(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)
(page 970) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Moor fait l'appel nominal à 2 heures et demie.
M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Charles-Paul Van Halteren, candidat notaire à Bruxelles, né à Maldeghem, prie la Chambre de lui accorder la grande naturalisation, si la qualité de Belge ne lui était pas acquise, et l'exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des habitants de Landeghem demandent que le canal de Deynze à Schipdonck soit ouvert à la navigation. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Charlier, commis des accises pensionné et combattant de la révolution, demande à jouir du bénéfice accordé par la loi aux blessés de septembre. »
-Même renvoi.
« Le sieur Verheggen, combattant de la révolution, demande à jouir du bénéfice accordé par la loi aux blessés de septembre. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Melsele demande que l'arrondissement administratif de Saint-Nicolas soit érigé en arrondissement judiciaire. »
« Même demande des administrations communales de Stekene, Belcele et Exaerde. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Il est fait hommage à la Chambre, par M. E. Bronne, de 112 exemplaires d'un ouvrage ayant pour titre : « La réforme postale en Angleterre ; examen de ses résultats depuis son origine jusqu’à ce jour. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.
M. Wala (pour une motion d’ordre). - Je dois déclarer que je regrette vivement de m'être trouvé dans l'impossibilité de me rendre hier à la séance de la Chambre ; j'ai été retenu chez moi par suite d'un nouvel événement fâcheux qui est parvenu dans ma famille, la perte d'un beau-frère décédé vendredi dernier ; je tiens à ce qu'il soit constaté que si j'avais pu me trouver ici j'aurais voté le projet de loi sur l'augmentation du personnel des tribunaux, ainsi que je l'avais fait en sections.
M. Savart. - J'ai l'honneur de présenter un rapport sur une demande en naturalisation ordinaire.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et la demande mise à la suite de l'ordre du jour.
M. de Paul. - J’ai l’honneur de déposer, avec les dossiers y relatifs, plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- Même décision.
M. Moreau. - Messieurs, déjà j'ai pris la parole à plusieurs reprises, pour engager vivement le gouvernement à réviser les lois concernant les dépôts de mendicité et le domicile de secours et je suis heureux d'apprendre qu'il s'occupe de ces questions importantes, dignes de toute sa sollicitude.
J'espère bien que ce ne sont pas des promesses vagues qu'il nous fait, des espérances qui seront déçues qu'il nous donne et que, pendant la session prochaine, nous serons saisis de projets de loi sur ces matières assez à temps pour pouvoir les examiner et les voter.
Il est pins que temps qu'il en soit ainsi, car il ne faut pas se faire illusion. Il y a là un mal manifeste qui exerce de plus en plus ses ravages et auquel il est urgent d'apporter un remède énergique et efficace.
Je ne veux pas, messieurs, traiter à fond toutes les questions qui se rattachent à cette matière, le moment serait mal choisi ; nous reconnaissons tous, je pense, y compris le gouvernement, que les dépôts de mendicité sont loin d'atteindre le but pour lequel ils ont été créés.
Il est donc étonnant qu'il faille tant attendre pour voir disparaître des choses reconnues mauvaises depuis si longtemps. Car permettez-moi de vous redire encore ce que le gouvernement imprimait en 1845, ainsi il y a plus de 12 ans, dans un document officiel en parlant des dépôts de mendicité.
« Dans l'état actuel des choses, disait-il, les dépôts de mendicité ne répondent pas au but de leur institution. Etablis pour réprimer et prévenir la mendicité, leur organisation s'oppose à ce qu'ils remplissent cette double condition. Ils n'offrent pas aux fainéants, aux vagabonds, aux repris de justice qui y sont reclus les moyens de régénération morale nécessaires ; ils exposent les ouvriers honnêtes qui s'y rendent momentanément à perdre leurs habitudes laborieuses et à se dépraver ; ils sont des foyers de corruption, des lieux de désolation pour les vieillards et les incurables ; loin de remédier à la mendicité, ils y provoquent ; tout indigent qui y entre peut être considéré comme perdu pour la société.
« Il en résulte que les sacrifices faits par les communes pour l'entretien de leurs indigents dans les dépôts n'ont le plus souvent d'autre résultat pour elles que de donner lieu à des sacrifices de plus en plus grands et hors de proportion avec leurs ressources ; aussi les plaintes s'élèvent-elles de toute part et contre les charges accablantes et contre le régime qui les nécessite. »
Tel était, messieurs, le langage si expressif du gouvernement en 1845. Ce qui était vrai alors, l'est encore aujourd'hui, et rependant en 1858 ces dépôts de mendicité, ces foyers de corruption où l'ouvrier honnête se dégrade, existent encore et ce sont les communes qui se ruinent pour subvenir à leur entretien !
Quant à moi, messieurs, sans vouloir méconnaître les difficultés que peut présenter la solution de cette question, je n'ai jamais compris qu'il ait fallu douze ans pour la résoudre.
Permettez-moi de vous répéter ce que je vous ai dit en 1855, parce que mes convictions ne sont pas changées.
« Je demande, disais-je alors, que le gouvernement supprime les dépôts de mendicité, ces lieux où les mendiants se dégradent de plus en plus ; c'est-à-dire je désire qu'il n'alimente plus ces établissements, en y admettant encore des mendiants, qu'il laisse éteindre ces foyers de corruption.
« Leur suppression ne présentera certes pas en Belgique, plus d'inconvénients, plus de dangers qu'elle n'en a fait naître en France.
« Dans l'entre-temps on pourra rechercher ce qu'ii y a de mieux à faire pour réprimer la mendicité.
« Quant à moi, messieurs, sauf meilleur avis, je partage l'opinion consignée dans une des pétitions analysées dans votre dernière séance.
