre à la législature.

Plusieurs fois, dans cette chambre, je dirai plutôt tous les ans, l'administration a été mise en demeure de demander un tribut plus large aux mines.

L'administration a répondu chaque fois par des promesses. Ces promesses sont restées sans résultats, et d'ajournements en ajournements nous sommes en 1853 sans que le gouvernement ait rempli ses promesses.

Mon intention n'est pas, messieurs, d'en faire un grief à M. le ministre des travaux publics. Je sais combien son administration est compliquée, combien l'exploitation du chemin de fer, les demandes en concessions de nouvelles voies ferrées, les demandes de reprise des canaux et rivières lui donnent d'embarras.

Je comprends que la préoccupation de tous ces graves intérêts aient détourné son attention de l'objet qui nous occupe.

Cet objet, je le sais par expérience, exige des études arides. C'est une question difficile. Je ne suis venu à bout de la résoudre pour mon compte toutefois, qu'en y consacrant beaucoup de temps.

Je me suis hasardé, non pas sans hésitation, à vous soumettre le résultat de mes travaux en le traduisant en une proposition de loi.

Veuillez-le remarquez, messieurs, mes propositions sont empreintes d'un cachet de modération extrême.

Je me borne à vous demander de niveler les dépenses par les recettes. Il y aurait un léger excédant pour le trésor de 25,000 fr. environ.

Je ne réclame qu'une chose, messieurs, comme prix de mon travail, je réclame de votre bienveillance de vouloir décider qu'il sera pris en considération mmédiate.

Je vous demande de ne pas accueillir l'ajournement qui vous est proposé.

M. de Muelenaere. - Je pense, pour ma part qu'il y a lieu de prendre immédiatemenl la proposition en considération. Si cependant il y avait des membres qui se proposassent de combattre cette prise en considération, on ne pourrait pas leur refuser un délai moral pour examiner le remarquable rapport qui vient d'être déposé.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Evidemment si aujourd'hui des membres déclarent que leur intention est de combattre la prise en considération de la proposition de M. de Man, il est impossible de leur refuser un délai pour en examiner les développements. Dans le cas contraire, je crois que la chambre, à moins de vouloir poser un précédent très fâcheux, ne peut pas ne pas prendre en considération la proposition qui lui est soumise ; d'après les précédents il n'y a que deux cas où la chambre refuse de prendre en considération les propositions émanant de l'initiative de ses membres : quand la proposition est contraire à la Constitution ou quand elle est en opposition avec l'intérêt national ; ni l'un ni l'autre de ces deux cas ne se présente dans l'espèce. La prise en considération ne signifie qu'une seule chose, qu'il y a lieu d'examiner la proposition. Telle qu'elle est, cet honneur revient à la proposition de M. de Man.

Je ne veux pas préjuger ce que décidera la chambre ; mais comme ministre des finances, je dois dire que ne voulût-on que conserver ce qui existe, la redevance de 2 1/2 p. c. du produit net, il faudrait examiner séritusement la proposition ; car les producteurs ne rendent pas au trésor ce que la loi leur impose ; j'en ai la conviction et la preuve.

A ce point de vue, je dois rendre hommage à l'honorable M. de Man pour les études auxquelles il s'est livré ; ces études seront profitables, quoi qu'il advienne, le gouvernement s'occupe également de la question, à l'occasion d'un projet dont le conseil des mines l'a saisi. Quel que soit donc le sort de la proposition, le travail de l'honorable membre sera utile pour l'étude approfondie de la question.

Je termine par une autre motion ; vous savez, messieurs, que quand des projets relatifs a l'organisation des tribunaux ont été présentés, la chambre, tout en restant saisie des projets, a cru qu'il était utile d'avoir l'avis des magistrats chargés d'appliquer ces lois et les a consultés. Ne pourrions-nous pas, dans l'intérêt de l'étude des questions que la proposition soulève, la renvoyer à l'examen du conseil des mines qui déjà a fait une étude de la matière. Cela n'ajournera l'examen de la proposition que d'une quinzaine de jours.

