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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 mai 1844

(Moniteur belge n°151, du 30 mai 1844)

(Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi un quart.

- La séance est ouverte.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse communique les pièces de la correspondance.

« Les sieurs de Mat et Champagne demandent des mesures de protection pour la papeterie, l’imprimerie, la librairie et la fonderie en caractères. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des conclusions de la commission d’enquête parlementaire.


« Plusieurs professeurs et instituteurs, primaires, des membres des conseils provinciaux et communaux, des docteurs en droit et lettres, etc., demandent le maintien de l’arrêté royal du 1er janvier 1844, relatif à la traduction du Bulletin officiel en langue flamande. »


« Le sieur Fack, sous-intendant militaire de première classe, en non activité, soumet à la chambre un essai sur l’organisation de l’armée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur l’organisation de l’armée.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Osy

Vice-président : M. Thyrion

Secrétaire : M. de Corswarem

Rapporteur de pétitions : M. Sigart


Deuxième section

Président : M. Lys

Vice-président : M. de La Coste

Secrétaire : M. de Meester

Rapporteur de pétitions : M. Malou


Troisième section

Président : M. de Garcia

Vice-président : M. Verhaegen

Secrétaire : M. Van Cutsem

Rapporteur de pétitions : M. Mast de Vries


Quatrième section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Delfosse

Secrétaire :t M. d'Elhoungne

Rapporteur de pétitions : M. Lesoinne


Cinquième section

Président : M. Desmaisières

Vice-président : M. Jonet

Secrétaire : M. de Renesse

Rapporteur de pétitions : M. Eloy de Burdinne


Sixième section

Président : M. Dubus (aîné)

Vice-président : M. de Mérode

Secrétaire : M. de Haerne

Rapporteur de pétitions : M. de Man d’Attenrode

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Discussion du tableau des tarifs

Bois

M. le président. - La discussion continue sur l’article Bois.

La chambre est saisie de cinq propositions :

Celle du gouvernement, la proposition primitive du gouvernement reproduite par la commission d’industrie, celle de M. Donny, celle de M. de Corswarem et celle de M. d’Hoffschmidt,

La discussion porte sur ces cinq propositions.

M. Osy. - Messieurs, je serais le premier à accorder une protection suffisante aux produits du pays, si nous avions, comme l’a dit l’honorable M. Cogels, des bois similaires à nos grandes importations de sapin, mais vous ne pouvez pas vous passer des bois du Nord, et même le tarif le plus élevé qu’on nous propose ne rendra pas la valeur aux bois du pays, car dans des provinces où l’on ne connaissait pas le bois du Nord, on en fait venir pour les constructions, et même dans des localités entourées de forêts.

Ce qui a fait perdre la valeur à vos bois, c’est la formation de vos hauts-fourneaux au coak et qui fait diminuer la valeur de la raspe, et en France, comme cher nous, tout le monde construit avec des bois du Nord ; vos exportations de bois de chêne ont dû considérablement diminuer, et de plus en plus, les terrains susceptibles à la culture seront dérodés, et comme il est prouvé que nous n’avons plus assez de céréales pour la consommation (voyez les énormes besoins d’orge que nous devons importer), il n’y a pas grand mal de voir nos forêts converties en terres labourables.

Ainsi on se plaint de la diminution de la valeur du bois et les propriétés ne font que renchérir et gagner de la valeur.

L’honorable M. de Corswarem veut conserver et augmenter les bois pour ne pas être tributaires de l’étranger ; mais si vous n’avez pas assez de grains, vous resterez tributaires de l’étranger, et en cas d’événements politiques, il vaut mieux l’être pour le bois que pour les premiers besoins de la vie.

Je suis persuadé que même le tarif le plus élevé qu’on nous propose, ne remédiera pas au mal dont on se plaint, et qu’il n’aura d’autre résultat que d’avoir la perspective d’augmenter les revenus du trésor, et comme le bois est matière première et que je veux augmenter autant que possible les constructions civiles et navales, je ne pourrai donner mon assentiment qu’au projet de l’honorable M. Donny, ou tout au plus au dernier tarif du gouvernement, et je crois qu’aller plus loin nous ferions beaucoup de mal. Les arrivages de bois à Ostende et à Anvers laissent très peu de chose aux consignataires, mais donnent beaucoup d’ouvrage et augmentent considérablement les transports à l’étranger, et pouvant construire à meilleur compte, toutes ces constructions augmentent le bien-être, et l’impôt foncier deviendra tous les ans plus considérable.

Dans les constructions civiles on se sert presque généralement pour la grosse charpente du bois du Nord, mais plus il s’élève de constructions, plus on a besoin du bois du pays pour les parquets, portes et fenêtres, et ainsi les constructions à bon compte qu’on peut faire donner du débouché au chêne du pays.

Si, avec un bon système commercial, vous pouvez augmenter votre marine, on aura besoin de bois du pays, car les bons navires se construisent en chêne, et voyez comme entre les années 1822 et 1830, lors de nos grandes constructions pour le commerce des Indes, on a employé du bois du pays. Dans les forêts bien situées on achetait considérablement pour Anvers et Ostende, mais si le transport renchérit par trop le bois, même des droits d’entrée de cent pour cent de la valeur, ne peuvent remédier au mal.

Le système de l’honorable M. d’Hoffschmidt, de la restitution des 3/4 des droits ou de 9/10 comme le propose l’honorable M. de Corswarem n’est qu’une complication très difficile pour l’administration, et comme nous devons prévoir des constructions navales, comme c’est le but que nous nous proposons, adoptons définitivement un tarif plus modéré.

Nous importons au commerce pout fr. 813,000 de bois en grume, et pour fr. 2,400,000 de bois scié ; mais ne perdons pas de vue que nous avons exporté en 1842 pour fr. 394,000 de bois en grume et pour fr. 1,163,000 de bois scié.

En 1840, nous exportions seulement pour fr. 600,000 de bois scié. Je crois qu’une partie de ce bois provient de nos forêts, mais nous avons des dépôts de bois du Nord dans les départements français, et comme le bois ne s’exporte pas en transit, mais qu’on paye les droits pour pouvoir faire son choix, vous n’obtiendrez jamais les 100,000 francs avec le tarif de l’honorable M. d’Hoffschmidt, car il faudra déduire les restitutions pour vos constructions navales, et si le droit est trop élevé, on déclarera le bois pour l’exportation en transit, au lieu de payer, comme on fait actuellement, les droits d’entrée tant pour la consommation que pour l’exportation.

Elevez les droits, vous ne pouvez plus lutter avec les ports de mer français, vous perdrez le commerce d’exportation : vos importations devront diminuer et voyez ainsi ce que le trésor perdra de ce chef ; car les revenus de vos canaux et votre chemin de fer auront d’autant moins d’alimentation. Ce sont nos transports à bon compte qui nous permettent d’alimenter les départements voisins.

Soyez persuadés, messieurs, que nous considérons beaucoup plus cette question dans l’intérêt de tout le pays, que seulement dans celui de nos ports de mer.

Tous les navires venant de la Norwége, ne faisant que le transport des produits de ce pays, ne peuvent pas servi comme ceux des autres ports de la Baltique pour prendre charge pour les autres points du globe.

La Norwége nous importe pour 1,100,000 fr. de bois et nous exportons, par les navires qui nous les apportent, pour 2,300,000 fr. de produits de notre industrie et de notre sol ; des sucres raffinés, des tissus, des cuirs tannés, des objets de fer, mécaniques, verreries, etc. , et même des denrées coloniales. Faites un tarif qui empêche les arrivages de ce pays, vous perdrez ce commerce avantageux d’échange, et nous n’avons pas beaucoup de pays avec lesquels nous ferons des échanges aussi avantageux.

Je me résume : je suis persuadé que même le tarif le plus élevé ne fera pas augmenter la valeur de nos bois ; mais adoptez un tarit modéré, alors on continuera à faire considérablement des constructions dans le pays, et vos bois seront appelés à fournir leur part. Des droits modérés vous feront conserver votre commerce d’échange et les exportations vers la France. Je suis persuadé qu’avec le dernier tarif proposé par le gouvernement, le trésor recevra au-delà de 200,000 fr. au lieu de 140,000 fr., comme en 1842, et vous continuerez à avoir une grande activité d’importations et d’exportations, tandis qu’avec le tarif de l’honorable M. d’Hoffschmidt, au lieu de 400,000 fr. qu’il nous faisait espérer, nous ne recevrons guère plus de 200,000 fr. qu’il faudra diminuer de tout ce que perdra votre pilotage, vos droits de ports et le transport par canaux, chemin de fer ; car vous perdrez vos exportations vers la France et alors vos importations de bois devront considérablement diminuer.

Soyez persuadés, messieurs, qu’en me refusant d’aller plus loin que le dernier tarif du gouvernement, je me laisse bien plus diriger par l’intérêt général, que par celui de vos ports de mer, dont cependant la prospérité reflue sur tout le pays, et convenez que ceux qui plaident pour des droits élevés, ne plaident que les intérêts des grands propriétaires, tandis que nous plaidons l’intérêt de la généralité.

Ne considérons pas toujours ce qui entre dans les caisses de la douane, mais ce qui entre au trésor par toutes les autres veines. Le bien-être du pays augmente les contributions indirectes, les constructions augmentent le produit du foncier et les transports alimentent vos voies navigables, et votre réseau du chemin de fer.

Il vous a été prouvé à l’évidence et surtout par les statistiques que tous les bois nous arrivent par pavillon étranger ; ainsi les droits différentiels ne feront rien sur cet article ; je ne prends donc que la colonne la plus élevée, et la proposition de M. le ministre est d’augmenter les droits sur le bois en grume de 60 centimes à 1 fr. 50 c. et celui pour le bois scié à fr. 8 50 c. ce qui fait 16 1/2 p. c. de la valeur et même de 22 à 24 p. c. pour des bois moindres de 5 centimètres. Il me paraît que c’est une protection suffisante pour nos ouvriers scieurs, car le bois en grume payera 3 p. c. de la valeur.

Ne perdez pas de vue non plus, messieurs, que l’ancien tarif ne faisait pas de distinction entre le bois de sapin et le bois de chêne. Aujourd’hui le gouvernement vous propose de faire payer le chêne jusqu’à 5 p. c. de la valeur, venant du Rhin par les eaux intérieures, ce qui sera un grand avantage pour les chênes du pays, lorsque nous pourrons recommencer nos constructions navales. L’honorable M. Donny vous proposé pour le chêne un droit triple de celui pour le bois de sapin, et le gouvernement le double, mais aussi son chiffre va jusqu’à 5 fr. pour le bois en grume et fr. 17 pour le bois scié, tandis que celui que je préfère, celui de l’honorable M. Donny, ne va que jusqu’à 3 fr. pour les poutres de sapin par mer, mais fr. 7 50 c pour les bois de chêne du Rhin.

M. de Haerne. - J’ai demandé la parole dans la séance d’hier quand j’ai entendu dire à l’honorable M. d’Hoffschmidt qu’il fallait tâcher, tout en élevant les droits sur les bois, d’accorder en même temps une faveur à l’industrie et qu’il espérait que cette faveur pourrait être accordée plus tard en dégrevant partiellement l’impôt qui pèse actuellement sur les bois indigènes. Je crois que dans l’état actuel de nos finances il ne doit pas trop espérer obtenir ce résultat ; par conséquent, l’industrie qui souffre devra encore attendre longtemps avant d’obtenir cette faveur.

D’ailleurs, comme on l’a dit dans une séance précédente, et comme vient de le répéter l’honorable baron Osy, le pays ne peut pas fournir tous les bois nécessaires aux constructions civiles ; il ne peut pas fournir des bois de sapin d’assez bonne qualité. Je ferai remarquer à ceux qui m’interrompent que les arguments allégués à plusieurs reprises par l’honorable ministre de l’intérieur, l’honorable M. Cogels et d’autres membres n’ont pas été suffisamment réfutés à mes yeux. Il s’ensuit donc, messieurs, que l’industrie n’aura pas reçu satisfaction pleine et entière dans le cas où l’on élève considérablement les droits sur les bois étrangers.

Puisque j’ai la parole, je tiens à donner quelques explications à la chambre sur la proposition que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau il y a quelque temps et dans laquelle il est aussi fait mention des bois. Les chiffres fixés pour les bois dans ma proposition étaient des chiffres élevés. Le droit était de 15 p. c. pour les bois non sciés, et 25 p. c, pour les bois sciés, chiffres qui s’accordent avec ceux qui ont été proposés par M. Zoude au nom de la commission d’industrie.

Je vous prie de remarquer qu’en m’énonçant en ce moment d’une façon contraire à ma proposition, je ne suis pas cependant en contradiction avec moi-même, parce que dans mon projet il y avait une compensation pour l’industrie. Comme je l’ai exposé, le but que je voulais atteindre en proposant les droits élevés sur les bois est le même que celui que se proposent ceux qui veulent défendre l’intérêt des propriétés forestières.

Je suis partisan de la conservation de nos bois, par les motifs d’intérêt général qui ont été exposés. J’ajouterai qu’il y a plus d’une considération qui milite fortement en faveur de l’augmentation des droits sur les bois étrangers, afin d’engager les propriétaires à conserver leurs forêts. Je citerai d’abord l’hygiène. On sait que l’action des bois est très forte sur l’air atmosphérique, que les végétaux, et surtout les bois décomposent l’acide carbonique, absorbent le carbone et laissent échapper l’oxygène, ce qui purifie l’air, le rend plus vif et plus sain. Voilà pourquoi, dans les environs des pays boisés, l’air est plus salubre. C’est là une considération morale que les partisans de la conservation des forêts n’ont jamais perdue de vue, c’est une considération très puissante à mes yeux.

Les bois ont encore d’autres avantages : la fraîcheur des forêts, et notamment des montagnes boisées, exerce une autre influence sur l’air atmosphérique, les bois conduisent les vapeurs en nuages, les font tomber en pluies lorsqu’elles font jaillir des sources qui fertilisent les plaines et y servent aux besoins de la vie. Ces considérations ne sont pas sans application dans notre pays. Je pourrais vous citer plusieurs endroits dans les Flandres où il y a tels ruisseaux, qui étaient autrefois des rivières navigables et qui maintenant, en été, sont souvent à sec par suite du défrichement des bois ; dans d’autres endroits, où il y avait autrefois des ruisseaux abondants, on est obligé d’aller chercher de l’eau à de grandes distances, à grande peine et à grands frais. Ainsi, je suis aussi de l’opinion qu’il faut conserver les forêts, qui sont en quelque sorte des monuments nationaux qui rappellent de grands souvenirs ; car c’est aux bois de notre pays, aux bois des bords de la Sambre, par exemple, et des Ardennes que se rattachent les plus anciens souvenirs de notre histoire. Je le répète, je suis d’accord avec les partisans des, bois, mais il faut une compensation à l’industrie ; c’était là mon but quand j’ai fait ma proposition.

