Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 10 mai 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 945) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal et donne lecture du procès-verbal de la séance du 8 mai.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pétitions suivantes :

« L'administration communale de Saint-Paul demande rétablissement d'un tribunal de première instance à Saint-Nicolas.

« Même demande des administrations communales de Thielrode, Beveren, Kieldrecht. Burght, Calloo, la Clinge, Kemseke, Sinay, Dacknam, Saint-Gilles-Waes, Meerdonck, Vracene et Cruybeke. >

- Sur la proposition de M. Van Overloop, dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant augmentation du personnel de plusieurs tribunaux.


« Le conseil communal de Saint-Nicolas présente des observations contre la proposition de fractionner la circonscription du tribunal de commerce établi dans cette ville et prie la Chambre, si ce fractionnement devait avoir lieu, de rétablir à Saint-Nicolas un tribunal de première instance. »

- Même renvoi.


« Les commis greffiers du tribunal de Charleroi demandent que le titre de greffier en chef soit donné aux greffiers des cours et tribunaux, et celui de greffier ou de greffier adjoint aux commis greffiers et que la nomination de ces derniers soit conférée au Roi. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Braekevelf, boucher et marchand de bestiaux à Thielt, demande remise d'une amende à laquelle il a été condamné pour exercice illégal de la médecine vétérinaire. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Termonde prie la Chambre d'accorder aux sieurs de Perre et de Rechter la concession d'un chemin de fer de Lokeren à Terneuzen. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l’instruction, trois demandes de naturalisation »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Il est fait hommage à la Chambre, par M. Joseph Hollert, docteur en médecine et ancien notaire à Nil-Saint-Vincent-Saint-Marin, de 110 exemplaires d'une brochure traitant du reboisement en Belgique.

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi augmentant le personnel de certains tribunaux de première instance

Motion d’ordre

M. Van Overloop. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Le premier objet à l'ordre du jour est le projet de loi sur l'augmentation du personnel de certains tribunaux de première instance.

Le règlement, article 55 porte : « Le rapport de la section centrale contient, outre l'analyse des délibérations des sections et de la section centrale, des conclusions motivées. Il sera imprimé et distribué au moins deux jours avant la discussion en assemblée générale, sauf les cas où la Chambre en décide autrement. »

Or, messieurs, le rapport de la section centrale n'a été distribué que samedi au soir, par conséquent moins de deux jours avant celui où le projet est porté à l'ordre du jour.

Je demande, en conséquence, que l'ordre du jour, tel qu'il a été fixé samedi, soit suivi. J'ai cherché ce matin dans les Annales parlementaires si la Chambre avait décidé samedi l'urgence. Les Annales parlementaires gardent un silence complet à cet égard.

Je demande donc, dans l'intérêt du respect de notre règlement qui est la garantie des minorités, qu'on suive l'ordre du jour tel qu'il a été fixé mardi et qu'on postpose l'examen du projet de loi sur l'augmentation du personnel de certains tribunaux, aux objets qui se trouvaient à l'ordre du jour de samedi.

M. de Luesemans. - Messieurs, lorsque j'ai déposé le rapport dans la séance de vendredi dernier, j'ai eu soin de dire que, d'après moi, il ne pourrait être distribué que samedi soir. La Chambre n'en a pas moins fixé l'examen de ce projet à aujourd'hui, sans aucune espèce de réclamation de la part de personne.

Je ne viens pas demander à la Chambre de maintenir absolument son ordre du jour. Si l'on croit qu'il y a lieu à exécuter le règlement, je ne m'oppose pas à ce que cette discussion soit renvoyée à demain. Cependant je dois faire remarquer qu'il y a urgence, et voici pourquoi.

Il semble que la chambre, en vue des élections provinciales, a l'intention de prendre quelques vacances. Ces vacances serait prises à la fin de cette semaine, peut-être avant. On dit mercredi, à côté de moi. Eh bien, si la Chambre se séparé mercredi et qu'on remette à demain la discussion de ce projet, il est possible que nous n'ayons pas le temps de la terminer. (Interruption.)

Prenez-y garde, messieurs, beaucoup d'orateurs se feront entendre. Il y a de vieilles rivalités à terminer, et je crains que la discussion ne soit assez longue.

Quoi qu'il en soit, je dois prévenir la Chambre qu'il y a péril en la demeure, pour un second motif. Il faut que ce projet de loi soit voté avant la réunion des conseils provinciaux.

Si le projet est adopté, il y aura plusieurs vice-présidents à nommer et les présentations doivent se faire par les conseils provinciaux. Il importe donc que cette affaire soit terminée au plus tôt.

Du reste, je n'ai pris la parole que pour justifier les motifs pour lesquels le rapport n'a été distribué que samedi soir, et comme rapporteur, je m'en rapporte à la décision de la Chambre.

M. le président. - Avant qu'on aille plus loin, je dois dire à la Chambre que le procès-verbal de la séance de vendredi porte que ce projet est mis à l’ordre du jour d'aujourd’hui.

M. Dolez. - Vous venez d'entendre, messieurs, qu'il y a déjà une décision de la Chambre dérogeant en tant que de besoin à la règle de l'article du règlement que l'honorable M. Van Overloop a invoquée tout à l'heure. Si cette dérogation n'avait pas déjà été décrétée, je l'aurais demandée. Tout le monde est prêt pour la discussion qui ne sera pas bien compliquée, aucun motif n'est donné pour en légitimer l'ajournement. Je crois donc que dans l’intérêt du bon ordre de nos travaux, nous devons passer immédiatement à l'examen du projet.

M. Van Overloop. - Messieurs, j'ignorais que la Chambre eût pris la décision que M. le président nous a fait connaître, mais j'en appelle à l'équité de l'assemblée : l'arrondissement de Saint-Nicolas a été pris au dépourvu ; le désir de ses habitants n'a pas encore pu se manifester assez énergiquement.

J'admets parfaitement qu'il y ait urgence au point de vue de la plupart des dispositions du projet, et moi-même je me rallie volontiers à ces dispositions ; mais je demande que la Chambre veuille bien scinder la loi et renvoyer à une époque postérieure tout ce qui est relatif à l'augmentation du personnel du tribunal de Termonde, à la création d'un tribunal de commerce à Alost, ainsi que la distraction de certains cantons de la circonscription du tribunal de commerce de Saint-Nicolas.

Messieurs, dès que ce projet a été connu des pétitions sont arrivées à la Chambre et d'après ce que j'ai appris, toutes les communes de l'arrondissement pétitionnent en ce moment pour demander l'érection d'un tribunal de première instance de quatrième ordre à Saint-Nicolas. Voilà ce que tout l'arrondissement demande et voilà ce qu'exige la bonne administration de la justice. (Interruption.)

Je demande que la Chambre, mue par des sentiments d'équité, veuille bien ajourner les dispositions du projet qui concernent les intérêts de l'arrondissement de Saint-Nicolas. Nous-mêmes nous n'avons pas eu le temps de réunir tous les documents statistiques à l'aide desquels nous désirons faire connaître exactement à la Chambre la situation réelle des choses.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il m'est, à moi, parfaitement indifférent que la discussion commence aujourd’hui ou qu’elle commence demain, mais je suis tout à fait de l'avis de M. Dolez qua la remise à demain ne peut avoir aucune espèce de résultat.

On prétend que l'arrondissement de Saint-Nicolas a été pris au dépourvu, mais j’ai cci au dossier une pétition de Saint-Nicolas et j'ai eu l’honneur de recevoir deux députations de cette ville. Personne n'a été pris au dépourvu, car les réclamations de St-Nicolas datent d'un demi-siècle. Voici, en effet, ce que je lis dans l’une des pièces que j'ai sous la main :

« Toutes les réclamations longuement détaillées, auxquelles le vice de la circonscription actuelle a déjà donné lieu, ont été adressées dans le temps au gouvernement français en 1810 et 1814, au gouvernement néerlandais en 1819, 1820, 1823 et 1826, et au gouvernement belge en 1831, 1834 et 1838. »

De sorte, messieurs, que cette affaire est très connue, et je ne vois réellement pas ce qu'un ajournement pourrait produire. Absolument rien.

M. Van Overloop. - Si l'on ne consent pas à l'ajournement, je demande au moins que l'on dépose sur le bureau les pièces de l'instruction, les avis des autorités judiciaires et les avis des autorités administratives. Aucune de ces pièces ne nous a été communiquée.

M. Vermeire. - Messieurs, je ne m'opposerai pas non plus à la remise à demain de la discussion du projet de loi, puisque M. le ministre de la justice paraît vouloir accepter cet ajournement.

Mais si jamais projet de loi a été étudié, si jamais projet de loi fut (page 946) parfaitement connu de tous les membres de la Chambre, c'est bien celui qui figure à l’ordre du jour de cette séance.

Comme vient de le dire M. le ministre de la justice, les diverses réclamations faites par les villes intéressées remontent, non pas au jour d'hier, mais à plus d'un demi-siècle.

Je crois donc, sans entrer dans le fond de la question, que le projet de loi actuellement à l'ordre du jour peut, sans inconvénient, être mis en discussion séance tenante.

Discussion générale

M. de Terbecq. - Messieurs, je viens appuyer le projet de loi que le gouvernement a présenté pour l'augmentation du personnel des tribunaux de première instance de Bruxelles, de Louvain, de Charleroi, de Termonde, de Liège et de Dinant.

J'appuie également la création d'un tribunal de commerce à Alost, étendant sa juridiction sur les cantons d'Alost, de Ninove, de Grammont, de Sotteghem et d'Herzele, ainsi que la disposition qui charge le tribunal de première instance de Termonde d'exercer la justice consulaire dans les cantons de Termonde, de Hamme, de Zele et de Wetteren.

L'établissement de ces deux tribunaux consulaires se justifie par le développement considérable que le commerce et l'industrie ont pris depuis plusieurs années dans les arrondissements d'Alost et de Termonde. Les populations nombreuses que ces arrondissements renferment ne peuvent que les accueillir avec une vive satisfaction.

Toutefois, on devait s'y attendre ; la mesure dont il s'agit rencontre de l'opposition. Le conseil communal de St-Nicolas, voyant que le projet de loi réduit la juridiction de son tribunal de commerce, demande en compensation un tribunal de première instance.

D'après l'exposé des faits, il s'est glissé des erreurs qu'il importe de rectifier ; d'après des renseignements que j'ai reçus, la ville de Saint-Nicolas, messieurs, n'a jamais eu un tribunal civil de première instance. C'est Termonde qui en a été le siège dès l'institution de ces tribunaux en l’an VIII de la République française (1800), et dès cette époque aussi Termonde a eu un tribunal de commerce jusqu'en 1809, quand le siège de ce dernier tribunal a été transféré à Saint-Nicolas. Ainsi, loin que Termonde ait enlevé à Saint-Nicolas un tribunal de première instance, c'est, au contraire, Saint-Nicolas qui en 1809 est parvenu à s'emparer du tribunal de commerce de Termonde.

Le fait est qu'avant l'an VIII, il n'existait, dans le département de l'Escaut, qu'un seul tribunal civil, il était établi à Gand et cinq tribunaux correctionnels de district, dent un entre autres à Saint-Nicolas et un à Alost. Mais le gouvernement ayant reconnu le vice de cette organisation, a trouvé nécessaire de créer en 1800 des tribunaux de première instance, dont les sièges furent fixés à Gand, Audenarde, Termonde et Eecloo.

La réclamation du conseil communal de Saint-Nicolas ne tend à rien moins qu'à morceler l'arrondissement judiciaire de Termonde et à tout bouleverser.

Changer le ressort de la justice consulaire, cela n'entraîne guère de difficultés ; mais il en est tout autrement quand on touche à la juridiction d'un tribunal civil. D'abord il faut diviser la conservation des hypothèques, opération délicate et qui offre dans la pratique d'immenses difficultés. Puis il ne suffit pas d'avoir un personnel pour le tribunal, il faut encore un conservateur des hypothèques, un inspecteur d'enregistrement, un inspecteur des contributions, un vérificateur des poids et mesures. Il faut des locaux pour le tribunal, pour le greffe et les archives, une maison d'arrêt, etc.

Il faudrait aussi toucher à la position acquise des avoués, huissiers, notaires, et je le demande, messieurs, où est la nécessité de faire tous ces changements, tous ces frais ? Termonde se trouve au centre de l'arrondissement ; toute la population, à l'exception de peu de communes, se trouve renfermée dans un rayon de quatre lieues et demie ; et quant à ces communes éloignées du centre de l'arrondissement qui ne compte ensemble qu'une population d'environ dix mille âmes, elles peuvent se servir pour la majeure partie du parcours à faire du chemin de fer de Dendre-el-Waes. Cette voie a pour elles en quelque sorte effacé les distances.

