(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 527) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure un quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Verspeelt, ancien militaire et douanier, demande le remboursement de ses versements à la caisse de retraite, ou bien une pension équivalente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Threm, serrurier à Attert, réclame l’intervention de la chambre pour qu’il soit donné suite aux plaintes qu’il a adressées à M. le ministre de la justice. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vantenoeil, marchand de grains et brasseur, à Mons, demande une indemnité pour les pertes qu’il a essuyées, en octobre 1830, par suite de la vente d’une certaine quantité de grains en-dessus du prix des mercuriales. »
- Sur la proposition de M. Lange, cette requête est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Les sieurs Demat et compagnie présentent des observations en faveur de la mise en adjudication publique immédiate du Moniteur, du Bulletin des lois et des actes des chambres législatives. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la sanction et la promulgation des lois.
« Le sieur Taylor transmet à la chambre un affidavit constatant que la compagnie qu’il a formée a réuni les souscriptions nécessaires pour l’exécution du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, dont il a demandé la concession, sans subvention et sans garantie d’un minimum d’intérêt. »
M. Rodenbach – Messieurs, le 24 décembre dernier, M. Taylor a demandé à M. le ministre des travaux publics la concession du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse ; il a demandé cette concession sans garantie d’un minimum d’intérêt et sans subside. Il a soumis tous les plans au ministère. Il s’est empressé de réunir des actionnaires à Londres, et dans le courant de cette semaine il a trouvé le capital nécessaire. Il avait créé 21 mille actions, formant un capital de 10,500,000 fr., somme que le chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse doit coûter. Ces 21 mille actions sont placées, la société est constituée, et un agent de cette société s’est présenté devant le lord-maire, où il a suivi la formalité qui est en usage en Angleterre, c’est-à-dire qu’il a juré devant le lord-maire que les 10,500,000 fr. étaient trouvés. La signature du lord-maire se trouve dans les documents annexés à la pétition, et cette signature est légalisée par le consul belge.
Messieurs, nous sommes occupés dans les sections de ce projet de chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse ; cet objet est de la plus haute importance, je demanderai donc que la pétition dont on vient de présenter l’analyse, soit insérée au Moniteur, afin que tous les membres de la chambre puissent en prendre connaissance.
M. Pirmez – Il me paraît que cette pièce est assez importante pour être imprimée séparément. Je crois que M. Taylor désire que sa demande en concession soit communiquée aux membres de la chambre ; cette pièce devrait donc être également imprimée.
Plusieurs membres – Au Moniteur
M. Rodenbach – L’impression au Moniteur suffit.
M. le président – La demande d’impression s’applique-t-elle aussi à la liste de souscription ? (Oui, oui.) Ne conviendrait-il pas de demander à l’auteur de la pétition si cette publicité ne peut présenter aucun inconvénient.
M. Rodenbach – Je me suis assuré, avant la séance, que la publication de la liste de souscription ne présenterait aucun inconvénient, mais on vient de me faire observer que les signatures sont illisibles. On pourrait peut-être se dispenser d’imprimer les signatures, mais il importe de donner à ces pièces la plus grande publicité possible, car il s’agit d’une société qui a réalisé un capital de 10 millions et ½ et qui offre de faire le chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse sans garantie d’un minimum d’intérêt, de 3 p.c., principe qui me paraît bien dangereux.
- La chambre décide que la pétition et les pièces qui y sont jointes seront imprimées au Moniteur sans les signatures. Elle décide également que la pétition sera renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux publics.
« Par dépêche en date du 16 janvier M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 97 exemplaires de l’Annuaire de l’Observatoire de Bruxelles pour 1845. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, vous vous rappelez tous peut-être la peinture très-vive qui a été faite, l’année dernière, des vices de notre Code pénal militaire. Il résulte des dispositions de ce Code qu’une multitude de soldats sont jetés dans les prisons où ils perdent leur honneur, leur moralité, et où ils coûtent très-cher à l’Etat.
Par suite des réclamations de la chambre, le gouvernement a présenté un projet de loi, il y a environ un an ; ce projet a été examiné en sections, le rapporteur a été nommé ; et quelques semaines avant la fin de la session dernière, il s’est chargé de régulariser certains points. Depuis cette époque, nous n’avons plus entendu parler de ce travail. Je désirerais que M. le président voulût bien hâter la présentation de ce travail qui intéresse vivement nos finances, car si ce projet de loi était adopté, il y aurait une véritable économie pour l’Etat.
M. le président – La section centrale a terminé son travail ; seulement le rapporteur s’est chargé de coordonner les dispositions du projet avec le Code pénal militaire, afin qu’il n’y eût pas d’anomalies. J’adresserai à cet honorable membre la prière de vouloir bien hâter la fin de son travail.
M. de Naeyer – Messieurs, votre commission des pétitions m’a chargé de vous présenter un rapport sur une pétition datée d’Anvers, le 17 décembre 1844, par laquelle les ouvriers de cette ville employés dans les raffineries de sucre, demandent la révision de la loi du 4 avril 1843. Cette pétition qui est revêtue de plus de 1,400 noms, est conçue à peu près dans le même sens que celle des ouvriers de Gand, sur laquelle un rapport vous a été fait hier, par l’organe de l’honorable M. Manilius. Votre commission a l’honneur de vous proposer de la renvoyer également à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence la pétition est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur et à M. le ministre des finances.
M. le président – La discussion continue sur l’art. 2.
Un amendement a été présenté à cet article par M. Dubus (aîné).
Cet amendement, qui a été développé et appuyé dans la séance d’hier, est ainsi conçu :
« Les lois, immédiatement après leur promulgation, seront insérées au Bulletin officiel, avec une traduction flamande pour les communes où l’on parle cette langue, le texte français demeurant néanmoins seul officiel.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je viens m’opposer à l’amendement qui a été présenté hier par l’honorable M. Dubus (aîné). Je dois dire, en commençant, que cet amendement est en opposition avec le vote que vous avez émis hier. Il serait même impossible d’exécuter le système consacré par l’amendement, en présence de la disposition qui a été adoptée hier.
L’art. 1er, qui est définitivement adopté, porte que la loi devra être publiée par la voie du Moniteur ; c’est reconnaître que le Moniteur devient la voie de publication légale. Dès lors vous ne pouvez admettre que c’est de l’insertion au Bulletin officiel que devra courir le délai, car vous ne pouvez considérer cette insertion comme une publication, puisque la publication légale est attribuée au Moniteur.
Abstraction faite de cette considération préliminaire, j’ai divers motifs à faire valoir, pour établir que cet amendement ne doit pas être admis.
L’honorable M. Dubus et les autres membres qui ont pris hier la parole, ont reconnu que la loi de 1831 était vicieuse ; ils ont reconnu qu’il fallait faire courir le délai après lequel la loi devient obligatoire, non du jour de la promulgation, qui n’est connu de personne, mais du jour de la publication.
Cette reconnaissance du vice de la loi de 1831 justifie pleinement, je puis le dire, le principe de la loi qui vous est soumise et les motifs qui nous ont déterminé à choisir une autre époque que celle fixée par la loi de 1831.
Ainsi, nous sommes d’accord avec les honorables membres qui ont pris hier la parole, comme nous l’étions déjà avec la section centrale, que c’est à dater de la publication que doit courir le délai après lequel la loi devient obligatoire.
Mais quel sera le mode de publication ? Voilà la question qui doit être décidée.
Quels moyens faut-il employer pour que cette publication soit prompte, réelle, régulière ? L’art. 2 tranche cette question, il décide que l’insertion au Moniteur fait courir le délai ; l’honorable M. Dubus adopte une solution différente, il veut que le délai courre de l’insertion au Bulletin officiel.
Je vous ai fait voir hier que la régularité de la publication n’était possible que quand la publication sera faite par la voie d’un journal quotidien. Il n’a pas été répondu aux raisons que j’ai développées pour établir que cette régularité ne serait pas aussi bien assurée par l’insertion au Bulletin officiel, qui ne paraît pas à époque fixe, mais seulement quand il y a des lois ou arrêtés à y insérer. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit relativement (page 528) à cette régularité, parce qu’il est incontestable que les arguments que j’ai présentés n’ont pas été rencontrés.
Outre la régularité, il faut que la publication soit réelle, c’est-à-dire qu’elle ait un véritable caractère de publicité. Or, ce caractère se rencontre plus dans le Moniteur que dans le Bulletin officiel, qui se trouve plus rarement, il faut le dire, entre les mains des citoyens.
Reste la troisième exigence, qui est celle d’une prompte publication.
Je pensais qu’en adoptant le système de l’honorable M. Dubus, on n’obtiendrait pas cette promptitude de publication.
Le Bulletin officiel doit se tirer à 3,500 exemplaires, car il doit être envoyé aux 2,500 communes et à environ 1,000 fonctionnaires.
D’après le système que j’ai présenté, la composition du Moniteur devrait servir pour l’impression du Journal officiel, de manière qu’immédiatement après que le Moniteur aura été tiré, on se servira pour le recueil de la composition qui aura servi pour le Moniteur ; on le mettra en pages dans un autre format et elle servira à l’impression des 3,500 exemplaires du Bulletin officiel.
Ce travail occasionnera des lenteurs augmentées par la nécessité des traductions, et il en résultera l’impossibilité de pouvoir imprimer et surtout expédier en même temps que le Moniteur les 3,500 exemplaires du Recueil des lois. Si donc l’on attache le caractère de publication à l’insertion dans ce dernier recueil, il y aura souvent des retards assez considérables et il pourra arriver qu’une loi, qu’il serait urgent de publier et d’exécuter de suite, ne deviendra obligatoire que quelques jours après que l’ordre de publication aura été donné, quoiqu’elle ait été antérieurement insérée au Moniteur et ait acquis ainsi une véritable publicité.
L’inconvénient que je signale dans l’amendement de M. Dubus n’existe pas maintenant, parce que, sous la loi de 1831, la loi devient obligatoire à dater de la promulgation, sans attendre l’insertion au Bulletin officiel ; l’amendement de M. Dubus, tout en remédiant à un vice existant, ferait donc naître un autre inconvénient grave qui sera évité dans le système que je soutiens.
Il y aurait peut-être moyen d’obtenir peu à peu la même promptitude dans l’envoi de ces 3,500 exemplaires ; mais alors il faudrait une administration spéciale ; il faudrait que pendant que l’on compose le Moniteur, il y eût une imprimerie où l’on composerait le Bulletin des lois ; mais alors il y aurait augmentation de dépense des plus notables, augmentation que le projet du gouvernement a pour but d’éviter.
Je crois donc que l’amendement de l’honorable M. Dubus ne doit pas être admis ; il renverserait en grande partie les avantages de la loi qui vous est présentée.
Après avoir dit quelques mots sur l’amendement de l’honorable membre, je vais établir la véritable portée de l’art. 2 du projet de loi qui vous est soumis.
« Les lois (porte l’art. 2), aussitôt après leur promulgation, seront insérées au Moniteur, qui remplacera, pour la publication, le Bulletin officiel. »
Ainsi le Moniteur deviendrait, d’après l’art. 2, le véritable organe de la publication. Ce n’est pas à dire que ce soit le seul journal authentique, officiel ; mais il est l’organe légal à l’aide duquel se fera la publication de la loi. En d’autres termes, l’insertion au Moniteur n’est pas substituée à l’insertion au Bulletin officiel qui avait lieu et continuera d’avoir lieu, mais l’époque de l’insertion au Moniteur est substituée à l’époque de la promulgation.
Voilà la seule différence réelle entre la disposition que nous proposons et celle qui existe maintenant.
C’est la substitution d’une date connue à une date inconnue, d’un fait patent à un fait clandestin.
Remarquez les termes de l’art. 2 : « remplacera pour la publication. » Ainsi le Moniteur servira à publier les lois, c’est-à-dire à faire courir le délai, en annonçant que le projet de loi est devenu loi par la sanction.
L’insertion au Bulletin officiel ne sert pas maintenant à faire courir le délai. Le délai court à dater de la promulgation ; nous demandons que l’insertion au Moniteur remplace la promulgation, comme point de départ du délai. L’avantage de ce système nous paraît évident.
Mais jadis, outre l’insertion au Bulletin officiel, il y a eu souvent un mode spécial de publication. C’est ainsi qu’aux termes du décret du 2 novembre 1790 les lois devaient être affichées, qu’aux termes de la loi du 17 juin 1791 les lois devaient être publiées à son de trompe, et que, d’après d’autres dispositions encore, les lois qui devaient être envoyées aux administrations locales, étaient publiées par ces administrations, qui les faisaient afficher.