« Toutefois, messieurs, porte cette pétition, nous ne demandons pas l'impunité pour les individus valides qui, pouvant se livrer au travail, préfèrent se mettre à charge de la société ; ceux-là évidemment commettent un délit qu'il faut punir. Nous pensons que le meilleur moyen de corriger ces êtres dégradés, c'est de les renfermer pendant un temps plus ou moins long dans nos prisons cellulaires, dussent même les communes supporter eu tout ou en partie les frais de cet emprisonnement.
« Ce genre de punition paraît avoir produit d'excellents résultats sur des individus considérés comme incorrigibles ; pourquoi n'en ferait-on pas l'essai ?
« Quant aux autres mendiants, il nous paraît qu'on doit laisser à la charité publique et privée le soin de les secourir dans chaque commune. La mendicité ne serait donc un délit que lorsque la personne qui s'y livrerait habituellement serait valide ou lorsqu'elle aurait lieu hors du territoire de la commune.
« Il appartiendrait aux administrations locales de prendre, sous le contrôle de l'autorité supérieure, les mesures nécessaires pour décider le mode le meilleur de diminuer au moins, si pas de supprimer entièrement la mendicité. »
Telle était, messieurs, mon opinion en 1855 et telle est celle que je soumets encore aujourd'hui à l’examen du gouvernement. Je n'en dirai pas davantage, j'espère, comme je l'ai dit en commençant, que dans la session prochaine nous pourrons apporter un remède efficace au mal que nous reconnaissons tous exister.
M. Tack. - Je viens, messieurs, m'associer aux observations présentées par l'honorable M. Moreau au sujet de la réforme tant désirée de nos lois sur la mendicité.
J'ai remarqué, par le rapport de l'honorable M. Jouret, que M. le ministre de la justice s'est rendu en section centrale, et que là il a déclaré que le cabinet se proposait de se livrer à une enquête sur la condition des classes pauvres dans le pays, à l'effet de rechercher si les moyens employés pour prévenir, ou tout au moins pour soulager la misère, atteignent le but qu'on s'est proposé.
Je suis heureux, pour ma part, de voir que cette question si importante et si grave est mise à l’étude et est l’objet de toute la sollicitude du gouvernement. Mais je vois avec regret que, parmi les objets qui touchent à la bienfaisance publique, la révision de la loi sur le domicile de secours et la réforme des dépôts de mendicité, semble être ajournée à un temps assez éloigné. Et, en effet, si j'interprète bien la pensée de l'honorable ministre de la justice, l'enquête qui va s'ouvrir sera longue et compliquée. Cependant il faut bien le reconnaître, bien des rapports ont été faits, bien des investigations ont eu lieu sur le régime des dépôts de mendicité et sur leurs inconvénients.
(page 971) L'année dernière, un projet relatif à la réforme des dépôts de mendicité avait été soumis à la Chambre : déjà les sections s'en étaient occupées, mais la dissolution a fait tomber ce projet.
Messieurs, chaque année, à l'occasion de la discussion du budget de la justice, des réclamations vives, des protestations énergiques s'élèvent dans cette enceinte contre le régime et la discipline des dépôts de mendicité.
Les uns, comme l'honorable M. Moreau, demandent la suppression de ces établissements, d'autres se contenteraient d'une réorganisation ou d'une réforme assez radicale.
On est d'accord, messieurs, à dire que l'institution est mauvaise, qu'elle est vicieuse, qu'elle ne répond point à son but qui est de prévenir et de réprimer la mendicité et le vagabondage. Refuges habituels de la fainéantise et de la paresse, les dépôts de mendicité ont rarement servi d'asiles aux véritables malheureux ; au lieu d'être des écoles de moralisation ils ont dégénéré en écoles de dépravation. Obérés dans leurs propres finances, ils ont imposé aux communes des charges intolérables. Voilà le résumé de leur bilan.
Les autorités administratives, les gouverneurs de provinces les députations permanentes, les commissions d'inspection, les dépôts de mendicité ont fait d'inutiles efforts pour améliorer le régime et la discipline de ces établissements. Rien n'a pu aboutir jusqu'à présent.
Le moment, me paraît-il, pour procéder à une réforme, est plus favorable que jamais ; en effet, le travail abonde partout dans nos villes et dans nos campagnes. Les reclus actuels aux dépôts de mendicité sont ou des hommes valides, des fainéants de profession, sur le sort desquels il n'y a pas lieu de s'apitoyer ; ou ce sont des incurables, des invalides, des vieillards, dont la place est marquée ailleurs, je veux dire dans les hospices, dans les hôpitaux.
La révision de la loi sur le domicile de secours est aussi généralement demandée.
Pour moi, je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre de la justice et de la Chambre sur un point spécial. La loi du 18 février 1845 met à la charge du gouvernement les secours provisoires qui sont fournis par les communes aux étrangers, à ceux dont le domicile de secours est inconnu. Cette charge a augmenté depuis quelques années dans des proportions effrayantes.
J'ai compulsé les budgets à partir de 1843. J'ai divisé l'époque de 1843 à 1857 en périodes quinquennales. J'ai remarqué qu'en 1843 le crédit pétitionné au budget était de 18,000 fr. ; en 1847, cinq ans après, il était de 20,000 fr. ; en 1852, troisième période, de 60,000 fr. ; en 1857, quatrième période, de 100,000 fr., et aujourd'hui, il est de 160,000 fr.
Cet état de choses a ému la section centrale et elle en a fait l'objet de deux questions, qui ont fourni les réponses suivantes :
« D. La somme portée à l'article 37 (160,000 fr.) sera-t-elle suffisante pour éviter la demande de crédits supplémentaires ?
