(Moniteur belge n°84, du 24 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure.
Après l’appel nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
L’ordre du jour est la suite de la discussion du budget du département des affaires étrangères.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fl. 10,000. »
M. Rogier. - Je prie M. le président de se souvenir que j’ai proposé hier de majorer cette somme de 2,500 fl. pour les frais de représentation.
M. H. de Brouckere. - Il me semble que c’est un article additionnel qui doit être mis aux voix séparément. (Oui ! oui ! Appuyé !)
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
La discussion est ensuite ouverte sur l’amendement de M. Ch. Rogier.
M. Lebeau. - Je crois, messieurs, que quand il s’agit de majorer au budget, la chambre est dans son droit ; mais elle ne doit faire usage de ce droit qu’avec beaucoup de réserve et en prenant en considération la position des ministres. Il me semble toutefois, d’après la réduction qu’a subie le traitement du ministre des affaires étrangères, réduction plus forte encore que celle des autres, puisqu’il était plus élevé et que la section centrale en fixe aussi le montant à 10,000 fl. ; il me semble, dis-je, que l’allocation de 2,500 fl. pour frais de représentation est indispensable. Le gouvernement provisoire, qu’on n’accusera certainement pas de dilapidation, avait alloué pour cet objet une somme de 5,000 fl., dans un moment où nos relations extérieures étaient très bornées. Aujourd’hui qu’elles se sont éteintes par suite des ratifications des deux grandes puissances, et qu’elles sont sur le point de s’étendre davantage encore, je ne conçois pas qu’il n’y ait rien de porté au budget à cet égard. Je ne conçois pas non plus comme M. le ministre pourra entretenir avec les envoyés des autres nations les relations de politesse en usage, à moins qu’il ne veuille le faire à ses propres frais. Messieurs, c’est ici une question de dignité nationale, et, dans le cas où le ministre négligerait ce point, il faut que la chambre se montre plus soucieuse que lui. Un ministre des affaires étrangères est, vis-à-vis des agents diplomatiques des autres pays, le représentant de toute la nation. C’est ainsi, messieurs, que quand j’occupais ce poste, j’ai reçu non seulement les Français et les Anglais, mais encore les Polonais, et je m’en fais honneur. Je n’ai point dépensé, comme on l’a dit, la somme qui m’était allouée, parce qu’elle était portée au budget, mais parce que je me regardais comme le représentant de l’hospitalité belge. Si M. le ministre des affaires étrangères se charge lui-même des frais de représentation, nous lui en serions tous reconnaissants ; mais, comme il ne le fait pas, je demande que la chambre lui accorde les moyens convenables pour cet objet.
M. d’Huart. - Je ne crois pas que la dignité d’un pays repose sur les dîners que donnent ses ministres. Quant au fait qu’a cité M. Lebeau, il me semble qu’il ne vient pas très à propos, car nous n’en avons pas tiré de grands résultats. Du reste, je ne conçois pas que, sans que M. le ministre des affaires étrangères le demande, on veuille grever le pays d’une somme de 2,500 fl. Messieurs, laissons de côté le luxe, qui ne convient pas à la simplicité de notre pays, et occupons-nous d’alléger les charges du peuple.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne crois pas qu’en donnant au ministre la moitié de ce qu’a accordé le gouvernement provisoire, nous lui fournissions les moyens de développer un grand luxe. Quant à l’insuffisance des résultats obtenus par les procédés que j’ai cru devoir employer, ainsi que l’a dit M. d’Huart, c’est une question trop grave et qui ne doit pas être débattue en ce moment. Mais je dis que, si vous ne mettez pas le ministre à même de faire face aux dépenses qu’exigent ses relations avec les agents diplomatiques, vous humiliez la nation dans sa personne. Messieurs, un ministre ne peut pas plus s’affranchir des devoirs de politesse que lui impose sa mission que nous ne pouvons le faire nous-même dans la vie privée. Quant à moi, je déclare que je n’irai jamais chez des personnes que je ne puis recevoir ensuite chez moi. Je le répète, le ministre des affaires étrangères est le représentant de toute la nation, et c’est un point que nous ne devons pas perdre de vue.
M. d’Elhoungne. - Selon moi, une nation est véritablement représentée par un ministre quand elle trouve dans ce ministre de la prudence, du talent, du patriotisme, du dévouement sans bornes. Quant à l’allocation que l’on propose, je ferai remarquer qu’elle est ou exorbitante ou trop mesquine : exorbitante en ce qu’elle augmenterait la charge des contribuables sans nécessité évidente, et trop mesquine en ce qu’elle ne donnerait pas au ministre le moyen de parvenir au but que l’on veut atteindre.
M. Rogier. - Je ne tiens pas du tout aux mots ; qu’on se serve des termes de « diners, » de « politesse, » ou autres, peu m’importe ; toujours est-il qu’une certaine représentation est indispensable. Si l’on voit de la mesquinerie dans la somme que je propose, c’est qu’entendant parler sans cesse des douleurs et de la misère du peuple, je n’ai voulu augmenter sa charge que de la moindre somme possible ; mais, si l’on trouve que cela est par trop modique, pour peu que l’honorable M. d'Elhoungne veuille m’appuyer, j’élèverais l’allocation à 5,000 fl. (On rit.)
On a dit, messieurs, qu’un ministre était le véritable représentant de son pays quand il est austère, capable et dévoué ; mais cela ne suffit pas. Je pense aussi qu’il ne peut pas plus se soustraire à ses obligations comme ministre que nous ne le pouvons dans la vie privée. Il faut qu’il soit mis à même d’exercer les devoirs sacrés de l’hospitalité envers les citoyens des autres pays. Si l’on ne veut pas se servir du mot représentation, j’appellerai les lumières de M. d'Elhoungne à mon secours ; mais je demande que, dans tous les cas, on donne au ministre les moyens qui lui sont nécessaires pour remplir ses devoirs.
M. Angillis, sur la proposition de M. Rogier, dit que cette proposition est trop élevée ou trop modique : trop élevée parce que le ministre ne demande rien, et que la chambre peut, sous ce rapport, se reposer sur sa discrétion ; elle est trop modique pour faire une représentation digne de son objet. Si M. le ministre avait demandé une allocation pour la représentation, la chambre aurait examiné jusqu’à quel point cette demande était admissible ; mais, comme il n’en parle point, la chambre ferait preuve de trop de générosité en accordant des fonds qu’on ne demande pas : et vous le savez, messieurs, l’état de nos finances ne permet pas de montrer tant de générosité.
S’il s’agissait de dépenses indispensables, alors il y aurait omission de la part du ministre ; mais, comme il ne s’agit que de dîner, soirées dansantes et autres, on peut facilement passer à l’ordre du jour, sans aucun danger pour la chose publique. D’ailleurs, messieurs, je ne pense pas qu’il faille engager le ministre à faire des dépenses qui nuiraient à sa santé, sans aucun profit pour la nation. (Hilarité générale.)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai déjà expliqué hier les motifs pour lesquels je n’avais point porté de frais de représentation au budget. Vous vous rappelez tous, messieurs, que dans les budgets des années précédentes une somme de 7,200 fl., et ensuite de 5,000 fl., y figurait de ce chef. Mais la chambre, au mois d’octobre dernier, m’ayant paru unanimement d’avis de retrancher cette allocation, j’ai cru ne devoir pas la porter cette année, et je ne pense pas qu’on puisse m’en faire un reproche.