Ces raisons majeures me donnent la confiance, messieurs, que le projet de loi adopté par la section centrale, tel que le gouvernement l'a présenté, le sera également par la Chambre.

Je vote pour le projet.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour déclarer hautement que je refuse mon vote au projet de loi et pour exprimer mes motifs. Je serai bref, 1° parce que les développements que je pourrais émettre à l'appui de mon vote, la Chambre les a entendus en d'autres occasions ? ; 2° parce que la manière de procéder du ministère et la faveur que son projet a obtenue dans les sections me laissent peu d'espoir d'amendement et m'obligent de me renfermer dans une attitude de protestation énergique.

Je voterai contre la loi, car elle me paraît une violation manifeste de tout principe de justice.

En effet, elle dépouille Saint-Nicolas, ville de 25,000 âmes, en faveur de Termonde, ville de 8,000 âmes. Elle ôte à une ville de progrès commercial, non seulement l'espoir de recouvrer la juridiction civile qu'elle a jadis possédée, mais, ce qui est plus injuste encore, le peu de dédommagement qu'elle possède en ce moment.

Dans un sentiment politique que je n'ai pas à apprécier, et que je n'apprécierais probablement que pour le blâmer. elle rapetisse la circonscription du tribunal de commerce de Saint-Nicolas, en lui retirant quatre cantons pour les attribuer à la juridiction commerciale que l'on crée à Termonde. Ainsi, à Termonde, petite place maritime sans industrie, un tribunal civil avec augmentation de trois juges et une juridiction commerciale avec adjonction de territoire. A Saint-Nicolas, deuxième ville de la province, riche de nombreux et vastes établissements industriels, ville de production multiple et d'affaires considérables, privation continuée de juridiction civile et diminution de juridiction commerciale. C'est-à-dire, faveur d'une part, disgrâce de l'autre. Enfin, absence totale de justice distributive et partialité palpable.

Je voterai également contre la loi, parce que l'augmentation du personnel du tribunal civil de Charleroi est une mesure qui ne donne qu'une satisfaction partielle aux graves intérêts des justiciables dans un des centres d'industrie et de commerce les plus importants du pays, par le refus que fait le ministère de créer dans ce centre un tribunal de commerce, sous prétexte que des obstacles invincibles s'opposent à cet établissement ; prétexte dont la section centrale se contente bénévolement, sans exiger du ministre le plus simple éclaircissement.

Enfin, je voterai contre la loi parce qu'elle consacre un déni de justice criant au préjudice de mon arrondissement. Je ne veux plus, messieurs, que l'on m'accuse de défendre des intérêts de clocher ; je m'abstiens de revenir sur les mesures qui ont ruiné Philippeville. On a trouvé que cette ruine était un fait inévitable, fatal ; que cette place, en cessant d'être une forteresse, pouvait et devait s'effacer de la carte de la Belgique, et que c'était bien. Toutes les réclamations des habitants ont été l'objet d'un dédain superbe ou de réponses dérisoires. La crainte de désaffectionner ce petit pays d'un libéralisme si éprouvé, la perspective d'y faire revivre d'anciennes affections que la comparaison du présent avec le passé ne justifierait que trop bien, tout cela n'a pu émouvoir les gouvernants. Soit ; n'en parlons plus. Mais, si l'on avait des raisons, ce que je nie, pour ne pouvoir indemniser Philippeville, on n'en avait aucune pour faire à une ville voisine et rivale, qui peut s'en passer, une faveur qui eût été un verre d'eau dans le désert pour la pauvre ville dépouillée et ruinée.

Sans rentrer dans l'énumération des pertes imposées à cette ville, ce que la Chambre accueillerait, sans doute, avec une indifférence à laquelle je suis habitué, qu'il me suffise de vous rappeler, messieurs, qu'à diverses reprises j'ai réclamé la création d'un tribunal civil à Philippeville ; que des pétitions itératives ont mentionné cette mesure comme le meilleur moyen de réparation ; enfin, que le gouvernement a été mis en demeure de toutes les manières. Il ne devait donc pas passer outre et trancher en faveur de Dinant, sans coup férir, une question qui pouvait facilement être ajournée jusqu'au temps où nous aurons à examiner le projet d'organisation judiciaire. Je le sais, on objectera les dépenses, les limites restreintes, la faible population de mon arrondissement. Objections futiles !

Les distances et la dissémination des administrés sont des raisons contraires et sans réplique. Si l'importance du siège était la règle déterminante, le Luxembourg, si peu peuplé et qui n'a qu'une seule ville méritant ce nom, ne devrait pas avoir d'autre tribunal que celui d’Arlon. Et pourtant on a créé, avec beaucoup de justice, deux autres tribunaux à Marche et à Neufchâteau ; tous deux ont plus d'affaires à juger que ceux d'Ypres et de Tongres. Philippeville ne serait pas inférieur à ces deux circonscriptions du Luxembourg.

J'ai hâte de terminer, messieurs, dans la persuasion où je suis qu'il en sera comme par le passé, et que je n'obtiendrai rien. Eu expliquant mon vote ainsi que je viens de le faire, je n'ai d'autre but que de m’acquitter d'une obligation envers mes commettants. Quant au ministère, mon devoir m'oblige à lui répéter ce que je lui ai déjà fait connaître par toutes les voies qui m'étaient ouvertes, c'est-à dire qu'il a agi dans toute cette affaire avec un esprit étroit, partial, imprévoyant, et qu’en ce qui touche mon arrondissement, s'il eût voulu y faire naître l’irritation, la rancune, la désaffection, et y amener peut-être la perte des suffrages loyaux et unanimes que le parti libéral y a recueillis depuis 18 ans et que j'ai représentés ici fidèlement durant toute cette période, il n'eût pas pu choisir une conduite différente.

Messieurs, comme il ne sert de rien de se plaindre d’un mal sans chercher un remède, je me résume ainsi, au point de vue pratique.

J'ignore de quel œil la Chambre envisagera le projet de loi et quelles modifications elle jugera à propos d'y apporter. Mais, en considérant que le gouvernement n'avait accordé jusqu'ici une seconde chambre civile à Charleroi qu'à titre provisoire, je demande qu’il en soit de même pour l'adjonction de personnel accordée à Dînant.

J'aurai l'honneur de proposer à la Chambre un amendement dans ce sens. Du moins, si cet amendement était accueilli, la question resterait ouverte jusqu'à l'époque de la présentation de la loi sur l’organisation judiciaire, et tout espoir ne serait pas perdu pour l’arrondissement dont je prends ici la défense.

M. Mascart. - Messieurs, quoique disposé à donner un vote approbatif au projet de loi en discussion, je crois devoir néanmoins présenter quelques courtes observations, qui me sont suggérées par l’examen du tableau annexé au projet.

Le tribunal de première instance de Nivelles a jugé contradictoirement en 1856-57 cent et trois affaires civiles et soixante-sept affaires commerciales, en tout 170, tandis que le tribunal de Louvain n’a jugé (page 947) que 48 affaires civiles et celui de Termonde, 73. Il est vrai que les affaires correctionnelles sont moins nombreuses à Nivelles qu'à Louvain et à Termonde, mais on sait aussi que ces affaires prennent en général moins de temps que les affaires civiles qui occupent souvent les tribunaux pendant plusieurs audiences, du moment qu'elles présentent un intérêt plus ou moins considérable.

Et ce qui prouve encore l'importance du tribunal de Nivelles, c'est que pendant la même année judiciaire il y a été introduit 184 affaires civiles et 155 affaires commerciales, et tout 339, alors que les tribunaux de Louvain et de Termonde n'avaient chacun que 126 affaires civiles.

En relevant ces chiffres et en les comparant, je n'entends pas contester la nécessité d'augmenter le personnel des tribunaux de Louvain et de Termonde, car, comme le dit la section centrale, « un des grands besoins de la société, c'est une bonne organisation de la justice, et comme corollaire, la prompte expédition des affaires. » Mais le tribunal de Nivelles, en présence des chiffres que je viens de mettre sous les yeux de la Chambre, ne pouvait-il pas espérer de voir son personnel augmenté ?

Il est vrai que son arriéré est peu considérable, et c'est probablement à cette cause qu'il doit de n'avoir pas été compris dans le projet de loi.

Je ne sais, mais il me semble qu'il est victime du zèle et de l'activité des magistrats qui le composent et de la bonne direction imprimée aux affaires par son vénérable président, dont l'âge n'a pas diminué l'énergie.

J'espère qu'on tiendra compte au tribunal de Nivelles de cette position exceptionnelle et qu'il ne sera pas oublié, lorsque l’occasion se présentera d'accorder quelque faveur aux tribunaux, soit en augmentant son personnel, soit en l'élevant à une classe supérieure.

C'est ce dernier parti, messieurs, qu'on devrait adopter pour tous les tribunaux de quatrième classe dont les traitements ne sont même plus en rapport avec les besoins matériels les plus rigoureux de la vie. La loi du 20 mai 1845 accorde aux juges 2,800 fr., ceux de la troisième classe en ont 3,100. N'est-ce pas une dérision, messieurs, et comprend-on que des jeunes gens intelligents, qui ont de l'avenir, entrent dans une carrière qui leur procure si peu d'avantages après qu'ils ont dépensé un temps et un capital considérables à acquérir les connaissances qui leur sont nécessaires ?

J'appelle sur ce point la sérieuse attention de M. le ministre de la justice, car les tribunaux inférieurs sont la pépinière des cours d'appel et de cassation.

M. Verwilghen. - Messieurs, j'ai quelque peine à m'expliquer la précipitation avec laquelle on paraît vouloir discuter le projet de loi relatif à l'augmentation du personnel de certains tribunaux.

Plusieurs dispositions de ce projet ont vivement ému les populations de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte ; de nombreuses pétitions circulent en ce moment et se couvrent de signatures ; et si les renseignements qui viennent de m'être transmis sont exacts, il paraît que dans plusieurs communes de l'arrondissement de Termonde, et au milieu même de cette ville, que le gouvernement se dispose à favoriser d'une manière aussi éclatante qu'inattendue, des réclamations assez vives s'élèvent contre le projet de loi. Les pétitionnaires ne seront pas peu surpris en apprenant que leurs requêtes ne sont point parvenues à la Chambre en temps opportun, et que celle-ci, par une exception que rien ne me paraît justifier, n'a pas même mis l'intervalle ordinaire de 2 jours francs entre le dépôt du rapport et la discussion. Mais puisque la Chambre vient de décider de faire dès aujourd'hui du projet de loi en question l'objet de ses débats, il ne me reste qu'à m'incliner devant l'opinion de la majorité, tout en manifestant le regret de ne pouvoir faire usage, dans l'intérêt de mes commettants, de plusieurs renseignements statistiques qui ne me parviendront que ce soir.

Ainsi que vous l'aurez remarqué, messieurs, par le rapport de l'honorable M. de Luesemans, il n'y a que les articles 4, 7, 8, 9, 10 et 11 qui aient donné lieu, au sein des sections, à des débats assez animés ; les autres articles du projet ont été tous adoptés à l'unanimité des membres présents.

Après un examen attentif des diverses dispositions que je viens de citer, voici les trois questions que j'ai cru devoir me poser :

Convient-il de faire droit aux réclamations de l'arrondissement d'Alost en créant un tribunal de commerce dans cette ville ?

Convient-il d'adjoindre une deuxième section au tribunal de première instance de Termonde ? Ne serait-il pas plus juste, ne serait-il pas plus convenable, au point de vue de la bonne administration de la justice et de l'intérêt bien entendu des justiciables de créer un quatrième arrondissement judiciaire dans la province de Flandre orientale.

Et enfin, si l'on se place au même point de vue est-il raisonnable d'attribuer au tribunal de première instance de Termonde, la connaissance des matières attribuées jusqu'à ce jour aux juges de commerce dans l'étendue des cantons judiciaires de Termonde, Ranime, Wetteren et Zele ?

Messieurs, les diverses législatures qui se sont succédé dans notre pays, tant sous le gouvernement hollandais que sous notre gouvernement national, ont toujours professé un profond respect pour les principes fondamentaux inscrits dans les Codes que nous avons empruntés à la France. Sur ceux de ces principes qui régissent les relations des citoyens entre eux, dans l'ordre civil, et qui règlent leurs rapports avec leurs juges, le législateur n'a jamais porté la main qu'avec une prudence et une réserve extrêmes. J'en ai conclu que des considérations bien puissantes avaient dû déterminer le gouvernement à ne tenir aucun compte de ces précédents, et à porter par l'article 8 du projet l'atteinte la plus grave au grand principe consacré par l'article 616 de notre Code de commerce.

