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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 15 décembre 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 278) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Plusieurs négociants, marchands et débitants de boissons distillées,. à Neufchâteau, demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.


« Plusieurs habitants de Quaedmechelen présentent des observations sur la direction à donner à la route de Turnhout à Moll vers le Limbourg.

« Mêmes observations de plusieurs propriétaires et habitants à Olmen. »

- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.


« Le secrétaire de la commune de Melin demande une loi qui améliore la position des secrétaires communaux et qui les admette à participer à la caisse de retraite des employés de l'Etat. »

- Renvoi au ministre de l'intérieur.


« Plusieurs habitants de Dochamps prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession, et toute augmentation de dépenses ou d'impôts qui lui serait proposée. »

« Même demande de plusieurs habitants d'Erneuville et de Malempré. »

- Renvoi à la section centrale du budget des voies et moyens, et dépôt sur le bureau pendant la discussion de ce budget.


« Le sieur Schuermans, avocat à Bruxelles, prie la chambre d'allouer au département de la guerre le crédit nécessaire à l'apurement des créances arriérées de son client le sieur Bogaers. »

- Renvoi à la commission permanente des finances.


« Le sieur Dieghens, capitaine pensionné, prie la chambre de lui faire obtenir le remboursement des retenues faites sur ses appointements. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Tubize présente des observations contre le projet de loi qui supprime le premier canton de justice de paix de Nivelles.

« Mêmes observations du conseil communal de Nivelles. »

M. Tremouroux. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission de circonscription cantonale.

M. Fallon. - La commission a terminé son travail.

M. Mercier. - Cette pétition renferme plusieurs allégués nouveaux contre la détermination prise par la commission. Je désire donc que la commission examine ces nouvelles considérations développées dans lu pétition et modifie, s'il y a lieu, ses conclusions.

M. Fallon. - Je ne m'oppose pas au renvoi..

- Ce renvoi est prononcé.


« Le conseil communal de Zele demande de nouvelles dispositions législatives sur la police rurale. »

- Sur la proposition de M. Dedecker, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Les sieurs Michel Loos et Foulon, vice-président et secrétaire de l'association commerciale et industrielle d'Anvers, prient la chambre de ne pas adopter la proposition de la section centrale pour le budget des (page 279) voies et moyens, qui réduit la décharge de l'accise à l'exportation du sucre raffiné de la catégorie A. »

M. Cogels. - Cette pétition contient des considérations fort intéressantes sur la question des sucres. J'aurais demandé l'insertion au Moniteur ; mais puisque cette insertion n'est plus ordonnée qu'après renvoi à la commission ou à la section centrale, et vu la proximité de la discussion du budget des voies et moyens, je demanderai le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion.

- Ce dépôt est ordonné.

Projets de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Veydt) présente deux projets de loi de crédits supplémentaires concernant le département des travaux publics, le premier de 187,162 fr. relatif aux exercices 1845 et antérieurs, le deuxième de 163,652 fr., relatif à l'exercice 1846.

- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi, dont elle ordonne l'impression et la distribution.

M. Delfosse. - Je crois qu'il conviendrait de renvoyer ces projets de loi à la section centrale du budget des travaux publics. Cette section est déjà en possession de toutes sortes de documents et de tableaux de routes, qui seront peut-être nécessaires pour examiner ces dépenses. On a nommé une section centrale pour le budget des travaux publics et une autre pour le crédit supplémentaire de 1,300,000 fr. Il en résulte que les pièces doivent être fournies en double. C'est un inconvénient, car cela retarde le travail. Je propose donc le renvoi de ces deux projets de loi de crédits supplémentaires à la section centrale du budget des travaux publics.

- Ce renvoi est prononcé.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1848

Rapport de la section centrale

M. Lange, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi de budget du département de la justice, dépose le rapport sur ce budget.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.


M. le président. - Le bureau a remplacé dans la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi sur les conflits, MM. Fleussu et Thyrion par MM. Van Huffel et Lebeau, et dans la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur le cumul, M. de Langhe par M. Tielemans. Il a complété cette section centrale par la nomination de M. Broquet comme rapporteur de la sixième section qui n'en avait pas nommé.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Je rappellerai que la chambre a fixé à vendredi la nomination d'un commissaire pour la caisse d'amortissement, des dépôts et consignations. Cet objet figurera en tête de l'ordre du jour.

La chambre est invitée à assister demain à un Te Deum. Après le Te Deum, il y aura une cérémonie à laquelle beaucoup de députés désireront probablement assister : c'est la distribution des médailles aux exposants de l'industrie.

A quelle heure la chambre veut-elle fixer sa séance de demain ?

Plusieurs membres. - Il ne pourra pas y avoir séance.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il me sera impossible, ou au moins très difficile d'assister à la séance de demain ; je dois nécessairement être présent à la cérémonie qui aura lieu à l'entrepôt et qui durera probablement jusqu'à 3 ou 4 heures. Je regretterais cependant que mon absence seule pût faire perdre un jour de discussion à la chambre. Je crois que beaucoup de membres désirent assister à la cérémonie... (Oui ! oui !) Ainsi, ce n'est pas à cause de moi que la séance n'aura pas lieu demain.

Cela étant, messieurs, je demande que la chambre tâche de regagner cette séance, soit par des séances du soir, soit en avançant de deux heures les séances ordinaires. Si, vendredi, nous pouvions nous réunir à onze heures dans une séance de cinq heures, nous pourrions achever beaucoup de besogne. Sinon je devrai supplier la chambre de bien vouloir consacrer quelques séances du soir à la discussion des budgets. Nous tenons beaucoup à ce que les budgets soient votés avant le 1er janvier.

M. de Garcia. - Messieurs, je désirerais que nous eussions des séances du soir ; car je tiens aussi à ce que les budgets soient votés avant la fin de l'année. Ainsi, je ne vois pas qu'il soit impossible d'avoir une séance demain soir. M. le ministre de l'intérieur vous a déclaré que pour lui personnellement, il ne voudrait pas faire manquer la séance, et, quant à nous personnellement, nous ne nous fatiguerons pas beaucoup en assistant à une distribution de médailles.

Je désirerais donc que nous eussions demain une séance du soir. Cependant si cela devait trop fatiguer M. le ministre de l'intérieur, je retirerais ma proposition.

M. d'Huart. - Je demanderai qu'on ne fixe l'ordre du jour qu'à la fin de la séance. S'il arrivait que la discussion du budget de l'intérieur fût terminée aujourd'hui, nous pourrions avoir demain une séance du soir pour l'examen du budget des voies et moyens.

Messieurs, il faut bien le reconnaître, si la chambre ne hâte pas ses travaux, si nous ne nous pressons pas dans l'examen des objets très urgents, très importants, qui sont à l'ordre du jour, il ne nous sera pas possible, non pas de finir le 23 décembre, mais pas même le 1er janvier.

Nous devons cependant faire tous nos efforts pour terminer les différents travaux urgents qui concernent les budgets qu'il est dans l'intérêt du pays de voter avant le 1er janvier.

Je crois utile de ne prendre une décision sur l'ordre du jour de demain qu'à la fin de la séance, et j'en fais la proposition.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1848

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VII. Fêtes nationales

Article unique

« Art. unique. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Eaux de Spa

Article premier

« Art. 1. Traitement du contrôleur des jeux : fr. 2,500. »

La section centrale propose de réduire le chiffre de cet article à 1,500 fr.

M. Lys. - Messieurs, je crois qu'il n'y a pas seulement lieu de réduire le crédit à 1,500 francs, mais que tout l'article doit disparaître. Il ne s'agit pas ici d'une charge du gouvernement : ce sont les actionnaires des jeux qui, dans tous les cas, doivent payer le contrôleur des jeux. Il me suffira de quelques explications pour le démontrer.

Vous savez, messieurs, que, depuis l'établissement des jeux à Spa, la concession en a été accordée aux propriétaires des bâtiments dessinés à ces jeux. C'est une concession du prince-évêque de Liège. Plus tard le gouvernement hollandais a concédé ces jeux, par bail de 25 ans, aux mêmes actionnaires. Le gouvernement belge a renouvelé ce bail l'année dernière pour 15 ans, toujours en faveur des mêmes propriétaires, mais il y a mis pour condition que dans tous les cas, y eût-il même perte, tous les frais quelconques seraient à la charge des actionnaires, sans que le gouvernement doive jamais intervenir.

D'après les conditions du bail renouvelé l'année dernière, les frais du contrôleur des jeux sont considérés comme une dépense qui est à la charge de l'entreprise. Il y a même une somme pour la police de Spa. Ensuite un dividende est prélevé sur les bénéfices en faveur de l'hospice de Saint-Charles ou des pauvres de Spa.

Le gouvernement, dans aucun cas quelconque, n'est obligé de supporter aucune perte. Il ne vient prendre sa part de moitié que dans les produits nets. Comme président de l'administration nommée par le gouvernement j'ai eu sous les yeux le budget de l'entreprise des jeux de Spa et il y a une somme de 80,000 fr. à payer par les actionnaires avant qu'ils ne puissent toucher aucun bénéfice, et dans cette somme de 80,000 fr. s'en trouve une de 7,800 fr. sur laquelle doivent être pris les 2,500 fr. qui sont portés ici par erreur au budget.

Quant à l'appréciation de ce chiffre, si je n'envisageais que l'intérêt des actionnaires, je pourrais le trouver trop élevé ; mais quand je considère que ce contrôleur doit être choisi parmi les hommes jouissant d'une certaine considération, que ce doit être un homme sur la probité et l'exactitude duquel on puisse compter ; et quand je vois que le titulaire qui a été nommé par le gouvernement remplit toutes ces conditions ; quand je considère, en outre, qu'il s'agit, pendant six mois, d'assister aux assemblées de chaque jour, je ne trouve plus que la somme de 2,500 fr. soit trop élevée ; car il faut remarquer que ce fonctionnaire doit être présent aux assemblées journalières, depuis midi jusqu'à 3 heures et depuis 5 heures du soir jusqu'à 1 heure du matin, et pour cette surveillance il ne jouit tout au plus que d'un traitement de 416 fr. par mois.

Ainsi, messieurs, la somme de 2,500 fr. ne concerne pas le gouvernement ; elle ne le concerne qu'autant qu'il y a bénéfice, et alors elle le concerne pour la moitié ; mais lorsqu'il y a perte, le gouvernement n'y entre pour rien. S'il y avait perte, les actionnaires perdraient une somme de 80,000 fr. qui est nécessaire pour faire face aux frais de l'établissement. Je crois donc que M. le ministre de l'intérieur ne doit pas hésiter à biffer du budget cette somme de 2,500 fr.

M. le président. - M. Lys demande le retranchement de l'article premier du chapitre VIII.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas d'inconvénient à me rallier à cette proposition.

- Le retranchement de l'article premier du chapitre VIII est ordonné.

Article 2

« Art. 2 (qui devient l'article unique du chapitre VIII). Frais de réparation des monuments de la commune de Spa : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Construction et restauration d’hôtels provinciaux

Article unique

« Art. unique. Deuxième tiers d'une somme de 400,000 fr., allouée par la loi du 18 mai 1845 pour pourvoir aux dépenses des travaux nécessaires pour la restauration du palais de Liège à l'effet d'y établir la demeure du gouverneur, ainsi que les bureaux de son administration, et d'en faire le siège du conseil provincial : fr. 133,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Révision des listes électorales

Article unique

(page 280) « Art. unique. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office par les commissaires d’arrondissement en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843, concernant la révision des listes électorales pour l’élection des membres des chambres législatives et des conseils provinciaux : fr. 500. »

- Adopté.

Chapitre XI. Milice

Article premier

« Art. 1er. Frais d’impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription : fr. 1,600. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impressions et de voyage pour la levée de la milice et pour l'inspection des miliciens semestriers. Vacations des officiers de santé en matière de milice. Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 63,000 »

M. le président. - La section centrale, de commun accord avec le gouvernement, réduit le chiffre à 7,000 fr.

M. de Theux. - Messieurs, je demande la parole uniquement pour demander à M. le ministre de l'intérieur si son intention est de s'occuper de la révision des diverses lois sur la milice nationale. Ce travail a été retardé, parce qu'on considérait comme trop difficile la tâche de résoudre en même temps plusieurs questions importantes qui avaient été soulevées.

Dans la dernière session, on a adopté un projet de loi lequel décide les principales questions qui étaient controversées, et qui apporte à la loi sur la milice les principales modifications dont l'expérience avait indiqué la nécessité.

On avait, dans les deux chambres, exprimé le désir qu'un travail de révision fût fait. J'avais, quant à moi, accueilli ce vœu, et j'avais même chargé le fonctionnaire supérieur qui a la milice dans ses attributions, de s'occuper constamment de ce projet de révision. Si cette révision pouvait être opérée, ce serait un grand bienfait pour les administrations et pour le public, car il est aujourd'hui extrêmement difficile de consulter ces diverses lois qui se modifient les unes les autres. Rien que ces lois soient composées de nombreuses dispositions et que des difficultés se rattachent au travail de révision dont je parle, ces difficultés ne sont pas cependant telles qu'elles doivent faire renoncer au travail.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la chambre est déjà saisie d'un très grand nombre de projets de lois ; ce n'est pas à dire pour cela que l'action du gouvernement doive se ralentir, ni qu'elle doive s'abstenir d'examiner les lois nouvelles qu'il serait important de soumettre à la chambre. La législation sur la milice est certainement une de celles qui ont le plus besoin de révision. Aujourd'hui les décisions les plus importantes qui touchent à la liberté, à l'existence même des individus n'offrent pas de garanties suffisantes.

Il règne dans la jurisprudence des diverses députations une sorte d'anarchie. Mon honorable ami M. Lebeau avait proposé de fixer cette jurisprudence en déférant à la cour de cassation les décisions des députations permanentes. Cette proposition n'a pas été examinée par la chambre. Il serait certainement intéressant de pouvoir régler ce premier point. Quoi qu'il en soit, la législation sur la milice est une de celles qui appellent le plus impérieusement des réformes. Je ne veux pas prodiguer les promesses ; je me borne à dire que le gouvernement continuera à étudier toute la législation sur la milice.

Il importe que cet impôt, cette contribution personnelle soit établie sur de meilleures bases, d'après une répartition plus équitable. Alors que le moindre impôt en argent coûte tant de peine à obtenir, excite souvent de si vives réclamations, il faut reconnaître que cet impôt de la milice, beaucoup plus personnel que celui qui porte ce nom, l'impôt du service militaire, est en général considéré comme une charge plus supportable que d'autres. Pourquoi ? C'est qu'en fait, cette charge est supportée par la classe inférieure. C'est sur cette classe que cette charge pèse principalement. Certainement, si nous parvenions, en conservant les bases essentielles de notre organisation militaire, à introduire quelque adoucissement dans ces lois de milice qui sont très dures pour la classe inférieure, nous aurions rendu un grand services. Je promets donc de faire examiner avec le plus grand soin les lois sur la milice ; mais avant d'ajouter à l'arriéré considérable de lois qui restent à discuter par la chambre, il faut que nous ayons épuisé cet arriéré, et je pense que pour cela ce ne sera pas de trop de toute l'année 1848.