J’agirai ainsi, messieurs, chaque fois que je pourrai me conformer au vœu de la chambre, sans que le service soit entravé. Comme on a semblé faire de cet objet une question personnelle, j’en dirai deux mots, malgré la répugnance que j’éprouve à en entretenir la chambre. Messieurs, n’ayant que des goûts simples et jouissant d’une fortune indépendante, je ne suis pas venu au ministère pour m’enrichir ni pour y trouver les moyens d’étaler du luxe. Sans les sollicitations répétées de mes collègues du congrès, je n’aurais pas changé ma position sociale d’alors pour celle que j’occupe aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, je pense aussi comme MM. d’Elhoungne et Angillis que l’allocation proposée est trop ou trop peu ; car s’il faut de la représentation, la somme ne suffira pas ; si au contraire il n’en est pas besoin, mon traitement suffira. Je ferai remarquer que l’hôtel des affaires étrangères est complétement rempli par les bureaux des employés, qu’il est dégarni de meubles, et que, si l’on veut accorder des frais de représentation, il faudrait allouer en outre une somme de 30,000 fl. en outre pour un ameublement convenable. Du reste, messieurs, je sais qu’il est des places qui exigent une certaine représentation, et cette représentation, ceux qui occupent les places dont je parle, doivent la subir comme un devoir ; mais si l’on prétendait m’imposer une représentation antipathique à mes goûts personnels et contraire à mes habitudes, je déclare que, pour ce motif seul, je ne voudrais rester dans une position sociale qui me forcerait à subir cette obligation.
M. A. Rodenbach. - Tout le monde sait en Europe que les ministres des grandes puissances ont porté à un haut degré de perfectionnement l’art culinaire. (Rire général.) Je ne crois pas que nous veuillons que le nôtre les imite. Par ce motif, je voterai contre l’allocation.
M. Rogier. - Si le mot de « représentation » ne convient pas, je propose d’intituler l’article « frais divers. »
M. H. de Brouckere. - Cette rédaction ne signifierait rien ; il vaut mieux conserver la première.
L’article additionnel proposé par M. Rogier est mis aux voix et rejeté.
« Art. 2. Traitement des employés : fl. 18,600. »
La section centrale propose de réduire cette somme de 4,650 fl. et de la porter seulement à 13,950 fl.
M. Delehaye. - Les principaux motifs qui ont présidé à la réduction proposée par la section centrale étaient le besoin du trésor et l’impossibilité où vous seriez d’avoir recours à un nouvel emprunt forcé, et, quoiqu’on dise que les intérêts matériels n’ont pas porté la nation à faire la révolution, il n’en est pas moins vrai que la grande partie des contribuables, la grande partie même des électeurs est plus sensible aux économies qu’à toutes nos institutions libérales ; la preuve en est évidente : qu’on regarde ce qui s’est passé aux collèges électoraux ; à peine un dixième des électeurs répondit à l’appel de la patrie ; le jury lui-même n’a pu être maintenu qu’en accordant une indemnité aux jurés. Je ne dirai rien des élections municipales : il n’est personne parmi vous, messieurs, qui ne voie la nécessité de donner au gouvernement le droit de nommer les bourgmestres. Voilà des preuves irrécusables que si ces hommes, qui sentent vibrer leur cœur au seul nom de la patrie, n’ont vu dans la révolution que les moyens d’améliorer nos institutions publiques et de détruire un honteux vasselage, il en est un plus grand nombre qui n’ont béni la révolution que parce qu’ils espéraient qu’elle aurait porté quelque remède à la privation que faisaient subir des contributions excessives.
Les réductions proposées par la section centrale permettent au gouvernement de bien salarier les employés, et par conséquent de ne pas détruire le service ; comparez ce qui est alloué aux autres fonctionnaires de l’Etat, je ne dirai point dans l’ordre judiciaire seulement, mais dans toutes nos institutions nouvelles. La chambre des comptes n’a pas suspendu ses travaux, parce que son président ne touchait que 3,000 fl., et les conseillers 2,500 ; et cependant, ils demeurent aussi dans la capitale, et le rang qu’ils occupent dans la société les assujettit à des dépenses plus fortes qu’aucun employé du ministère.
Le rapporteur, dans l’exposé des motifs, vous a dit qu’elle avait été l’opinion des sections touchant le salaire des employés ; vous y aurez vu que la section centrale s’en est portée à un terme moyen : elle n’a pas prétendu fixer le traitement d’aucun employé, elle s’est contentée de quelle manière le gouvernement pouvait introduire des économies sans nuire au service.
(Moniteur belge n°85, du 25 mars 1832) M. Angillis. - Messieurs, j’ai remarqué, dans le cours de cette discussion, que les réductions proposés par la commission ont été souvent critiquées avec plus ou moins d’amertume. Il est possible, il est très naturel de ne pas toujours partager l’avis de la section centrale, mais on ne doit pas oublier que, dans l’appréciation des mérites d’un travail renfermant des vues sur la diminution des dépenses de l’Etat, sur la réduction de certains traitements, et par cela très sujet à controverse, à blesser des susceptibilités, il y a une certaine latitude entre les deux termes dans laquelle les opinons peuvent librement errer, sans qu’il y ait pour cela erreur manifeste de part et d’autre. Lorsque nous serons arrivés à la discussion du budget du ministère des finances, je prouverai cette vérité par quelques exemples pris dans le budget même ; car j’ai aussi fait un travail sur notre déficit probable, et je dois avouer que je ne suis d’accord, ni avec la section centrale, ni avec M. le ministre.
Pour revenir au budget que nous discutons, quoique je ne sois pas d’accord avec la commission sur toutes les réductions qu’elle propose, je dois cependant déclarer que je remarque que ses nombreuses observations lui ont été dictées par la conscience du devoir, et que le vœu qu’elle émet pour que l’on fasse des économies dans les dépenses de l’Etat est un vœu national : les intentions qui l’ont dicté sont pures, elles ont été suggérées par la raison si prépondérante du bien public. Mais, messieurs, il y a des limites aux économies au-delà desquelles tout est désordre, comme il y a des limites aux dépenses au-delà desquelles tout est gaspillage. C’est à la sagesse de la chambre à poser les véritables limites.
Toutes les dépenses qui ne sont pas strictement nécessaires au service public doivent être rejetées ; mais on ne peut pas aller plus loin, car ce serait entraver la marche du gouvernement que de lui contester les ressources qui lui sont indispensable pour remplir sa haute mission. Dans le doute, il serait quelquefois dangereux de beaucoup toucher à l’allocation demandée, parce que rien n’est certain dans l’incertitude ; et, comme tout est spécial dans un budget, une réduction hasardée, c’est-à-dire une réduction qui ne serait pas fondée sur des données certaines, ou du moins sur des données très probables, pourrait avoir des résultats fâcheux.
Si nous devons être avares de l’argent de la nation, nous devons aussi être juste envers ceux qui se consacrent au service de la nation ; nous devons donc payer chacun selon ses œuvres. C’est aux ministres à veiller à ce que tous les employés trouvent, à toute heure du jour, leur besogne : c’est ainsi que l’employé, qui aura la certitude d’un salaire proportionné à ses mérites, s’attachera sincèrement à sa place, et qu’il deviendra utile ; c’est ainsi que s’établira un échange de récompenses et de services entre la nation qui paie, et le fonctionnaire ou l’employé qui remplit ses devoirs.
C’est d’après ces règles, messieurs, que je me suis livré à l’examen des budgets ; c’est en les appliquant aux différentes allocations que je formerai mon opinion sur chaque article.
