(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 21) M. de Renesse procède à l’appel nominal à onze heures et un quart.
M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente.
M. de Renesse rend compte des pièces suivantes, adressées la chambre.
« Le capitaine Coulon réclame contre une décision de M. le ministre de la guerre, qui refuse de lui tenir compte de ses services civils pour la liquidation de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Il est fait hommage à la chambre par M. Henri Maréchal, d’un exemplaire de son travail intitulé : Essai sur l’organisation de l’armée belge. »
- Dépôt à la bibliothèque.
La commission de comptabilité nommée par les sections est composée, ainsi qu’il suit : MM. de Man d’Attenrode, Kervyn, Dedecker, Rodenbach, Mast de Vries et Zoude.
M. le président – L’ordre du jour appelle la discussion du projet d’adresse en réponse au discours du Trône.
M. Verhaegen (pour une motion d'ordre) – Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, à mon grand étonnement, j’ai vu fixée à ce jour la discussion de l’adresse. Je viens demander à la chambre, par motion d’ordre, de revenir sur cette décision, et, en le faisant, la chambre posera un acte de haute justice et de haute convenance.
Messieurs, il n’y a pas d’exemple dans les fastes parlementaires qu’une adresse ait été rédigée en si peu de temps, alors que les questions de la plus haute importance devaient surgir au sujet du discours du Trône. Il n’y a pas d’exemple qu’une adresse ait été lue en séance publique, sans que les billets de convocation aient prévenu les membres que l’adresse serait lue ; il n’y a pas surtout d’exemple qu’on ait fixé au lendemain, par urgence, une pareille discussion.
Je dois le dire, messieurs, si l’on avait mis à l’ordre du jour la lecture de l’adresse, je me serais rendu à la séance d’hier, et usant de mon droit, je me serais opposé à la fixation à ce jour de la discussion.
Beaucoup de membres de la chambre n’ont pas pu s’attendre à cette discussion ; nous bancs sont pour ainsi dire déserts ; il n’y a, je pense, que la députation de Verviers qui soit au grand complet, mais je ne crois pas que la députation de Verviers puisse demander que la discussion, quelque importante et quelque urgente qu’elle soit pour ses commettants, soit étranglée.
Nous sommes dans l’impossibilité de remplir notre devoir, nous sommes pris à l’improviste, et pour mon compte, je ne puis consentir à aborder (page 22) des questions graves pour l’examen desquelles je n’ai pas eu le temps nécessaire.
Une discussion d’adresse est une chose importante ; elle soulève l’examen de toute la politique extérieure et intérieure ; une adresse doit être discutée avec solennité. Il serait fâcheux, messieurs, pour le dehors, qu’alors qu’il a fallu attendre l’arrivée d’un seul membre pour être au complet, on allât discuter l’adresse. Nos amis de Gand et de Liége sont absents ; s’ils avaient pu avoir connaissance de ce qui s’est passé hier, encore ne pourraient-ils être ici qu’à une heure ou à une heure et demie. La députation d’Anvers est également absente, si l’on en excepte l’honorable M. Osy.
Messieurs, l’on cherche souvent des exemples ailleurs. On parle constamment de la France et de l’Angleterre. Y a-t-il un exemple, en France, qu’on ait discuté une adresse du jour au lendemain ? Jamais en France, en Angleterre, on n’a discuté une adresse qu’après un intervalle de trois jours.
Je comprends qu’il peut être fort utile au ministère d’empêcher toute discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je demande la parole.
M. Verhaegen – Je comprends qu’il convient au ministère de faire chercher, par huissier, à domicile, les membres absents. Nous sommes maintenant à peine en nombre suffisant pour pouvoir ouvrir la séance, et nous allons discuter l’adresse ; nous allons répondre au chef de l’Etat par une adresse qui devait être mûrie ; nous allons parler en face du pays, en face de l’Europe entière. Pour mon compte, je ne puis me contenter d’une discussion qui porte sur des points et des virgules, sur l’emploi d’un futur ou d’un conditionnel. Je veux une discussion sérieuse, et non pas une discussion grammaticale.
J’espère donc de la justice de la chambre qu’elle remettra à lundi cette importante discussion ; si, contre mon attente, je n’obtenais pas cet acte de justice, je déclare que, sous le poids d’une violence morale, je devrais m’abstenir, et que j’engagerais mes amis à faire comme moi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, j’ai demandé la parole, lorsque l’honorable préopinant a supposét qu’il entrait dans les intentions du ministère d’échapper à toute discussion ou d’étrangler la discussion, pour me servir des expressions de l’honorable membre. Telle n’est pas l’intention du ministère. Est-il même démontré que la discussion doive se terminer aujourd’hui ? Ne pourrait-elle pas commencer ? Nous verrons si elle doit se clore dans cette séance.
Ce que je tiens aussi à établir, c’est que ce qui se passe en ce moment, n’est pas sans précédents. L’année dernière, l’adresse a été votée dans la première huitaine de notre réunion, quoiqu’il y eût au commencement de la session dernière, la vérification des pouvoirs de la moitié des membres réélus de cette chambre. Il en a été de même pendant les années précédentes ; en remontant au-delà de 1841, puisque c’est de cette époque qu’on veut faire dater les précédents nouveaux de cette chambre, je pourrais même citer des cas où l’adresse a été lue, discutée et votée dans la même séance. (C’est très-vrai !)
Qu’on ne dise donc pas que nous faisons ici quelque chose de nouveau, d’étrange, d’irrégulier ; que nous faisons une espèce de violence morale à quelques-uns des membres de cette chambre !
Nous reprocherait-on de faire violence aux absents ? pourquoi ne sont-ils pas à leur poste ?
M. Verhaegen – Ils ne savaient pas que l’adresse dût être discutée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ils le savaient ; on a eu soin de leur rappeler que la session s’ouvrait le 22 de ce mois, et non pas dans trois semaines ; ils savaient aussi que probablement l’on en arriverait à l’adresse dans la première session de la semaine, ils devaient le savoir, d’autant plus que cette année, il n’y avait pas de vérification de pouvoirs.
L’absence n’est une excuse pour personne. Je n’aurais pas parlé des absents, mais tout ce que l’honorable M. Verhaegen a dit, au sujet des absents, c’est un reproche qu’il a adressé à ceux qui manquent à leur poste.
Ainsi, en ajournant la discussion de l’adresse, vous feriez quelque chose de nouveau. Les années précédentes, la chambre a voté l’adresse dan la huitaine, même lorsqu’il y avait vérification de pouvoirs ; cette année, on vous a réunis trois semaines avant l’époque fixée par la constitution ; il n’y a pas eu vérification de pouvoirs, et il se trouverait que la première semaine serait entièrement perdue. Voilà ce qu’il y aurait de nouveau. Quant à moi, je n’accepte pas la responsabilité de cette nouveauté.
La semaine prochaine, vous vous séparerez le jeudi, je le pense, pour ne siéger ni le vendredi, ni le samedi, ni le dimanche. Nous serons ainsi arrivés au 4 novembre, sans avoir abordé aucune discussion utile. Alors mieux aurait valu ne pas convoquer extraordinairement les chambres ; mieux aurait valu laisser arriver le terme rigoureusement prescrit par la constitution. On a, en quelque sorte, à la fin de la session dernière, mis le ministère en demeure de convoquer les chambres avant ce terme ; nous l’avons fait, nous avons rempli notre devoir. Certainement, il nous eût été fort agréable de prolonger l’entr’acte parlementaire, nous ne l’avons pas fait ; nous avons consenti à voir les chambres réunies avant le terme fixé par la constitution ; c’est à la chambre à décider si elle rendra illusoire la mesure prise par le gouvernement.
M. Verhaegen – Messieurs, j’ai dit que je demandais à la chambre un acte de justice et de haute convenance. Certes, ; lorsqu’il s’agit d’une adresse, à moins de prétendre que c’est un fait insignifiant, il faut que la chambre soit plus qu’au strict complet pour délibérer. Il me semble qu’il est de l’intérêt du ministère, s’il veut justifier tous ses actes, d’exposer sa conduite, non pas à quelques représentants, mais à la chambre pour ainsi dire tout entière.
Les membres absents, nous dit-on, devaient savoir que très-probablement l’adresse ne tarderait pas à être discutée. Mais il y a des causes légitimes d’absence. Ainsi, un honorable député de Liége n’est pas présent, à cause de la maladie de son épouse ; si cet honorable membre avait su qu’on dût discuter l’adresse, il ne se serait pas abstenu de se rendre à Bruxelles ; mais certes, son absence pour des nominations de commission est fort excusable. D’autres membres sont dans la même position. L’honorable M. Rogier a écrit que dans quelques jours il serait ici. L’honorable M. Meeus est également absent par suite de maladie.
Je le répète : des questions de la plus haute importance doivent s’agiter, mais vous ne pouvez pas exiger que ces questions soient entamées, alors qu’on ne devait pas s’attendre à cette discussion, et qu’on n’a pas eu le temps de s’y préparer.
Il eût été agréable au ministère de prolonger l’entr’acte parlementaire , pour me servir de l’expression de M. le ministre de l’intérieur ; mais il faudrait au moins qu’après l’entr’acte, il y eût un véritable acte et non pas une parodie.
On parle des précédents ; mais l’importance qui s’attache à la discussion actuelle n’existait peut-être pas dans les cas qu’on a cités. Est-ce que le discours du Trône ne soulève pas aujourd’hui des questions de politique extérieure et intérieure du plus grave intérêt…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Discutez-les.