L’honorable M. Osy vient de dire que le tarif le plus élevé ne fera pas augmenter la valeur des bois. Je ne partage pas cette opinion. J’opposerai à l’opinion de l’honorable M. Osy celle de l’honorable M. Cogels. Cet honorable membre, dans une séance précédente, vous a dit que certains bois du Nord, ceux de Wilborg, par exemple, ne peuvent être conduits à la côte que sciés, à cause des grands frais de transport. Les frais de transport entrent pour beaucoup dans la valeur du bois. Il en résulte donc que, si vous élevez les droits sur les bois du Nord, les bois les plus éloignés de la côte ne pourront plus être amenés au même prix ; par conséquent, vous élèverez le prix de revient du bois, vous restreindrez le marché de l’étranger et vous élargirez, dans la même proportion, le marché de votre pays. Il me semble que cela est évident.

Mais, dans ma manière de voir, il fallait une compensation ; j’ai voulu favoriser l’industrie. Je crois qu’on ne peut pas favoriser une industrie en faisant tort à une autre. Il faut toujours être conséquent quand on veut agir dans l’intérêt du pays, il faut le faire dans l’intérêt général ; on ne doit pas faire souffrir une industrie pour en relever une autre.

Je suis d’accord avec l’honorable M. Cogels, quand il dit que les bois sont des capitaux qui jouent un grand rôle dans l’industrie. J’ajouterai que ce sont, comme les appellent les économistes, des capitaux engagés ; par conséquent, il est plus difficile de les changer, de les réaliser, quand ils sont compromis, qu’on ne peut le faire pour les capitaux circulants. Quand l’industrie se trouve en souffrance, on est exposé à plus de perte, quand les capitaux sont engagés ou fixes que quand ils sont circulants. Vous savez que la compensation que j’ai voulu établir relativement aux bois, portait sur deux choses : D’abord sur la condition générale d’exportation qui se rapportait à toutes les importations de l’étranger.

Pour ce qui concerne les bois, il y avait une disposition spéciale dans l’intérêt de l’industrie. Non seulement on aurait accordé la remise du droit pour les constructions navales, mais aussi pour les bois employés à la construction des usines et des fabriques. Cette disposition était neuve, je l’avoue, cependant, il ne m’a pas paru impossible de la mettre à exécution. Je ne crois pas qu’il eût été impossible d’accorder cette faveur aux fabriques, aux usines, à condition que la fabrication s’y exerçât réellement pendant un certain nombre d’années. Ceci eût été très facile à constater. Sans doute une certaine fraude aurait pu avoir lieu, on aurait pu employer du bois indigène et prétendre à la remise, mais cette fraude n’aurait pas été de la nature de cette autre fraude qui consiste dans l’introduction de marchandises étrangères. Ici la fraude s’exercerait à l’avantage des bois indigènes L’inconvénient ne serait pas grand à mes yeux.

On a trouvé la proposition neuve, je reconnais qu’elle a ce défaut. Mais il n’est pas dit qu’on ne puisse jamais innover. M. le ministre de l’intérieur a attaqué cette partie de ma proposition avec assez de vivacité ; plusieurs honorables membres ont pensé que j’ai été un peu piqué, surtout, parce que je me trouvais dans une espèce d’impasse parlementaire, ne pouvant pas, aux termes du règlement, répondre à M. le ministre de l’intérieur. Il n’en est rien ; je n’ai pas été formalisé à cet égard. M. le ministre avait fait observer qu’il était difficile, impossible peut-être de prendre la mesure des bois employés à la construction des usines, des fabriques, de prendre la mesure des planchers, de compter les étages.

Loin de me formaliser, je me suis réjoui, au contraire, des observations faites à cet égard par M. le ministre de l'intérieur ; car je me suis dit : Si M. le ministre trouve tant de difficultés à mesurer des planchers, à compter des étages, il en trouvera d’avantage encore à compter les plantes et les feuilles de tabac ; à faire, d’une manière exacte et avec justice, le recensement du tabac ; et j’espère que, quand cette loi sera en discussion, il combattra son collègue des finances avec toute la chaleur avec laquelle il m’a combattu ; j’espère même qu’il sera encore plus incisif ; car il est évident que l’exécution de ma proposition ne présente pas, à beaucoup près, autant de difficultés que l’exécution du projet de loi sur les tabacs.

Comme je viens d’avoir l’honneur de vous le dire, il y avait dans ma proposition une autre condition.

Ce qui devait servir de compensation pour l’industrie à la majoration du droit sur le bois, c’était la condition d’exportation ; il y avait là un grand motif pour accorder un droit plus élevé sur l’entrée des bois étrangers : car de cette manière, nous ne risquons jamais grand’chose ; nous aurions pu négocier avec les puissances du Nord, pour l’exportation de nos produits, par exemple, pour l’exportation de nos sucres raffinés qui se rendent déjà chez elles. Au moyen de cette réduction que nous aurons accordée aux puissances du Nord pour recevoir leurs bois, nous eussions pu être avantagés pour l’introduction de nos sucres raffinés et d’autres marchandises encore.

Je dois vous l’avouer, messieurs, je me trouve placé à cet égard dans une position assez difficile ; car ne sachant pas quel sort est réservé à ma proposition, qui est toujours en discussion à la commission d’enquête, je ne sais jusqu’à quel point l’industrie recevra satisfaction quant à l’article en discussion.

Par conséquent, je ne puis pas bien me prononcer en pleine connaissance de cause.

S’il n’y a aucune compensation accordée à l’industrie, je devrai me rallier à un chiffre assez bas, par exemple, au chiffre actuel du ministère,

S’il m’est prouvé que les sapins du pays peuvent remplacer les sapins du Nord, j’adopterai la 1ère proposition du ministère, et j’écarterai la deuxième.

Si une compensation était accordée à l’industrie, je me rallierais à un chiffre plus élevé, par exemple, à la proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt.

M. Huveners. - Messieurs, il est de toute équité de frapper les produits étrangers d’un droit équivalant aux charges que rapportent les produits nationaux et d’accorder en outre, à ces derniers, une protection sage et efficace contre la concurrence étrangère.

Ces principes doivent nécessairement être appliqués à l’article Bois qui nous occupe, c’est le seul moyen d’arrêter la dépréciation de nos bois, c’est l’unique ressource de provoquer et de parvenir au défrichement de nos vastes bruyères. Il suffit d’avoir rappelé ces vérités, elles ont été complètement justifiées par les orateurs qui m’ont précédé, je n’insisterai pas davantage, elles sont incontestables.

Je m’attacherai principalement à combattre les arguments que les députés de nos ports de mer ont fait valoir contre toute majoration de droits sur le bois étranger.

Je ne m’arrêterai pas beaucoup au discours de l’honorable député d’Ostende ; il taxe même d’exagérée la dernière proposition du gouvernement ; il la considère comme un moyen indirect de donner satisfaction aux grands propriétaires forestiers ; je suis porté à croire que l’honorable membre a voulu critiquer la proposition du gouvernement, afin d’empêcher qu’on n’aille au-delà ; il est a regretter que l’honorable membre, qui a des connaissances maritimes pratiques, nous ait laissé ignorer qu’un navire de 300 tonneaux importe de 340 à 350 tonneaux de bois ; il aurait dû nous donner des renseignements complets pour que nous eussions pu les admettre tous avec confiance.

L’honorable M. Cogels a traité le fond de la question ; je crois pouvoir me débarrasser des arguments qu’il a fait valoir en faveur de la construction navale, elle est hors de cause, puisque dans les divers systèmes en présence il y a une exception en sa faveur ; nous n’avons donc à nous occuper que des constructions civiles. L’honorable membre nous a posé ce dilemme :

Est-ce dans l’intérêt du trésor ou dans celui de la propriété foncière que vous demandez une augmentation de droit sur l’introduction des bois étrangers’ ? Je répondrai que nous demandons une majoration de droits dans l’intérêt de l’un et de l’autre, aussi bien dans l’intérêt du trésor que dans l’intérêt de la propriété foncière.

Je passe aux conséquences que l’honorable membre a tirées de sa proposition ; si c’est dans l’intérêt du trésor je prouverai, dit-il, que ce n’est pas à l’article Bois qui faut s’adresser de préférence.

Quels sont ces articles ? est-ce le tabac ? Mais l’honorable M. Cogels sait bien que le tabac ne peut tout supporter. J’engage beaucoup l’honorable membre d’indiquer les articles qu’on peut frapper avec autant de justice que le bois étrangers ; je lui assure mon appui car nous ne devons pas craindre que le trésor ait trop de revenus ; alors nous pourrions supprimer les droits et les privilèges si préjudiciables sur une matière de première nécessité, je veut parler du sel.

L’honorable M. Cogels continue : Si c’est dans l’intérêt de la propriété foncière que vous demandez une protection, vous n’allez pas assez loin, la protection que demande l’honorable M. de Corswarem sera à peu près illusoire. Ici, le port d’Anvers est en désaccord avec le port d’Ostende. En effet, nous lisons dans la pétition des négociants d’Ostende du 4 février dernier qui se trouve au Moniteur du 25 de ce mois : « Il y a quatre ans les droits sur les bois sciés ont été majorés de 25 cents à 4 fr. par tonneau, et sur les bois bruts de 25 cents à 60 centimes. Cette mesure a eu pour résultat que les importations en Belgique des bois étrangers ont été bien moindres que les années précédentes. » Et plus loin on ajoute : « Les importations de la Suède et de la Norwége ont considérablement diminué depuis la première majoration des droits, et nul doute que la diminution sera encore bien plus forte du moment que les droits seront doublés… »

A quels dires faut-il ajouter foi ? Il y a exagération de toutes parts. Quoi qu’il en soit, si l’honorable M. Cogels pense ce qu’il dit, il nous proposera certainement une protection qui ne sera plus illusoire, d’autant plus qu’il a avoué hier que ni la navigation ni Anvers n’étaient intéressés dans la question.

M. Cogels. - J’espère que l’honorable M. Huveners n’a pas pensé du tout avant de prononcer ces paroles-là.

M. Huveners. - Pardon j’y ai pensé. Au reste, s’il y a dans ces paroles quelque chose de désobligeant pour l’honorable membre, je déclare que ce n’était nullement mon intention.

L’honorable M. Cogels s’est surtout appesanti sur ce qu’il ne s’agissait pas de frapper des produits similaires. Mais, messieurs, et ici je réponds aussi à l’honorable députe d’Ostende, les sapins du pays ne sont pas seuls en cause, il ne s’agit pas de l’intérêt de quelques grands propriétaires forestiers, il ne s’agit pas seulement de la Campine. Tous les propriétaires de bois sans distinction d’essences, sont intéressés à la mesure que nous provoquons. Le sapin du Nord a, je ne dirai pas détrôné, mais remplacé dans l’usage tous les autres bois quelconques : le chêne, le frêne, l’orme, le noyer, le bois-blanc, le tilleul, le peuplier, etc. Il s’agit de les faire rentrer dans le commerce, si je puis m’exprimer ainsi, position qu’ils n’auraient jamais dû perdre, et cela en faveur de l’étranger. Si donc on considère l’usage que l’on fait du sapin du Nord, on doit convenir que c’est un produit similaire ; cela me paraît incontestable.

L’honorable M. Cogels, s’inquiétant de la sécurité publique avec un soin qui, s’il était sérieux, serait des plus louables, nous dit qu’avec le sapin du pays nous nous exposerions à avoir des bâtiments qui ne dureraient que de quinze à vingt ans et puis s’écrouleraient ; je puis tranquilliser la trop grande sollicitude de cet honorable membre. Il est hors de doute que le sapin du pays est aussi solide que le sapin du Nord ; bien plus : il y a huit à dix ans le sapin du Nord était à peine connu dans la plus grande partie du Limbourg ; certes, il n’y était pas employé ; et je pense qu’il en était de même dans différentes autres provinces ; et cependant on y construisait des bâtiments qui, s’ils ne sont pas plus solides que ceux qu’on construit actuellement avec les sapins du Nord, ils ne le cèdent en rien à ces derniers sous le rapport de la solidité.

L’honorable M. Cogels répondant à mon honorable ami de Corswarem, nous a dit que les propriétaires qui défrichent des bruyères, qui créent des sapinières, coupent leurs sapins en perches, afin de jouir le plus tôt possible ; qu’on n’aime plus à attendre cent ans et à travailler pour ses arrière-petits-neveux ; oui, cela se fait par plusieurs propriétaires et cela s’explique parfaitement ; si l’on ne frappe pas le bois étranger, cela se fera encore davantage, et voici pourquoi : les gaules, les poutres et les lattes ne nous arrivent pas par mer ; outre cela, les produits indigènes de cette nature sont protégés par un droit efficace de dix pour cent, qui rend la concurrence étrangère impossible ; il s’en suit que ces produits se vendent bien, au lieu que les propriétaires qui attendent jusqu’à ce que leurs sapins puissent servir à d’autres usages, perdraient, non seulement l’intérêt, mais trouveraient des difficultés à placer leurs produits, parce que le sapin du Nord se vend à trop bon compte.

L’honorable membre déplore cet état de choses, il est par conséquent tenu d’y porter remède ; eh bien, frappez les bois étrangers, assurez aux propriétaires du pays le marche intérieur, on ne coupera plus les sapins avant la maturité ; leur intérêt sera de les conserver.

Messieurs, vous voyez quelle est l’importance de tout ce qui a été dit contre une majoration des droits sur les bois étrangers ; vous savez quelle peine on s’est donnée pour écarter les bois du débat ; ne devons-nous pas avec raison nous défier et des belles promesses et des sollicitudes qu’on nous témoigne dans cette circonstance ? J’oserai dire que nos adversaires ont eu recours à toutes sortes d’expédients. Pour déjouer le but que nous nous proposons, les exigences du haut commerce et de notre trop zélé protecteur dans cette enceinte, sont telles qu’on sacrifierait l’agriculture, le pays même, en faveur de l’un et de l’autre port.

Je conjure le gouvernement de montrer assez de fermeté, de résister aux mesures préjudiciables à l’industrie agricole qu’on pourrait lui proposer et surtout de l’arrêter dans la voie pernicieuse qu’il a malheureusement suivie dans plus d’une circonstance, car l’agriculture c’est ce qu’il y a de plus solide dans notre pays ; elle a fait assez de sacrifices, même dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, pour qu’on ne touche point aux mesures protectrices qui ont contribuées à l’état plus ou moins satisfaisant dans lequel nous la voyons.

J’adopterai la proposition de l’honorable M. de Corswarem telle qu’il nous l’a présentée en dernier lieu ; j’eusse néanmoins préféré un droit à la valeur, mais la raison que M. le ministre a fait valoir, l’encouragement à l’importation des bonnes qualités m’y fait renoncer. Je ne m’explique pas comment l’honorable M. d’Hoffschmidt ait pu proposer un droit moins élevé, puisque cet honorable membre a admis comme certain que les charges supporter par les propriétaires du bois indigène pouvaient monter à 15p.c. L’amendement qu’il propose, loin d’établir une protection, n’est pas seulement l’équivalent des charges auxquelles le bois étranger échappe.