Quant au traitement du secrétaire-général du ministère des affaires étrangères, je ne crois pas qu’il faille le comparer à celui du ministère de la justice ; sa besogne est plus considérable et plus importante, surtout dans le moment actuel, où les protocoliseurs de Londres donnent beaucoup de travail, et ce travail sera encore augmenté, et par les négociations qui seront les conséquences nécessaires de la ratification des 24 articles par toutes les puissances, et par les nouvelles relations à établir. Je voterai donc pour l’allocation proposée par M. le ministre.
(Moniteur belge n°84, du 24 mars 1832) M. Bourgeois. - J’ajouterai quelques mots à ce que vient de dire notre honorable collègue. Je crois aussi que les intentions de la section centrale ont été pures, mais il faut, quand on propose des réductions, qu’elles soient rationnelles. Messieurs, le secrétaire général des affaires étrangères doit non seulement avoir des connaissances fort étendues pour remplir sa fonction, mais il a à s’acquitter, en outre, de celle de secrétaire de la marine. D’après cela, et quand un ministre, qui vient encore de nous donner une preuve de son désir d’économie, nous dit qu’il a fixé son budget consciencieusement et de manière à ce que le service ne soit pas entravé, je pense que nous ne pouvons lui refuser l’allocation qu’il demande.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, le département de la marine est aujourd’hui réuni à celui des affaires étrangères. Par arrêté du 10 mars 1831, M. le régent avait nommé un secrétaire général aux appointements de 3,500 fl. Cette place a été supprimée depuis, et les devoirs en sont remplis par le secrétaire général du département des affaires étrangères. Il résulte donc de ce cumul de fonctions une économie réelle de 3,500 fl. Il me semble que ce serait agir contrairement aux intérêts d’une bonne administration et de la marche des affaires, que de vouloir réduire encore le traitement du secrétaire-général. Dans tous les pays, le traitement du secrétaire-général des affaires étrangères, ou celui qui, sous un autre nom, en remplit les fonctions, est toujours mieux rétribué que ceux qui ont le même rang dans d’autres départements ministériels. Et, en effet, ces fonctions exigent des études toutes spéciales, en histoire, en politique et en administration. Il faut, en outre, remarquer que l’année dans laquelle nous venons d’entrer offrira au ministère des affaires étrangères d’immenses travaux à remplir ; non seulement on y aura la besogne courante, qui est déjà immense dans un pays naissant, mais c’est encore le ministère des affaires étrangères qui sera chargé de correspondre avec les commissions de liquidation et de démarcation à créer en vertu du traité du 15 novembre ; c’est le ministère des affaires étrangères qui devra recueillir les matériaux nécessaires, faire les recherches et les études requises, rédiger les instructions et les transmettre successivement aux diverses commissions qui seront obligées de s’y conformer rigoureusement, et qui ne pourront s’en départir en aucun point, sans y avoir été expressément autorisées par le ministère des affaires étrangères. Je vous laisse à juger vous-mêmes toute l’étendue de ces travaux : il faudra un dévouement immense et des efforts au-delà de ce qu’on peut exiger de l’homme, pour que le ministère des affaires étrangères puisse suffire à une telle besogne avec les employés dont il se compose actuellement. Or, le secrétaire-général est l’âme des bureaux : c’est lui qui les dirige et les fait mouvoir, et c’est sur lui que retombe vis-à-vis du ministre toute la responsabilité ; et c’est lorsque, par la suppression du secrétaire-général de la marine, j’ai déjà opéré une économie réelle de 3,500 fl., que la chambre voudrait encore réduire le traitement existant du secrétaire général !
Les observations que je viens de vous présenter sur le secrétaire-général peuvent, en grande partie, trouver leur application aux autres employés du ministère. On propose de réduire le traitement du chef de division de 2,500 fl. À 1,800 ; il est à remarquer que le traitement de ce chef de division, alors exclusivement chargé de la comptabilité, avait été fixé par le gouvernement provisoire à 2,700 fl., et qu’il existait encore à cette époque deux autres chefs de division, sous le titre de secrétaire, toujours indépendamment du secrétaire-général, dont l’un jouissait d’un traitement de 3,000 fl., et l’autre d’un traitement de 2,700 fl. Ces deux places ont été supprimées ; d’où il résulte donc une économie réelle de 5,700 fl., et le chef de division actuel a été réduit de 2,700 à 2,500 fl.
Vous voyez par là, messieurs, que le gouvernement s’est empressé d’opérer toutes les économies compatibles avec le bien du service et la marche régulière de l’administration.
Indépendamment de ses fonctions de chef de la comptabilité, le chef de division au ministère des affaires étrangères est même chargé de tout ce qui concerne les consulats, de la nomination des consuls, de la délivrance des commissions, de l’expédition des actes d’exequatur et de toute la correspondance commerciale. Vous ne pouvez donc faire aucune comparaison entre un chef de comptabilité à la cour des comptes et un chef de division, dont les fonctions sont aussi diverses. Au surplus, messieurs, il est une observation générale, qui ne doit pas vous échapper : le nombre des employés a été réduit dans le courant de l’année dernière de 14 à 8, et il en est résulté une économie réelle de 8,100 fl., et il résulte encore du budget une économie de 200 fl.
On propose également d’opérer une réduction sur les traitements des deux chefs de bureau et autres employés du ministère, et de n’allouer, à cet effet, que 5,500 fl., ce qui réduirait la somme demandée de 2,300 fl.
Je déclare, messieurs, que, dans l’état actuel de l’organisation de mon ministère, cette réduction est impossible, et que je ne puis pas assurer le service avec la somme qu’on propose d’allouer. Je vous ai fait connaître toutes les réductions que j’ai opérées moi-même, et qu’a opérées mon prédécesseur, M. Lebeau ; il m’est impossible de consentir à aucune réduction ultérieure. Mon budget, pour ce qui concerne le personnel de l’administration centrale, a été fait avec conscience et avec la plus sévère économie ; en voulant y porter la main de nouveau, on compromettrait évidemment le service, et on me mettrait peut-être dans l’impossibilité de remplir les devoirs qui me sont imposés. Car, je vous déclare, messieurs, que sans les surnuméraires attachés au ministère, sans traitements, le travail ne pourrait même plus, dès à présent, être tenu au courant, ni expédié avec l’exactitude et la promptitude convenables.
Il est demandé pour le salaire des huissiers, messagers et du portier, 2,700 fl., et la section centrale propose de n’allouer que 2,050 fl., parce que, dit-elle, il n’a été payé que cette somme pendant l’exercice 1831, et qu’il n’y a pas de motif d’augmenter le salaire qu’ils ont reçu jusqu’ici. Je conviens qu’il n’y a pas de motif d’augmenter leur salaire, mais je crois aussi qu’il n’existe pas de motifs suffisants pour le diminuer. Or, c’est cependant ce que la section centrale vous propose de faire, parce que, en calculant ce qui a été payé aux personnes de cette catégorie, pendant l’exercice 1831, par le comité diplomatique et le ministère des affaires étrangères, la section centrale ignorait que, pendant les premiers mois de 1831, les huissiers et messagers du gouvernement provisoire, établi dans le même local que le comité diplomatique, faisaient aussi le service de ce comité, et qu’en outre la portière a été payée, pendant toute l’année, pour moitié par le ministère de la justice et pour moitié par le ministère des affaires étrangères. Mais, comme il est probable que ces deux ministères ne continueront pas à siéger dans le même local, on a dû porter éventuellement l’intégrité du traitement de la portière.