Voici ce que porte cet article : « L'arrondissement de chaque tribunal de commerce sera le même que celui du tribunal civil dans le ressort duquel il sera placé. » Puis l'article ajoute : « S'il se trouve plusieurs tribunaux de commerce dans le ressort d'un seul tribunal civil, il leur sera assigné des arrondissements particuliers. »

En présence d'un texte de loi aussi formel, que fait pourtant le projet de loi ? Il établit un tribunal de commerce à cheval, dirais-je, si l’expression m'était permise, sur les limites des ressorts respectifs de deux tribunaux civils, et il lui attribue la juridiction consulaire sur un canton situé dans le ressort de l'arrondissement judiciaire de Termonde et sur trois cantons soumis à la juridiction du tribunal civil d'Audenarde. Certes, messieurs, on ne pourrait point violer, d’une manière plus flagrante, le principe fondamental de l’article 616. Mais comme, après tout, ce n'est pas d'un principe constitutionnel qu'il est ici question, si la violation n'est pas à conseiller, du moins elle est permise au gouvernement ; et celui-ci ne devrait encourir un blâme de notre part, que s'il n'était point déterminé par les raisons les plus graves, par des motifs du premier ordre, à agir comme il le fait.

Quelles sont ces raisons' ? L'exposé des motifs nous les fait connaître. « La création d'un tribunal de commerce à Alost est vivement réclamée depuis nombre d'années et à juste titre, à raison de l'éloignement des justiciables dit siège du tribunal consulaire, qui est tel, que souvent l'administration de la justice en matière commerciale, est rendue très difficile sinon impossible. »

Ainsi, messieurs, il est bien constaté par l'exposé des motifs lui-même, que ce sont les trop fortes distances à parcourir par les justiciables, à l'effet de se faire rendre justice, qui motivent surtout, pour ne pas dire exclusivement, la création du nouveau tribunal.

Si cette seule considération paraît suffisamment déterminante à la Chambre, je ne fais, pour ma part, aucune difficulté de l'accepter ; mais, abordant l'examen de la seconde question que je me suis proposé de résoudre, je me suis demandé si l'avantage qu'il y a à rapprocher les parties de leurs juges n'existe pas à un bien plus haut degré en matière correctionnelle et civile qu'en matière commerciale.

Or, messieurs, il est évident que les intérêts des citoyens se trouvent d'autant mieux sauvegardés, que la reconnaissance des droits qui leur sont contestés a lieu d'une manière plus prompte et entraîne pour eux le moins de frais judiciaires possible.

En matière correctionnelle, l'intérêt du prévenu est bien plus impérieux encore. Il ne convient certes pas de laisser des mois et des mois un innocent peut-être sous le coup des accusations calomnieuses qui ont été traîtreusement lancées contre lui, et le rendent un objet de défiance et de mépris pour ses concitoyens, du moment que l'attention des magistrats s'est portée sur lui pour lui demander un compte sévère des actes incriminés.

En fait de contraventions jugées par les tribunaux correctionnels, il est évidemment du devoir de la société de ne pas grossir outre mesure les frais judiciaires qui, pour des manquements sans gravité intrinsèque, sont mis à la charge des délinquants.

Eh bien, messieurs, au point de vue de la bonne administration de la justice, les intérêts élevés que je viens de passer en revue se trouveront-ils mieux sauvegardés par l'adjonction de quelques juges à un tribunal déjà existant, que par la création d'un tribunal nouveau, au milieu de populations qui le réclament depuis plus d'un demi-siècle avec les instances les plus vives ?

Messieurs, je fais un appel aux sentiments de justice qui, je l'espère, vous animent tous. Permettez-moi d'exposer avec quelque détail quels sont nos titres à la faveur que nous sollicitons de la bienveillance du gouvernement.

Avant la réunion de la Belgique à la France, la ville de Saint-Nicolas possédait une juridiction au premier degré et un chef-collège ou cour d’appel en matière civile, et pendant sa juridiction sur tout le pays de Waes, une cour féodale établie au XVIIème siècle jugeant les affaires criminelles.

Sous le régime autrichien, on attribua à un tribunal spécial la connaissance des nombreuses contraventions en matière de douanes, constatées chaque jour le long de la frontière zélandaise.

La révolution française vint impitoyablement renverser toutes ces institutions, mais bientôt la loi réparatrice de vendémiaire an IV éleva sur leurs débris un tribunal de police correctionnelle et un jury d'accusation.

Je ne sais, messieurs, si j'ai été induit en erreur, mais on m'a assuré, que sur les instances réitérées de deux juges, qui avaient quelques propriétés et quelque famille à Termonde, le tribunal correctionnel de Saint-Nicolas fut supprimé sous l'empire et transféré à Termonde, après le déménagement préalable des juges susdits.

Comprenant sans doute tout l'odieux de pareils procédés, le gouvernement impérial s'empressa, dès l'année 1809, d'accorder, à titre de compensation, à la ville de Saint-Nicolas, ce même tribunal de commerce qu'il est question aujourd'hui de nous enlever d'une manière indirecte.

Conformément à l'article 616 du Code de commerce, on attribua au nouveau tribunal la même juridiction territoriale que celle accordée au tribunal civil de Termonde.

(page 948) Lorsqu'il fut question d'ériger des chambres de commerce, le gouvernement impérial considérant avec raison la ville de Saint-Nicolas comme le principal centre industriel et commercial de tout l'arrondissement judiciaire, et ne regardant l’établissement d'un tribunal de commerce que comme une compensation insuffisante de la perte qu'il avait infligée à cette ville, la dota d'une chambre commerciale par la loi même qui fonda cette utile institution.

Depuis le jour de la suppression et de la translation de leur tribunal correctionnel, les habitants de l'arrondissement de Saint-Nicolas adressèrent des réclamations incessantes aux divers gouvernements qui se succédèrent dans notre pays ; c'est ainsi que des suppliques nombreuses furent envoyées en 1810 et 1814 au gouvernement français. Le gouvernement hollandais en reçut à son tour en 1819, 1820, 1823 et 1826, enfin sous le gouvernement belge les réclamations recommencèrent de plus belle en 1831, 1834 et sur tout en 1838.

J'ai regretté, messieurs, d'entendre l'honorable rapporteur de la section centrale emprunter le langage du barreau pour repousser le titre que la ville de Saint-Nicolas trouve dans son ancienne possession. « La ville de Termonde, dit-il, peut invoquer avec bien plus de fondement la prescription fondée sur près d'un demi-siècle de possession non-interrompue. » Assurément la possession n'a pas été interrompue, ce n'a pas été de notre faute, et l'honorable rapporteur voudra bien reconnaître avec moi que jamais possession n'a été moins paisible.

Mais, messieurs, nous avons mieux que notre ancienne possession à invoquer. Si la ville d'Alost étaye ses prétendions sur un avis favorable émis en 1850 par 34 voix contre 28 et une abstention au sein du conseil provincial de la Flandre orientale, nous pouvons nous prévaloir de trois précédents de cette nature. Dès 1819 les états provinciaux, appréciant le fondement et la légitimité de nos réclamations, s'étaient nettement prononcés en notre faveur, au sein du conseil provincial.

Deux commissions chargées l'une en 1836, l'autre en 1850, d'examiner la question se prononcèrent dans le même sens, elles reconnurent que les habitants de la Flandre orientale avaient autant de droits que ceux des autres provinces, à un nombre de tribunaux proportionnel à son étendue, à sa population, à sa richesse industrielle et territoriale. Or, d'après le dernier recensement de 1850 la population de la Flandre orientale dépasse de 152,050 habitants celle de la Flandre occidentale et pourtant cette dernière compte un arrondissement judiciaire de plus.

Si maintenant je viens à comparer le pays de Waes au point de vue de son étendue, de sa population et de sa richesse, à certains arrondissements judiciaires du pays, il résulte de ce rapprochement la manifestation éclatante de la légitimité de nos réclamations.

Aucun arrondissement du pays n'a des limites aussi naturellement tracées que le pays de Waes ; borné au nord par la frontière hollandaise, il est séparé, à l'est, de l'arrondissement de Gand, au sud, de celui de Termonde, par le cours de la Durme, et l'Escaut, à l'ouest, trace une ligne de démarcation profonde entre ses populations et celles de la province d'Anvers.

La population de l'arrondissement de St-Nicolas qui, d'après le recensement de 1856, monte à 122,000 habitants environ, surpasse par conséquent celle des arrondissements judiciaires de Malines, de Turnhout, d'Ypres, de Verviers, de Dinant, de Huy, de Tongres, de Hasselt, de Furnes, d'Arlon, de Marche et de Neufchâteau. Aussi donc, à ce point de vue, sur 26 arrondissements judiciaires qui divisent la Belgique, il y en a 12 qui sont inférieurs à notre arrondissement au point de vue de la population.

Sous le rapport de la richesse agricole et industrielle, je pose en fait qu'il n'y a aucune contrée dans le pays où le bien-être soit plus général ; et où les propriétés soient plus morcelées. Vous comprenez que ce morcellement de la propriété, réellement poussé à l'excès, donne naturellement lieu à de nombreuses contestations civiles ; et à raison de l'éloignement du tribunal de première instance, ces contestations entraînent toujours des frais, qui ne sont nullement en rapport avec l'importance ordinairement très minime du litige.

Dans les 14 arrondissements judiciaires dont la population dépasse celle de l'arrondissement de St-Nicolas, la population du chef-lieu siège du tribunal varie de 25,000 à 150,000 habitants ; il ne reste donc qu'une population relativement peu considérable qui soit obligée à se déplacer à l'effet d'obtenir bonne et prompte justice.

Il en est tout autrement pour l'arrondissement judiciaire de Termonde, habité aujourd'hui par 265,204 justiciables ; il n'y a dans ce colossal arrondissement que 8,662 citoyens, qui grâce à l'emplacement illogique du tribunal, se trouvent affranchis de toute corvée judiciaire.

Et quelles corvées, messieurs, la circonscription vicieuse du tribunal n'impose-t-elle pas aux justiciables ! Il suffit de jeter les yeux sur la carte pour se convaincre que c'est vraiment à tort que l'arrondissement de Termonde porte le nom d'arrondissement, et qu'il devrait bien plutôt s'appeler une ellipse judiciaire ; si les lois de la grammaire ne proscrivaient pas autant l'expression, que les lois de la raison proscrivent la chose même.

La circonscription dont je parle est tellement vicieuse, que seize grandes communes, ayant ensemble une population de 50,000 habitants, se trouvent éloignées de 30 à 45 kilomètres du siège du tribunal de première instance.

Messieurs, je me félicite de voir l'honorable rapporteur de la section centrale constater loyalement que, sous le rapport de l'arriéré, les 89 affaires civiles renseignées dans l'annexe constituent à elles seules une besogne, qu'il est impossible à un tribunal d'expédier dans le cours d'une année. Mais s'il en est ainsi, que ferez-vous donc du nombre prodigieux d'affaires correctionnelles déférées chaque année à l'appréciation du tribunal de Termonde et qui, d'après votre propre aveu, place le tribunal actuel du Termonde au troisième rang de tous les tribunaux du pays, les tribunaux de Bruxelles et de Louvain étant les seuls qui sous ce rapport lui soient supérieurs ?

Comment parviendrez-vous surtout, en face d'un nombre aussi considérable de causes civiles et correctionnelles, à faire expédier régulièrement par la nouvelle chambre que vous proposez de créer les causes commerciales qui se produiront désormais dans les cantons judiciaires de Termonde, Hamme, Zele et Wetteren ? D'une part vous augmentez le personnel du tribunal pour faire disparaître l'arriéré sans cesse croissant, et d'autre part vous aggravez annuellement de 50 à 60 affaires commerciales le travail que vous imposez à ce nouveau personnel, et vous voulez qu'il expédie régulièrement et sommairement ces nouvelles affaires à mesure qu'elles se présenteront !

Le seul résultat que vous obtiendrez par un semblable procédé, ce sera d'éterniser au greffe du tribunal de Termonde ce déplorable encombrement d'affaires, dont les justiciables ont en depuis tant d'années à se plaindre.

Messieurs, je viens de toucher incidemment la troisième question que je me suis posée en commençant ce discours ; je pense qu'il sera plus convenable de revenir sur ce point lorsqu'il s'agira de la discussion des articles du projet.

Qu'il me soit permis, avant de terminer, de soumettre encore quelques observations statistiques à l'attention de la Chambre. J'ai pu recueillir la plupart de ces observations dans l'annexe ajoutée au texte du projet.