M. Cogels (pour un fait personnel). - L’honorable M. Huveners s’est permis (je ne dirai pas dans la chaleur de l’improvisation ; car il a lu un discours écrit) s’est permis, dis-je, à mon égard une expression qu’il doit regretter, j’en suis sûr, s’il se donne la peine de réfléchir ; il a dit : « Si M. Cogels pense ce qu’il dit. » Je prie la chambre de croire que je pense tout ce que je dis, que je cherche toujours à penser avant de parler, et que si, dans la chaleur de l’improvisation, il m’échappait quelque chose de blessant pour l’un ou l’autre membre, je m’empresserais de le rétracter,

Je prie la chambre de croire aussi que je pense toujours avant d’écrire. Je regrette que l’honorable M. Huveners n’en ait pas fait autant.

M. Huveners. - Je rétracte volontiers ce qu’il pouvait y avoir de blessant dans mes paroles pour l’honorable membre. Cependant, tous ses discours précédents pouvaient me donner l’idée que j’ai énoncée.

Je laisse aux membres de la chambre le soin de les apprécier.

M. Delfosse. - Voilà une singulière rétractation.

M. le président. - M. Huveners avait déjà déclaré qu’il n’avait eu l’intention de rien dire de blessant pour M. Cogels.

M. Donny. - Il est un point sur lequel je pense que nous sommes maintenant tous d’accord, c’est qu’il s’agit ici d’établir, non pas un système de droits différentiels en faveur du pavillon belge, mais uniquement de majorer le droit d’entrée sur les bois étrangers. Le pavillon belge est entièrement hors de cause dans cette question. C’est donc, je pense, par inadvertance que, dans la séance d’hier, l’honorable M. Mast de Vries a établi quelques calculs sur un chiffre applicable au pavillon belge.

Me plaçant sur le terrain d’une augmentation des droits d’entrée, sur le terrain de la discussion d’une loi de douane, je dirai, avec M. le ministre de l’intérieur, que la première question sur laquelle notre attention doit porter, est celle de savoir s’il convient de conserver l’assiette actuelle des droits, c’est-à-dire la tarification au tonneau, ou s’il faut, comme le propose l’honorable M. de Corswarem, tarifer le droit à établir à la valeur.

Plusieurs membres. - Cela est changé dans le nouvel amendement.

M. Donny. - Je n’en ai pas connaissance. Alors la discussion a fait un pas. (Le nouvel amendement de M. de Corsvarem est remis à l’orateur).

Ainsi la tarification à la valeur est hors de cause. Je m’applaudis de cette simplification.

Cette question écartée, il y en a une autre digne de l’attention de la chambre, c’est celle de savoir comment on constatera la quantité, le volume des bois qui doivent être soumis au droit.

Aujourd’hui, il y a en présence deux systèmes. Dans le premier, on prendrait la lettre de jauge des navires et l’on se baserait sur le nombre de tonneaux indiqué sur cette lettre de jauge pour calculer le droit. Le moyen est extrêmement simple pour le négociant et pour la douane ; il ne donne lieu à aucune contestation, à aucune difficulté. Le deuxième système consiste à faire débarquer les bois, à mesurer poutre par poutre, planche par planche, pour constater exactement le volume que la cargaison représente. Ce deuxième système donne des résultats beaucoup plus précis, mais il est coûteux dans l’exécution, entouré de lenteurs ; il donne lieu à des difficultés entre la douane et le commerce.

Mais, vous a dit M. le ministre de l’intérieur (et il a eu raison), il y a ordinairement une différence entre la capacité indiquée dans la lettre de jauge et le volume des bois importés par le navire, Que résulte-t-il de là ? En résulte-t-il qu’il faut abandonner le premier moyen qui présente de si grands avantages, et le remplacer par l’autre qui présente de grandes difficultés ? Nullement : il en résulte simplement qu’il faut avoir égard à la différence signalée par M. le ministre, il faut prendre le tonnage indiqué dans la lettre de jauge, augmenté dans une proportion convenable, pour avoir le volume des bois à soumettre au droit.

M. le ministre a fort bien senti que c’était là le résultat naturel de ses observations ; car il vous a indiqué immédiatement une idée qui peut convenir au fisc et au commerce. Il a dit : On donnera au commerce l’option du payement des droits sur les bois mesurés matériellement, ou de les payer d’après le tonnage indiqué par la lettre de jauge, augmenté de 10 à 15 p. c.

J’applaudis au fond à cette idée : il ne faut pas que le commerce introduise des bois sans payer le droit fixé par la loi. Seulement, je dirai à M. le ministre que des deux chiffres qu’il a indiqués (10 et 15 p. c.), c’est le plus bas qu’il faut prendre. J’en dirai immédiatement la raison. S’il arrive quelquefois que la différence entre le tonnage indiqué sur la lettre de jaugeage et la quantité importée s’élève à 12, 43, 14 et même quelquefois à 15 p. c., quelquefois aussi elle ne s’élève pas à 10, et reste beaucoup au-dessous.

J’en citerai un exemple, en vous indiquant des pièces qui serviront au gouvernement à vérifier l’exactitude des faits que je vais citer.

En 1841 est entré, pour la première fois à Ostende, le trois-mâts norwégien nommé Krayeroë, commandé par le capitaine Eilertseu. Il a été jaugé, par la douane, à 236 tonneaux. Cela est constaté par un certificat de jaugeage qui porte la date du 14 mai 1841, n°295. Ce bâtiment a importé à plusieurs reprises un chargement mixte ; c’est- à-dire composé de bois sciés et de bois non sciés. Par application de la loi de 1840, on a pris, dans ce cas, pour base du droit, le tonnage indiqué dans la lettre de jaugeage, c’est-à-dire 236 tonneaux.

Mais, en 1842, il lui est arrivé d’importer un chargement uniquement composé de bois sciés. Dans ce cas, d’après l’interprétation donnée par la douane à la loi de 1840, on a pensé que le bois devait être mesuré matériellement. Cette opération a en lieu. La douane a donc constaté que l’importation, par le navire, jaugé à 236 tonneaux, s’élevait à 251 tonneaux, de sorte qu’il y avait une différente de 15 tonneaux, soit 6 p. c. seulement.

Je citerai encore la date de l’acquit de payement, pour que l’administration puisse vérifier l’exactitude des faits. Les droits ont été payés d’après un acquit du 22 juin 1842, n°298.

D’après cela, je crois que l’option qu’il est juste d’accorder au commerce doit avoir pour un de ses termes une différence de 10 p. c.

Je dirai en passant que les faits que je viens d’indiquer répondent à l’observation de l’honorable M. Huveners, qui s’est beaucoup étonné de ce qu’en donnant un simple développement de mon amendement, je n’aie pas dit tout cela. Mais je n’avais qu’à développer mon amendement. Comme je devais avoir une deuxième fois la parole dans le cours de la discussion, j’ai fort bien fait, je pense, de réserver ces détails jusqu’à ce que la discussion fût plus avancée.

Au reste, je n’ai pas du tout à me plaindre de l’honorable membre, comparativement à d’autres, il m’a traité avec beaucoup d’urbanité. (On rit.)

Avant d’abandonner cette matière, je dirai deux mots pour rectifier les idées de l’honorable M. Desmet au sujet du tonnage.

L’honorable membre a paru croire que la tarification par tonneau avait quelque rapport avec la tarification au poids. C’est la une erreur complète.

Il y a deux espèces de tonneaux ou plutôt le tonneau représente deux unités différentes : pour les matières pondéreuses il y a un tonneau qui est l’équivalent d’un poids ; pour les matières d’encombrement, il y a un tonneau qui est l’équivalent d’un volume. Pour les matières pondéreuses, le tonneau est l’équivalent de mille kilog. ; pour les matières d’encombrement il est l’équivalent d’un mètre cube. Je parle du tonneau ordinaire.

Il y a maintenant un tonneau qui n’est pas le tonneau ordinaire. Pour le payement des droits de tonnage, pour le payement d’autres droits maritimes, pour le payement des primes pour construction de navires, pour le payement des droits d’entrée sur le bois, ce n’est pas le tonneau du volume d’un mètre cube qui sert de base, c’est le tonneau qu’on nomme tonneau de mer de jauge et qui équivaut à un volume d’un mètre cube, plus un demi-mètre cube, ou à un stère et demi ; et c’est ce tonneau d’un stère et demi qui est indiqué dans le tarif actuel et qui fait encore la base du projet du gouvernement. C’est celui-là dont il s’agit dans ce moment- cl.

Le même orateur vous a fait une remarque qui est extrêmement juste. Il vous a dit, soit que vous imposiez à la valeur ou que vous imposiez au tonneau, toujours est-il que votre droit doit, en définitive, frapper à la valeur. Le législateur doit nécessairement, et dans tous les cas, proportionner les droits qu’il porte dans son tarif à la valeur de la marchandise. Cela, je pense, ne sera contesté par personne. Mais il résulte de là et de la circonstance que nous sommes aujourd’hui tous d’accord d’imposer le bois, non pas à la valeur, mais au tonneau, que le premier élément de votre décision doit être la connaissance de la valeur du tonneau. Il faut donc, avant tout, bien connaître la valeur moyenne du tonneau de bois importé, et je vais vous donner à ce sujet quelques éclaircissements qui résultent de faits que je citerai à la chambre.

Je commencerai par faire remarquer qu’il y a tant de diversité dans les qualités de bois importables qu’il est impossible d’établir un tarif qui correspondent à toutes les valeurs spéciales. Il faut donc prendre un terme moyen. On peut établir une distinction entre le chêne et le sapin comme le propose le gouvernement, avec beaucoup de raison, selon moi. Mais cette distinction faite, on ne peut plus calculer la valeur qu’en prenant un terme moyen. Je vais donc m’occuper de cette moyenne.

Je ferai une seconde observation qui me paraît avoir échappé à beaucoup de membres de cette assemblée et qui a échappé à l’attention du gouvernement, c’est que cette moyenne doit se prendre non pas sur les bois qui s’importent en Hollande, en France, en Angleterre et en Belgique, mais uniquement sur les bois qui s’importent en Belgique, et vous vous rappellerez, messieurs, que beaucoup d’orateurs qui figurent sur les bancs contraires au mien, vous ont dit que les meilleures qualités s’importaient en France et en Hollande, et qu’on ne nous envoyait que des bois de qualités inférieures. Je n’examine pas ce fait, je me borne à rappeler ce qui a été dit.

Je pourrais, messieurs, pour établir la valeur d’un tonneau de bois, me baser sur l’opinion de la chambre de commerce d’Ostende, opinion fondée sur l’expérience. Dans un écrit qui vous a été distribué, la chambre de commerce d’Ostende fixe le prix moyen du tonneau de bois étranger, à 40 fr.

Cette valeur, messieurs, j’ai lieu de le croire, est la moyenne d’un certain nombre d’années. Mais comme je veux vous présenter non pas des opinions, mais des faits, et que les faits que j’ai en ma possession ne se rapportent qu’à une seule année, l’année 1843, j’abandonnerai la valeur moyenne indiquée par la chambre de commerce d’Ostende, bien que, prise sur un grand nombre d’années, elle puisse être très exacte et je la crois telle.

Cette valeur de 1843, je l’établis au moyen d’une note que je tiens en main et que je ferai insérer au Moniteur. Cette note comprend dix navires qui ont importé du bois pendant l’année 1843, à la consignation d’une seule maison de commerce d’Ostende ; elle contient le nom des navires, le tonnage déclaré en douane et le produit brut des dix cargaisons, et voici, messieurs, quels sont les résultats.

Les dix cargaisons ont produit 80,889 fr et le tonnage déclaré en douane est de 1,484 tonneaux. Si je divise 80,889 fr., produit brut du bois, par 1,484, chiffre du tonnage, j’arrive à un chiffre de 54 à 55 francs.

Ce chiffre, messieurs, est en réalité trop élevé, et je vais vous en dire immédiatement les raisons.

Le nombre de tonneaux déclaré en douane n’est pas le nombre réel. M. le ministre de l’intérieur vous l’a fait remarquer, l’honorable M. Huveners a eu la bonté de nous le rappeler encore aujourd’hui, et moi-même j’en ai fait le calcul il y a un instant ; il y a, terme moyen, une différence de 10 p.c. Si l’on réduit le 10ème de 51 à 55 fr., il reste 50 fr., et je crois que le terme moyen de toutes les qualités de bois qu’on importe en Belgique, ne va pas au-delà. Mais je veux être large dans mes calculs, et, faisant abstraction de cette rectification, je prends le chiffre de 54 fr.

M. d’Hoffschmidt. - Est-ce pour le bois non scié ?

M. Donny. - C’est pour le bois scié et le bois non scié. Les cargaisons étaient composées de bois sciés et de bois non sciés, et je les prends telles qu’elles étaient faites. Le produit moyen a été de 54 fr.

Cette valeur, messieurs, est plus forte que celle indiquée par la chambre de commerce d’Ostende ; elle est cependant plus faible, j’en conviens, que la valeur donnée dans la statistique commerciale, mais je dois vous prier de vous rappeler ce que c’est que ces valeurs données par la statistique commerciale ; je vous prie de remarquer que depuis des années on ne cesse de réclamer contre l’exagération de ces valeurs, et l’honorable M. David, ordinairement mon voisin, vous a parlé cinquante fois dans ce sens. Je puis d’ailleurs vous citer les paroles de M. le ministre de l’intérieur lui-même. Ne vous a-t-il pas dit dans cette discussion que, suivant la statistique commerciale, on importait pour 82 millions de denrées coloniales, mais que cette évaluation était tellement exagérée, qu’il croyait devoir réduire ces 82 millions à 60 millions ?

On ne peut donc prendre les valeurs données par la statistique commerciale comme bases d’un calcul sérieux. Les statistiques commerciales sont excellentes pour les quantités ; mais pour les valeurs, ce sont des choses arbitraires qui peuvent fort bien servir pour établir des rapports entre l’importation et l’exportation d’une même valeur, mais qui ne peuvent servir de base à un calcul de la nature de celui dont nous nous occupons maintenant.

J’ai, messieurs, un appel à faire et au gouvernement qui doit toujours être le défenseur des systèmes modérés et à l’honorable M. d’Hoffschmidt qui s’est déclaré partisan des droits modérés, et à l’honorable M. de Garcia qui a manifesté les mêmes sentiments. Je leur citerai un nouveau fait, et je leur demanderai si le système que l’on veut faire adopter en ce moment, est bien d’accord avec leur pensée, avec leur opinion modérée.