En outre, messieurs, le service du département de la marine est fait par les mêmes huissiers et messagers. En définitive, on n’a nullement l’intention d’augmenter le salaire ni le nombre des huissiers et messagers, ni le salaire de la portière. On se propose de conserver le tout dans l’état actuel. Je ferai cependant remarquer qu’il est demandé ici une somme de 400 fl. au-delà des besoins réelles de ce service, qui ne coûte que 2,300 fl. ; l’une ou l’autre de ces personnes, par maladie grave ou accidents imprévus, se trouverait momentanément hors d’état de continuer le service. Nous avons pensé qu’il y aurait, dans ce cas, quelque inhumanité à défalquer sur le modique traitement d’un pareil serviteur ce que l’on devrait payer à celui qui le remplace ; mais, hors ce cas, cette somme de 400 fl. restera disponible, et il n’en sera fait aucun emploi.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) appuie aussi l’allocation par le motif qu’il n’y a aucune analogie entre son département et celui des affaires étrangères, et le traitement demandé pour le secrétaire-général de ce dernier ministère n’est pas trop élevé, vu l’accroissement de besogne qu’il a et les connaissances qu’il doit posséder.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, je crois que nous subissons aujourd’hui la loi de l’impérieuse nécessité. Selon moi, on ne peut jamais demander aux contribuables plus que leurs ressources ne permettent de donner ; et c’est peut-être le temps de mettre de la parcimonie dans les traitements, jusqu’à ce que des temps plus heureux nous permettent d’agit autrement. Le budget qu’on nous a présenté et qui s’élève à 91 millions est impayable, et nous sommes contraints par l’impérieuse nécessité de le réduire. Je ferai remarquer, d’ailleurs, que sous l’ancien gouvernement, le secrétaire-général de la justice recevait 4,000 fl. d’emoluments comme celui des affaires étrangères. Le principe est donc déjà établi, et je ne vois pas pourquoi nous voudrions en dévier.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je désire faire observer à la chambre qu’il n’y a aucune analogie entre l’ordre des choses actuel et celui du gouvernement hollandais. Il est impossible d’établir une comparaison, parce qu’alors, indépendamment du secrétaire-général des affaires étrangères, il y avait un conseiller de légation et des référendaires qui occupaient un grade supérieur à ce secrétaire. La somme globale que je demande sera répartie proportionnément sur les employés qui restent, et, si par la suite ils ne suffisent pas à la besogne, il faudra réduire leurs traitements pour payer les employés supplémentaires. Du reste, je prends l’engagement, dès aujourd’hui, de faire toutes les économies possibles. (Aux voix ! aux voix !)
- La clôture est prononcée.
M. Dumortier obtient cependant la parole comme rapporteur. Il s’attache à justifier les diminutions proposées par la section centrale ; il dit qu’en Hollande même on a réduit les traitements des ministres de 20,000 à 15,000 fl., ainsi que ceux des employés. Du reste, dit-il, on part d’une base fausse quand on dit que nous voulons réduire les émoluments des fonctionnaires ; si nous envisageons la retenue que leur avait imposée le congrès, nous voyons que ce que nous proposons est infiniment préférable pour eux.
M. Ch. de Brouckere fait remarquer que c’est par erreur que M. le rapporteur a dit qu’en Hollande les traitements avaient été réduits de 15 à 20,000 fl. ; car ces traitements n’ont toujours été que de 15,000 fl. ; seulement il y avait un quart en sus pour le temps où ils résidaient à Bruxelles. Il en était de même pour les conseillers d’Etat.
M. H. de Brouckere dit à son tour que la retenue imposée aux employés, par le congrès national, n’a été faite que parce qu’on avait frappé les contributions foncière et mobilière d’un emprunt forcé ; mais que ce n’était qu’un sacrifice momentané comme celui des contribuables. Et vouloir argumenter de là que les employés étaient plus maltraités par cette retenue que par les réductions proposées, c’est un raisonnement tout à fait faux. D’ailleurs, ajoute-t-il, les réductions, loin d’être plus douces que la retenue, s’élèvent à plus du double.
M. Dumortier s’appuie sur le budget décennal de la Hollande pour prouver que les ministres avaient 20,000 fl. ; mais M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) fait remarquer que le ministre de la marine, qui ne résidait pas à Bruxelles, ne jouissait que d’un traitement de 15,000 fl.
- La réduction de la section centrale est mise aux voix et rejetée.
« Art. 3. Matériel du ministère : fl. 8,400. »
La section centrale propose de n’allouer que 6,000 fl.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, à l’époque où ce budget fut rédigé, nous n’avions aucune donnée pour fixer la somme requise pour le chauffage et l’éclairage du ministère et des bureaux. Comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, pendant les trois premiers mois de l’année, le comité diplomatique, créé au mois de novembre 1830, a siégé dans le même local que le gouvernement provisoire, et il n’existait pas pour cette partie de comptabilité particulière et distincte entre le gouvernement provisoire et le comité diplomatique. D’un autre côté, ce budget a été rédigé dans les premiers jours de novembre 1831, et dès lors, n’ayant aucun précédent, il m’était impossible de prévoir ce que pourraient coûter l’éclairage et le chauffage. La comparaison qu’on a voulu établir, de ce chef, entre le ministère de la justice et celui des affaires étrangères, est entièrement inexacte : 1° en ce que l’éclairage et le chauffage de la portière sont exclusivement supportés par le ministère des affaires étrangères ; 2° en ce que l’éclairage et le chauffage du vestibule, appartenant en quelque sorte aux deux ministères, ont toujours été à la charge exclusive du ministère des affaires étrangères ; et 3° en ce qu’il n’existe aucune analogie entre les travaux de l’un et de l’autre ministère.
La besogne du ministère de la justice n’est jamais tellement urgente qu’elle ne puisse pas se faire le jour, et au besoin être remise au lendemain. Les travaux du ministère des affaires étrangères sont d’une nature toute différente, et, ne fût-ce que par économie seule (cette économie est considérable) et pour profiter des courriers envoyés par des ambassadeurs étrangers et par le Roi lui-même, on est souvent obligé de travailler la nuit, et même régulièrement deux fois par semaine. Vous sentez que ce travail de nuit augmente nécessairement les frais de chauffage et d’éclairage ; mais, d’un autre côté, il en résulte une économie immense sur les frais de courriers, et cette dernière économie, nous avons cherché à la pousser aussi loin que possible, parce qu’elle est réelle et ne nuit à personne. Toutefois, j’ai le plaisir de pouvoir vous avouer que je me suis trompé dans les prévisions, et qu’il y aura sur cet article une assez forte réduction à faire.
La somme demandée pour fournitures de bureau, frais d’impression et de reliure, achat de livres et de cartes, abonnements aux journaux belges et étrangers, ports de lettres et de paquets, et autres menus frais, s’élevant à 6,200 fl., a paru exorbitante à la section centrale, parce qu’elle est quatre fois plus élevée que celle demandée par le ministère de la justice. D’abord, cette assertion n’est pas exacte, puisque le ministère de la justice demande 1,800 fl., et que 4 fois 1,800 fl. font 7,200 fl. et non 6,200 fl. Mais, non seulement la comparaison ici manque encore une fois de justesse, elle est même ridicule. Le ministère de la justice a toute sa correspondance dans l’intérieur, il y jouit de la franchise, il ne paie aucun port de lettres.
Le ministère des affaires étrangères a presque toute sa correspondance à l’extérieur, et je n’hésite pas à vous prédire que, lorsque le pays sera définitivement constitué et toutes nos relations établies, le port des lettres seul absorbera au-delà de la somme globale que nous vous demandons. En Hollande, on portait au budget, pour port de lettres et de paquets, une somme de plus de 13,000 fl., et chaque année elle était épuisée.