J'y trouve d'abord qu'au point de vue de l'arriéré en matière civile, le tribunal de Termonde vient en quatorzième ligne. J'y trouve encore qu'au point de vue des affaires correctionnelles jugées pendant le cours de l'année 1856, le tribunal de Tcrmonde marche de pair avec ceux de Gand, d'Anvers, de Mons et de Charleroi. J'y constate encore que, pendant l'année 1856, il y a été jugé environ le double des affaires correctionnelles terminées par les tribunaux de Liège, de Courtrai, de Hasselt. De Turnhout et de Neufchâteau ; que plus du double des affaires jugées par les tribunaux de Tournai, d'Ypres, d'Audenarde, de Verviers et de Huy, ont été expédiées par les juges du tribunal de Termonde et que même la proportion est comme un est à trois pour les tribunaux de Malines, de Tongres, de Furnes et de Marche.

Il résulte à l'évidence, me semble-t-il, d'un pareil état de choses, que si le gouvernement consentait à diviser l'arrondissement de Termonde en deux arrondissements judiciaires distincts, chacun des deux tribunaux aurait de la peine à satisfaire au travail qui lui serait imposé, alors surtout qu'on attribuerait à chacun d'eux la connaissance des différends en matière commerciale.

Pour mieux faire ressortir l'importance respective des trois arrondissements administratifs qui sont en cause, je demande la permission de vous soumettre enfin un remarquable document statistique, que l'obligeance de l'honorable chef du parquet de Termonde a mis à ma disposition. Ce document, le voici :

(Note du webmaster : ce tableau, qui compare le nombre des affaires des tribunaux d’Alost, de Termonde et de Saint-Nicolas, n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Je bornerai là les observations que j'ai cru devoir présenter dans la discussion générale du projet. J'attendrai que l'examen des articles me fournisse l'occasion de vous soumettre quelques réflexions subsidiaires qui se présenteront d'elles-mêmes dans le cours de la discussion.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, les opposants au projet de loi se placent à un point de vue que je ne puis pas admettre ; ils semblent croire que la création d'un tribunal et l'augmentation du personnel d'un tribunal sont des questions d'intérêt exclusivement local, une faveur faite aux villes, sièges des institutions judiciaires. C'est là une complète erreur.

Ce qui doit déterminer le gouvernement dans la création d'un tribunal ou dans l'augmentation du personnel d'un tribunal, c'est uniquement l'intérêt des populations et celui de la bonne administration de la justice ; voilà aussi les seuls intérêts dont le gouvernement a tenu compte.

Je n'hésite pas à le dire, lorsqu'on vient vous parler de partialité, de motifs politiques, de précipitation, lorsqu'on se livre à une foule d'autres suppositions, on calomnie le gouvernement.

Dans cette affaire, le gouvernement n'a mis ni politique, ni partialité, ni précipitation. Tout ce qui est proposé par le projet de loi se rapporte à des besoins qui sont constatés depuis plusieurs années ; et les questions, les prétentions que certaines localités font surgir de nouveau, ont été examinées, discutées et condamnées depuis fort longtemps.

(page 949) Et pour répondre à l'honorable M. de Baillet-Latour qui s'est exprimé avec beaucoup d'acrimonie...

M. de Baillet-Latour. - Avec infiniment de raison.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si le gouvernement a mis de la partialité dans cette affaire, il a énormément des complices. Le gouvernement, par le projet qu'il a soumis aux délibérations de la Chambre, n'a pas entendu préjuger les questions qui se rattachent à la circonscription des tribunaux civils et correctionnels. Ces questions pourront être examinées après la loi sur l'organisation judiciaire. Mais le gouvernement a vu une situation déplorable dans certains tribunaux : Dinant, Termonde, Liège, Louvain, Bruxelles, Charleroi. C'est pour remédier à cet état de choses qu'il a présenté le projet de loi.

Mais si le gouvernement avait eu envie de proscrire à jamais les prétentions de Philippeville et de Saint-Nicolas à l'obtention d'un tribunal civil, il aurait eu, pour prendre cette détermination, l'appui des autorités qui ont été consultées.

Dès 1837 les prétentions de Philippeville ont été appréciées à la Chambre dans un rapport déposé par l'honorable M. Ernst. Que disait à cette époque l'honorable M. Ernst ?

« De l'ensemble des faits que j'ai eu l'honneur d'exposer à la Chambre relativement à la proposition de l'honorable M. Seron, il semble permis de conclure que l'institution d'un tribunal de quatrième classe à Philippeville, utile peut-être sous certains rapports à des intérêts locaux, n'est pas en harmonie avec les intérêts réels des justiciables et qu'elle serait peu compatible avec une bonne administration de la justice. »

Voilà ce que disait en 1837 l'honorable M. Ernst. Depuis lors les mêmes prétentions ont été soumises à l'avis des autorités judiciaires, et toutes sans exception les ont condamnées ; elles ont été soumises, en 1853, au conseil provincial de Namur.

Voici la résolution qu'a prise à cette époque cette assemblée :

« Attendu que l'établissement d'une seconde chambre au tribunal de Dinant satisferait à tous les besoins de cet arrondissement judiciaire, est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'établir un tribunal à Philippeville, mais bien d'adjoindre une deuxième section au tribunal de Dinant. »

Ainsi, toutes les autorités qui ont été consultées, autorités judiciaires et autorités administratives, toutes, messieurs, ont opéré de la même manière, ont pris des résolutions contraires aux prétentions de Philippeville. Et ce n'est pas sans raison ; il est évident que pour la bonne administration de la justice, il vaut mieux un grand tribunal que plusieurs petits tribunaux où s'établissent parfois des relations personnelles trop intimes qui font d'autant plus vite suspecter l'impartialité de la justice, qu'en l'absence d'un nombre de juges suffisants pour établir un roulement, ce sont toujours les mêmes magistrats qui siègent dans toutes les affaires.

D’un autre côté, et dans cette enceinte même, nous entendons périodiquement des réclamations de ce chef.

Combien de fois n'a-t-on pas dit qu'il fallait augmenter le nombre des juges, parce qu'à chaque instant, dans tel ou tel tribunal, les juges suppléants ou les avocats assumés se succédaient sur le siège du juge, que l'un en descendait pour plaider devant un de ses confrères qui avait peut-être une affaire identique à traiter ; que des services pouvaient ainsi se rendre et que la justice perdait de son prestige.

Dans les tribunaux composés de trois juges, y compris le président, cet inconvénient est inévitable ; le juge d'instruction étant appelé à faire des descentes, on est obligé d'appeler un juge suppléant ou d'assumer un avocat.

Un juge peut être malade, empêché, vous avez encore le même inconvénient. S'il y a une réforme à faire, elle ne doit pas consister à augmenter le nombre des tribunaux, niais plutôt, avec la facilité des communications qui s'établissent dans tout le pays, à en supprimer.

Du reste, je le répète, je n'ai voulu préjuger aucune question de circonscription.

M. de Baillet-Latour. - Donnez un caractère provisoire à la disposition.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas donné ce caractère à cette disposition de la loi, parce que cela présente de très graves inconvénients.

Il est bien certain que si, après avoir créé deux chambres à un tribunal, on trouvait ultérieurement utile à l'administration de la justice et aux intérêts des justiciables de réduire le personnel, on pourrait en décréter la réduction ; cela ne souffrirait pas de difficulté. Mais créer des chambres provisoires offre cet inconvénient que le tribunal peut craindre qu'une fois l'arriéré évacué, son personnel serait réduit ; et alors l'arriéré reste à peu près toujours dans le même état. C'est ce que j'ai voulu éviter en proposant des chambres définitives.

- Un membre. - Les magistrats sont inamovibles.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'inamovibilité ne fait absolument rien en cas de suppression de tribunal. Ce qui le prouve, pour ne citer qu'un exemple, c'est que quand le tribunal de St-Hubert a été supprimé les juges ont été placés ailleurs. L'inamovibilité ne fait donc absolument rien à la chose.

Quant à Saint-Nicolas, on s'est plaint aussi de précipitation. Mais, messieurs, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, cette question est pendante depuis longtemps. En 1850, la question a été soumise au conseil provincial de la Fandre orientale, et ce conseil a donné un avis favorable à l'érection d'un tribunal de commerce à Alost et un avis défavorable à l'érection d'un tribunal civil à Saint-Nicolas. (Interruption.) Le conseil provincial a donné un avis favorable à l'érection d'un tribunal de commerce à Alost ; à la même époque, Termonde avait demandé la suppression du tribunal de commerce de Saint-Nicolas ; et Saint-Nicolas avait demandé l'érection d'un tribunal civil. Eh bien, le conseil provincial a pris la décision que voici :

« La discussion est ouverte sur la demande du conseil communal de Saint-Nicolas, tendante à ce que le conseil avise en faveur de l'établissement d'un quatrième arrondissement judiciaire.

« La deuxième commission a conclu à ce que le conseil déclare qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la demande.

« Ces conclusions ont été adoptées. »

De même, le conseil provincial a adopté les conclusions de la même commission tendantes au rejet de la demande de Termonde qui voulait la suppression complète, absolue, du tribunal de commerce de Saint-Nicolas. J'avais donc raison de dire que le conseil provincial n'avait pas donné son appui à la demande de Saint-Nicolas tendante à l'érection d'un tribunal civil.

Maintenant, messieurs, la seule raison sur laquelle s'appuient les honorables députés de Saint-Nicolas pour demander l'érection d'un tribunal civil dans cette localité, c'est l'érection d'un tribunal de commerce à Alost.

Ils nous disent : Mais vous érigez un tribunal de commerce à Alost en raison des distances ; eh bien, la même raison doit vous déterminer à ériger un tribunal civil à Saint-Nicolas. Messieurs, si les distances étaient les mêmes je comprendrais le raisonnement ; mais il n'en est pas ainsi. Alost est à six lieues de Saint-Nicolas, et quelle est la distance de Saint-Nicolas à Termonde ? Trois lieues.

M. Verwilghen. - Trois lieues trois quarts ; plusieurs autres communes de l'arrondissement sont distantes de 7, 8 et même 9 lieues.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'admets avec vous qu'il y a deux ou trois communes, quatre même, qui sont à une distance assez éloignée de Termonde.

Mais, sons ce rapport, Termonde est dans la même position que les trois quarts des autres chefs-lieux d'arrondissement, c'est-à dire qu'il n'y a en quelque sorte pas un tribunal en Belgique qui n'ait dans sa circonscription deux, trois ou quatre communes situées à une distance de sept, huit et même neuf lieues. Vous ne pouvez évidemment pas argumenter de quelques communes situées à des distances exceptionnelles. Vous devez argumenter des distances à parcourir, permettez-moi l'expression, par le gros de la population, par la majorité des justiciables.

Eh bien, sous ce rapport, Termonde est très bien placé. Si vous faites un cercle autour de Termonde, à une distance de 3 à 4 lieues, vous avez les quatre-vingt-dix centièmes de la population.

M. Vermeire. - Les quatre-vingt-seize centièmes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les quatre-vingt-seize centièmes, dit-on ; et si dans un cercle de 3 à 4 lieues, vous avez les quatre-vingt-seize centièmes de la population, comme le dit l'honorable M. Vermeire, la Chambre ne peut accepter comme bon l'argument relatif aux distances, puisqu'il ne s'applique qu'à trois ou quatre communes, qui représentent 8,000 à 9,000 habitants ; pour 8,000 à 9,000 habitant qui ont quelques lieues à faire en plus, on ne peut créer un nouveau tribunal.

A côté de la bonne administration de la justice, il y a des dépenses dont il faut tenir compte. J'avoue que c'est le point le moins important ; la bonne administration de la justice passe avant tout. Mais lorsque la question des dépenses vient encore s'ajouter à la question de la bonne administration de la justice, je ne comprendrais pas pourquoi on multiplierait les tribunaux. Il n'y a pas qu'un procureur du roi, un président et un greffier à nommer en plus. Mais vous avez différentes autres administrations à créer. Ainsi, vous avez une prison à construire, une gendarmerie à augmenter ; vous avez la conservation des hypothèques, le cadastre à organiser. Toutes ces administrations doivent être placées au siège du tribunal, ce qui amène des dépenses considérables. Mais, je le répète, la grande considération, c'est celle d'une bonne administration de la justice, et quand nous aurons à réformer, ce sera plutôt, comme déjà je l'ai dit, en supprimant des tribunaux qu'en en augmentant le nombre.

M. Van Overloop. - Je suis heureux d'avoir entendu M. ministre de la justice déclarer aujourd'hui que ce qui a déterminé la présentation du projet de loi, c'est la considération de l'intérêt des populations et de la bonne administration de la justice. C'est précisément l'intérêt de la bonne administration de la justice qui nous fait insister pour avoir un tribunal de première instance de quatrième ordre à Saint-Nicolas.