Il y a un navire de 315 tonneaux, qui importe au port d’Ostende depuis plusieurs années, des bois sciés. La cargaison de ce navire donne un produit ordinaire de 17,000 fr., et ici je trouve une nouvelle confirmation du chiffre de 54 fr. par tonneau que j’ai indiqué tout à l’heure.

Avant 1840, ce navire payait 53 cent. par tonneau, 166 fr. 95 c. pour la cargaison. En y ajoutant les 16 p. c. additionnels, le droit était de 193 fr. 60 c. Depuis 1840, il paye, additionnels compris, 1,461 fr. 60 c. Mais si la proposition de M. le ministre devait passer, avec l’augmentation de 10 p.c. pour option en cas du non-cubage matériel, il payerait, du chef de la même cargaison, 6,852 fr. 90 c. ; si par malheur la proposition de la commission d’industrie était adoptée , le droit s’élèverait au delà de 10,000 fr. sur une valeur de 17,000 fr. Eh bien, je le demande aux partisans des droits modérés, est-ce là un système modéré ? Non, messieurs, c’est un système prohibitif.

M. de Garcia. - Nous ne voulons pas cela.

M. Donny. - Je sais que vous avez des sentiments trop modérés pour le vouloir. Ce serait une véritable prohibition.

Maintenant, messieurs, la chambre est instruite autant qu’il a dépendu de moi de l’instruire ; elle votera, si elle le veut, un droit qui s’élèvera jusqu’à la prohibition des importations du bois scié, mais au moins si elle fait cesser ces importations, elle le fera en pleine connaissance de cause.

M. Cogels. - Messieurs, on a eu tort de renfermer cette question dans des limites très étroites. On n’a voulu voir dans l’opinion des membres qui sont contraires à des droits élevés sur les bois de construction, qu’un intérêt de localité très restreint. Un honorable député de la province d’Anvers de l’arrondissement de Turnhout, a voulu réduire encore ces proportions ; il n’a voulu y voir qu’un simple intérêt de commission. Je prie mon honorable collègue de la province d’Anvers de croire que les députés d’Anvers ne se renferment jamais dans des limites si étroites. Par leur position même, ils sont appelés à défendre les intérêts généraux, lors même qu’ils ne paraissent défendre que les intérêts de leur localité, parce qu’il est naturel, saisissable pour tout homme qui veut voir les choses d’un coup d’œil un peu élevé, que l’intérêt d’un grand port, c’est l’intérêt du pays. Aussi ne verrez-vous jamais en Angleterre ni dans d’autres pays, les différentes s’élever contre les grands ports, qui contribuent si efficacement à féconder toutes les sources de la prospérité nationale,

Au reste, messieurs, ce n’est pas d’Anvers ni d’Ostende que sont parties les pétitions contre des droits élevés sur les bois ; elles sont parties de toutes les localités qui ne sont pas couvertes de forêts, c’est-à-dire de toutes les localités qui n’avaient pas un intérêt purement local dans la question, et parmi les pétitions sur lesquelles l’honorable M. .Zoude vous a fait rapport ou, au moins, qu’il a déposées en dernier lieu sans les énumérer, parmi ces pétitions il en est une, à la vérité, d’Anvers et d’Ostende, mais il en est cinq autres, d’Ypres, de Furnes, de Thielt, de Roulers et de Dixmude. Du reste, ces pétitions étaient des pétitions sur lesquelles on n’avait pas fait rapport depuis le projet présente en 1842, et si ma mémoire est fidèle, il y en avait alors de toutes les autres localités des Flandres, qui sont également intéressées à ne pas voir trop s’élever le prix des bois de construction.

Quant à moi, messieurs, ce ne serait pas même un intérêt de localité plus large, un intérêt commercial, qui me ferait sacrifier les intérêts généraux du pays, si ces intérêts étaient véritablement en jeu ; je le ferais d’autant moins que pour l’intérêt de commission dont a parlé l’honorable M. Dubus, ce sont encore généralement les maisons étrangères qui auraient cet intérêt, car nos grands marchands de bois, ceux qui reçoivent les consignations les plus considérables, sont encore des maisons étrangères ; ce que j’ai en vue, c’est l’intérêt général du pays, l’intérêt de l’industrie, l’intérêt de ne pas voir s’élever un capital industriel que l’on peut regarder comme un capital engagé, comme un capital qui n’est plus réalisable.

Du reste, ce sont ces motifs-là qui ont engagé l’Angleterre, en 1842, malgré la situation fâcheuse du trésor, à réduire de 50 p. c. les droits sur les bois étrangers, et cela tandis qu’elle avait des produits similaires, non pas dans son propre pays, mais dans une colonie à la conservation de laquelle elle avait le plus grand intérêt, dans une colonie dont elle avait le plus grand intérêt à ménager tous les produits. Vous comprendrez facilement, messieurs, l’intérêt politique qui doit engager l’Angleterre à éviter tout ce qui pourrait blesser les habitants du Canada, colonie que l’Angleterre est certainement le plus exposée à voir un jour se séparer d’elle, à voir suivre l’exemple des Etats-Unis.

Vous voyez donc, messieurs, que je ne suis guidé ici par aucun intérêt étroit de localité.

On a cru, messieurs, que nous n’éprouvions aucune sympathie pour l’intérêt des propriétés financières, pour les localités qui ont des forêts. C’est là, messieurs, une grave erreur : j’ai déjà dit que je ne me refuserais aucunement à accorder aux propriétés boisées la protection à laquelle elles ont droit, mais que je ne voulais pas les bercer d’illusions, que je ne voulais pas leur accorder des droits dont elles pourraient espérer quelque chose mais dont elles n’obtiendraient rien, En effet, messieurs, je ne pense pas que la chambre se rallie à la proposition de l’honorable M. de Corswarem, mais même les droits que propose cet honorable membre ne feraient pas encore vendre les arbres des forêts de nos provinces méridionales, de nos provinces qui se trouvent sur les frontières de l’Allemagne et de la France, même ces droits ne feraient pas vendre ces arbres un centime plus cher. Il est deux causes qui ont nui aux propriétés boisées, et la principale, selon moi, n’est pas la baisse de la haute futaie mais la baisse du taillis, la baisse du bois à brûler. Or, la baisse du bois à brûler peut s’expliquer très facilement, d’abord par la grande facilité des communications qui met la houille à la disposition de toutes les localités de la Belgique, ensuite par le grand développement qui a été donné à l’exploitation de nos houillères ; cette baisse résulte encore d’un changement qui s’est introduit dans une industrie qui consommait le plus de bois, je veux parler des hauts-fourneaux, qui maintenant se chauffent, la plupart, au coak.

Un membre. - Les briques.

M. Cogels. - Nous avons en outre les briqueteries, qui également emploient aujourd’hui la houille.

Du reste, messieurs, pour justifier l’opinion que je viens d’émettre, je m’appuie sur celle de l’honorable M. Mast de Vries que je rencontre cependant comme adversaire, car l’honorable M. Mast de Vries a dit que le prix du bois à brûler a baissé de 30 à 40 p. c., et certainement ce ne sont pas les poutres de Riga qui ont fait baisser le prix des bois à brûler. L’honorable M. Mast de Vries, à la bonne foi duquel je me plais à rendre hommage, a reconnu, du reste, que la Belgique ne possède pas les bois nécessaires pour la grosse charpente. En effet, je crois que si vous défrichiez toutes les forêts de sapin que nous possédons, vous n’y trouveriez pas de quoi rassembler les importations d’une seule année en bois du Nord. Je parle des madriers et des poutres aussi fortes que celles qui nous sont envoyées du Nord. J’ai déjà dit, messieurs, que maintenant on ne crée plus des sapinières dans le but d’y élever des forêts, qu’on ne les crée qu’avec l’intention d’une exploitation beaucoup plus prochaine, qu’on ne se propose plus d’attendre je ne dirai pas 100 années, mais même 50 années.

L’honorable M. de Garcia, qui veut bien m’accorder pour les questions commerciales, une certaine spécialité, m’a refusé cette spécialité pour les questions agricoles et surtout pour les questions de forêts. Je vous avoue, messieurs, que pour les questions de forêts, je ne suis pas à même de les avoir étudiées comme l’honorable M. de Garcia, mais j’avais pensé qu’il aurait été au moins aussi généreux à mon égard que je l’ai été envers lui, et qu’il aurait bien voulu m’accorder pour ces questions-là autant de spécialité que je lui en ai accordé moi-même dans les questions commerciales, qu’il traite très souvent.

Je me permettrai cependant de douter un peu ici de la spécialité de l’honorable M. de Garcia, pour ce qui regarde les questions forestières, car lorsqu’il m’a combattu, ou bien il ne m’a pas bien compris, ou bien il est complètement dans l’erreur. Je n’ai pas dit, messieurs, que les forêts disparaîtraient de la Belgique, mais j’ai dit, et je maintiens que vous verrez disparaître les forêts de tous les sols fertiles, de tous les sols qui pourraient être beaucoup plus utilement livrés à la culture et en cela, je crois que j’aurai l’assentiment de tous les honorables membres de la chambre qui connaissent la question et même de ceux qui sont disposés dans cette circonstance, à me combattre. Je n’ai pas voulu faire disparaître les forêts des Ardennes, les forêts des sols qui ne peuvent pas être livrés à la culture, et ici, messieurs, je rappellerai une circonstance où il était question de décréter la vente de toutes les forêts. L’honorable M. d’Hoffschmidt peut me rendre ici témoignage, en cette circonstance, je l’ai appuyé, j’ai dit que c’était une de ces questions qu’il ne fallait pas résoudre sans examen, parce que, pour telles forêts, il serait peut-être de l’intérêt absolu du pays de les conserver, et par conséquent, de ne pas les aliéner.

L’honorable M. Huveners, qui, dans cette question, s’est adressé à moi, de préférence, et avec une telle persistance que j’ai cru un instant que nous nous trouvions, non pas dans les forêts mais dans le polder de Lillo, l’honorable M. Huveners m’a fait une question ; il m’a demandé d’indiquer les articles sur lesquels je voulais qu’on imposât de préférence des droits élevés. Je dirai ici, messieurs, que l’initiative est un droit, que c’est une faculté, mais je prierai l’honorable M. Huveners de me dispenser en ce moment de faire usage de cette faculté, d’abord parce que ce n’est pas le moment opportun, et que, si la question devait être soulevée, ce serait à propos d’une loi de voies et moyens, mais non pas à propos d’une question maritime.

L’honorable M. Huveners m’a demande si c’était sur le tabac. Non, sans doute, et lorsque la question des tabacs sera en discussion, l’honorable M. Huveners verra que ce n’est pas un article non plus que je veux frapper, parce que je ne frapperai jamais les articles qui doivent continuer à favoriser l’industrie ; enfin, pour me servir d’une expression bien connue, je ne chercherai jamais à tuer la poule aux œufs d’or.

L’honorable M. Huveners a mis en opposition l’opinion exprimée dans la pétition des marchands de bois d’Ostende, avec celle des députés d’Anvers. Il nous a dit que par suite des droits élevés qui avaient été établis sur les bois sciés, il y avait eu diminution dans les importations.

Il est possible qu’il y ait eu diminution momentanée, mais je crois que depuis lors les importations n’ont guère diminué. On se plaint, au contraire, de les voir constamment s’accroître. Je ferai ici une question à l’honorable M. Huveners : est-ce que, par suite de la diminution d’importation qu’on a remarquée alors, on a remarqué en même temps une hausse sur le prix des bois indigènes ? Je ne le pense pas ; si donc cette diminution a eu lieu, elle s’explique par la crise dans laquelle nous nous sommes trouvés, et qui a diminué toutes les affaires commerciales, et par conséquent, aussi les constructions.

Vous avez dans toutes les branches d’industrie et de commerce quelconques, un moment de progrès, un moment rétrograde, et très souvent un moment d’arrêt.

Maintenant je ne dirai plus que deux mots en ce qui concerne le droit à imposer à la valeur ou au cubage. Certainement, je ne demanderai pas qu’on impose le droit à la valeur, car ce serait une perception très difficile, et qui donnerait lieu à la fraude. Il faut donc imposer le bois à la mesure, comme l’a proposé M. le ministre de l’intérieur, et ainsi que le propose maintenant l’honorable M. de Corswarem.

On a parlé des importations de bois qui se font en France et en Angleterre ; on a dit qu’on y importait le meilleur bois. Cela est tout naturel. En Angleterre, les droits sur les bois du Nord sont très élevés puisqu’ils équivaudraient de 70 à 90 p c. sur les qualités médiocres, tandis que sur les bois du Canada, ils ne sont pas de 20 p. c. ils étaient autrefois de plus de cent pour cent, sur les bois étrangers.

Je ne m’opposerai pas à une certaine majoration de droits sur les bois. Je ne veux pas maintenir le tarif primitif ; mais j’engage la chambre à se rallier au chiffre qui est proposé par le gouvernement, j’engage surtout les honorables membres qui ont le plus à cœur l’intérêt de la propriété boisée à s’y rallier, parce que j’ai l’intime conviction, et je crois que l’événement ne tarderait pas à justifier cette opinion, j’ai l’intime conviction que les droits plus élevés ne leur feraient nullement atteindre le but qu’ils ont en vue.

M. de Garcia. - Messieurs, dans la séance d’hier, j’avais demandé la parole, lorsque l’honorable M. Verhaegen avait attaqué la réduction du droit de vente des bois sur pied. L’honorable M. Verhaegen a considéré cette réduction comme une faveur accordée aux riches propriétaires ; d’un autre côté, il a présenté l’augmentation du droit sur les bois étrangers, comme une autre faveur, et il a conclu par dire : « Je ne veux pas faveur sur faveur, et à moins qu’on ne revienne sur la première, je voterai contre la seconde. »

Messieurs, quant à la première objection, je dois convenir qu’elle a une grande apparence de fondement.

Cependant, lorsque l’honorable membre a cru que cette mesure était uniquement dans l’intérêt des grands propriétaires fonciers, il s’est trompé ; la plupart de ces propriétaires vendent leurs bois de la main à la main, et ils ne sont ainsi soumis à aucun droit.

Mais il est des établissements publics qui ne peuvent opérer leurs ventes que par adjudication publique. Je veux parler en premier lieu des communes qui possèdent encore beaucoup de bois, parce qu’elles ne peuvent pas les défricher sans autorisation du gouvernement, autorisation qui n’est accordée que dans des cas exceptionnels et fort rares. Les hospices et les bureaux de bienfaisance se trouvent dans une position identique.

Ainsi, il n’est pas exact de dire avec l’honorable M. Verhaegen, que la mesure contre laquelle s’est élevé cet honorable membre, constitue un privilège en faveur des riches propriétaires.

En portant la main sur la réduction signalée, on atteindrait précisément les personnes et les établissements que l’honorable M. Verhaegen veut protéger ; on atteindrait la classe de la société la moins aisée, les habitants pauvres des communes ; on atteindrait les revenus des malheureux qui trouvent assistance dans les établissements de bienfaisance et dans les hospices.