Dans le ministère des affaires étrangères, les provisions de consuls, les exequatur de commissions consulaires, les lettres de créance et une foule d’actes actes se délivrent sur parchemin, tandis qu’au ministère de la justice tout s’expédie sur papier ordinaire. Le ministère des affaires étrangères a indispensablement besoin de se procurer des recueils de traités, des ouvrages de droit public, des livres et des cartes sur la Belgique et la Hollande, etc. La connaissance des journaux étrangers est de la plus haute importance pour ce ministère ; l’abonnement aux seuls journaux publiés sous la direction et sous l’influence des gouvernements, tel que le Moniteur français, le Staats Courant, le Journal de la Haye, l’Observateur Autrichien, la Gazette d’Etat de Prusse, le Journal de Saint-Pétersbourg, et à un ou deux journaux anglais, donne lieu à une dépense considérable, mais nécessaire.
Les traités et les actes de ratification des traités se font dans une forme tout à fait extraordinaire et très coûteuse ; il ne peut donc d’établir aucune analogie entre les dépenses occasionnées de ce chef au ministère de la justice, ni même à aucun autre ministère, et celles qu’on est obligé de faire au ministère des affaires étrangères. Aussi, la somme de 6,200 fl. n’est susceptible d’aucune réduction ; je crois même qu’elle sera insuffisante, et que plus tard un crédit devra être ouvert de ce chef.
M. le ministre annonce, en terminant, qu’il consent à une réduction de 1,000 florins seulement sur l’article pour le chauffage.
- La réduction de la section centrale est rejetée.
Le chiffre de 7,400 fl., proposé en dernier lieu par M. le ministre des affaires étrangères, est adopté.
(Moniteur belge n°85, du 25 mars 1832) M. Mary. - Messieurs, des paroles de découragement sont tombées hier de la tribune ; on a signalé les effets de la crise commerciale et industrielle qui nous afflige, on en a suivi les conséquences sur le bien-être matériel de la société, et devant elles on a fait disparaître les bienfaits des nouvelles institutions qu’a consacrées notre pacte fondamental.
Gardons-nous cependant de céder à cet entraînement de plaintes, ou exagérées, ou dont un avenir, qui se lève chaque jour moins nébuleux, affaiblira, détruira même les sombres couleurs. A la suite de toutes commotions, de tous changements politiques, l’industrie, qui ne prospère qu’au milieu de la stabilité, seule capable de donner la hardiesse de se livrer à d’aventureuses entreprises, l’industrie s’est ralentie. Les débouchés, que jusque là elle s’était créés, se sont fermés ; il a fallu chercher d’autres relations ; mais l’esprit commercial, toujours habile à saisir les chances qui lui offre quelque espoir de succès, a rarement succombé au marasme momentané que lui imprimait un changement d’ordre social. Rappelons-nous 1814, alors que notre séparation d’avec la France enlevait à nos riches productions des marchés que depuis vingt ans elle alimentaient. Nos houilles furent délaissées, nos forges chômèrent, et les propriétaires des bois qui servaient à leur consommation n’en retirèrent pas de quoi fournir au paiement de l’impôt ; les filatures, les imprimeries de coton, les fabriques de draps, semblèrent presque anéanties ; nos toiles de Flandres ne trouvèrent plus d’acheteurs.
Eh bien ! quelques années suffirent pour changer cet état de malaise contre une prospérité qui, factice peut-être chez quelques-uns de ceux qui puisaient aux millions de l’Etat, n’en était pas moins réelle pour le plus grand nombre.
Qu’a-t-il fallu pour opérer ce changement ? Bien moins les marchés de la Hollande où nous pourrons plus tard arriver encore en concurrence avec les autres nations, que les débouchés que nous nous étions ouverts à l’étranger. Ces ressources, nous les avons toujours ; ces rapports, aujourd’hui affaiblis ou détruits, nous pouvons les renouer : Les peuples, au point où en est arrivé la civilisation, dépendent mutuellement les uns des autres et se doivent des concessions réciproques. C’est la diplomatie qui est appelée à réunir en un faisceau les intérêts divergents des nations du globe. Grand, sublime est son rôle, si elle sait le remplir et reconnaître sa vocation !
Malheureusement notre œil est à tort bien plus frappé de ses écarts que de ses avantages. Il semble que des ministres ne sont le plus souvent envoyés près des cours étrangères que pour le vain plaisir d’y étaler, aux dépens de la nation qu’ils représentent, le luxe et la richesse. On ne voit pas qu’il faut les placer assez haut pour qu’ils puissent approcher sans cesse du pouvoir régnant et de ceux qui l’entourent, et qu’appelés à juger les peuples, ils doivent ouvrir leurs salons à toutes les notabilités. Cependant les dépenses ont des bornes, et, au lieu d’accroître les traitements de nos agents extérieurs, je voudrais appliquer les économies que nous pouvions faire sur les uns à l’établissement de nouvelles légations, destinées surtout à favoriser notre commerce. Nous n’en avons encore que onze de projetées, tandis que le royaume des Pays-Bas en avait vingt-cinq et six consulats généraux qui ensemble lui coûtait 1,135,000 francs.
Au lieu de décrier sans cesse la diplomatie, reconnaissons-en plutôt les bienfaits ; applaudissons-la, lorsque, se plaçant entre deux parties belligérantes, elle arrêté l’effusion du sang, réunit par des liens communs d’intérêt et d’amitié des peuples ennemis ; lorsque, par des explications opportunes, elle fait disparaître les causes qui pourraient troubler la paix, détruit les germes de discorde et vient concilier les différends. Bornée, cependant, à ces seuls travaux, sa mission pourrait n’être que momentanée ; elle est de tous les jours, de tous les instants, si, appréciant l’importance de ses devoirs, si, fort d’études spéciales sur le commerce et l’industrie, un diplomate sait éclairer son gouvernement sur les moyens d’étendre le commerce de sa nation, s’il le fait participer aux progrès de l’industrie, des sciences et des arts. C’est alors que les dépenses de la diplomatie sembleraient bien plus profitables qu’onéreuses, et que ses avantages compenseraient largement ce qu’elles ont de pesant pour le contribuable.
Le traitement des agents extérieures coûte en Angleterre deux millions et demi de francs, et en France trois millions.
A ces envoyés extraordinaires, ces puissances joignent une légation nombreuse et instruite. Ici, où l’on ne nous demande qu’environ 300,000 francs pour le traitement de nos agents près de onze puissances, nous devons chercher dans un seul homme la réunion de connaissances variées. Pays neutre, ce ne sera guère que près les cinq grandes puissances et de la Hollande que nous aurons besoin de ministres résidants. Près des autres, il nous faudra de simples agents, qui soient bien au courant de nos intérêts commerciaux, puisque ce sera principalement à les favoriser que doivent tendre leurs efforts. Que surtout ils ne considèrent pas leurs fonctions comme d’agréables sinécures qu’ils dépensent à l’étranger, mais comme d’importantes missions, dont le succès peut avoir une immense influence sur le bien-être matériel de leurs concitoyens. Il n’est que deux des légations mentionnées au budget qui soient remplies. C’est dans la pensée que les autres ne seront données qu’à des personnes capables, et possédant surtout des connaissances commerciales et industrielles que je donnerai un vote affirmatif aux allocations demandées par le gouvernement, mais avec quelques-unes des modifications proposées par la section centrale.