Mieux vaut, dit l'honorable ministre de la justice, un grand tribunal qu'un petit tribunal, parce que dans les petits tribunaux il s'établit des relations trop intimes ; du moins j'ai compris ainsi sa pensée.

M. Vermeire. - C'est ainsi.

M. Van Overloop. - C'est ainsi, dit l'honorable M. Vermeire. Je rencontrerai à l'instant son objection. On veut donc un grand tribunal parce que dans les petits tribunaux il s'établit des relations trop intimes entre les magistrats et les justiciables.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Parfois.

M. Van Overloop. - Je remercie l'honorable M. Vermeire de m'avoir interrompu sur ce point, mais je lui demanderai si ces relations (page 950) si intimes, si compromettantes pour la bonne administration de la justice ne s'établissent pas plus facilement dans les petites localités que dans les grandes. Augmentez le tribunal de Termonde d'une seconde chambre, et vous aurez précisément tous les inconvénients que vient de signaler M. le ministre de la justice. Etablissez un tribunal à Saint-Nicolas, la seconde ville de la province, qui a une population de 22,000 âmes, vous n'aurez pas cet inconvénient que vous aurez nécessairement à Termonde, ville de 8,000 à 9,000 âmes. Si donc vous n'êtes déterminés que par cette considération, je dis que vous devez arriver à cette conséquence qu'il faut supprimer le tribunal de Termonde et le transporter à Saint-Nicolas. Nous n'allons pas aussi loin ; nous voulons respecter les droits acquis. Mais enfin avouez que votre argument tourne contre vous.

Quant à Saint-Nicolas, dit M. le ministre de la justice, toutes les autorisés ont été consultées et ont donné un avis favorable à l'érection d'en tribunal de commerce à Alost. L'honorable ministre n'a cité que l'avis des autorités administratives. Je reconnais que le conseil provincial, par 54 voix contre 28 et une abstention, a donné un avis favorable. Mais je voudrais connaître, et c'était là l'objet de ma motion de tantôt, l'avis des autorités judiciaires ; car je crois que sous le rapport de l'organisation des tribunaux, les autorités judiciaires sont plus compétentes que les autorités administratives. Je voudrais donc que, pour la séance de demain, M. le ministre de la justice nous fît connaître l'avis des autorités judiciaires sur la création d'un tribunal de commerce à Alost et la distraction du tribunal de commerce de Saint-Nicolas, des affaires commerciales de l'arrondissement administratif de Termonde.

Encore une fois, nous ne prétendons pas, par esprit de clocher, combattre l'érection d'un tribunal de commerce à Alost. Cependant, au point de vue de l'intérêt du trésor et de la bonne administration de la justice, la Chambre me permettra de lui donner connaissance d'un petit détail statistique.

(Suit un tableau, non repris dans la présente version numérisée, reprenant les causes portées au tribunal de commerce de Saint-Nicolas, par le seul canton d’Alost (entre 13 et 22 p. c. des causes)).

L'honorable président du tribunal de commerce de St-Nicolas m'a même fait remarquer que la plupart des affaires fournies par le canton d'Alost sont de la nature de celles qui seront de la compétence du conseil de prud'hommes, d'après la nouvelle loi qui vient d'être adoptée par la Chambre.

Voilà en présence de quelles circonstances et sur quelles réclamations on demande l'érection d'un tribunal de commerce à Alost, qui aura pour conséquence d'aggraver les charges du trésor public, ne fût-ce que du traitement d'un greffier. Cependant encore une fois, nous ne voulons pas nous opposer le moins du monde à l'érection d'un tribunal de commerce à Alost, pourvu qu'on ne place pas l'arrondissement de St-Nicolas dans la position de la tour Malakoff.

En-effet, le projet qu'on examine se compose de deux batteries, l'une placée à Termonde, l'autre placée à Alost, qui dirigent un feu concentré contre l'arrondissement de Saint-Nicolas, et qui sont chargées d'ouvrir la brèche. Lorsque la brèche sera praticable, M. le ministre de la justice, nouveau maréchal Pl'issier, à l'aide de forces supérieures, donnera l'assaut et l'arrondissement de Saint-Nicolas devra nécessairement succomber ; cela est évident.

L'arrondissement n'en restera pas moins tel qu'il est, mais les lois de la justice auront été violées à son détriment. Or, semblable violation n'est jamais de longue durée.

En m'exprimant de cette manière, je n'entends pas parler de l'érection d'un tribunal de commerce à Alost, puisqu'il n'aura pour résultat que d'ôter à la connaissance du tribunal de Saint-Nicolas les affaires du canton d'Alost seul.

Ce que nous déplorons dans le projet de loi au point de vue de notre arrondissement, c'est qu'il ôte au tribunal de commerce de St-Nicolas la connaissance des affaires commerciales de l'arrondissement administratif de Termonde. Voilà ce que je ne m'explique pas.

On dit : « Il est nécessaire, pour la prompte expédition des affaires, d’augmenter d'une chambre le tribunal civil de Termonde, et, en même temps, on attribue à ce tribunal la connaissance d'affaires commerciales qui, dans ce moment, sont jugées par le tribunal de commerce de St-Nicolas. Il n'est donc pas nécessaire d'augmenter d'une chambre le tribunal civil de Termonde, pour faire disparaître l'arriéré, car l'arriéré continuera à subsister si l'on ajoute aux attributions du tribunal civil la connaissance des affaires commerciales. La statistique le prouve. (Suit un tableau statistique, non repris dans la présente version numérisée).

Voilà, messieurs, quelle est la position des affaires. L'importance commerciale de l'arrondissement de Termonde augmente, cela est incontestable. Mais, messieurs, remarquez-le bien, l'honorable rapporteur du projet de loi a reconnu lui-même la haute utilité, la nécessité même de faire juger les affaires commerciales par des juges consulaires. Eh bien, s'il est nécessaire que les affaires commerciales, pour être bien jugées, pour être jugées avec promptitude, soient soumises à des magistrats ayant une parfaite connaissance de ces affaires, pourquoi donc ne laissez-vous pas subsister le tribunal de commerce de Saint-Nicolas dans son intégrité ? Erigez un tribunal à Alost, soit ; mais au moins, ne venez pas détacher tout l'arrondissement de Termonde de la juridiction du tribunal de commerce de Saint-Nicolas pour attribuer la connaissance des affaires commerciales de Termonde aux juges civils.

Vous prétendez qu'il y a nécessité d'augmenter le tribunal de Termonde d'une deuxième chambre, et d'autre part vous reconnaissez qu'il faut attribuer la connaissance des affaires commerciales aux juges consulaires ; mais alors pourquoi ne vous bornez-vous pas à augmenter le tribunal de Termonde d'un ou de deux juges, à l'effet de faire disparaître l'arriéré, et pourquoi voulez-vous arracher à l'arrondissement de Saint-Nicolas la connaissance des affaires commerciales de l'arrondissement de Termonde ? Cela n'est pas raisonnable, et j'espère que M. le ministre de la justice, mieux éclairé, renoncera au moins à cette partie de son projet.

J'espère qu'il restera dans la vérité des choses, et que sous prétexte de ne pas faire voyager les habitants de Termonde, il ne soustraira pas à leurs juges naturels les habitants d'une partie de l'arrondissement de Termonde, entre autres ceux des communes de Hamme, de Zele et de Waesmunster, qui sont les localités à peu près les plus importantes de cet arrondissement au point de vue commercial et industriel.

Il est vrai ou il n'est pas vrai qu'il convient de soumettre les affaires commerciales aux juges commerciaux ; si ce principe est vrai, vous ne pouvez pas admettre l'article 9 ; si ce principe est faux, supprimez tout d'un coup tous les tribunaux consulaires du pays. II n'y a pas de milieu.

J'ai un mot à dire à l'honorable M. de Terbecq qui a prétendu qu'il n'y a jamais eu de tribunal civil à Saint Nicolas. En fait, messieurs, en vertu de la loi de vendémiaire an IV, on avait érigé à Saint- Nicolas un tribunal correctionnel ; la justice civile, qui existait avant notre fatale réunion à la France, avait été maintenue.

En l'an VIII on trouva convenable de tout bouleverser, on ne tint aucun compte ni de l'intérêt des populations, ni des droits acquis des villes, ni de la commodité des justiciables, ni même de l'économie dans les frais de justice, et le siège du tribunal civil fixé à Termonde.

Mais, par compensation, on établit un tribunal de commerce à Saint-Nicolas.

Ce tribunal fut organisé absolument sur le pied des tribunaux civils ordinaires, c'est-à-dire qu'il fut créé pour tout l'arrondissement judiciaire.

Quel est le motif, messieurs, pour lequel on nous propose aujourd'hui de changer cet état de choses ? Si, on venait nous dire : « Les affaires sont mal jugées à Saint-Nicolas, il y a un arriéré très considérable, » je comprendrais qu'on voulût mettre fin à ces inconvénients qui seraient contraires à l'intérêt des justiciables.

Mais personne n'est venu alléguer, et personne certainement ne pourrait prouver qu'il y a le moindre retard dans l'expédition des affaires à Saint-Nicolas ; pourquoi donc enlever à Saint-Nicolas ce que Saint-Nicolas possède ? Je suis convaincu qu'après y avoir réfléchi, l'honorable ministre de la justice partagera ma manière de voir à cet égard.

Il ne voudra pas avoir, lui ministre de la justice, deux poids et deux mesures et il reconnaîtra que puisqu'il veut respecter la position acquise de Termonde, il doit également, respecter la position acquise de Saint-Nicolas. Ii faut, messieurs, être juste avant tout ; la justice est la seule force des nations ; où elle disparaît, la nation ne tarde pas à disparaître.

Dans la session de 1838-1839, à la suite d'une proposition de l’honorable M. Constantin Rodenbach, on demanda également un tribunal civil pour Saint-Nicolas, et le ministre de la justice de cette époque déclara que s'il y avait un grand arriéré au tribunal de Termonde, il y aurait à examiner s’il ne faudrait pas créer un tribunal de quatrième ordre à Saint-Nicolas. Je ne sais pas quels arguments l'on pourrait invoquer pour justifier la conduite du gouvernement, qui propose aujourd'hui tout le contraire. On a mis en avant les mots de bonne administration, intérêt des justiciables, mais où sont les faits que l'on articule pour porter atteinte à l'existence du tribunal de commerce de Saint-Nicolas ?

(page 951) Je crois, messieurs, pouvoir me borner à ces observations dans la discussion générale. Quand nous en serons venus aux articles, j'espère que M. le ministre de la justice, d'accord avec la Chambre, conservera à Saint-Nicolas ce que Saint-Nicolas possède et dont on ne saurait sans commettre la plus grande injustice, dépouiller cette ville, qui doit tout à la courageuse initiative de ses habitants.

M. Vermeire. La justice est la force des nations, a dit l'orateur qui vient de se rasseoir. Messieurs, c'est parce que la justice est la force des nations, que je viens défendre le projet de loi qui est soumis à vos délibérations.

En effet, que devons-nous rechercher ? C'est que la justice puisse se rendre d'une manière équitable, impartiale et prompte.

Les honorables membres qui ont pris la parole dans cette séance, pour combattre le projet de loi, se sont principalement étayés de cette considération que la ville de Termonde n'est pas située au centre de son arrondissement pour rester le chef-lieu de l'arrondissement judiciaire.

Je crois que c'est une erreur de la part des honorables membres, erreur certainement excusable, parce qu'elle est mise en avant dans l'intérêt de la cause qu'ils défendent.

Si je prends une carte figurative de l'arrondissement de Termonde et que j'y place cette ville au centre, qu'est-ce que j'y remarque de prime abord ? Que dans un premier rayon, d'un myriamètre et demi de distance, se trouve une population de 150,159 habitants ; que si j'étends ce même rayon à 2 myriamètres et 5 kilomètres, cette population monte à 226,709 habitants ; que si je trace un troisième rayon qui devient quelque peu excentrique, la population ne s'accroît plus que de 15,102 habitants, et que, en dehors de ces trois rayons, il ne se trouve plus que quatre communes comptant à peine 9,874 habitants.

Or, remarquez, messieurs, que ce sont ces communes dont on nous annonce le pétitionnement en faveur de la création d'un tribunal de première instance à Saint-Nicolas.

Je crois donc qu'il est inutile d'insister davantage sur la nécessité de conserver au tribunal sa circonscription actuelle.