Si l'honorable auteur voyait un inconvénient à ma proposition, je m'empresserais de la retirer. Mais je désirerais que cette marche fût suivie.

La chambre, je le répèle, resterait saisie en attendant les observations que les membres très compétents du conseil des mines en cette matière feraient sur le projet.

M. Rousselle. - Je ne crois pas que l'on puisse s'opposer à la prise en considération de la proposition de l'honorable M. de Man d'Attenrode, C'est un travail trop important pour que, dans l'intérêt même des exploitations qu'il concerne, la question ne soit pas complètement élucidée. Mais si l'on n'adoptait pas la proposition de l'honorable ministre des finances, je pense qu'il conviendrait que la chambre décidât que les sections ne s'occuperont de ce projet que huit jours au moins après la distribution des développements.

Voilà la proposition subsidiaire que j'ai l’honneur de faire pour le cas où celle de M. le ministre des finances ne serait pas adoptée.

M. de Theux. - Je viens aussi engager la chambre à ne pas différer la prise en considération de la proposition. Nous avons tous lu la proposition, nous en avons entendu les développements. Ce travail est à tous égards digne d'être pris en considération, d'autant plus que, comme on l'a fait observer, on s'attendait depuis longtemps à la présentation d'un projet de loi sur cette matière qui est devenu nécessaire.

Mais je suis d'accord avec M. le ministre des finances pour désirer avoir sur cette proposition de loi l'avis de M. le mininistre des finances. Je ne pense pas qu'elle exige un long examen. Ainsi, l'on marchera avec plus de certitude vers le but que nous désirons tous atteindre, qui est de vider une question depuis longtemps sur le tapis.

M. de Man d'Attenrode. - MM. les ministres paraissent adhérer à la prise en considération de ma proposition, je leur en suis (page 774) reconnaissant. M. le ministre des finances désire qu'elle soit transmise pour avis au conseil des mines, je ne m'y oppose pas, mais c'est à une condition ; c'est que ce renvoi ne prenne pas le caractère d'un ajournement indéfini.

Je demande qu'en transmettant mon projet au conseil, il lui soit recommandé de ne pas user d'un délai trop long pour l'examiner.

Un mois doit suffire au conseil des mines pour formuler une opinion sur un système déjà discuté dans plusieurs publications.

Le conseil des mines, comme je l'ai fait remarquer il y a un instant, a discuté presque toutes les questions dans le mémoire rédigé par son président, et transmis au gouvernement au mois de mai 1847.

M. Rodenbach. - Ce n'est pas au ministre, c'est à la chambre à fixer le terme dans lequel l'examen doit avoir lieu.

M. Mercier. - Je partage l'opinion que l'avis du conseil des mines sur cette question serait très nécessaire. Je pense bien que M. le ministre des finances entend demander le renvoi à M. le ministre des travaux publics qui transmettra la proposition de loi au conseil des mines.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Précisément !

M. Mercier. - Je désirerais aussi que le rapport du conseil des mines fût transmis au ministre des travaux publics sans un trop long retard. Si ce n'était pas contraire aux usages de la chambre, on pourrait fixer le délai à un mois.

M. de Theux. - Mieux vaut ne pas préciser le délai et prononcer le renvoi avec demande d'un prompt rapport. Ainsi le conseil des mines prendra le temps nécessaire pour faire un bon travail, et le fera dans le plus bref délai possible.

M. de Man d'Attenrode. - Je me rallie à cette proposition.

M. Brixhe. - Je n'insiste pas sur ma proposition.

- La proposition est prise en considération. La chambre en ordonne le renvoi à M. le ministre des travaux publics, pour qu'il la transmette au conseil des mines, avec demande d'un prompt rapport.

M. Rousselle. - Je retire ma proposition, qui était subsidiaire à celle de M. le ministre des finances.

- La séance est levée à 4 heures.