Je ne puis donc pas m'engager à déposer un projet de loi dans le cours de cette session, car il courrait grand risque de ce pouvoir être examiné. Mais la session prochaine ne se passera pas sans que vous soyez saisis de la révision de cette loi importante.

Je ferai observer qu'un projet, de loi sur la garde civique a été déposé le 1er mars 1845 ; et jusqu'ici la chambre ne s'est pas occupée de cette loi si importante.

M. Lebeau. - Messieurs, je n'ai pas beaucoup d'espoir de voir se réaliser le projet de révision générale d'une loi. J'ai des prétentions beaucoup plus modestes. Je désire que l'on procède d'abord à l'élimination de quelques, anomalies qui ont été signalées par tout le monde.

L'honorable M. Nothomb et moi, et, si je ne me trompe, l’honorable M. Orban, avons présenté des vues et même des propositions susceptibles, je pense, d'une exécution assez rapide et assez facile ; car nous avons singulièrement circonscrit les réformes que nous demandons. Ce sont simplement des lacunes que nous proposons de combler.

Je demanderai donc à M. le président quel sort a été fait à ces propositions. Je demanderai si elles ont été renvoyées à une commission ; et pour le cas où elles n'auraient pas été renvoyées, je propose que la chambre autorise le bureau à en nommer une immédiatement. L'essentiel est de terminer nos digressions par une conclusion.

M. le président. - Les propositions de modifications à la loi sur, la milice ont été renvoyées à une commission spéciale composée de MM. Lejeune, Veydt, de Roo, de Man d'Attenrode, Lebeau et Nothomb.

M. Lebeau. - Je demande que la commission s'occupe le plus tôt possible de son travail.

M. Orban. - Je crois avec l'honorable M. Lebeau que la révision complète des lois sur la milice et leur discussion dans cette chambre doit présenter de grandes difficultés ; toutefois ce n'est pas un motif pour écarter cette révision si souvent réclamée. Mais ce doit être un avertissement pour M. le ministre d'apporter un soin particulier à l'élaboration de ce projet.

Ainsi par exemple, messieurs, je ne pense pas qu'il suffise, comme, vient de l'exprimer un honorable préopinant, d'en charger le chef de cette branche de service au département de l'intérieur, quelles que puissent être du reste ses lumières que je n'entends point contester. Il y a pour cela un motif tout particulier, c'est que les lois sur la milice reçoivent leurs principales applications dans les provinces et non pas à l'administration centrale. C'est dans les administrations provinciales que se trouvent les hommes pratiques qui connaissent les vices de cette loi et. les améliorations à y apporter. Je me permettrai donc de donner à M. le ministre de l'intérieur le conseil de nommer une commission composée de ces hommes spéciaux pour se livrer au travail si important de la révision des lois sur la milice. Une pareille élaboration et les garanties qu'elle offrirait font seule possible la discussion par les chambres d'une loi de cette nature.

M. de Theux. - Lorsque j'ai dit que j'avais chargé le directeur au département de l'intérieur, qui a la milice dans ses attributions, de préparer un projet de coordination des lois sur la milice, il était entendu que ce projet serait soumis à l'examen de jurisconsultes, de manière à présenter à la chambre un travail aussi complet que possible.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je reconnais le chef de service de la milice au département de l'intérieur comme très capable de préparer un projet de loi sur cette matière. Mais je ne dis pas néanmoins que ce projet ne sera pas soumis à une réunion d'hommes expérimentés et capables, non seulement jurisconsultes, mais administrateurs.

Je ne demande pas mieux que de m'entourer du concours d'hommes d'expérience, de science, d'instruction. Quoi qu'on en dise, je continuerai à marcher dans cette vote. Une loi sur la milice rentre dans la catégorie de celles pour lesquelles le gouvernement doit s'éclairer des lumières d'hommes instruits et capables. Sous ce rapport, le vœu de l'honorable M. Orban sera probablement rempli.

- L'article 2 est adopté avec le chiffre de 7,000 fr.

Chapitre XII. Garde civique

Article unique

« Art. unique. Frais de voyage de l'inspecteur général de la garde civique, des aides de camp qui l'accompagnent, et frais de bureau de l'état-major ; achat, réparations et entretien des armes et équipements de la garde civique : fr. 20,000. »

- Adopté.

Chapitre XIII. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Article unique

« Art unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage : fr. 8,200. »

- Adopté.

Chapitre XIV. Légion d’honneur et croix de Fer

Article premier

« Art. 1er. Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de fer, non pensionnés d'autre chef, peu favorisés delà fortune. Subsides à leurs veuves et orphelins : fr. 90,000. »

A la demande de M. le ministre de l'intérieur la section centrale propose de supprimer dans cet article les mots « non pensionnés d'autre chef. »

M. de Garcia. - Le budget actuel a été présenté par l'honorable comte de Theux. Malgré les réclamations antérieures, il n'est pas dit un mot sur ce qu'il sera fait en faveur des légionnaires. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il entre dans les intentions du cabinet nouveau (page 281) de faire justice à cette classe de citoyens honorables qui ont bien mérité de leur patrie.

J'ai lieu d'espérer que le cabinet actuel fera quelque chose pour ces anciens serviteurs du pays ; cet espoir est d'autant plus fondé que, parmi les ministres actuels figure un homme qui a pris la tâche honorable de défendre leurs droits en justice réglée. Il a même gagné leur procès en première instance. Je désirerais savoir si le gouvernement entend se pourvoir contre cette décision que je crois aussi fondée en droit qu'en justice.

Ces explications, je les demande, parce que je crois qu'il est de l'honneur, de la dignité du gouvernement de ne pas attendre une condamnation définitive, pour récompenser des hommes qui, par des services incontestables, avaient des droits acquis. Je prie donc le gouvernement de vouloir faire connaître ses intentions sur cette question.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas besoin de dire combien sont vives mes sympathies pour les légionnaires de l'Empire. J'ai eu l'honneur d'être chargé de leur défense devant les tribunaux, mais cela même me place dans une situation exceptionnelle au banc ministériel. On conçoit parfaitement que je ne puis pas continuer à être l'organe de ces intérêts, que je ne puis pas me constituer en ce moment le défenseur des anciens légionnaires soit dans les chambres, soit dans le gouvernement. Ce n'est pas à moi, c'est à mes collègues qu'il appartient d'apprécier la question que soulève cette affaire.

L'honorable M. de Garcia demande si le gouvernement a l'intention d'appeler du jugement rendu par le tribunal de Liège, et qui condamne l'Etat. L'appel a été formé depuis fort longtemps, et même avant la constitution du nouveau cabinet. L'affaire est pendante devant la cour.

- L'article premier est adopté.

Article 2

« Art. 2. Subside au fonds spécial des blessés de septembre : fr. 25,000. »

- Adopté.

Chapitre XV. Ecole de médecine vétérinaire, etc.

Article premier

« Art. 1er. Ecole de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat. Jury d'examen : fr. 153,500. »

M. de Tornaco. - L'année dernière il vous a été présenté un projet de loi sur l'enseignement agricole. J'ignore quelles sont les intentions du gouvernement ; mais je me plais à croire qu'il donnera suite au projet qui vous a été soumis, en y introduisant toutefois certaines modifications.

Messieurs, il ne faut pas se dissimuler que l'enseignement agricole est la base fondamentale de toutes les améliorations à introduire dans notre agriculture. Sans cet enseignement, messieurs, on pourra bien faire quelques progrès, mais ce seront des progrès peu sensibles, des progrès qui ne seront pas tels qu'on doit les désirer, dans la situation actuelle du pays.

Dernièrement, messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur a prononcé, dans cette enceinte, un beau discours, un discours remarquable, un discours excellent à l'occasion du subside de 500,000 francs qui nous était demandé pour les Flandres. Dans ce discours, M. le ministre de l'intérieur a fixé l'attention des cultivateurs sur beaucoup d'améliorations, il a parlé entre autres de l'extension à donner à la culture maraîchère, et à la culture du lin. Toutes les idées de M. le ministre étaient excellentes.

Mais je dois l'avouer, en entendant un aussi beau discours, j'éprouvais un sentiment assez pénible, je me disais en moi-même : Voilà de bien bons conseils, mais qui ne peuvent pas produire d'effet, attendu qu'ils sont adressés à des gens qui ne les comprendront pas. C'était une excellente semence jetée sur un terrain stérile.

Cet exemple, messieurs, je le cite pour bien faire comprendre à la chambre de quelle importance est l'enseignement agricole. Tant que la chambre n'aura pas voté cet enseignement, n'aura pas pourvu aux dépenses qu'il réclame, on n'obtiendra pas d'améliorations notables dans l'agriculture, les meilleurs avis, les meilleurs conseils seront donnés en pure perte.

Messieurs, il faut bien le dire, on a laissé les cultivateurs croupir dans l'ignorance, dans le préjugé et dans la routine. On n'a rien fait pour eux en ce qui concerne l'enseignement de leur art. On leur a demandé beaucoup d'argent ; on leur a rendu peu de chose en compensation. Aussi qu'est-il arrivé ? Aujourd'hui votre commission de statistique déclare qu'il existe un déficit dans les céréales, dans les produits de l'agriculture qui sont nécessaires à l'alimentation de la nation. C'est là, messieurs, il faut bien le dire, un triste résultat de l'imprévoyance administrative.

Depuis longtemps dans d'autres pays, on s'occupe d'enseignement agricole, ou va au-devant des nécessités de l'époque ; et dans notre pays on a complètement négligé cette question, on n'a pris aucune mesure pour faire faire à l'agriculture les progrès que réclament les besoins réels, les besoins matériels du pays.

J'espère, messieurs, que le gouvernement fixera son attention sérieuse sur ce point, et je l'engage à ne pas s'en tenir au projet qui a été présenté. Ce projet demande des modifications profondes. Il ne faut pas au pays, en matière d'enseignement agricole, un établissement insignifiant et coûteux, quelque espèce d'avorton, sur la viabilité et la prospérité duquel on ne peut se faire illusion que quand on est aveuglé par un amour paternel exagéré ; il faut au pays un institut où l'agriculture soit élevée au rang de science, au niveau des autres industries du pays ; il nous faut un institut d'où sortent de jeunes intelligences qui s'ouvrent une carrière nouvelle, répandent dans le pays les lumières, les progrès agricoles de toute nature, les méthodes des instruments nouveaux.

Il faut, messieurs, que nous ayons un institut agricole, d'où sortent des jeunes gens capables d'administrer, de régir des propriétés, propriétés de particuliers, propriétés d'associations, propriétés du gouvernement ; des jeunes gens qui soient capables de diriger des colonies agricoles, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur du pays. Et, soit dit en passant, messieurs, nous sommes plus près de la nécessité de pareilles colonies qu'on ne le pense généralement.

J'insiste donc auprès du gouvernement pour qu'il ne perde pas de vue, cet intérêt important ; qu'il veuille bien songer que c'est une grande question, une très grande question qu'il a à traiter. Je l'engage à revoir le projet qui nous a été présenté l'année dernière, et sur lequel j'ai déjà eu l'honneur de soumettre dans la précédente session quelques observations. Je crois que ce projet doit être revu, et j'espère que le gouvernement, lorsqu'il l'aura revu, se hâtera de le représenter à la chambre.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Subside à la société d'horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Agriculture

Discussion générale

M. David. - J'admettrai toujours les dépenses utiles qui nous seront proposées pour l'amélioration des diverses branches de l'agriculture, mais je me permettrai aussi d'émettre mes vues quand il me semblera que des sommes moindres pourront produire un même résultat.

C'est ainsi, messieurs, que le perfectionnement de nos races d'animaux domestiques entraîne de très grands frais, sans que certaines localités du pays puissent profiter des sacrifices faits par le gouvernement. Il est reconnu et incontestable que nos diverses espèces bovines ne peuvent être améliorées par la race de Durham, et dans une autre enceinte, au conseil provincial de Liégé, j'ai émis une idée qui a été approuvée et qui a donné lieu à des mesures conformes à ce que je demandais.

L'Ardenne, entre autres, par suite de la stérilité du sol et de l'âpreté du climat, ne peut, pour le moment, régénérer son espèce bovine que par l'espèce indigène même, et il me paraît qu'au lieu d'acheter à grands prix des taureaux étrangers qu'il faut nourrir, soigner, et qu'une maladie peut emporter, il serait plus économique d'accorder des primes aux propriétaires des taureaux reconnus, par une commission spéciale, comme reproducteurs parfaits pour les localités dans lesquelles ils doivent servir à l’amélioration de la race ; les primes accordées de la sorte par le gouvernement tiendraient lieu du prix de saillie réclamé aux cultivateurs qui ainsi l'obtiendraient gratuitement.

Ces taureaux resteraient aux risques et périls des propriétaires dans les étables de ceux-ci ; les achats de reproducteurs étrangers pourraient être restreints, et les frais d'entretien, nourriture et artistes vétérinaires, diminués. La même mesure pourrait être bonne pour la race chevaline également, et je demanderai à M. le ministre de vouloir examiner cette question.

Avant de terminer, j'adresserai encore un mot à M. le ministre de l'intérieur. Il a, dans un de ses derniers discours, signalé les bienfaits réalisés par les sociétés d'agriculture. Une somme spéciale est demandée pour être distribuée en subsides aux diverses sociétés existantes ; mais, messieurs, l'appel fait par M. le ministre sera entendu, et de nouvelles sociétés surgiront ; je demanderai donc à M. le ministre quels fonds serviront à subsidier ces nouvelles sociétés, et si ou comment, dans le cas où les sociétés existantes viendraient à se fractionner, les subsides actuellement accordés seraient répartis.

Il me paraît qu'un crédit éventuellement plus fort devrait être demandé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, en me renfermant pour le moment dans le crédit proposé par mon honorable prédécesseur au chapitre de l'agriculture, je ne puis pas dissimuler à la chambre que probablement ce crédit sera insuffisant. Si nous voulons donner plus de développement à cette partie importante du service, il sera indispensable qu'une augmentation de crédit assez forte soit réclamée de cette chambre. Mais je crois que c'est là une de ces dépenses reproductives qui peuvent parfaitement se concilier avec l'intention bien arrêtée que nous avons exprimée d'introduire toutes les économies sages qu'il nous sera possible de faire dans les divers services qui nous sont confiés.

Messieurs, les dépenses faites pour l'agriculture ont cet avantage spécial : c'est (je les suppose bien faites) de se reproduire en bénéfices notables pour le pays, et sous ce rapport de telles dépenses méritent les sympathies de la chambre.

On vient, messieurs, de me demander si je considérais le crédit qui figure au budget pour encouragements à l'agriculture, si je le considérais comme suffisant pour être réparti entre les différentes sociétés agricoles du royaume. Non, messieurs, ce crédit ne sera pas suffisant, et je demanderai à la chambre la permission de lui exposer quelques vues sur (page 282) les améliorations que je me propose d'introduire dans le service agricole.

Je pense qu'il est loyal que la chambre soit prévenue de la dépense qui pourrait en résulter, car si ces vues d'améliorations étaient combattues dans cette enceinte, si je voyais que la chambre ne pense pas qu'il soit prudent de s'y associer, je réfléchirais à ce que j'ai à faire, je verrais jusqu'à quel point ces vues doivent se modifier.

Il y a, messieurs, des augmentations à demander du chef de la prochaine exposition nationale des produits de l'agriculture.