Mais, dit-on, si vous prenez une partie du ressort du tribunal de commerce de Saint-Nicolas, il est juste qu'en compensation vous concédiez à cet arrondissement un tribunal civil.

Messieurs, je crois qu'il y a une grande distinction à faire entre les contestations commerciales et les contestations civiles ; et je regrette que l'honorable M. Van Overloop, en prononçant son discours, n'ait pas fait cette distinction.

En effet, pour les différends commerciaux, ce que l'on désire surtout, c'est qu'ils soient vidés à prompt délai. L'on ne pourrait même passer condamnation sur une contestation sans être obligé à un déplacement et à des lenteurs souvent regrettables, et, te qui le prouve, ce sont les chiffres mêmes que l'honorable M. Van Overloop a invoqués ; c'est-à-dire que dans l'arrondissement de Termonde, il y a, relativement, moins de causes que dans celui de St-Nicolas.

D'après moi, il n'y aura aucun inconvénient à ce que la deuxième section dont le projet de loi propose la création au tribunal de Termonde, connaisse des affaires commerciales.

Pour combattre le projet de loi, les honorables députes de St-Nicolas s'appuient, principalement sur les dispositions de la loi du 19 vendémiaire an IV, pour revendiquer, en faveur de leur ville, la constitution d'un tribunal de première instance.

Il me semble, messieurs, que l'organisation judiciaire de cette époque devait être bien défectueuse, puisqu'elle n'a pas duré plus de quatre ans.

Je n'entrerai pas dans des considérations historiques ou politiques, pour démontrer les défectuosités dont cette organisation était empreinte.

Je ferai seulement observer que la loi du 27 ventôse an VIII, qui y a été substituée, est consacrée aujourd'hui par le temps ; et qu'elle n'a point donné lieu à des plaintes, ni de la part de ceux qui rendent la justice, ni de la part de ceux qui la reçoivent.

Il me semble donc que de même que le Code qui consacre le droit civil moderne, a passé dans nos mœurs et nos habitudes, de même l'organisation judiciaire, qui en est une conséquence naturelle, doit garantir, d'une manière satisfaisante, la liberté, l'honneur et la fortune des citoyens, d'où la conséquence qu'on ne peut sans inconvénient scinder les deux principes.

Messieurs, l'honorable ministre de la justice a présenté plusieurs arguments en faveur de tribunaux qui, à cause de leur importance, rendent la justice d'une manière plus équitable et plus impartiale que dans les petites circonscriptions qui, bien souvent, laissent à désirer sous ce rapport.

En effet, le justiciable trouvera toujours plus de garanties d'impartialité et d'équité, de la part des juges, là où des défenseurs nombreux sont appelés à éclairer les causes que dans les petits tribunaux où il ne se trouve que trois juges, et où, bien souvent, un seul avocat accapare presque toutes les affaires.

Messieurs, je pourrais entretenir la Chambre longtemps encore de cette importante question, mais qu'il me soit permis de constater, une dernière fois, qu'en considérât on de l'importance du tribunal de Termonde, tant au point de vue du nombre de ses justiciables qu'à celui du nombre des affaires qui y sont jugées, il est indispensable d'y créer une deuxième chambre. Et, en effet, les tableaux qui accompagnent le projet de loi établissent d'une manière péremptoire que, dans plusieurs arrondissements judiciaires, là où il se trouve deux sections, le nombre et l'importance des causes y sont inférieures à celles dont connaît le tribunal de Termonde.

Vous énumérer ces tribunaux me paraît être chose fastidieuse, puisqu'un simple coup d'œil jeté sur ce tableau les indique d'une manière suffisamment évidente.

Une troisième question a été traitée par l'honorable M. Van Overloop, II croit que les industriels et les négociants ont plus de garantie à être jugés par leurs pairs que par des hommes connaissant ou ayant étudié le droit.

Pour moi, messieurs, je l'avoue franchement, je préfère, pour une contestation commerciale ou industrielle, être jugé par un tribunal civil que par un tribunal consulaire. Quant à l'appréciation du fait en lui-même, si le tribunal civil ne se croit pas suffisamment instruit pour juger en connaissance de cause, il peut toujours nommer d s experts qui constatent le fait ; mais s'il s'agit de l'application de la loi, comme le droit commercial dérive en grande partie du droit civil, dont il est en quelque sorte le corollaire, il est préférable, d'après moi, que des hommes connaissant le droit civil appliquent le droit commercial.

Dans la constitution actuelle des tribunaux de commerce, il arrive, parfois, que les juges qui n'ont point fait des études de droit, s'en rapportent au greffier qui, à cause de ses connaissances spéciales sur la matière, rédige les jugements et, de cette manière est, seul, appelé à appliquer la loi.

Une autre observation vient confirmer cette appréciation. Lorsqu'on interjette appel des jugements commerciaux, celui-ci est déféré non point à l'appréciation de juges consulaires jugeant au deuxième degré, mais à la cour d'appel composée de jurisconsultes. De manière que ce qui semble justifier la composition des tribunaux de commerce en première instance, infirme cette même composition au degré d'appel. Il y a, d'après moi, dans cette double appréciation un contre-sens, une contradiction flagrante.

Je suis donc favorable au projet de loi, et j'espère qu'il rencontrera, dans cette enceinte, une grande majorité.

Je crois que la nécessité de modifier l'état de choses actuellement existant, est suffisamment démontrée, et, me réservant de prendre encore la parole sur les articles, si la nécessité m'en fait un devoir, je me dispense d'entrer dans de plus longues considérations à l'occasion de la discussion générale.

M. de Decker. - Je comptais aussi présenter quelques observations en faveur du projet du gouvernement ; mais je crois inutile d'insister, M. le ministre de la justice et mes honorables collègues, MM. de Terbecq et Vermeire, ayant exposé d'une manière parfaitement concluante les motifs à l'appui de l'adoption du projet de loi.

Il ne peut être ici question de surprise pour personne, j'ai été étonné d'entendre ce mot sortir de la bouche de mon honorable ami M. Van Overloop. La question soulevée à propos du tribunal civil de Termonde date de loin. Sous tous les gouvernements qui se sont succédé depuis un demi-siècle, sous le gouvernement français comme sous le gouvernement hollandais et sous le gouvernement belge, à plusieurs reprises cette question a été examinée et débattue ; toujours gouvernements et corps politiques ont donné raison à Termonde ; toujours leurs décisions ont été favorables au maintien du tribunal civil de Termonde, tel qu'il fut établi par la constitution de l'an vin.

Comment pourrait-on aujourd'hui arriver à des conclusions différentes ? Tous les motifs que Termonde a toujours fait valoir avec succès, en faveur de la conservation de ses droits, existent également puissants ; d'un autre côté, tous les motifs que Saint-Nicolas faisait valoir autrefois en faveur d'un changement, ont aujourd'hui disparu.

En effet, on ne peut plus invoquer les difficultés des communications de certains points de l'arrondissement judiciaire avec le chef-lieu.

Je conçois qu'il y a vingt ou trente ans, on ait argué de certaine difficulté relative d'avoir accès au tribunal de Termonde ; mais aujourd'hui la voirie vicinale a été tellement améliorée, qu'il n'y a plus un seul village de l'arrondissement qui ne soit relié à Termonde par un excellent pavé.

Des chemins de fer sillonnent déjà ce pays ; d'autres sont projetés ; les distances sont effacées.

Ainsi les motifs qui étaient allégués autrefois n'étaient plus admissibles aujourd'hui.

De plus, une grande extension a été donnée aux attributions des juges de paix. C'est encore là un point qu'il ne faut pas perdre de vue.

Quand on parle de rendre la justice facilement accessible pour les justiciables, il faut tenir compte des justices de paix, c'est le premier degré de juridiction, c'est à elles que peuvent s'adresser les familles pour les contestations auxquelles donnent lieu les actes de la vie civile, contestations qui, en général, ne supportent pas de longs retards et n'exigent pas de profonds débats judiciaires.

C'est là une juridiction dont l'établissement est un véritable bienfait pour la généralité des familles ; et celle-là est mise à la portée de tout le monde.

Quant aux tribunaux de première instance, il vaut mieux avoir des tribunaux pins considérables, plus complets. Les ressources pour l'instruction des affaires y sont plus abondantes ; les questions y sont débattues avec plus de science et de talent ; les affaires y sont mieux traitées eu général ; les intérêt y sont mieux défendus ; les décisions y sont, en général, plus éclairées.

Pourquoi donc établir un nouveau tribunal civil à Saint-Nicolas ?

(page 952) Pourquoi ces dépenses inutiles au point de vue d'une bonne organisation de la justice ? Je demande donc le maintien du statu quo, en faveur du tribunal civil de Termonde.

M. Van Overloop. - Mon honorable ami M. de Decker vient de manifester son étonnement de ce que le mot de surprise soit sorti de ma bouche, et, pour justifier cet étonnement, il a rappelé les anciennes réclamations relatives à l'établissement d'un tribunal civil à Saint-Nicolas.

Il est vrai que ces réclamations sont anciennes, mais la Chambre n'a pas oublié que la pensée principale de mon discours était d'empêcher qu'on ne changeât l'état de choses actuel en ce qui concerne le ressort du tribunal de commerce de Saint-Nicolas, que la pensée principale de mon discours était (l'honorable M. Verwilghen avait justifié notre première thèse, celle de l'érection d'un tribunal civil à Saint-Nicolas) d'empêcher qu'on n'ôtât au tribunal de commerce de Saint-Nicolas la connaissance des affaires commerciales de l'arrondissement de Termonde pour les déférer au tribunal civil de cette ville. J'ai fait valoir deux choses à l'appui de mon opinion : le préjudice et l'économie ; j'ai dit qu'il y avait plus d'intérêt à créer un tribunal de quatrième ordre à St Nicolas et j'ai ajouté : « Si vous ne nous accordez pas cela, respectez au moins la position acquise, respectez notre tribunal de commerce tel qu'il existe ; accordez un tribunal de commerce à Alost, mais ne disloquez pas notre tribunal de commerce en lui ôtant la connaissance des affaires commerciales de Termonde, Hamme, Zele, Waesmunster et Wetteren. »

L'honorable M. de Decker a dit qu'il valait mieux avoir de grands tribunaux de première instance, des tribunaux complets, parce que les affaires s'y préparaient mieux, que les magistrats v acquièrent plus de pratique et qu'un plus grand nombre d'avocats de talent y sont attirés, certains qu'ils sont d'y trouver une clientèle.

Je crois devoir relever cette objection de mon honorable ami, et le retourner contre lui.

Si elle est vraie pour les affaires civiles, elle l'est aussi pour les affaires commerciales. S'il vaut mieux avoir un tribunal de grande importance, il vaut mieux aussi avoir un tribunal de commerce important qu'un petit tribunal ou la camaraderie pourrait s'établir aussi bien que dans un petit tribunal civil. S'il importe à la bonne administration de la justice d'avoir un grand tribunal civil, la même raison s'applique au tribunal de commerce ; l'un et l'autre sont chargés de rendre la justice, et par conséquent, l'un et l'autre doivent être également importants.

Si vous trouvez, dirai-je à mon honorable ami, que dans les affaires civiles, la justice, pour être bonne, doit être rendue par des juges ayant de nombreuses affaires à juger, vous devez maintenir la juridiction du tribunal de commerce de St-Nicolas, même avec le canon judiciaire d'Alost. Aussi j'espère que quand nous arriverons aux articles qui ont pour objet de distraire les affaires de l'arrondissement de Termonde de la juridiction du tribunal de commerce de St-Nicolas, mon honorable ami, M. de Decker, mû par les sentiments qu'il vient de manifester, votera avec nous.

M. Vermeire. - Si, dans le discours que j'ai prononce tout à l'heure, je n'ai pas insisté davantage sur l'utilité qu'il y a, d'après moi, de faire vider les affaires commerciales devant le tribunal civil, c'est que je ne croyais pas que l'honorable préopinant eût fait tant d'efforts pour conserver au tribunal de Saint-Nicolas la connaissance des différends commerciaux de l’arrondissement de Termonde.

Déjà, au début de cette séance, un honorable membre a dit que Termonde était une petite ville, peu industrieuse, et où il n'y avait presque pas de commerce. Eh bien, je puis répondre à cet honorable membre que les relations commerciales de Termonde sont fort étendues et que l'industrie s'y est considérablement développée depuis une vingtaine d'années ; mais bien surtout depuis qu'un port de mer y a été établi. (Interruption.) Les mots port de mer excitent vos rires, messieurs, mais il n'en reste pas moins établi pour cela que la ville de Termonde est presque aussi importante, sous ce rapport, que Gand et qu'elle ne le cède point à Louvain. Pour le prouver, je rappellerai qu'en 1856 il est entré dans ce port 48 navires de la haute mer et environ 150 bateaux des eaux intérieures de la Hollande ; le mouvement maritime de Termonde constitue un ensemble d'affaires de plus de 5 millions. Je ne sais pas si, en présence de pareils faits, il est bien exact de dire que Termonde n'a pas d'importance commerciale, et n'est qu'une petite ville peu industrielle. Je fais un appel à l'impartialité de plusieurs de mes collègues et je n'hésite pas à leur demander si une localité d'une pareille importance ne mérite pas autre chose que des rires peu justifiés.