M. Verhaegen – Mais il faut avoir le temps de les discuter. Si les membres de la commission d’adresse ont pu rédiger l’adresse en 24 heures, il nous faut plus de 24 heures pour examiner toutes les questions que cette adresse provoque. Il y aurait même, dans la précipitation qu’on veut mettre à discuter l’adresse, un acte de haute inconvenance à l’égard du chef de l’Etat. Il me semble qu’il est au moins convenable que notre réponse soit le résultat d’un examen sérieux et approfondi, à moins qu’on ne veille dire que le discours du Trône n’a aucune signification et que la réponse qu’y fait la chambre n’est qu’une affaire de forme. Si c’est ainsi qu’on veut l’entendre dans cette enceinte, on enlève tout le prestige dont devraient être entourées les communications entre le chef de l’Etat et les représentants du pays. Enfin on fait violence à ceux qui voudraient descendre dans l’arène et qui n’ont pas eu le temps de se préparer. Quoi qu’il en soit, si le désir du ministère vient à s’accomplir, nous pourrons toujours user de notre droit d’abstention et le pays saura pourquoi nous n’avons pas pris par à la discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant me permettra de relever les dernières expressions que vous venez d’entendre. Si, après avoir siégé dans cette enceinte, il se retirait et éludait ainsi la décision de la majorité, ce ne serait pas là user d’un droit, mais, pour me servir d’une expression qu’il a prodiguée, ce serait manquer aux convenances parlementaires.
Il n’y a rien d’étrange dans ce qui a été décidé hier relativement à la discussion du projet d’adresse, car chaque année on a procédé de la même manière ; on trouvera en remontant très-haut, qu’il en a été ainsi chaque année ; il y a même un précédent où une adresse a été lue, discutée et votée dans la même séance. Je crois même que cela est arrivé plusieurs fois.
L’honorable préopinant n’a pas besoin de consulter les désirs du ministère. Ce n’est pas le ministère, mais la chambre, qui est en cause : on vous a convoqués trois semaines avant l’époque prescrite par la constitution. Vous déciderez si cette convocation doit être illusoire ou non. Si l’adresse n’est pas discutée aujourd’hui, si vous n’imprimez pas à vos travaux la même célérité que les années précédentes, on en conclura que mieux aurait valu ne pas vous convoquer plus tôt que les années précédentes, et vous laisser venir à l’époque fixée par la constitution. J’en demande pardon à la chambre, mais je lui demande si elle veux donner au pays un aussi étrange spectacle.
Quant aux débats politiques, on peut très-bien les entamer aujourd’hui ; je suis persuadé que l’honorable M. Verhaegen est très-bien préparé pour soutenir toutes les discussions auxquelles l’adresse peut donner lieu.
M. Castiau – J’ai demandé la parole pour rectifier d’abord un fait reproduit d’une manière inexacte par M. le ministre de l’intérieur. Il a prétendu que l’année dernière on avait discuté, comme cette fois, l’adresse le samedi de la semaine même de l’ouverture de la session. Si mes souvenirs sont exacts, ce n’est que le mardi suivant que cette discussion a commencé. On pourrait s’en assurer, s’il était nécessaire, en consultant le Moniteur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’adresse a été discutée et votée dans la huitaine de notre réunion.
M. Castiau – L’indication du jour invoquée par M. le ministre n’était pas exacte, et c’est tout ce que je voulais établir
Maintenant, M. le ministre, pour combattre la proposition, invoque l’autorité d’autres précédents ; il vient de prétendre et de rappeler qu’une adresse aurait été proposée, discutée et votée dans une même séance. Je ne sais à quelle adresse M. le ministre de l'intérieur a voulu faire allusion ; je suppose qu’il a voulu parler de l’adresse vote à l’unanimité et d’enthousiasme en 1839, je pense. Il s’agissait alors, d’une démonstration nationale et patriotique. Je comprends, dans de telles circonstances les entraînements de la précipitation et les élans de l’enthousiasme. Il s’agissait de notre indépendance et de notre nationalité. Mais de tels entraînements, réservés pour les circonstances critiques, ne doivent pas servir de règle dans les conditions normales où nous nous trouvons aujourd’hui. Rien ne presse en ce moment. C’est froidement, avec maturité et réflexion, que nous pouvons et que nous devons examiner les grave questions que devraient toujours soulever la discussion de l’adresse.
Quant aux autres précédents, pour s’appuyer de leur autorité, il ne suffit (page 23) pas de les invoquer, il faut rechercher l’influence qu’ils ont pu exercer, et s’assurer s’ils ont produit un effet utile pour le pays et pour la chambre.
M. le ministre nous dit qu’on est dans l’habitude de voter immédiatement les projets d’adresse. Qu’est-il résulté de cet empressement ? C’est que les discussions politiques qui auraient dû s’engager sur le terrain de l’adresse étaient ajournées à la discussion des budgets ; c’est que les questions d’intérêts matériels se trouvaient embarrassées par tous ces débats politiques qui se renouvelaient à chaque pas, précisément parce qu’on avait laissé échapper la seule occasion de traiter convenablement la question ministérielle. Qu’y aurait-il à faire aujourd’hui ? Restituer à l’adresse et à sa discussion sa véritable importance ; en revenir au principe normal des gouvernements parlementaires. Partout où ces gouvernements existent, nous voyons que l’adresse est le véritable champ de bataille où se produisent toutes les opinions et où s’engagent les questions politiques, les questions ministérielles. Ces questions une fois résolues, on peut alors s’occuper de l’expédition des affaires et des questions d’intérêt matériel, en dehors de toutes les préoccupations politiques. Ces traditions, ce me semble, valent un peu mieux que tous les précédents invoqués par M. le ministre.
Il convient donc de laisser à la discussion de l’adresse son caractère politique et son importance, de cesser de vouloir étouffer un débat qui, renaissant dans des circonstances moins favorables, ferait perdre à la chambre un temps plus précieux que ceux qu’on demande pour méditer le projet d’adresse. Je pense qu’il est de la dignité de la chambre et de son intérêt bien entendu, de laisser se développer à sa place naturelle le débat politique et toutes les graves questions qui s’y rattachent. Qu’on nous permette de donner quelques heures de méditation à cette adresse, que nous avons eu à peine le temps de lire ; tout le monde, et les ministres eux-mêmes, gagneront à cette prudente lenteur ; la question politique et toutes les autres grandes questions soulevées par l’adresse seront communiquées avec soin, et le débat politique une fois épuisé au commencement de la session, on sera moins tenté d’y revenir.
Si la question devait se décider à l’aide de précédents, je demanderais à la majorité si jamais il lui est arrivé d’aborder le dernier jour de la semaine une question de quelque importance ? Le samedi, chacun le sait, est un jour de relâchement de travaux ; on anticipe quelque peu sur le repos du lendemain ; c’est le jour du départ du plus grand nombre de nos collègues, et si la discussion qu’on veut nous imposer devait se continuer, il arriverait aujourd’hui ce qui est arrivé hier et avant-hier, c’est que la chambre ne serait plus en nombre pour discuter et délibérer. Joignez à ces considérations l’impossibilité matérielle et morale d’examiner convenablement, depuis ce matin, un document aussi important qu’un projet d’adresse, et vous adopterez, je l’espère, le court ajournement que nous réclamons.
J’espère aussi que le ministère lui-même n’insistera pas davantage. Une discussion incomplète et mutilée ne sauverait pas sa responsabilité. Il n’échapperait pas pour cela au débat politique qu’il voudrait éviter. Seulement il pourrait avoir lieu dans un moment moins opportun. Tout le monde ici devrait également désirer qu’on épuisât en ce moment le débat politique pour s’occuper ensuite des projets de loi et des améliorations de toute nature que le pays attend.
En remettant à lundi la discussion de l’adresse, vous ne perdriez pas, ainsi qu’on le suppose, la séance d’aujourd’hui ; car vous pourriez continuer les travaux commencés hier et interrompus parce que la chambre ne se trouvait plus en nombre pour continuer. Il serait même plus logique, il faut en convenir, de continuer ce qui a été commencer hier que d’interrompre et de scinder des opérations commencées pour entamer le débat de l’adresse. Pour lundi, nous serons prêts, et les membres absents seront avertis et se trouveront à leur poste, et la discussion de l’adresse pourra avoir dans le pays l’importance qu’elle a dans les autres Etats constitutionnels.
M. Osy – Messieurs, nous n’étions que 51 membres à la séance d’hier ; quand on a décidé que la discussion de l’adresse aurait lieu samedi, le bureau s’est engagé à faire connaître à chaque membre absent la décision prise par la chambre ; je ferai observer que, malgré ce soin du bureau, il est impossible aux membres habitant les villes les plus rapprochées de Bruxelles, de pouvoir arriver ici avant une heure, et par extraordinaire, on a fixé la séance à onze heures.
Le projet d’adresse a été imprimé hier fort tard, nous n’avons pu le lire que ce matin, nous n’avons pas eu plus d’une heure pour le méditer ; je demande si nous pouvons être préparer pour le discuter. Je vous demande si, quand les membres présents ne peuvent pas être prêts pour la discussion, et quand un grand nombre de membres sont absents, il est convenable d’y procéder aujourd’hui.
Quant à moi, je déclarer que j’avais beaucoup d’observations à présenter. J’ai travaillé ce matin de très-bonne heure ; malgré cela, il me serait impossible de prendre part à la discussion aujourd’hui !
J’appuie la proposition de M. Verhaegen, je pense que, dans les convenances parlementaires, on doit renvoyer la discussion à lundi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je dois répondre à M. Castiau qui persiste à croire que le ministère cherche à se soustraire à une discussion politique. Cela n’est ni dans ses intérêts, ni dans ses intentions. Une chose m’a semblé étrange de la part de M. Castiau, c’est cette supposition, démentie par tous les précédents que la discussion de l’adresse absorberait pour toute la session les débats politiques. Cela n’est pas possible.
M. Castiau – Tant pis !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La chose n’est arrivée ni en France, ni en Angleterre, ni en Belgique. En Angleterre, par exemple, l’adresse est d’ordinaire votée sans grande discussion, quelquefois en présence d’une cinquantaine de membres. En France, on discute l’adresse pendant plusieurs semaines, ce qui n’empêche pas qu’on ait encore, dans le cours de la discussion, de grands débats politiques.
L’année dernière, la discussion de l’adresse a duré un mois, et il y a eu ensuite six grandes discussions incidentes. Vous voyez quand vous discuteriez l’adresse pendant un mois, comme en France, cela n’empêcherait pas d’avoir des débats politiques dans le cours de la session ; car personne n’aurait abdiqué le droit de soulever une discussion politique, soit à l’occasion de l’ensemble des budgets, soit à l’occasion de chaque budget particulier. Pour mon compte, j’en sais quelque chose. (On rit.)
L’honorable M. Castiau n’accepterait pas les conséquences de la doctrine qu’il a développée, si on allait en conclure qu’il ne soulèverait pas de discussion politique après celle qui aurait lieu sur l’adresse.
M. Castiau – Je n’ai pas été jusque-là !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous avez fait espérer que, si on avait maintenant une grande discussion politique, que nous acceptons, cette discussion politique close, on ne s’occuperait plus, pendant le reste de la session, que d’affaires matérielles. Eh bien, je dis que c’est là se bercer d’un vain espoir. La chambre décidera ce qu’elle croira dans ses convenances, nous nous soumettrons à sa décision. Mais je ne crois pas que la chambre voudra rendre illusoire sa convocation anticipée.
Quant aux convenances auxquelles nous manquerions envers les absents, je ne les comprends pas ; c’est à eux, au contraire, qu’on pourrait reprocher de manquer aux convenances envers la chambre, car ils devraient être à leur poste comme nous.
M. Dumortier – Je ne puis admettre ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur. Je regretterais qu’une discussion aussi importante que celle d’une adresse en réponse au discours du Trône dût avoir lieu au milieu d’une assemblée aussi peu nombreuse.
M. d’Huart – Nous sommes soixante !
M. Dumortier – L’assemblée se compose de 95 membres. Les 2/5 des membres sont donc absents. Vous comprendrez donc que c’est là un fait infiniment regrettable.
M. le ministre de l'intérieur, répondant à mon honorable ami, M. Castiau, a dit que le gouvernement accepte toutes les discussions politiques. Je crois que le contraire est démontré par ce qui s’est passé à la dernière session. Nous avons eu pendant le cours de cette session quatre discussions ayant un caractère politique.
Nous avons eu d’abord la discussion sur le jury d’examen ; vous savez quel a été le résultat de cette discussion ; je demanderai volontiers à M. le ministre de l'intérieur s’il en a accepté les conséquences. Nous avons et ensuite la discussion de la loi sur les tabacs ; vous savez quel en a été le résultat ; je demanderai à M. le ministre des finances s’il en a accepté les conséquences. Puis sont venus les grands débats sur la sortie des bestiaux ; vous savez qu’ils ont eu pour résultat que le ministre a dû retirer un arrêté royal. Il a donc dû dire à la Couronne qu’il lui avait donné un mauvais conseil en lui faisant signer le premier arrêté. Cet arrêté a été retiré par suite de la discussion à la chambre. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il a subi les conséquences de cette discussion politique.
Voilà comment les choses se sont passés à la dernière session.
Il restait une seule occasion pour avoir une discussion politique réelle ; c’était celle de l’adresse. Véritablement il est déplorable qu’une telle discussion s’ouvre le lendemain de la présentation du projet et devant un si petit nombre de membres.
Cette discussion précipitée est contraire à l’esprit de l’art. 63 du règlement qui porte :
« Art. 63. Les rapports des commissions seront imprimés et distribués au moins trois jours avant la discussion en assemblée générale si la chambre n’en décide autrement. »
Nous ne pouvons, sans de graves motifs, nous écarter de la disposition du règlement. Si cet intervalle de trois jours est exigé pour les projets de loi, à plus forte raison, doit-il l’être pour les adresses au Roi. En effet, il s’agit là de juger la conduite du ministère, de dire au Roi quelle confiance la chambre a dans le ministère. Il convient que, pour une telle discussion, la chambre soit en grand nombre.
Je conviens qu’il y a dans le projet d’adresse une prétérition, propre à mettre beaucoup de personnes à l’aise. La dernière phrase du discours de la Couronne, qui est l’œuvre des ministres, sollicitait l’appui des chambres pour le gouvernement. L’adresse ne répond pas à cette phrase. Le pays comprendra que ce silence n’est pas sans une certaine signification.
Quoi qu’il en soit, je dis qu’il est fâcheux qu’une telle discussion s’ouvre sans que la chambre soit au complet : On dit que les absents manquent à leur devoir ; sans doute mais le pays ne trouvera-t-il pas que nous manquons à notre devoir, en délibérant en l’absence d’un si grand nombre de nos collègues ?
Je voterai pour la proposition qui a été faite de renvoyer la discussion à lundi.
M. Rodenbach – Lorsque j’ai proposé hier la remise à lundi, je croyais que la chambre n’aurait pas été en nombre aujourd’hui. S’il s’agissait de voter l’adresse, je m’y opposerais. Mais puisque nous sommes en nombre, on pourrait commencer la discussion et voter lundi ; ce sera toujours un peu de temps de gagné. Je ne vois pas pourquoi la discussion ne commencerait pas, puisque nous sommes au nombre de 60.
M. Savart-Martel – Je fais de l’incident qui nous occupe, non pas une question de droit, mais une question de convenance.
Lorsque le chef d’un gouvernement constitutionnel se rend dans le sein (page 24) des députés de la nation pour leur communiquer ses pensées sur la prospérité de l’Etat, il lui est dû une réponse grave et respectueuse. Cette réponse doit être l’expression franche, sincère et loyale des besoins et des vœux du pays, sans réticence aucune.
Une réponse qui serait une banalité, ou même une simple paraphrase du discours du Trône, serait peu digne de Sa Majesté Royale, qui a le droit d’exiger des mandataires de la nation confiance pour confiance.
D’après mon opinion, la réponse au discours du Trône est une des œuvres les plus importantes de la législature. C’est d’ordinaire, la seule circonstance où les chambres constitutionnelles peuvent soumettre directement au monarque, et sans intermédiaire, toutes leurs pensées. C’est donc l’occasion d’apprécier toute la conduite du ministère.
Cependant nous avons eu quelques heures à peine pour nous occuper du projet de la commission, et nous sommes appelés à nous prononcer au pas de course sur cette œuvre digne de toute notre attention, lorsque nos bancs sont loin d’être garnis ; je regrette cette position.
Quant à moi, j’aurais voulu que l’adresse précisât les besoins du pays, signalât les graves imperfections qui déparent plusieurs de nos institutions.
J’aurai voulu que l’adresse jetât quelques bases ou au moins présentât quelques vues de conciliation, en ce qui concerne des intérêts moraux diversement compris dans le pays ; car nos intérêts matériels ne sont pas les seuls qui doivent nous occuper.
A ceux qui demanderaient pourquoi je ne soumets point d’amendements, je répondrai que les quelques heures qui se sont écoulées depuis la distribution du projet de réponse au discours du Trône ne m’ont point permis de les rédiger avec toute la réflexion nécessaire, et que, dans la position où nous nous trouvons en ce moment, je n’aurais guère d’espoir d’en faire adopter aucun. Je propose donc la remise à lundi.
- La proposition faire par M. Verhaegen d’ajourner à lundi la discussion du projet d’adresse est mise aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :
Nombre de votants, 60.
24 votent pour l’adoption.
36 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM. Castiau, Coghen, Coppieters, David, de Baillet, de Brouckere, Delehaye, d’Elhoungne, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, Dumont, Dumortier, Duvivier, Lange, Lesoinne, Lys, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Savart, Sigart et Verhaegen.
Ont voté contre : MM. d’Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Haerne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Naeyer, de Prey, de Renesse, de Roo, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Huveners, Jadot, Kervyn, Liedts, Malou, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Rodenbach, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert et Zoude
M. le président – La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet d’adresse.
M. Osy – J’avais à parler sur le projet d’adresse. Comme je ne suis pas prêt, je serai obligé de m’abstenir. Je veux bien rester à la séance ; mais je ne prendrai pas part au vote. Ce n’est qu’hier soir, en rentrant chez moi que j’ai trouvé le projet d’adresse. J’aurais plusieurs observations à faire. Mais je n’ai pu m’occuper de l’adresse que pendant deux heures ; je ne suis pas prêt, je le répète, à prendre la parole. Je demande que cette circonstance et mon abstention soient constatées au procès-verbal.
- La discussion générale est close ; la chambre passe à la discussion des paragraphes.
« Sire, réunis avant l’époque ordinaire de la convention des chambres, dans le but d’activer nos discussions et de régulariser nos travaux, nous sommes heureux d’entendre Votre Majesté constater la consolidation de cet esprit de concorde et de confiance internationales qui garantit aux peuples les fécondes jouissances de la paix »
- Adopté.
« La loi qui consacre une politique commerciale nouvelle portera, nous l’espérons, les fruits qu’on s’en était promis. Les actes récents inspirés à Votre Majesté par sa haute sollicitude pour le commerce et l’industrie du pays, feront l’objet de nos plus sérieuses délibérations. »
M. Delehaye – En arrivant à la séance, j’ai appris qu’un de mes honorables amis avait demandé hier l’ajournement de la discussion à lundi, à cause du grand nombre d’absents, et qu’on lui avait répondu que c’était inutile, parce que tous les membres absents seraient invités à se rendre à Bruxelles pour aujourd’hui. Je déclare que j’ai quitté Gand ce matin à 9 heures, sans avoir reçu aucun avis de ce genre. C’est le devoir qui m’a amené, sans m’attendre cependant à ce qu’on discutât aujourd’hui le projet d’adresse.
Quoi qu’il en soit, je dois me borner à adresser une seule interpellation au ministère ; je devrais sans doute, en acquit de mes devoirs, en adresser plusieurs ; mais, comme je crains que dans une improvisation l’on ait à m’accuser d’avoir compromis, par quelque imprudence, des négociations, je restreindrai, autant que possible, mes observations.
Je ne conçois pas, messieurs, comment M. le ministre de l'intérieur, dans les attributions duquel entrent les affaires commerciales et industrielles, pourrait entendre, sans rire, un député flamand assurer que le commerce et l’industrie sont dans une situation prospère. J’habite le chef-lieu de la Flandre orientale, et je puis dire que les différentes lois que nous avons votées et les différents arrêtés qui ont été pris par le gouvernement, y ont produit une consternation inconcevable. Il y a dans toute les industries, quelque qu’elles soient, une stagnation réellement effrayante. L’industrie cotonnière pour laquelle on a manifesté une si grande sollicitude, et qu’on vient de sacrifier à d’autres industries, se trouve dans une position à n’avoir rien à attendre du nouvel arrêté ; aussi gémit-on sur l’apathie du gouvernement.
L’industrie linière est dans une position tout aussi déplorable. L’ouvrier qui s’y abandonnait est réduit à la misère. Déjà plusieurs maisons ont quitté le pays pour s’établir à l’étranger.
Les raffineries de sucre sont dans la position la plus alarmante. Je sais qu’à Anvers, où cette industrie s’exerçait sur une grande échelle, elle n’obtient plus de tout de bénéfices. Sur la place de Gand, ceux qui ont eu foi dans la loi qui régit la matière, sont sur le point de stater, et ne font que des sacrifices stériles. Et vous voulez que nous parlions au Roi de la situation prospère de l’industrie ? Amère ironie !
Messieurs, je l’ai déjà dit, je n’étais pas préparé à cette discussion, mais puisqu’on veut absolument qu’il y ait une adresse, alors qu’on cherche à rendre nos protestations inutiles, je ferai une simple interpellation : je demanderai à M. le ministre des finances s’il est décidé à nous présenter une loi tendant à améliorer la position des raffineries de sucre. Je pense que les faits sont connus par le gouvernement comme par les industriels ; il doit savoir que les sinistrés qui se présentent réclament impérieusement la révision de la loi qui nous régit.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, j’ai donné dans le discours que j’ai prononcé en présentant les budgets toutes les explications que le gouvernement avait à fournir, quant à présent, en ce qui concerne la législation des sucres. Je ne crois pas devoir rentrer dans ces longs développements. Ils sont imprimés ; ils se trouvent entre les mains de tous les membres. Je m’en réfère donc aux explications que renferme ce discours.
M. Delehaye – Je n’ai pas eu le temps de lire ce discours qui est très-long, et qui, d’ailleurs, n’a pu être examiné par personne.
Du reste, je n’ai fait cette interpellation que dans l’intérêt du pays ; ce n’est pas pour ma satisfaction personnelle que je l’ai adressée au gouvernement. Je pense que chacun de nous doit, en entrant dans cette enceinte, abdiquer ses intérêts personnels ; quant à moi, j’ai souvent donné des preuves de cette abnégation.
Je veux que le pays sache à quoi s’en tenir ; et puisque le gouvernement vient si souvent nous vanter son patriotisme, je lui demanderai s’il n’a rien autre à nous dire, que de nous renvoyer à un document qui a seulement été distribué hier et qui est tellement volumineux qu’il nous a été impossible de le parcourir ?
Du reste, je dirai que, pour le moment, il me suffit d’avoir fait mon interpellation. Je n’attendais pas une réponse satisfaisante du ministère. Je connais le dédain avec lequel il traite les affaires commerciales. Les Flandres sont assez convaincues que leurs intérêts sont sacrifiés à d’autres provinces. D’ailleurs, la session ne fait que commencer ; il se présentera plus d’une occasion où je pourrai prouver que les intérêts de la localité que je représente ont été sacrifiés. Le ministre répond avec dédain. C’est son habitude, puisqu’il est si sûr d’être appuyé dans cette enceinte ; il ne trouvera peut-être par ailleurs le même appui.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre nous annonce qu’il prouvera, dans le cours de cette session, que le gouvernement a toujours sacrifié les intérêts des Flandres. Il fera bien de le prouver.
M. d’Elhoungne – Vous ne nous en donnerez pas le temps.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il ne suffit pas, en effet, d’alléguer ; et c’est ce que l’honorable membre fait toujours.
M. Delehaye – Vous escamotez les discussions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous escamotons les discussions pour ceux qui ne veulent pas s’y préparer. Votre devoir était de vous préparer comme nous le sommes.
M. Delehaye – Votre habitude est d’escamoter les discussions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est à vous d’être prêts ; nous le sommes. Il y a longtemps que ces questions sont connues. Vous nous annoncez des preuves ; nous vous écouterons avec une religieuse attention. Nous tiendrons compte de tous les faits réels que vous viendrez révéler ; mais, de grâce, ne reproduisez pas sans cesse de vagues allégations.
Nous ne sommes ennemis d’aucune des provinces, d’aucun des intérêts du pays. Nous cherchons à donner satisfaction à toutes les parties du royaume, à tous les intérêts.
Un membre – Et la concession à la France quant aux cotons ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant a parlé de la loi des sucres, comme si c’était un projet de loi. Il lui est même échappé de dire : « Le projet de loi sur les sucres ». Mais l’accusation que vous lancez contre le gouvernement tombe sur la chambre elle-même. Il ne s’agit pas d’un projet de loi ; il existe une loi de l’Etat sur les sucres. Vous trouvez que cette loi a froissé des intérêts ; il faut l’établir et prouver, en outre, qu’on peut atteindre le but qu’on s’est proposé, et qui était surtout un but fiscal, par d’autres moyens qui respectent mieux tous les intérêts ; la chambre examinera les moyens proposés. Mais la loi existe, et le devoir du gouvernement est de la faire exécuter, jusqu’à ce qu’il y en ait une autre, régulièrement émanée.
L’honorable membre s’est déjà empressé de discréditer à l’avance les dernières mesures prises par le gouvernement, notamment en ce qui concerne l’industrie cotonnière. Mais soutiendra-t-il que l’ancien statu quo (page 25) valait mieux, quant aux résultats, que l’arrêté nouveau ? Un projet de loi vous sera présenté pour convertir cet arrêté en loi. Si l’honorable membre démontre que l’ancien statu quo valait mieux, on n’approuvera pas l’arrêté qui a été pris.
Nous soutenons, nous, que l’arrêté du 13 octobre sur l’industrie cotonnière est un bienfait pour cette industrie et un bienfait pour d’autres industries qui ont leur siège en Flandre. C’est ce que nous démontrerons. Nous le démontrerons aujourd’hui, si l’honorable membre nous cite des fats pour établir le contraire. Mais il faut autre chose que de vagues allégations.
Ce n’est donc pas avec dédain que nous traitons aucun genre d’intérêts. Nous les traitons tous avec la sollicitude qu’exigent et nos devoirs de ministres et nos devoirs de citoyens. Et, je vous le répète, dans beaucoup de mesures qu’on vous signale, entre autres la loi sur les sucres, les chambres et le gouvernement sont solidaires, et l’accusation de dédain qu’on porte contre nous retombe sur la chambre elle-même.
J’ignore si l’honorable membre est préparé pour commencer aujourd’hui cette discussion ; mais elle se présentera inévitablement. La loi qui doit approuver l’arrêté du 13 octobre vous sera présentée dans le plus bref délai. Nous verrons alors si les allégations de l’honorable membre subsisteront en présence des faits.
M. d’Elhoungne – J’ai demandé la parole pour relever cette espèce de défi que M. le ministre de l'intérieur a cru pouvoir jeter à mon honorable ami M. Delehaye.
Mon honorable ami vous avait dit, messieurs, que, dans toutes les mesures émanées du gouvernement, dominait un incroyable dédain pour les intérêts de la Flandre ; que ces intérêts avaient été non-seulement méconnus, non-seulement froissés, mais complètement sacrifiés. M. le ministre de l'intérieur s’est empressé de répondre qu’il ne suffisait pas d’alléguer ces accusations, qu’il fallait les prouver par des faits, de manière à pouvoir en quelque sorte les discuter contradictoirement.
Aussitôt, messieurs, j’ai interrompu M. le ministre de l'intérieur, pour lui faire remarquer que c’est le vote de la chambre qui nous met dans l’impossibilité d’aborder aujourd’hui cette discussion.
Et, en effet, messieurs, j’étais moi-même fermement résolu d’examiner, à propos de l’adresse, toute la politique industrielle du gouvernement, de soumettre à une discussion complète sa diplomatie commerciale. Si je m’en abstiens, ce n’est pas que je n’aie soigneusement étudié les faits, les intérêts, les actes qui se rapportent à cette question. Mais est-il permis de perdre de vue que, dans une discussion pareille, l’on se trouve placé en face de l’étranger ? Il ne suffit pas de savoir ce qu’on veut dire, il importe de savoir jusqu’où l’on peut aller. Des paroles imprudentes, échappées à l’improvisation, ne peuvent-elles avoir des conséquences regrettables ? Or, je vous le demande, en recevant hier soit le projet d’adresse, nous a-t-il été possible de réfléchir suffisamment, de suffisamment nous recueillir pour être sûr de nous-mêmes, pour ne plus craindre, par quelque aveu imprudent, de nous compromettre vis-à-vis de l’étranger, et de fournir des armes, non-seulement à la presse, non-seulement à la tribune des peuples voisins, mais au ministère lui-même ?
Maintenant, messieurs, vous avez compris les motifs qui m’ont fait relever à l’instant ce défi que M. le ministre de l'intérieur a lancé à mon ami et en même temps à tous les députés des Flandres. J’aurai voulu bien constater que, si nous ne venons pas prouver aujourd’hui que les intérêts des Flandres ont été méconnus ; que la politique du ministère, dans ses mesures industrielles, dans ses actes diplomatiques, est véritablement désastreuse et déplorable pour les Flandres ; que ses fautes passées nous préparent d’autres dangers dans un avenir rapproché ; et qu’impuissant à réparer le mal qu’il a fait, le ministère sera amené à commettre des fautes nouvelles ; si, dis-je, nous n’établissons pas ces tristes vérités dès la discussion de l’adresse, la faute en est au vote de la chambre qui a précipité cette discussion. Je dis de la chambre, messieurs, car aucun ministre n’était présenté hier, lorsqu a fixé à ce jour la discussion de l’adresse.
Pour répondre à un reproche qui nous a été adressé, j’ajouterai que j’ai soigneusement étudié tous les actes émanés du ministère, que je me suis livré à une étude consciencieuse de notre situation industrielle et de notre système diplomatique ; mais puis-je ainsi aborder du jour au lendemain une discussion aussi périlleuse ?
M. le ministre de l'intérieur nous a dit, à la vérité, que la question cotonnière, qui est la grande question industrielle du moment, se présentera à l’occasion de la loi qui rendra définitif l’arrêté du 13 octobre. Mais M. le ministre de l'intérieur se trompe étrangement. L’arrêté du 13 octobre se relie par une connexion évidente au traité conclu entre la Belgique et le Zollverein. Dès lors la discussion ne peut être entière, ne peut être complète, qu’à la condition d’examiner la question sous ce double point de vue.
Quant à la loi sur les sucres, M. le ministre de l'intérieur a prétendu que l’on venait faire le procès à la chambre même. Mais il n’en est rien ; mon honorable ami n’a manqué en rien aux convenances parlementaires. Il vous a dit que la législation actuelle sur les sucres est une législation désastreuse, qui tue à la fois deux industries importantes pour le pays. En cela, mon honorable ami est l’écho des plaintes qui s’élèvent de tous les points du pays. Eh bien, messieurs, c’est encore un point que je voulais toucher dans la discussion de l’adresse. Mais, avant d’aborder cette question devant vous, ne fallait-il pas étudier soigneusement les renseignements nouveaux annexés au budget de cette année, et qui font l’objet du discours dont M. le ministre des finances vous a parlé tout à l’heure ? Or, ces documents n’ont été distribués qu’hier ; il a donc été impossible de les examiner.
Je pense, d’après cela, avoir démontré que, si la présente discussion n’est pas complète, que si nous ne venons pas examiner aujourd’hui toute la politique du ministère, c’est parce que la chambre a voulu, en réalité, remettre ce débat. Messieurs, quand ce débat surgira, nous n’y ferons pas défaut ; nous saurons répondre aux objections comme aux défis ; nous avons la pénible conviction de n’avoir que trop raison dans nos griefs contre les derniers actes diplomatiques et industriels du ministère.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre nous annonce des études ; je ne pense pas que ces études puissent être achevées pour lundi. Mais elles seront sans doute faites, lorsque nous aborderons chacune des questions qui sont naturellement tenues en réserve, et qui se présenteront lorsque vous serez saisis des projets de loi. C’est ainsi que l’on pourra soulever une très-grande discussion lorsqu’il s’agira du traité conclu avec l’association allemande, traité qui vous sera très-prochainement soumis.
Nous espérons prouver à la chambre que la politique commerciale du ministère n’a pas été aussi déplorable que le suppose l’honorable membre. Les fais sont là, et la notoriété publique a déjà apprécié ces faits.
J’approuve, du reste, complètement, la réserve avec laquelle l’honorable préopinant entend parler de la politique commerciale du pays dans ses rapports avec l’étranger, et, pour ma part, j’apporterai dans ces discussions la plus grande circonspection.
Je désire, messieurs, que les nouvelles mesures prises par le gouvernement aient dans l’avenir les mêmes résultats qu’on obtenus d’autres mesures qui avaient été prises par nous et qui ont aussi été vivement critiquées dans cette enceinte.
- La discussion est close.
Le § 2 est mis aux voix et adopté.
« Tout ce qui tend à faciliter l’expédition des correspondance par la voie des postes, ou l’extension de nos relations par le complément de notre système d’entrepôts publics, ne peut manquer d’être accueilli par le pouvoir législatif avec une faveur qui n’exclut pas un examen réfléchi.
« Pleine de reconnaissance envers la Providence qui vient, cette année encore, d’assurer les résultats de la récolte, la chambre ne sera que mieux disposée à seconder les vues des provinces pour étendre les bienfaits de l’agriculture aux parties incultes de notre territoire. »
Ces paragraphes sont adoptés.
« L’achèvement des travaux de construction et d’amélioration de nos voies navigables fournira à la nation de nouveaux éléments d’activité et de bien-être. »
M. Lesoinne – J’ai un amendement à proposer à ce paragraphe. Je vais le rédiger.
M. le président – Le § 5 sera tenu en suspens.
« La situation prospère de nos chemins de fer justifie la confiance que la législature a eue dans l’avenir de cette œuvre nationale. Notre concours ne fera point défaut pour en perfectionner les conditions d’exploitation dans les limites d’une sage économie, et pour réorganiser les transports en dehors du chemin de fer, de manière à concilier les nécessités de la centralisation avec les droits de la liberté industrielle. »
M. Dumortier – Dans le discours du Trône, le gouvernement s’est exprimé, au sujet du chemin de fer, de manière à donner à entendre qu’il voulait perfectionner les conditions d’exploitation que l’état incomplet des lignes et des stations rendait difficiles.
Vous savez tous que, dans l’intervalle des deux sessions, il nous a été distribué un projet d’étude pour compléter les lignes du chemin de fer par le jonctions des deux railways du Midi. Je veux parler du chemin de fer de Jurbise. Dans la lettre circulaire qui s’y trouvait annexée, le gouvernement semblait indiquer qu’un projet de loi avait été présenté dans le commencement de la session. Je désirerais savoir ce que le gouvernement entend faire au sujet de cette voie de communication réclamée depuis si longtemps par le Hainaut et qui n’en est pas moins indispensable pour les Flandres et pour la province de Namur. Je prie M. le ministre des travaux publics de me donner une réponse satisfaisante à ce sujet.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, le gouvernement, dans le discours du Trône, a parlé de la nécessité d’améliorer les conditions d’exploitation du chemin de fer, en compétant les lignes, ainsi que le matériel et les stations. Par cette phrase, le gouvernement n’a pas voulu exclure le projet de jonction de la ligne des Flandres avec celle du Midi. Il examine maintenant cette question, et la chambre sera saisie très-prochainement d’un projet de loi par lequel cette question sera résolue. Ce sera alors que la pensée du gouvernement se sera fait connaître, que la chambre pourra la discuter et l’apprécier.
Le § 6 est adopté.
« Les circonstances politiques que la Belgique a traversées ne lui ont pas permis de résoudre les graves questions que soulèvent les institutions de bienfaisance et de répression : l’ordre public et l’humanité en commandent la solution prochaine. »
M. Savart-Martel – Je demande qu’on ne place point sous le même paragraphe les institutions de bienfaisance et celles de répression. On ne doit pas mettre sur la même ligne la pauvreté et le vice.
On pourrait rédiger comme suit :
« « Les circonstances politiques que la Belgique a traversées ne lui ont pas permis de résoudre les graves questions que soulèvent les institutions de répression : l’ordre public en commandent la solution prochaine. »
(page 26) « Nous nous prêterons aussi à l’amélioration des institutions de bienfaisance ; la justice et l’humanité nous en font un devoir. »
Je rédigerai mon amendement dans ce sens, s’il est suffisamment appuyé.
- L’amendement de M. Savart n’est pas appuyé.
Le § 7 est adopté.
« Fidèles au vœu manifesté par le congrès constituant, nous saisirons avec empressement toutes les occasions d’opérer des réformes graduelles dans notre législation. Et, comme la véritable sanction des lois réside dans leur application, nous comprenons tous quelle est l’importance sociale d’une magistrature indépendante et respectée.
« Par l’intérêt national qui se rattache à son existence, ainsi que par le sentiment profond de ses devoirs dont elle n’a cessé de donner des preuves, l’armée a droit de compter sur les sympathies de la législature. Son organisation définitive lui vaudra des garanties de force et de stabilité qui seront pour elle une récompense à la fois et un encouragement.
« La révision des lois sur la milice fera disparaître les vices signalés dans l’une des bases principales de notre système militaire qu’une loi nouvelle sur l’organisation de la garde civique est appelée à compléter.
« La réduction de la rente et du capital de la dette, l’augmentation du produit de plusieurs branches du revenu public, la consolidation de notre crédit, le rétablissement de l’équilibre entre les dépenses et les recettes, tous ces résultats annoncés par Votre Majesté contribuent à nous rassurer sur l’état de nos finances. Si la nécessité de quelques mesures à prendre pour parer aux éventualités de l’avenir était démontrée, la chambre saurait prouver qu’elle possède l’intelligence des vrais besoins du pays.
« Sire, la nation a la conscience de ce qu’elle vaut, de ce qu’elle peut. Sa dignité et sa force, elle les puise dans la conciliation de tous les droits et de tous les intérêts. Telle est la condition de notre existence et de notre prospérité ; tel est le but que s’est constamment proposé la haute sagesse de Votre Majesté et à la poursuite duquel la chambre sera toujours fière de concourir. »
Ces paragraphes sont adoptés.
M. le président – Nous en revenons au § 5.
M. d’Huart – Messieurs, j’aurai aussi une demande à faire à M. le ministre des travaux publics, quant à ce § 5.
« Des améliorations ont été apportées au cours de la Meuse ; le gouvernement se propose d’en introduire successivement dans le régime des autres rivières du pays. »
Voilà comment s’exprime le discours du Trône. Je désirerais savoir si, ainsi qu’on peut le supposer d’après cette rédaction, M. le ministre des travaux publics pense que toutes les améliorations sont maintenant apportées au cours de la Meuse. D’après cette rédaction, il semblerait que tout est fait et qu’il ne reste plus rien à faire à la Meuse, tandis qu’au contraire on a fait excessivement peu de chose. Tout le monde sait que, dans une grande partie de son cours, cette rivière est dépourvue de chemin de halage, chose indispensable pour la navigation. C’est à tel point qu’une grande partie de l’année on est obligé de faire passer les chevaux dans la rivière à une très-grande profondeur et qu’ainsi on est exposé à des dangers continuels et à des accidents extrêmement fréquents.Je désirerais donc que M. le ministre des travaux publics voulût bien nous rassurer à cet égard et nous dire si, en parlant des améliorations qui ont été apportées à la Meuse, il a entendu qu’il n’en serait plus apporté, ou si, au contraire, ainsi que l’exigent les besoins de la manière la plus impérieuse, le complément de ces améliorations sera apporté à cette rivière importante.
M. le président – L’amendement annoncé par M. Lesoinne vient d’être déposé ; il tend à remplacer le § 5 par le suivant :
« Nous voyons avec une vive satisfaction la sollicitude du gouvernement se porter sur les améliorations à exécuter aux voies navigables ; elles doivent exercer une influence trop salutaire sur notre commerce et notre agriculture pour ne pas être l’objet de notre attention la plus scrupuleuse. Sans rien préjuger, quant aux résultats obtenus des travaux exécutés jusqu’à présent à la Meuse, nous avons assez de confiance dans les lumières du corps savant de nos ingénieurs des ponts et chaussées, pour être persuadés que des études sérieuses seront faites pour approprier nos voies fluviales aux besoins du commerce et de l’industrie du pays de la manière la plus convenable. »
M. Lesoinne – Messieurs, la raison pour laquelle je propose un changement au paragraphe de l’adresse qui est en discussion, c’est que, relativement aux travaux qui ont été exécutés à la Meuse, l’année dernière, l’on n’a pu rien préjuger encore, quant au résultat. Je n’ai pas, dès lors, voulu donner une approbation implicite aux travaux faits jusqu’ici à cette rivière en votant le paragraphe tel qu’il est présenté.
- L’amendement de M. Lesoinne est appuyé.
M. de Brouckere – Il est de fait qu’en lisant le § 5 du projet d’adresse, on peut lui donner deux sens tout à fait différents. Il est impossible de savoir si l’on veut parler d’un achèvement qui a eu lieu ou d’un achèvement qui se fera. Mais, pour bien comprendre cette disposition, il faut la mettre en rapport avec le projet du discours du Trône auquel elle répond. Il résulte, de cette comparaison, qu’il entre dans les intentions de la commission d’adresse, et la chambre se ralliera, sans doute, à ces intentions, de parler des résultats qu’amènera l’achèvement futur des travaux de construction et d’amélioration de nos voies navigables ; car il est constant que cet achèvement n’est pas terminé. Je remarque avec plaisir aussi, que le paragraphe du discours du Trône porte que des améliorations ont été portées au cours de la Meuse ; ce qui nous fait supposer qu’il s’agit seulement d’une partie des améliorations entrant dans le projet général qui doit rendre la Meuse une rivière véritablement navigable en toute saison. Voilà comment j’entends le § 5 du projet d’adresse. Je demanderai à l’honorable rapporteur qu’il veuille bien s’expliquer à cet égard.
M. Dedecker, rapporteur – Messieurs, vous savez que dans la rédaction d’une adresse, il faut, autant que possible, s’en tenir à des généralités. Le discours du Trône parlait, dans un paragraphe, des améliorations apportées au cours de la Meuse ; par conséquent, il s’agissait là de travaux d’amélioration ; dans le paragraphe suivant, le discours parle du canal de la Campine, du canal de Zelzaete ; ce sont des travaux de construction. La commission d’adresse a cru pouvoir réunir ces deux paragraphes en un seul et parler des travaux de construction et d’amélioration de nos voies navigables, en comprenant, sous cette expression, les canaux, les rivières.
Maintenant, relativement au mot d’achèvement, je dirai à l’honorable préopinant, qu’il s’agit ici d’un achèvement futur, et qu’il n’est pas entré dans les intentions de la commission, de circonscrire les travaux aux travaux déjà exécutés.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. d’Huart m’a interpellé sur la question de savoir si, par la phrase du discours du Trône où il est dit que des améliorations ont été apportées au cours de la Meuse, le gouvernement a entendu déclarer, par là, que ces améliorations ont reçu leur complète exécution, et que d’autres améliorations ne seraient pas apportées au régime de la Meuse. Telle n’a pas été, évidemment, l’intention du gouvernement. Chacun sait qu’un système de travaux se trouve en cours d’exécution à la Meuse depuis plusieurs années, que le gouvernement y applique, tous les ans, des sommes assez considérables, et que ces travaux sont loin d’être terminés.
Deux questions ont été soulevées relativement à la navigation de la Meuse. La première est celle des travaux à exécuter dans la rivière même ; la seconde concerne le halage.
Pour la première question, deux systèmes sont été présentés. Le premier système est celui des barrages, système qui a été défendu l’année dernière par l’honorable M. Lesoinne. Le second doit nécessiter une dépense beaucoup moins considérable, c’est celui des passes artificielles.
Les essais qui ont été faits ont produit un résultat utile. Il reste à examiner si, dans les passages plus difficiles du fleuve, ces essais obtiendront le même succès. C’est dans ce but que des travaux très importants vont être exécutés au pont de Huy. Si le succès couronne les tentatives du gouvernement, la question sera tranchée ; le gouvernement adoptera, pour tous le cours de la rivière, le système des passes artificielles. Si ces essais ne sont pas satisfaisants, le gouvernement se ralliera vraisemblablement à un système mixte qui consiste à employer les passes artificielles là où les difficultés de la navigation sont moins grandes, te le système des barrages là où ces difficultés le sont plus.
Je ne pense pas que cette question d’art doive trouver sa place dans l’adresse. Il faut la laisser à l’appréciation du gouvernement.
Je crois que, pour lever la difficulté de rédaction soulevée par l’honorable M. de Brouckere, on pourrait se borner à substituer, dans le § 5, le mot continuation au mot achèvement. Il n’y aurait plus alors aucune espèce d’ambiguïté.
M. de Brouckere – Ne pourrait-on pas dire : « L’achèvement des travaux de construction et d’amélioration de nos voies navigables, que le discours de Votre Majesté fait espérer, fournira, etc. ? »
M. Jadot – Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si les contestations entre le gouvernement et les concessionnaires du canal de Meuse et Moselle sont levées ; et, en cas d’affirmative, si on appliquera à cette voie navigable les améliorations que le gouvernement annonce pour les autres canaux du pays.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La phrase est générale, il s’agit de tous les travaux dont le gouvernement se préoccupe, par rapport aux voies navigables du pays.
Quant à la question du canal de Meuse et Moselle, elle est encore pendante devant les tribunaux, et le gouvernement n’est pas encore à même de savoir ce qu’il y aura à faire, lorsque la question judiciaire sera résolue.
M. Jadot – Ainsi, les contestations entre le gouvernement et les concessionnaires du canal de Meuse et Moselle ne sont pas encore levées ; de manière que la canalisation ne pourra sans doute pas être continuée en 1845. Il est à désirer que ce procès, qui dure depuis un grand nombre d’années, se poursuive avec plus d’activité, et arrive enfin à terme.
- La discussion du § 5 du projet d’adresse est close.
M. le président – Il va être voté sur les amendements et sur le § 5.
M. Lesoinne – Je retire mon amendement.
M. de Brouckere – Je me rallie à la rédaction proposée par M. le ministre des travaux publics.
- L’amendement de M. le ministre des travaux publics, consistant dans la substitution du mot continuation au mot achèvement, est mis aux voix et adopté.
Le § 5, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
La chambre décide qu’elle votera, séance tenante, sur le projet d’adresse.
Il est procédé au scrutin sur l’ensemble de l’adresse.
En voici le résultat.
60 membres répondent à l’appel ;
48 disent : Oui.
12 s’abstiennent.
(page 27) En conséquence, le projet d’adresse est adopté.
Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Delehaye – je me suis abstenu parce que je n’ai pas eu le temps d’examiner le projet d’adresse.
M. de Tornaco – Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Delehaye.
M. Devaux – Plusieurs membres ayant insisté vivement pour que la discussion n’eût lieu que lundi, je ne voyais pas de raison pour se refuser à ce voeu ; c’est le motif qui m’a engagé à m’abstenir ; car il n’y avait rien, dans l’adresse, qui fût de nature à m’empêcher de la voter ; d’après la manière dont elle est rédigée, c’est un ajournement des discussions qui devront se reproduire plus tard.
M. Dumont – Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Delehaye.
M. Lesoinne – Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Lys – Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Orts – Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Devaux.
M. Osy – Je me suis abstenu de voter l’adresse, pare que j’avais plusieurs observations industrielles, commerciales et administratives à faire ; n’ayant eu que peu d’heures à me préparer, et comme on m’a refusé de m’expliquer lundi, et de me donner le temps d’examiner le projet, il m’est impossible de voter une adresse sans pouvoir faire entendre, avec une manière convenable, mes observations et mes griefs.
M. Rodenbach – Je me suis abstenu par les motifs que j’ai exprimés au commencement de la séance.
M. Savart-Martel – Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Castiau – Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. David – Je me suis abstenu, parce qu’on ne nous a pas laissé, entre la proposition et la discussion du projet d’adresse, un intervalle de temps suffisant pour l’examiner.
Ont répondu oui : MM. de Haerne, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Naeyer, Deprey, de Renesse, de Roo, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Malou, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Dubus (aîné), Pirmez, Pirson, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Coghen, d’Anethan, de Baillet, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone et Liedts.
M. le président – Nous allons tirer au sort la grande députation chargée de présenter au Roi l’adresse votée par la chambre. Ordinairement elle est de onze membres, non compris le président. Si aucune autre proposition n’est faite, il en sera de même cette année.
- Les membres désignés par le sort sont : MM. de Terbecq, de Renesse, Deprey, Orts, Savart, Dumortier, Coghen, de Naeyer, Verhaegen, Lys et Pirmez.
M. le président – Vous avez reçu le tableau des projets arriérés ; quels sont ceux qu’on veut mettre d’abord à l’ordre du jour ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je proposerai de mettre à l’ordre du jour de lundi le projet de loi relatif au domicile de secours. Nous pourrions mettre à l’ordre du jour de mardi le projet de loi interprétatif de l’art. 442 du code de commerce, et pour mercredi le projet de loi relatif au traitement de l’ordre judiciaire.
Plusieurs voix – Non ! non !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Il est possible que le projet de loi sur le domicile de secours prenne deux séances, quoique je suis d’accord avec M. le rapporteur sur beaucoup de points.
M. le président – Je vais d’abord consulter la chambre sur la mise à l’ordre du jour des projets relatifs au domicile de secours et à l’article 442 du code de commerce, à l’égard desquels je crois qu’on est d’accord.
M. Dumortier – Je demande la parole.
Messieurs, il est un point sur lequel il faut d’abord attirer l’attention de la chambre. Nous avons été convoqués avant l’époque fixée par la constitution pour pouvoir discuter les budgets avant la fin de l’année ; pour cela, il faut commencer tout de suite à les examiner. Cet examen dans les sections est très-long ; souvent, pour l’accélérer, on n’a pas eu de séance publique pendant trois ou quatre jours, afin de consacrer ce temps à l’examen en sections. Je sais qu’on a trouvé à ce mode de procéder l’inconvénient que des membres s’absentaient ; on pourrait y remédier en fixant une séance publique à 2 ou 3 heures et en consacrant le reste de la journée au travail en sections.
Je désirerais ensuite que, dans la répartition des budgets, on n’accumulât pas ceux qui demandent un grand examen, dans les mains de l’un ou de l’autre des vice-présidents, ce qui entrave la marche des travaux. Si un vice-président est chargé des budgets qui ne donnent lieu à presque aucun examen, comme celui de la justice, et qu’un autre soit chargé des budgets de la guerre et des travaux publics, il est évident que celui-ci, qui est surchargé, ne pourra pas fournir les rapports en temps, pour que les discussions n’éprouvent pas de retard. Je fais cette observation à messieurs les membres du bureau pour qu’il en pèsent la portée. L’examen des budgets est, pour le moment, la chose principale ; le reste n’est que subsidiaire. Je fais ces observations, afin que le but de notre réunion anticipée soit atteint, et qu’on puisse examiner tous les budgets avant la fin de l’exercice.
M. le président – L’examen des budgets dans les sections peut marcher de front avec les séances publiques, pourvu que celles-ci soient fixées à 2 heures.
- La chambre consultée met à son ordre du jour :
1° Le projet de loi sur le domicile de secours
2° Le projet de loi tendant à interpréter l’art. 442 du code de commerce.
Elle fixe à 2 heures l’heure des séances publiques.
M. le président – Il reste à la chambre à statuer sur la proposition de mettre à l’ordre du jour le projet de loi relatif à l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me joins à mon collègue M. le ministre de la justice, pour demander la mise à l’ordre du jour de ce projet de loi. Mais je demande que l’on mette à l’ordre du jour, immédiatement après, la discussion du projet de loi relatif à l’augmentation des traitements des membres de la cour des comptes.
M. Delehaye – Cependant la discussion aura lieu séparément ? (Adhésion.)
M. Castiau – Je m’étonnerai d’abord de ce que la proposition de la mise à l’ordre du jour des traitements des magistrats, a été faite par M. le ministre de la justice ; car l’année dernière, et j’en appelle aux souvenirs de la chambre, lorsque cette même question a été produite dans cette enceinte, c’est précisément M. le ministre de la justice lui-même qui a insisté, et avec force, pour qu’on s’occupât en premier lieu des budgets et des questions d’impôt.
Maintenant, voilà M. le ministre de la justice qui, renversant ce précédent tout de prudence, que lui-même avait posé, demande que l’on vote les dépenses sans savoir comment on pourra y faire face.
J’en appelle de cette contradiction à tous les précédents de la chambre. N’est-il pas constant, n’est-il pas admis par tous les usages parlementaires, qu’avant de voter des dépenses considérables, il faut pouvoir apprécier notre situation financière, et que, pour cela, il faut avoir pu examiner et régler le budget des voies et moyens.
Je n’en dirai pas davantage. Je ne puis mieux faire en cette occurrence que de m’en référer aux considérations de prudence et de sage réserve développées par M. le ministre de la justice dans la dernière session, observations que la chambre s’est appropriées en refusant de voter les traitement de l’ordre judiciaire avant le budget.
Je ne crois pas que la chambre consentira à revenir sur la décision qu’elle avait adoptée dans la dernière session. L’intérêt du pays et des contribuables exige qu’elle y reste fidèle. Cette fois, comme toujours, faisons ce que réclament la logique et les principes d’une sage administration ; gardons-nous de voter précipitamment des dépenses considérables et permanentes sans savoir si nous pourrons les payer avec nos ressources ordinaires.
Je demanderai donc l’ajournement du projet de loi relatif à l’augmentation des traitements de la magistrature jusqu’après la discussion du budget des voies et moyens.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je ne pense pas être en contradiction avec moi-même, parce que je demande aujourd’hui la discussion d’un projet de loi dont, à la dernière session, j’avais demandé l’ajournement. La situation financière n’est pas alors la même qu’à présent. Le motif qui me forçait à demander l’ajournement n’existe donc plus ; et je puis insister pour que l’on discute dans cette session un projet de loi dont j’avais, bien malgré moi, reculé la discussion dans la session précédente.
Du reste, la chambre décidera à quelle époque l’augmentation des traitements continuera à courir.
M. Coghen – J’appuie la proposition faite par l’honorable ministre de la justice de mettre à l’ordre du jour le projet de loi tendant à augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire. Il faut une décision ; car ou la dépense est nécessaire, ou elle ne l’est pas. A mes yeux, elle est nécessaire. La dignité de la magistrature exige qu’elle soit mieux rétribuée. Il en est de même pour la cour des comptes.
Je désire que le sort de la magistrature soit fixé avant que l’on s’occupe du budget des voies et moyens ; car si la dépense est reconnue indispensable, si elle est votée, comme je l’espère, et si le budget des voies et moyens est insuffisant, on pourra y pourvoir.
J’insiste donc sur la mise à l’ordre du jour des projets de loi d’augmentation de traitement des membres de l’ordre judiciaire et de la cour des comptes.
M. Castiau – M. le ministre de la justice se retranche derrière cette considération que notre situation financière n’est pas aujourd’hui ce qu’elle était l’année dernière. Permis à M. le ministre d’exprimer cette opinion ; mais jusqu’ici ce n’est qu’une allégation sans preuve. Personne ici en ce moment, pas même les ministres, personne n’est encore fixé sur notre véritable situation financière. Jusqu’à l’examen et le vote des budgets, tout reste en suspens. L’allégation de M. le ministre pourra donc recevoir un éclatant démenti à la suite des discussions qui vont s’ouvrir dans quelques jours sur nos budgets.
D’un autre côté, veuillez remarquer une nouvelle contradiction du ministre. On vante aujourd’hui la prospérité de notre situation financière pour emporter une dépense considérable ; l’année dernière, quand il s’agissait d’assurer la rentrée d’un impôt inique, on présentait cette même situation financière sous les couleurs les plus sombres. Aujourd’hui encore l’on ne sait trop à quoi s’en tenir au milieu de ces allégations contradictoires. M. le ministre exalte les avantages de notre situation financière, et, dans le (page28) discours du Trône, on nous annonce que de nouveaux efforts seront nécessaires pour faire face à des besoins d’utilité publique. Ces efforts, ce sera ou un nouvel emprunt ou de nouveaux impôts.
En présence de cette prévision menaçante, quelque dissimulée qu’elle soit, devons-nous voter aveuglément des dépenses, sans même nous donner le temps d’examiner l’état véritable de notre situation financière ?
Comme vous le voyez, le ministère ne se fait pas faute de réticences et de contradictions ; craignons de nouvelles déceptions. Qu’il nous fasse connaître ses projets et ses plans avant de nous engager dans cette voie de dépenses nouvelles où l’on voudrait nous lancer aujourd’hui si imprudemment.
Mais il ne s’agit, nous dit-on, il ne s’agit que de discuter aujourd’hui le principe ; on créera ensuite les ressources pour assurer la dépense. Admirable expédient, en vérité ! Qui ne voit qu’une fois le principe de la dépense voté, la chambre ne sera plus libre, et qu’il faudra bien qu’elle crée de nouvelles ressources, fût-ce même par les moyens les plus onéreux.
Le principe ici, c’est une question d’argent ; c’est une question de budget qu’on ne peut ainsi résoudre préjudiciellement sans même avoir jeté le regard sur le budget.
J’insiste donc, et je demande que la chambre, se conformant à tous les précédents, s’occupe de l’examen des budgets avant de créer de nouvelles dépenses. Autrement, nous nous engagerions dans des voies de prodigalité et d’imprudence, d’où nous ne pourrions sortir qu’en faisant retomber sur les contribuables le fardeau de nouveaux impôts.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – le gouvernement n’a demandé la mise à l’ordre du jour du projet de loi relatif à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire qu’avec l’intime conviction que le budget des voies et moyens pourra pourvoir à cette nouvelle dépense.
Il ne serait pas opportun d’entrer maintenant dans l’examen de notre situation financière. J’ai prévu l’objection de l’honorable M. Castiau dans le discours que j’ai prononcé en présentant les budgets. J’ai expliqué ce qu’on devait entendre par nouveaux efforts. J’ai dit que l’on demanderait très-peu à l’impôt, et que les économies sur la dette publique formeront le principal moyen que le gouvernement a en vue pour parer aux éventualités de l’avenir, éteindre la dette flottante, et même créer une réserve, si la chambre le décide.
M. Castiau – Et la garantie du minimum d’intérêts ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Nous ne pouvons pas examiner toutes les questions à la fois.
J’ai, je le répète, la conviction que le budget des voies et moyens suffira pour pourvoir à la dépense résultant de l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire.
M. Orts – Je regrette de ne pouvoir partager l’opinion de l’honorable M. Castiau. Il est temps, pour la dignité même de la chambre, d’en finir avec le projet de loi relatif à l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire. Il y a une grande différente entre la situation financière de cette année et celle de l’année dernière. L’année dernière, on nous signalait un déficit de trois millions. Cette année, par un budget motivé que nous devons croire vrai, on établit qu’il y a plus d’un million de boni. Il me semble (en cela je partage entièrement l’avis de l’honorable M. Coghen,) que nous sommes saisis de ce projet depuis assez longtemps. Lorsque M. Van Volxem, ministre de la justice, déposa sur le bureau le projet de loi, un autre projet avait été présenté, d’après lequel les 4 centimes additionnels aux droits d’enregistrement, de greffe et d’hypothèque suffisaient pour pourvoir à la nouvelle dépense. Nous ne sommes plus dans cette position. Les 4 centimes additionnels ont été absorbés par les dépenses générales.
Avant d’aborder l’examen des budgets, je crois qu’il faut fixer le sort de la magistrature. Chacun fera valoir ses moyens pour ou contre l’augmentation, et la chambre statuera.
M. Malou – La question de l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire a été soulevée pour la première fois en 1837. Nous ouvrons la session de 1844-1845 ; cette question, toujours rappelée, est toujours restée sans solution. Plusieurs fois, dans le discours de la Couronne, dans l’adresse des deux chambres, on a implicitement reconnu qu’il y avait quelque chose à faire. Je ne me prononce pas sur ce qu’il y avait à faire. Mais on a reconnu que nous avions des dispositions à prendre.
Le projet présenté par le gouvernement a été plusieurs fois à l’ordre du jour ; il en a disparu parce que d’autres projets plus urgents ont eu le pas sur lui. Si l’on ne veut pas que ce projet de loi soit discuté dans cette session, il faut le laisser là pendant quelque temps. Arriveront les lois urgentes ; la session se terminera, et aucune solution n’interviendra.
Je crois qu’il est impossible de laisser plus longtemps cette question en suspens. La chambre appréciera les moyens pour ou contre. Mais il est indispensable qu’il intervienne une solution quelconque. On ne peut, pendant huit années, promettre à la magistrature une amélioration et laisser la question irrésolue. La magistrature appréciera les exigences de notre situation financière ; si elle doit sacrifier quelque chose de ses réclamations, elle pourra s’y résigner lorsqu’il y aura une discussion.
Je demande que l’ordre du jour soit fixé, pour que la question reçoive une solution dans cette session. Si on ne le fait pas, la session viendra à se clore, sans qu’on ait examiné la proposition.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je ferai remarquer que depuis la dernière session les traitements des membres de l’ordre judiciaire, dont on reconnaît déjà l’insuffisance, ont été diminués par la retenue pour les pensions des veuves et orphelins. C’est un motif déterminant pour mettre la loi à l’ordre du jour.
M. Dumortier – Je répondrai d’abord aux diverses observations que vient de présenter M. le ministre de la justice. Si l’on a fait une retenue sur les traitements des membres de l’ordre judiciaire, ce n’est pas purement et simplement pour diminuer leur traitement, c’est afin d’accorder des pensions aux veuves et orphelins des magistrats. Loin donc que ce soit une défaveur, c’est une faveur. Je doute fort que les magistrats se plaignent de cette retenue.
Un membre – Si fait, les célibataires. (On rit.)
M. Dumortier – C’est une exception dont je ne m’occupe pas. J’examine l’ensemble. D’ailleurs, le sentiment de fraternité qui unit les membres de l’ordre judiciaire devrait faire approuver la retenue par les célibataires eux-mêmes.
Si la retenue devait être considérée comme un motif pour augmenter aujourd’hui les traitements des membres de l’ordre judiciaire, il faudrait admettre aussi ce motif pour les autres catégories de fonctionnaires, et alors vous arriveriez à ce résultat, qu’il faudrait augmenter les traitements de tous les fonctionnaires.
Messieurs, quand la révolution s’est faite, qu’a-t-on inscrit sur nos drapeaux ? Liberté, économie ! Que nous sommes loin de ces idées ! Alors, on voulait un gouvernement à bon marché ; on veut aujourd’hui un gouvernement de dépenses. Nous sommes loin des principes de la révolution. Et qui donc payera ces majorations de dépenses ? Le peuple, dont il faudra augmenter les impôts.
On nous a parlé, dans la discussion qui nous occupe, de charges nouvelles. On a, il est vrai, employé un nouveau mot ; on a parlé d’efforts nouveaux qu’il faudrait faire. Je traduis littéralement par le mot charges. (On rit.) Avant d’arriver à de nouveaux impôts, je voudrais voir surtout, avant d’employer l’excédant dont nous a parlé M. le ministre de l'intérieur, à des dépenses qui doivent se reproduire chaque année, s’il n’existe pas des nécessités qui doivent marcher avec ces dépenses.
C’est pour cela que j’appuie la proposition de l’honorable M. Castiau. Avant de voter des augmentations de traitement qui seront permanentes, il serait sage de voir jusqu’où on veut aller dans la voie des dépenses nouvelles.
Parmi les membres de l’ordre judiciaire, il en est à qui il y a réellement une justice à rendre : ce sont les juges de paix. Personne n’ignore que les traitements des juges de paix sont beaucoup trop bas et qu’il est indispensable d’apporter une amélioration à leur sort. Car, vous le savez, la plupart des juges de paix sont moins payés que ne le sont des huissiers. Mais autre chose est la position de ces magistrats et de ces hauts fonctionnaires de l’ordre judiciaire. Je vous le demande, faut-il encore augmenter la valeur du canonicat de l’ordre judiciaire ? A cet égard, je le répète, avant d’arriver à de pareilles augmentations, je veux voir si les besoins de l’Etat n’exigent pas que les deniers publics soient employés à d’autres objets, et c’est pour cela que je voudrais qu’on examinât avant tout quels sont les revenus du budget, et ce que le gouvernement a entendu par les efforts nouveaux qu’il faudrait faire. Que le ministère ait la franchise de nous dire quels sont les efforts dont il veut parler, quels sont les projets qu’il veut nous présenter. Peut-être plusieurs d’entre eux obtiendront mon assentiment ; mais je veux choisir entre ces projets et voir quels sont ceux auxquels nous devons employer de préférence l’excédant de nos revenus.
- L’ajournement proposé par M. Castiau est mis aux voix et rejeté. En conséquence, la chambre décide qu’elle met à l’ordre du jour le projet de loi relatif aux traitements des membres de l’ordre judiciaire, et celui relatif aux traitements des membres de la cour des comptes.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Un grand nombre de personnes appartenant aux parties cédées du Limbourg et du Luxembourg ont négligé de faire la déclaration voulue par la loi du 4 juin 1839 ; le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi tendant à accorder à ces personnes un nouveau délai pour faire cette déclaration et conserver ainsi la qualité de Belge.
- Il est donné acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et distribué. La chambre en renvoie l’examen à une commission qui sera nommée par le bureau.
La séance est levée à 2 heures.