« R. Le gouvernement espère, au moyen de la somme de 160,000 fr. portée au budget de 1859, être en mesure de couvrir les frais d'entretien et de transport d'indigents dont le domicile de secours est inconnu ou qui sont étrangers au pays. Cependant comme ces sortes de dépenses sont, de leur nature, très variables et qu'il ne dépend pas du gouvernement, dans l'état actuel de la législation, de les réduire, il est impossible de donner une réponse absolue à la question posée.
« D. Le gouvernement n'apporte-t-il pas trop de facilité dans le remboursement des secours accordés pour frais d'entretien des indigents étrangers ?
« R. Il ne dépend pas de la volonté du gouvernement d'accorder ou de ne pas accorder le remboursement des secours donnés par une commune à un indigent étranger ; dès l'instant que le secours a été accordé en cas de nécessité, et qu'un avis lui en a été adressé dans le délai fixé par la loi, le remboursement du secours doit avoir lieu, sauf par le gouvernement à prendre, à l'égard de l'indigent secouru, les mesures nécessaires pour sauvegarder, dans l'avenir, les intérêts du trésor public. Ainsi, s'il s'agit d'un mendiant reclus dans un dépôt de mendicité, il est transféré à la frontière, en vertu de l’article 3 de la loi du 3 avril 1848. Si, au contraire, c'est un aliéné qui est colloqué dans un établissement du royaume, ou un enfant abandonné, son rapatriement est réclamé du gouvernement du pays auquel il appartient, afin de faire cesser la charge que ces indigents occasionnent au trésor belge.
« Le contrôle de l'autorité supérieure s'exerce aussi, dans la mesure du possible, relativement aux secours accordés à domicile aux indigents étrangers, ou dont le domicile de secours est inconnu. Il consiste à veiller à ce que les administrations de bienfaisance ne donnent ces secours qu'en cas de nécessité, qu'ils n'excèdent pas les besoins réels et ne soient pas supérieurs à ceux qu'elles accordent à leurs propres indigents dans la même position. Le gouvernement ne peut faire plus sur ce point.
« Restent enfin les frais qu'occasionnent les indigents étrangers dans les hôpitaux et ce sont ces frais qui absorbent la plus grande partie de l'allocation. Il est cependant impossible de prendre aucune mesure pour las diminuer. Dès l'instant où un indigent étranger tombe malade, l'humanité commande de le faire traiter, et c'est à l'Etat qu'il incombe de payer les frais qui résultent de ce traitement. »
Messieurs, je ne doute pas le moins du monde des louables efforts que fait le gouvernement pour circonscrire dans les limites les plus étroites, pour réduire aux cas de nécessité sans méconnaître en rien les droits de l'humanité, les secours fournis aux indigents étrangers ; mais je crois que les communes, de leur côté, y mettent plus de générosité qu'il ne le faudrait et que c'est peut-être par suite de leur condescendance que des abus se sont glissés dans ce service. Il arrive par suite que les étrangers sont mieux traités que les indigents régnicoles. La position ici du gouvernement est fausse. Je n'entends donc pas lui en faire de reproche, je n'entends pas critiquer les mesures qu'il prend pour éviter les abus. Mais, selon moi, cet abus est réel et inévitable sur l'empire de la loi actuelle. Je ne puis me défendre de cette idée en voyant le chiffre progressif de la dépense.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cela tient à des causes légales.
M. Tack. - Je sais qu'en 1842 ou vers cette époque on a renoncé à faire l'application qu'on faisait jusqu'alors d'un arrêté du roi Guillaume, arrêté qu'on a considéré comme illégal, et en vertu duquel une partie de la dépense qui incombait auparavant aux communes a été imposée à l'Etat. Ces principes ont passé dans la loi de 1845.
Cependant en 1847, alors que la loi de 1845 était en vigueur depuis deux ans, alors qu'on avait abandonné depuis sept ans cette ancienne jurisprudence introduite par le gouvernement néerlandais, les frais occasionnés par ce service ne s'élevaient qu'à 20,000 fr. ; aujourd'hui ils s'élèvent à 160,000 fr., c'est-à-dire que la dépense est devenue huit fois plus forte que dans l'origine, et cela dans un espace de dix-sept ans.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On demandait périodiquement des crédits supplémentaires.
M. Tack. - Je le veux bien, mais qu'est-ce que cela prouve ? II faut bien en convenir, il y a quelque chose d'assez anomal dans cette augmentation successive d'un crédit qui, fixé à 20,000 fr. en 1815, s'élève : en 1849, à 30,000 fr. ; en 1852, à 60,000 fr. ; en 1857, à 100,000 fr. et en 1859, à 160,000 francs.
Voici, si j'en juge bien, comment, dans la pratique, les choses se passent.
Quand il s'agit d'un indigent ayant son domicile dans le pays, la commune pour compte de qui se font les avances surveille de près ses intérêts. Un indigent est-il secouru dans une commune autre que son domicile de secours, la commune intéressée intervient à l'instant ; elle fait, au besoin, restreindre les secours accordés ; elle les fait supprimer ; elle guette le moment favorable pour réclamer le renvoi de l'indigent au lieu de son domicile.
Le gouvernement est dans l'impossibilité de recourir à ces moyens. Que voulez-vous qu'il fasse des indigents qui sont secourus pour son compte et qui sont éparpillés dans tout le pays ? Gomment exercer un contrôle rigoureux ?
C'est la commune où le secours est fourni qui apprécie les besoins de l'indigent et de sa famille ; ce sont les fonctionnaires et employés de la commune qui jugent de la maladie de l'indigent, du degré de convalescence. Sur tous ces points, l'administration supérieure ne peut exercer aucun contrôle.