Nous avons, messieurs, cette année, commencé par un essai, qui a réussi au-delà de toute attente. Nous sommes parvenus, en quelques semaines, à appeler à Bruxelles de toutes les parties du royaume, du fond des Flandres comme du fond des Ardennes, tout ce que l'agriculture produit de plus remarquable. Cet essai a donc parfaitement réussi et, je dois le dire, il a été très peu coûteux, eu égard aux résultats obtenus. L'année prochaine nous nous proposons d'instituer à Bruxelles une exposition plus complète encore. Cette année nous nous étions bornés à appeler à l'exposition les produits agricoles proprement dits, de crainte de ne pas réussir ; nous avons éliminé de l'exposition une partie très importante, c'est-à-dire les chevaux et le bétail.

Or, messieurs, ce genre d'exhibition est tout aussi utile pour les chevaux et pour le bétail que pour les fruits de la terre. Il faudra donc l'année prochaine que l'exposition s'élargisse et qu'on y appelle tous les produits quelconques. Il y aura donc de ce chef une dépense assez forte à porter au budget, ou à demander par un crédit spécial ; mais je considère cette dépense comme devant porter les meilleurs fruits.

Une exposition agricole restant à l'état d'exposition isolée ne suffira point : il faut qu'elle se rattache à un système d'organisation complète. Déjà dans beaucoup de districts agricoles, il existe des sociétés qui ont chaque année des exhibitions s'étendant même au-delà du district. Ces sociétés ont rendu des services ; il faut les encourager, il faut les faire naître là où elles n'existent pas.

Il faut encourager la création de ces sociétés qui dans leurs districts doivent avoir ces premières exhibitions, préliminaires en quelque sorte, de la grande exposition qui doit avoir lieu au centre du royaume. Eh bien ces sociétés (et ici je réponds à l'honorable M. David), ces sociétés, pour vivre, ont besoin de légers subsides, temporaires ou définitifs, suivant les ressources qu'elles peuvent avoir. Je crois, messieurs, qu'il y a la plus grande utilité à répandre dans tout le pays ces associations agricoles, mais le crédit qui est actuellement porté au budget n'est pas suffisent pour atteindre ce but.

Une institution, messieurs, qui manque également en agriculture et que je considère comme indispensable, c'est une inspection agricole. En général, messieurs, l'administration ne procédant que par correspondance, elle est souvent impuissante, elle ignore elle-même ce qu'elle fait, elle n'apprécie pas les résultats des mesures qu'elle prend ou qu'elle prescrit.

Beaucoup de services, beaucoup d'intérêts bien moins importants que ceux de l'agriculture, sont administrés avec un luxe de personnel exagéré, suivant moi, eu égard à leur importance ; l'agriculture, au contraire, est très peu administrée et elle a besoin d'être administrée. Je crois que l'action administrative, bien dirigée, en agriculture, peut produire les plus grands effets. Comparez, messieurs, le service de l'agriculture à tous les autres services, et vous verrez comment il se trouve abandonné en quelque sorte à lui-même. Le gouvernement peut bien faire des discours, comme on l'a dit tout à l'heure, il peut bien adresser des circulaires ; mais tout cela, messieurs, avant de se réaliser en actes, en améliorations, tout cela doit passer par tant de filières que la plupart du temps, tous les discours, toutes les circulaires aboutissent à des résultats entièrement stériles ; il faut, en quelque sorte, que l'œil et le bras du gouvernement puissent se porter dans les localités mêmes, que l'œil puisse contrôler et les circulaires émanées du département de l'intérieur, reçoivent leur exécution ; il faut qu'au besoin, le bras de l'administration aille concourir aux actes qui ont été posés. Je considère l'établissement d'une inspection agricole, d'une inspection agricole, active comme une mesure des plus imposantes qui puissent être prises pour l'administration de ce grand intérêt. Pour les ponts et chaussées, qui ne sont qu'un moyen, en définitive, nous avons un personnel d'inspecteurs, d'ingénieurs à tous les degrés, de sous-ingénieurs, de conducteurs, qui coûte chaque année plus de 400,000 fr.

Des membres. - Cinq cent mille francs !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Les prisons sont sans doute une branche importante de l'administration ; il est important que les hommes que la justice humaine a privés de la liberté, soient surveillés, reçoivent certains soins de l'administration ; mais, messieurs, il y a à la tête des prisons une administration toute spéciale, un inspecteur général, des directeurs des commissions, enfin un luxe de personnel immense pour ce seul intérêt très restreint d'individus qui, après avoir commis des fautes, des crimes, sont privés de la liberté. Le personnel des services administratifs, en général, n'est pas proportionné à l'importance des intérêts auxquels ils devraient s'appliquer.

Je suis frappé de l'espèce d'abandon où se trouve l'intérêt agricole. Je sais fort bien que nous avons des fonctionnaires publics, des gouverneurs, des commissaires de district qui peuvent s'occuper de ces intérêts ; mais à eux seuls, il leur est impossible de se livrer à ces travaux de tous les jours auxquels des fonctionnaires spéciaux pourraient se consacrer utilement. Quand les gouverneurs, les commissaires d'arrondissement administrent, ils ont avec eux, soit pour les prisons, soit pour les ponts et chaussées, un personnel administratif nombreux et bien monté qui leur manque entièrement pour l'agriculture.

Je sais qu'il existe des commissions d'agriculture ; mais ce sont des fonctions gratuites, peu actives, confiées à des hommes qui sont de bonne volonté sans doute, mais auxquels aucun ordre ne peut être donné, aucune impulsion quotidienne ne peut être imprimée, attendu que ce sont des fonctionnaires volontaires, bons à être consultés, mais dont, en général, l'action est nécessairement limitée par leurs occupations personnelles, ou par les occupations publiques qui peuvent leur incomber.

Voilà donc au point de vue administratif quelques-unes des mesures que je me propose de prendre. Dès l'année prochaine, mon intention est de proposer au Roi de décréter l'établissement d'une exposition publique complète des produits de l'agriculture. A côté de cela, des encouragements seront donnés aux sociétés agricoles, dans tous les districts agricoles, encouragements qui consisteront en légers subsides ; ces sociétés agricoles (plusieurs existent déjà) auront leur règlement, leurs expositions, où les produits agricoles pourront recevoir des récompenses ; à la suite de ces expositions viendra l'exposition générale où les vainqueurs pourront se mesurer entre eux.

L'établissement d'une inspection agricole se rattache à ces expositions. Pour une seule branche d'agriculture, pour la branche des haras, nous dépensons une somme de 125,000 francs ; nous avons pour cette seule branche : un inspecteur général, un inspecteur adjoint, un directeur, des inspecteurs provinciaux ; nous dépensons en personnel près de 60,000 fr. Il n'y a pas de proportion entre ce qui se dépense pour toutes les autres branches de l'agriculture et cette branche spéciale qui a, je le reconnais, son importance.

J'avertis donc la chambre que si je me contente pour le moment du chiffre qui a été proposé par mon honorable prédécesseur, c'est en faisant mes réserves pour l'avenir. Un crédit spécial devra être demandé. Je pense que l'honorable M. de Theux aurait été amené lui-même à faire une pareille demande, car le chiffre, tel qu'il est proposé actuellement, est insuffisant.

Je répète aussi que les dépenses que j'annonce, je les concilie avec le système des économies sages auquel j'ai déclaré que nous attacherions le plus grand prix. Mais de ce que nous voulons introduire, le plus que nous pourrons, de sages économies dans les dépenses, il ne s'ensuit pas que dans l'avenir, nous devions renoncer à proposer des dépenses dont l'utilité aurait été démontrée au gouvernement. Pour faire de la bonne administration, il faut de l'argent. L'important est que les dépenses soient bien faites ; c'est qu'elles aboutissent à de notables améliorations ; c'est qu'elles n'aillent pas s'éparpiller en une multitude de traitements ou inutiles ou exagérés. Il faut que tous les fonctionnaires soient bien payés, mais aussi qu'ils rendent tous des services réels et continus ; il ne faut pas de sinécures.

M. Faignart. - Messieurs, je crois devoir profiter de la discussion du budget de l'intérieur pour soumettre au gouvernement quelques observations relatives à l'amélioration de la race chevaline, pour laquelle l'Etat fait des sacrifices qui ne me paraissent pas suffisamment compensés.

Je signalerai d'abord à M. le ministre la cause à laquelle j'attribue le peu de succès obtenu par le croisement de l'espèce indigène avec les étalons anglais achetés très cher et entretenus à grands frais par l'Etat.

Cette cause réside entièrement dans la manière d'opérer le croisement, qui. jusqu'ici, a souvent été mal combiné, parce qu'il a été laissé à l'appréciation des éleveurs, qui, il faut le reconnaître, n'ont pas tous les connaissances nécessaires pour distinguer si une jument est susceptible de produire un fruit utile.

Malheureusement, ces connaissances ne sont données qu'à un nombre très restreint d'éleveurs, c'est-à-dire qu'il en est peu qui joignent la théorie à la pratique, et soient par là, à même de juger de la possibilité d'obtenir une suffisante compensation des sacrifices que l'on s'impose en s'adonnant à l'élève du cheval.

Je crois donc qu'il conviendrait de soumettre à une expertise annuelle (comme cela se pratique pour les étalons de la race indigène), les juments que l'on destine à la reproduction.

Cette innovation entraîne quelque dépense ; mais cette dépense, qui ne pourrait être considérable, serait largement compensée par l'épargne des frais qu'exige l'entretien d'étalons qui, à cause de leur grand âge, ne peuvent plus être bons à la reproduction ; cette mesure produirait un bienfait inappréciable que le pays serait bientôt appelé à recueillir ; on ne verrait plus ces chevaux informes qui malheureusement sont en grand nombre, et parmi lesquels il n'est presque pas possible d'en trouver de convenables pour le service de l'armée ; ils ne sont pas plus propres à l'usage des particuliers, malgré les frais énormes qui ont été faits pour les amener à l'âge où ils pourraient être employés utilement.

Il résulte de ce qui précède que les fermiers ont suivi jusqu'ici une mauvaise voie, en élevant des chevaux dont pour la plupart ils ne peuvent se servir ni se défaire, que le découragement s'est emparé d'eux et qu'ils ne veulent plus s'exposer à rendre infructueuses les dépenses considérables que nécessite cette entreprise.

Cette mesure, sur laquelle j'appelle l'attention du gouvernement, aurait à mes yeux l'avantage de procurer au pays une bonne partie des (page 283) chevaux dont on a besoin pour la remonte de l'armée. Ces chevaux étant acclimatés en Belgique, on ne serait pas exposé aux pertes qui résultent de la nécessité de se pourvoir à l'étranger. Si une mesure comme celle que j'indique rencontrait une opposition sérieuse, je conseillerais alors de supprimer le croisement, et d'améliorer notre espèce par elle-même, j'ai la conviction intime que l'état de choses actuel, au lieu de produire un bienfait pour le pays, conduirait à un mal irréparable s'il était maintenu, c'est-à-dire à l'abâtardissement de la race chevaline.

On m'objectera peut-être que, pour qu'une jument soit admise à la saillie, elle doit avoir été préalablement visitée par un médecin vétérinaire ; je répondrai à cela, que le vétérinaire n'est point appelé à constater qu'elle réunit les qualités nécessaires pour donner un bon produit, mais seulement qu'elle est en état de santé. Avec un certificat de cette espèce, la jument est admise à la saillie, peu importe qu'elle doive donner un produit difforme ou quelquefois même monstrueux.

Comme je viens d'avoir l'honneur de vous le dire, les vétérinaires ne sont pas appelés à connaître des qualités reproductives des juments présentées à leur examen, et le fussent-ils, je ne trouverais pas assez de garantie dans cette manière de faire, pour mettre à l'abri de mécomptes les personnes qui s'occupent de cette branche importante de notre industrie agricole.

Je prie donc M. le ministre de l'intérieur qui a déjà donné des preuves de sa sollicitude pour l'agriculture, de prendre en considération les observations que je viens d'avoir l'honneur de présenter.

M. de Garcia. - Messieurs, depuis plusieurs années, j'ai manifesté, dans cette enceinte, l'idée que les expositions agricoles étaient une des mesures qui devaient produire le plus de résultats heureux pour l'agriculture. Toute la difficulté, c'est d'organiser ces expositions d'une manière parfaite. Cette organisation doit établir tous les éléments nécessaires pour assurer la justice la plus parfaite dans la distribution des récompenses et des encouragements.il faut que cette organisation favorise également toutes les localités et que toutes les localités puissent avec facilité apporter leurs produits.

Toute la difficulté de cette grande question réside donc dans l'organisation des expositions. C'est à ce point de vue que je me permettrai de présenter quelques considérations au gouvernement.

Une exposition uniquement ne réalisera jamais les grands avantages que l'on veut obtenir. Je voudrais que l'exposition centrale, à faire dans la capitale du pays, fût précédée d'expositions locales.

Ainsi, par exemple, le gouvernement établirait dans chaque district une commission qui examinerait les produits de la localité, soit en céréales, soit en animaux. Les produits les plus parfaits et les plus utiles seraient envoyés avec un rapport à l'exposition centrale. De cette manière, je crois que l'exposition centrale pourrait réunir, comme cela doit être, toutes les découvertes et tous les perfectionnements opérés dans le pays.

Cette mesure sera évidemment propre à écarter tous les embarras et toutes les dépenses inutiles résultant d'un envoi direct à l'exposition centrale.

Faites-y attention, messieurs ; il faut faciliter la besogne autant que possible ; car, au bout de quelques années, je le prédis, les expositions seront complètement abandonnées, si par tous les moyens possibles on ne facilite au producteur les voies pour faire connaître les résultats utiles de ses travaux.

A ces conditions j'appuierai toujours les expositions, que je considère comme les éléments les plus certains des progrès en agriculture.

Il est un autre point que je veux toucher, c'est celui relatif à la nature des récompenses que le gouvernement devrait accorder aux plus beaux produits. Pour moi, je pense qu'au lieu de médailles, il faudrait donner des instruments perfectionnés ou quelques animaux de races améliorées par les soins, par les efforts et par les sacrifices du cultivateur. De cette manière, en agissant avec intelligence, on parviendrait à rendre communes à tous les découvertes de chacun, et la récompense deviendrait même une source de progrès.

Ces considérations bien simples, je les soumets au gouvernement en l'invitant à vouloir les examiner. Je les crois utiles.

M. David. - Avant que la discussion de cet article du budget ne soit épuisée, je reviens de nouveau sur ce que j'ai eu l'honneur de dire tantôt ; et je demanderai à M. le ministre d'examiner sérieusement si les achats de reproducteurs à l'étranger ne pourraient pas être jusqu'à un certain point abandonnés pour être remplacés par une espèce de location d'animaux types parfaits des diverses bonnes espèces du pays.

Une grande partie du royaume verrait, je pense, avec satisfaction qu'une pareille mesure fût prise.

Je répondrai un mot à un honorable préopinant et lui dirai qu'il suffirait pour que les croisements fussent opérés avec plus de discernement que les gardes-étalons eussent les connaissances nécessaires et fussent autorisés à refuser telle ou telle jument dont la conformation, etc. ne promettrait pas de donner un bon produit avec tel ou tel étalon.