De plus, le mouvement maritime sur la Dendre est très important : il passe à l'écluse de Termonde plus de 3,000 bateaux par an. Il en résulte que chaque jour de nombreuses contestations peuvent surgir qui réclament une solution immédiate. Il y a des contestations sur l'interprétation de la charte-partie et des connaissements ; il y en a, lorsque les capitaines exigent des jours de planches pour le retard apporté au déchargement des navires et des bateaux en temps utile ; enfin, de nombreux protêts doivent, en ce cas, être lancés, soit contre les négociants, soit contre les capitaines de navires, pour les mettre en demeure de s'acquitter de leurs engagements réciproques.

Toutes ces contestations sont du ressort du tribunal de commerce de Saint-Nicolas, où, à cause de sa situation topographique, je crois que le droit maritime doit être d'une application plus difficile qu'à Termonde. Au surplus, if est sans exemple qu'un port de mer n'ait pas un tribunal de commerce, et cette considération seule suffirait pour justifier la mesure que nous défendons.

M. Janssens. - Si le projet de loi qui fait une situation si désavantageuse à la ville de St-Nicolas était la conséquence d'un principe admis par le gouvernement, nous pourrions le combattre ; mais nous pourrions pourtant comprendre qu'il fût présenté, qu'il fût soutenu, mais tel n'est pas le cas. Le projet donne à des questions identiques les solutions les plus opposées, il n'est conséquent que sur un point, c'est pour toutes les questions qui concernent St-Nicolas, en les tranchant au désavantage de cette ville.

Que l'on soit divisé sur la question de savoir s'il vaut mieux mettre les tribunaux à portée des justiciables, ou bien créer des tribunaux plus importants, je le conçois ; mais que cette question soit résolue diversement pour les mêmes populations, pour les mêmes distances, cela paraît étrange. Qu'on trouve, par exemple, que c'est trop loin d'aller de Termonde à Saint-Nicolas, mais qu'on peut très bien aller de Saint-Nicolas à Termonde, je ne le comprends plus. Voilà pourtant ce que soutient le gouvernement, et il y tient tellement, qu'il éprouve le besoin d'enlever les affaires commerciales de l’arrondissement de Termonde au tribunal de commerce de Saint-Nicolas, alors que ce tribunal expédie sans retard toutes les affaires et que pour le tribunal de Termonde, qui ne suffit pas à la besogne qui lui vient de Saint-Nicolas surtout, il aime mieux en doubler le personnel que d'établir un tribunal civil à Saint-Nicolas. La contradiction est trop choquante.

Je conçois encore qu'on mette en doute s'il vaut mieux faire juger les affaires commerciales par des négociants ou les soumettre à des jurisconsultes, aux tribunaux ordinaires. Mais que, par une même loi, on enlève la connaissance des affaires commerciales aux juges civils pour l'attribuer à des juges consulaires quand il s'agit des cantons de Ninove, de Sotteghem et de Grammont, et que d'un autre côté on enlève les mêmes affaires à un tribunal de commerce pour les attribuer à un tribunal civil quand il s'agit des cantons de Termonde, de Hamme, de Zele et de Wetteren, je vois là une conséquence que je refuserais de sanctionner par mon vote, alors même que l'arrondissement qui m'envoie parmi vous, messieurs, n'aurait aucun intérêt dans la question.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Janssens trouve le projet présenté plein d'inconséquences : d'un côté, il ne comprend pas que nous trouvions la distance de St-Nicolas à Termonde trop grande ; tandis que nous trouvons que celle de Termonde à St-Nicolas ne l'est pas trop.

C'est, messieurs, complétement dénaturer le projet et méconnaîtra tous les faits. De quels faits le gouvernement est-il parti ? De deux faits distincts : le premier c'est qu'une augmentation de personnel pour le tribunal civil est indispensable, ce fait ne saurait être contesté. Je comprends bien que nos adversaires disent : Mais, au lieu d'augmenter le tribunal civil de Termonde, c’est un second tribunal à Si-Nicolas.

Mais telle n'est pas l'opinion du gouvernement et j'en ai dit les raisons, je crois ; j'ai dit qu'il est de l'intérêt des justiciables et de la bonne administration de la justice, d'avoir des tribunaux considérables plutôt que de petits tribunaux : non seulement parce que les premiers offrent plus de garantie d'impartialité, mais encore parce qu’ils donnent plus de certitude que les affaires seront bien traitées.

Il est clair, en effet, que quand un tribunal n'a qu'un ressort insuffisant, les avocats de talent ne s'y fixent pas, les affaires sont moins bien étudiées, et les jugements sont en quelque sorte une affaire de hasard.

M. Janssens. - Cela est également applicable aux tribunaux de commerce.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'y viendrai tout à l’heure aux tribunaux de commerce. Vous ne tenez pas compte de la différence de la nature des affaires.

Partant de ce point qu'une seconde chambre était nécessaire à Termonde, fait accepté par tout le monde et signalé par toutes les autorités, le raisonnement à faire était très simple : nous créons une seconde chambre, non pas pour les affaires civiles, qui ne sont pas trop nombreuses, mais pour les affaires correctionnelles, plus nombreuses que partout ailleurs, excepté à Bruxelles et peut-être à Louvain.

Eh bien, le gouvernement s'est dit qu'en créant une seconde chambre pour les affaires correctionnelles, la première trouverait sa besogne considérablement réduite et pourrait s'occuper des quelques affaires commerciales, vingt à trente tout au plus, qui se présentent actuellement dans cet arrondissement.

Et je dis qu'il eût été, en quelque sorte, ridicule de forcer encore les habitants de Termonde, dont le tribunal ne sera pas trop occupé, à faire trois ou quatre lieues pour comparaître devant la justice a Saint-Nicolas ; et je ne comprends vraiment pas que les honorables députés de l'arrondissement de Saint-Nicolas puissent soutenir un pareil système.

Au fond, ils demandent que les habitants de Termonde fassent trois à quatre lieues pour se rendre devant le tribunal de commerce de St-Nicolas et que la besogne des juges de ce tribunal soit augmentée des affaires qui seront, d'après le projet, attribuées au tribunal civil de Termonde. Je doute, quant à moi, que MM. les juges du tribunal de commerce de St-Nicolas leur sachent gré de cette sollicitude.

(page 953) On me répond : Mais ce que vous dites, quant au tribunal civil, est également applicable au tribunal de commerce. C'est une erreur. Il y a une différence très grande dans la nature même des affaires. D'abord, les affaires commerciales se traitent principalement par les parties elles-mêmes ou par des fondés de pouvoir. Ce sont surtout des affaires de fait. C'est pour cela qu'il y a des juges élus, des juges commerçants. C'est une toute autre chose que les affaires civiles qui se traitent par le ministère d'avoués et où l'intervention des hommes de loi, des avocats, est indispensable. Avec les avoués qui représentent les parties, vous n'avez pas besoin pour les affaires civiles des nombreux déplacements qui sont nécessaires pour les affaires commerciales.

Maintenant, quant à la magistrature, une très grande garantie c'est le roulement des juges. En matière commerciale, vous avez des juges élus, qui se renouvellent par 1'éleciion. C'est encore une très grande différence.

Maintenant, le second point dont nous sommes partis, c'est l'éloignement d'Alost, de Saint-Nicolas. Est-ce qu'Alost est aussi rapproché de Saint-Nicolas que Saint-Nicolas est rapproché de Termonde ? Je comprendrais votre raisonnement si Alost était à trois lieues de Saint-Nicolas. Vous pourriez dire qu'il n'y a pas plus de raison de créer un tribunal de commerce à Alost qu'il n'y en a de créer un tribunal civil à Saint-Nicolas.

Mais Alost est à six lieues de Saint-Nicolas, tandis que la plus grande partie des populations ne se trouvent qu'à trois lieues de leur centre, qui est Termonde. Ainsi, vous ne tenez aucun compte raisonné des distances. C'est comme si l'on disait : Puisque vous établissez un tribunal civil à Mons, au lieu de faire juger les affaires à Bruxelles, il faut aussi en établir un à Soignies.

Messieurs, on a parlé de l'immense désastre qui devait atteindre Saint-Nicolas. Mais la meilleure réponse à faire, ce sont les chiffres qu'a donnés l'honorable M. Van Overloop. Il a constaté que l'arrondissement de Termonde et le canton d'Alost ne donnaient à peu près aucune affaire. Ainsi pour une année il y a eu 41 affaires se rapportant à l'arrondissement de Termonde ; les autres années, il y en a eu 24, 32 et 33.

Vous aurez donc encore un tribunal suffisamment occupé. Encore une fois, je ne vois pas quel intérêt l'on défend lorsqu'on veut attirer quelques affaires commerciales déplus à St-Nicolas. Il me semble qu'avoir à St-Nicolas, dans une ville aussi industrieuse, 30 ou 40 plaideurs de plus, ce n'est pas un bénéfice tellement grand pour la localité, qu'il y ait lieu à jeter des cris semblables, à crier autant à l'injustice et à la spoliation.

Quand on dit que nous dépouillons St-Nicolas, que nous méconnaissons les droits que St-Nicolas était en possession du temps de la République, que des juges sont partis de St-Nicolas pour aller s'établir à Termonde, on fait du roman, rien que du roman. En vertu de la constitution de l'an III, les tribunaux ont été organisés de la manière suivante : il devait y avoir un tribunal civil par département et des tribunaux correctionnels dans diverses localités. Il y a donc eu un tribunal civil à Gand, et trois ou quatre tribunaux correctionnels dans d'autres villes ; l'un d'eux a été placé à Saint-Nicolas. Ces tribunaux correctionnels étaient placés dans une toute autre position que les tribunaux civils d'aujourd'hui. Si nous devions en revenir à cette époque, nous constituerions bien d'autres tribunaux. Ainsi pour le département de la Dyle il y avait un tribunal correctionnel à Bruxelles, il y en avait un à Louvain, à Jodoigne, à Nivelles, à Diest. Nous aurions donc aussi à rétablir deux tribunaux, celui de Jodoigne et celui de Diest.

Mais l'organisation a été trouvée vicieuse, et est arrivée la constitution du 22 frimaire an VIII, qui a déclaré que l'organisation serait faite en vertu d'une loi. Cette loi a été celle du 27 ventôse an VIII, qui a déclaré qu'il y aurait un tribunal par arrondissement communal. Un tribunal a été fixé à Termonde avec les cantous de Termonde, d'Alost, de Lokeren, de Lebbeke, de Beleele, Tamise, Lede, Wetteren, Overmeire, Zele, Hamme, Saint-Nicolas, Haesdonck, Beveren, Saint-Gilles.

Voilà l'organisation telle qu'elle a été faite par la loi du 28 ventôse an VIII, loi qui était la conséquence de la constitution du 22 frimaire an VIII, et cette organisation a été maintenue.

Maintenant aucune atteinte sérieuse n'est portée au tribunal de St-Nicolas, auquel nous conservons le jugement des contestations qui s'élèvent dans l'arrondissement administratif ; je ne comprends donc pas la grande animation des honorables députés de Saint-Nicolas.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. - Un amendement vient d'être déposé par M. de Baillet ; il est ainsi conçu :

« Ajouter à l'article 6 le paragraphe suivant :

« Cette adjonction n'a lieu qu'à titre provisoire. »

Articles 1 à 6

« Article 1er. Le personnel du tribunal de première instance de Bruxelles est augmenté d'un vice-président. »

- Adopté.


« Art. 2. Le personnel du tribunal de première instance de Louvain es.t augmenté d'un vice-président, de deux juges et d'un substitut du procureur du roi. »

- Adopté.


« Art. 3. Le personnel du tribunal de première instance de Charleroi est augmenté d'un vice-président, de deux juges et d'un juge suppléant. »

- Adopté.


« Art. 4. Le personnel du tribunal de première instance de Termonde est augmenté d'un vice-président, de deux juges, d'un juge suppléant et d'un substitut du procureur du roi. »

M. Verwilghen. - Je demande qu'on remette la discussion de cet article à demain.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

- L'article est adopté.


« Art. 5. Le personnel du tribunal de première instance de Termonde est augmenté d’un vice-président, de deux juges, d'un juge suppléant et d'un substitut du procureur du roi. »

- Adopté.


« Art. 6. Le personnel du tribunal de première instance de Dinant est augmenté d'un vice-président, de deux juges et d'un juge suppléant.

« Le vice-président jouira d'un traitement de 3,500. »

- L'amendement de M. de Baillet-Latour est d'abord mis aux voix, il n'est pas adopté.

L'article 6 est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. La juridiction du tribunal de commerce de St-Nicolas sera réduite aux cantons judiciaires de St-Nicolas, St-Gilles-Waes, Beveren, Tamise et Lokeren.

M. le président. - M. Van Overloop a demandé, sous forme d'amendement, la suppression des articles 7 et 9.

M. Van Overloop. - Messieurs, si j'ai déposé comme amendement un écrit qui n'est pas un amendement, c'est pour appeler plus vivement l'attention de la Chambre sur ce que nous désirons.

Nous ne sommes pas considérablement opposés à l'érection d'un tribunal de commerce à Alost, car nous voulons que la justice soit aussi bien rendue à Alost qu'ailleurs ; mais nous demandons avec insistance que la Chambre maintienne au tribunal de commerce de-Saint-Nicolas le ressort qu'il a depuis 1809, date de sa création.

Il me semble qu'on ne doit pas diminuer ainsi le ressort d'un tribunal, alors qu'on n'a aucun grief contre ce tribunal, alors qu'on est obligé de reconnaître que toutes les affaires s'y expédient avec régularité et promptitude.

On nous a parlé du petit nombre d'affaires, que l’arrondissement de Termonde fournit au tribunal de Saint-Nicolas, pour soutenir que nos demandes sont dénuées d'intérêt, Mais il ne s'agit pas seulement ici d'une question d'intérêt matériel ; il s'agit d'une question de dignité, d'une question de justice, il s'agit du maintien de ce qui existe. On ne doit pas priver un arrondissement de ce qu'il possède depuis un demi-siècle.

En déposant son projet de loi, M. le ministre de la justice a dît que le personnel du tribunal de Termonde est insuffisant, je le reconnais, mais M. le ministre doit bien reconnaître aussi qu'il n'est pas nécessaire d'adjoindre à ce tribunal une deuxième chambre, puisque le gouvernement trouve utile d'attribuer à ce tribunal les affaires commerciales de l'arrondissement de Termonde, qui sont aujourd'hui du ressort du tribunal de commerce de Saint-Nicolas.

C'est en effet là reconnaître par le fait qu'on ajoute inutilement une nouvelle chambre au tribunal de Termonde. Or on grève le budget des frais d'une nouvelle chambre alors que l'on pouvait parer aux inconvénients de l'arriéré au moyen de l'adjonction d'un ou de deux juges.

Si, malgré l'opposition que nous rencontrons, je prends encore la parole, c'est que mes honorables collègues MM. Janssens et Verwilghen et moi, nous voulons remplir jusqu'à la derrière limite notre devoir.

Nous défendons jusqu'au bout les intérêts de l'arrondissement qui nous a envoyés dans cette enceinte, parce que ces intérêts ont la justice pour eux.

On a parlé de la distance où se trouvent certaines localités qu'on veut soustraire à la juridiction du tribunal de commerce de Saint-Nicolas. Eh bien, messieurs, cet argument de la distance auquel on n’a pas fait droit depuis 50 ans, est devenu bien faible aujourd’hui, car aujourd'hui Alost est relié à Saint-Nicolas par un chemin de fer. Cependant encore une fois nous ne combattons pas fortement l'établissement d'un tribunal de commerce à Alost, mais nous demandons, avec la conscience du bon droit, que vous ne détachiez pas du tribunal de commerce de Saint-Nicolas ce que vous voulez eu détacher sans aucune nécessité.

J'ai confiance, messieurs, dans vos sentiments d'équité, et j'espère que vous nous accorderez au moins le rejet des article 7 et 9 du projet. Je l'espère d'autant plus, que nous n'avons pas même eu le temps de réunir tous les documents dont nous désirions faire usage, et qu'il n'est signalé aucun grief contre l'administration de la justice consulaire de Saint-Nicolas.

Quoi qu'il arrive, nous aurons la conscience d'avoir accompli notre devoir.

M. Vermeire. - Je crois, messieurs, que tous les arguments qui viennent d'être reproduits par l'honorable M. Van Overloop ont été suffisamment rencontrés dans la discussion générale. Je m'en réfère à ce que j'ai dit dans cette discussion et à ce qui a été dit par honorable ministre de la justice.

(page 954) - De toutes parts : Aux voix ! aux voix.

M. Verwilghen. - J'espère qu'avant de clore la discussion, la Chambre me permettra de présenter encore deux observations en réponse au dernier discours de M. le ministre de la justice.

L'honorable ministre, en défendant l'article 9 du projet, qui, pour les cantons de l'arrondissement de Termonde, attribue au tribunal de cette ville la connaissance des affaires commerciales, ne me paraît avoir eu en vue que le chef-lieu de l'arrondissement. Mais qu'il veuille bien remarquer, que cet arrondissement se compose de quatre cantons judiciaires, et que deux de ces cantons sont aussi rapprochés de Saint-Nicolas que de Termonde. Ainsi, par exemple, les commerçants des communes de Waesmunster, de Hamme et de Zele me semblent avoir autant d'intérêt à se rendre à Saint-Nicolas qu'à Termonde pour vider leurs différends en matière commerciale.

L'honorable ministre prétend ensuite, que la ville de St-Nicolas ne doit pas attacher grande importance à ce que l'on distraie de la juridiction de son tribunal de commerce les cantons de l'arrondissement de Termonde ; mais il oublie que la conséquence de cette nouvelle situation qu'on nous impose, va forcer les demandeurs commerçants et industriels de notre arrondissement, d'attraire les défendeurs domiciliés dans l'arrondissement de Termonde devant le tribunal de cette ville, au lieu de pouvoir les citer directement, comme cela se pratiquait jusqu'à ce jour, devant le tribunal de commerce de Saint-Nicolas où ils ont le centre de leurs affaires. Je crois que c'est là une considération à laquelle il convient d'avoir égard.

M. le président. - Je vais mettre l'article aux voix.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

L'art. 7 est mis aux voix par appel nominal.

60 membres sont présents.

47 adoptent.

11 rejettent.

2 s'abstiennent.

En conséquence, l'article est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Tesch, Thiéfry, E. Vandenpeereboom, Vander Stichelen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Boe, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Luesemans, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, Devaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Mascart, Moreau, Muller, Orban, Pirmez, Prévinaire et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Verwilghen, de Baillet-Latour, d'Ursel, Jacquemyns, Janssens, Magherman, Rodenbach et Savart.

Se sont abstenus : MM. de Mérode-Westerloo et Desmaisières.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus motivent leur abstention en ces termes :

M. de Mérode-Westerloo. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que, d'un côté, je comprends l'utilité de l'érection d'une nouvelle chambre au tribunal de Termonde et que, d'un autre côté, j'aurais voulu que, par compensation, la ville de Saint-Nicolas fût dotée d'un tribunal de première instance.

M. Desmaisières. - Je me suis abstenu, d'abord, par les mêmes motifs et ensuite, parce que j'aurais voulu que la discussion des articles eût été remise à demain.

Article 8

« Art. 8. Il est créé un tribunal de commerce à Alost.

« Il sera composé d'un président, de trois juges, de deux juges suppléants et d'un greffier.

« Sa juridiction s'étendra sur les cantons judiciaires d'Alost, Ninove, Grammont, Sotteghem et Herzele. »

M. Magherman. - Messieurs, je propose de supprimer le nom de Sotteghem dans le troisième paragraphe de l'article 8. Cet amendement se justifie par les considérations de l'intérêt des justiciables et de la bonne administration de la justice, qu'a fait valoir tout à l'heure M. le ministre de la justice.

Il n'y a aucun motif de distraire le canton de Sotteghem du tribunal d’Audenarde, auquel il ressortit actuellement tant pour les matières commerciales que pour les causes civiles, pour l'attribuer à la nouvelle juridiction commerciale d'Alust. Ce canton est plus rapproché d'Audenarde que d'Alost : de Sotteghem à Audenarde, il n'y a guère que trois lieues, tandis que la distance de Sotteghem à Alost est d'environ cinq lieues.

Il est vrai que, dans les deux directions, il y a des routes pavées ; mais le distance vers Audenarde est toujours sensiblement plus courte et puis il y a des relations établies, lesquelles relations seront maintenues eu tout cas, pour les matières civiles et correctionnelles.

D'autre part il ne faut pas restreindre outre mesure la juridiction du tribunal d'Audenarde qui n'est pas surchargé d'affaires, pour donner une importance trop considérable au tribunal de commerce d'Alost. D'après le projet du gouvernement, ce nouveau tribunal aurait dans sa circonscription une population de 136,194 habitants ; il n'en resterait à Audenarde que 78,829 ; en conservant à la juridiction commerciale d'Audenarde le canton de Sotteghem, cette population serait de 96,101 habitants et il resterait à Alost une population de 118,922 habitants.

Vous voyez, messieurs, que l'intérêt des habitants du canton de Sotteghem et l'administration d'une bonne justice se réunissent pour motiver mon amendement.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je croirais abuser des moments de la Chambre si je m'attachais à justifier l'érection d'on tribunal de commerce à Alost, puisque cette partie du projet de loi n'a été réellement attaquée par personne. Je remercie les honorables membres qui ont cru devoir combattre certaines dispositions du projet de loi, d'avoir laissé de côté, ainsi qu'ils l'ont dit, la question d'Alost, et d'avoir ainsi reconnu implicitement la justice de notre demande ; mais je tiens surtout à remercier publiquement l'honorable ministre de la justice d'avoir fait droit aux réclamations que nous avons renouvelées à différentes reprises dans cette enceinte et dans les sections. Je remercie l'honorable ministre d'avoir compris qu'il eût été souverainement injuste de repousser plus longtemps ces réclamations, alors que l'importance commerciale et industrielle de la ville et de l'arrondissement d'Alost ne cesse d'augmenter dans les proportions les plus remarquables, je dirai même dans des proportions véritablement étonnantes.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Magherman, je me bornerai à dire deux mots. Les distances entre Sotteghem et Audenarde et entre Sotteghem et Alost sont sensiblement les mêmes ; mais je crois qu'il vaut mieux que le canton de Sotteghem appartenue à la nouvelle juridiction qu'il s'agit d'établir à Alost, parce que de cette manière la circonscription consulaire coïncidera avec les circonscriptions administratives. En effet, le canton de Sotteghem fait partie de l'arrondissement administratif d'Alost.

Je ferai remarquer en outre que Sotteghem se trouve aussi dans le ressort de la chambre de commerce établie à Alost, de même que dans le ressort du conseil de prud'hommes institué dans la même ville.

II n'existe donc aucun motif pour adopter l'amendement de l'honorable M. Magherman.

- L'amendement de M. Magherman est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 8 est ensuite mis aux voix et adopté.

Articles 9 à 11

« Art. 9. Le tribunal de première instance de Termonde connaîtra des matières attribuées aux juges de commerce dans l'étendue des cantons judiciaires de Termonde, Hamme, Zele et Wetteren. »

- Adopté.


« Art. 10. Le gouvernement fixera l'époque de l'exécution des dispositions des trois articles précédents. »

- Adopté.


« Art. 11. Les affaires régulièrement introduites avant la mise en vigueur des articles 7, 8 et 9, seront continuées devant le juge qui en est saisi. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

57 membres sont présents.

2 (MM. Desmaisières et Jacquemyns) s'abstiennent.

49 répondent oui.

6 répondent non.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Tack, Tesch, Thiéfry, E. Vandenpeereboom, Vander Stichelen, Van Iseghem, Vermeire, Vervoort, Veydt, Coomans, Coppieters ’t Wallant, Crombez, David, de Boe, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Terbecq, Devaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Mascart, Muller, Orban, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Vander Donckt, Van Overloop, Verwilghen, de Baillet-Latour, Janssens et Magherman.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Desmaisières. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai énoncés tout à l'heure.

M. Jacquemyns. - Je ne désire pas voter contre la loi, parce que j'en approuve les dispositions principales ; je n'ai pu voter toutefois pour une disposition qui diminue considérablement le ressort du tribunal de commerce de Saint-Nicolas, et qui défère au juge civil une notable partie des contestations en matière de commerce dans un arrondissement judiciaire où il existe un tribunal de commerce.

- La séance est levée à 5 heures.