Au point de vue pécuniaire, les communes sont complétement désintéressées quand elles font des avances pour compte du gouvernement ; car elles ont la certitude d'en obtenir le remboursement.
Le gouvernement paye bien, le gouvernement est toujours un débiteur loyal et solvable.
Quand une question de domicile est traitée entre deux communes, les choses se passent autrement : des complications sans fin surgissent, des contestations interminables prennent naissance, on exerce un recours auprès de la députation permanente, et ensuite auprès de l'autorité supérieure. On traîne la contestation. Les questions s'embrouillent de points de droit et de points de fait ; la bonne foi ne préside pas toujours aux discussions que provoquent ces différends.
C'est à qui se débarrassera de la charge. Il se passe souvent 2, 3, 4 ou 5 ans avant qu'un différend puisse être vide. Il arrive qu'une commune qui a fait des avances finit par ne pas les recouvrer.
On comprend dès lors qu'elles restreignent dans ce cas les secours autant que possible, tandis que le contraire arrive quand il s'agit d'un indigent dont le domicile est à la charge du gouvernement.
Voilà quelle est la pratique, voilà ce qui explique l'augmentation incessante du crédit qui figure au chapitre relatif aux secours à accorder aux indigents qui n'ont pas de domicile de secours dans le pays.
Je voudrais que dans l'enquête que le gouvernement se propose d'ouvrir, on ne perde pas de vue ce point important et qu'on s'attache à établir des comparaisons entre les différentes villes qui font des avances à charge du trésor public.
J'appelle également de tous mes vœux, comme l'honorable M. Moreau, la prompte réforme du régime des dépôts de mendicité.
M. Rodenbach. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion qui a été énoncée par les deux honorables préopinants, MM. Moreau et Tack. La Chambre a reçu, le 16 du mois dernier, une requête de la députation permanente de la Flandre orientale,
Dans cette requête on fait valoir de puissantes considérations pour la suppression totale des dépôts de mendicité. J'ai émis la même opinion depuis dix ans.
Chaque fois qu'on a discuté un budget de la justice dans cette enceinte, j'ai fait connaître les doléances des communes. Il ne s'agit pas d'une plainte isolée ; nous avons reçu des centaines de pétitions.
Presque toutes les communes, notamment celles des Flandres, sont (page 972) venues déclarer que les dépôts de mendicité étaient une cause de ruine pour elles ; qu'ils étaient une véritable lèpre pour le pays, qu'ils étaient directement contraires aux intérêts financiers et à la prospérité de nos communes.
Messieurs, puisque les plaintes sont si générales, je crois qu'il faut faire table rase de ces établissements. On objectera qu'il faut pourtant trouver un moyen pour que les vagabonds ne nuisent pas à la société ; comme on l'a dit et comme je l'ai dit moi-même, il faut condamner les mendiants et les fainéants valides et incorrigibles à la prison quand ils se refusent à travailler ; il faut même les soumettre à un régime d'isolement, au régime cellulaire ; ils ne seront pas très amateurs d'être incarcérés. Les dépôts de mendicité sont des espèces d'auberges où les vagabonds vont passer l'hiver pour en sortir en été.
Je suis convaincu que M. le ministre songera à nous présenter dans la prochaine session un projet de loi ; car il y a beaucoup à faire. En ce moment l'ouvrage ne manque pas dans les campagnes ; tons les hommes valides peuvent s'en procurer ; quant aux invalides, dans plusieurs communes des Flandres, surtout dans la Flandre occidentale. On a trouvé moyen de les nourrir, les vieillards et les invalides dans des hospices où on leur fait cultiver quelques hectares de terre ; ceux qui ne sont pas tout à fait invalides travaillent dans la mesure de leurs forces ; et avec 16 centimes par jour les bureaux de bienfaisance, par l'intermédiaire des sœurs de charité, pourvoient à leurs besoins, tandis que dans les dépôts de mendicité on demande pour les vagabonds incorrigibles qu'on y reçoit trois et quatre lois davantage. Il en résulte une charge énorme pour les communes.
A propos de la requête de la députation permanente du conseil provincial de la Flandre occidentale, j'ai dit qu'autant que faire se pourrait, il fallait décentraliser la bienfaisance. Il faut que chaque commune tâche de donner de l'ouvrage aux uns, des secours aux autres ; alors quand un vagabond parcourra le pays, qu'on le reconduise dans sa commune et qu'on l'oblige à y rester ; au besoin qu'on lui inflige une peine correctionnelle.
Quand on décentralisera la bienfaisance, on pourra faire table rase des dépôts de mendicité. Quant au domicile de secours, il y a de grands abus à faire disparaître. Aujourd'hui quand des familles ont été quatre, cinq ou six ans dans une commune, on les laisse tranquilles ; mais quand les huit années de séjour sont sur le point d'être atteintes, certains bureaux de bienfaisance, qui aiment à spéculer, leur donnent de l'argent pour les faire retourner à leur ancien domicile, afin de se soustraire à la charge qui leur incomberait.
Il est indispensable qu'une loi sur le domicile de secours intervienne pour faire cesser toutes ces iniquités.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je reconnais que la loi sur le domicile le de secours et les dispositions sur les dépôts de mendicité ont donné lieu à de nombreuses plaintes ; je reconnais également que ces plaintes durent depuis fort longtemps ; je reconnais enfin qu'elles ne sont pas toutes sans fondement ; mais il est plus facile de se plaindre que de trouver le remède au mal qu'on signale. C'est en raison de cette difficulté que les ministres qui se sont succédé ont laissé subsister la situation qu'ils ont trouvée. Quant au domicile de secours, ces plaintes se sont fait entendre avant et depuis la loi de 1818.