Nous ne demandons pas autre chose.
Au lieu de l’affiche, mode qui n’est guère admissible, et qui avait été tenté et abandonné par le gouvernement provisoire (arrêté du 5 novembre 1830), nous demandons l’insertion au Moniteur. Cette insertion fait connaître d’une manière publique, authentique, que la loi a été sanctionnée par le Roi. Elle fait connaître au corps social l’existence de la loi et l’époque à dater de laquelle court le délai légal. Voilà le véritable but de l’insertion au Moniteur.
Ce que nous demandons n’est donc pas nouveau ; c’est simplement de rétablir un mode de publication distinct et de réunir après la publication dans un recueil les lois qui auront été publiées. C’est ce qui a existé au commencement du gouvernement provisoire. Nous ne demandons pas autre chose sous une autre forme.
L’honorable M. Dubus, en combattant l’art. 2, nous disait qu’il ne faut pas se borner à envoyer aux administrations locales une réimpression.
Mais le Bulletin qui leur sera envoyé sera un recueil officiel, et à la suite de la loi seront indiqués la date et le numéro du Moniteur où la loi aura été insérée, date à partir de laquelle courra le délai après lequel la loi sera obligatoire.
Ce recueil sera tout aussi authentique qu’il l’est à présent, et même davantage ; car il sera imprimé par les soins du gouvernement, au lieu de l’être dans une imprimerie particulière. De plus, il sera revêtu du sceau de l’Etat ; ce qui n’a pas lieu maintenant. Ainsi il aura un caractère d’authenticité plus grand que le Bulletin actuel des lois.
Je ne conçois pas comment le caractère d’authenticité serait enlevé à la loi parce qu’elle aurait été insérée préalablement au Moniteur, et que cette insertion aura fait courir le délai.
La loi est maintenant obligatoire après un délai qui court à dater de la promulgation. En conclut-il que le Bulletin officiel n’a pas un caractère officiel ?
D’après toutes les lois que je vous ai citées, le Bulletin des lois avait un caractère officiel, néanmoins, comme je le disais, la loi avait été imprimé et affichée préalablement. Cette mesure préalable n’empêchait pas que le Bulletin n’eût un caractère officiel.
Il y aura évidemment une plus grande publicité donnée à la loi par l’insertion au Moniteur que par l’insertion au Bulletin officiel. On me dit que le Bulletin officiel est envoyé à toutes les administrations communales. Mais ce ne sont pas seulement ces administrations qui doivent connaître la loi. La fiction légale de la connaissance de la loi doit s’étendre à tous les citoyens. Cette fiction acquiert un plus grand degré de vraisemblance par l’insertion dans un journal comme le Moniteur, qui se trouve dans les établissements publics accessibles à un grand nombre de citoyens, tandis que le Bulletin officiel ne s’y trouve pas.
Enfin (c’est la dernière considération que je présenterai à la chambre), si l’on n’admet pas que le Moniteur devient l’organe légal de publication, le Bulletin officiel devra continuer à tout publier, même les lois et les arrêtés d’intérêt purement local ou individuel, par exemple, les lois de naturalisation ; en un mot, le Bulletin officiel ne sera pas borné à la première partie actuelle, mais il devra contenir les deux parties, et ces insertions n’empêcheront pas l’insertion au Moniteur. Il y aurait donc un double emploi, et un abus véritable.
Par ces considérations, je pense que la chambre doit repousser l’amendement auquel l’art. 2 est à tous égards préférable.
M. Verhaegen – Messieurs, il suffit de rapprocher ce que vous a dit hier M. le ministre de la justice, de ce qu’il vient de vous dire, il n’y a qu’un instant, pour vous démontrer que son système est inadmissible et qu’il faut donner la préférence à l’amendement de l’honorable M. Dubus.
Hier, M. le ministre de la justice vous disait qu’on ne peut pas s’en rapporter à la voie du Bulletin officiel, parce que l’envoi de ce Bulletin est, de sa nature, sujet à des retards, tandis que le Moniteur paraissant tous les jours, est une voie sûre pour informer les citoyens de la promulgation et de la publication.
Aujourd’hui M. le ministre de la justice vous dit que la publication doit être réelle, ce qui veut dire que tous les citoyens doivent être mis dans une position telle qu’ils soient censés avoir connaissance de la loi ; or, pour être censé avoir connaissance de la loi, il faut au moins être mis à même de la lire, il faut que tous les citoyens, dans toutes les parties du royaume, flamandes ou wallonnes, aient pu la lire avant qu’il n’y ait pour eux obligation de s’y conformer.
Je voudrais savoir comment M. le ministre de la justice, lui qui craint que le Bulletin officiel ne parvienne pas à temps aux lieux de sa destination, lui qui substitue au Bulletin le Moniteur ; je voudrais savoir comment il expliquera le changement qu’il nous propose, alors que l’organe, qui d’après lui est officiel, et au moyen duquel les citoyens sont censés avoir connaissance de la loi, est rédigé en langue française seulement, tandis que le Bulletin qui n’est plus officiel et qui n’est qu’un hors-d’œuvre sera traduit en flamand. Il me semble que c’est l’inverse qu’il aurait fallu adopter ; en effet, si l’on adopte le Moniteur comme seul organe officiel destiné à faire connaître la loi à tous les citoyens dans toutes les provinces, partant dans celles où on ne parle que le flamand, c’est le Moniteur et non le Bulletin qui devrait être traduit.
Quelle est la conséquence de ces observations ? C’est que nécessairement le Bulletin actuel doit rester le Bulletin officiel proprement dit, le bulletin qui doit faire connaître la loi à tous les citoyens dans toutes les parties du royaume.
La publication doit être réelle, a dit M. le ministre de la justice. Si elle doit être réelle, M. le ministre va convenir avec moi qu’il faut quelque chose de plus que ce qu’il propose.
Pour toutes les parties constitutives de la loi, il faut des actes solennels, patents, soit de la part des chambres, soit de la part du pouvoir exécutif.
Ainsi, à commencer par la présentation d’un projet de loi, il faut un arrêté qui autorise le ministre à faire cette présentation (si c’est un membre de la chambre qui use de son droit d’initiative, il y a encore des formalités à remplir). Le ministre se présente à la tribune, donne lecture de l’arrêté qui l’autorise à présenter le projet de loi. Il est fait mention de cette présentation au procès-verbal de la séance ; le projet est transcrit dans un registre et déposé en original dans nos archives. Voilà déjà un premier caractère d’authenticité.
Le projet est discuté après qu’il a subi l’épreuve des sections et d’une section centrale. Il est ensuite transformé en loi par le vote de la chambre : il y a encore là un acte patent, solennel ; la loi adoptée est transcrite dans le procès-verbal de la séance, et elle est déposée, en outre, dans nos cahiers.
(page 529) Toutes les mesures sont prises, toutes les garanties sont assurées pour que l’identité ne puisse pas être révoquée en doute.
Les mêmes précautions sont prises au sénat.
Arrive alors la promulgation, qui est un acte du pouvoir exécutif. Cet acte n’est pas abandonné non plus au hasard, à l’arbitraire ; car il en reste des traces authentiques, et des mesures rigoureuses sont prises à cet égard.
Ensuite, dans la formule de promulgation, le Roi dit que la loi sera revêtue du sceau de l’Etat, et le sceau de l’Etat est en effet apposé. L’original est encore une fois déposé dans les archives, et aucun doute ne peut s’élever désormais sur l’identité et sur l’observation des formalités.
Vient ensuite la publication ; mais pour la publication, qui est également une partie essentielle, il n’y a plus d’acte patent, plus de précautions, tout est abandonné au vague, à l’arbitraire. Une mesure si importante devient l’affaire d’un journaliste. La publication consiste uniquement dans l’insertion de la loi au Moniteur. Quelle garantie avons-nous que tous les citoyens dans tous les coins du royaume, auront connaissance de cette publication ? Qu’est-ce qui constatera, en définitive, que le Moniteur a été distribué ? Qu’arriverait-il si un ministre félon, ayant intérêt, dans des circonstances extraordinaires, à cacher la publication d’une loi ou d’un arrêté, faisait retarder de plusieurs jours l’envoi du Moniteur renfermant cette loi ou cet arrêté ? (Exclamations !) Je ne dis pas que cela arrivera, mais je veux démontrer, par ces suppositions, qu’il faut, pour la publication, un acte tout aussi solennel et patent que ceux qui se rattachent à la confection de la loi et à sa promulgation.
D’un autre côté, le texte du Moniteur sera le texte officiel, et cependant on veut l’abandonner à la correction d’un prote de journal !
Messieurs, c’est une chose très-grave que le texte officiel d’une loi : N’avons-nous pas vu de progrès importants surgir seulement à propos d’une virgule ou d’un point et virgule ? Si le ministre lui-même ne peut pas se charger de la correction d’un texte de loi, il faut au moins qu’il y ait une personne spécialement chargée par lui de cette besogne et qui réponde de la correction ; or, tout cela ne peut pas se faire dans un journal proprement dit.
Et puis, ne le perdez pas de vue, le texte français est seul officiel, et le Moniteur n’est pas même traduit en flamand ; les Flamands ne pourront donc pas connaître la loi dans le délai voulu. Dans le système de M. le ministre de la justice, le Bulletin officiel n’est plus rien, le Moniteur est tout ; donc, dans ce système, c’est le Moniteur, et non pas le Bulletin officiel qui doit être traduit.
Par la même raison, ce serait l’abonnement au Moniteur, qui devrait être forcé pour les communes, et non l’abonnement au Journal officiel. Réellement je ne comprends pas le raisonnement de M. le ministre de la justice. D’après son projet, c’est le Bulletin dont l’abonnement est forcé pour toutes les administrations communales ; c’est le Bulletin qui seul est traduit en langue flamande, et cependant il n’est pas destiné à porter la loi qu’il renferme à la connaissance des citoyens. C’est le Moniteur qui est destiné à remplir ce but, car il remplace, à cet égard, le Bulletin officiel. On devrait dès lors rétablir dans le projet, l’obligation pour les communes de s’abonner au Moniteur et en outre le Moniteur devrait être traduit ; car c’est le Moniteur qui est destiné à opérer, par ses insertions, la publication officielle des lois.
De deux choses l’une : ou c’est le Moniteur qui donne aux citoyens la connaissance officielle des lois, ou bien c’est le Bulletin officiel. Si c’est le Moniteur, on doit obliger toutes les communes à s’y abonner et on doit en faire une traduction flamande ; si, au contraire, c’est le Bulletin officiel, alors il faut adopter l’amendement de l’honorable M. Dubus.
On veut donner un caractère officiel au Moniteur et on ne veut pas qu’il puisse remplir le but auquel on le destine.
Quant à moi, messieurs, je dois le dire, j’aurais même désiré quelque chose de plus.
D’abord je crois que la question peut encore être débattue aujourd’hui, nonobstant le vote d’hier. Je ne sais pas si M. le ministre tient sérieusement à cette espèce de fin de non-recevoir qu’il a opposée, car quand on a adopté à la majorité d’une voix (celle de M. Dechamps), l’art. 1er, on n’a pas fait attention à ce mot Moniteur, qui s’y trouvait, on peut le dire, d’une manière très-inoffensive ; c’est réellement à l’occasion de l’art. 2 que surgit la question soulevée par l’amendement de M. Dubus, et si on portait le rigorisme jusqu’à prétendre que la question a déjà été résolue par l’adoption de l’article 1er, alors aussi, à la rigueur, on pourrait encore, et ce nonobstant, adopter, sur l’article 2, l’amendement de M. Dubus. Seulement il y aurait alors deux articles contradictoires et on ferait disparaître cette contradiction au second vote.
Nous ne sommes donc pas tellement liés par le vote d’hier, que nous ne puissions pas décider que ce sera le Bulletin qui publiera officiellement les lois et non le Moniteur.
Je disais, messieurs, que j’aurais voulu quelque chose de plus pour la publication des lois. C’est en effet une chose excessivement importante que la publication des lois ; aussi a-t-elle fait l’objet de sérieuses méditations dans tous les temps ; toujours on s’en est occupé avec le plus grand soin et diverses mesures ont successivement été adoptées.
M. le ministre de la justice vous parlait tantôt des lois de 1790 et 1793. il aurait bien fait de vous en citer d’autres encore et de vous donner la nomenclature exacte des diverses législations sur le système de publication. Vous auriez pu apprécier alors les efforts qu’ont faits les législateurs anciens et modernes pour arriver à un résultat donnant toutes garanties aux citoyens obligés de se conformer aux lois. Je vais donc tâcher de remplir la lacune qu’a laissée M. le ministre.