Du reste, je ne dis pas que si cette question se présentait en temps utile, je ne voterais pas dans le sens de l’opinion qui a été émise par l’honorable M. Verhaegen ; c’est ce que nous aurons à examiner dans d’autres circonstances.

Je passe maintenant à la seconde mesure que l’honorable membre considère comme une faveur ; je veux parler de la protection à accorder aux bois indigènes. Quant à moi, je dis qu’il n’est pas encore exact de dire que cette mesure puisse être taxée de privilège. Est-ce que toutes les industries du pays ne sont pas protégées ?

Lorsque nous demandons une protection pour les bois, nous ne demandons pas un privilège, nous demandons une faveur égale à celle dont jouissent les autres industries. Je n’en dirai pas davantage sur ce point. Cependant, puisque j’ai la parole, je répondrai quelques mots à MM. Cogels et Osy. Ces honorables membres ont attaqué par différents motifs le droit à imposer sur les bois étrangers. L’un de ces motifs, c’est que vous n’auriez pas des produits en bois, similaires avec ceux qui vous arrivent de l’étranger. Ce n’est, à mes yeux, que par une subtilité qu’on peut ne pas considérer nos bois comme étant les produits similaires. Si l’on veut considérer le bois en lui-même, on a complètement raison ; mais si on considère le bois au point de vue de l’usage, de l’application qu’on en fait, on a tort, c’est-à-dire que vous employez les bois étrangers à tous les usages auxquels on emploie le bois indigène, et que vous appliquez le bois indigène à tous les usages auxquels vous appliquez le bois étranger. Prétendrait-on, par exemple, que lorsque nous accordons un privilège aux draps qu’on fait en Belgique, ce privilège s’applique à des produits qui ne sont pas similaires avec les draps français ? On serait dans le vrai, au point de vue de la matière, au point de vue du tissu ; mais on n’est pas dans le vrai, au point de vue de l’application, de l’usage, les uns et les autres, quoique de qualités différentes, servant au même usage, servant à faire des vêtements.

Il est donc évident qu’en empêchant les bois étrangers d’entrer dans le pays, vous donnez une protection à des produits belges qui leur sont similaires pour l’usage, pour l’emploi.

L’honorable M. Osy a dit aussi que nous demandons une augmentation sur les bois qui doivent servir aux constructions civiles et navales. Je ferai remarquer à l’honorable membre qu’il n’est pas question, dans la discussion actuelle, d’augmenter le droit sur les bois qui doivent servir aux constructions navales, et qui, d’après tous les amendements, ne sont soumis qu’à un droit minime, qui ne peut être considéré que comme un droit de balance.

L’honorable M. Cogels, en débutant, a commencé par dire qu’on avait réduit la question actuelle à des proportions étroites et peu dignes de la législature, qu’on l’avait mise sur le terrain de l’intérêt particulier, de l’intérêt de clocher, et que, quant à lui, il voulait la considérer à un point de vue plus élevé, au point de vue de l’intérêt général. Je dois répondre à M. Cogels que je crois avoir autant que lui le droit de dire que je me suis mis à la position supérieure où il se plaît à se placer, et que toutes les considérations que j’ai déduites pour obtenir une protection en faveur du bois indigène, ne me sont inspirées qu’en vue de l’intérêt général. Je pourrais même répondre à l’honorable député d’Anvers, que moi et tous les membres de cette assemblée, nous ne voulons que l’intérêt général. Je ne suis jamais animé que par ce sentiment, et dès lors je n’accepte en aucune manière le reproche d’avoir réduit la question qui nous occupe à de petites propositions ; on a dit dans des séances précédentes et aujourd’hui encore, l’on nous a accusé d’être guidé par l’intérêt particulier des propriétaires des forêts. Je n’ai pas jugé à propos de répondre à de telles allégations, tant je me considère au-dessus, tant j’ai la conviction qu’elles ne peuvent me toucher.

L’honorable M. Cogels, pour établir son système et en tirer des conséquences les plus favorables, se met fort à l’aise. Il remplace les démonstrations par des assertions, et nous allons le prouver. L’honorable membre commence par vous affirmer que le droit que vous demandez sur les bois étrangers ne fera pas hausser d’un centime les produits du sol. Voilà un premier échantillon de l’argumentation de mon honorable collègue. Comment est-il possible de supposer que la matière étrangère augmentant de prix, par suite de l’impôt, la matière indigène similaire n’augmente pas dans la même proportion ? Je ne suis pas expert dans la matière commerciale, je dois en convenir ; mais si ce qu’affirme M. Cogels peut être exact, je dois déclarer que je ne connais pas les choses les plus simples, mais cette allégation me paraît si contraire à l’ordre naturel des choses qu’il m’est aussi impossible de l’admettre ; et, d’un autre côté, cette assertion me paraît si évidemment erronée que les raisons manquent pour en démontrer la fausseté comme elles me manqueraient pour démontrer qu’il fait jour à celui qui prétendrait qu’il fait nuit dans le moment actuel. Je ne pourrais lui dire qu’une chose : Ouvrez les yeux. L’avenir les ouvrira, j’espère, à mon honorable collègue.

On a prétendu que le bas prix de nos bois ne résultait pas de l’entrée des bois étrangers. L’honorable M. Cogels s’est encore fait une position toute particulière, il a supposé que nos forêts ne produisaient que des bois à charbonner, et c’est en partant de ce point absolu qu’il a argumenté. Je suis fâché de répéter ce que j’ai dit hier à l’honorable membre, que l’industrie forestière lui est peu familière. S’il en était autrement, il saurait que l’aménagement des forêts se compose de deux choses, le raspe et la futaie.

Je conçois que les bois de construction du Nord en grume ne font aucun tort, aucune concurrence à nos bois raspe, mais le revenu forestier se combine de deux choses, la récolte du raspe et de la futaie. La révolution opérée dans la métallurgie a peut-être pour toujours ôté un prix élevé à la partie de bois dite raspe. Mais puisque cette partie du produit des forêts va en décroissant, laissez au moins tirer parti de la futaie et faites en sorte que, par un droit protecteur, cette partie de nos forêts conserve quelque valeur.

L’honorable M. Cogels m’a reproché de lui avoir prêté des idées qu’il n’avait pas émises. Je n’ai pas prétendu, comme l’a pensé l’honorable M. Cogels, que je voulais le défrichement de tout le sol de la Belgique. Je reconnais que l’honorable M. Cogels n’a pas dit cela en termes formels. Mais qu’importe ? Son système y conduit. Que voulez-vous ? Vous ne voulez accorder aucune espèce de protection ou bien une protection insignifiante aux bois indigènes, vous forcez tous les propriétaires à défricher. Il est impossible qu’il en soit autrement, car le propriétaire qui paye des contributions et ne tire rien de sa propriété, cherchera, par le défrichement, à en obtenir quelque chose, et, comme je le disais hier, ses montagnes finiront par devenir des steppes, si la législature et le gouvernement ne sont assez sages pour encourager la culture des forêts.

L’honorable M. Verhaegen a fait dépendre son vote, dans la loi actuelle, de la réponse à une question qu’il a posée, il s’est demandé : Le pays peut-il suffire à ses besoins ? Peut-il se passer du bois étranger ? Je n’oserais répondre à cette question d’une manière affirmative, surtout en présence du défrichement immense qui s’est opéré depuis quelques années, défrichement qui a été en partie la conséquence du défaut de protection. En résulte-t-il que vous ne devez accorder aucune protection à vos bois ? Je ne peux tirer cette conséquence. Il vous reste quelques forêts assez considérables, et dans l’intérêt bien entendu du pays, l’on doit tâcher de les conserver. Or, si vous ne faites rien pour les protéger, elles disparaîtront.

J’ai signalé quelques graves inconvénients qui doivent résulter de ce défrichement général ; l’honorable M. de Haerne en a signalé lui-même de fort graves. J’ai cité des faits qui doivent être attribués au défrichement, j’avais ajouté une considération qui devait en quelque sorte satisfaire à l’interpellation de M. de Haerne ; j’avais dit, et, personne n’a répondu à cette considération, qu’en imposant le bois étranger, on favorisait non seulement la propriété boisée du pays, mais que cette mesure devait avoir pour résultat de favoriser l’industrie métallurgique ; je crois que, par le développement immense que cette industrie a pris dans la Belgique, le fer est appelé à remplacer le bois dans une masse d’usages. Je crois que pour tous les ponts de petite dimension, les portes, les barrières, les fenêtres, les charpentes même, les toitures, l’on peut utilement remplacer le bois par le fer.

Si donc le bois peut manquer jusqu’à un certain point, il peut être remplacé par le fer. Au surplus, il ne manquera pas ; seulement il sera soumis à un droit modéré et protecteur de nos forêts.

Les honorables MM. Cogels et Osy ont dû convenir que ce n’était pas la marine belge qui fait le transport du bois qui nous arrive. Dès lors que peut gagner la marine belge à laisser entrer les bois étrangers avec un droit insignifiant ? Exactement rien ! Je terminerai par une dernière réflexion. Les ports d’Ostende et d’Anvers sont appelés à desservir toute la Belgique. La richesse de ces deux ports est intimement liée à la richesse nationale ; prenons donc toutes les mesures pour développer tous les produits de notre industrie et de notre sol, et en atteignant ce but l’on marche droit à la prospérité de ces deux cités importantes.

M. de Corswarem. - Je regrette de voir que plusieurs honorables membres pensent qu’il sera impossible à notre marine d’importer jamais du bois étranger. Dans les circonstances où nous nous sommes trouvés jusqu’à présent, cela lui était impossible, par les raisons exposées par l’honorable M. Donny ; les propriétaires des forêts du Nord ont fait construire des bâtiments qui sont montés par des hommes qui leur appartiennent, par des hommes tenant à la glèbe ; et l’on sait que les marins du Nord coûtent infiniment moins à nourrir que les marins de notre pays. Mais dès qu’il y aura des droits différentiels en faveur de notre pavillon, il nous est permis d’espérer qu’il concourra avec les pavillons du Nord pour nous importer du bois, surtout du bois scié. Il nous a dit aussi qu’on importe des bois du Nord sur des navires très légers et peu solides, qui ne peuvent servir à autre chose ; cela n’empêche pas que des navires bien construits, pouvant servir à d’autres transports, ne puissent transporter également des bois.

L’honorable M. Donny pense aussi que le bois n’est pas une matière susceptible de droits différentiels, cependant plus une matière se transporte en grande quantité, plus elle est susceptible de droits différentiels. La majoration du droit, ce que nous proposons sera donc un moyen direct de favoriser notre navigation, d’augmenter les ressources du trésor et de protéger notre production agricole.

Il est juste qu’on donne satisfaction aux grands propriétaires de forêts après en avoir donné aux grands armateurs, après en avoir donné à la pêche nationale, à l’industrie linière et à d’autres encore ; plusieurs produits de la terre sont protégés, il n y a que le bois qui ne le soit pas. Les terres arables sont protégées par la loi sur les céréales, les étangs sont protégés par le droit sur le poisson, les prairies sont protégées par un droit sur les bestiaux, les vergers par un droit sur les fruits. Il en est peut-être quelques-uns qui n’ont pas une protection suffisante, mais il n’y a que le bois qui n’en ait aucune. Il est juste qu’il soit protégé comme les autres productions du sol.

D’après l’amendement présenté par M. Donny, les droits d’importation par les ports de mer seraient extraordinairement réduits, tandis que pour les importations par les autres voies, ils seraient augmentés. Un tonneau de bois scié venant par pavillon étranger par mer, payerait 5 francs, tandis qu’un tonneau de même bois venant autrement que par mer, par exemple un tonneau de chêne venant par la Meuse, par les eaux intérieures de la Hollande, payerait 28 fr. 50.

C’est une véritable prohibition des bois étrangers importés autrement que par mer, au profit des ports de mer.

L’honorable M. Cogels nous a fait remarquer que le sapin du Nord est d’une si mauvaise qualité, que le gouvernement hollandais a défendu de l’employer dans les constructions pour le compte de l’Etat. Je puis affirmer le fait ; car il est à ma connaissance que les bois de chêne, pour l’atelier de construction d’artillerie de Delft sont tirés du Limbourg.

L’honorable M. Cogels a demandé si nous voulions un droit dans l’intérêt du trésor, ou dans l’intérêt de la propriété forestière. L’honorable M. Huveners a déjà répondu que nous le voulions dans ce double intérêt. Mais nous le voulons de plus dans l’intérêt du travail national et du défrichement de nos bruyères.

La protection que nous demandons, j’en conviens avec l’honorable M. Cogels, ne sera pas efficace : mais elle ne sera pas non plus illusoire ; elle ne sera que lénitive ; et un soulagement quelconque nous suffit pour le moment.

Il nous a dit aussi que nous ne trouvons pas dans notre pays des sapins d’une dimension convenable pour remplacer ceux du Nord. Nous ne les trouvons peut-être pas en quantité suffisante. Mais je puis affirmer qu’il y en a de 15 mètres de hauteur et de 2 mètres de circonférence. Je ne pense pas qu’il y ait nécessité en ce moment d’en avoir d’une plus grande dimension. Je sais qu’en général on ne leur laisse pas atteindre cette dimension. Mais puisqu’ils l’atteignent dans une localité, rien n’empêche qu’ils ne l’atteignent aussi dans les autres, si ou les laisse croître pendant le temps nécessaire.

Il est prouvé qu’il n’y a que les sapins rouges de Riga qui puissent entrer en comparaison avec les nôtres.

L’honorable M. Cogels a dit que les constructions faites avec des sapins du pays ne durent pas vingt ans. Il y a dans la Campine des maisons ultra-séculaires faites en sapin. Cependant, au moment de leur construction, le sapin du Nord n’était nullement connu dans le pays.

La conservation des bois dépend beaucoup du moment où on les coupe. Je connais des bâtiments construits avec luxe où les chevrons sont de chêne équarri ; ces bâtiments ne datent pas de 50 ans ; cependant on a déjà été obligé d’y remplacer les chevrons de chêne par des chevrons de sapin du pays.

L’honorable M. Cogels a dit aussi que nous n’emploierons pas le sapin du pays pour les constructions navales. Je ne pense pas qu’on emploie davantage pour ces constructions de sapin du Nord, si ce n’est pour les mâts et pour l’intérieur des navires. Pour la carène on emploie le bois de chêne sur ces derniers bois, le droit proposé est un simple droit de balance.

Quand j’ai parlé d’une dépréciation de territoire, l’honorable membre a cru que je parlais d’une dépréciation du territoire en général. C’est une erreur. Je n’ai voulu parler que de la dépréciation du territoire boisé, et cela est de toute notoriété.

On a parlé du domaine de Postel, il est prouvé que le canal de la Campine a donné à cette propriété une plus-value considérable, relativement au prix de 1840. Cependant le prix de l’adjudication est reste de 40 mille fr. en dessous de celui auquel le domaine a été vendu en 1840.