Les plaintes, depuis la loi de 1818, partaient surtout des grandes villes, vers lesquelles on accusait les campagnes de diriger leurs pauvres et dans lesquelles on accusait les campagnes de les entretenir pendant le temps nécessaire pour y acquérir le domicile de secours. (Interruption.) Messieurs, je signale un fait, et ce fait serait encore de nature à se produire si nous avions à passer une crise alimentaire comme celles de 1845 et de 1846. Or, c'est précisément en 1845 qu'à la suite des réclamations de plusieurs villes, on a modifié la législation et porté de 4 à 8 ans le temps nécessaire pour acquérir le domicile de secours. On a pris différentes autres dispositions ; on a mis à charge du gouvernement une partie notable des frais.
Néanmoins, les plaintes n'ont pas cessé, elles ont été peut-être un peu moins nombreuses de la part des villes ; mais les campagnes ont alors commencé à faire entendre leurs doléances. Que nous arrivions à faire une législation qui ne donne lieu à aucune plainte, c'est ce qu'il n'est guère permis d'espérer. Et, en effet, c'est au fond la question de savoir si on accordera ou si l'on n'accordera pas de secours. Si l'on accorde des secours, il faut bien que quelqu'un les rembourse, et celui qui devra les rembourser se plaindra.
Maintenant, est-il possible de faire, quant à la législation sur le domicile de secours, mieux que ce qui existe actuellement ? Je le désirerais bien vivement, mais je demande qu'on m'en indiqué le moyen. Je comprends parfaitement que l'on cherche à faire pour les campagnes, par exemple, une loi qui ait pour elles des conséquences moins onéreuses ; mais alors les villes réclameront. Que vous cherchiez à faire une législation qui soit moins onéreuse pour les villes, je le comprends également ; mais alors les campagnes se plaindront à leur tour. (Interruption.)
En France le secours n'est pas obligatoire. Mais c'est là précisément le principe qui est en question ; c'est, je le répète, la question de savoir s’il faut ou s'il ne faut pas accorder de secours aux indigents ; s'il faut laisser cela dans le domaine de l'humanité, si je puis m’exprimer ainsi. Voilà une question très grave, très sérieuse, que j'indique à la Chambre, mais que je n'entends nullement résoudre. La Chambre comprend assez que cette question, à raison même de sa gravité, doit faire l'objet d'un examen approfondi avant qu'une solution puisse être proposée par le gouvernement.
Quant aux dépôts de mendicité, messieurs, je suis encore d'avis qu'ils exigent une réforme complète. Je ne dis pas qu'il faille abolir tous les dépôts de mendicité ; je crois qu'il faut en maintenir quelques-uns, mais dans des conditions différentes de ce qu'ils sont aujourd'hui, dans des conditions différentes de situation surtout et de travail imposé.
Mais, messieurs, cette question est également très grave, car elle se lie à la question de la mendicité même. Faut-il permettre la mendicité d'une manière générale ; faut-il la permettre d'une manière restreinte, dans les communes par exemple, ou faut-il l'abolir complétement ?
Messieurs, mon opinion, j'ai eu déjà l'occasion de le dire, est qu'il faudrait peut-être permettre la mendicité dans les communes pour les indigents de chaque commune seulement ; et élever à la hauteur d'un délit la mendicité commise par un indigent en dehors de sa commune et faire alors participer à la répression de ce délit, non pas seulement l'Etat, parce que la commune doit rester intéressée, mais la commune, la province et l'Etat. (Interruption.)
Je répète que je ne donne pas, sur des questions aussi graves, mon opinion comme définitivement arrêtée ; je me borne à l'indiquer comme devant être nécessairement soumise à l'appréciation du pays, des autorités et des hommes compétents qui s'en sont occupés d'une manière spéciale.
Je crois qu'il y a là quelque chose à faire. Je crois, par exemple, que deux dépôts de mendicité suffiraient en les plaçant aux deux extrémités du pays, de telle sorte qu'on placerait respectivement dans chacun d'eux les indigents de l'extrémité opposée, afin de les dépayser et de leur inspirer une terreur salutaire. C'est dans ce sens que des modifications devront, je pense, être apportées à la législation actuelle. Ces questions, messieurs, feront l'objet des études du gouvernement et je serais heureux de pouvoir en présenter une solution à la Chambre dans un temps assez rapproché.
Je ne puis que promettre à la Chambre de ne point les perdre de vue et de tâcher de les résoudre le plus tôt possible.
M. Rodenbach. - C'est tout ce que nous demandons.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Maintenant, messieurs, quant aux sommes qui figurent au budget pour secours aux indigents étrangers, l'augmentation qu'elles ont successivement subie tient à deux causes : la première, c'est qu'on s'est écarté d'une interprétation qui avait été donnée à la loi de 1818, je crois, par arrêté de 1826 ou 1827. Jusqu'alors, les communes avaient dû supporter, dans certains cas, les frais de secours accordés à des indigents étrangers.
Mais on a contesté la légalité de cette mesure ; l'illégalité en a dû être reconnue par le gouvernement et une partie considérable des frais supportés jusqu'alors par les communes est retombée exclusivement à la charge du trésor public. Voilà une des causes principales.
Une autre cause, c'est que pendant assez longtemps le gouvernement hollandais, en vertu d'un traité existant, a remboursé les frais faits pour ceux de ses indigents qui venaient en Belgique. Ce traité a été dénoncé à cause des difficultés nombreuses auxquelles il avait donné lieu.