M. Tiecken de Terhove. - Je viens appuyer les amendements proposés par la section centrale, quoique le chiffre me paraisse encore trop élevé, dans l’espoir que l’année prochaine on pourra introduire sur cet article de nouvelles économies. Dans ma pensée, nous n’aurions pas besoin à la cour de France et de la Grande-Bretagne, et bien moins encore aux autres cours, des agents diplomatiques d’un rang aussi élevé que ceux qu’on nous propose. Mais, puisqu’à ces deux cours, il y a des ministres plénipotentiaires, qu’ils ont, en cette qualité, commencé les négociations qui, d’après ce qu’on nous assure et j’en accepte volontiers l’augure, sont près de finir d’une manière favorable, je ne ferai, pour cette année, aucune observation ultérieure à cet égard ; mais, pour ceux qui ne sont pas nommés encore, il me semble qu’on n’aurait pas besoin de leur donner un rang si élevé, et que, pour toutes les autres cours, de simples chargés d’affaire pourront remplir aussi convenablement la mission dont ils seront chargés. Ce titre plus modeste conviendrait mieux à l’état de nos finances, qui ne sont rien moins que brillantes, et serait plus en harmonie avec la situation d’un peuple qui ne peut exercer aucune influence politique en Europe, puisqu’il a consenti à accepter un rôle purement passif, celui d’un peuple perpétuellement neutre.
Il serait étrange que les agents diplomatiques d’un tel peuple portassent le titre pompeux d’ambassadeurs, avec le luxe qui environne d’ordinaire ces personnages. En le leur accordant, au contraire, que le titre de chargé d’affaires, ils pourront vivre honorablement, avec des appointements bien moins considérables que ceux dont on propose l’allocation, parce que, dans ce rang plus modeste, ils n’auront pas besoin de ce luxe de représentation, tel qu’un bel hôtel, voitures, livrées, etc. et nos affaires, si on fait de bons choix, n’en seront pas moins bien traitées.
On ne nous a pas fait hier de citations pour nous prouver que d’autres Etats, qui ne sont pas plus populeux ni plus riches que nous, entretiennent bien, à grands frais, des ministres et des ambassadeurs auprès des cours étrangères ; on est allé jusqu’à nous citer ce que ces agents diplomatiques coûtent à la France : citation qui ne m’a pas paru heureuse, puisque, sans doute, il n’y a nulle comparaison entre nous et la France. Mais je tiens peu compte de ces citations, et j’espère qu’elles n’exerceront aucune influence sur la chambre. J’observerai d’ailleurs que notre position de neutres nous place dans une situation toute différente des autres puissances du même ordre, situation cependant dont on nous a tant vanté, dans le temps, tous les avantages, mais que je ne comprends pas bien encore aujourd’hui, puisqu’il semble qu’elle ne nous procure pas même une économie dans nos dépenses diplomatiques.
Mais, messieurs, faisons notre ménage nous-mêmes, et réglons nos dépenses sur nos ressources et d’après l’importance politique que nous sommes appelés à occuper en Europe, sans chercher des exemples chez nos voisins, à moins que, dans l’intérêt de la nation, il ne soient bons à suivre. Nous, petite puissance neutre , pourrions-nous avoir la ridicule vanité d’entretenir à grands frais des agents diplomatiques, à l’égale des grands puissances ? Adoptons plutôt ces formes modestes, qui conviennent si bien à l’exiguïté de nos frontières et de nos moyens, et au rôle purement passif que nous avons adopté, et dont on nous a vanté toutes les douceurs, tous les avantages, mais dont, je le crains bien, nous ne sommes pas destinés à jamais jouir.
(Moniteur belge n°84, du 24 mars 1832) M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, la section centrale propose de fortes réductions sur le traitement des agents diplomatiques. Je conviens que quelques-uns de ces traitement sont disproportionnés avec les traitements de nos fonctionnaires à l’intérieur, et qu’au premier abord ils peuvent paraître exorbitants à ceux qui n’ont pas l’habitude de vivre à l’étranger, et qui ne connaissent pas les dépenses forcées auxquelles sont soumis les agents diplomatiques.
La section centrale pense qu’il est nécessaire de bannir de notre diplomatie un luxe trop onéreux à la nation, et qui ne sied qu’aux grandes puissances. Je partage cette opinion ; aussi le gouvernement ne vous propose-t-il pas, à l’instar des grandes puissances, des traitements de 250,000 et de 300,000 fr. ; il renonce même entièrement aux agents diplomatiques de premier ordre, et il ne vous propose d’allouer à ses ministres qu’un traitement inférieur à celui de toutes les autres puissances. Sans doute, l’économie est désirable, et j’en suis aussi sincèrement partisan que les membres de la section centrale ; mais, de deux choses l’une : ou vous devez renoncer aux agents diplomatiques, ou vous devez les mettre à même de vous rendre les services que vous exigez d’eux.
Si vous avez des agents diplomatiques qui, par leur position, sont hors d’état de se concilier l’influence et la considération dont ils ont besoin pour remplir leur haute mission, la somme que vous allouerez de ce chef est une dépense entièrement perdue, sans aucune utilité pour le pays. Mais, dit la section centrale, la Belgique ne formera plus qu’un état de troisième ordre. Ce n’est pas là que gît la difficulté, et le véritable point de la question me semble ne pas avoir été touché par la section centrale. Ce qu’il importe surtout d’apprécier, ce sont les rapports sont lesquels la Belgique a besoin de la diplomatie, et, dans cet examen entre la situation d’un Etat, son voisinage, sa base et son mode d’existence, ses nécessités et ses conditions de bien-être, ses moyens et ses garanties d’indépendance.
Lorsqu’une nation placée au milieu des grandes puissances de l’Europe occupe un territoire qui fut toujours pour celles-ci un objet de convoitise, après avoir été souvent une cause de guerre ; lorsque cette nation ne peut exister qu’en se ménageant l’appui des unes contre les autres, en en obtenant de toutes des avantages matériels, sans rompre avec aucune ; lorsque son indépendance et sa prospérité dépendent de la manière dont ses relations de confiance et d’amitié sont entretenues avec les plus puissants de ses voisins, vous conviendrez messieurs, que l’activité de ses agents doit l’instruire, en temps utile, de tout ce qui l’intéresse et la menace. Je ne comprends donc pas qu’il puisse paraître rationnel de réduire la diplomatie au-dessous de son utilité réelle et même de sa nécessité. Concessions de commerce, secours de leurs armes, appui de leur médiation, protection et faveur dans les traités, nous avons beaucoup à demander à nos voisins, et nous pourrions avoir beaucoup à craindre d’eux.
Telle est la loi de notre position géographique. Que pourrait une administration intérieure, fût-elle parfaite, contre le mauvais vouloir, contre les surprises et les hostilités sourdes ou patentes des gouvernements voisins ou de l’un d’eux ? Supposez des bâtiments de notre commerce arrêtés ou molestés dans les eaux intérieures de la Hollande, notre navigation inquiétée sur l’Escaut, sur la Meuse ou sur le Rhin, la communication par une route de fer interceptée par un territoire étranger ; supposez le cas d’un projet ou d’une démonstration hostile de la part de l’une des grandes puissances qui nous avoisinent, par les frontières de terre ou de mer ; chacun de ces cas pourrait être funeste et avoir les suites les plus fâcheuses pour notre commerce, notre industrie, je dirai même notre indépendance, si de pareils cas n’étaient en temps utiles prévus, signalés et prévenus, et ils ne peuvent l’être que par l’influence de position des diplomates belges près des grandes puissances, et par la conviction répandue chez l’étranger que cette influence existe ;or, je crois qu’elle est impossible si les propositions de la section centrale sont admises, et plus particulièrement encore pour Londres et pour Paris.