Avant la révolution de 1789, les idées sur la promulgation, la sanction et la publication des lois étaient fort confuses en France ; on était loin de s’entendre sur la publication nécessaire pour rendre les lois obligatoires.
Dans certains ressorts, disait M. Portalis dans son exposé des motifs du titre Ier du Code civil, dans certains ressorts la loi était censée promulguée, et elle devenait exécutoire pour tous les habitants du jour où elle avait été enregistrée par le parlement.
Dans d’autres ressorts on ne regardait l’enregistrement que comme le complément de la loi considérée en elle-même, et non comme sa promulgation ou sa publication ; on jugeait que sa formation était consommée par l’enregistrement, mais qu’elle n’était promulguée que par l’envoi aux sénéchaussées ou baillages, et qu’elle n’était exécutoire dans chaque territoire que du jour de la publication faite à l’audience par la sénéchaussée ou par le baillage.
Dans nos anciennes provinces belges, vivant en général sous le régime coutumier, il était reçu que les édits des princes ou placards n’obligeaient les sujets de chaque province que pour autant qu’ils eussent été publiés, et cette publication devait être constatée sur un registre à ce destiné. Aussi, dans le préambule ou la finale des édits, les princes avaient-ils l’habitude d’enjoindre aux conseils des provinces de procéder immédiatement à la publication.
La publication se faisait, après examen, par l’huissier principal du conseil, elle devait avoir lieu pour chaque province séparément dans chaque métropole ; ainsi pour le Brabant elle se faisait à Louvain, à Bruxelles, à Anvers, à Bois-le-Duc ; pour les Flandres, à Gand, Bruges, Ypres, et la publication était considérée comme tellement importante que parfois les princes prescrivaient même que la republication eût lieu à des époques périodiques. Zypoeus cite l’exemple d’un édit sur les monnaies dont la publication devait être renouvelée trimestriellement.
Lorsque commença la révolution française, à la fin du siècle dernier, l’un des premiers soins de l’Assemblée constituante fut de pourvoir à tout ce qui concernait la forme et la force tant exécutoire qu’obligatoire à la loi.
Par un décret du 9 novembre 1789, l’Assemblée constituante pose la distinction entre la promulgation et la publication. La promulgation fut l’acte par lequel le chef de l’Etat devait attester au corps social l’existence de la loi ; la publication fut considérée comme le mode employé pour faire parvenir la loi à la connaissance des citoyens.
Ce décret réglait la formule de la promulgation, il ordonnait ensuite que la transcription de loi sur les registres, sa lecture, sa publication, son affixion seront faites dans un délai fixé.
Toutefois, il semble que ce décret ne reçut point d’exécution, et son inexécution donna lieu à la loi du 25 novembre 1790, qui ordonna l’envoi de la loi au corps administratif de chaque département et de chaque district. C’était cet envoi constaté par la mention sur un registre à ce spécialement destiné qui valait publication.
Par décret du 4 décembre 1793, la Convention ordonna l’impression d’un bulletin numéroté de toutes les lois concernant l’intérêt public ou d’une exécution générale. Ce bulletin devait servir à la notification des lois aux autorités constitués et fut l’origine du Bulletin officiel des lois.
Ce même décret statua que la loi ne serait obligatoire dans chaque commune que du jour où le numéro du bulletin qui la renfermerait y aurait été publié à son de trompe ou de tambour.
Le décret du 4 octobre 1795 abrogea le décret du 4 décembre 1793. Il supprima la publication des lois à son de trompe et de tambour et maintint l’établissement du bulletin tout en ordonnant qu’il contînt, outre les lois et actes du corps législatif, les arrêtés du pouvoir exécutif.
D’après ce décret, les lois et arrêtés étaient obligatoires dans l’étendue de chaque département, du jour auquel le bulletin était distribué au chef-lieu du département, et cette distribution était toujours constatée par une mention sur un registre à ce spécialement destiné.
Ce dernier mode a été suivi jusqu’à la promulgation du Code civil.
On sait que, d’après l’art. 1er du Code civil, les lois étaient obligatoires dans chaque partie de l’empire français, du moment où la promulgation était réputée connue, savoir dans chaque département de la résidence impériale un jour après celui de la promulgation, et dans chacun des autres départements après l’expiration du même délai augmenté d’un jour par dix myriamètres.
Lorsque la domination française eut fait place à une autre domination, en 1814, un arrêté des commissaires généraux des hautes puissances alliées (MM. de Lottum et Delius) substitua au Bulletin des lois, le Journal officiel du gouvernement de Belgique, substitution qui fut confirmée par arrêté du gouvernement général civil de la Belgique, duc de Beaufort, en date du 8 mars 1814.
D’après l’art. 2 de cet arrêté, les décrets, arrêtes et ordonnances quelconques, n’étaient obligatoires dans l’étendue de chaque arrondissement que trois jours après que le Journal officiel qui les contint sera substitué au chef-lieu d’arrondissement, et l’art. 3 prescrivit la constatation sur un registre du jour de l’arrivée de chaque numéro du Journal officiel.
Ces dispositions conservèrent force de loi jusqu’à la promulgation de la loi du 2 août 1822, qui statua que la promulgation serait censée connue et que la loi serait obligatoire 20 jours après que la date que portera le Journal officiel dans lequel la loi sera inséré.
A peine une révolution nous avait-elle séparés de la Hollande, que par arrêté du 5 octobre 1830, le gouvernement provisoire créait un Bulletin des lois et arrêtés dont il ordonna la distribution régulière, l’affixion en forme de placard dans la ville de Bruxelles, et l’envoi par la poste, aussitôt après sa publication, aux autorités judiciaires et administratives de chaque province (page 530). Le jour de l’arrivée devait être constaté sur un registre paraphé par le gouverneur.
Le Congrès national revint au système précédent ; par son décret du 27 novembre 1830, tout en conservant le Bulletin officiel avec un titre nouveau, il a décidé que les décrets seraient obligatoires sur tout le territoire de la Belgique le onzième jour après celui de leur date, à moins qu’il n’en eût été autrement ordonné par le congrès.
Enfin la loi du 19 septembre 1831 régla définitivement cette matière ; le Bulletin fut conservé avec un troisième titre et les lois furent déclarées obligatoires dans tout le royaume le onzième jour après celui de la promulgation, à moins que la loi n’en eût autrement disposé.
De ces délais il résulte que jusqu’à présent il ne s’est produit que trois systèmes généraux diversement modifiés ; celui de l’Assemblée constituante, celui de la Convention et celui du Code civil. Tout en accordant un délai plus long, la loi du 19 septembre 1831 a consacré le même principe que l’art. 1er du Code civil.
Ces trois systèmes pouvaient être combinés entre eux, chacun présentait une utilité relative, et si j’avais eu un projet à présenter, voici ce que j’aurais fait : j’aurais conservé et le Moniteur et le Bulletin officiel actuels, sauf que, quant au Bulletin, j’aurais pris des mesures pour le faire paraître, au besoin, tous les jours, et, de ce chef, il n’y aurait pas eu, quoi qu’on en dise, augmentation de dépenses ; j’aurais continué à faire traduire le Bulletin, non en langue hollandaise, mais en langue flamande, et j’aurais spécialement fait soigner la correction du texte officiel ; enfin j’aurais présenté une disposition d’après laquelle la loi ne serait devenue obligatoire que 10 ou 20 jours après la réception du Bulletin au chef-lieu de chaque province, constatée sur un registre à ce spécialement destiné.
Alors, mais alors seulement, on aurait eu une publication qu’on aurait pu appeler réelle ; alors les citoyens auraient été censés connaître la loi ; être censé connaître ou connaître réellement est la même chose lorsque toutes les garanties sont données pour rendre une connaissance possible.
On objectera peut-être que de cette manière il n’y aurait pas un système uniforme de publication, c’est-à-dire que la loi aurait été obligatoire plus vite dans certaines provinces que dans certaines autres ; mais, par des mesures administratives, très-faciles d’ailleurs, on aurait pu obtenir la régularité et l’uniformité ; notre pays n’est pas assez grand pour qu’il puisse se rencontrer à cet égard des inconvénients. Pourquoi, par exemple, n’aurait-on pu faire l’envoi dans les provinces les plus éloignées, un jour plus tôt que dans les provinces voisines de celle où le gouvernement a son siège, et faire en sorte que le Bulletin arrivât partout le même jour ? Ensuite les gouverneurs auraient fait l’envoi dans les districts et les commissaires de district dans les communes, toujours en laissant des traces authentiques de ces envois ; ainsi on se serait rapproché du système de la Convention, su système de 1830 et du système de la législation intermédiaire.
Encore une fois, que signifie la publication par la seule insertion au Moniteur ? Cette publication aura lieu si le Moniteur paraît ; elle n’aura pas lieu s’il ne paraît pas ; tout cela est abandonné au vague et à l’arbitraire. Il n’y a, en définitive, dans cette prétendue publication, qu’une fiction, et cette fiction ne peut pas être comparée à la vérité, car dans plusieurs circonstances elle fera défaut d’après des événements divers, qu’il est impossible de prévoir.
J’aurais donc été disposé à ajouter une précaution de plus à celles que l’on veut prendre, et si j’avais pensé trouver de l’appui, j’aurais présenté un sous-amendement ; mais dans tous les cas, tout ce que je viens de dire tend à démontrer qu’il faut au moins adopter l’amendement de M. Dubus.
Le système de M. le ministre de la justice est inadmissible car, je le répète, et je termine par là, je défie M. le ministre de sortir du dilemme que je lui ai posé. Le Bulletin officiel, d’après lui, n’est rien et ne présente aucune garantie et c’est cependant ce bulletin-là dont l’abonnement est seul obligatoire pour les administrations communales et qui seul est accompagné d’une traduction flamande ; le Moniteur, au contraire, qui est destiné à amener la publicité et à faire exister la présomption de connaissance des lois qu’il renferme n’est pas envoyé aux communes et la traduction en flamand n’en est pas indispensable. Quelle contradiction ! Expliquera, qui pourra, un pareil système.
M. de Garcia – Messieurs, la publicité de la loi est une des choses les plus importantes. On connaît l’adage du droit que tous les citoyens sont censés connaître la loi. Cette fiction est absolue et ne comporte aucune preuve du contraire. Dès lors tout ce qui peut contribuer à étendre la connaissance de la loi doit être accueilli favorablement par le législateur. Les dispositions du projet de loi actuel présentent-elles ce résultat ? doivent-elles atteindre ce but ? C’est la question que nous avons à examiner. Quant à moi et à ce point de vue, je regrette que M. le ministre n’ait pas persisté à demander que le Moniteur fût envoyé à tous les bourgmestres, à tous les chefs d’administration. De cette manière, les citoyens de toutes les localités auraient été mis, jusqu’à un certain point, à même de connaître la loi. Je sais bien que M. le ministre a combattu ce principe de généralité en disant que, suivant ce principe, le Moniteur devrait être envoyé à tous les citoyens. Cette objection ne me touche pas. En fait de loi, il ne faut vouloir que ce qui est praticable, et, sous le rapport que nous traitons, tout ce qui est praticable, c’est l’envoi du Moniteur aux bourgmestres de toutes les communes du royaume et à tous les chefs d’administration.
Messieurs, si j’ai bien compris M. le ministre de la justice, il aurait fait observer, pour obtenir que le Moniteur devînt l’organe de la publication des lois, il aurait fait observer que le Recueil des lois ne contenait pas réellement cette publication. S’il en est ainsi, messieurs, l’art. 2 n’est pas rédigé convenablement. L’art. 2 porte : « Les lois, immédiatement après leur promulgation, seront insérées au Moniteur, qui remplacera pour la publication, le Bulletin des lois. » La fin de cet article est inexacte, si ce que dit M. le ministre est vrai ; car alors le Moniteur ne doit pas remplacer le Bulletin officiel, puisque le Bulletin officiel ne contenait pas la publication.
Je crois donc que si la chambre adoptait l’article qui est proposé par M. le ministre, il faudrait tout au moins supprimer la partie de cet article où il est dit que le Moniteur remplace le Bulletin officiel pour la publication. Cette réflexion ne porte du reste que sur la rédaction. Mais si M. le ministre persiste à ne pas vouloir que le Moniteur soit envoyé à toutes les communes, alors je déclare que je devrai adopter l’amendement proposé par l’honorable M. Dubus, d’après lequel le Bulletin officiel serait l’organe de la publication.
Le système de l’honorable membre peut-il présenter le moindre inconvénient, soit sous le rapport de la réalité ou de la célérité de la publication ? J’avoue que je ne puis concevoir à ce sujet aucun doute
Rien n’est plus facile, en effet, avec notre système de poste rurale, que d’envoyer le Bulletin officiel aussi régulièrement qu’on envoie le Moniteur. Si, du reste, vous tenez à ce que ce soit un journal, si vous attachez du prix au mot «journal », appelez-le « Bulletin officiel journal des lois », et répandez-le avec profusion en quelque sorte, afin de donner aux lois la plus grande publicité possible.
Ce résultat, vous ne l’obtiendrez jamais avec le Moniteur qui n’a pas d’abonnés, et auquel vous n’obligez pas les administrations de s’abonner. La publication sera bien plus réelle, si elle est faite par le Bulletin officiel, auquel les communes doivent s’abonner, et qui doit renfermer une traduction comme le propose M. Dubus, car la loi doit être connue des Flamands, aussi bien que des Wallons. Je crois qu’il faut faire tout ce qui est possible pour se conformer à l’adage que tous les citoyens sont censés connaître la loi ; je crois qu’il faut, autant que faire se peut, répondre la connaissance de la loi dans toutes les classes de la société. La disposition proposée actuellement par le gouvernement n’atteint pas ce but ; dès lors, je ne puis l’accepter.
Dans cet état, je ne puis que de nouveau manifester mes regrets que le Moniteur ne soit pas envoyé dans toutes les communes, non-seulement avec le texte des lois et arrêtés, mais encore avec les débats parlementaires. Je ne considérerai jamais cela comme une atteinte portée à la liberté de la presse. Dans les pays constitutionnels le peuple doit faire son apprentissage, il doit apprendre à connaître les principes du gouvernement représentatif, et je crois que les discussions des chambres sont très propres à lui donner cette connaissance. Je ne crois pas qu’une mesure semblable puisse porter la moindre atteinte à l’une de nos libertés constitutionnelles les plus sacrées ; je sais que la liberté de la presse existe sans pouvoir être entravée par aucune mesure préventive ; or, selon moi, il est impossible de considérer comme mesure préventive l’envoi à toutes les administrations du pays, du journal contenant les projets de loi, les rapports, les discussions auxquelles ils donnent lieu, et enfin les lois adoptées.
A la vérité, et dans ce système, il faudrait interdire au Moniteur de publier des articles de fonds, des articles de discussion politique. Cependant il faudrait, d’un autre côté, que le gouvernement eût dans ce journal le moyen de démentir les faits calomnieux et inexacts qui lui seraient imputés, car il est indigne d’un gouvernement de se servir d’un organe de la presse qui ne dépend pas de lui, qu’il doit souvent acheter.
D’après ces considérations, j’exprime de nouveau mes regrets de ce que M. le ministre de la justice a abandonné la partie du projet de loi qui prescrivait l’envoi du Moniteur à toutes les administrations du royaume, et, dans l’état actuel de la question, je voterai contre l’art. 2 du projet ministériel et adopterai l’amendement de M. Dubus.
M. Lys, rapporteur – J’ai lieu, messieurs, d’être surpris de voir une opposition si forte se présenter dans cette assemblée contre l’art. 2 du projet qui vous est soumis. Et, en effet, dans les discussions qui ont eu lieu dans les sections, cet art. 2 avait été adopté sans opposition. Il en avait été de même à la section centrale ; aucun objection n’y avait été faite.
Tout le monde paraît d’accord, messieurs, qu’il faut améliorer la législation actuelle en ce qui concerne la publication des lois. Tout le monde reconnaît que le mode de publication actuelle laisse beaucoup à désirer. Des améliorations doivent donc nécessairement y être introduites.
On reconnaît aussi que la loi de 1831 contient une disposition qui présente de graves inconvénients. Et, en effet, messieurs, par cette loi, le jour de la promulgation des lois et des arrêtés reste inconnu à tout le monde ; cette promulgation n’est constatée nulle part. or, c’est cette promulgation que le projet de loi actuel a voulu faire constater ; il tend à fixer d’une manière positive le jour de la publication des lois et des arrêtés. C’est ce qui n’existait pas auparavant. Le Bulletin des lois n’est envoyé aux communes qu’à certains intervalles. Souvent une loi ou un arrêté était exécutoire longtemps avant qu’il pût être connu. Une loi, par exemple, était exécutoire le lendemain de sa promulgation ; mais comme cette promulgation n’était constatée nulle part, et que le Bulletin n’arrivait souvent dans les communes que dix ou douze jours après, il en résultait que cette loi était exécutoire depuis dix jours et que le public ne la connaissait pas ou qu’il n’était pas censé la connaître.
Le but de l’article en discussion, messieurs, est de rectifier cet abus. Le Moniteur ne servira à rien d’autre, sinon à constater que la loi a été promulguée tel jour. Il me semble, dès lors, qu’on doit reconnaître que c’est là une amélioration réelle, nécessaire et qui était attendue depuis longtemps.
(page 531) Ainsi, le Moniteur servirait, à l’avenir, à faire courir un délai, et c’est ce que ne faisait pas le Bulletin des lois, tel qu’il a existé jusqu’à ce jour.
C’est donc là, messieurs, un premier abus que le projet de loi vient corriger.
Il vient ensuite procurer au trésor une économie. Aujourd’hui le Moniteur contient toutes les lois et tous les arrêtés, et le Bulletin des lois les publie tous également. Or, par la disposition de l’art. 2, à l’avenir le Moniteur contiendra encore toutes les lois et tous les arrêtés, mais le Recueil des lois ne contiendra plus que les lois et les arrêtés d’un intérêt général. Il ne contiendra plus, comme l’a dit M. le ministre de la justice, des lois relatives à des naturalisations, à des crédits accordés aux communes ou qui ne concernent que les localités. Ce sera là une véritable économie pour le trésor. Ce sera aussi une économie de temps pour les personnes qui lisent le Recueil des lois. Ce recueil présente aujourd’hui un volume considérable ; à l’avenir il sera moitié moindre ; il ne contiendra plus que les dispositions qui doivent être nécessairement connues.
Il est certain, messieurs, que le Moniteur ne laissera aucun doute pour la date de la publication, parce que le Moniteur paraît chaque jour, tandis que votre recueil des lois ne paraissant qu’à des intervalles plus ou moins longs, la date réelle d’un arrêté pourra toujours être faussée, si je puis me servir de cette expression. On pourra toujours antidater cet arrêté de quatre ou cinq jours, tandis que par la publication dans le Moniteur, vous n’avez rien à craindre de ce chef.
On va jusqu’à dire, messieurs, que le projet accorderait au journal du gouvernement un privilège exorbitant. Je ne sais, messieurs, comment on peut tenir un pareil raisonnement. Car le Moniteur ne sera que ce qu’il est aujourd’hui. On n’apporte aucun changement à sa rédaction. Il est aujourd’hui journal officiel ; il publie les lois et les arrêtés, nos discussions au complet et quelques nouvelles assez tardives. Il ne contiendra rien de plus à l’avenir. Seulement, il constatera, comme je viens de le dire, la promulgation des lois et des arrêtés, qui auparavant n’était constatée nulle part.
D’ailleurs, messieurs, comme on vous l’a dit, le Moniteur a peu d’abonnés. Peut-être quelques légistes jugeront-ils à propos de s’y abonner ; mais je ne crois pas qu’il fasse jamais une concurrence bien redoutable aux autres journaux. Du reste, si vous craignez que le Moniteur, étant distribué à trop bon marché, ne nuise aux autres journaux, vous pouvez supprimer l’art. 7 et dire que le Moniteur sera astreint au timbre, comme tous les autres journaux. Il ne pourra plus alors y avoir avantage quant au prix, mais l’avantage réel que produira votre loi, sera de faire connaître la date de la promulgation des lois et des arrêtés, ce que vous n’aviez pas auparavant.
M. de Saegher – Messieurs, l’amendement de l’honorable M. Dubus tend à maintenir le mode actuel de publication par le Bulletin officiel. Cependant, messieurs, l’art. 2 du projet de loi me paraît renfermer une véritable amélioration, et je vais avoir l’honneur d’exposer à la chambre les motifs de cette opinion.
L’art. 1er du code civil, messieurs, porte que les lois seront exécutoires du moment où la publication pourra en être connue. L’art. 129 de notre Constitution dit que la loi ne sera obligatoire qu’après avoir été publiée dans la forme déterminée par la loi. Quel est, messieurs, le but de ces dispositions ? Mais c’est afin que tous les citoyens puissent connaître les dispositions des lois avant d’être obligés de les accomplir. En un mot, la publication est l’acte qui rend publique l’existence de la loi et le commandement de l’observer.
Afin d’atteindre ce but, c’est-à-dire la plus grande publicité possible, le législateur, à différentes époques, a proposé divers modes de publication. L’honorable M. Verhaegen a donné l’historique de ces différents modes qui ont été successivement adoptés pour donner aux lois une publicité suffisante. Eh bien, messieurs, de tous ces modes qui sont nombreux, comme vous venez de l’entendre, aucun n’a paru suffisant, pas un seul n’a paru propre à atteindre le but que s’était proposé le législateur, c’est-à-dire de faire suffisamment connaître la loi à tous les citoyens qui sont obligés de l’observer. On vous a parlé, messieurs, du mode de publication des lois qui était en vigueur avant la révolution française. Alors les lois étaient enregistrées dans les différents parlements ; mais à cette époque aussi il y avait des contestations fréquentes relativement à la date à laquelle la loi était devenue obligatoire ; dans certains parlements on soutenait que la loi devenait obligatoire à la date de l’enregistrement ; dans d’autres on prétendait que la loi n’était obligatoire dans chacune des juridictions inférieures, qu’à partir du jour où elle était parvenue au greffe de cette juridiction.
Vous voyez donc, messieurs, que sous ce régime il y avait des doutes relativement à la publication. Il en était de même de tous les modes de publication qui ont été successivement adoptés sous l’Empire et postérieurement ; tous ces modes ont paru insuffisants pour atteindre une publicité réelle et il a été reconnu par tous les auteurs qui ont écrit sur la matière, qu’aucun de ces modes ne satisfaisait au principe d’équité qui exige qu’une loi soit connue avant d’être obligatoire. C’est pour remédier à ce défaut de publicité suffisante que la loi du 19 septembre 1831 a été portée ; mais, messieurs, on vous l’a déjà démontré, cette loi encore n’a pas atteint le but que le législateur s’était proposé ; savoir : une publicité réelle et officielle des lois et des arrêtés. La loi du 19 septembre 1831 porte que les lois seront insérées au Bulletin officiel aussitôt après leur promulgation et qu’elles seront obligatoires 11 jours après cette promulgation ; si les lois étaient insérées au Bulletin officiel le jour même de leur promulgation, et si le Bulletin officiel était distribuée immédiatement, sans doute il y aurait une publicité suffisante ; mais le Bulletin ne paraissant pas régulièrement, ne paraissant pas tous les jours, il est impossible de faire connaître en temps opportun à tous les citoyens et l’existence de la loi et le jour où elle devient obligatoire.Ainsi, messieurs, sous la législation actuelle la date de la promulgation de la loi n’est pas officiellement connue. Je pense que le projet de discussion remédie suffisamment à cet inconvénient qui a été si souvent signalé ; le Moniteur paraissant tous les jours, on pourra avoir une connaissance immédiat de la promulgation des lois.
Je m’arrêterai, messieurs, à ces observations ; les autres considérations que je voulais faire valoir, ayant déjà été présentées.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, dans les discours qui ont été prononcés, notamment dans celui prononcé par l’honorable M. Verhaegen, on paraît avoir entièrement perdu de vue le but que le gouvernement s’est proposé en présentant l’art. 2 du projet. Il s’agit uniquement de constater une date. (Interruption.) L’honorable M. Verhaegen dit que la date n’est pas constatée ; il me semble que les raisons que j’ai données hier et que j’ai développées encore aujourd’hui établissent que le moyen le plus efficace de constater la date, c’est l’insertion au Moniteur. L’honorable M. Verhaegen a dit que le gouvernement pourra ne pas publier le numéro du Moniteur où telle ou telle loi serait insérée ; je répondrai à l’honorable membre que ce danger pourrait exister avec le Bulletin officiel mais qu’il est impossible avec le Moniteur ; car le Bulletin officiel ne devant pas paraître tous les jours, on pourrait supposer, si toutefois on croit qu’un gouvernement quelconque serait capable d’agir de cette manière, on pourrait supposer que le gouvernement ne publierait pas un numéro du Bulletin officiel ; mais cela est tout à fait impossible avec le Moniteur. Je le demande, messieurs, si pendant quelques jours, le Moniteur ne paraissait pas, ou si un numéro du Moniteur ne paraissait pas, est-ce qu’à l’instant même tous les journaux du pays ne signaleraient pas cette absence ? Est-ce que les membres de la chambre eux-mêmes ne seraient pas les premiers à la signaler ? Il est donc évident, messieurs, que cet argument de M. Verhaegen vient corroborer tout ce que j’ai dit hier pour établir les inconvénients du système actuel, surtout de l’amendement de M. Dubus.
Le Moniteur, messieurs, ne doit pas remplacer entièrement le Bulletin officiel ; le Bulletin officiel, sous le nom de Recueil, continuera à subsister ; ce recueil sera envoyer aux administrations et aux fonctionnaires publics ; sous ce rapport, il n’y a rien de changé ; seulement la publication résultera non de la date de la loi, mais de l’insertion au Moniteur.
Si, au lieu de constater cette date par le Moniteur, on annonçait, par exemple, au moyen d’affiches, que telle loi vient d’être sanctionnée, et qu’on en affichât le texte, quelle objection serait-il possible de faire à un semblable système ?
Eh bien, messieurs, nous demandons de substituer à l’affiche l’insertion dans un journal.
Voilà, messieurs, tout ce que nous demandons ; mais ce mode de publication n’empêche pas une publicité ultérieure et plus complète encore, elle continuera d’exister par l’envoi du recueil dans toutes les communes ; ainsi, je le répète, sous ce rapport rien ne sera changé.
Ainsi tombe tout ce qu’a dit l’honorable M. Verhaegen, relativement à la nécessité de traduire le Moniteur ; ainsi s’évanouissent les inconséquences que l’honorable membre reproche au système actuel du gouvernement.
L’honorable membre voudrait que la loi ne devînt obligatoire qu’à dater de l’envoi au chef-lieu de la province. Mais quelle publicité y a-t-il dans ce fait ? L’honorable membre reconnaîtra, avec moi, que l’envoi de la loi à un gouverneur et que l’accusé de réception du gouverneur au ministre qui lui a envoyé la loi constituent un fait clandestin. Les gouverneurs, d’après l’honorable membre, devraient envoyer la loi aux communes, et l’arrivée devrait être constatée dans un registre ; mais cette arrivée n’a aucun caractère de publicité ; il faudra donc une publication ultérieure, et une loi sera exécutoire à tel jour, dans telle commune, et à tel autre jour, dans telle autre commune. Or, dans un petit pays comme le nôtre, on peut établir, et cela est préférable, une date fixe, à partir de laquelle une loi devient obligatoire pour tous les citoyens.
Le système présenté par le gouvernement consacre donc une publicité bien plus réelle, bien plus étendue, que le système préconisé par l’honorable M. Verhaegen. Au reste, ce dernier système a été abandonné partout où il a été essayé.
L’honorable M. Verhaegen redoute, avec raison, les dangers que peut offrir l’impression peu soignée du texte officiel des lois mais je ne conçois pas dès lors, comment l’honorable membre veut maintenir ce qui existe, et combat ce que je propose. Si le système du gouvernement prévaut, la loi sera imprimée par les soins de l’administration elle-même, l’impression sera surveillée par un fonctionnaire du gouvernement. Vous n’avez pas les mêmes garanties pour le Bulletin officiel qui s’est imprimé, jusqu’au 1er janvier dernier, dans une imprimerie privée.
D’après la proposition du gouvernement, le pouvoir législatif pourra abréger le délai à partir duquel la loi sera obligatoire. Cette faculté deviendrait en quelque sorte illusoire dans le système de l’honorable M. Dubus.
Je suppose une loi tellement urgente, une loi de douanes, par exemple, qu’il soit indispensable de déclarer obligatoire le lendemain même de sa publication. Dans mon système, cela est possible ; mais s’il fallait attendre que le Bulletin officiel fût imprimé, avec la traduction qui, s’appliquant dans un grand nombre de cas à des lois volumineuses, ne se ferait qu’avec plus ou moins de lenteur ; s’il fallait attendre que le Bulletin fût répandu dans toutes les communes du royaume, il en résulterait un délai très-considérable qui, dans l’hypothèse d’une loi de douanes, pourrait compromettre gravement les intérêts du pays.
(page 532) L’honorable M. de Garcia signale un vice de rédaction dans l’art. 2 ; il dit que ces mots : « quant à la publication », devraient disparaître, dans le système que j’ai soutenu.
Evidemment, dans la loi de 1831, on a considéré l’insertion comme une publication, car les législateurs de 1831 n’ont pas pu avoir l’intention de rendre les lois exécutoires sans publication. Mais néanmoins le contraire semble résulter du texte de la loi de 1831.
En me servant dans l’art. 2 des mots qu’a relevés l’honorable M. de Garcia, je me suis placé au point de vue du législateur de 1831, quoique dans le texte de la loi de 1831 aucune publication ne fût mentionnée.
Mais, quant à tout le reste, le Bulletin subsiste ; sous le nom de Recueil, il contiendra d’une manière officielle les lois et les arrêtés. Les mots employés dans l’article expliquent suffisamment ma pensée, quant au maintien d’un recueil officiel, et prouve suffisamment que mon intention a été seulement de régulariser la publication.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, j’ai écouté avec une grande attention toutes les objections qui ont été faites à l’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer hier ; je persiste dans cet amendement. Je dirai, en peu de mots, pourquoi je n’ai pu me rendre aux objections que je viens de rappeler.
Je vous prie, messieurs, de bien vous fixer sur le but essentiel de la loi, sur l’inconvénient principal auquel on veut remédier.
Aujourd’hui le délai, à l’expiration duquel la loi est obligatoire court du jour de la promulgation, quelle que soit l’époque à laquelle la loi ait été réellement publiée.
On veut maintenant que le délai parte du jour de la publication même. Et, qu’est-ce que la publication ? C’est l’envoi de la loi aux autorités qui doivent l’appliquer.
Maintenant, considérons ce qui aura lieu, d’après le projet de loi, tel que M. le ministre de la justice entend l’exécuter. Il y aura deux recueils dans lesquels la loi sera insérée. L’un de ces recueils s’appellera le Moniteur, ce sera un journal quotidien ; lorsqu’il n’y aura pas de lois ou arrêtés à publier, on en remplira les feuilles avec autre chose ; l’autre recueil ne contiendra que les lois et arrêtés, et sera publié chaque fois qu’il y aura des lois et des arrêtés à faire connaître ; mais de ces deux recueils, il y en a un qui sera envoyé aux communes, et auquel toutes les communes seront tenues de s’abonner : c’est le second.
M. le ministre de la justice dit encore que la loi sera insérée d’abord au Moniteur, que c’est pour le Moniteur que se fera la première impression, ou plutôt le premier tirage, et qu’alors la composition du Moniteur servira, après un changement de mise en page, à former le tirage du second recueil qui comprendra en même temps une traduction flamande ; de sorte que, selon M. le ministre, il pourra y avoir un jour, même deux jours d’intervalle entre l’envoi du Moniteur et l’envoi du second recueil.
Mais s’il en est ainsi, n’est-il pas vrai qu’on retombe dans l’inconvénient auquel on voulait remédier ? N’est-il pas évident que vous ne faites pas partir le délai du jour de la publication ? Car la publication véritable, c’est la publication par le recueil qui est envoyé aux autorités communales, et non la publication antérieure, selon vous, par le Recueil que vous ne leur envoyez pas. Vous voulez que la date de la publication soit une vérité, mais elle n’est une vérité qu’autant que vous adoptiez, pour l’organe légale de la publication, le recueil que vous adressez aux autorités.
Ainsi, il faut absolument que l’organe légale de la publication soit le Recueil qui sert véritablement dans le fait à cette publication.
Mais elle n’est une vérité que pour autant que vous adoptiez, pour organe légale de la publication, le recueil que vous adressez aux autorités et non le recueil que vous ne leur adressez pas et qu’elles peuvent ne pas connaître. Si l’envoi du deuxième recueil éprouve un retard, comme c’est à partir de la date du premier recueil que court le délai, vous enlevez aux autorités une partie du délai. La loi enlève d’une main ce qu’elle donne de l’autre.
Il faut que l’organe légal de la publication soit le recueil qui sert véritablement à cette publication, qui est expédié dans les communes pour faire connaître partout l’existence de la loi. Mais, dit-on, il y aura un inconvénient, et un inconvénient grave, parce que, quand il aura été déclaré qu’une loi sera obligatoire le lendemain de sa publication par le Bulletin, l’époque de la publication sera retardée et on ne pourra plus mettre une loi à exécution dans un délai très-bref. Il me semble que c’est là se créer à plaisir des inconvénients ; car celui là n’existe que pour autant qu’on veuille le faire exister. En effet, il est aussi facile de faire imprimer la loi dans le Recueil avant de la faire imprimer dans le Moniteur, que de la faire imprimer dans le Moniteur avant de l’insérer dans le Recueil. Il est aussi aisé de faire le premier tirage pour le recueil envoyé aux communes que de le faire pour le Moniteur. Ainsi, si on a un motif d’urgence, il est facile de parer à l’inconvénient qu’on objecte. Toutes les fois qu’il y a urgence, on peut faire le premier tirage pour le Recueil, si tant est que pour les autres cas, vous vouliez le faire pour le Moniteur. Je ne m’explique pas là-dessus pour le moment.
Mais, dit-on, il faut encore un délai pour la traduction. Je ne comprends pas comment, dans les cas urgents, vous ne seriez pas à même d’avoir la traduction aussi vite que la sanction royale ; car avant d’être soumise à la sanction royale, la loi devra avoir obtenu la sanction des deux chambres ; et elle vous sera connue telle qu’elle sera en définitive, par l’adoption de l’une des de chambres ; et dès lors ne pouvez-vous pas faire préparer une traduction de manière que vous l’ayez aussi vite que la sanction royale ?
Il vous sera donc possible de faire publier aussi promptement par le Recueil que par le Moniteur une loi dont vous voudrez avoir une exécution immédiate mais, ajoute-t-on, cette loi pourra être volumineuse comme une loi de douane, par exemple. Une loi semblable nécessite toujours un délai assez long entre l’adoption par une chambre et l’adoption par l’autre chambre ; vous avez le temps de faire préparer une traduction. Mais la chambre qui l’examine en second lieu peut introduire des amendements. Si des amendements sont introduits, la loi ne deviendra obligatoire que moyennant l’adhésion de l’autre chambre à ces amendements. Vous aurez le temps de modifier la traduction. Dans tous les cas, vous avez le moyen, quand vous voudrez, d’avoir la traduction aussi vite que la sanction royale ; vous pourrez toujours, quand vous voudrez, faire servir la composition typographique, d’abord au tirage du Bulletin, quand vous voudrez qu’il soit envoyé aussitôt dans les communes.
Il n’y a donc pas d’inconvénient réel dans le système auquel se rapporte l’amendement que j’ai déposé ; et il y a cet avantage, qu’alors que vous imputez en quelque sorte là la loi actuelle d’être contraire à la vérité et de supposer la connaissance de la loi avant sa publication, vous tomberiez vous-même dans cet inconvénient ; alors qu’une loi est obligatoire le lendemain de sa publication, elle serait obligatoire, selon le projet de M. le ministre, avant même qu’elle n’eût été insérée dans le recueil qui doit servir à faire connaître cette loi aux communes.
Quant aux autres inconvénients qu’on avait signalés, j’y ai déjà répondu. On veut que la publication soit prompte et régulière. Eh bien, la publication peut être aussi prompte, aussi régulière par le bulletin que par le journal. A la vérité, le bulletin ne paraîtra pas tous les jours, mais il suffit qu’il soit expédié chaque fois qu’il y a des lois et des règlements à publier. Ce bulletin aura sa date comme chaque numéro du Moniteur ; il est aussi facile de faire expédier promptement le bulletin que de faire expédier promptement le Moniteur.
On vous a dit que le Moniteur fera connaître, par sa date, de quel jour la loi est obligatoire dans le système du projet. Dans le système que je défends la date du Bulletin fera mieux connaître l’époque où la loi est obligatoire que le Moniteur ; et il est aussi facile de faire que la date soit une vérité pour le Bulletin que pour un journal.
Je me réfère, au surplus, aux différents arguments que j’ai fait valoir.
M. le président – Je vais mettre aux voix l’amendement proposé par M. Dubus au 1er § de l’art. 2. Il est ainsi conçu :
« Les lois, immédiatement après leur promulgation, seront insérées au Bulletin officiel, avec une traduction flamande pour les communes où l’on parle cette langue, le texte français demeurant néanmoins seul officiel. »
Plusieurs membres – L’appel nominal.
- Il est procédé à cette opération : en voici le résultat :
60 membres répondent à l’appel ;
30 membres répondent oui ;
30 membres répondent non.
En conséquence, l’amendement n’est pas adopté.
Ont répondu non : Dumont, Duvivier, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Liedts, Lys, Mercier, Nothomb, Pirson, Scheyven, Thyrion, Van Cutsem, Van Volxem, Zoude, Coghen, d’Anethan, de Baillet, Dechamps, de Haerne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Prey, de Renesse, de Saegher, d’Hoffschmidt et Dolez.
Ont répondu oui : MM. Eloy de Burdinne, Lange, Lebeau, Lesoinne, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Osy, Pirmez, Rodenbach, Sigart, Vanden Eynde, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, David, de Corswarem, de Florisone, de Garcia, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Naeyer, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux et Dubus (aîné)
M. le président – Je mets aux voix le 1er § de l’art 2.
- L’appel nominal est demandé.
En voici le résultat :
61 membres répondent à l’appel.
32 votent l’adoption.
29 votent le rejet.
1 (M. Dumortier) s’abstient.
En conséquence, le 1er § de l’art. 2 est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Dumont, Duvivier, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Liedts, Lys, Mercier, Nothomb, Pirmez, Pirson, Scheyven, Thyrion, Van Cutsem, Van Volxem, Zoude, Coghen, d’Anethan, de Baillet, Dechamps, de Haerne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, Deprey, de Renesse, de Saegher, d’Hoffschmidt et Dolez.
Ont voté le rejet : MM. Eloy de Burdinne, Lange, Lebeau, Lesoinne, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Osy, Rodenbach, Sigart, Van den Eynde, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, David, de Corswarem, de Florisone, de Garcia, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Naeyer, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux et Dubus (aîné)
Le membre qui s’est abstenu est incité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Dumortier – J’entrais dans la salle au moment où l’on appelait mon nom ; je ne savais sur quelle disposition on votait.
- Le 2e § de l’art. 2 est ainsi conçu :
« Elles seront obligatoires dans tout le royaume le 10e jour après celui de la publication, à moins que la loi n’ait fixé un autre délai. »
Ce paragraphe est adopté.
L’ensemble de l’art. 2 est adopté.
« Art. 3. Les arrêtés royaux seront également publiés par la voie du Moniteur (page 533) ; ils seront obligatoires à l’expiration du délai fixé par l’article précédent, à moins que l’arrêté n’en ait fixé un autre. »
La section centrale propose la rédaction suivante :
« Art 3. Les arrêtés royaux seront également publiés par la voie du Moniteur, dans les vingt jours de leur date ; ils seront obligatoires à l’expiration du délai fixé par l’article précédent, à moins que l’arrêté n’en ait fixé un autre. »
M. le ministre de la justice a proposé, par amendement, de substituer, dans la rédaction de la section centrale, les mots : « dans le mois de leur date », aux mots : « dans les vingt jours de leur date. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, la section centrale avait ajouté à l’art. 3 que les arrêtés royaux seraient publiés dans les vingt jours de leur date. J’avoue que je ne vois pas trop l’avantage qu’il peut y avoir à obliger à cette insertion dans un délai déterminé, car les arrêtés ne deviennent réellement obligatoires que par la publication.
Du reste, je ne vois pas non plus d’inconvénient à ce qu’un délai soit fixé ; aussi ne m’y suis-je pas opposé ; seulement j’ai demandé qu’on substituât le délai d’un mois à celui de vingt jours, parce que dans l’article suivant il est fait mention du délai de l’art. 3, et quand nous en viendrons à l’art. 4 j’établirais facilement que le délai d’un mois n’est pas trop long.
M. Fleussu – C’est moi, messieurs, qui suit l’auteur de la disposition qui a trouvé place dans le projet de loi. Je vais faire connaître à M. le Ministre les motifs qui m’ont déterminé et qui ont déterminé la section centrale à l’introduire dans la loi.
Il y a dans nos lois organiques, notamment dans la loi communale, et je crois même dans la loi provinciale, des dispositions qui obligent le gouvernement à prendre des mesures dans un délai déterminé. Je veux parler des délibérations des conseils communaux qui doivent être annulés dans un délai de quarante jours. J’ai trouvé qu’il n’y avait pas assez de garantie, que le gouvernement se renfermait dans le délai prescrit par la loi communale, et il m’a semblé qu’il était de l’intérêt général que les gouvernement fût astreint à prendre les mesures administratives dans le délai voulu. Or, je n’ai vu d’autre moyen que de l’obliger à faire connaître les arrêtés qu’il prenait.
Je vais vous faire connaître ma pensée d’une manière plus franche encore. Il est évident qu’en faisant paraître un arrêté royal deux mois, par exemple, après qu’il a été pris…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cela n’est jamais arrivé.
M. Fleussu - Je ne dis pas que cela soit arrivé. Aussi n’est-ce qu’une précaution que nous avons prise contre le gouvernement comme la loi communale elle-même en a prise. Or, si dans l’intérêt général, la loi communale a pris des précautions contre le gouvernement, nous pouvons aussi en prendre pour nous assurer qu’elle est exécutée. Or, je dis que, quand vous ne devez pas publier les arrêtés dans un délai quelconque, il n’y a plus de garantie dans la loi communale. Rien n’empêcherait, en effet,le gouvernement de prendre un arrêté après que le délai de 40 jours serait expiré et de donner à cet arrêté une date antérieure.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est impossible.
M. Fleussu – J’ai demandé à cet égard des explications à la section centrale, et il ne m’a été donné aucune explication qui démontrât cette impossibilité. Comment serait-il impossible, en effet, de prendre un arrêté le 30 octobre, par exemple, et de lui donner la date du 1er de ce mois.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’accepte l’exemple et je dis qu’il est impossible que le gouvernement agisse de la sorte ; il doit faire notifier l’arrêté par l’intermédiaire du gouverneur, au conseil communal dont il s’agit ; vous concevez, dès lors, messieurs, à quels graves soupçons le gouvernement s’exposerait si un arrêté portant la date du 1er octobre était notifié seulement au commencement de novembre. Evidemment la manœuvre (il faut bien me servir de ce mot), la manœuvre du gouvernement serait mise à découvert.
M. Fleussu – J’accepte, à mon tour, l’explication de M. le ministre de l'intérieur, et je lui dirai que c’est précisément parce qu’on m’a cité l’exemple d’un fait semblable, que l’idée m’est venue de forcer le gouvernement à publier les arrêtés dans un délai déterminé ; car j’ai reconnu par ce fait que, sans une disposition semblable, nous n’aurions aucune garantie que le gouvernement s’est renfermé dans les délais prescrits par la loi communale et par la loi provinciale.
Maintenant, messieurs, la section centrale a consenti, je ne sais trop pourquoi, à accorder au gouvernement un délai de vingt jours ; le ministère ne se contente pas de ce délai, il demande un délai d’un mois. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne ferait pas pour les arrêtés ce qu’il fait pour les lois ; quand une loi est sanctionnée, on l’envoie au Moniteur qui la publie immédiatement. Pourquoi n’en est-il pas de même des arrêtés royaux ? pourquoi faut-il qu’un arrêté royal ne soit publié qu’un mois après sa date ? Je m’opposerai donc à la demande de M. le ministre ; loin de consentir à ce qu’on prolonge le délai proposé par la section centrale, je voudrais même que les arrêtés royaux fussent publiés dans les huit jours de leur date ; alors, au moins, l’on saurait si le gouvernement se renferme dans les prescriptions de la loi ou s’il ne s’y renferme pas. Si au contraire vous admettez un délai d’un mois, vous n’avez aucune espèce de garantie à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, l’observation de M. Fleussu pourra trouver sa place dans la discussion de l’article 4, mais elle est étrangère à l’art. 3. L’art. 4 est relatif, en effet, aux arrêtés auxquels l’honorable M. Fleussu a fait allusion, c’est-à-dire aux arrêtés qui n’intéressent pas la généralité des citoyens et qui deviennent obligatoires à dater de la notification faire aux individus. Quant aux arrêtés dont parle l’art. 3, il n’est jamais possible de les mettre à exécution avant qu’ils aient été insérés au Moniteur. Je ne conçois donc pas quel est l’avantage qui pourrait résulter de l’obligation imposée au gouvernement de publier ces arrêtés dans un bref délai. Les inconvénients signalés par M. Fleussu comme pouvant résulter de la non-publication, ces inconvénients ne peuvent concerner que les arrêtés qui deviennent obligatoires à dater de la notification ; ils ne peuvent jamais concerner des arrêtés qui exigent une publication préalable.
Je ne conçois pas à quel arrêté général seraient applicables les observations que vient de faire tout à l’heure l’honorable M. Fleussu. Car l’arrêté dont il parle n’est pas au nombre de ceux dont il est question à l’art. 3 ; c’est un de ces arrêtés qui ne concernent pas la généralité des citoyens et qui rentre ainsi dans la catégorie de ceux dont s’occupe l’art. 4, et pour ceux-là les observations de l’honorable membre sont fondées.
Je pense donc que l’art. 3 pourrait rester rédigé tel que l’avait proposé le gouvernement, et lorsque nous arriverons à l’art. 4, on pourra faire droit aux observations de l’honorable membre.
Je n’avais proposé mon amendement que dans l’hypothèse où celui de la section centrale serait maintenu. Si la section centrale reconnaît que son amendement ne doit être applicable qu’à l’art. 4, je renoncerai évidemment au mien. Je demanderai à M. le rapporteur de s’expliquer sur ce point.
M. Lys, rapporteur – Je ne vois effectivement aucune nécessité à fixer un délai à l’art. 3. La section centrale a eu l’intention de faire fixer une date en ce qui concerne les arrêtés qui deviendraient obligatoires à dater de la notification aux intéressés. C’est donc à l’art. 4 que le délai de 20 jours devrait être notifié. Cependant, M. le ministre de la justice, par son amendement, fixe aussi un délai, celui de trente jours ; dès lors, je ne vois aucun motif d’admettre que tout arrêté devra être publié dans un terme à fixer.
M. Devaux – Je pense, messieurs, que la fixation du délai doit être maintenue, même pour les arrêtés qui ne sont pas spécifiés dans l’article suivant, et cela dans un tout autre intérêt que celui dont on a parlé, dans l’intérêt de la publicité des actes du gouvernement. Vous avez le contrôle des actes du gouvernement. Mais si le gouvernement est maître de tenir ses actes cachés tant qu’il le veut, ce contrôle vous échappe.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Ces actes n’existent pas tant qu’ils ne sont pas publiés.
M. Devaux – Ces actes n’existent pas sans publicité. Si vous le dites dans la loi, si vous dites que tant qu’ils ne sont pas publiés, ils n’ont pas force légale, je crois que c’est une très-bonne mesure que d’exiger pour les arrêtés royaux la publicité dans un délai donné. Ainsi on fait des nominations ; ces nominations ne peuvent-elles être publiées que six mois après ? (Interruption.) Je demande quels sont, d’après le projet, les actes pour lesquels il est nécessaire de fixer un délai, et quels sont ceux pour lesquels le secret est toléré.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Il n’y a pas de secret.
M. Devaux – Il n’y a pas de secret. Alors pourquoi ne pas fixer un délai pour la publication des arrêtés comme pour celles des lois ? Il me semble qu’il ne faut pas que la loi tolère le secret des actes du gouvernement, surtout d’actes qui ont de l’importance, qui sont revêtus de la signature royale.
Ce n’est pas seulement dans l’intérêt dont on a parlé qu’il faut la publicité des actes du gouvernement, mais c’est dans un intérêt politique, dans l’intérêt de la responsabilité ministérielle. Il n’y a plus de responsabilité pour la plupart des actes du gouvernement, s’ils ne reçoivent pas de publication dans un délai défini.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, les arrêtés royaux qui contiennent des mesures générales, ne deviennent obligatoires que par la publication. Jusqu’au moment où ils ne seront pas publiés dans le Moniteur, on peut réellement dire qu’ils n’existeront pas, qu’ils ne seront susceptibles d’aucune exécution. Je ne conçois donc pas l’intérêt qu’il peut y avoir à exiger cette publication dans un délai donné.
Un arrêté, tant qu’il n’est pas publié, je le répète, est censé ne pas exister. Or, lorsque le ministre présentera l’arrêté à la signature royale et y apposera le contre-seing, c’est qu’il aura l’intention de le publier immédiatement. Dans quelle autre intention serait-il signé ? Tant que l’arrêté n’est pas publié on peut dire que ce n’est qu’un simple projet.
M. Verhaegen – Et la signature royale ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – La signature royale n’est demandée que lorsqu’on a l’intention de publier l’arrêté, et le contre-seing se met en même temps. Mais il est impossible que cet arrêté conserve un caractère clandestin, s’il doit recevoir une exécution quelconque.
Les arrêtés dont il est parlé à l’art. 4, peuvent, il est vrai, recevoir une exécution sans être publiés, ils deviennent obligatoires à dater de la notification aux intéressés ; quant à ceux-là, je conçois que la loi exige que non-seulement cette notification ait lieu, mais encore que ces arrêtés soient publiés dans un certain délai.
Mais quant aux arrêtés dont il est question à l’art. 3, véritablement la fixation d’un délai n’a aucune espèce de portée.
M. Verhaegen – Messieurs, il me semble très-important de fixer un délai non-seulement pour la publication des arrêtés d’intérêt général dont parle M. le ministre, mais encore pour la publication des arrêtés dont parle l’art. 4.
Je me proposais de ne présenter mes observations sur ce point, que lorsque nous en viendrions à l’art. 4 ; mais je préfère les présenter maintenant, de crainte qu’on ne me réponde encore par une non-recevoir.
Je crois, messieurs, qu’il est important que tous les arrêtés, quels qu’ils puissent être, soient publiés dans un délai déterminé, car en laissant dans (page 534) les cartons certains actes du pouvoir exécutif, on finit par compromettre la signature royale.
Messieurs, parmi les arrêtés qui, ostensiblement, ne concernent que des intérêts individuels, il peut y avoir qui soient à tous égards dignes de fixer l’attention du pays. Ainsi la collation de titres de noblesse, la collation de décorations qui sont de nature à faire apprécier la politique du ministère, doivent nécessairement être soumises au contrôle de la publicité, non pas en extraits, mais en entier. Je fais surtout cette observation, parce qu’il existe certains arrêtés conférant des décorations que le ministère n’ose pas publier, tellement il a, par ces collations, découvert la Couronne ! Si les ministres ne veulent pas me comprendre, je m’expliquerai plus explicitement.
M. Devaux – Mon observation provient de ce que je n’entendais pas, comme M. le ministre, l’art. 4, et je crois que cet article est très-mal rédigé s’il a l’extension que lui donne le gouvernement.
Ainsi l’art. 4 ne concerne que les arrêtés royaux qui n’intéressent pas la généralité des citoyens. Je demande si les nominations entrent dans cette catégorie.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Oui.
M. Devaux – On dit oui. Ainsi les nominations à des emplois n’intéressent que les titulaires qui les obtiennent. Je croyais qu’un grand nombre de ces nominations intéressaient la généralité des citoyens ; si elles ne sont faites que dans l’intérêt de ceux qui les obtiennent, c’est une nouvelle théorie qu’on n’avait pas encore professée en public. Je crois, quant à moi, que tous les citoyens sont intéressés à connaître quels sont les fonctionnaires qui obtiennent tel ou tel emploi et exercent un pouvoir sur eux. D’après l’art. 4, ainsi entendu, les emplois deviennent des faveurs particulières.
Ainsi, si vous comprenez les nominations dans l’art. 4, vous avez tort. Il y a beaucoup de nominations qui sont d’un intérêt très-général et non d’un intérêt particulier. Vous devez donc fixer un délai pour la publication des arrêtés de nomination, et vous ne le faites pas dans l’art. 4.
Je propose donc de maintenir le délai dans l’art. 3. Cela ne présente d’ailleurs aucun inconvénient ; car toute l’observation que vient de faire M. le ministre, c’est que ce serait surabondant.
M. Fleussu – Remarquez, messieurs, que nous entrons dans un système tout nouveau. Je crois qu’autrefois les arrêtés royaux dataient de l’époque où ils avaient été pris, où ils avaient été signés par le Roi et contre-signés par les ministres. Ils ne devaient pas être publiés par le Moniteur. C’est une innovation que nous faisons et qui a un caractère très-salutaire ; car dans un gouvernement représentatif il ne faut pas que les actes d’un ministère restent cachés, puisque c’est par la généralité de ces actes qu’on peut apprécier le mérite de la conduite du gouvernement.
Il est donc bien entendu qu’un arrêté, lors même qu’il serait signé par le Roi et contre-signé par un ministre, est censé ne pas exister tant qu’il n’a pas été publié par le Moniteur. Que sa véritable date ne part que du jour de sa publication.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Certainement.
M. Fleussu – J’aime qu’on s’explique clairement sur ce point.
Ainsi, quand vous voudrez annuler un acte d’un conseil communal, ou d’un conseil provincial, il faudra que vous agissiez avant les 40 jours, puisque c’est du jour de l’insertion au Moniteur que l’arrêté royal a sa force obligatoire. De manière que vous renoncez à un délai qui était accordé au pouvoir exécutif par la loi communale. Il faudra que vous agissiez avant le délai fatal.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Dans le délai.
M. Fleussu – Il faudra que vous preniez vos mesures d’annulation avant les 40 jours, à moins que vous ne preniez l’arrêté et que vous ne le fassiez publier le 40e jour. Je fais donc observer que vous abréger le délai qui a été accordé au pouvoir exécutif.
Quant aux arrêtés qui ne concernent pas la généralité, ils ne sont obligatoires que du jour de la notification. Mais qu’entendez-vous par la notification ? La faites-vous dater du jour où la pièce part du ministère, ou du jour où elle arrive à l’intéressé ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – C’est le jour où elle arrive.
M. Fleussu – Comment constaterez-vous quel jour elle est arrivée ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Par des mesures administratives.
M. Fleussu – Mais pourquoi ne faites vous pas ce qu’on fait pour les lois ? Dès qu’une loi est promulguée on la publie ; pourquoi voulez-vous garder les arrêtés dans les cartons pendant un temps plus ou moins prolongé ? je ne vois à cela aucune espèce d’utilité.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je répète, messieurs, ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire ; il n’y a réellement aucune utilité à insérer dans l’art. 3 les mots que veut y insérer la section centrale mais je déclare d’un autre côté que je n’y vois pas le moindre inconvénient.
Quant aux arrêtés dont parle l’art. 4, ils deviennent obligatoires dès la notification qui doit en être faite aux intéressés, et pour cela la disposition peut être utile afin d’empêcher que le gouvernement n’exécute ces arrêtés sans les faire connaître au public ; mais les arrêtés dont il s’agit dans l’art. 3 ne sont obligatoires qu’à partir de la publication, et dès lors il est impossible de les exécuter avant qu’ils n’aient été publiés. (Interruption.) Les arrêtés qui annulent une décision d’un conseil communal ou d’un conseil provincial, faut-il les considérer comme intéressant la généralité des citoyens ? Là est la question. Je dis qu’en général ces arrêtés rentrent dans la catégorie de ceux dont il s’agit à l’art. 4. Il me paraît évident qu’ils n’intéressent pas directement la généralité des citoyens ; ils intéressent la généralité des citoyens d’une manière indirecte, mais tous les arrêtés quelconques sont dans ce cas ; la nomination du moindre fonctionnaire intéresse d’une manière indirecte le pays tout entier ; mais lorsque la loi parle d’arrêtés qui intéressent la généralité des citoyens, elle désigne des arrêtés qui leur présentent un intérêt direct. Il est impossible de l’entendre autrement.
- L’article 3 est mis aux voix et adopté avec l’amendement de M. le ministre de la justice, qui consiste à substituer le délai d’un mois à celui de vingt jours.
« Art 4. Néanmoins, les arrêtés royaux qui n’intéressent pas la généralité des citoyens, pourront n’être publiés que par voie de notification aux intéressés, et deviendront obligatoires par le fait seul de cette notification. »
« Il n’est point dérogé aux dispositions en vigueur, qui exigent, en outre, une autre publication des arrêtés de cette nature. »
La section centrale a proposé la rédaction suivante :
« Art. 4. Néanmoins, les arrêtés royaux qui n’intéressent pas la généralité des citoyens, deviendront obligatoires à dater de la notification aux intéressés.
« Ces arrêtés seront en outre insérés par extrait au Moniteur, dans le délai fixé par l’article précédent, sauf ceux dont la publication, sans présenter aucun caractère d’utilité publique, pourraient léser des intérêts individuels.
« Il n’est point dérogé aux dispositions en vigueur, qui exigent, en outre, une autre publication des arrêtés de cette nature. »
M. le ministre de la justice a proposé de remplacer la disposition finale du « 2 par la disposition suivante :
« sauf ceux dont la publicité, sans présenter aucun caractère d’utilité publique, pourrait léser des intérêts individuels, ou nuire aux intérêts de l’Etat. »
M. Sigart – Je dois demander une explication sur la portée de cette disposition. Il me semble que, dans notre gouvernement, la publicité doit être la règle, et que les restrictions à la publicité ne doivent être que des exceptions qu’il faut renfermer dans des limites aussi étroites que possible. Je trouve que la rédaction proposée est un peu élastique, et je désirerais que M. le ministre de la justice ou M. le rapporteur voulût bien m’éclairer sur la portée de cette rédaction.
M. Lys, rapporteur – Je répondrai à l’honorable M. Sigart, que cette question a été examinée très attentivement par la section centrale, et qu’on nous a cité l’exemple d’arrêtés dont nous avons cru que la publication ne devait point avoir lieu. C’est ainsi qu’on nous a cité des arrêtés relatifs à l’exercice du droit de grâce ; il est certain qu’on ne peut pas faire publier des arrêtés qui accordent grâce d’une peine quelconque à un condamné, car ce serait en quelque sorte renouveler la peine, rendre de nouveau publique la condamnation qui avait été prononcée. Il peut y avoir également des inconvénients à publier des dispenses d’âge ou de parenté accordées par le Roi en ce qui concerne les mariages ; ces dispenses sont souvent accordées pour des motifs qu’il ne convient pas de publier. Voilà deux genres d’arrêtés qu’en vertu de l’art. 4 on se dispensera de publier. Vous voyez, messieurs, que la publicité reste la règle et que la non-publicité sera une exception extrêmement rare. Les seuls arrêtés qu’on pourra ne pas publier sont ceux dont la publicité serait de nature à pouvoir nuire à des particuliers et n’offrirait, d’un autre côté, aucune espèce d’utilité.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – J’adhère d’abord aux explications données par l’honorable M. Lys ; mais il est une 3e catégorie d’arrêtés qu’il ne convient pas de publier : ce sont ceux qui accordent des secours. Il y a au budget de la justice une somme de 12,000 fr. pour donner des secours à des veuves de magistrats qui sont morts en laissant leur veuve et leurs orphelins dans l’indigence. Je pense qu’il ne serait pas convenable de publier des arrêtés qui accordent des secours aux personnes qui sont dans cette position. Cette publicité, constatant un état d’indigence, pourrait nuire à ceux auxquels ces secours sont accordés, elle pourrait être humiliante pour des veuves et enfants d’honorables magistrats.
J’ai proposé, messieurs, un changement de rédaction à la disposition de la section centrale ; il consiste à remplacer le mot publication par celui de publicité ; en effet, il y a toujours publication, soit par l’insertion au Moniteur, soit par la notification ; j’ai donc pensé que le mot publicité était plus exact.
J’ai ajouté, en outre, une expression à celle qui avait été prononcée par la section centrale, après les mots : « sauf ceux dont la publicité, sans présenter aucun caractère d’utilité publique, pourrait léser des intérêts individuels ». je propose d’ajouter : « ou nuire aux intérêts de l’Etat. » Il y a, en effet, certains arrêtés qu’il serait avantageux de ne pas publier ou au moins de ne publier qu’après un certain délai. Supposons, par exemple, que le Roi ait chargé quelqu’un d’une mission à l’étranger ; eh bien, ne serait-il pas souverainement imprudent de publier cette nomination avant la fin des négociations, cela pourrait être très-nuisible aux intérêts du pays. Je citerai encore un autre exemple : celui d’un arrêté pris dans l’intérêt de la défense du pays, d’un arrêté relatif à l’armement de forteresses. Il est évident que si l’on pouvait craindre une invasion, il serait excessivement imprudent de publier des arrêtés indiquant les mesures à prendre dans l’intérêt de la défense du pays. Voilà, messieurs, des exemples d’arrêtés dont la publicité serait très-dangereuse ; je pourrais en citer beaucoup d’autres, mais je crois que c’est inutile. Du reste, l’appréciation des cas où la publicité ne pourra pas avoir lieu sera faite sous la responsabilité ministérielle ; ces arrêtés finiront toujours par être connus et le ministre qui les aura fait exécuter (page 535) sans les publier devra, si on le lui demande, faire connaître les motifs qui l’auront déterminé à agri de cette manière.
M. Verhaegen – Cette disposition a, en effet, un caractère fort-élastique, elle donne au gouvernement une latitude beaucoup trop grande, et je crois que c’est le moment de revenir sur ce que je disais tout à l’heure relativement à des arrêtés qui, au premier abord, pourraient n’être considérés que comme se rattachant uniquement et exclusivement à des intérêts individuels, et qu cependant, vus de près, intéressent le pays tout entier ; ainsi je parlais tout à l’heure de certains arrêtés conférant des titres de noblesse ou des décorations. On pourrait, à la manière dont on entend les choses, soutenir que ce sont là des arrêtés qui ne concernent que des intérêts individuels, et qui, par conséquent, ne doivent être insérés au Moniteur que par extraits. Je dois le répéter : si le gouvernement l’entend ainsi, il serait dans l’erreur ; les arrêtés conférant des titres de noblesse, les arrêtés conférant des décorations, ne concernent pas uniquement des intérêts individuels ; ces arrêtés, de nature à faire apprécier la marche, la politique du gouvernement, doivent être soumis au contrôle du pays auquel il importe de savoir non-seulement que tels et tels individus ont été décorés, mais pourquoi ils ont été décorés, comme il lui importe de savoir pourquoi tel ou tel individu a été nommé chevalier, baron, comte ou marquis, quelle que soit d’ailleurs la valeur que l’on attache ou que l’on n’attache pas à ces titres. Si on se bornait à des extraits d’arrêtés à cet égard, le but serait loin d’être atteint.
Je demande donc à M. le ministre de la justice de me dire par oui ou par non si les arrêtés conférant des titres de noblesse ou des décorations seront insérés en entier ou seulement par extraits. Je pense, messieurs, qu’ils doivent être insérés en entier. Je demanderai aussi à M. le ministre, si les arrêtés approuvant des donations, des transmissions de propriétés à des établissements quelconques et entre autres à des églises ou corporations, seront aussi insérés comme naguère il nous en avait fait la promesse solennelle.
M. Delfosse – Messieurs, j’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi sur la péréquation générale de la contribution foncière. C’est un projet de loi très-urgent.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le rapport est très-court, la section centrale et le gouvernement ayant été d’accord. Je demanderai que le rapport soit imprimé immédiatement et distribué demain.
M. le président – Il le sera peut-être ce soir.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je proposerai de le mettre à l’ordre du jour pour lundi prochain. L’objet est de la dernière urgence, sous un double rapport ; d’abord, nous pourrions manquer de ressources pour le trésor, si les rôles fonciers n’étaient pas confectionnés dans un bref délai ; ensuite, ces rôles sont indispensables pour les listes électorales ; si la loi n’était pas votée de suite, nous serions peut-être dans le cas de ne pas pouvoir satisfaire aux prescriptions de la loi électorale.
- La chambre, consultée, met le projet de loi à l’ordre du jour de lundi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, on rendra sans doute hommage à la pensée qui a présidé à la rédaction du projet de loi ; on reconnaîtra que, par ce projet, le gouvernement appelle la publicité la plus entière sur tous ses actes.
Abordant les questions qui m’ont été posées par l’honorable M. Verhaegen, je dis que, quant aux arrêtés conférant la décoration de l’ordre de Léopold, ils devront être insérés textuellement dans le Moniteur, puisque la loi d’institution de l’ordre de Léopold le prescrit en termes formels, et que nous maintenons cette prescription par le dernier § de l’art. 4.
Quant aux titres de noblesse, les arrêtés qui les confèrent ne devront être insérés que par extrait, aucune disposition de loi ne prescrivant d’indiquer les motifs pour lesquels ces titres sont conférés.
Quant aux arrêtés autorisant des bureaux de bienfaisance, des hospices, des fabriques d’église, etc, à accepter des donations, ils seront tous insérés au Moniteur par extraits ; j’en prends l’engagement formel, et du reste la loi m’en fait un devoir. Je prends avec plaisir le même engagement pour tous les arrêtés quelconques qui sont revêtus de mon contre-seing.
M. le président – Personne ne demandant plus la parole, je mets d’abord aux voix l’amendement de M. le ministre de la justice, consistant à substituer dans l’art. 3 les mots : « dans le mois de leur notification », aux mots : « dans les vingt jours de leur date ».
- Cet amendement est adopté.
L’article 3 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Néanmoins, les arrêtés royaux qui n’intéressent pas la généralité des citoyens, deviendront obligatoires à dater de la notification aux intéressés. »
« Ces arrêtés seront, en outre, insérés par extraits au Moniteur, dans le délai fixé par l’article précédente, sauf ceux dont la publication, sans présenter aucun caractère d’utilité publique, pourrait léser des intérêts individuels.
« Il n’est point dérogé aux dispositions en vigueur, qui exigent, en outre, une autre publication des arrêtés de cette nature. »
M. le ministre de la justice propose de remplacer la disposition finale du § 2 par la disposition suivante :
« sauf ceux dont la publicité, sans présenter aucun caractère d’utilité publique, pourraient léser des intérêts individuels, ou nuire aux intérêts de l’Etat. »
- L’amendement est mis aux voix et adopté.
L’art. 4, ainsi modifié, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Le gouvernement fera réimprimer, dans un recueil spécial, les lois et arrêtés d’une application usuelle, avec une traduction flamande pour les communes où l’on parle cette langue.
« Ce recueil sera adressé directement aux communes, immédiatement après l’insertion des lois et arrêtés au Moniteur. »
M. le ministre de la justice propose :
1° De supprimer dans le premier paragraphe les mots : d’une application usuelle ;
2° D’ajouter avant le dernier paragraphe, le paragraphe suivant :
« Néanmoins ne seront pas imprimés dans ce recueil, les lois et arrêtés dont l’objet est purement individuel ou local. »
Les deux amendements sont successivement mis aux voix et adoptés.
L’art. 5 ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. le Moniteur et le Recueil des lois et arrêtés seront envoyés gratuitement aux membres des chambres législatives et aux autorités et fonctionnaires à désigner par le gouvernement.
« Le prix d’abonnement du Recueil et du Moniteur sera fixé par le gouvernement, d’après le chiffre du prix de revient.
« Les communes devront d’abonner au Recueil ; elles pourront s’abonner au Moniteur. »
(Rédaction de la section centrale, et à laquelle M. le ministre de la justice déclare se rallier.)
M. Jadot – Cet article porte qu’indépendamment des membres des chambres législatives, des fonctionnaires recevront également gratis le Moniteur et le Bulletin ; je crois toutefois devoir faire remarquer qu’il y a une différence très-grande entre tous ceux qui recevront les feuilles gratis. Les membres des chambres peuvent disposer, comme bon leur semble, des feuilles qu’ils reçoivent mais les autres fonctionnaires n’en sont que dépositaires, et doivent les remettre à leurs successeurs. Je demande s’il n’y aurait pas lieu de faire cette distinction dans la loi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – L’observation de l’honorable M. Jadot est trés-juste ; mais les lois existantes ont prévu le cas dont il parle. L’article 14 de l’arrêté du 8 pluviôse an III, confirmé par l’arrêté du 10 frimaire an IV, déclare que le fonctionnaire remplacé doit transmettre sa collection à son successeur.
M. Fleussu – J’ai demandé la parole pour répondre une observation qui a déjà été faite dans la séance d’hier ; elle concerne le dernier § de l’article 6.
« Les communes, est-il dit dans ce §, devront s’abonner au recueil ; elles pourront s’abonner au Moniteur. »
L’on a cru voir un danger dans ce qui n’était véritablement qu’une faculté ; mais c’est une faculté que je crois inutile d’insérer dans la loi.
Le projet primitif obligeait les communes à s’abonner au Moniteur ; il y a eu une modification réclamée par les quelques sections et la section centrale, et consentie par M. le ministre de la justice. De là vient la rédaction actuelle qui est plus ou moins vicieuse, et qui pourrait donner lieu à une fausse interprétation.
On a donc dit que l’abonnement au Moniteur ne serait plus obligatoire, qu’il n’y aurait plus d’obligatoire que l’abonnement au Recueil de lois et arrêtés.
Maintenant qu’il est évident qu’il est tout à fait inutile de dire que les communes peuvent s’abonner au Moniteur, c’est un droit qu’elles ont et qu’on n’a pas besoin de leur donner dans la loi ; mais si vous laissiez la rédaction telle qu’elle est, il pourrait en résulter que si une commune manifestait le désir de s’abonner au Moniteur, et que l’autorité supérieure jugeât que la commune n’a pas assez de ressources pour faire cette dépense, l’autorité supérieure serait peut-être impuissante à empêcher la dépense. Telle n’a pas été sans doute l’intention de la section centrale ; elle a voulu laisser les communes sous la dépendance hiérarchique. Or, je voudrais, pour couper court à toute équivoque, que l’on effaçât dans le dernier § les mots : « elles pourront s’abonner au Moniteur. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je ne m’oppose pas à la suppression de ces mots, dès l’instant où il est entendu que cette suppression n’entraîne pas une interdiction pour les communes de s’abonner au Moniteur (Non ! non !)
M. Huveners – Je demanderai à M. le ministre de la justice s’il est dans l’intention d’envoyer le Moniteur aux juges de paix.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je me suis déjà occupé de la liste des fonctionnaires auxquels le Moniteur sera envoyé, et les juges de pays y sont compris.
M. Mast de Vries – Je désire savoir ce que M. le ministre de la justice entend par abonnement au Moniteur ? Serait-ce un abonnement proprement dit, un abonnement ordinaire ? ou sera-ce un abonnement calculé sur le prix de revient ?
M. Devaux – Je pense que nous ferions mieux de supprimer le paragraphe 2.
D’abord, qu’est-ce que le prix de revient du Moniteur ? Dans ce prix, comprend-on le prix de la sténographie de la chambre, laquelle constitue une grande partie de la rédaction du Moniteur ? Y comprend-on les employés du Moniteur, qui figurent comme des employés du ministère ?
Voilà déjà deux points qu’il faudra éclaircir, car suivant qu’on les admet ou qu’on ne les admet pas, le prix du Moniteur pourra être considérablement changé.
Ensuite, il est impossible de fixer le prix de revient. Vous dites que vous fixerez l’abonnement suivant le prix de revient ; par là vous voulez que l’abonnement couvre le prix de revient. Or, comment voulez-vous décider que l’abonnement couvrira le prix de revient ? Je ne sais pas le nombre d’abonnés du Moniteur, mais enfin je suppose qu’il ait 300 abonnés ; je suppose ensuite qu’il y ait un déficit de 3,000 fr. Vous direz donc « qu’il faut proportionner l’abonnement au prix de revient ; comme il y a un déficit de 3,000 fr., je dois augmenter le revenu de l’abonnement, de manière à pouvoir couvrir ce déficit. » Or, il est très-possible qu’en augmentant le prix d’abonnement, loin d’augmenter le prix par lequel vous voulez couvrir le prix de revient, vous le diminuiez. C’est là une question fort contestée entre les journalistes, que celle de savoir s’il y a plus de bénéfices à espérer des abonnements à bon marché que des abonnements donnés à un prix plus élevé.
Je dirai d’ailleurs que la question ici se rattache à une autre question qui, dans tous les cas, devrait être résolue auparavant, je veux parler de la question du timbre et de la franchise de port.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, ces expressions : « d’après le chiffre du prix de revient » se trouvaient dans le projet primitif, alors qu’il s’agissait d’envoyer le Moniteur à toutes les communes et de fixer le prix le plus bas possible. Je reconnais qu’il est difficile de fixer le prix de revient d’un journal, puisque cela dépend du nombre des abonnés. Le gouvernement s’était réservé de le fixer annuellement et le plus bas possible. Je ne m’oppose pas à cette mention.
M. de Theux – Maintenant que ce n’est que le recueil officiel que les communes sont tenues de recevoir, je pense qu’il est dans l’intention du gouvernement de ne le leur faire payer que de manière à recouvrer les frais.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Certainement.
M. de Man d’Attenrode – J’ai demandé la parole pour appuyer ce que vient de dire l’honorable M. Fleussu, et pour proposer d’amender le troisième paragraphe de l’art. 6 dans le sens de l’observation qu’il a faite.
Je propose de le rédiger de la manière suivante :
« L’abonnement au recueil est obligatoire pour les communes. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
Le § 1er de l’art. 6 est également adopté.
Le §2 est mis ensuite aux voix ; il n’est pas adopté.
L’art. 6, tel qu’il a été modifié, est mis aux voix et adopté dans son ensemble
- La séance est levée à 4 heures et demie.