D'un autre côté, il ne faut pas s'arrêter exclusivement aux chiffres qui figurent au budget, comme l'a fait l'honorable M. Tack.
Je crois me rappeler d'avoir moi-même, en 1852, demandé un crédit supplémentaire d'environ 60,000 francs ; je puis affirmer que chaque année des crédits supplémentaires ont dû être alloués, et c'est précisément pour cela que j'ai moi-même proposé d'augmenter le crédit précédemment alloué au budget. Ainsi s’explique la différence signalée par l'honorable M. Tack. Le gouvernement fait tout son possible pour réduire ces frais ; j'en trouve la preuve dans nos correspondances avec les communes, et je puis donner l'assurance qu'il n'est nullement prodigue des fonds du trésor ayant cette destination.
- La discussion générale est close ; la Chambre passe à l'examen des articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 200,800. »
- Adopté.
« Art. 3. Matériel : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais d'impression de recueils statistiques : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 6,000. »
- Adopté.
(page 973) « Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 215,600.
« Charge extraordinaire : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,250. »
- Adopté.
« Art. 8. Cour d'appel. Personnel : fr. 595,000.
« Charge extraordinaire : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Cour d'appel. Matériel : fr. 18,000. »
- Adopté.
« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,042,355.
« Charge extraordinaire : fr. 14,710. »
- Adopté.
« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 564,960.
« Charge extraordinaire : fr. 3,970. »
M. J. Jouret. - Messieurs, à propos de l'article 11, je demanderai la permission de renouveler, pour les compléter, quelques observations que j'ai eu l’honneur de faire lors de la discussion du budget pour 1858.
A cette occasion, messieurs, j'attirai l’attention de M. le ministre de la justice sur les inconvénients graves qu'a produits la réforme introduite par la loi du 1er mai 1849, qui a admis dans tous les cas l'appel des jugements de simple police. J'ai démontré que la faculté de l'appel qui n'a généralement été introduite qu'en vue des délits dont on donnait nouvellement la connaissance aux juges de paix, lorsqu'elle est exercée systématiquement et sans modération, de même que sans nécessité pour la vindicte publique, produisait des résultats déplorables et allait souvent jusqu'à la ruine d'hommes honnêtes qui n'avaient à se reprocher qu'une légère contravention dont la société ne pouvait avoir à souffrir.
J'ai rappelé que les législations antérieures, la Constitution de l'an III, le Code de brumaire an IV, de même que le Code d'instruction criminelle avaient été unanimes à repousser un pareil ordre de choses, le Code de brumaire an IV d'une manière absolue et le Code d’instruction criminelle dans une certaine limite, attendu qu'il admettait l'appel des jugements qui avaient prononcé l'emprisonnement et une amende de 5 fr. non compris les dédommagements dus à la partie.
Vous vous rappellerez peut-être, messieurs, qu'à cette occasion, M. le ministre de la justice, en répondant aux observations que j'avais faites, déclara que pour savoir jusqu'à quel point ces observations étaient fondées, il était nécessaire qu'il se fît produire un état statistique des appels qui avaient été interjetés en matière de jugements de simple police.
Cette statistique est actuellement entre nos mains ; elle figure au rapport sous l'annexe C. Je ferai observer à la Chambre avec M. le ministre de la justice que ce tableau ne fait pas de distinction entre les appels qui ont été formés par le ministère public et ceux qui ont été formés par les condamnés. C'est une chose regrettable, car du cette manière les renseignements qu'on a voulu nous donner me manquent absolument.
Nous ne pouvons apprécier que d'une manière fort générale la question de savoir si les inconvénients que j'ai signalés existent ou n’existent pas. Ensuite, pour bien établir que ces inconvénients existent réellement, il aurait fallu que nous eussions également en notre possession la statistique des différentes localités auxquelles je pensais plus ou moins en présentant à M. le ministre de la justice et à la Chambre les observations que j'ai faites alors.
M. le ministre de la justice a annoncé à la section centrale, que des judications nouvelles seraient demandées. Lorsque ces indications nous seront parvenues, je crois qu'il sera facile de démontrer à la Chambre que les inconvénients que j'ai signalés existent réellement. J'ai la conviction qu'ils existent et d'une manière déplorable.
Mais, messieurs, ces inconvénients que j'ai en l'honneur de vous signaler, ne vous sont-ils pas déjà révélés dans le tableau qui nous a été produit ? Veuillez, je vous prie, me suivre dans les quelques observations que je vais faire et vous souviendrez qu'on a donné à l'appel en matière de simple police une extension qui certes n'était pas dans l'intention de la loi.
Je néglige les années 1840 à 1847. Et, en effet, vous voyez que pour un total d'affaires assez considérable jugées par les tribunaux de simple police, les appels sont peu nombreux : ces appels s'élèvent à 84, 65, 99, 50,.71, 57, 29, 36 en 1817.
En 1848, il y a 15,500 affaires jugées par les tribunaux de simple police et seulement 46 appels.
Nous arrivons à l’année 1849. Le nombre des affaires jugées est de 25,610. Malheureusement nous n'avons pas encore du chiffres dans la colonne qui devrait indiquer les appels interjetés pour les délits et pour les contravention.
Il nous est impossible de savoir à quoi s’applique le chiffre de 158, auquel s'élève immédiatement le nombre des appels. Je ne me rappelle pas si la loi de 1849 a été mise immédiatement à exécution ; mais il est évident que ce chiffre de 158 doit être le résultat des appels plus nombreux interjetés par suite de la loi de 1849.
Nous arrivons à l'année 1850, année normale puisqu'il est certain que la loi de 1849 a été exécutée du 1er janvier au 31 décembre ; nous avons 32,403 affaires jugées, 7,822 délits mis nouvellement dans les attributions des justices de paix et 24,581 contraventions de simple police ; et immédiatement de 158 le chiffre des appels s'élève à 264.