M. Eenens. - Je dois faire observer au gouvernement que les intérêts de l'agriculture souffrent beaucoup dans la province de Brabant à cause du petit nombre de routes pavées qu'on y rencontre. La répartition du subside alloué pour la voirie vicinale indiquée dans les annexes du budget de l'intérieur nous prouve que la province du Brabant n'a eu qu'une part insignifiante dans ce subside. J'espère que la répartition se fera à l'avenir de manière que le Brabant puisse compléter sa voirie vicinale.

Plusieurs membres ont signalé le mauvais état des fossés comme étant la cause de la détérioration des routes. S'il en est ainsi, c'est que les commissaires voyers s'acquittent mal de leurs fonctions. J'espère que l’attention de M. le ministre se portera sur ce fait, et qu'au besoin il remplacera les agents négligents par des agents plus soigneux.

M. de Theux. - A la suite de la loi sur les défrichements, j'ai présenté un projet que je considère comme le complément de cette loi ; je veux parler du projet de loi sur les irrigations et l'écoulement des eaux. Je recommande l'examen de ce projet à la section centrale, car je crois que l'examen dans les diverses sections est terminé.

Je joindrai mes vœux à ceux émis par l'honorable M. de Tornaco relativement à l'organisation de l'enseignement agricole, soit que le gouvernement maintienne le projet que nous avons présenté à la dernière session, soit qu'il y apporte des modifications.

M. le ministre de l'intérieur ne trouve pas suffisant le crédit demandé pour encouragements à l'agriculture. Nous avons tâché de faire le meilleur usage possible du crédit qui nous était alloué, et entre autres objets, en accordant des subsides aux sociétés agricoles des diverses provinces, tout en faisant sanctionner les règlements de ces sociétés par le gouvernement, en demandant une part, du moins un droit d'inspection dans ces sociétés.

M. le ministre de l'intérieur attend de grands résultats des expositions générales de produits agricoles ; nous verrons s'il parvient à leur donner une organisation telle que des résultats positifs puissent en être obtenus.

Mais je pense aussi comme l'honorable M. de Garcia, que le grand vice des expositions centrales, c'est que le public n'est pas à même de juger si les produits exposés sont le résultat d'une culture exceptionnelle, d'objets choisis entre mille qui ne peuvent servir de moyen de comparaison aux cultivateurs. Sous ce rapport, il est évident que les expositions locales présentent un degré d'utilité plus grand, car chacun est à même de vérifier jusqu'à quel point les produits exposés peuvent être recommandés à l'agriculture, jusqu'à quel point ces produits sont susceptibles d'une culture fructueuse, productive, ce qui est difficile dans une exposition centrale.

Quant à l'exposition du bétail, des mesures ont été prises pour des expositions locales. Je pense que là encore les expositions locales présentent plus d'avantage qu'une exposition générale ; on saura dans quelles conditions de pâturage et d'élevage le plus beau bétail a été produit. Je me bornerai à ces simples observations. Au reste, M. le ministre de l'intérieur fera une étude approfondie de l'organisation ; nous attendrons avant de nous prononcer sur les conséquences qu'on peut en attendre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. de Garcia et l'honorable M. de Theux ont paru négliger une partie du discours que je viens de prononcer.

L'honorable M. de Garcia a insisté sur la nécessité d'avoir des expositions locales, l'honorable M. de Theux a fait la même observation. J'avais consacré une partie de mon discours à démontrer la nécessité des expositions locales. L'honorable M. de Theux pense que les expositions centrales ne pourraient pas produire de grands résultats. D'abord nous ne pouvons pas accepter la critique des expositions centrales ; celle qui a eu lieu a été improvisée, de manière qu'il a été impossible de prendre les précautions qu'on nous recommande.

L'année prochaine, on établira ces moyens de contrôle. Il est bien entendu que le gouvernement ne recevra pas à Bruxelles le premier produit venu, sans avoir fait constater dans la localité même, soit par les sociétés agricoles soit par des commissaires spéciaux, l'origine des produits, les conditions dans lesquelles ces produits ont été cultivés.

Ce sont là des précautions de détails, et il est bien entendu qu'elles seront prises.

Je crois, messieurs, que sous ce rapport les observations qui viennent d'être faites n'avaient pas un grand degré d'utilité, attendu que moi-même je les avais produites.

L'honorable M. de Theux attache beaucoup de prix aux expositions locales ; il croit qu'elles sont beaucoup plus utiles que les expositions centrales. Je ne puis partager sa manière de voir. Je crois que les expositions locales ont leur utilité, et que les expositions centrales en ont une plus grande. Les expositions locales ont une utilité locale ; les expositions centrales ont une utilité générale ; et voici comment.

Lorsque vous réunissez sur un seul point d'un district agricole les produits venus dans ce district, les cultivateurs n'en apprennent pas grand-chose. Ils connaissent déjà à peu près tous les produits venus dans les terrains qui environnent les leurs. Il savent dans quelles conditions ces produits ont été cultivés, quelle est la nature du terrain, quels sont les soins qui ont été donnés. Ils ne connaissent qu'un genre de produits.

Il faut au contraire faire sortir le cultivateur de sa localité, il faut le mettre à même de comparer entre eux les produits des diverses parties du pays, et voilà le grand résultat des expositions centrales. Des produits de tout le royaume étant appelés à Bruxelles, il s'ensuit que le cultivateur ardennais peut comparer ses produits avec ceux du cultivateur flamand, que le cultivateur de la Hesbaye peut comparer ses produits avec ceux du cultivateur des Ardennes. C'est par cette comparaison des produits que la lumière se fait, que le progrès s'accomplit. Mais si vous tenez les cultivateurs enfermés chacun dans son (page 284) district, il n'y aura plus progrès ; les expositions seront un simple amusement qu'on pourra se procurer chacun dans sa localité. Mais les éléments de comparaison manqueront ; car le progrès ne peut venir que de la comparaison, et sous ce rapport il y a une utilité immense, je m'étonne que l'honorable M. de Theux l'ait méconnu, à réunir sur un point du royaume les différents produits de l'agriculture, et les cultivateurs eux-mêmes.

Parlerai-je de la grande utilité morale qu'il y a à concentrer sur un point du royaume à certaines époques les cultivateurs de tout le pays ? On les engage par là à s'entretenir entre eux, à entamer ces relations ; il résulte de ces relations entre le cultivateur flamand et le cultivateur wallon les conséquences les plus heureuses, je ne dirai seulement pas pour l'esprit national, mais aussi pour le développement des lumières agricoles.

Aujourd'hui quel est le mal qui travaille les campagnes ? C'est l'isolement. Il faut les faire sortir de cet isolement. Il faut mettre les cultivateurs en rapport avec les villes, il faut mettre les villes en rapport avec les cultivateurs, il faut mettre, les cultivateurs en rapport entre eux. Il faut qu'ils se connaissent, qu'ils s'éclairent réciproquement, qu'ils se disent comment ils sont parvenus dans telles circonstances à obtenir des produits nouveaux, à introduire tels perfectionnements. Voilà comment la lumière doit jaillir, comment le progrès doit se faire, et voilà comment l'exposition agricole centrale est une grande école pratique d'enseignement mutuel.

Nous la combinons, cette grande école d'enseignement mutuel avec les expositions locales ; c'est bien entendu ; c'est ce que je me suis efforcé de démontrer dans mon premier discours. Je m'attendais, je dois le dire, à recevoir plus d'encouragement de mon honorable prédécesseur.

L'honorable M. de Theux a dit que je faisais de cette matière une étude approfondie. Je n'ai pas parlé d'un examen approfondi à faire de cette matière ; nous sommes au-delà de la période d'examen et de théorie ; nous sommes entrés dans la pratique ; nous avons fait un essai qui a merveilleusement réussi et auquel le pays tout entier, je ne crains pas de le dire, a donné son adhésion.

Il ne s'agit donc plus maintenant d'étudier la théorie, il s'agit de l'application. J'en ai fait une qui a réussi, qui a produit les résultats les plus utiles et qui continuera à en produire. Ce fait doit être continué ; cette institution doit être complétée par des institutions locales que le gouvernement se propose d'encourager. Ces institutions locales auront des expositions, auront leur cercle d'action, et ensuite elles aideront au succès de l'exposition centrale. C'est ce qui est bien entendu.

Si, messieurs, d'autres objections ne sont pas faites, je me considérerai comme moralement autorisé à mettre à exécution quelques-unes des vues que je viens de soumettre à la chambre.

M. Desaive. - Messieurs, si, à peine initié à vos débats, je prends part à la discussion du budget de l'intérieur, et spécialement à celle du chapitre qui concerne les affaires agricoles, c'est que je crois devoir obéir à une conviction sincère. Je réclamerai un peu d'attention et beaucoup de cette bienveillance qu'il est dans l'habitude de la chambre d'accorder à ceux qui prennent la parole pour la première fois.

Je pense, messieurs, que nous avons un peu dérangé l'ordre de la discussion, et que dès lors il me sera permis de présenter des considérations générales. Je m'attendais à prendre la parole à propos des encouragements à l'agriculture ; nous sommes arrivés au chapitre général de l'agriculture, et c'est à ce sujet qu'on vous a parlé d'enseignement agricole.

J'aurais désiré dire quelques mots d'une institution spéciale qui coûte fort cher au pays. Mais des considérations tout à fait personnelles m'interdisent d'entrer à cet égard dans de longs développements. J’appellerai seulement votre attention sur un fait : c'est que de toutes parts on réclame des économies, Pour ma part, je suis disposé à les appuyer ; mais nous sommes à côté d'un chapitre où il y a une grande prodigalité ; c'est celui qui est relatif à l'école vétérinaire, où je vois figurer un chiffre de 153,500 fr., chiffre qui est resté stéréotypé depuis dix à douze ans.

Messieurs, je le déclare, pour que mes intentions ne soient pas interprétées d'une manière défavorable, je ne demande pas qu'on réduise ce chiffre. J'appelle seulement l'attention toute spéciale de M. le ministre de l'intérieur sur l'utilité d'amener des réformes et des économies sur ce point.

Je crois, messieurs, que quand la Belgique a donné des diplômes à 285 vétérinaires, elle a voulu leur assurer 'des moyens de vivre ; mais pour leur assurer des moyens de vivre, il ne faut pas en augmenter le nombre, alors surtout que cette augmentation coûterait au pays une somme supérieure aux services qu'il aurait le droit d'attendre des nouveaux titulaires.

On a réclamé longtemps un projet de loi sur l'organisation de la médecine vétérinaire. Après plusieurs années, on a voulu satisfaire à cette réclamation. Un projet a été présenté, je crois, l'année dernière. Dans ce projet il sera sans doute question de la suppression de l'empirisme, et par cette suppression on rendra un immense service au pays. Il y a, messieurs, plus de deux mille empiriques en Belgique, et ces 2,000 empiriques ne sont pas pour peu de chose dans le défaut de connaissances agricoles qu'on remarque dans les campagnes. Car je crois qu'il est dans les obligations d'un vétérinaire d'instruire les personnes avec lesquelles il est en rapport.

Le crédit pour l'école vétérinaire ayant été voté, je crois ne pas devoir revenir sur cet objet.

Mais je pense qu'on pourrait utiliser d'une manière beaucoup plus utile dans l'avenir, ce chiffre de 153,800 fr. La plupart des vétérinaires que nous avons aujourd'hui, sont jeunes, vigoureux, pleins de santé et promettent une longue vie et une utile carrière.

Je crois donc que quatre ou cinq nouveaux vétérinaires par année suffiraient, et que pour le nombre des communes du pays, pour celui des animaux qui s'y trouvent, un nombre de vétérinaires plus considérable que celui de 285 ne trouveraient pas à vivre honorablement du produit de leur pénible travail. Or, savez-vous combien cinq vétérinaires par an coûteraient à la Belgique dans l'état actuel du budget ? Ils coûteraient chacun 30,700 fr. Il faut convenir que quels que soient les services qu'on en attende, la dépense est beaucoup trop considérable et qu'il serait bien préférable de faire étudier 12 ou 15 vétérinaires dans une école étrangère et d'utiliser l'économie qui en résulterait à des améliorations d'autre genre que le pays réclame depuis longtemps.

Je n'ai pas, messieurs, l'intention de porter atteinte à des droits acquis ; loin de moi cette pensée. Mais je crois qu'on pourrait utiliser le personnel actuel de l'école vétérinaire dans une institution agricole comme celle qu'a demandée avant et mieux que moi l'honorable M. de Tornaco.

Je pense, après ce que vous a dit cet honorable membre, qu'il est inutile d'insister sur l'utilité d'un enseignement agricole ; c'est un besoin qui est senti non seulement par la chambre, mais par toutes les populations.

Je ne comprends pas qu'en Belgique, où l'on apprend tout, on ait oublié un seul genre d'étude, c'est celle qui traite de la manière de nourrir les hommes. Conçoit-on qu'en présence du besoin d'augmenter les subsistances on ne voie pas figurer au budget un crédit pour un pareil enseignement ?

Du reste, M. le ministre de l'intérieur est convaincu de cette nécessité, sur laquelle je n’ai pas besoin de m’appesantir plus longtemps.

L’honorable M. de Tornaco, dans la lucide exposition qu’il a donnée de l’enseignement agricole, a négligé une chose, c'est la nécessité d'une statistique agricole bien organisée, bien faite et vraie. Il n'en a jamais existé en Belgique.

Vous avez pu en acquérir la preuve. On vient d'en essayer une, et le lendemain du jour où les résultats en étaient publiés, l'errata l'emportait sur le principal ; les réclamations venaient de toutes parts. Je n'en fais pas un reproche à ceux qui ont été chargés de cette statistique, je sais que ce résultat est dû à une précipitation trop grande. Mais une bonne statistique agricole est de la plus grande nécessité et d'une extrême importance à une époque surtout où il s'agit de connaître les véritables besoins de la Belgique.

Le ministère, à son avènement, nous a parlé de la protection intelligente qu'il se proposait d'accorder à l'agriculture, et à ce sujet il a promis le retrait de la loi de 1834 sur les céréales. Je n'ai pas besoin de vous faire de vaines protestations en faveur de l'agriculture ; elles seraient superflues et elles n'ajouteraient rien aux convictions sincères qui m'animent. Mais je crois que la protection à l'agriculture doit être intelligente, et que ce n'est pas dans une échelle mobile et de nature par conséquent variable, qu'on peut trouver une protection éclairée. Quand la question se présentera, je me propose de vous en entretenir d'une manière plus étendue ; mais j'ai voulu consigner que j'appuierai le gouvernement dans cette question d'une protection équitable à accorder à l'agriculture.

Je pense que je pourrai vous démontrer alors que les intérêts des propriétaires et des cultivateurs sont solidaires, et que jusqu'ici on les a séparés, qu'on a toujours réclamé des protections pour une classe qui a droit sans doute à toutes nos sympathies, celle des propriétaires, mais qu'on n'a pas tenu compte de la classe plus nombreuse des mangeurs d'une part, et de ceux qui cultivent le sol et le fécondent de leurs sueurs d'autre part.

Je crois que ce n'est pas dans des droits prohibitifs uniquement qu'il faut chercher une protection pour l'agriculture. La protection ne peut être utile que pour autant qu'elle stimule le producteur à faire mieux, et à produire plus.

Car dans un pays où la population augmente, si vous n'augmentez pas la masse des produits en raison de l'accroissement des habitants, si vous ne cherchez pas à diminuer le prix des subsistances, vous obtenez ce que vous avez : la misère ; et ce paupérisme effrayant peut avoir les conséquences les plus graves sur le repos de la société.

Si je parle de l'agriculture d'une manière un peu libérale, ce n'est pas que je demande qu'on la sacrifie, je demande pour elle des protections que vous ne lui refuserez pas. Je demande d'abord pour l'agriculture une chose qui déplaira peut-être aux grands propriétaires ; c'est une modification dans la législation des baux. Il est absurde que celui qui travaille ne trouve pas la juste récompense de ses efforts et que les produits de son travail et de ses sueurs profitent à d'autres.

Je demande également l'abolition des droits d'octroi ou du moins leur diminution. Car lorsque vous demandez aux pays étrangers de lever leurs barrières aux produits belges, en établir à l'intérieur, c'est une anomalie que, je ne puis m'expliquer ; surtout lorsque ces barrières intérieures sont établies contre des produits qui servent à la nourriture des populations.

Depuis longtemps l'honorable M. de La Coste a appelé l'attention de la chambre sur cette question. On nous a distribué à cet égard des rapports très volumineux, tellement volumineux que je crains qu'on ne s'y perde.

(page 285) C'est un sujet qui est digne de toute l'attention du gouvernement.

L'honorable ministre de l'intérieur vous a parlé des avantages de l'exposition agricole.

Tout le pays a applaudi à cette heureuse idée ; et catholiques et libéraux doivent se confondre quand il s'agit de l'agriculture. Car si la Belgique est neutre, la question agricole doit aussi se débattre sur un terrain neutre où tous doivent s'entendre et fraterniser.

Dans tout le pays, et j'ai quelques relations avec les cultivateurs, on a applaudi à cette mesure utile d'une exposition agricole, et je verrais avec douleur M. le ministre de l'intérieur rabattre de ses prétentions légitimes en cette matière.

L'industrie doit ouvrir demain son palais pour donner des récompenses à tous les industriels.

Il y a longtemps que nous réclamons pour l'agriculture les mêmes mesures et enfin le jour est venu où nous recevons une légère satisfaction. Mais voilà que, mû je ne sais pas quel esprit, on vient dire que c'est une parodie ; on vient demander que la question de l'exposition agricole soit mise à l'étude. L'honorable M. de Garcia dit, lui, qu' il est partisan des sociétés agricoles, mais il ne veut pas de l'enseignement agricole.

M. de Garcia. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que je préférais les sociétés agricoles à l'enseignement agricole.

M. Desaive. - Eh bien, c'est tout simplement un contre-sens. Si vous voulez des expositions sans répandre les connaissances, c'est comme si vous demandiez à un aveugle d'apprécier un tableau. La première chose, c'est l'enseignement et, vous aurez beau faire, nous l'obtiendrons. Quant à moi, je serai heureux si je puis contribuer pour une faible part à l'établir, si je puis contribuer pour ma 108ème part à doter la Belgique de cette heureuse et féconde institution.

Mais, messieurs, si les cultivateurs éprouvent quelque satisfaction, cette satisfaction sera mélangée de beaucoup d'amertume et de regrets. Ainsi demain l'on distribuera des récompenses aux aristocrates, aux heureux qui ont obtenu la médaille du premier mérite, mais il n'en sera pas de même du modeste cultivateur qui n'a obtenu que la médaille de bronze, qui n'a pas obtenu la médaille d'argent parce qu'il n'y en avait pas à gagner. Eh bien, j'ai vu de ces cultivateurs qui considéraient la journée de demain comme le plus beau jour de leur vie et qui sont dans la désolation parce qu'on les exclut d'une cérémonie où, disaient-ils, ils allaient voir le Roi pour la première fois.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.

M. Desaive. - On aurait dû, je pense, distribuer à un certain nombre d'agriculteurs, un stimulant plus fort, au moyen duquel on eût provoqué plus d'émulation dans les campagnes, je veux parler de la décoration de l’ordre de Léopold, quelle que soit la profusion avec laquelle on l'ait répandu.

Les décorations que l'on a distribuées avec tant de générosité, dans les pays étrangers par exemple, qu'il a fallu augmenter les sommes portées au budget, ces décorations n'auront pas la moindre influence sur les agriculteurs belges, et quand on décore d'anciens fonctionnaires, des soldats qui se sont bien battus, on peut décorer aussi ceux qui, en définitive, procurent !a nourriture à tous. Je crois que la croix de Léopold serait parfaitement placée sur la poitrine de l'agriculteur qui, sans aucune espèce d'instruction, est parvenu à créer des produits jugés dignes de l'admiration du pays.

Du reste, messieurs, les sympathies que M. le ministre de l'intérieur a exprimées dans une séance précédente, pour l'agriculture, me sont un sûr garant qu'il n'oubliera pas les cultivateurs dans la distribution de ces faveurs auxquelles le public attache de l'importance.

Un encouragement que je désirerais également pour l'agriculture, c’est le transport à prix réduit ou tout à fait gratuit, des engrais par le chemin de fer de l'Etat. Je me bornerai à indiquer ce point. J'aurai l'occasion d'y revenir.

J'ai été frappé aussi, messieurs, d'une anomalie que j'ai rencontrée dans le budget. Je veux parler de la somme de 200,000 fr. consacrée à la réparation des dommages résultant de l'abatage d'animaux, somme sur laquelle 103,000 fr. sont employés à rétribuer ceux qui doivent constater les maladies épizootiques. Il faut convenir, messieurs, que pour peu qu'on augmentât cette rétribution, il ne resterait rien pour les cultivateurs. C'est une institution extrêmement vicieuse que celle qui consiste à établir des vétérinaires de deux espèces, des vétérinaires du gouvernement et des vétérinaires qui n'ont pas la même mission. Il résulte de là de graves abus, et j'engage fortement M. le ministre de l'intérieur a étudier la question.

Je ne nommerai personne, mais je citerai quelques faits qui prouveront combien les abus sont considérables. Un agriculteur a un animal malade ; quelque confiance qu'il ait dans son vétérinaire ordinaire, il ne peut pas se dispenser d'appeler le vétérinaire du gouvernement, sous peine d'être inhabile à recevoir l'indemnité qui lui sera due en cas d'abattage. Je sais qu'une modification a été apportée à cet état de choses, mais elle est extrêmement récente. Eh bien, le vétérinaire du gouvernement est placé là entre son intérêt et sa conscience ; sa conscience exige qu'il ménage les fonds de l'Etat, son intérêt exige qu'il se mette bien avec le cultivateur, puisqu'il doit vivre de son état. Or, messieurs, il n'arrive que trop souvent que ces hommes se laissent aller à des complaisances coupables, et il est bien des animaux qui ont été abattus, du chef desquels indemnité a été payée et qui cependant se portent très bien.

Je pourrais, messieurs, citer beaucoup de faits de cette nature, mais je ne veux incriminer personne ; je me borne à dire que les choses se passent de telle manière qu'il en résulte un grand découragement chez les uns et beaucoup d'intrigues, beaucoup d'actes coupables de la part des autres. Je crois qu'il serait possible de faire un emploi beaucoup plus utile des fonds alloués au budget.

L'honorable M. Faignart vous a dit, messieurs, qu'il était urgent d’introduire des améliorations dans l'administration des haras. C’est aussi la une institution très coûteuse, et puisque le vent de l'économie souffle dans cette enceinte, j'engage fortement M. le ministre de l'intérieur d'opérer des réductions notables sur cette partie de nos dépenses, que je considère comme tout à fait inutile ; car je pose en fait que tous les chevaux belges produits par le haras ne valent pas la moitié de la somme qu'on a dépensée pour en doter le pays. Je reviendrai sur ce sujet.

Je n'en dirai pas davantage ; le crédit est voté ; on a été patient depuis si longtemps, j'aurai la patience d'attendre encore pendant une année.

Mais un point sur lequel j'appelle l'attention sérieuse de la chambre et au sujet duquel je lui soumettrai une proposition, c'est la nécessité de rayer du budget les 30,000 fr. qui y figurent pour les courses.

Quoi ! messieurs, dans un moment où il y a des milliers d'hommes qui meurent de faim dans les Flandres, il est quelques gentilshommes qui ne craindront pas de tendre la main et de réclamer du budget 30,000 francs peur leurs plaisirs ! Le vote d'un pareil crédit me paraîtrait incompréhensible, alors surtout qu'on le rapproche du refus de la chambre, d'allouer 200,000 fr. de plus pour la voirie vicinale. Si les quelques gentilshommes qui se partagent les 30,000 fr. veulent s'amuser, que ce soit aux dépens de leur bourse, et non pas aux dépens de celle des contribuables. C'est principalement sur cet objet que j'insiste auprès de la chambre, que je réclame de son esprit d'économie, de ses sentiments d'humanité, la suppression du crédit de 30,000 fr., destiné à un service inutile ; car les chevaux de course sont des êtres aussi inutiles à l'agriculture que les jockeys qui les montent.

M. Pirmez. - Messieurs, je ne pense pas qu'on doive conclure de cette discussion, comme en a conclu M. le ministre de l'intérieur, que le gouvernement est autorisé à faire des dépenses supérieures au chiffre. S'il en était ainsi, il me semble que la chambre devrait être appelée à émettre un vote. (Interruption.)

Ainsi, il doit être bien entendu qu'en votant le crédit, nous n'autorisons nullement M. le ministre de l'intérieure prendre des mesures qui auraient pour résultat d'augmenter, dans le courant de l'exercice, le chiffre que nous votons.

M. le ministre de l'intérieur nous a exposé quelques-unes de ses vues sur l'agriculture ; il s'agit, entre autre dans son esprit, de la création de toute une nouvelle catégorie de places, et particulièrement d'inspecteurs agricoles. Je n'ai pas bien saisi ce que M. le ministre entend par ces inspecteurs, ni quelles seraient leurs fonctions ; mais ce que j'ai parfaitement compris, c'est qu'il s'agirait de fonctionnaires qui viendraient grossir la liste, déjà si longue, d'individus prenant part au budget.

Je crois qu'avant de créer de nouvelles places, il nous faut examiner la nature des attributions qui seront confiées aux individus que l'on appellera à en jouir, et, jusqu'à présent, M. le ministre de l'intérieur ne nous a fourni aucun renseignement sur la nature des fonctions d'inspecteurs d'agriculture.

On veut protéger l'agriculture ; eh bien, les hommes les plus compétents dans cette matière, et entre autres, le dernier orateur qui a parlé, tous ont démontré que les encouragements pécuniaires dont le gouvernement a pu disposer en faveur de l'agriculture, n'avaient jamais produit de résultat. Ainsi, l'honorable préopinant a dit qu'il y avait de grands abus, quant aux indemnités que l'on accorde, du chef d'animaux abattus pour cause de maladie. Beaucoup d'entre eux, dit-il, vivent encore. Il a dit encore que tout le produit des haras ne valait pas la moitié de la somme que le gouvernement avait dépensée pour cette branche du service.

Il est probable que si le gouvernement ne s'était jamais mêlé de haras, les résultats qu'on a rait obtenus seraient infiniment supérieurs à ceux auxquels on est parvenu, et ce qui est vrai pour les haras, serait aussi vrai pour toutes les autres branches de l'agriculture.

En matière d'agriculture, comme en matière d'industrie, le plus grand service que le gouvernement puisse rendre, c'est de ne pas se mêler de ces choses. Lorsque le gouvernement se mêle d'une de ces choses, il en résulte une infinité d'abus, on crée une foule de sinécures et, partant, de nouvelles dépenses ; et ces dépenses doivent être payées par de nouveaux impôts que vous êtes forcés de voter.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable préopinant pense que j'ai parlé à la chambre de la création d'une multitude déplaces ; je me suis élevé, au contraire, contre le grand nombre de places actuellement existantes et qui pourraient être plus utilement remplies. Je n'ai parlé que de la création de quelques inspecteurs agricoles qui auront pour mission de contrôler l'usage des- crédits votés pour l'agriculture.

Je ne veux pas entrer en discussion avec l'honorable préopinant sur les doctrines qu'il professe dans cette enceinte. Sous ce rapport, nous avons deux manières de voir entièrement opposées. L'honorable membre pose que le gouvernement ne doit rien faire, qu'il gâte toutes les choses qu'il touche ; voilà les termes crus dans lesquels l'honorable membre s'est exprimé.

Je crois, au contraire, que l'action du gouvernement représentatif (page 286) responsable, éclairé, contrôlé par les lumières de la nation, peut produire les meilleurs résultats pour le bien-être moral et matériel du pays.

Si le gouvernement doit être condamné à ne rien faire, alors, il faut rayer tous les articles du budget, il faut aller plus loin, il ne faudrait pas de gouvernement du tout. Ce serait la plus grande économie à introduire. Je rends d'ailleurs hommage à la sincérité des opinions professées par l'honorable préopinant.

L'honorable M. Desaive a adressé au gouvernement le reproche d'écarter de la cérémonie de demain une catégorie d'agriculteurs. Sans vouloir anticiper sur cette cérémonie à laquelle, pour le dire en passant, la chambre consentira sans doute à assister, je dirai que l'exclusion dont a parlé l'honorable membre n'est pas une exclusion. Il y a impossibilité matérielle de distribuer les médailles de bronze au grand nombre d'industriels et de cultivateurs destinés à en recevoir : 12 heures n'y suffiraient.

Voilà le seul motif pour lequel on ne peut remettre directement les médailles de bronze ; elles seront envoyées à ceux qui les ont obtenues et leurs noms seront proclamés.

On a pensé que ce serait une chose heureuse que de réunir en une seule solennité les agriculteurs et les industriels, les travailleurs des villes et les travailleurs des campagnes ; on a pensé que cette grande réunion des industriels et des agriculteurs offrirait des avantages qui compenseraient l'inconvénient de devoir éloigner de la cérémonie certaines catégories d'exposants, celles qui n'obtenaient que des médailles de bronze. L'année prochaine, comme l'agriculture aura une exposition spéciale, la fête pour elle sera plus complète, personne ne sera écarté de la cérémonie, tous les exposants qui se seront distingués pourront venir recevoir personnellement la récompense qu'ils auront obtenue.

Je tiens compte de toutes les observations qui se produisent ; je ne peux pas répondre à toutes, mais j'en prends note et j'en ferai l'objet d'une attention particulière. De toutes les observations faites sur les exposition, aucune ne sera perdue de vue. Le comité supérieur d'agriculture est assemblé, toutes les questions lui seront soumises, il pourra faire son profil des observations produites dans celle enceinte.

M. de Garcia. - Suivant M. le ministre de l'intérieur, je me serais donné une peine superflue en faisant quelques observations relativement aux expositions, puisqu'elles rentrent, dit-il, dans les vues qu'il a exposées.

Je me félicite de cette déclaration. Si je les ai présentées, c'est que je n'avais pas compris M. le ministre. Dès lors je dois supposer qu'il partage ma manière de voir, et qu'il entre dans sa pensée d'établir des expositions locales à côté des expositions centrales. Je considère ce système comme devant se combiner de manière qu'à l'exposition locale on fasse le triage des produits les plus parfaits pour les envoyer à l'exposition centrale.

Ce point reconnu, il est entendu aussi, j'espère, que les expositions locales, comme l'exposition centrale, seront dirigées par le gouvernement. Dans ma manière de voir le but ne serait pas atteint si le gouvernement se bornait à donner de légers subsides à des amateurs, à des sociétés particulières, les moyens d'exécution d'une mesure semblable ne peuvent rencontrer des obstacles sérieux.

Rien n'est plus facile que de charger une commission d'examiner les produits présentés aux expositions locales. Les députations permanentes pourraient au besoin désigner des personnes aptes à faire un examen convenable des objets exposés.

Il me reste à dire un mot en réponse à l'honorable M. Desaive qui a supposé que je ne voulais pas d'enseignement agricole. Je n'ai jamais exprimé pareille idée.

J'ai dit que, dans ma manière de voir, les expositions agricoles auraient une influence infiniment plus avantageuse sur les progrès de l'agriculture que des établissements d'enseignement. Du reste, je me réserve d'examiner l'enseignement agricole, lorsque nous aurons à discuter cette matière.

L'honorable membre a voulu mettre en état de suspicion la sympathie que je porte à l'agriculture. Je ne puis m'expliquer cette insinuation, à laquelle je crois inutile de répondre.

Il a dit ensuite que, sans enseignement agricole, nul ne peut améliorer ni juger les produits de notre culture. A ce point de vue, tous nous serions des aveugles qui voudrions juger la beauté d'un tableau. Je demanderai comment on a jugé les produits de l'exposition de cette année, auxquels on va décerner des prix. L'honorable membre lui-même est une preuve qu'il ne faut pas d'établissement d'enseignement agricole pour qu'on puisse acquérir des connaissances en agriculture ; car il est fort expert, et nous n'avons jamais eu d'établissement de ce genre en Belgique, et je ne sache pas qu'il ait été faire son éducation en France ou en Allemagne. Il doit donc convenir que, sans école spéciale, on peut cependant acquérir des connaissances agricoles.

Des expositions bien conçues pousseront beaucoup plus aux études et aux essais agricoles que les écoles que vous établiriez. Selon vous, il faudrait que le dernier citoyen fût initié aux études de l'agriculture. Mais vous rendez-vous bien compte de l'état du peuple ? Ignorez-vous que la faiblesse de ses ressources lui permet à peine d'envoyer ses enfants à l'école primaire qui est dans son village, et vous voulez que des cultivateurs, dont l'honorable membre a peint la situation avec des couleurs si vraies, puissent envoyer leurs enfants au loin à l'école d'agriculture ? C'est une utopie pour la grande masse de nos populations.

M. de Tornaco. - L'honorable préopinant vient de se récrier contre la demande d'organiser l'enseignement agricole. Je ne puis laisser passer sans réponse les dernières paroles qu'il a prononcées ; il vous a dit que cet enseignement est une utopie. L'honorable membre s'est chargé lui-même de prouver le contraire. Il a déjà été accusé d'inconséquence par un honorable membre, je veux lui prouver de nouveau qu'il a été inconséquent. Il a dit qu'il préférait les expositions à l'enseignement agricole. Je ne lui conteste ni ses goûts, ni ses dispositions, ni ses opinions ; mais l'honorable membre n'aurait pas dû ajouter qu'il voudrait que pour prix on accordât aux exposants des instruments nouveaux, des produits nouveaux, des animaux de nouvelle race, etc., Il ne s'est pas aperçu qu'il proposait de donner des instruments nouveaux à des personnes qui ne pourraient pas s'en servir, à des aveugles, comme a dit un honorable membre. Comment veut-il qu'un cultivateur se serve d'un instrument nouveau s'il n'en connaît pas le maniement ? Comment veut-il qu'il apprécie l'utilité qu'on peut tirer d'une nouvelle race de chevaux ou de bêtes bovines, s'il ne connaît pas la valeur, le mérite de ces animaux. Il faut donc à côté de la pratique placer la théorie. Comme vous le voyez, l'honorable M. de Garcia est tombé dans une grave inconséquence.

Il a dit aussi qu'il désirait que le gouvernement organisât des expositions d'arrondissement ou de canton. Pour moi, je m'oppose formellement à une organisation semblable ; j'y ferais une opposition très vive car elle m'apparaît grosse d'inconvénients et même d'abus graves ; elle serait la source d'une foule d'intrigues ; peut-être même contribuerait-elle à favoriser la corruption, à lui donner des aliments. Je désire que le gouvernement se tienne soigneusement à l'abri des opinions que vient d'émettre l'honorable M. de Garcia.

M. de Mérode. - Messieurs, lorsque j'ai voulu parler de chemins vicinaux, on m'a remis au chapitre de l'agriculture. En effet, messieurs, le facile transport des engrais sur les terres, et des récoltes dans les granges, est un des premiers éléments de la mise en valeur des campagnes généralement ; en effet, dans les pays où le sol est le plus fécond, il est difficile à parcourir en temps de pluie ; il en résulte que le fermier est obligé de nourrir un grand nombre d'animaux d'attelage qui travaillent à peine la moitié de l'année. Lorsqu'au contraire les chemins agricoles sont empierrés comme dans quelques communes, on peut, avec la moitié de ces mêmes attelages, accomplir la même besogne ; et alors au lieu de nourrir une multitude d'animaux de trait, on entretient plus de vaches laitières, plus de bétail à l'engrais. Mais pour améliorer largement les chemins de campagne, il ne faut pas d'abord ordinairement les empierrer dans toute leur longueur. Il faut choisir avec intelligence les passages difficiles, les rendre bons où ils sont très mauvais, et les laisser dans leur état naturel, là où ils sont viables par leur propre fonds ; procédant toujours successivement ainsi de manière à mettre le tout en bon eut à la longue, on obtiendrait d'importants avantages très prochainement.

Je ne crains pas de dire qu'avec ce que coûte un seul chemin de fer de second ordre, on ferait dans presque tout le pays les plus profitables travaux, et l'on serait surpris de l'excellent effet obtenu et de l'augmentation considérable des produits. Dans la partie du district de Nivelles qui entoure la ville de Wavre, il existe, par exemple, des montées sablonneuses très roides, qui nécessitent, pour les franchir, d'incroyables efforts. Le pavage ou l'empierrement de ces montées ne coûterait que très peu, comparativement aux frais de revient d'une seule route tracée et exécutée avec toutes les prétentions scientifiques des ingénieurs.

Cet objet mérite donc la plus grande attention des hommes de simple pratique et sans prétentions.

Quant à la création d'inspecteurs de l'agriculture, je pense que déjà l'inspection est beaucoup trop répandue partout.

Le budget paye des frais énormes pour cette classe de fonctionnaires chargés de regarder faire les autres, et je n'aimerais pas à la voir multiplier encore ; je ne pourrais admettre non plus la suppression de ce qu'on appelle les empiriques. Car si le paysan, pour faire traiter un animal de faible prix, était toujours obligé de recourir au vétérinaire breveté, il dépenserait fort souvent plus que ne vaut l'animal même qu'il veut guérir. Parmi les empiriques, il y a plus qu'on ne croit des hommes d'expérience, qui savent parfaitement traiter les maladies les plus répandues par des moyens économiques et qui n'obligent pas de recourir au pharmacien.

M. Duroy de Blicquy. - Je ne viens pas prendre la parole dans cette discussion ; je m'abstiendrai surtout d'entretenir la chambre dans ce moment des améliorations que je crois nécessaire d'introduire dans l'administration du haras. Mais en présence de certaines exagérations, je crois devoir signaler à l'assemblée quelques faits qui répondent en grande partie aux opinions émises par quelques préopinants qui ont prétendu que les croisements de races n'avaient amené aucun bon résultat. Eh bien, malgré les fautes qui ont été commises, malgré le mauvais vouloir de l'administration de la guerre, à certaines époques, il est certain que les efforts de l'administration des haras ont amené un résultat positif.

Messieurs, une commission qui a été chargée de faire choix de chevaux pour la remonte de l'année, a parcouru le pays. 224 chevaux lui ont été présentés. Sur ces 224 chevaux, elle en a admis 63, plus 10 pour le service de l'artillerie, quoique ces chevaux fussent croisés.

Messieurs, je ne sais si vous savez que dès 1825, 200 officiers de notre armée étaient déjà montés sur des chevaux indigènes ; un plus grand nombre ont aujourd'hui de ces chevaux, et dans cette remonte de (page 287) 63 chevaux dont je vous parlais, 21 ont été postérieurement choisis par des officiers. Ces chevaux de remonte ont été achetés à des prix qui ne dépassent presque pas le prix des chevaux étrangers. Ii ne peut donc plus y avoir de doute sur la bonne qualité des chevaux que fournit le pays.

Je cite ces faits parce que le principal but qui a engagé le gouvernement à faire des sacrifices pour le croisement des chevaux, a été de nous affranchir de l'étranger pour la remonte de notre cavalerie. Les chiffres que je viens de citer vous prouvent que les chevaux nécessaires à notre armée peuvent être fournis en partie par l'industrie indigène. En effet, 224 chevaux, je le répète, ont été présentés, et si un plus grand nombre n'a pas été acheté, c'est parce que M. le ministre de la guerre avait cru devoir fixer un maximum pour le nombre de chevaux à acheter. Ce maximum était de 64 ; 63 ont été achetés. Je ne doute pas que si M. le ministre de la guerre était ici, il vous dirait que le rapport de la commission a constaté des résultats très favorables.

J'espère, messieurs, que l'espèce de reproche que j'ai fait à M. le ministre de la guerre d'avoir fixé un maximum, je n'aurai plus à le reproduire l'année prochaine, et qu'il comptera davantage sur les ressources du pays. Il n'y a pas de doute que, plus encouragés, les élèves ne s'appliquent à produire davantage.

J'ai eu pour but de répondre surtout à ce que vous a dit un honorable préopinant que les croisements.

- La discussion sur le chapitre est close.

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Service vétérinaire. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture : fr. 103,500. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Encouragements à l'agriculture : fr. 325,000. »

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur diviser l'article 3 en deux articles ainsi conçus :

« Art. 3. Encouragements à l'agriculture : fr. 292,800. »

« Art. 4. A. Frais des courses de chevaux du gouvernement et subsides à des sociétés de courses : fr. 29,200 »

« B. Récompenses à allouer aux agents de la force publique qui se distinguent par leur zèle à constater des délits de chasse : fr. 3,000.

« Ensemble : fr. 32,200. »

La section centrale propose l'adoption de ces deux articles.

Je mets en discussion le nouvel article 3 : « Encouragements à l'agriculture, 292,800 fr. »

M. de Theux. - Je n'ai pas voulu prolonger la discussion générale ; mais je dois répondre à une observation qui a été faite, qu'on ne s'était pas occupé de la suppression de l'empirisme. Les anciens membres de cette chambre se rappelleront que, dans la session dernière, un projet a été présenté sur la réorganisation de l'école vétérinaire et la pratique de la médecine vétérinaire, et que dans cette loi il a été pourvu à tout ce qu'on pouvait désirer contre les abus de l'empirisme.

M. Orban. - Messieurs, j'avais demandé la parole, lorsque j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur déclarer que si aucune déclaration contraire n'était faite par la chambre, il se croirait autorisé à réaliser tout ou partie des dépenses qu'il avait énumérées dans son discours. C'est là, messieurs, une nouvelle manière de disposer des ressources du trésor, de faire voter les chambres sans qu'elles s'en doutent. Je ne sais pas, messieurs, s'il entre dans les vues de M. le ministre de l'intérieur, d'introduire cette innovation dans les procédés de la politique nouvelle.

J'entends M. le ministre dire, qu'il n'entend point s'écarter des précédents. Il y a, messieurs, deux manières de violer les règles que le gouvernement doit s'imposer à cet égard. La première, c'est de faire des dépenses qui ne sont pas autorisées par les budgets. Mais il en existe une seconde, c'est de poser des faits, de prendre des mesures qui rendent ces dépenses indispensables et dépouillent la législature de sa liberté d'action. C'est ce qui a lieu quand ou fait des nominations à des fonctions de création nouvelle pour lesquelles le budget ne contient pas d'allocation.

J'ai entendu M. le ministre de l'intérieur, alors qu'il n'était pas au banc des ministres, alors qu'il était à la tête de l'opposition, blâmer très énergiquement un semblable abus. On avait créé, vous vous le rappelez, des places d'inspecteur de l'instruction moyenne et du service sanitaire, et l'on avait pourvu à ces emplois avant d'avoir obtenu des chambres les allocations nécessaires. Cette manière de procéder a été considérée comme une violation des prérogatives de la chambre. Elle a rencontré de la part de l'opposition, à laquelle je me suis associé, j'aime à le rappeler ici, une énergique réprobation.

En tous cas, messieurs, comme M. le ministre attend des réserves, je m'associe à l'honorable M. Pirmez pour en faire de bien formelles. Quant à la place d'inspecteur de l’agriculture, je considérerais cette création nouvelle, je le déclare hautement, comme un non-sens et comme destinée à venir prendre rang dans nos dépenses à venir parmi les plus inutiles. Il en existe déjà beaucoup d'inutiles ; il n'y en aurai pas qui lèserait plus que celle-là.

Pour faire de cette affirmation la démonstration la plus complète, je n'ai qu'à m'emparer des motifs donné par M. le ministre pour en établir l'utilité.

Qu'a-t-il dit, en effet ? Nous avons une inspection des prisons, une inspection des forêts ; une inspection des haras, et nous n'avons pas d’inspection de l'agriculture.

Il faut une inspection d'agriculture ; car en définitive l'agriculture est une chose plus considérable que l'administration des prisons, que les forêts, que les haras.

Eh mon Dieu ! messieurs, si nous avons une inspection des prisons, c'est parce que nous avons des prisons à administrer, des fonctionnaires nombreux qui sont chargés de cette branche du service. Si nous avons une inspection des forêts, c'est parce qu'il y a des forêts qui appartiennent à l'Etat, des fonctionnaires pour les administrer et que de ce chef il y a quelque chose à inspecter, à surveiller. Enfin, si nous avons une inspection des haras, c'est parce qu'une grande partie du fonds d'agriculture est employé à l'existence des haras, qui demandent également une surveillance, une administration.

Mais, messieurs, pour justifier la création d'une inspection de l'agriculture, il faudrait qu'il y eût une agriculture de l’Etat, et elle n'existe pas encore que je sache. Comme le disait très spirituellement tout à l'heure l'honorable comte de Mérode, l'inspecteur est un fonctionnaire chargé de regarder faire les autres. Mais encore faudrait-il qu'il y eût ici des fonctionnaires à regarder faire, et ces fonctionnaires agricoles, je ne les connais pas plus que l'agriculture de l'Etat.

M. le ministre de l'intérieur a parlé des fonctionnaires qui s'occupent maintenant de l'agriculture, des gouverneurs, des commissaires d'arrondissement, et il vous a dit qu'on ne pouvait attendre d'eux les services que cette branche d'administration pouvait réclamer : que ces fonctionnaires ne pouvaient donner que des soins accessoires à l'agriculture.

Mais il avait oublié, et j'ai dû le lui rappeler, qu'il y a des commissions gratuites qui sont chargées de cette branche du service, ce sont les commissions d'agriculture. Je suis persuadé que les seuls services que le gouvernement puisse attendre en cette matière, ces commissions sont à même de les rendre mieux que personne.

En effet, que doit savoir le gouvernement ? Il doit être renseigné à des époques déterminées, sur l'état des récoltes, sur l'apparence qu'elles présentent pour prendre les mesures que pourrait nécessiter l'approvisionnement du pays. Eh bien ! les commissions d'agriculture sont seules à même de donner ces renseignements avec ensemble et exactitude parce que les membres qui les composent se trouvent dans toutes les parties du territoire, parce qu'eux-mêmes sont agriculteurs et propriétaires. Et lorsque vous avez une organisation qui ne coûte rien à l'Etat, lorsque vous avez des agents, des citoyens qui se chargent gratuitement d'un service public, qui le font avec zèle et intelligence, vous viendrez leur substituer une nouvelle organisation inutile et onéreuse au pays ! Je proteste pour ma part contre de pareilles vues administratives et contre un semblable maniement des fonds du budget.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Quand une inspection de l'agriculture aura été créée, je me charge, si elle est attaquée dans cette enceinte, de la défendre. Comme je ne demande rien, en définitive, au budget, je n'ai pas à exposer ici les services que l'inspection de l'agriculture peut rendre.

Si la chambre ne veut pas que les sommes portées au budget pour l'agriculture soient inutiles, il faut qu'il y ait un contrôle, il faut qu'on puisse, sur les lieux mêmes, examiner si les mesures en vue desquelles des dépenses sont faites, reçoivent une exécution convenable. Ainsi, messieurs, par la loi sur le défrichement des bruyères vous avez autorisé le gouvernement à consacrer une somme considérable à la fertilisation de terrains incultes ; aujourd'hui ce service est sans surveillance. Croyez-vous qu'un fonctionnaire chargé de contrôler les travaux de défrichement, de rendre compte au gouvernement de l'effet produit par les premières opérations faites, croyez-vous que ce fonctionnaire serait inutile ? Voilà un seul point de vue.

Autre exemple, le gouvernement décerne des encouragements pour différentes cultures, ces cultures ne sont pas aujourd’hui surveillées directement par un fonctionnaire spécial préposé au contrôle de l'emploi des fonds qui leur sont affrétés. Eh bien, je dis que c'est là une lacune : ou les inspecteurs sont inutiles en général, ou il faut les considérer comme très utiles en agriculture.

Je crois avoir fait acte de bonne foi en exposant mes vues à la chambre, mais je me considère comme parfaitement libre de les réaliser. Je suis libre d'imputer sur les fonds de l'agriculture les dépenses que peut exiger l'inspection agricole.

On veut attribuer aux commissions d'agriculture un rôle important qui ne leur incombe pas. On veut charger ces commissions de l'inspection dont il s'agit.

C'est là une utopie, c'est un non-sens, pour me servir de l'expression un peu dure dont on s'est servi à mon égard.

Les membres des commissions d'agriculture ne sont pas en position de s'acquitter de cette charge ; les commissions d'agriculture se composent de propriétaires, de cultivateurs, qui viennent se réunir à certaines époques au chef-lieu de la province, pour délibérer sur des questions données, mais qui ne peuvent pas exercer cette surveillance active de tous les jours, que le gouvernement est en droit de demander à des agents, qu'il salarie.

(page 288) Il y aura, messieurs, beaucoup de travaux à surveiller dans les Flandres, et ma responsabilité ne serait pas suffisamment garantie, si je n'avais à ma disposition un fonctionnaire que je puisse, au besoin, envoyer sur les lieux pour me rendre compte de l'emploi des fonds qui sont distribués.

Au surplus, messieurs, je connais mes devoirs envers la chambre, et je n'introduirai pas d'irrégularité dans la manière de faire usage des crédits alloués au budget ; mais je connais aussi mes droits, et comme il n'y a aucune décision de la chambre qui interdise de pareilles dépenses, si, après un nouvel examen je les considère comme utiles, je les imputerai sur les crédits votés.

M. Orban. - Il est possible que la discussion de la mesure proposée par M. le ministre de l'intérieur soit maintenant prématurée, et qu'elle vienne plus à propos quand la mesure sera prise. Je ne prolongerai donc pas le débat sur ce point, mais il est impossible de ne pas exprimer mon étonnement de voir M. le ministre de l'intérieur persister dans une hérésie aussi manifeste que celle qu'il vient de développer devant vous, et se mettre ainsi en contradiction avec ses propres antécédents, dont le souvenir est si peu oublié.

A l'entendre, le gouvernement aurait le droit de créer des places avant d'y pourvoir, avant que les chambres aient alloué les fonds nécessaires pour les rétribuer. Cette prétention est énoncée sans détour et sans aucun respect pour les manifestations nombreuses qui ont été faites en sens contraire dans cette honorable assemblée et par M. le ministre lui-même

En serions-nous arrivés, messieurs, à ce point que ce qui était une irrégularité, un abus à une époque antérieure, fût devenu régulier et licite, parce que c'est M. Rogier qui siège au banc ministériel.

M. le ministre vient de dire que rien ne l'empêche de rétribuer des inspecteurs de l'agriculture sur les fonds alloués au budget. Mais, messieurs, ces fonds ont été demandés à la chambre pour des besoins connus, et désignés pour des besoins spéciaux ; on a dit à la chambre : il faut tant pour indemnités du chef de la perte d'animaux abattus, tant pour les commissions provinciales d'agriculture, tant pour les haras, et tous ces besoins réunis exigent une somme de... qui ne pourrait être réduite sans compromettre des services essentiels. Or, messieurs, il est bien évident que si aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur prélevait sur cette somme les traitements d'inspecteurs de l'agriculture, le crédit voté deviendrait insuffisant et qu'il faudrait l'augmenter dans la proportion des sommes distraites pour salarier les fonctions nouvelles. Ce serait par conséquent anticiper sur le vote de la chambre, ou plutôt ce serait forcer ce vote ; ce serait ravir à la chambre la liberté d'action dont doit être entièrement investie lorsqu'il s'agit de voter les dépenses publiques.

J'aurais cru, messieurs, manquer à mes devoirs si je n'avais insisté sur ces principes, protesté d'avance contre leur violation que l'on ne craint pas de venir vous annoncer.

M. de Theux. - Messieurs, je ne prolongerai pas la discussion, je veux seulement dire quelques mots sur ce qui a eu lieu dans le passé. On aurait pu croire, d'après les paroles de M. le ministre de l'intérieur, que, dans le passé, l'emploi des fonds s'était fait sans surveillance. Je dois déclarer que la surveillance a été complète en ce qui concerne le fonds des irrigations. Je ne crois pas qu’aucune dépense ait été faite sans surveillance.

M. Malou. - Messieurs, dans une précédente séance, on a adopté l'article 2 du chapitre premier du budget de l'intérieur, portant que les traitements du personnel de l'administration centrale ne peuvent être imputés sur aucune autre allocation que cet article 2. Il en résulte que dans l'esprit de la chambre, et si je rappelais les discussions qui ont fait introduire cette formule dans le budget, il en résulterait plus évidemment encore que M. le ministre de l’intérieur ne peut pas créer de nouveaux emplois lorsqu’il doit rétribuer les titulaires sur d’autres articles du budget.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je dois faire observer que cette règle invoquée par l’honorable M. Malou n’est pas du tout suivie.

M. Malou. - C’est la loi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Dans le budget proposé par l'administration dont l'honorable M. Malou faisait partie, les traitements de beaucoup de fonctionnaires ont été imputés sur le chiffre de l'agriculture. Il y a là des inspecteurs généraux, des directeurs, des inspecteurs spéciaux ; et en vertu du même droit qu'avait eu le gouvernement, de nommer des inspecteurs de haras, je pense être autorisé à nommer un inspecteur de l'agriculture.

Il ne s'agit pas ici de fonctionnaires travaillant dans les bureaux de l'administration centrale ; il s’agit de fonctionnaires de la même catégorie que ceux qui ont été créés par mes prédécesseurs ; et si je demeure dans les limites du crédit proposé à la chambre, je suis libre, encore une fois, de faire ce que j’ai eu la loyauté d’annoncer. Ce n’est pas là une innovation, encore moins une hérésie ; ce que j’ai annoncé est parfaitement régulier, et je le ferai si, après un nouvel examen, il m’est démontré que l’institution des fonctionnaires dont il s’agit est réellement utile.

M. Pirmez. - Je ne peux laisser passer sans les combattre les prétentions de M. le ministre de l'intérieur. Il résulterait de la théorie qu'il vient d'émettre que le gouvernement aurait le droit de faire contourner tous les chiffres que vous votez au budget en création de places nouvelles, et remarquez qu’avec votre système sur les droits acquis ce serait une dépense que vous ne pourriez jamais faire disparaître. Le fonctionnaire a une espèce d’action sur le trésor public jusqu’à la fin de sa vie en vertu de notre loi des pensions. Si le ministre avait jamais un droit aussi exorbitant (ce qui est impossible), il faudrait se hâter de l'anéantir.

- L'article 3 est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. A. Frais de courses de chevaux du gouvernement et subsides à des chevaux de courses : fr. 29,200 ; B. Récompenses à allouer aux agents de !a force publique, qui se distinguent par leur zèle à constater les délits de chasse : fr. 3,000. Ensemble : fr. 32,200. »

MM. Desaive et Bricourt demandent la division de cet article et la suppression des 29,200 fr. destinés aux courses de chevaux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je vous avoue, messieurs, que je ne m'attendais pas à voir surgir une semblable proposition dans cette discussion. Il m’est impossible de l'admettre. Il faut, messieurs, chercher à faire des économies, je le reconnais ; mais encore faut-il y mettre de la réserve et de l'opportunité. Nous ne pouvons pas détruire en une année ce que nous avons construit à grands frais depuis plusieurs années. De cette façon le travail des chambres serait une espèce de toile de Pénélope. Je suis tout ce qu'on peut dire contre les dépenses occasionnées par les courses de chevaux ; mais il y a aussi beaucoup de bonnes choses à dire en faveur des encouragements qui sont donnés à cette branche de l'agriculture. Ce n'est pas parce que les classes riches s'occupent de courses de chevaux que la chambre doit se montrer hostile à cette institution.

Je crois qu'il faut être juste envers tout le monde, qu'il faut chercher à satisfaire tous les intérêts dans une certaine mesure, et je ne saurais, pour ma part adhérer au langage tenu par l'honorable membre en ce qui concerne les personnes qui s'occupent de courses de chevaux. C'est du luxe, dit-on ; mais, messieurs, il faut aussi tenir compte des besoins du luxe, dans une société civilisée. Je déplorerais le sort de la Belgique si l’on venait à y supprimer le luxe et tout ce qui, par la richesse, s'élève au-dessus du niveau ordinaire.

Je le répète, messieurs, je ne m'attendais pas à ce qu'une pareille proposition vînt à surgir.

Je considère les courses de chevaux comme entrées aujourd'hui dans les nécessités administratives du pays. Beaucoup d'intérêts d'ailleurs s'y rattachent ; beaucoup de villes mettent de l'importance à présenter cet attrait aux étrangers. Je n'examine pas si la part du gouvernement dans les dépenses est trop élevée, mais je dis que supprimer le crédit ce serait rompre des engagements. Le gouvernement est lié vis-à-vis de certaines sociétés ; ces sociétés, à leur tour, s'adressent également longtemps à l'avance aux étrangers pour les engager à prendre part aux courses

Je ne sais si l'allocation est trop élevée, mais je m'oppose de toutes mes forces à ce qu'on supprime sans examen un crédit qui jusqu'ici n'avait pas été sérieusement contesté. Je demande à l'honorable auteur de la proposition de vouloir bien l'ajourner jusqu'au budget prochain, nous aurons alors le temps d'examiner la question sous toutes ses faces.

M. Desaive. - Messieurs, comme l’honorable ministre de l’intérieur, j’accepte tout ce qu'il y a d utile à favoriser le luxe mais je pense aussi qu’il est nécessaire de venir en aide à la misère. C’est cette dernière considération qui nous avait guide dans notre proposition. Toutefois, comme M. le ministre promet de faire de la question des courses de chevaux l’objet de sérieuses considérations, et comme je ne veux pas enrayer le vote du budget, je déclare retirer l’amendement, pour le reproduire en temps opportun. Je persiste dans l’opinion qu’un cheval de course n’est pas un cheval utile, et la preuve, c’est que malgré les dépenses considérables qu’on a faites jusqu’ici, il est peut-être trois ou quatre chevaux de course qu’on peut citer avec éloge. Ce sont là, je le répète, des plaisirs de gens riches ; ces plaisirs, la nation ne doit pas les payer.

M. le président. - L’amendement est retiré.

- L’article 4 est mis aux voix et adopté.

Chapitre XVII. Industrie

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, une partie du crédit de deux cent quinze mille francs porté à l'article premier du chapitre XVII est destinée au perfectionnement de l'industrie linière. J'appellerai l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de faire constater, au moyen d'expériences décisives, quels sont les métiers dont le gouvernement doit propager l’emploi. Nous avons les métiers de Pareit, de de Poorter et des métiers anglais. Il est évident qu’il faut adopter, sans tenir compte d’un sentiment exagéré de nationalité, ceux qui seront reconnus les plus parfaits sous le rapport de la régularité et de la célérité du travail.

Le salaire de nos tisserands est, en général, insuffisant ; en leur don nant le moyen d'augmenter la somme de leur travail, on viendra à leur de d'une manière efficace et on les préparera à soutenir la concurrence (page 289) dont la mécanique les menace, eux aussi, dans l'avenir. Du progrès du tissage dépend en grande partie le sort de notre industrie linière. Dans la commune que j'habite et dans les environs, on tisse encore à la main une certaine quantité de toiles de colon ; on a modifié les anciens métiers en cherchant à imiter la mécanique, mais en conservant le bras de l'homme comme moteur. On parvient ainsi à faire 30 à 35 aunes par jour, au lieu de 15 à 20 aunes que l'on faisait auparavant et que font encore aujourd'hui les tisserands de toiles de lin qui suivent l'ancien système.

Il ne suffit pas d'enseigner les bonnes méthodes dans les ateliers de perfectionnement et de distribuer des métiers et des ustensiles ; il faut instruire et éclairer par tous les moyens possibles, si l'on veut obtenir des résultats d'un effet permanent. La création d'un bureau de renseignement, ou plutôt d'un musée de l'industrie linière, dans la capitale des Flandres, mettrait toutes les classes de fabricants et de négociants à même de voir, de connaître les machines et les genres de tissus qui ont donné la supériorité à nos rivaux et qui leur ont permis de nous supplanter après avoir été nos imitateurs.

La distribution gratuite de notices en langue flamande sur la culture du lin, sa préparation et sa mise en œuvre, sur la fabrication des tissus qui conviennent pour l'exportation, activerait aussi une réorganisation qui ne peut plus être différée. Les rapports de nos consuls et d'autres documents officiels restent souvent presque inconnus, parce qu'il est difficile d'aller les consulter au ministère ou aux greffes des chambres de commerce où ils sont déposés.

M. Sigart. - Messieurs, une enquête a été instituée par le gouvernement, sur le travail des enfants dans les manufactures et sur les industries insalubres ; les procès-verbaux de cette enquête ont été distribués aux membres de la chambre, et pour mon compte, j'ai lu ce travail avec un grand intérêt. Mais cela ne suffit pas ; et je suppose que M. le ministre de l'intérieur se propose d'en tirer quelques conclusions, qu'il élabore quelque projet de loi. On s'est beaucoup occupé dans cette séance même d'améliorations pour la race bovine, ovine et même porcine ; il n'est pas possible d'oublier la race humaine qui s'abâtardit dans l'exercice, non surveillé, de certaines industries.

M. Gilson. - Messieurs, à l'occasion du crédit de 500,000 fr. qui a été voté ces jours derniers, j'ai fait des réserves quant à l'emploi que doit recevoir la partie de cette somme destinée à l'industrie linière. Je ne puis me dispenser de prendre de nouveau la parole aujourd'hui. Quelques jours nous séparent à peine de l'exercice 1848 ; nous allons donc immédiatement employer la somme destinée avenir au secours des Flandres. Je renouvelle ici l'expression de toutes les sympathies que j'ai manifestée en faveur des Flandres ; mais je ne puis me dissimuler qu’il est de la plus haute importance de modifier le système qui a été suivi jusqu’ici, si nous voulons arriver au résultat que nous cherchons à obtenir.

Ce qu’il faut particulièrement, messieurs, c’est la transformation du tissage, en ce sens que l’ouvrier ne peut pas travailler isolément, je l’ai déjà dit : il faut qu’il travaille sous la direction d’un maître.

Or, où puis-je recueillir des renseignements sur ce qui s’est fait, sur ce qui se fera ? La section centrale n’a produit qu’un seul document : c’est le tableau de l’emploi de la somme qui a été distribuée en 1846 ; j’ignore ce qui a été fait pour 1847, j’ignore également les vues que l’on a pour 1848.

Eh bien, en présence du seul document dont nous soyons en possession, je dois faire mes réserves formelles ; car, si quelques-unes des sommes qu’on a allouées sur le budget de 1846 ont eu une destination noble, généreuse, je dois dire que la distribution des fonds en général a été faite dans de fausses voies, et non pas dans les voies d’avenir, dans les voies favorables à l’industrie linière que l’on veut ramener à son état primitif de prospérité.

- La discussion général sur le chapitre XVII est close.

M. le président. - Dans la discussion générale, M. Lebeau avait fait une proposition, tendant à faire un article spécial pour les inspecteurs des affaires d’industrie.

M. Lebeau. - Messieurs, pour ne pas allonger nos débats, je ne reproduirai pas cette proposition. Toutefois j'appellerai l'attention du gouvernement sur ce fait, que dans plusieurs de nos budgets, on trouve encore confondus en un seul article des dépenses de personnel et de matériel. Il est désirable que pour le budget prochain ces irrégularités ne se reproduisent plus. Quand la chambre vote un crédit pour un service, il est utile qu’elle connaisse la part affectée au personnel, et celle affectée au matériel.

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Encouragements à l'industrie :

« Dépenses ordinaires : fr. 65,000.

« Dépenses extraordinaires : fr. 150,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l'industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n°6, sur les fonds provenant des droits de brevets ; publication de brevets ; frais d'administration (personnel et matériel) : fr. 17,300. »

- Adopté.


« Art. 3. Musée de l'industrie nationale : fr. 40,000. »

- Adopté.

Chapitre XVIII. Instruction publique

Discussion générale

M. Cans. - Messieurs, lors de la discussion du budget de l'intérieur de l'année dernière, j'ai eu occasion d'appeler l'attention du gouvernement sur l'établissement d'une école française à Athènes, destinée à perfectionner l'étude de la langue grecque. M. le ministre de l'intérieur m'a fait l'honneur de me répondre qu'il avait été au-devant de mes désirs, qu'il s'était entendu avec le ministre de l'instruction publique de France et que rien ne s'opposerait à l'admission d'élèves belges dans l'établissement français. Comme je ne vois aucune augmentation de chiffre au chapitre qui concerne l'instruction publique, je ne sais si dans l'allocation du budget on trouverait les moyens de faire les frais de l'envoi d'élèves belges à l'institution française à Athènes. Je prie M. le ministre de vouloir bien s'expliquer sur ce point.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je crois que l'envoi de quelques jeunes gens en Grèce serait une chose fort intéressante, fort utile même au point de vue archéologique et littéraire. Mais j'ai deux observations à faire. L'entretien et les frais de route par chaque élève envoyé en Grèce s'élèvent par année à 6 ou 7 mille fr. C'est une somme considérable. Il serait impossible de songer à appliquer une pareille direction à plusieurs élèves ; ce serait faire des dépenses hors de proportion avec les autres affectations du budget. En supposant que nous puissions admettre le principe, il y aurait un autre obstacle, ce serait l'insuffisance actuelle du crédit.

Le crédit pour les lettres et les sciences est totalement épuisé pour 1847.

A mon entrée au pouvoir, j'ai été débarrassé du soin de chercher les applications de ce crédit. Il se trouve entièrement épuisé, pour 1847, il est très fortement engagé pour 1848, sans parler de 1849 ; de manière qu'il me serait très difficile de me déterminer dès maintenant à envoyer en Grèce plusieurs élèves au moyen de l'allocation qui figure au budget. Je pense que l'envoi d'un élève serait utile, mais aller au-delà, je ne le pourrais pas, les limites du budget s'y opposeraient. Je crois en outre que des raisons de saine économie s'y opposeraient également. J'ai entretenu mon honorable ami, M. Cans, de cet objet. Si je puis donner suite aux bonnes intentions exprimées par mon honorable prédécesseur, je le ferai, car il y a une sorte d'engagement moral envers le gouvernement français à qui on a demandé cette faveur et qui a accueilli la demande avec bienveillance. Ne pas y donner suite ce serait en quelque sorte manquer de procédés vis-à-vis d'un gouvernement étranger qui s'est prêté de bonne grâce à la démarche qu'on a faite auprès de lui.

M. de Theux. - L'honorable M. Cans avait demandé l'année dernière qu'on sollicitât l'admission de jeunes Belges dans l'établissement formé en Grèce, sous les auspices de la France, pour se perfectionner dans l’étude de la langue grecque. Je ne puis dire qu'une chose, c'est que cette affaire a été traitée à Paris avec le ministre des affaires étrangères, qu'elle n'était pas arrivée à maturité quand le budget a été présenté, car il a été confectionné au mois de février et présenté en mars.

En lui répondant, l'honorable ministre de l'intérieur a fait observer que le fonds des lettres et sciences était épuisé lors de son arrivée au pouvoir. Je ne pense pas que ce soit par forme de reproche qu'il ait fait cette observation, car je ferai remarquer que, dans cette partie, on fait droit aux demandes quand elles sont fondées, qu'on ne l'emploie pas mois pas mois ; les imputations sur les exercices suivants sont également conformes aux précédents ; souvent j'ai eu des engagements pris pour plusieurs années ; cela se conçoit, car il y a des souscriptions à des ouvrages qui doivent être faits en plusieurs années. Je ne crois pas avoir dévié des précédents posés par les administrations précédentes.

M. de Haerne. - L’étude des langues modernes au point de vue commercial est une question très importante qui peut avoir de très bons résultats, lorsque cette étude se fait sur une échelle large et nationale. Je crois entre autres la connaissance du grec moderne peut être très utile. Je ne conteste pas non plus l'avantage qu'il y aurait à envoyer des sujets à Athènes pour y apprendre cette langue, car la prononciation du grec moderne est assez difficile et diffère entièrement de celle qu'on est convenu de donner au grec ancien, que chaque peuple prononce à sa manière et plus ou moins d'après l'accent de sa propre langue. Mais il est d'autres langues aussi et même plus utiles que le grec moderne au point de vue commercial ; je ne parlerai ni de la langue anglaise ni de la langue allemande qui ont une importance toute spéciale pour notre pays, à raison de sa situation.

Mais il y a en Belgique assez d'établissements où on enseigne ces langues. et il est inutile que le gouvernement s'en occupe. Je n'en dirai pas autant d'une autre langue vivante et commerciale dont l'utilité ne sera pas contestée dans cette chambre, je veux parler de la langue espagnole. cette langue, de même que la portugaise, qui en est un dialecte, n'est pas seulement utile pour les relations avec l'Espagne et le Portugal, mais aussi pour celles que nous avons et que nous pourrons contracter encore avec l'Amérique. Je voudrais surtout que les langues commerciales s'enseignassent d'une manière toute pratique, c'est-à-dire, en initiant les élèves au commerce spécial du pays dont ils apprendraient la langue. Sous ce rapport vous voyez que la question offre un intérêt très sérieux.

Je crois, messieurs, que pour répandre la connaissance des langues modernes, du grec moderne, de l'espagnol et d'autres langues également utiles, le gouvernement ferait chose très avantageuse en donnant suite à son projet d'organisation d'une école commerciale, institution dont il a déjà été plusieurs fois question dans les feuilles, et même, je crois, dans cette chambre.

Je pense qu'alors on pourrait fonder dans cet établissement une chaire de grec moderne. Rien n'empêcherait de faire venir de la Grèce un professeur capable d'enseigner cette langue pour les principes aussi bien que pour la prononciation ; ou bien, si on le préfère, on pourrait envoyer des élèves intelligents à Athènes pour y étudier la langue au point de vue pratique. Ces jeunes gens, à leur retour, seraient chargés de l'enseignement. Une école commerciale organisée comme je viens de l'indiquer sommairement, et fondée sur un grand pied, servirait à former une pépinière de jeunes gens, qui, à l'instar de ceux d'Allemagne ^t d'autres pays, iraient fonder dans les divers pays, et surtout dans les pays transatlantiques, des établissements de commerce étroitement liés à la mère patrie.

- La discussion sur le chapitre est close.

Enseignement supérieur
Articles 1 à 3

« Art. 1er. - A. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l'État : fr. 505,000.

« B. Bourses : fr. 36,000. »

« C. Matériel des deux universités : fr. 90,800. »

- Adopté.


« Art. 2. Frais des jurys d'examen pour les grades académiques : fr. 92,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Dépenses du concours universitaire : fr. 15,000. »

- Adopté.

Enseignement moyen
Article 4

« Art. 4. Frais d'inspection des athénées et des collèges. Partie des dépenses du concours : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. A. Subsides annuels aux établissements d'enseignement moyen et partie des frais du concours, etc. : fr. 169,500.

« B. Subsides annuels aux établissements d'enseignement industriel (écoles de Gand, Verviers, etc.), autres que les écoles des arts et métiers et les ateliers d'apprentissage : fr. 30,500.

« Ensemble : fr. 200,000. »

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé de majorer ce chiffre de 10,000 fr. La section centrale adopte cette augmentation.

M. Nothomb. - Messieurs, je me permettrai de demander à M. le ministre de l'intérieur si les 10,000 francs réclamés comme subvention pour l'athénée de Gand sont accordés à cet établissement sans condition. Je vais m'expliquer plus clairement.

L'honorable M. Rogier, aujourd'hui ministre de l'intérieur, a fait en 1841 une circulaire qui porte la date du 31 mars, d'après laquelle les établissements d'enseignement moyen qui reçoivent des subsides de l'Etat doivent se soumettre à trois conditions ; la première, c'est de participer au concours ; la seconde, de soumettre au gouvernement le budget de l'établissement, et en troisième lieu de se soumettre à l'inspection.

J'ai un motif tout particulier pour faire cette question à mon honorable successeur, quoique ce ne soit pas mon successeur immédiat. J'ai refusé à la ville de Gand la subvention de 10,000 francs, parce que le conseil communal est le seul dans le pays qui n'ait pas adhéré à la circulaire du 31 mars 1841. Si aujourd'hui le conseil communal de Gand adhère à cette circulaire, je trouve très juste qu'on lui restitue en quelque sorte l'ancienne subvention.

Mais de mon côté il m'importait de constater que si à partir de 1841 l'athénée de Gand n'a pas reçu son subside, ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre. C'est l'unique but de ma question,

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Nothomb ne peut pas mettre en doute que le subside ne sera accordé à la ville de Gand que comme il l'a été à toutes les autres communes, c'est-à-dire sous la réserve que l'administration de Gand se soumettra à ma circulaire de 1841. Cela ne peut pas faire de doute.

J'ignore par quelles circonstances le conseil communal de la ville de Gand n'a pas fait sous l'administration de l'honorable M. Nothomb ce qu'elle a fait sous une administration postérieure, mais la vérité est qu'elle accepte aujourd'hui les conditions auxquelles le gouvernement a subordonné l'allocation du subside.

M. Nothomb. - Les motifs pour lesquels le conseil communal de Gand n'avait, pas cru devoir adhérer à la circulaire du 31 mars, ce sont des scrupules de légalité. Il a pensé qu'en y adhérant il aliénerait, contrairement aux dispositions de la loi communale, quelques-uns de ses droits, notamment en ce qui concerne le budget. Il a dit : Le budget de l'athénée fait partie du budget de la ville. Or, la loi communale n'autorise pas le gouvernement à s'occuper du budget de la ville de Gand.

C'est là, autant que ma mémoire me le rappelle, le motif principal du refus du conseil communal de Gand. J'apprends avec plaisir que ses scrupules de légalité ont cessé.

- Le chiffre de 210,000 francs est adopté.

Article 6

« Art. 6. Indemnités aux professeurs démissionnés des athénées et des collèges : fr. 5,000. »

- Adopté.

Enseignement primaire

M. Nothomb. - Messieurs, je ne demande pas mieux que de voir voter le budget de l'intérieur. Vous concevez cependant qu'il m'est extrêmement difficile de garder le silence, en présence des allocations relatives à l'instruction primaire.

Il y a un an, le rapport de l'honorable M. de Theux, sur l'exécution qu'a reçue la loi organique de l'instruction primaire était déposé, mais non imprimé. J'ai été ajourné à cette époque par l'honorable M. Rogier à la discussion des crédits supplémentaires. Les crédits supplémentaires ont été votés sans qu'aucune discussion fût possible. Le rapport est imprimé ; je me trouve donc en quelque sorte ajourné à la discussion actuelle. Je fais part ici à mon successeur lui-même et à la chambre de mon embarras. Je désire soumettre à la chambre quelques observations.

Plusieurs membres. - A vendredi.

D’autres membres. - Parlez !

M. le président. - Je consulterai la chambre sur la question de savoir si elle veut continuer la séance.

- La chambre décide que la séance sera remise.

M. le président. - D'après ce que j'ai cru apercevoir au commencement de la séance, la chambre n'est pas disposée à se réunir demain. (Non ! non ! vendredi !)

M. Osy. - Je suis chargé par l'honorable M. Delfosse, président de la section centrale du budget des travaux publics, de vous prier de ne pas ouvrir la séance de vendredi avant une heure. Nous sommes tellement arriérés dans l'examen de ce budget que si nous ne pouvons pas nous réunir de 11 heures à 1 heure, il nous sera impossible de faire le rapport avant la fin de l'année.

Plusieurs membres. - A ce soit !

M. de Theux. - Plusieurs membres ont déjà quitté la salle, et décider qu'il y aura séance ce soir, ce ne serait peut-être pas convenable.

Je propose à la chambre de se réunir vendredi à l'heure du règlement. Alors bien certainement le budget de l'intérieur pourra être voté dans cette séance.

- La chambre consultée décide qu'elle se réunira vendredi à midi.

La séance est levée à 4 heures 3/4.