M. Cogels. - Depuis, on y a coupé pour 300,000 d’arbres.

M. de Corswarem. - On dit qu’en France et en Angleterre, on a déboisé le pays. Mais ce déboisement est considéré comme une véritable calamité. Le gouvernement et les propriétaires mettent tout en œuvre pour réparer le mal.

L’honorable M. Cogels pense qu’on ne sème des sapinières, que comme culture préalable, quand on veut défricher les bruyères. Il est vrai que cela arrive. Mais tous les sapins ne sont pas semés dans le but de conduire au défrichement. Pour défricher il faut commencer par semer des sapins ou des genêts que l’on remplace ensuite par une culture.

Mais depuis 20 ans, 2,000 hectares ont été semés en sapins, non pour être dérodés immédiatement, mais pour être coupés lorsqu’ils auront atteint tout leur développement. Il est possible cependant qu’on les coupe plus tôt, dans la crainte de les vendre moins, en attendant aussi longtemps.

Ensuite comme il n’y a que du sapin dans la Campine, on l’emploie comme combustible mêlé au gazon qui ne brûle pas seul. A défaut de taillis, on y est réduit à faire des fagots de sapin, et dans ce cas on doit encore les couper en herbe.

La vilité du prix du bois à brûler, que l’honorable M. Cogels attribue à différentes causes provient de ce que, par l’introduction du bois de sapin du Nord, notre bois de charpente est descendu à la qualité de bois de chauffage ; et par là le bois à brûler proprement dit, ne se vend plus du tout. Voilà la véritable cause de la dépréciation.

Le droit que nous demandons n’empêchera pas l’introduction des bois de grande dimension, et même de dimension ordinaire ; car un droit de 15 p. c. sur les bois en grume et de 25 p. c. sur les bois sciés, sera de 20 p. c. en moyenne. On ne construit pas tous les ans à Bruxelles un hôtel où l’on emploie pour 10,000 fr. de bois. Le droit fera une augmentation de 2,000 fr. ; et pour pareille augmentation on ne construira pas un hôtel de moins à Bruxelles.

L’Angleterre, comme l’a fort bien dit l’honorable M. Cogels, seulement aujourd’hui (à l’avant-dernière séance, il l’avait omis) a pu baisser le droit sur le bois, puisqu’elle a encore un droit de 100 p. c. sur les bois du Nord.

M. Cogels. - Je m’étais trompé. Le droit est de 50 à 60 p. c. ; 1 liv. 5 sh. par 50 pieds cubes.

M. de Corswarem. - Et 20 p.c. sur le bois de ses propres colonies, Je m’en suis assuré.

Ainsi ce que nous proposons n’est pas une prohibition des bois étrangers. C’est seulement une amélioration qui favorisera nos défrichements, procurera du travail à nos ouvriers et nous donnera un moyen d’obliger l’étranger à nous faire quelques concessions. Nous pourrons lui dire : Concédez, nous vous concéderons.

L’honorable M. Osy a parlé des expéditions considérables que nous faisons dans le Nord ; cependant, d’après les documents statistiques, voici le rapport entre les importations et les exportations :

La Russie a importé 14,754,641, exporté. 317,372 : diff. 14,434,269

La Suède et la Norwége ont importé 2,070,363, exporté 1,497,542 : diff. 572,821

La Prusse a importé 16,555,484, exporté 11,412,752 : diff. 5,142,732

Les Pays-Bas ont importé 38,083,181, exporté 26,398,502 : diff. 11,685,679

Le Grand-Duché a importé 2,22,583, exporté 1,401,533 : diff. 821,050.

Ces cinq pays ont donc plus importé qu’exporté pour fr. 32,656,551.

Ce résultat prouve que si quelqu’un a des ménagements à garder pour favoriser ses importations, ce sont les nations du Nord qui doivent les garder à notre égard, tandis que nous n’en devons garder aucun au leur.

L’honorable M. Donny nous a dit aujourd’hui que la valeur des bois de sapin était de 54 à 55 fr. le tonneau, en moyenne. Mais il est évident que ce n’est que la moyenne des bois importés, depuis quelques années ; or on sait que, depuis quelques années, on n’a importé que des bois de très mauvaise qualité, dont nous voudrions voir cesser l’importation. D’après l’évaluation du gouvernement, que nous croyons plus exacte, la valeur du tonneau serait de 60 fr. en moyenne.

Puisque j’ai la parole, je dois dire un mot en réponse à l’honorable M. Verhaegen. Cet honorable membre a dit hier qu’il regrettait que le droit d’enregistrement sur les ventes publiques de bois, fixé par la loi de frimaire an VII, fût diminué. Mais l’honorable membre n’a pas tenu compte des circonstances dans lesquelles ce droit a été établi ni de l’influence sous laquelle se trouvaient ses auteurs au moment où ils l’ont port. Jusqu’à cette époque de frimaire an VII, les forêts avaient été des propriétés féodales ou avaient appartenu à des corps privilégiés ; elles n’avaient jamais payé de contributions ; on n’a trouvé alors d’autre moyen de les atteindre que d’établir ce droit d’enregistrement. Mais depuis elle ont payé des contributions pendant 50 ans ; il ne serait donc plus juste de leur faire payer un droit extraordinaire sur leurs produits. Le droit sur les ventes mobilières est de 2 et 1/2 p. c. S’il y avait un changement à faire, ce serait, non pas d’élever à ce taux le droit sur les vente d’arbres, mais de réduire à 1/2 p. c. le droit sur les ventes de meubles. Mais il y aurait accord entre les deux droits.

Je bornerai là mes observations.

M. Vandensteen. - Dans tous les pays, les forêts ont exercé une influence sur la richesse publique des Etats. De tout temps, on a attaché à leur existence et à leur conservation une grande importance. Partout elles ont été l’objet d’une attention particulière. C’est pourquoi des pays voisins, notamment la France, nous offrent tant de décrets, d’ordonnances, de lois sur cette matière. On y a compris que cette question était, en quelque sorte, une question d’ordre public, et qu’elle intéressait tous les besoins de la société. C’est de ce point que j’envisage cette question et à la demande que l’honorable M. Cogels adressait à l’honorable M. de Corswarem, conçue en ces termes : « Je m’adresse principalement aux honorables membres qui réclament une augmentation de droits sur l’introduction des bois étrangers. Est-ce dans l’intérêt de la propriété foncière que vous faites cette demande… Si c’est dans l’intérêt de la propriété foncière que vous demandez la protection, je dirai que l’honorable M. de Corswarem ne va pas assez loin ; la protection serait, comme elle est aujourd’hui, à peu près illusoire. »

Je répondrai à l’honorable membre : Non, ce n’est pas dans la seule vue de l’intérêt privé que nous élevons la voix, mais en vue de l’intérêt général, en vue de conserver et d’accroître la richesse nationale qui est le domaine de tous.

Les forêts en Belgique occupent encore la cinquième partie du territoire. Leur revenu imposable, d’après le cadastre, s’élève à plus de 10 millions, et, en y ajoutant les frais d’enregistrement, de succession, d’hypothèque et toutes les autres charges qui les grèvent indirectement, nous pouvons dire qu’elles rapportent annuellement à l’Etat plus de 2 millions. Il me semble qu’une branche aussi considérable de la richesse publique mérite bien quelques ménagements. Qu’a-t-on fait pour elle ? Rien, absolument rien ; je me trompe cependant, on se souvient qu’elle existe lorsqu’il faut la faire contribuer à alimenter le trésor public.

Depuis quelques années, sous la double assertion, qu’on ne cesse de répéter, que le pays ne fournit point aux besoins de la consommation, et que le bois est une matière première, indispensable, on a favorisé l’importation des produits étrangers avec tant de sollicitude que, dans bien des localités, les bois sont arrivés à ne plus avoir de valeur et sont exclus du marché intérieur.

Telle est la cause de ce vaste défrichement que nous voyons ; il se propage jusque dans les contrées les moins propres à l’agriculture. Cette situation fâcheuse dans laquelle on laisse cette culture, nous rendra forcément, et dans un court espace de temps, tributaires de l’étranger pour toute espèce de bois. Or, il est incontestable que cette dépendance ne saurait être que très nuisible en toute occasion, aux intérêts du pays.

Je suis loin de partager l’opinion de ceux qui prétendent que le bois est une matière première. Non, messieurs, il n’en est rien ; ce produit ne peut pas être mis sur la même ligne que les autres matières premières, qui font, si je puis me servir de cette expression, la base de la fabrication de telle ou telle industrie, que l’on emploie journellement et à tous les instants dans la même fabrique, comme le sont le lin, la laine, etc. Le bois n’est pour l’industriel qui le met en usage, qu’un objet de circonstance, accidentel, qui ne se renouvelle point constamment. En outre, la majeure partie des bois qui nous sont importés, a déjà subi une première préparation, et cause, par là même, un grand préjudice à nos ouvriers ; c’est donc avec justice qu’ils réclament.

Les honorables membres qui professent le principe que la Belgique ne doit point avoir de forêts sont fondés à dire que la question de sapinières est ici hors de cause, puisque, d’après leur manière de voir, elles ne peuvent être faites qu’en vue d’une culture préalable, et ne pourront jamais fournir les bois de construction,

Il est de fait, que si nous ne modifions point notre législation, nous verrons se réaliser cette opinion. Les propriétaires ne consacreront point des capitaux considérables à cette culture s’ils n’ont point d’espoir de pouvoir un jour récupérer les dépenses qu’ils ont faites. Si, au contraire, nous entrons dans une voie de sage protection, non seulement cette culture se fera en vue de métamorphoser nos bruyères en terres à labour, mais encore elle pourra soutenir la concurrence avec les pays voisins.

Les partisans des droits protecteurs pas plus que nos honorables adversaires ne veulent imposer des droits sur les bois qui sont propres à la construction navale. Tout le monde est d’accord sur ce point. La construction civile seule est en cause. Les motifs que l’on allègue pour l’affranchir de tout droit sont-ils plus justes que ceux émis par les partisans d’un droit protecteur ? Je ne le pense pas. Car, on ne peut nier que l’exploitation de nos bois, dans la situation actuelle, si elle n’est point onéreuse au propriétaire, ne lui soit tout au moins fort peu profitable, les produits étant comme on nous l’a très bien démontré, grevés de charges considérables, et se trouvant en concurrence avec des bois étrangers dont les importations s’accroissent sans cesse. Il est donc de toute justice d’accorder une protection à une industrie qui n’est, en dernière analyse, que le produit du sol, à une culture qui a payé des sommes énormes au trésor, et qui alimente une partie considérable de ma population.

Le tarif actuel est insuffisant, celui qui a été proposé en premier par le gouvernement, ne peut satisfaire aux exigences de la situation ; à peine doublerait-il les droits existants. Deux autres propositions nous sont soumises, l’une de M. de Corswarem, l’autre de M. d’Hoffschmidt. Le premier de ces honorables membres prenant pour point de départ la valeur du tonneau indiqué par le gouvernement, accorderait 15 p. c. pour les bois de sapins en grume, importés par pavillon étranger (et je ne m’occupe que de ce genre d’importation, puisque c’est le seul probable) et 16 p. c. sur le bois scié à moins de cinq centimètres ; tandis que, suivant la proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt, il serait de 8 p. c. pour les bois en grume, et que, pour les bois sciés, il se trouverait à peu prés d’accord avec l’honorable M. de Corswarem s’ils avaient le même point de départ quant à la valeur du tonneau.

Dans la première proposition, suivant moi, je trouve que la protection accordée par M. de Corswarem pour les bois en grume, serait trop forte quand on la compare avec celle qui serait établie sur les bois sciés ; tandis que l’honorable M. d’Hoffschmidt n’accorde point assez. Il est difficile de se fixer sur la portée de ces deux amendements qui diffèrent essentiellement l’un de l’autre. Cela résulte de la valeur que les honorables membres attribuent au tonneau. Si nous voulons arriver à une solution, il est indispensable de se mettre d’accord sur ce point.

Alors seulement nous pourrons apprécier quelle est la protection qui sera accordée à telle ou telle catégorie de bois. Si nous n’adoptons cette marche, nous verrons surgir encore d’autres propositions basées sur la valeur que chaque membre de cette assemblée peut attribuer aux différentes espèces de bois.

Ce que vient de nous dire l’honorable M. Donny fortifie encore cette observation ; car, d’après cet honorable membre, un mètre et demi de bois de sapin scié ou en grume ne vaudrait pas plus de 54 fr. Or, je pense que c’est une erreur, quant au bois scié. Si nous voulons faire quelque chose d’efficace pour améliorer la position de cette culture et conserver à nos nombreux ouvriers, qui vivent de cette industrie, une existence moins précaire, il faudrait mettre un droit de 10 p. c. sur les bois en grume, et 20 p.c. sur les bois sciés. Ce chiffre serait en rapport avec la proposition qui vous a été soumise par la commission d’industrie, elle qui a examiné avec une scrupuleuse attention les réclamations de nos producteurs et de nos ouvriers.

M. Rodenbach. - Messieurs, je donnerai mon appui à l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt, et j’en dirai les motifs en peu de mots.

Cet honorable membre propose, en faveur du bois indigène, une protection qui, terme moyen, s’élève à 8, 10, 13 et 14 p. c. Cette protection me paraît suffisante, sans être exagérée.

L’honorable M. de Corswarem vous demande une protection qui s’élève de 18 à 25 et même 30 p. c. Ce serait, selon moi, une protection exagérée.

M. le ministre de l’intérieur, par son premier projet, proposait une protection moindre à peu près de 30 p.c., que celle que demande l’honorable M. d’Hoffschmidt. Il n’allait pas assez loin. Les chiffres que renferme sa dernière proposition ne me paraissent pas non plus assez élevés ; ils sont de 70 c. et de 1 fr. 50. L’honorable M. Donny ne propose que 60 c. Ce serait là une protection tout à fait illusoire.

La proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt me paraît donc la préférable, et elle aura mon assentiment.

Messieurs, nous avons besoin dans le pays de bois étrangers. D’autre part, comme il est reconnu qu’il y a une baisse de 15 à 20 p. c. dans le prix des bois indigènes, il faut protéger ces derniers. Imposons donc d’un droit de 8 à 14 p. c., comme le propose l’honorable député de Luxembourg, le bois étranger dont on ne peut se passer ; de cette manière nous augmenterons les produits du trésor ; et en présence du déficit de trois millions qu’on nous a annoncé, nous n’aurons qu’à nous applaudir si nous pouvons augmenter ainsi le revenu de l’Etat de quelques centaines de mille francs.

Je bornerai là mes observations.

(Moniteur belge n°152, du 31 mai 1844) - M. Dubus (aîné). - Messieurs, la première question que soulève la discussion actuelle, est celle de savoir s’il faut protéger par un droit à l’entrée les productions de nos forêts. Je dis que c’est la première question qui est soulevée, quoique la plupart des honorables membres qui ont pris la parole, aient annoncé l’intention de voter cette protection, pourvu que les droits soient modérés.

Cette question, messieurs, ne me paraît pas pouvoir faire de doute dans cette assemblée, d’abord à cause de la situation actuelle des propriétés boisées, qui rend cette protection absolument nécessaire, puisqu’ainsi qu’on vous l’a fait remarquer, le produit des forêts étant tout à fait avili, le revenu est en désaccord avec l’estimation qui a servi de base à l’assiette de l’impôt. Ces propriétés ont, vous a-t-on dit, un revenu imposable, d’après le cadastre, de 10 millions, et le revenu réel n’atteint pas la moitié de cette estimation ; de sorte qu’elles sont réellement imposées maintenant au double de l’impôt qui devrait les frapper.

Voilà une situation, messieurs, qui est bien propre à fixer l’attention de la législature et qui appelle un prompt remède. Si vous ne prenez pas une mesure pour relever le prix des bois, pour arrêter une dépréciation qui est le résultat des importations des bois du Nord, il faut que vous en preniez une autre ; il faut que vous diminuiez de moitié l’impôt dont sont frappées les forêts. Vous n’avez, me paraît-il, qu’à choisir entre ces deux remèdes. Car il faut bien apporter un remède à un mal tel que celui-là.

Mais, d’un autre côté, peut-on hésiter à accorder, contre les importations étrangères, une protection aux produits de nos propriétés boisées, alors que tous les autres produits, presque sans exception, sont protégés et fortement protégés par notre tarif ? Quels seraient les motifs pour lesquels on ferait une exception en ce qui concerne les bois ?

On a dit, messieurs, que c’était une faveur ou un privilège qui était réclamé dans l’intérêt de ces propriétés. Il me semble que c’est tout le contraire, que c’est dans la situation actuelle que les propriétaires actuels ont le privilège, puisque privilège il y a, ou plutôt sont, dans la situation exceptionnelle tout à fait défavorable, de n’obtenir aucune protection, tandis que tous les autres produits du pays en trouvent une dans notre tarif. C’est donc les faire rentrer dans le droit commun que de leur accorder aussi une protection.

Cette protection est accordée à la plupart des produits du sol ; elle est accordée à tous les produits de l’industrie sans exception. La houille même, qui est l’agent nécessaire de toutes les industries, est protégée par un droit prohibitif à l’entrée. Le fer, qui certes est aussi utile aux constructions civiles et navales que le bois, est également protégé par un droit prohibitif à l’entrée. Les produits de l’industrie agricole obtiennent en général aussi une protection par notre tarif. Je le répète, il n’y a que les produits des forêts qui soient destitués de toute protection.

Les bois étrangers, dès qu’on les importe en grume, entrent libres de tous droits, viennent ruiner les propriétaires des forêts, s’emparer du marché intérieur et empêcher que ces propriétaires puissent trouver le placement de leurs bois.

Cependant, messieurs, ces propriétés sont frappées, comme je le disais tout à l’heure, d’un impôt qui est hors de proportion avec le revenu actuel. Le législateur qui les charge de cet impôt, a le devoir de les protéger par son tarif.

D’ailleurs, messieurs, l’avilissement du prix des bois est aussi, comme on vous l’a fait remarquer, un obstacle à ce que le défrichement des terres incultes puisse se continuer, parce que le moyen indispensable pour arriver à ce défrichement, c’est d’abord d’ensemencer la terre inculte en bois, en sapin ; et si ce produit ne peut obtenir un facile écoulement, ceux qui se proposent de défricher en seront détournés, parce qu’ils n’auront pas l’espoir de tirer un bon parti des produits qu’ils obtiendraient.

Il n’est donc pas douteux, messieurs, qu’il y a nécessité de faire quelque chose pour ces propriétés, de les protéger par le tarif. Sur ce point, je suis d’accord avec M. le ministre de l’intérieur, qui lui-même a reconnu que le droit actuel est trop faible, eu égard aux intérêts du trésor et eu égard aussi à l’intérêt des propriétés boisées du pays. Seulement je ferai remarquer et je démontrerai tout à l’heure que le chiffre proposé actuellement par M. le ministre ne peut pas faire atteindre le but. Il ne fera obtenir qu’une ressource insignifiante au trésor public et il n’établit qu’une protection tout à fait dérisoire.

Un honorable député d’Anvers, l’honorable M. Rogier, a reconnu aussi qu’il y avait quelque chose faire. Seulement il a insisté sur cette considération que le droit doit être modéré, et je m’attacherai à établir tout à l’heure que les droits qui vous sont proposés sont réellement des droits modérés.

Pour se refuser, messieurs, à accorder cette protection, il faudrait des motifs très graves. Or, je n’ai rien reconnu de réel, de solide, dans les motifs qui ont été apportés.

D’abord, fixons-nous sur les chiffres des différents tarifs proposés, et apprécions ces chiffres pour voir la protection qui en résulterait.

Pour cette appréciation, messieurs, je prends pour base le bois en grume, parce que c’est le droit établi à l’entrée sur le bois en grume qui est la véritable protection accordée aux produits des bois du pays. Le chiffre plus élevé qui frappe ensuite le bois scié, représente tout à la fois et le droit sur le bois en grume et la protection accordée pour le travail du pays, pour le sciage du bois.

Je ferai remarquer à la chambre que le bois de sapin est celui qui doit particulièrement fixer son attention. Quant au chêne, si les renseignements que j’ai obtenus sont exacts, l’importation en est d’une valeur tout à fait insignifiante. Sur à peu près 4 millions de francs d’importation de bois, il n’y a pas pour 300,000 fr. de bois de chêne. C’est donc particulièrement le sapin du Nord qui est importé en grande quantité, et je ferai remarquer que c’est l’importation de ce bois qui fait le plus de mal, qui amène la dépréciation la plus grande des produits du pays, parce qu’il y a plusieurs qualités de ce bois qui sont livrées tout à fait à vil prix dans le commerce, et parce que les meilleures qualités viennent faire concurrence aux différentes espèces du pays, viennent faire concurrence au chêne lui-même, et en empêcher la vente. C’est ce qui est reconnu de tout le monde.

Quant au sapin, M. le ministre propose sur le bois en grume un droit à l’entrée de 75 c par tonneau lorsqu’il est importé par navire belge, et de 1 fr. 50 c., lorsqu’il est importé par navire étranger.

Il s’agit de fixer d’abord la valeur du tonneau. Dans les pièces qui nous ont été distribuées récemment, M. le ministre établit le calcul du revient des droits en donnant au tonneau de mer de bois en grume une valeur de 50 fr.

Cependant, dans une note, il dit que le mètre cube de sapin est estimé valoir en moyenne 40 fr. Si cette donnée était exacte, il faudrait alors estimer le tonneau 60 francs, car le tonneau fait un mètre cube et demi.

D’un autre côté, je remarque que, dans les tableaux relatifs à la statistique commerciale, qui sont faits d’après les renseignements fournis par l’administration des douanes, laquelle est plus disposée à diminuer les valeurs qu’à les augmenter, quoi qu’on en ait dit, puisque le droit sur le sapin scié se perçoit à la valeur et que l’on n’atteint jamais la valeur véritable, je remarque, dis-je, que, dans ces tableaux le tonneau de mer de bois en grume n’est estimé que 50 fr.

Ce chiffre de 50 fr. a été contesté ; on a prétendu qu’en faisant le relevé de différentes cargaisons importées par un navire, en 1843, la moyenne du bois en grume aurait donné une valeur moindre ; cela est possible, messieurs, tout comme il est possible que les cargaisons d’un autre navire aient donné une moyenne supérieure à 50 fr. Cela dépend des diverses qualités de bois qui se sont trouvées sur ce navire. Il peut avoir importé des qualités de bois médiocres et mauvaises, comme il nous en vient beaucoup du Nord, et dès lors ces importations peuvent avoir présenté une moyenne inférieure à 50 francs le tonneau, de même que d’autres navires peuvent avoir importé des bois de meilleure qualité et dont la valeur dépassait la moyenne de 50 francs. C’est une moyenne qu’il faut prendre, non pas sur quelques cargaisons, mais sur la masse des importations ; et non pas sur la masse des importations qui se sont faites jusqu’à présent, mais sur la masse de celles qui se feront après la promulgation de la loi que nous faisons, qui a pour tendance d’augmenter l’importation du bois de bonne qualité, tandis que maintenant c’est surtout du bois de qualité inférieure qui nous arrive.

Nous pouvons donc prendre pour base la moyenne de 50 fr. et, d’après cette base, le droit résultant de l’amendement actuel de M. le ministre de l’intérieur, serait de 3 p. c. pour les importations par navires étrangers, et de 1 1/2 p. c. par navires nationaux.

On a fait remarquer que, dans l’état actuel des choses, il n’entre point on presque point de bois par navires belges ; nous avons donc à nous occuper principalement des importations par navires étrangers. Eh bien, messieurs, une protection de 3 p. c. est évidemment une protection tout à fait insuffisante ; autant vaudrait ne pas voter de droit que de voter un droit aussi minime, qui serait sans aucune influence et pour l’intérêt du trésor et pour l’intérêt des propriétés boisées. Le but serait absolument manqué. Le tarif du gouvernement ne me paraît pas lui-même donner une protection suffisante, puisque 3 fr. par tonneau d’importation par navire étranger ne donneraient encore qu’une protection de 6 p. c.

L’honorable M. d’Hoffschmidt propose un chiffre de 4 francs par tonneau ; c’est une protection de 8 pour cent, mais de 8 p. c. réellement perçus, puisqu’on ne pourrait pas dissimuler la quantité comme on pourrait dissimuler la valeur, si le droit était établi à la valeur. Je ferai remarquer ici, en passant, que, dans mon opinion, le droit doit être établi sur le volume, sur la quantité importée, parce que d’une part il y aurait de trop grandes difficultés à percevoir un droit à la valeur, puisqu’une cargaison peut contenir 20 ou 30 qualités diverses de bois. Il faudrait donc pour percevoir un droit à la valeur, établir un inventaire détaillé de tout le bois que contient une cargaison, ce qui serait un très grand travail, un travail auquel probablement on renoncerait.

Il en résulterait que l’on ferait une appréciation par aperçu qui, évidemment, n’atteindrait pas la valeur véritable, à beaucoup près. M. le ministre a même pensé que l’on pourrait se tromper de moitié ; ainsi une protection de 15 à 20 p. c. ne représenterait plus qu’une protection de 7 à 10 p.c.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai dit qu’on pourrait vous tromper de moitié.

M. Dubus (aîné). - On pourrait se tromper ou être trompé de moitié.

Un autre motif d’établir le droit à la quantité importée et non à la valeur, motif qui résulte de celui que je viens de donner, c’est que le droit à la valeur serait un droit nominalement très élevé et en réalité fort modéré. Nous aurions l’apparence d’avoir établi un droit considérable sur le bois étranger, tandis qu’en réalité, la protection se réduirait à peu de chose. Cela serait tout à fait impolitique.

Un troisième motif qui me paraît également déterminant, c’est que le droit étant établi à la valeur, il frappera le bois de mauvaise qualité du même impôt que le bois de qualité meilleure, ce sera là un encouragement à l’importation du bois de meilleure qualité. Or, ce sont précisément les qualités médiocres et mauvaises qui font le plus de tort, puisque ce sont celles-là qui sont livrées partout à vil prix.

Je pense donc, messieurs, que le droit doit être établi par tonneau. Or, le droit de 4 fr. par tonneau donnerait une protection réelle de 8 p. c. Je crois que cette protection de 8 p.c. se rapproche beaucoup de celle qui a été demandée par l’honorable M. de Corswarem, dans son amendement primitif. Cet amendement portait les chiffres de 13 et de 15 p. c. à la valeur. Eh bien, messieurs, 15 p. c. à la valeur pourraient souvent, dans l’application, se réduire à 8 ou à 10 p.c. On aurait donc l’air d’avoir accordé une protection de 15 p. c., tandis qu’on n’en aurait accordé réellement qu’une de 8 ou de 10 p. c.

Je dirai un mot à cette occasion, de l’amendement déposé hier par l’honorable M. de Corswarem, comme étant, en quelque sorte, la traduction de son amendement primitif. Je crois qu’en voulant traduire cet amendement, l’honorable membre en a considérablement augmenté les chiffres. L’honorable membre a posé les chiffres de 6 et de 9 fr. le tonneau. En posant le chiffre de 6 fr. par tonneau à l’importation par navires belges, il a supposé que son droit de 12 p. c. à la valeur serait réellement perçu ; mais c’est en quoi il s’est trompé ; car le droit de 12 p. c. à la valeur se réduirait dans la perception à 7 ou 8 p. c. Il ne devait donc pas traduire ce droit de 12 p. c. à la valeur par celui de 6 fr. le tonneau, qui donnerait 12 p. c. réellement perçus. D’un autre côté, au lieu de 15 p. c. à la valeur, pour le bois importé par navire étranger, l’honorable membre a proposé le chiffre de 9 fr. par tonneau, ce qui donnerait un droit de 18 p. c. réellement perçu, au lieu d’un droit nominal de 15 p. c., qui se réduirait peut-être à 8 ou 10 p. c. dans la perception.

Ainsi, vous voyez, messieurs, que le dernier amendement de l’honorable M. de Corswarem diffère grandement de son amendement primitif, qu’il renforce considérablement la protection.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il la renforce d’un tiers.

M. Dubus (aîné). - Quant à moi, messieurs, je me prononcerai pour l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt, qui accorde une protection réelle de 8 p. c. Ce chiffre me paraît modéré, mais c’est un chiffre modéré que j’ai l’intention de voter. Ce seront 8 p. c. réellement perçus.

Devons-nous hésiter, messieurs, en présence de pareils chiffres ? Devons-nous avoir quelque scrupule à accorder une protection modérée comme celle-là, au bois du pays ? Je ne le pense pas et je suis à me demander ce que nous avons à craindre. On a reconnu que la navigation du pays est sans intérêt dans la question, puisque tout le bois qui nous arrive du Nord, nous est importé par navires étrangers ; et l’on assure même que, quel que soit le droit différentiel que vous établissiez, il en sera toujours ainsi, que les propriétaires de bois du Nord auront toujours le monopole du transport de leurs bois, dussent-ils les transporter pour rien.

Ainsi, messieurs, s’il était vrai que le résultat de votre loi fût de diminuer la masse des importations de bois étrangers, la navigation du pays n’y perdrait rien.

Quant à l’intérêt des négociants qui font le commerce en commission du bois étranger, cet intérêt est trop minime pour être d’un grand poids dans la question. D’ailleurs, les honorables députés qui ont parlé avant moi et dans un sens contraire à celui dans lequel je parle, ont déclaré eux-mêmes que ce n’était pas là l’intérêt qu’ils défendaient.

On a fait valoir l’intérêt de nos exportations. On a présenté les importations de bois du Nord comme facilitant l’exportation de nos produits vers le Nord. Messieurs, nous n’avons pas de renseignements très complets sur ce point de la question.

Je dis que nous n’avons pas de renseignements complets, parce que dans ceux que j’ai parcourus, je n’ai pas remarqué que les exportations que nous faisons vers le Nord se font par les retours des navires du Nord qui nous amènent le bois.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Toutes nos exportations vers le Nord se font par navires étrangers.

M. Dubus (aîné). - J’admets ce fait ! les navires du Nord qui nous importent le bois, exportent de nos produits ; mais ils nous importent du bois pour 4 millions et ils exportent de nos produits pour un quart de ce chiffre. Ainsi, la plupart de ces navires retournent sur lest ou vont se charger ailleurs, et si les importations de bois étrangers venaient à diminuer, dussent-elles diminuer même de moitié, nous aurions encore un moyen plus que suffisant pour nos exportations. Ainsi, nous n’avons rien non plus à craindre de ce côté.

Un autre intérêt qu’on a fait valoir, c’est celui de nos constructions navales et civiles.

Quant aux constructions navales, je ferai remarquer tout d’abord un point sur lequel M. le ministre de l’intérieur a déjà appelé votre attention, c’est que, sous un rapport important, le nouveau tarif qui vous est proposé par tout le monde, est très favorable aux constructions navales.

Le bois le plus nécessaire, le bois indispensable aux constructions navales, c’est le bois de chêne courbe ; eh bien, d’après le tarif actuel, ce bois paye 6 p. c. à l’entrée, et le nouveau tarif propose de le faire entrer, moyennant un simple droit de balance. Sous ce rapport donc, les nouvelles propositions qui vous sont faites, favorisent les constructions navales, et cela doit être pris en sérieuse considération. C’est là le bois le plus essentiel pour les constructions navales, c’est celui que les constructeurs sont obligés d’aller chercher à l’étranger, tandis que tous les autres bois, ils peuvent les trouver dans le pays et de meilleure qualité que les bois similaires étrangers.

Ainsi les constructeurs de vaisseaux sont d’abord favorisés, quant aux bois qu’ils sont obligés d’aller chercher hors du pays. Si la proposition qui nous est faite, pour leur accorder la restitution du droit pour les autres bois qu’ils auraient employés, n’était pas admise, ils se trouveraient dans la nécessité d’appliquer à leurs constructions le chêne du pays qui vaut beaucoup mieux que le chêne du Nord ; le résultat serait, que vous auriez de meilleurs vaisseaux, des vaisseaux plus solides.

Du reste, le droit étant fort modéré, la différence par navire serait de très peu de chose, et ne mériterait guère d’être prise en considération. D’ailleurs, messieurs, je ferai remarquer que ce n’est pas seulement le bois qui est nécessaire à la construction des vaisseaux : la construction et le gréement des navires nécessitent l’emploi d’autres matières. Or, toutes ces autres matières payent des droits considérables à l’entrée, et je m’étonne, alors que l’on considère d’une si grande importance, que le bois entre libre de tout droit, quand il doit être employé aux constructions navales ; je m’étonne, dis-je, qu’on ne trouve pas qu’il doive en être de même des autres matières qui sont nécessaires à la construction et à l’équipement des vaisseaux.

Ainsi le fer est protégé à l’entrée par un droit prohibitif. Or, je crois que le fer entre dans la construction des vaisseaux pour une somme assez notable. Pourquoi ne demande-t-on pas que le fer d’Angleterre ou de Suède puisse entrer libre de tout droit, pour la construction des vaisseaux ? Il existe absolument le même motif que pour les bois.

Les ancres, dont on ne peut se passer pour les vaisseaux, sont frappées, à l’entrée, d’un droit qui, les additionnels compris, revient à 27 p. c.

Les cordages sont également frappés d’un droit prohibitif de 20 à 25 pour cent.

Le cuivre même pour le doublage des navires, etc., que nous sommes obligés d’aller chercher à l’étranger, est frappé d’un droit de 6 p. c.

Et c’est en présence d’un semblable tarif qu’on vient nous présenter comme une objection sérieuse l’intérêt de nos constructions navales !... Mais vous voyez que cet intérêt se réduit presqu’à rien.

Du reste, on vous a fait sur ce point une proposition que je ne combattrai pas. Elle est d’une trop minime importance. On a proposé de restituer les trois quarts du droit aux bois employés dans la construction des vaisseaux. Je ne m’opposerai pas à cette proposition.

On a objecté encore l’intérêt des constructions civiles.

Ici encore, j’appellerai, messieurs, votre attention sur la même anomalie que je viens de signaler, quant aux constructions navales.

Le bois n’entre que pour la moindre partie au nombre des matériaux qui servent aux constructions civiles. Eh bien, toutes les autres matières sont frappées de droits considérables à l’entrée. Il n’y a d’exception que pour le bois.

Les briques sont frappées, à l’entrée, d’un droit qui varie de 19 à 20 p. c. La chaux est frappée à l’entrée, d’un droit prohibitif de 50 p. c. environ. Le fer, comme je viens de le dire, est grevé d’un droit prohibitif. Les ardoises sont protégées à l’entrée par un droit de 15 p. c. ; un droit de 10 p. c. pèse sur l’entrée des tuiles. Il n’y a pas jusqu’aux pierres brutes qui ne soient protégées d’un droit de 6 p. c.

Ainsi, tous les articles qui font partie des matériaux entrant dans les constructions civiles, sont protégés à l’entrée par des droits considérables, à la seule exception du bois.

Y a-t-il un motif pour cette exception ? Il n’y en a aucun. Il me paraît que les bois du pays méritent autant de protection que tous les autres objets que je viens d’énumérer, et que si les constructeurs peuvent se résigner à subir les conséquences des droits prohibitifs que je viens de rappeler, à bien plus forte raison pourront-ils supporter les conséquences d’un droit aussi modéré que celui de 8 p. c. sur l’entrée des bois ?

D’ailleurs, depuis un certain nombre d’années, le prix des bois a fléchi considérablement ; il s’est même avili. Avant cet avilissement du prix des bois, alors que la différence était de plus de 8 p. c., avez-vous vu que cela ait eu quelque influence sur les constructions. N’élevait-on pas, il y a cinq ou six ans, autant de constructions qu’à présent ?

M. de Garcia. - On en élevait davantage.

M. Dubus (aîné). - C’est donc à tort qu’on a représenté l’intérêt des constructions civiles comme devant vous déterminer à maintenir le tarif actuel qui laisse entrer le bois en grume libre de tout droit.

Messieurs, je pense vous avoir démontré qu’il n’y a aucune raison sérieuse qui puisse vous engager à refuser la protection qui vous est demandée. Je me suis expliqué également sur la mesure dans laquelle je crois que cette protection doit être accordée. Je me suis prononcé pour un chiffre modéré, qui revient à 8 p. c. à la valeur.

On a demandé s’il fallait un seul chiffre à l’importation des bois de toute essence, ou bien s’il fallait distinguer entre le sapin et les autres bois. Il y aurait un motif pour introduire cette distinction, s’il est vrai, comme je le crois, parce que cela a été assuré et que cela n’a pas été démenti, s’il est vrai qu’un tonneau de chêne, par exemple, a une valeur double d’un tonneau de sapin.

Mais d’un autre côté, lorsque je considère que, sous l’empire du tarif actuel, les importations de bois de chêne sont de si faible importance, qu’elles ne s’élèvent pas même à 300,000 fr. sur une importation de 4 millions, il me semble que le droit de 4 francs au tonneau, même relativement au bois de chêne, est une protection suffisante. D’ailleurs, si l’on s’apercevait plus tard que les importations de bois de chêne devinssent considérables et fissent tort à la production du pays, on pourrait alors introduite cette distinction. Mais dans l’état actuel des choses, elle ne paraît pas nécessaire.

Les chiffres que l’honorable M. d’Hoffschmidt a proposés à l’importation des planches et solives, sont de 9 francs par tonneau, lorsqu’elles sont importées par navire national, et de 11 francs lorsqu’elles sont importées par navire étranger.

Pour apprécier le revient de ce droit, il faut aussi se fixer sur la valeur du tonneau.

Dans le document qui nous a été distribué hier, M. le ministre de l’intérieur paraît avoir estimé le tonneau de bois scié à 52 francs seulement, parce qu’il a pensé qu’un droit de 6 francs au tonneau revenait à 11 1/2 pour cent, et un droit de 8 fr. 50 à 16 1/3 pour cent, Il est évident, d’après ces chiffres, que M. le ministre a calculé sur une valeur de 52 francs au tonneau. Il y a ici une erreur manifeste. Il est impossible que le tonneau de bois scié ne vaille que 52 francs, alors que le tonneau de bois en grume en vaut 50. La différence n’est que de 2 francs ; elle doit être beaucoup plus considérable. Car remarquez quels sont les éléments de cette différence : le tonneau de bois en grume, réduit en bois scié, donne déjà au moins 6 p. c. de déchet. Et, en outre, on estime la main-d’œuvre du sciage de 13 à 20 p. c. La différence est donc plus grande que de 50 à 52 fr. En effet ; dans le tableau des importations et des exportations contenu dans le volume de statistique qui a été distribué à la chambre, le tonneau de bois scié est estime à 75 fr. C’est également le chiffre de 75 fr. que la commission d’industrie, d’après les renseignements qui lui sont parvenus, a trouvé comme la valeur moyenne d’un tonneau de bois scié. A cet égard, j’appellerai l’attention de la chambre sur un document qui lui a été distribué lors des discussions antérieures sur le tarif des bois, de la loi du mois d’avril 1840. On nous a distribué alors des prix courants des diverses qualités de bois scié en sapin rouge et blanc.

Tout était calculé tant au mètre cube qu’au tonneau de mer. Le bois de sapin rouge était estimé, prix courant des ports de Belgique, selon les qualités, de 46 à 112 francs le tonneau, et le sapin blanc de 41 à 84 fr. le tonneau. Je pense que, pour fixer la valeur du tonneau, nous devons négliger les qualités de bois au-dessous du médiocre, qualités dont on inonde le pays, mais dont on ne l’inondera plus quand, vous ferez un tarif de droits protecteurs et établissant le même droit pour toutes les qualités, puisqu’on aura intérêt à n’introduire que des bois de bonne qualité. Vous devez prendre pour base les qualités moyennes, ce qu’on appelle dans le commerce les qualités loyales et marchandes.

D’après les prix que je viens de rappeler, une valeur de 75 fr. n’est pas exagérée, alors que les premières qualités vont à 85 ou 86 fr. pour les sapins blancs et à 112 fr. pour les sapins rouges. En prenant pour base la valeur de 75 fr., les chiffres proposés par M. d’Hoffschmidt reviennent à 12 p. c. pour les importations de bois sciés par navire belge, et à 14 2/3 p. c. pour les importations de bois sciés par navire étranger. Je considère encore ces chiffres comme donnant une protection suffisante, mais nullement exagérée ; car ici vous avez tout à la fois et protéger et la production du pays et le travail du pays, le sciage du bois ; il est d’autant plus intéressant de protéger le sciage du bois, la division en solives et en planches par les ouvriers du pays, que les bois produits par le pays pourront être sciés sur place ; dès lors le transport de ces bois si difficile, si onéreux, deviendra moins difficile, moins onéreux, car il est moins difficile, moins onéreux de transporter des bois sciés que des bois en grume. Vous avez donc un double intérêt à protéger le sciage du bois par les ouvriers du pays. C’est un moyen de faciliter l’écoulement des bois produits par le pays, en même temps que d’assurer du travail à nos ouvriers.

Non seulement une protection a été réclamée dans l’intérêt des produits du pays, mais encore dans l’intérêt du trésor ? En supposant que les importations soient les mêmes sous l’empire du nouveau tarif que vous allez faire que sous l’empire du tarif actuel, voici quel serait le produit de ce tarif : Il est entré en 1842, 16 mille tonneaux de bois en grume, par mer, qui supporteraient le droit de 4 fr. selon le tarif proposé par M. d’Hoffschmidt, cinq mille tonneaux importés autrement, qui supporteraient le droit de 5 fr., il a été importé 29 mille tonneaux bois scié, par mer, qui supporteraient le droit de 11 fr., et il en a été importé autrement trois mille tonneaux, qui supporteraient le droit de 12 fr. J’ai arrondi les chiffres ; tout cela donnerait un produit d environ 450 mille francs. Je pense qu’un pareil produit, obtenu au moyen de l’établissement de droits modérés, comme je viens de le démontrer, n’est pas à dédaigner ; ce serait une ressource précieuse pour notre trésor dans l’état de nos finances. Mais, dit-on, l’effet du nouveau tarif sera de diminuer les importations de bois étrangers ; la conséquence serait que le pays placerait plus de bois ; l’avantage pour le pays n’en serait que plus grand. Le tarif n’aura donc que des effets favorables. Je lui dominerai mon assentiment.

Projet de loi portant interprétation de l'article 821 du code civil

Dépôt

(Moniteur belge n°, du mai 1844) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Messieurs, l’intervention de la législature est devenue nécessaire par suite du désaccord qui existe entre deux cours d’appel et la cour de cassation sur le sens de l’art. 821 du code civil. Le roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi qui consacre l’opinion de la cour de cassation.

Projet de loi pour compléter le code pénal

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Par suite de l’interprétation donnée par le pouvoir législatif à l’art. 334 du code pénal, il existe une lacune dans ce code. Le roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi pour la combler. Ce projet est destiné en même temps à modifier et à compléter quelques dispositions du titre relatif aux attentats aux mœurs.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation des projets qu’il vient de faire connaître. Ces projets ainsi que les motifs qui les accompagnent seront imprimés et distribués aux membres.

- La chambre ordonne le renvoi du premier projet à une commission spéciale nommée par le bureau, et le renvoi du second à la commission qui a examiné le projet de loi interprétatif de l’art. 334 du code pénal.

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Discussion du tableau des tarifs

Bois

M. le président. - Deux amendements ont été déposés par MM. Sigart et Donny.

M. Sigart propose d’exempter de tout droit les perches et bois de cuvelage nécessaires à l’exploitation des houillères.

M. Donny propose une disposition additionnelle applicable à toutes les propositions, la sienne exceptée ; elle est ainsi conçue :

« Dans tous les cas l’importateur pourra s’affranchir du cubage réel, en payant le droit calculé sur la capacité légale du navire augmentée de 10 p. c. »

- Ces amendements seront imprimés.

M. Rogier. - Je demanderai si pour demain nous ne pourrions pas avoir le tableau de nos exportations vers les contrées du Nord : la Suède et la Norwége, pendant l’année 1843.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je verrai s’il est possible de réunir ces renseignements.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.