En 1851, 34,669 affaires, 8,501 délits, 26,168 contraventions de simple police et encore une fois 202 appels.
En 1852, à peu près les mêmes chiffres, mais les appels s'élèvent de 262 à 319.
En 1853, nous avons 39,920 affaires, 11,268 délits, 23,652 contraventions de simple police et 420 appels, cent de plus que l'année précédente.
Il est évident, messieurs, que bien que ce tableau soit incomplet et ne puisse nous donner satisfaction relativement aux inconvénients que j'ai eu l'honneur de signaler, les chiffres pris dans leur généralité indiquent déjà un accroissement d'appels assez considérable.
M. le ministre de la justice me fait un signe négatif ; je ne puis partager son opinion ; car en 1848, il n'y avait que 46 appels ; en 1849, il y en a 158 ; en 1850, 264, en 1852,3519 et en 1853, 420, plus de trois quarts de plus que dans l'année qui sert de point de départ.
Je n'apprécie ces chiffres qu'à un point de vue très général, attendu que, pour en bien saisir la signification, il faudrait avoir les subdivisions que M. le ministre de la justice nous a annoncées et que j'examinerai avec la plus grande attention.
Je dois l'avouer, ces chiffres ne répondent pas d'une manière complète à mes prévisions. J'avais pensé, d'après l'état de choses que j'avais eu sous les yeux et que j'avais cru devoir en conscience signaler à M. le ministre de la justice, que cette statistique aurait donné un chiffre d'appels plus considérable.
Je dois l'attribuer à ce que, dans certaines parties du pays, la loi du 1er mai 1849 est exécutée avec modération et intelligence, tandis, que dans d'autres parties du pays, j'en ai fait moi-même l’expérience et une longue expérience, j'ai la conviction que la loi est exécutée aveuglément avec un zèle excessif ; et que des appels sont interjetés dans tous les cas. Vous en aurez la conviction lorsque vous aurez dépouillé les états statistiques promis. Dans tous les cas, nous attendons ces états supplémentaires pour vous prouver que les inconvénients que j'ai eu l'honneur de vous signaler existent réellement.
Au reste, lorsque cette partie de la législation sera soumise aux délibérations de la Chambre, je n'hésiterai pas à lui proposer de revenir à la législation da code d'instruction criminelle, que je trouve infiniment plus sage, meilleure que la législation qu'a introduite la loi de 1849.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est possible qu'il y ait plus d'appels dans un arrondissement que dans un autre. Mais je je pourrais admettre que cela tienne, soit à la passion, soit à la partialité des magistrats. Je ne pense pas qu’il y ait en Belgique de magistrats qui portent la passion dans l’exercice de leurs fonctions.
Cela peut tenir aussi, messieurs, à ce que dans certaines localités les délits sont trop fréquents et la répression insuffisante. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour apprécier des chiffres de cette nature.
Mais, messieurs, en somme ces tableaux ne présentent rien d'exagéré quant aux appels ; ainsi pour 1856, il y a 46,245 contraventions.
Nombre des appels, 365.
C'est-à-dire moins d'un appel pour 100.
Maintenant, messieurs, l'honorable M. Jouret trouve très singulier qu'on passe tout d’un coup en 1848 de 46 appels à 158 en 1849.
Cela s'explique très bien, messieurs, il y a depuis la loi de 1849 un ordre de faits beaucoup plus graves qui sont soumis aux juges de paix. Ainsi jusqu'en 1849 les juges de paix ne pouvaient condamner à l’amende que jusqu'à 10 francs et à l'emprisonnement jusque cinq jours, tandis que depuis cette époque ils peuvent condamner à l'amende jusqu'à 200 francs et à l'emprisonnement jusqu'à huit jours.
Le juge de paix ayant à connaître de faits beaucoup plus graves et à prononcer des pénalités beaucoup plus élevées, les appels doivent s'accroire en conséquence.
Jusqu'à présent, messieurs, la distinction n'a pas été faite entre les appels interjetés par les prévenus et les appels interjetés par le ministère public. La statistique embrasse déjà une masse de détails, j'ai craint de la compliquer encore. Du reste je ferai examiner quel est le nombre des appels interjetés par le ministère public et le nombre des appels interjetés par les prévenus. Cette statistique est faite par les arrondissements ; et si M. Jouret veut bien la demander dans les bureaux, on s'empressera de la lui communiquer.
Quant à la question de savoir s'il faut maintenir le droit d'appel au ministère public pour les jugements de simple police, je pense que ce n'est pas ici le lieu de la discuter. Cela dépendra beaucoup de la compétence qu'on établira pour les juges de paix ; si vous leur donnez le droit de prononcer des peines assez élevées, évidemment l'appel doit être réserve au ministère public.
- L'article 11 est adopté.
(page 974) « Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 16,550.
« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »
- Adopté.
« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 30,659.
« Charge extraordinaire : fr. 212. »
M. Moncheur. - Messieurs, lors de la discussion du budget de la justice pour 1858, j'ai eu l'honneur de demander à M. le ministre de la justice d'améliorer la position des auditeurs militaires. Ce vœu a été reproduit par la section centrale ; et l'honorable ministre de la justice, interpellé par elle, a répondu que son intention était d'augmenter, en effet, les traitements de ces fonctionnaires ; mais, messieurs, je crains que ses bonnes intentions ne se réalisent point, je crains qu'elles ne se traduisent point en faits, si j'en juge par ce qui s'est passé jusqu'à présent.