M. Dumortier insiste pour les réductions de la section centrale.
(Moniteur belge n°85, du 25 mars 1832) M. H. Vilain XIIII. - Messieurs, je m’étonne que l’on ne cesse de proposer de nouvelles réductions sur le traitement de nos ministres à l’étranger, et que, d’une autre part, on exige de ces ministres un surcroît de travail. En effet, à l’occasion du chapitre qui nous occupe, on veut diminuer les appointements de ces agents, et l’on demande cependant que notre gouvernement se hâte de conclure des traités de commerce, qu’il établisse de nouvelles relations, et multiplie l’influence de notre politique dans toute l’Europe, et surtout en France et en Angleterre. Je ne comprends pas très bien comment ces traités et ces relations pourraient s’établir alors que l’on diminue les agents qui doivent les conclure, et comment les affaires pourraient se terminer quand les hommes, faute d’un salaire suffisant, viendraient à manquer ; car les affaires ne se font pas seules.
En proposant ces réductions, on oublie aussi quelle doit être notre position en Europe, une fois que notre indépendance et surtout notre neutralité seront reconnues ; et cependant, c’est lorsque des guerres éclateront qu’il devient de la plus grande importance de posséder des diplomates capables au-dehors, afin de conserver au pays les bonnes amitiés qu’on aura cultivées pendant la paix, et de ménager la conservation des débouchés commerciaux si productifs pendant la guerre, si l’habilité de nos agents à l’extérieur parvient à en conserver la franchise à l’abri de notre position neutre et centrale en Europe.
Je demanderai ensuite à ceux qui avancent que le service d’une diplomatie convenablement rétribuée n’est pas nécessaire à notre jeune indépendance, et qui veulent souvent gouverner cette partie si intéressante du nouvel Etat avec des idées d’économie particulière, et en la comparant à la besogne d’une maison de commerce, je demanderai si une maison de commerce, au moment où elle veut s’ériger, n’emploie point de commis habiles et des agents utiles et affidés, qui vont à l’étranger fonder son crédit et préparer sa prospérité. Il devient donc nécessaire, messieurs, de rechercher également tous les moyens de créer une réputation de solidité, de force et de bonne foi à la Belgique, et, pour atteindre ce but, d’employer des diplomates instruits et par conséquent rétribués proportionnellement à leurs dépenses et à leurs travaux.
Car, que l’on ne s’y trompe pas, si on diminue inconsidérément les appointements de ces fonctionnaires, on devra, pour trouver des employés, recourir aux citoyens des hautes classes de la société, et qui, au moyen de leur richesses, pourront supporter les frais de longs voyages et de représentation, nécessaires à leur rang. On écarterait ainsi toutes les personnes peu fortunées, mais dont les capacités auraient pu servir au pays ; on aura créé une espèce d’exclusion contre une partie nombreuse et éclairée de la société. Ce système d’économie, appliqué surtout au ministère des affaires étrangères, tendraient ainsi à placer à la tête du gouvernement l’aristocratie de fortune, et souvent même de naissance, tandis que les citoyens qui la composent, ainsi que tous les autres, ne doivent prétendre à la direction des affaires publiques qu’autant qu’ils en ont les capacités et les connaissances. C’est pour éviter toutes ces suites fâcheuses que j’appuierai les diverses allocations demandées par le ministre pour le service de son département.
(Moniteur belge n°84, du 24 mars 1832) M. Delehaye demande la division de l’article premier.
« Paragraphe A. France. Traitement de l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, d’un secrétaire et d’un commis : fl. 30,000. »
La section centrale propose de réduire cette allocation à 22,000 fl.
Cette réduction est mise aux voix et adoptée.
« Paragraphe B. Grande-Bretagne. Un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, un secrétaire et un commis : fl. 42,500. »
La section centrale propose une réduction de 11,000 fl. qui est mise aux voix et adoptée.
« Paragraphe C. Prusse. Un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, et un secrétaire, 22 fl. »
La commission propose de n’allouer que 18,000fl.
Cette réduction est adoptée.
La somme globale, fixée ainsi à 71,500 fl. est également adoptée.
« Paragraphe A. Autriche. Traitement d’un ministre résidant : fl. 16,000. »
La commission propose de n’allouer que 10,000 fl.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ferai remarquer que la somme que l’on propose pour le ministre résidant à Vienne est tout à fait insuffisante. Il propose par amendement de la porter à 14,000 florins.
M. Dumortier. - On n’avait alloué en 1831 que 10,000 florins pour cet objet.
M. H. de Brouckere. - Mais l’année dernière il s’agissait seulement d’un chargé d’affaires, et aujourd’hui c’est un ministre résidant. Ainsi l’observation de M. Dumortier tombe d’elle-même.
M. Delehaye. - Messieurs, ce n’est pas à nous de déterminer la qualification des agents, mais seulement le montant de l’allocation. C’est pour cela que nous n’avons fixé que la somme.
M. Destouvelles. - Il me semble pourtant que la qualification doit influer sur le traitement.
M. Lebeau. - il importe de savoir, en votant une allocation, si elle peut avoir un but utile. Or, je pense que celles que nous allons voter n’atteindraient pas ce but, si nous n’envoyions en Autriche et en Russie que de simples chargés d’affaires ; car il est aussi important qu’il est nécessaire d’avoir des ministres résidant près des puissances signataires du traité. Je ferai remarquer, en outre, que les chargés d’affaires ne peuvent pas communiquer avec les souverains, et c’est une considération qu’il ne faut pas perdre de vue.
M. Delehaye répète que la section centrale n’a pas touché à la qualification.
M. Nothomb, qui vient d’entrer dans la salle, demande la parole et s’exprime ainsi. - Voici le raisonnement de M. Delehaye : C’est le gouvernement qui qualifie les agents qu’il envoie, et nous fixons leur traitement. Mais n’y a-t-il pas une corrélation entre ces deux points ? Comment ! vous dites : Je veux bien accepter la qualification de résidant ministre, et cependant je n’accorde que le traitement exigu de chargés d’affaires ! N’est-ce point décider, messieurs, qu’il n’y aura qu’un simple chargé d’affaires ? Mais si l’on veut un ministre résidant, il faut bien lui accorder les ressources nécessaires. Je ferai observer, d’ailleurs, que la section centrale a dit dans son rapport qu’il serait bon d’accréditer des ministres résidant auprès des cours de Vienne et de Pétersbourg.
M. Dumortier. - La citation est inexacte : nous avons dit seulement que cela serait peut-être bien plus tard. Quant à l’influence que peut avoir la qualification de l’envoyé sur ses rapports avec les puissances, je répondrai qu’on peut bien laisser subsister cette qualification et n’accorder que 10,000 fl., car plus de cinquante personnes déjà offrent de se charger de la mission moyennant cette somme.
M. Nothomb. - Je prends acte des paroles de M. Dumortier : elles ne veulent pas dire autre chose que les agences diplomatiques ne serons plus que des sinécures agréables : car si nous les accordons à ceux qui voudront s’en charger pour 10,000 fl., il s’ensuivra qu’elles ne seront plus remplies par l’homme de mérite et de talent, mais par l’homme riche, qui y verra un moyen de se procurer de l’agrément. Ainsi ce serait une prime que nous accorderions à l’aristocratie de fortune. Si nous ne voulons pas le faire, il faut adopter l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères.
M. Osy propose une allocation de 12,000 fl. seulement.
- La réduction de la section centrale est rejetée. La proposition de M. Osy est également rejetée.
Le chiffre de 14,000 fl., proposé par M. de Muelenaere, est adopté.
« B. Traitement d’un ministre résidant en Russie : fl. 16,000. »
La section centrale propose une réduction de 1,000 fl. ; cette réduction est rejetée.
« C. Traitement d’un ministre résidant aux Etats-Unis : fl. 14,000. »
La section centrale propose une réduction de 4,000 fl.
M. Nothomb. - Je demande que la réduction ne soit portée qu’à 2,000 fl.
M. Dumortier. - Je tiens le budget de 1817, et j’y vois que sous l’ancien gouvernement le chargé d’affaires aux Etats-Unis n’avait que 10,000 fl.
M. Nothomb. - Aussi n’était-ce qu’un chargé d’affaires, et il s’agit aujourd’hui d’y envoyer un ministre résidant. Songez, messieurs, que nous avons un traité de commerce à conclure avec ce pays, qu’il faut y envoyer un homme capable, et qui, de plus veuille consentir à s’expatrier ; car c’est une véritable expatriation que d’aller faire un long séjour dans ces pays éloignés.
M. Osy pense qu’un chargé d’affaires suffit, et il fait observer que le chargé d’affaires du royaume des Pays-Bas n’avait que 10,000 fl.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il est très vrai que le chargé d’affaires du royaume des Pays-Bas n’avait que 10,000 fl. ; mais aussi fut-il, ne pouvant pas supporter la dépense, obligé de demander son rappel. Alors on envoya un ministre résidant en Amérique, avec un traitement de 18,000 fl.
M. d’Elhoungne. - Je dois combattre la doctrine émise par M. Nothomb, qui ne tendrait à rien moins qu’à priver la chambre du droit de réduire les dépenses du budget. En effet, de ce que le gouvernement a le droit de donner à ses envoyés les qualifications que bon lui semble, en induire que la chambre ne peut réduire leurs traitements sans forcer le gouvernement à changer ces qualifications, c’est tout bonnement obliger la chambre à voter les dépenses telles qu’on les propose, et la priver, par conséquence, de sa plus précieuse prérogative.
M. Mary. - Vous venez d’élever les traitements des ministres résidant en Autriche et en Russie, parce que vous avez considéré que la vie était fort chère dans ces résidences ; à plus forte raison devez-vous ne pas opérer de réduction pour l’envoyé aux Etats-Unis, car il est reconnu que tout est fort cher et plus cher qu’en Europe. D’un autre côté, il faut envoyer là de toute nécessité un ministre résidant, puisque nous devrons faire avec cette puissance un traité de commerce, qu’un chargé d’affaires ne pourrait pas signer.
M. Lebeau. - Je n’ajouterai qu’un mot à ce que vient de dire M. Mary, c’est que la section centrale s’est mise en contradiction avec elle-même, en allouant pour le Brésil autant que pour les Etats-Unis, tandis qu’il en coûte dans ce dernier pays le double plus pour vivre qu’il n’en coûte au Brésil.
M. H. de Brouckere. - Je suis d’accord avecM. d'Elhoungne que, de ce que le gouvernement propose d’envoyer un ministre résidant, il n’est pas interdit à la chambre de faire les réductions qu’elle juge à propos ; mais voici ce que je dis : le gouvernement propose un ministre résidant, et personne ne conteste qu’il ne soit utile de l’envoyer. Cependant vous refusez les fonds nécessaires : c’est agir contrairement à la raison. Prétendrez-vous qu’un ministre n’est pas nécessaire ? qu’un chargé d’affaires suffit ? Soutenez donc votre opinion ; mais personne ne le prétend, allouez donc les sommes nécessaires pour cela. Au fond, l’allocation demandée par le ministre n’est pas exagérée, et ce qui m’étonne le plus ici, c’est de voir proposer une réduction par la bouche du secrétaire-général des affaires étrangères.
M. Nothomb. - Il n’y a pas de secrétaire-général ici.
M. Dumortier insiste pour la réduction proposée par la section centrale.
M. Gendebien. - L’envoyé aux Etats-Unis recevra-t-il une indemnité de route ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Oui, monsieur.
M. Gendebien. - Sans cela j’aurais proposé une majoration.
- La réduction de la section centrale est rejetée. Celle de M. Nothomb est adoptée.
« Art. 3. Villes anséatiques. Un chargé d’affaires : fl. 6,000. »
M. Osy propose de supprimer l’envoyé aux villes anséatiques, et d’en avoir un auprès de la diète germanique.
M. Ch. de Brouckere. - Je demande la question préalable ; la chambre ne peut que voter sur les allocations qu’on lui demande et non point nommer les fonctionnaires. Ceci est le droit du gouvernement seul. Il envoie des agents diplomatiques où il le trouve bon, vous n’avez que le droit d’allouer ou de refuser les fonds nécessaires.
- Plusieurs voix. - C’est juste.
M. Gendebien. - M. de Brouckere est dans l’erreur ; nous avons le droit de voter un crédit pour qu’on envoie un agent diplomatique dans un lieu déterminé, sauf au gouvernement à l’y envoyer ou non, selon ce qu’il juge convenable.
M. Davignon. - J’appuie la proposition de M. Osy ; nous avons besoin d’un chargé d’affaires à Francfort. Il faut que les Belges voyageant en Allemagne trouvent au moins à qui s’adresser en cas de besoin.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je consens à la proposition de M. Osy.
M. Lebeau. - M. Gendebien a raison (rumeurs), et M. de Brouckere aussi. (Hilarité générale et prolongée.) Oui, messieurs, M. de Brouckere aurait raison si le gouvernement combattait la proposition ; et M. Gendebien aurait raison à son tour si le gouvernement y adhérait. Or, comme M. le ministre gardait le silence, je donnais raison à M. de Brouckere ; puisqu’il adhère maintenant, il n’y a pas de difficulté.
- La proposition de M. Osy est adoptée.
Les paragraphes B, C et D du même article sont adoptés avec les réductions de la section centrale, en ces termes :
« B. Brésil, un chargé d’affaires : fl. 10,000.
« C. Espagne, un chargé d’affaires : fl. 6,000.
« D. Italie, un chargé d’affaires : fl. 5,000.
« E. Suède, un chargé d’affaires : fl. 6,000. »
La section centrale avait proposé une réduction de 1,000 fl. sur ce dernier paragraphe ; cette réduction est rejetée.
« Article unique. Traitements éventuels des agents en non-activité : fl. 4,000. »
M. Leclercq soutient qu’il faut assimiler les traitements portés en cet article comme des traitements d’attente ou des espèces de pensions, et, sous ce rapport, il pense que ce devrait être l’objet d’une loi. Il votera pour l’allocation demandée ; mais il veut qu’il soit bien entendu que la chambre n’a pas voulu par là poser un précédent dont on puisse se prévaloir par la suite.
M. Nothomb et M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) donnent sur cet article des explications, desquelles il résulte que cette allocation n’est destinée qu’à accorder une indemnité temporaire aux agents diplomatiques que des circonstances, indépendantes de leur volonté, forceraient à quitter leur poste, comme, par exemple, si un ministre résidant recevait ses passeports de la cour auprès de laquelle il serait accrédité, parce qu’il aurait défendu avec trop de zèle les intérêts de la Belgique, ou que, par tout autre mode semblable, sa présente ne fût plus possible à cette cour. Tous les ans, au reste, cette allocation sera portée au budget ; il sera loisible aux chambres de l’accorder ou de la refuser.
- Après quelques observations de M. d’Elhoungne, et une réplique de M. Leclercq., l’allocation est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.