Si l’on remet jusqu'à l'organisation des tribunaux militaires l'époque où l'on rendra justice à ces fonctionnaires, il arrivera ce qui est arrivé jusqu'à présent, c'est que de nombreuses années s'écouleront sans amener de résultat.
J'espère donc que l'honorable ministre de la justice voudra bien présenter, dans un bref délai, une disposition spéciale pour augmenter les traitements des auditeurs militaires, comme on a augmenté ceux de tous les autres magistrats.
C'est en 1834 que le chiffre du traitement des auditeurs militaires a été fixé ; il l'a été avec une réduction très notable sur ce qu'il était auparavant.
Cette réduction n'était point justifiée alors, mais elle l'est infiniment moins aujourd'hui, messieurs, puisque la vie est à présent infiniment plus chère qu'elle ne l'était à cette époque.
Je prie donc M. le ministre de vouloir bien nous dire si son intention est de rendre la position des auditeurs ce qu'elle doit être eu égard à l'importance de leurs fonctions.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis que répondre à l'honorable M. Moncheur ce que j'ai répondu à la section centrale, que la loi du 25 décembre 1834 porte que les traitements des auditeurs militaires provinciaux et adjoints restent fixés au taux établi par la loi du 19 février 1834 jusqu'à ce qu'il y soit pourvu définitivement par la loi organique sur la justice militaire.
J'aurai, messieurs, à m'entendre avec mon collègue de la guerre, pour savoir quand la loi doit être présentée ; et si elle ne doit pas être présentée dans un délai assez rapproché, je saisirai la Chambre d'une loi spéciale.
- L'article est adopte.
« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »
- Adopté.
« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 570,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 10,280.
« Charge extraordinaire : fr. 14,328. »
- Adopté.
« Art. 18. Construction, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.
« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, pour laquelle il pourra être traité de gré à gré : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 15,300. »
- Adopté.
« Art. 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,940. »
- Adopté.
« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,800. »
- Adopté.
« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1.70.0 »
- Adopté.
« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 311,700. »
- Adopté.
« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »
- Adopté.
« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 8,914 fr., pour revenus de cures : fr. 3,418,852. ».
- Adopté.
« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'église pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 394,000.
« Charge extraordinaire : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 31. Culte protestant et anglican (Personnel) : fr. 52,446. »
- Adopté.
« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 7,524. »
- Adopté.
« Art. 33. Culte israélite (Personnel) : fr. 9,350. »
- Adopté.
« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »
- Adopté.
« Art. 35. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 21,400. »
- Adopté.
« Art. 37. Frais d'entretien et de transport d'indigents (page 975) dont le domicile de secours est inconnu ou qui sont étrangers au pays ; fr. 160,000. »
- Adopté.
« Art. 38. Subsides : 1° à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° pour secours aux victimes de l'ophtalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Art. 39. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance ; des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents atteints de maladies d'yeux suite de l'ophtalmie militaire ; des membres et secrétaires de la commission permanente et de surveillance générale des établissements pour aliénés, ainsi que des comités d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente d'inspection ; traitement du secrétaire de la commission d'inspection de l'établissement de Gheel, ainsi que de l'employé adjoint à ce secrétaire : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 40. Impressions et achat d'ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 41. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 145,000. »
- Adopté.
« Art. 42. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 43. Etablissement des écoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 220,000. »
- Adopté.
« Art. 44. Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des détenus : fr. 1,300,000.
« Charge extraordinaire : fr. 300,000. »
- Adopté.
« Art. 45. Gratifications aux détenus employés au service domestique : fr. 34,000 »
- Adopté.
« Art. 46. Frais d'habillement des gardiens et des surveillants : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Frais de voyage des membres des commissions administratives des prisons, ainsi que des fonctionnaires et employés des mêmes établissements : fr. 11,000. »
- Adopté.
« Art. 48. Traitement des employés attachés au service domestique : fr. 505,700. »
- Adopté.
« Art. 49. Frais d'impression et de bureau : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 50. Prisons. Entretien et travaux d'amélioration des bâtiments : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Art. 51. Prison cellulaire de Gand. Continuation des travaux de construction ; charge extraordinaire : fr. 310,000. »
- Adopté.
« Art. 52. Prison de Bruges. Continuation des travaux d'appropriation ; charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 53. Prison centrale cellulaire à Louvain. Achèvement des travaux de construction ; charge extraordinaire : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 54. Honoraires et indemnités de route aux architectes, pour la rédaction de projets de prisons, la direction et la surveillance journalière des constructions ; charge extraordinaire : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. 55. Traitement et frais de route du contrôleur des constructions dans les prisons ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 56. Achat et entretien du mobilier des prisons, ainsi que des ustensiles et objets divers qui ne rentrent pas dans le libellé de l'article 44 : fr. 55,000. »
- Adopté.
« Art. 57. Achat de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 500,000. »
- Adopté.
« Art. 58. Gratifications aux détenus : fr. 170,000. »
- Adopté.
« Art. 59. Frais d'impression et de bureau : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 60. Traitements et tantièmes des employés : fr. 92,000. »
— Adopté.
« Art. 61. Mesures de sûreté publique : fr. 80,000. »
- Adopté.
« Art. 62. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Article unique. Le budget du ministère de la justice est fixé, pour l'exercice 1859, à la somme de douze millions cinq cent dix-huit mille huit cent trente francs (12,518,830 fr.), conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du-budget.
Il est adopté à l'unanimité des 71 membres qui ont répondu à l'appel.
Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. H. de Brouckere, Dechentinnes, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dolez, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Wala, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Bast, de Bronckart et Verhaegen.
M. Van Iseghem. - J'ai l’honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le traité conclu entre la Belgique et San-Salvador.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures.