(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 455) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction du procès-verbal est adoptée.
M. Thienpont,. présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des habitants de Molenbeek-Saint-Jean demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »
« Même demande d'habitants de Bruxelles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réforme électorale.
« Le sieur Martin, ancien chef de convoi des chemins de fer de l'Etat, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir les indemnités qui lui seraient dues par le département des travaux publics. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Salviniac, combattant de septembre, demande une récompense nationale et la pension dont jouissent les décorés de la croix de Fer ou du moins un secours annuel et permanent. »
- Même renvoi.
« Le sieur Stasse demande la révision des tableaux des distances légales par chemin de fer qui ont été arrêtés pour le calcul des frais de route. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Les sieurs Vandergracht et Van Eelvelde, membres délégués du comice agricole et des administrations communales du canton de Moll, prient la Chambre d'accorder, avec la garantie d'un minimum d'intérêt, la concession d'un chemin de fer d'Herenthals au chemin de fer Liégeois-Limbourgeois, en traversant les principales communes du canton de Moll. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le gouverneur du Hainaut adresse à la Chambre 124 exemplaires de l'annexe au rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province de Hainaut pendant l'année 1865. »
- Distribution aux membres de la Chambre.
M. Hymans. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Lesoinneµ. - Messieurs, je viens appuyer les observations que mon honorable ami M. Mouton vous a présentées relativement à l'achèvement de la station intérieure à Liège et à la jonction de la station des Guillemins avec celle du chemin de fer Liégeois-Limbourgeois au faubourg Vivegnis.
J'appellerai également l'attention de M. le ministre sur la nécessité de la construction de la passerelle qui a été promise pour remplacer le viaduc qui existait à travers la station des Guillemins. Les habitants de la localité sont très gênés pour arriver jusqu'à la station ; et pour ne pas faire éprouver à leurs propriétés une trop grande dépréciation, il est juste de leur accorder ce passage qu'ils réclament pour remplacer la voie charretière dont ils jouissaient auparavant.
J'appellerai encore l'attention de l'honorable ministre sur un autre point.
Pour élargir la station des Guillemins vers le côté sud, on a été obligé de déplacer la rue qui longeait la station de ce côté. A l'heure qu'il est, ce travail est à peu près terminé, mais la rue n'est pas pavée ; il en résulte que la circulation y est presque impossible ; cela est très gênant pour les habitants d'une partie du quartier de Fragnée, ainsi que pour ceux du vallon de Sclessin, qui sont obligés de faire un grand détour pour arriver à la station.
Ce travail est peu considérable et n'occasionnera qu'une faible dépense ; je ne doute pas que M. le ministre des travaux publics voudra bien donner les ordres nécessaires pour que ce travail soit promptement exécuté.
Je me bornerai à ces quelques observations, en recommandant les divers travaux à la bienveillante attention de M. le ministre.
M. Julliot. - Messieurs, puisque M. le ministre des travaux publics nous engage à parler si nous avons quelque chose à dire, ce qui prouve que l'honorable ministre ne craint pas le feu, j'engagerai le gouvernement à être moins difficile qu'il ne l'est sur l'octroi des concessions de chemins de fer ; je l'engage en même temps à se réserver une plus large part d'autorité policière, dans l'intérêt de la sécurité, sur les lignes, concédées.
Je vais donc, en quelques mots, analyser les conséquences antiéconomiques et injustes qui résultent de ce double système en présence, à savoir : la possession et l'exploitation d'une partie de nos chemins de fer par l'Etat, et d'une autre partie par des compagnies concessionnaires.
Déjà hier, M. le ministre nous a dit qu'il était arrêté dans la baisse des tarifs, de crainte de nuire aux sociétés concessionnaires.
Eh bien, dans cette considération, le mauvais bout de l'oreille, résultant de cette situation, s'est déjà montré. Mais ce n'est que le petit côté de la question. Vous allez le voir.
L'Etat belge exerce l'industrie de la construction et de l'exploitation des chemins de fer.
Le gouvernement se réserve en outre le droit d'accorder ou de refuser les concessions demandées, et ce d'après son libre arbitre.
Et quand les lignes demandées viennent en concurrence quelconque avec les siennes, il en refuse la concession.
Et cela devient quelque peu affaire de boutique.
L'Etat belge a donc le monopole de cette industrie dont il ne se départ que quand cela lui convient.
Cet état de choses, dans un pays libre, où tous combattent pour vivre, crée des injustices criantes et refuse à de nombreuses populations le droit d'égalité devant la loi économique, non pas par la nature des choses, mais par le fait ou l'abstention calculée du gouvernement.
Et ceux qui restent privés de cet instrument de travail indispensable, sont et restent victimes d'un monopole peu en harmonie avec nos institutions libérales ; car, pour moi, le libéralisme ne consiste pas tout entier dans une entrée en campagne, flamberge au vent, contre les moines.
Messieurs, quand le gouvernement construit des chemins de fer avec les deniers des contribuables, il établit une inégalité considérable entre les intérêts rivaux qui sont desservis et ceux qui en restent éloignés, il terrasse les uns au profit des autres.
Le cadeau d'un chemin de fer est une protection qui dépasse toutes celles qui figuraient sous d'autres formes dans nos lois.
(page 416) Quand je soumets cette proposition aux satisfaits les plus honnêtes, je ne dirai rien des autres, ces satisfaits me répondent par une impossibilité, ils me disent : Il faut que le gouvernement donne des chemins de fer à tout le monde.
Or, à l'impossible nul n'est tenu ; mais du moment que le gouvernement rompt, par son action, l'équilibre économique, il y a obligation morale pour lui à permettre qu'on ramène cet équilibre par les demandes en concession qui se présentent.
Je laisse de côté la gêne financière du moment, je me contente de raisonner principes.
Différentes demandes de concessions sont en instance ; il en est deux entre autres qui demandent une ligne d'Aix-la-Chapelle par Tongres et Looz à Bruxelles, et une troisième qui propose une ligne de Liège par Looz à Hasselt ; la section centrale y est très favorable, car elle recommande vivement ces concessions, mais le gouvernement les refuse net. Le refus de concessions sous prétexte de nuire au trésor de l'Etat est une vieille théorie usée, à laquelle un homme progressif ne doit plus s'accrocher.
Selon moi, il faut donner les concessions qu'on demande et le pouvoir esquivera une grande responsabilité et ne sera plus injuste, il évitera d'être la source de fortune des uns et celle de la ruine des autres. Quand le gouvernement déplace par son fait la fortune des individus, favorisant les uns aux dépens des autres, il est un peu partageux sans le savoir ; la forme diffère, mais le fond y est.
Si les lignes demandées sont si utiles qu'elles vont nuire aux recettes de l'Etat, vous reconnaissez implicitement que cette perte que subirait l'Etat et qui serait supportée par la généralité, pèse actuellement toute seule sur ces parties déshéritées, et je me demande si, en justice, vous avez le droit d'empêcher ces contrées de s'égaliser devant la loi économique par l'octroi d'une concession.
Lés intéressés à la ligne demandée sont-ils responsables du mauvais tracé de la ligne de l'Etat, et ne vaut-il pas mieux répartir la perte sur tous que de la faire peser éternellement sur un groupe, qui ne demande que la liberté d'action. Evidemment, la cause est entendue et décidée contre le pouvoir qui refuse.
Messieurs, dans la discussion du budget de l'année dernière et à la fin de cette discussion, l'honorable ministre des travaux publics a décidé un point qui m'a étonné.
il nous a dit que, tant que les lignes ferrées en exécution n'étaient pas achevées, il ne donnerait pas de nouvelles concessions, parce que trop de capitaux sont engagés.
Mais où l'honorable M. Vanderstichelen, qui n'est pas ministre des finances, a-t-il puisé le droit de se constituer le tuteur de tous les capitaux, même des capitaux étrangers ? Et si le trop-plein des capitaux anglais, russes ou italiens, par exemple, voulait venir s'abattre sur des chemins de fer belges, comment le ministre s'y prendrait-il pour en empêcher l'introduction à la frontière ? J'espère bien que cela n'était dû qu'à la chaleur de l'improvisation, mais que l'honorable ministre pense avec moi que chacun est responsable des entreprises qu'il croit utiles à tort ou à raison et qu'il ne voudra pas se substituer, en fait de responsabilité, à tous les financiers belges et étrangers, car quand les soins paternels du gouvernement vont trop loin, ils tuent l'énergie des populations. Ayons au contraire confiance dans la liberté et nous n'en serons pas plus malades.
Je dis donc au gouvernement. Soyez large dans l'octroi des concessions et vous serez juste en proportion. Soyez sévère sur l'exploitation et vous donnerez la sécurité.
Messieurs, je termine par une interpellation que je fais à l'honorable ministre des travaux publics, sur la non-exécution du cahier des charges du chemin de fer concédé de Liège à Hasselt. Quand la société Liégeoise-Limbourgeoise a obtenu la concession du chemin de fer de Bilsen à Tongres, elle a mis plus de deux ans à construire 14 kilomètres et le travail est assez régulièrement fait.
Mais, quand on lui a accordé le prolongement de Tongres à Liège, Vivegnis et Ans, elle a construit dans les vingt kilomètres en quelques mois, parce qu'elle était pressée de jouir de cette communication d'une utilité capitale.
Aussi, messieurs, le travail s'en est-il ressenti, et sans être du métier on reconnaît que cette ligne est construite dans des conditions offrant de grands dangers pour la sécurité, et le travail n'est pas achevé.
La compagnie a contracté l'obligation d'établir une halte entre Hoesselt et Tongres ; un arrêt de la cour de Liège en a fait état dans l'expertise des terrains à exproprier, eh bien, elle n'en a rien fait, on n'en parle plus. C'est lettre morte pour la compagnie.
La ville de Tongres a fait de grands frais pour établir de larges trottoirs en pierres cubiques jusqu'à l'entrée de la station, mais la société qui devait compléter cet accès par un pavage long de cinquante mètres sur son terrain, afin d'arriver à la porte de la station, n'en a rien fait.
Arrivé dans la station, vous piétinez dans une terre argileuse détrempée en temps de pluie et vous êtes couvert de boue.
La station des marchandises, qui est séparée de celle des voyageurs, est dans les mêmes conditions et quand le voiturier arrive à l'entrée de cette station, il se demande s'il ne doit pas renforcer son attelage d'un cheval d'allégé.
M. le ministre des travaux publics a reçu une pétition de l'administration locale et de nombreux habitants qui dénoncent cette inexécution du cahier des charges et demandent que le gouvernement fasse son devoir.
Je prie donc l'honorable ministre de nous dire, s'il reconnaît que les art. 8, 9, 14 et 16 du cahier des charges, que j'ai sous la main, obligent la compagnie à donner, un accès convenable à l'entrée de ses stations et si M. le ministre est disposé à faire exécuter immédiatement par cette compagnie les clauses du contrat qu'elle a souscrit, car non seulement il y a pour cette société obligation matérielle de l'exécuter, mais aussi il y a pour le gouvernement obligation morale de faire exécuter.
La compagnie liégeoise a cédé l'exploitation de ce railway à une compagnie hollandaise et depuis elle croit pouvoir s'en laver les mains.
Je tiens donc à ce que l'on décide ce qui reste à faire et que surtout chacun fasse son devoir, comme je fais le mien.
M. Descamps, rapporteurµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre, en quelques mots, aux allusions faites hier, par l'honorable M. Vermeire, à l'opinion émise par la section centrale dans son rapport.
La section centrale a approuvé, d'une manière unanime et complète, le principe de la grande réforme économique inaugurée par M. le ministre des travaux publics ; loin de censurer en quelque sorte le gouvernement, ainsi que l'a dit l'honorable M. Vermeire, la section centrale a émis, au contraire, le vœu que, si les résultats obtenus consacrent le côté avantageux des réformes introduites, ces réformes soient étendues aux transports à petites distances ; enfin, elle a ajouté qu'elle serait heureuse de voir que le résultat de l'expérience que vient de tenter M. le ministre des travaux publics lui permît de compléter bientôt son œuvre sous ce rapport.
Mais la section centrale s'est demandé s'il n'eût pas été nécessaire que l'introduction des nouveaux tarifs fût précédée de l'agrandissement des installations encore insuffisantes, de l'augmentation du matériel roulant, de certaines mesures, enfin, dont l'effet eût été, surtout, de diminuer autant que possible, les chances de détériorations très rapides et par conséquent onéreuses pour le trésor, qui menacent peut-être actuellement le réseau national.
A part cette restriction, nous partageons complètement les opinions de M. Vermeire ; il est cependant un point de son argumentation que nous ne pouvons admettre comme exact. Faisant allusion aux calamités qui ont atténué, en 1866, le développement des rapports sociaux, et par conséquent le trafic des chemins de fer, l'honorable M. Vermeire ajoute :
« Si, malgré toutes ces circonstances défavorables, si malgré l'abaissement du tarif des marchandises et de celui des voyageurs, nous nous sommes encore trouvés dans une situation tellement favorable, qu'au lieu d'avoir à constater un déficit, nous aurons encore une augmentation de recette, il me semble que la section centrale n'était pas autorisée à dire qu'il faut tâcher d'établir l'équilibre entre nos recettes et nos dépenses. »
Ici, messieurs, nous ne sommes plus d'accord avec l'honorable M. Vermeire, car si, ce que nous sommes en mesure d'affirmer, certaines parties du matériel sont défectueuses, un chiffre de recettes, égal ou même supérieur à celui qui était amené par les anciens tarifs, ne prouve pas que l'équilibre soit maintenu actuellement entre nos recettes et nos dépenses de toute nature.
Il pourrait, au contraire, arriver un cas, et j'aime à croire qu'il n'est pas applicable aux faits actuels, il pourrait arriver un cas, dis-je, où l'élévation de plus en plus grande des recettes brutes correspondît à une charge de plus en plus onéreuse au trésor ; c'est celui où l'usure du matériel fixe et roulant, conséquence d'un mouvement développé outre mesure, (page 457) exigerait des renouvellements anomaux, c'est-à-dire trop fréquents.
L'honorable M. Vermeire a négligé, dans son calcul, cet élément important de la dépense ; élément qui n'est pas très apparent au premier abord, car si l'usure du matériel se produit tous les jours, elle ne manifeste tous ses effets, toute son influence, qu'au bout de quelques années seulement.
Est-ce à dire, toutefois, que, cet équilibre n'existât-il plus entre les recettes et les dépenses, il faudrait chercher à le rétablir au moyen d'une augmentation de tarif ?
Nous n'avons dit cela nulle part, et nous ne le pensons pas plus que l'honorable M. Vermeire.
Ce que nous voulons, c'est que l'administration du chemin de fer, sans revenir sur ses pas, sans recourir, par conséquent, à l'élévation de ses tarifs actuels, maintienne, au moyen d'économies fortes et bien entendues, l'équilibre entre les recettes et les dépenses.
Et quand nous parlons d'économies, messieurs, nous n'entendons point que l'on recoure au système de mesquines réductions qui n'ont presque toujours pour effet que de désorganiser les services établis.
Ce que nous voulons donc, c'est le. maintien des transports à bon marché et, pour y arriver, la suppression des rouages administratifs inutiles, une forte organisation de la surveillance et de l'entretien des lignes, et surtout la consolidation du matériel roulant et fixe de la voie, de manière à le mettre, au fur et à mesure, au moins, des renouvellements, en état de résister longtemps à l'énorme fatigue que lui impose un mouvement excessivement développé.
Je crois inutile d'entrer, pour le moment, dans de plus longs détails ; j'aurai l'occasion, dans la discussion des articles, de m'étendre sur quelques-uns des points qui se rattachent à ces idées générales.
M. Van Iseghem. - Messieurs, hier l'honorable M. Delaet a entretenu la Chambre des trains de transport du poisson et a dit qu'on ne pouvait envoyer celui débarqué à Anvers, qu'une fois par jour, au tarif n°2.
L'année dernière, à la séance du 3 février, je me suis également plaint qu'il n'y eût qu'un seul train partant d'Ostende pour amener le poisson dans l'intérieur du pays au prix du tarif n°2, ce train partant le soir. J'ai appelé alors sur ce fait l'attention bienveillante de M .le ministre des travaux publics.
Or, n'est-il pas pénible de voir que le poisson qui arrive à Ostende dans la soirée et pendant la nuit, doive rester jusqu'à 7 heures du soir pour être transporté, ou bien les expéditeurs doivent payer le prix de la grande vitesse, 10 centimes par kilogramme.
J'insiste donc de nouveau sur les détails dont j'ai entretenu la Chambre l'année dernière. Tout le monde a intérêt d'avoir le poisson à aussi bon compte que possible, le coût du transport exerce une certaine influence sur le prix du poisson, et principalement sur le poisson commun qui est en grande partie l'alimentation du peuple.
Du moment que les consommateurs pourront faire venir des ports de mer à un prix de transport modéré le poisson par plusieurs convois par jour, ils ne devront plus passer par des intermédiaires, qui font élever toujours le prix du poisson.
En présence de ces considérations, je ne doute pas que M. le ministre des travaux publics ne consente au transport du poisson frais par tous les trains ordinaires de voyageurs, tout en maintenant l'organisation actuelle pour les transports du poisson à l'étranger.
J'appelle de nouveau aussi l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le tarif différentiel du chemin de fer du Nord, quant au transport du poisson.
Plusieurs membres ont entretenu la Chambre de l'insuffisance de certaines stations, je crois devoir élever aussi la voix en faveur de la station d'Ostende qui a également besoin d'être agrandie. En été elle est beaucoup trop petite pour les nombreux voyageurs qui arrivent, et puis l'entrée est très difficile à cause des fortifications ; cette entrée doit absolument être déplacée, aussi le gouvernement est d'accord sur ce point et le plan est déjà prêt. Je recommande aussi cet objet à l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics et j'espère que les crédits nécessaires pour ces travaux seront compris dans une prochaine demande de crédit.
(page 459) MtpVSµ. - Messieurs, je viens m’acquitter de la dernière partie de ma tâche, en répondant, le plus succinctement possible, aux observations qui, parmi celle qui se sont produites, réclament plus spécialement des explications. Ce sont les observations générales ou les demandes les plus précises de renseignements adressées au gouvernement.
Quant aux observations qui ont été faites comme simple indication de points à examiner par mon département, il en sera, je n'ai pas besoin de le dire, tenu bonne note, et l'examen, réclamé directement ou indirectement, sera fait avec bienveillance.
M. Coomans. - Oui !
MtpVSµ. - Je ne pense pas que l'honorable M. Coomans ait le droit de douter de la bienveillance que mon département met dans l'examen des questions qui lui sont déférées.
M. Coomans. - Je n'ai rien dit du tout.
MtpVSµ. - Je ne puis admettre la théorie qui a été émise, il y a un instant, par l'honorable M. Julliot quant à la conduite à tenir par le gouvernement dans la question des concessions de chemins de fer qui lui sont demandées.
L'honorable membre pense que le gouvernement devrait accorder tout ce qui lui est demandé.
M. Julliot. - A peu près.
MtpVSµ. - A peu près. Je crois, moi, que le gouvernement doit faire à peu près l'inverse. J'ai mis, en ce qui me concerne, une sévérité d'autant plus grande dans l'examen des concessions qui étaient sollicitées du gouvernement, que j'ai acquis une plus grande expérience de ces sortes d'affaires. Je crois que l'on ne peut agir avec trop de réserve quant aux garanties que le gouvernement a le droit d'exiger des demandeurs en concession.
Divers membres de cette Chambre me demandaient l'autre jour des nouvelles des concessions accordées dans ces dernières années.
La liste des concessions qui sont en souffrance pourrait être beaucoup étendue, et je n'aurais à faire qu'une réponse générale : une concession octroyée n'est pas une concession ayant derrière elle les capitaux nécessaires à son exécution.
Je suis prêt à accorder toutes les concessions qu'on me demandera, si l'on me prouve que les capitaux nécessaires pour achever le travail, existent. Dans le cas contraire, on favorise souvent les œuvres d'agiotage.
- Plusieurs membres. - C'est cela !
MtpVSµ. - Eh bien, c'est un très grand mal pour les chemins de fer et il faut couper ce mal par sa racine en se montrant d'une extrême sévérité. Combien n'avons-nous pas de concessions qui ont été accordées, dont quelques-unes même remontent à un quart de siècle, et qui figurent comme lettres mortes dans les lois qui remplissent les archives de la Chambre ?
Ce mal de voir une concession accordée non suivie d'exécution n'est pas le seul qu'il faille prévenir ; une concession demandée et obtenue par un faiseur (je ne puis pas appeler d'un autre nom certains demandeurs en concession), empêche les concessionnaires sérieux de se présenter. Voilà un second mal.
M. Julliot. - On fixe un délai.
MtpVSµ. - Vous fixerez un délai ; vous n'aurez pas votre chemin de fer pour cela !
Nous faisons bien plus que fixer un délai ; nous demandons un cautionnement. Jusque il y a quelques années, on se contentait de ce qu'on appelait le cautionnement provisoire, qui était de 100,000 francs par concession ; et l'on ajournait à une époque ultérieure le dépôt du cautionnement définitif, lequel est calculé à raison de 3 p. c. du capital présumé nécessaire pour la construction du chemin de fer.
J'ai modifié ces conditions ; je n'ai plus voulu accepter qu'un cautionnement définitif avant d'accorder une concession. Eh bien ! cette condition même ne garantit pas d'une manière suffisante l'exécution des lignes demandées.
M. de Mérodeµ. - Parce qu'il n'y a pas d'argent.
MtpVSµ. - Evidemment ! Le cautionnement définitif vaut mieux que le cautionnement provisoire, mais ne suffit pas pour assurer le capital.
Il y a donc beaucoup de lignes qui chôment ; heureusement nous avons un prétexte spécieux à faire valoir, en ce moment, lorsqu’il s’agit des retards apportés à l’exécution des concessions. C’est la crise financière. Il n’y a pas d’argent sur le marché. Mais je ne garantis nullement (il faut être franc) que toutes les lignes concédées seraient en construction aujourd’hui si le marché n’était pas frappé d’une extrême atonie.
Les bonnes lignes, celles qui se sont trouvées dès l'origine entre des mains habiles, le seraient, oui ; les autres, non.
Je n'entre pas plus avant, dans l'examen de cette question. Je le répète, tout le monde le sait, le marché est aujourd'hui complètement inerte. Par conséquent, il est impossible de monter une affaire. Il y a beaucoup de sociétés qui sont en retard, qui font de grands efforts pour asseoir leur entreprise. J'espère qu'elles y parviendront, mais je n'en réponds pas.
L'Etat lui-même, à raison des grands engagements du trésor et de la faiblesse relative des recettes, s'est trouvé dans l'obligation de suspendre ses travaux. On ne peut évidemment être plus sévère vis-à-vis des compagnies que vis-à-vis du gouvernement.
Je dois présenter une dernière observation à ce sujet.
Lorsqu'un chemin de fer a été concédé et qu'un retard plus ou moins long est apporté à son exécution, les populations réclament et elles réclament même au sein de cette assemblée, comme si le gouvernement était moralement responsable du retard, comme s'il devait quelque chose aux populations qui ont compté qu'elles seraient prochainement dotées d'une ligne de chemin de fer.
C'est là une très grande erreur et il faut bien que les populations se pénètrent de cette vérité que le gouvernement ne leur doit rien de ce chef. Il leur doit sa sollicitude, il leur doit sa surveillance sur les-compagnies qui se sont constituées, mais il ne leur doit rien de plus.
J'ai entendu dire, à propos de tel ou tel chemin de fer, que je ne citerai point, par d'honorables membres de cette Chambre : Nos populations se plaignent d'être trompées.
Trompées en quoi et par qui ?
Messieurs, qu'est-ce que c'est qu'une loi de concession ? Une loi de concession se compose de deux choses : Un particulier ou une société s'adresse au gouvernement, à la législature, pour être investi de la faculté de construire, à titre de monopole, une certaine ligne.
Le gouvernement accorde ce monopole, voilà tout.
Si le particulier ou la société ne s'exécute pas, la concession viendra à tomber quand le délai prescrit sera expiré.
Le gouvernement n'a rien promis. Il a tout simplement autorisé ; ce qui est bien différent.
Après avoir soumis ces remarques à la Chambre, je crois pouvoir aborder, en matière de lignes concédées, l'examen rapide des points de détail que je me propose de traiter plus spécialement.
En premier lieu, l'honorable M. Allard a demandé où en était la construction des chemins de fer de Basècles à Péruwelz et de Péruwelz à Tournai, qui menacent, de passer à l'état légendaire. Heureusement la première section, celle de Basècles à Péruwelz, sera mise en exploitation le 1er mars prochain. Quant à la seconde, j'espère qu'elle suivra la première, mais je dois le dire, il se présente, dans cette affaire, des circonstances particulières qui autoriseraient et commanderaient, d'après moi, la sévérité du gouvernement si la compagnie ne. s'exécutait pas promptement quant à la section de Péruwelz à Tournai.
D'un autre côté, l'honorable M. Van Hoorde s'est plaint de l'inexécution du chemin de for de Bastogne, qui menacerait aussi de ne devoir s'achever jamais. Je regrette qu'il ait de nouveau soulevé cette question. Dans la dernière session, j'ai déclaré, au nom de la société, d'une manière précise et dans les termes les plus catégoriques, que l'exécution de la ligne serait commencée immédiatement et que celle-ci pourrait être livrée à l'exploitation dans le délai d'une année, c'est-à-dire dans le délai stipulé par la convention.
La crise financière est arrivée, et certainement elle a été suffisamment intense pour justifier le retard nouveau apporté par h compagnie dans l'exécution de ses obligations. Mais, à la différence de presque toutes les autres compagnies, la compagnie du Grand-Luxembourg s'est mise sérieusement à l'œuvre. Tous les plans de la ligne de Bastogne sont approuvés, presque tous les terrains sont acquis et un grand nombre d'ouvriers sont occupés aux terrassements. J'espère, je crois que la compagnie du Grand-Luxembourg, qui est une compagnie puissante, poursuivra désormais ses travaux sans interruption et que dans un an approximativement, la ligne de Bastogne sera mise en exploitation.
Pour ne pas quitter le Luxembourg, je dirai à l'honorable M. Bouvier qui m'a demandé ce que devenait la ligne de Virton, pour laquelle la (page 460) Chambre a voté récemment la garantie d'un minimum d'intérêt, que cette ligne est l'objet de compétitions divers quant à la direction à lui donner pour son raccordement avec la ligne du Grand-Luxembourg.
Pour échapper autant que possible à toutes les chances d'erreurs, mon département n'a pas voulu s'en rapporter aux plaidoiries si chaleureuses des diverses parties en présence, et il a chargé le corps des ponts et chaussées d'étudier d'une manière aussi impartiale que possible la meilleure direction à donner à ce chemin de fer, eu égard aux difficultés du sol. Cette étude se fait en ce moment et s'achèvera promptement.
M. Bouvierµ. - Dans un bref délai ?
MtpVSµ. - D'ici à peu de semaines.
On m'a demandé aussi à quelle époque s'ouvrirait la ligne de Spa à la frontière grand-ducale.
D'après les renseignements qui m'ont été donnés, l'ouverture serait fixée au 20 février courant, mais je dois déclarer que je n'ai reçu à cet égard aucune information officielle ; je dois ajouter en tout cas que rien ne s'oppose à l'ouverture de cette ligne.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a exprimé le désir d'obtenir des renseignements au sujet d'une réclamation de la ville de Wavre relative au tarif du transport des marchandises et des voyageurs de Wavre vers Bruxelles. J'ai la satisfaction d'apprendre à l'honorable membre qu'il vient d'être conclu, entre la société du Grand-Luxembourg et celle du Grand-Central, une convention mixte apportant de nouvelles réductions de prix pour le transport des hommes et des choses, entre Wavre et Bruxelles et je pense que cette convention sera de nature à donner pleine satisfaction à la ville de Wavre.
Pour en finir avec les chemins de fer concédés, je reconnais, avec les honorables membres qui ont appelé l'attention du gouvernement sur ce point, que les stations et les installations de la ligne de Namur à Liège sont aussi vicieuses et aussi insuffisantes que possible. La compagnie du Nord ne remplit, sous ce rapport, aucune de ses obligations, et je suis très décidé à intervenir énergiquemenl près d'elle pour qu'il soit mis fin à cet état de choses.
J'en arrive au chemin de fer de l'Etat et je rentre dans la question des tarifs, mais pour discuter seulement quelques points particuliers qui ont été soulevés dans cette enceinte. La question générale, je la considère provisoirement, c'est-à-dire si personne ne juge à propos de me répondre, je la considère comme résolue et je ne m'en occuperai plus.
Un honorable membre a conseillé de nouveaux abaissements de taxe pour les trains de banlieue ; l'honorable M. d'Hane a réclamé la mise en usage des billets de retour et d'abonnement.
Je crois avoir fait assez en matière de réduction de tarif pour avoir le droit de dire qu'à mon sens il y a lieu de s'arrêter.
Quant à un prix spécial, quant à un prix plus réduit encore pour les trains de banlieue, je crois qu'aucune considération sérieuse ne plaide en faveur de cette mesure.
L'honorable M. Dubois d'Aische, à tort selon moi, a cru pouvoir, classer les trains de voyageurs, suivant leur prétendu mérite intrinsèque, suivant leur distinction relative, en trains express, en trains ordinaires et en trains de banlieue.
Si j'ai bien compris l'honorable membre, les trains de banlieue seraient une espèce de marchandise de pacotille, permettez-moi cette expression pour bien faire comprendre ma pensée, ce seraient des trains qui ne vaudraient pas les trains ordinaires. C'est là une très grande erreur. Le train de banlieue vaut, dans sa spécialité, ce que vaut le train ordinaire ; pour le voyageur qui doit s'arrêter dans de petites localités, le train de banlieue vaut ce que vaut le train ordinaire pour le voyageur qui se rend à de plus grandes distances, dans des localités plus importantes.
Le service rendu est exactement le même ; et, par conséquent, il n'y a, je le répète, aucune raison, selon moi, pour accorder une réduction spéciale aux voyageurs des trains de banlieue.
Quant aux billets de retour, cette mesure serait justifiée, si nous n'avions pas introduit, dans le tarif des voyageurs, une réforme beaucoup plus large et beaucoup plus radicale.
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - A grandes distances !
MtpVSµ. - A grandes et à petites distances. Provisoirement la réduction n'est pas appliquée aux petites distances ; mais ce n'est que chose ajournée.
Par la publicité donnée aux tarifs nouveaux, à tous les tarifs nouveaux, même à la partie de ces tarifs qui n'est pas encore appliquée, j'ai voulu, c'est l'intention formelle épie j'ai poursuivie, prévenir le public que la réduction ne se bornerait pas aux moyennes et aux grandes distances ; qu'elle s'étendra ultérieurement aux petites distances. Quand pourra-t-on appliquer la réduction aux faibles parcours ? Je n'en sais rien ; prochainement peut-être ; cela dépendra absolument du succès ultérieur des mesures que nous avons prises quant au tarif des voyageurs et de l'influence qu'elles exerceront sur le mouvement du service intérieur. Je le répète, je ne sais pas quand ce complément de la réforme pourra être accompli ; mais ce sera évidemment le plus tôt possible.
Mais avant qu'il puisse en être ainsi, il faut nécessairement que l'ancien déficit soit comblé et qu'il ne puisse plus subsister le moindre doute sur le succès du complément de réforme que nous décréterions.
M. Coomans. - On eût mieux fait de commencer la réforme par les petites distances.
MtpVSµ. - Non, c'eut été commencer par la fin !
M. Coomans. - Pas du tout.
MtpVSµ. - Je vous demande pardon, je répète que c'eût été commencer par la fin. Quel est, messieurs, le système nouveau que nous avons substitué au système précédent ? C'est le système ayant pour base le traitement différentiel suivant les distances. Vous approuvez ce système ; seulement, vous voulez commencer par faire profiter de la différence ceux qui payent déjà le moins.
M. Coomans. - Certainement !
MtpVSµ. - Eh bien, je répète encore une fois que c'eût été commencer par la fin.
M. Coomans. - Au profit des petits.
MtpVSµ. - Non, au rebours de ce que commandait le sens commun.
Les petits accomplissent de longs parcours dans la même proportion que les autres. (Interruption.) L'honorable M. Coomans en doute ? J'aurai l'honneur de lui communiquer le tableau dont je me suis servi pour élaborer la réforme des tarifs ; ce tableau lui prouvera à l'évidence la vérité de ce que j'avance.
L'honorable M. Coomans croit que les longs voyages sont des voyages aristocratiques, des. voyages entrepris par pur caprice. C'est là une erreur. Ce qui fait voyager, ce sont les affaires et ce sont les affaires dans 99 cas sur 100. Voilà pourquoi vous trouvez sensiblement la même répartition proportionnelle du nombre des voyageurs, dans toutes les classes de voitures.
Permettez-moi d'invoquer un exemple qui fasse saisir toute ma pensée : Vous exigez, je suppose, 1 franc pour un voyage à petit parcours et 10 francs pour un voyage à grand parcours ; puis vous diminuez de 25 p. c. chacun de ces prix ; je dis que la différence de 25 centimes applicable au petit parcours, vous attirera infiniment moins de voyageurs nouveaux que ne vous en amènera la différence de 2 fr. 50 cent. applicable au grand parcours.
Voilà mon opinion.
M. Coomans. - C'est donc le tarif qui crée les affaires ?
MtpVSµ. - Mais non, le tarif ne crée pas les affaires, les affaires préexistent.
Voici l'influence qu'exerce le tarif réduit :
Je suppose un habitant de Bruxelles ayant à négocier une affaire avec un habitant de Liège ; si le voyage n'est pas très coûteux, il ira de sa personne à Liège, et il aura dix chances contre une qu'il terminera plus tôt son affaire que s'il la traitait par correspondance ; de plus, son séjour dans la ville étrangère lui fournira peut-être l'occasion de traiter et de conclure d'autres marchés en visitant d'autres clients. Telle est la grande utilité commerciale de la réforme du tarif des voyageurs.
Après cette digression, j'en reviens aux observations qui ont été développées dans cette enceinte depuis que la discussion du budget des travaux publics y est commencée.
Un honorable membre demande pourquoi les voyageurs se rendant de Mons à Anvers ne jouissent pas du bénéfice de la réduction des taxes en raison des distnnces combinées de Mous à Bruxelles et de Bruxelles à Anvers. Ma réponse est bien simple : c'est qu'il y a une lacune entre Mons et Anvers. Celle lacune est à Bruxelles. Or, si l'on devait calculer le prix de transport sur les distances combinées entre Mons et Anvers, il s'organiserait et se pratiquerait une fraude qu'il faut prévenir. (Interruption)
Vous voulez combiner les distantes entre Mons et Anvers, malgré la solution de continuité qui existe à Bruxelles et avant que cette solution disparaisse par la construction du chemin de raccordement entre les (page 461) stations du Nord et du Midi ? Pourquoi n'agiriez-vous pas de même dans un cas tout à fait identique ? Pourquoi n'anticiperiez-vous pas sur la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi, comme vous voulez anticiper sur la construction du raccordement extérieur de Bruxelles ? Attendez que ce raccordement soit établi, et ce que vous réclamez, aujourd'hui se fora naturellement.
Un membre. - Le gouvernement n'a-t-il pas fait la même chose pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ?
MtpVSµ. - Il n'y avait pas de solution de continuité entre Bruxelles et Louvain, lorsqu'on a établi la distance légale, c'est à dire un raccourcissement fictif entre ces deux villes. L'interruption n'a donc rien de fondé.
Je poursuis l'examen des observations et des critiques dont le service des chemins de fer de l'Etat a été l'objet.
L'honorable M. Braconier a critiqué le tarif de transit entre frontières de terre, ainsi que l'application du tarif intérieur au transport de certaines marchandises arrivant de l'étranger et traversant le pays pour aller à l'étranger.
Je demande à la Chambre la permission de lui faire en deux mots l'historique du tarif de transit.
Il s'agit, dans l'opinion de l'honorable membre, du transit par terre, du transit de marchandises entrant dans le pays par une frontière de terre et sortant du pays par une autre frontière de terre, par exemple de marchandises venant du dehors et allant de Herbesthal à Erquelinnes, à Mouscron ou à Quiévrain, et réciproquement ; c'est là le grand courant du transit par terre.
Eh bien, le tarif du transit par terre n'a été, dans la pensée de mon département, que la conséquence obligée du tarif adopté pour le transit par mer.
L'honorable M. Braconier n'attaque pas ce dernier tarif ; ainsi que je viens de le dire, il ne critique que le tarif réglant les transports faits entre les frontières de terre.
Voyons ce que valent ces critiques.
C'est au profit de la ville d'Anvers que le tarif de transit a été introduit. C'est par voie de conséquence qu'on l'a appliqué aux autres ports du pays, Ostende, Gand, etc.
Le transit par mer étant décrété, il a semblé à mon département qu'il fallait étendre la réduction de prix au transit par terre, sous peine de retomber dans les inconvénients des droits différentiels, abolis par le gouvernement et par les Chambres, c'est-à-dire sous peine de s'exposer à faire payer différemment suivant la provenance de la marchandise.
Voilà pourquoi l'on a adopté le transit par terre. Je l'ai décrété parce qu'il m'a semblé commandé par la logique, mais, quant aux recettes, je ne me suis jamais attendu à aucun effet appréciable de l'introduction du tarif de transit par terre.
Maintenant que s'est-il passé ? C'est que les pays voisins, c'est que les exploitations étrangères n'ont pas suivi le gouvernement belge et que celui-ci est resté tout seul, avec ses réductions pour le transit par terre, entre des exploitations étrangères maintenant sur le sol français ou allemand leurs anciens tarifs.
Telle est encore la situation aujourd'hui. Mais, après avoir vainement sollicité des sociétés étrangères qu'elles abaissassent leurs tarifs en proportion de l'abaissement qui avait eu lieu eu Belgique, j'ai trouvé que la position devait changer, et j'ai notifié dans ces derniers temps aux compagnies étrangères que je relèverais mes tarifs de transit, si elles ne modifiaient les leurs.
C'est là, messieurs, si l'on veut, un petit accroc aux principes qui excluent les droits différentiels. Mais je demande si les principes peuvent nous obliger à tendre la main à des compagnies étrangères qui la refusent, et à maintenir sur notre territoire, relativement restreint, des tarifs très bas, alors que nos voisins conservent des tarifs élevés ? Je ne le pense pas, et je le répète (cette déclaration satisfera probablement l'honorable M. Braconier), nos tarifs, quant au transit par terre, seront prochainement relevés.
L'honorable membre a soulevé une autre question. Il s'est demandé si l'on devait permettre aux marchandises étrangères de traverser le pays au prix du tarif intérieur, là où ce tarif est inférieur à celui du transit, ce qui est généralement le cas pour les marchandises appartenant à la 4ème classe du tarif des grosses marchandises décrété en 1864.
Messieurs, il faut être franc ; il faut préciser les choses ; cela vaut beaucoup mieux. Dans la pensée de l'honorable M. Braconier, le gouvernement belge a tort d'admettre au prix du tarif intérieur les charbons de la Ruhr traversant le pays.
M. Braconier. - Et les autres marchandises.
MtpVSµ. - Spécialement celle-là.
M. Braconier. - Et d'autres.
MtpVSµ. - Non, il s'agit, en réalité, de celle-là.
M. Braconier. - C'est la grande somme.
MtpVSµ. - C'est la grande somme, et c'est ce que je voulais constater. Comprenons bien la question : il n'est pas indifférent que je m'en explique. Les critiques que l'honorable membre a fait valoir se reproduisent continuellement dans certains journaux, et il convient, il est important, au point de vue du gouvernement, qu'elles soient relevées.
Nous avons donc pour les charbons (je parle des charbons pour l'exemple), un tarif intérieur très réduit. Ce tarif intérieur se compose de taxes progressivement décroissantes selon la distance, et il se trouve, comme l'a indiqué l'honorable M. Braconier, que lorsque des charbons étrangers traversent tout le pays, parcourent tout le réseau de l'Etat soit les 52 lieues qui composent ce réseau d'une extrémité à l'autre, le prix kilométrique descend à 2 centimes et une légère fraction par tonne. Est-il admissible, dit l'honorable membre, que ce prix soit rémunérateur, et puisqu'il n'est pas rémunérateur, si l'on conçoit que l'exploitation du chemin de fer fasse une gracieuseté à l'industrie belge, conçoit-on qu'elle étende cette gracieuseté à l'industrie étrangère ?
Messieurs, la question posée ainsi doit évidemment être résolue en faveur de l'honorable membre. Il doit apparaître comme prouvé à la Chambre que l'exploitation du chemin de fer fait une perte lorsqu'elle transporte 1,000 kilogrammes de charbons à 2 centimes et une fraction par kilomètre.
- Un membre. - Non.
MtpVSµ. - Mais si.
En effet, si l'on transporte à 2 1/2 centimes par kilomètre une tonne de charbon de Liège à Ans, cela fera 10 centimes pour ce parcours. Il est évident que l'Etat ne peut transporter une tonne de charbon de Liège à Ans pour 10 centimes. Mais ce n'est pas dans ces circonstances qu'on demande 10 ou 11 centimes par lieue ; c'est lorsque la marchandise parcourt le réseau entier, et lorsqu'il s'agit de transporter au minimum un waggon complet de 5 tonnes, car le prix de 2 1/2 centimes n'est applicable que lorsqu'il s'agit de 5 tonnes au moins à transporter à 50 ou 52 lieues.
La question se formule donc ainsi : fait-on encore une perte lorsqu'on transporte pour 20 fr. un waggon de houille de Herbesthal à Quiévrain ? A cette question, tout le monde répondra non ; et j'ajouterai que si nous avions beaucoup de transports de cette nature, l'exploitation s'en ressentirait de la manière la plus heureuse. Ce sont évidemment les meilleurs.
M. Braconier. - Dans des conditions spéciales.
MtpVSµ. - Pas dans des conditions spéciales, ce sont les conditions générales. Si nous avions tous les jours beaucoup de waggons parcourant notre plus longue distance et payant 20 fr., je vous assure que nous ferions une excellente opération.
Si vous voulez faire une gracieuseté, dit l'honorable membre, faites-la au profit de l'industrie belge. Nous ne faisons de gracieuseté à personne. Je n'ai pas le droit de faire des gracieusetés. Nous croyons faire une opération très bonne.
Mais si, comme je le disais en interrompant l'honorable membre, la France appliquait aux charbons belges le système qu'il préconise....
M. Braconier. - Nous ne transitons pas à travers la France.
MtpVSµ. - Soit, mais nous allons en France, et si la compagnie du Nord, soit spontanément, soit sur instigations du gouvernement français, surtaxait les charbons belges, si elle protégeait les charbons du Pas-de-Calais au détriment des charbons belges, que diriez-vous ? C'est cependant ce que vous demandez.
M. de Brouckere. - Cela n'est pas possible.
MtpVSµ. - Certainement ce n'est pas possible. Seulement, il ne faut pas s'exposer à des représailles.
J'en arrive aux réclamations soulevées par d'honorables membres relativement au transport du poisson. L'honorable M. Delaet a dénoncé hier comme une espèce de scandale (page 462) ce qui se pratiquait au sujet du poisson arrivant par le Grand Central, de la Hollande à Anvers.
Ce transport est continué, en Belgique, à l'intérieur du pays et, à plus forte raison, en transit vers l'étranger, par les convois de voyageurs. Les convois de voyageurs, au contraire, ne prennent pas le poisson arrivant dans les ports belges et en destination de l'intérieur. L'honorable membre prétend et pense avec conviction que nous avantageons le transport du poisson venant de l'étranger, que nous avantageons donc les pêcheurs étrangers au détriment des pêcheurs belges.
Voici son erreur : Au service international, les poissons sont transportés, même par les trains de voyageurs, c'est vrai. Mais, si ces transports s'effectuent ainsi à l'importation, ils s'effectuent dans les mêmes conditions à l'exportation ; c'est-à-dire qu'on transporte par les convois de voyageurs les poissons belges débarqués, la nuit, par exemple, à Anvers ou à Ostende. Ces poissons partent par les premiers convois de voyageurs pour Paris et pour l'Allemagne.
II y a donc, quant aux transports internationaux, parfaite réciprocité entre les pêcheurs étrangers et les pêcheurs belges. Donc, la mesure est inattaquable. Il y a la même justice pour tous.
L'honorable membre fait une objection. Il dit : Vous entravez l'alimentation intérieure en excluant le poisson des trains de voyageurs. J'ai déjà donné plusieurs fois l'explication de cette exclusion. J'ai constaté que les trains de voyageurs subissaient naguère un retard énorme tous les jours par suite du transbordement de petits paquets qu'on admettait à ces trains. J'ai dit que pour rendre aux trains de voyageurs la régularité qui leur est indispensable, il avait fallu en exclure les petits paquets, les petits colis de toute nature et par conséquent le poisson.
Si l'on réadmettait d'une manière générale les petits colis aux trains de voyageurs, on retomberait dans les mêmes graves et inextricables embarras. Il faut donc maintenir la mesure ; il faut la maintenir d'une manière générale ; mais pour montrer à la Chambre que je n'y mets pas de raideur, je veux examiner s'il n'y a pas moyen d'admettre les denrées alimentaires aux premiers convois de voyageurs du matin, de façon qu'elles puissent arriver encore sur les marchés intérieurs du pays utilement pour la consommation du jour. Je pense que, dans ce sens, je satisferai à toutes les réclamations.
M. Coomans. - C'est déjà beaucoup.
M. Delaetµ. - Je mc déclare satisfait quant aux faits. Quant au principe, nous ne nous entendons pas le moins du monde ; mais après la promesse que vous venez de faire, il n'y a pas d'utilité à discuter.
MtpVSµ. - Pour suivre les réclamations qui se rapportent au chemin de fer, je répéterai ce que je disais tout à l'heure aux honorables membres qui réclament divers travaux dans certaines stations, que je n'ai plus de fonds a ma disposition pour continuer même des travaux que je regarde comme urgents et de première nécessité.
Le dernier crédit mis à ma disposition est entièrement absorbé.
J'ai eu à faire certains travaux d'une urgence spéciale, notamment ceux de Liège. Le péril était trop grand pour que la demeure fût admissible. J'ai fait ces travaux à découvert, mais je ne puis pas aller plus loin dans ce système.
II n'y a donc plus d'argent et il faut attendre le vote de nouveaux crédits.
Je vais encore, messieurs, m'expliquer à cet égard d'une manière complètement franche.
Le chemin de fer doit se suffire à lui-même d'une manière générale.
Les boni faisant temporairement défaut, il faut y mettre un peu de patience. Le trésor public ne peut donner ce qu'il n'a pas. Il faudra que le chemin de fer procure de nouvelles ressources avant qu'on puisse s'adresser à la Chambre pour l'obtention de nouveaux fonds.
La situation est donc telle que la grande expérience que nous poursuivons dans la réforme des tarifs sera peut-être de nature à apporter quelque ralentissement dans les travaux de parachèvement du réseau.
Quant à moi, j'aime infiniment mieux poursuivre cette expérience qui s'annonce sous de si bons auspices et la poursuivre dans les conditions qui vous sont connues, en éprouvant pour un temps des difficultés sérieuses d'exploitation par suite de l'insuffisance de certaines installations, qu'anticiper sur un avenir que je regarde comme prochain où les boni reparaîtront, et créer des ressources quand même par la surélévation des tarifs.
A mon sens, il n’y a pas à hésiter un moment entre les deux situations.
Tout ceci mène à cette conclusion que les fonds manquent provisoirement et que j'engage les intéressés à attendre que les ressources arrivent naturellement.
Je crois qu'ils feront très bien, dans leur propre intérêt. Si M. le ministre des finances m'offre de l'argent, j'accepterai, mais je doute qu'il le fasse. Le chemin de fer doit se sauver lui-même.
Il y a, messieurs, deux stations qui se trouvent dans une position spéciale. Ce sont celles de Charleroi et de Tournai.
J'ai été très vivement attaqué à Charleroi et à Tournai pour avoir détourné, au profit d'autrès travaux, des fonds pour ainsi dire spécialement affectés par les déclarations du gouvernement aux travaux de ces deux stations.
Je dois reconnaître qu'il y a quelque chose de fondé dans cette accusation. J'ai déjà plaidé les circonstances grandement atténuantes, mais il reste toujours quelque chose du reproche.
J'ai commis, messieurs, beaucoup de ces détournements. Déjà j'avais appliqué deux ou trois fois à d'autres stations les fonds de la station de Liège.
Quoi qu'il en soit, c'est la première fois que je reçois, du chef de ces détournements, parfaitement légaux du reste, des reproches aussi vifs.
J'ai donc cherché et je veux chercher de très bonne foi à remettre les choses en meilleur état.
Quoique n'ayant plus de fonds dans le courant de l'année dernière, dans l'espoir que j'en aurais cette année, j'avais fait négocier, sur compromis, les emprises nécessaires à la construction des stations de Charleroi et de Tournai. J'ai réussi à Charleroi dans une assez large mesure, mais je n'ai eu aucun succès à Tournai, où il n'a pas été possible de faire un seul compromis. J'aviserai aux moyens de changer les compromis négociés en contrats définitifs, et, de cette façon, Charleroi obtiendra satisfaction. Je pense que les honorables membres qui ont insisté hier pour obtenir l'établissement de la station de Charleroi voudront bien reconnaître qu'on ne peut faire plus.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu m'a demandé ce que devenait le chemin de fer direct de Bruxelles sur Charleroi.
J'ai l'honneur d'annoncer à la Chambre que le plan est fait et qu'en ce moment on apporte au cahier des charges les dernières modifications qu'il réclame. Par conséquent, dans le délai de peu de semaines, l'entreprise pourra être offerte en adjudication si les circonstances le permettent.
Je dis : si les circonstances le permettent, car il faut encore s'entendre sur ce point.
Il s'agit, messieurs, d'une entreprise d'un très grand nombre de millions. Or, je me demande si le moment est bien choisi pour jeter cette affaire sur le marché. Je parle du moment où nous sommes ; je ne dis pas que d'ici à quinze jours, trois semaines, un mois, les circonstances ne changeront pas et ne viendront pas permettre d'offrir cette affaire au public.
Bien que le cahier des charges et les plans soient arrêtés, je ne mettrai cependant l'affaire en adjudication que si je puis espérer qu'il y aura concurrence et que des sociétés se présenteront dans de bonnes conditions. Autrement le trésor public pourrait y perdre des sommes considérables.
Le chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi nous conduit naturellement au chemin de fer intérieur à Liège.
Ici encore le plan est à peu près arrêté ; il est susceptible de recevoir une approbation prochaine. J'espère, d'après les derniers renseignements que j'ai recueillis, pouvoir restreindre la dépense approximativement au chiffre qui a été indiqué à la Chambre.
Il faut pour cela apporter au travail projeté toutes les économies possibles ; mais, quoiqu'il en soit, l'affaire se trouve à peu près terminée au point de vue de l'instruction qu'elle réclamait, et elle pourra également recevoir une solution prompte au point de vue technique.
Quant à la passerelle à construire dans la station des Guillemins, il y a engagement formel, mais reste la question des ressources financières. Je l'ai déjà dit, il n'y a pas d'argent, mais cette passerelle sera construite sur les premiers fonds disponibles.
Quant au détournement du chemin de fer à Anvers, c'est là une question qui a plus d'importance.
L'honorable M. d'Hane a traité cet objet. Je m'en suis déjà expliqué et je crois avoir déclaré formellement qu'il n'était pas possible au gouvernement d'assumer cette affaire.
Je ne puis que persister dans cette manière de voir.
La ville d'Anvers demande que le chemin de fer à l'intérieur de la (page 463) nouvelle enceinte soit supprimé, y compris la station, et que l'on établisse une section et une station nouvelles en contournant la ville.
La construction d'une section et d'une station nouvelles, dans les conditions indiquées par la ville d'Anvers, entraînerait une dépense qui ne serait pas de moins de 5 à 6 millions de francs.
M. Bouvierµ. - Et le trésor est à sec.
MtpVSµ. - De tous côtés on demande, et avec raison, l'amélioration de ce qui existe, mais nous avons pour cela besoin de sommes énormes.
Serait-ce agir d'une manière raisonnable que d'ajouter ce nouvel engagement à tous ceux que nous avons déjà contractés et ce pour une chose qui n'est pas nécessaire, qui n'est pas même simplement utile à l'exploitation ?
Les agrandissements de stations qu'on réclame, l'amélioration des installations du chemin de fer, tout cela est commandé par l'intérêt du chemin de fer, tandis que le détournement du chemin de fer à Anvers, non seulement n'est pas commandé par cet intérêt, mais y serait même plutôt contraire ; en effet, le détournement entraînerait un allongement de parcours assez sensible.
M. Delaetµ. - Mais ne vous engagez donc pas comme cela ; ne dépassez pas votre pensée. Vous savez bien qu'au point de vue de l'exploitation même, ce qui existe est insuffisant.
MtpVSµ. - Vous confondez deux choses : ce que vous demandez, c'est le détournement de la ligne des voyageurs et la station nouvelle que, vous demandez est une station de voyageurs. C'est ce détournement et c'est cette station que je qualifie de nuisibles plutôt que de nécessaires au chemin de fer. A côté de cela, il y a des besoins pour le service des marchandises, mais pour cet objet il y a des fonds votés.
L'honorable M. d'Hane a signalé les inconvénients et les dangers des passages à niveau. S'il s'agissait de faire un travail nouveau, il y aurait lieu sans doute d'examiner cette question, mais le chemin de fer existe, et si les passages à niveau présentent des inconvénients, tâchons d'y remédier, mais d'y remédier autrement que par le déplacement du chemin de fer. C'est là une étude à faire, je veux bien l'entamer ; mais, quant à prendre un engagement que je ne saurais et que je ne voudrais pas tenir, celui de dépenser un capital considérable en vue d'un projet qui n'intéresse pas le gouvernement, cela m'est impossible.
On a parlé de la dérivation du canal de la Campine. Ici, encore, messieurs, je ne puis promettre ce que je n'ai pas l'intention de tenir. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de détourner le canal de la Campine et son embouchure dans l'Escaut, de façon à les séparer du bassin de commerce. Il s'agit encore ici d'une dépense purement communale.
- Un membre. - C'est une affaire d'intérêt général.
MtpVSµ. - Je vous demande pardon, il n'y a pas d'intérêt général dans cette affaire.
Le gouvernement, en construisant le canal de la Campine, devait construire une écluse ; la ville d'Anvers s'est adressée au gouvernement pour lui demander de substituer une écluse de grande navigation à l'écluse de petite dimension suffisante pour le canal. Le gouvernement assumait, de ce chef, une dépense supplémentaire considérable ; enfin il s'y est soumis. Aujourd'hui, la ville d'Anvers vient dire au gouvernement : Le service mixte de l'écluse me gêne ; allez-vous placer ailleurs. (Interruption.) Nous sommes donc d'accord, vous voulez exproprier à votre seul profit ce que nous avons fait en partie pour nous et en partie pour vous, à votre décharge.
Le gouvernement a rendu un grand service à la ville d'Anvers en s'imposant un sacrifice notable pour des travaux que la ville eut dû exécuter à ses frais, ou dans lesquels elle eût dû au moins contribuer, puisqu'ils étaient affectés à un usage commun. Mais la ville entend aujourd'hui déposséder l'Etat de l'écluse du Kallendyk, quoique cette écluse ait été construite aux seuls frais du trésor ; cela est-il admissible ?
Maintenant, en construisant une nouvelle écluse et une nouvelle branche de canal à côté du bassin de commerce, on aurait plus qu'une dérivation : dans la pensée de la ville d'Anvers, on aurait un nouveau bassin.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Pour le charbon,
MtpVSµ. - Disons les choses comme elles sont, la ville d'Anvers veut indirectement faire construire par le gouvernement un nouveau bassin pour l'exportation du charbon. Eh bien, je dis que cela ne concerne pas le gouvernement ; celui-ci doit amener le charbon à Anvers dans des conditions économiques de transport ; il est même disposé à installer l'outillage qui doit permettre un prompt et économique embarquement ; on n'est pas fondé à lui demander rien de plus.
En poursuivant l'exécution du détournement du canal dont la largeur serait triplée ou quadruplée, ce n'est donc pas une dérivation du canal, c'est un nouveau bassin que l'on veut faire construire aux frais du gouvernement.
Hier un honorable membre demandait pourquoi les travaux du gouvernement durent si longtemps, tandis que ceux de l'industrie privée marchent avec la plus grande célérité. La raison en est simple : c'est que nous travaillons sur trop de points à la fois. Le particulier ou la société qui ne poursuit qu'un travail unique et qui y applique toute son activité, y emploie aussi tous les moyens financiers dont elle dispose ; pour nous, nous déployons partout la même énergie, mais nous n'avons pas les ressources suffisantes pour marcher partout avec une égale rapidité. Voulez-vous encore assumer l'obligation nouvelle indiquée par les honorables représentants d'Anvers, l'ajouter aux obligations déjà contractées, malgré le caractère essentiellement communal de l'ouvrage dont il s'agit ?
Messieurs, j'arrive aux postes et télégraphes. Beaucoup de membres ont critiqué certaines parties de l'organisation de la poste. On s'est occupé spécialement du service rural, on a dit qu'il faut quelquefois deux ou trois jours pour qu'une lettre arrive à sa destination. Il peut en être ainsi lorsqu'on met une lettre à la boîte une minute seulement après la levée, mais c'est là un retard causé par le fait de l'expéditeur ; on ne pourrait obvier à cela qu'en établissant deux levées et deux distributions par jour dans toutes les localités du pays ; cette mesure exigerait une dépense d'un million, et combien ce million rapporterait-il ? Pas cent mille francs peut-être ! Il est très facile de constater que l'argent consacré à l'amélioration du service de la poste rapporte peu. Si vous votez un million pour le service des postes, ce million ne rapportera pas, je le répète, peut être plus de cent mille francs.
Depuis un grand nombre d'années, l'augmentation des recettes de la poste ne dépasse pas l'augmentation de la dépense. On ne peut raisonnablement admettre que l'augmentation de la recette provienne tout entière de l'augmentation de la dépense, car ce serait nier qu'il y ait une progression normale dans le mouvement de la poste. En tenant compte de cette progression normale, il est constant que les améliorations introduites dans le service postal ont rapporté moins qu'elles n'ont coûté.
On a constaté que dans les districts purement ruraux il ne s'expédie qu'une lettre par an et par habitant ; or, il est fort inutile de multiplier les transports de lettres pour des populations qui n'écrivent pas ; vous commettriez une dilapidation.
M. Bouvierµ. - Ce sont les 50 p. c. d'ignorants.
MtpVSµ. - On a parlé du timbre à 5 centimes. Je ne puis m'associer à cette idée ; on aurait beau augmenter le transport des lettres à 5 centimes ; le transport et la remise de chaque objet confié à la poste coûtent 4 1/2 c. ; vous n'aurez donc jamais qu'un produit net imperceptible. II vaut mieux réserver ses ressources pour des améliorations plus rationnelles.
Ainsi j'aurai l'honneur de déposer dans un bref délai un projet de loi apportant dans l'administration des postes des modifications très considérables, très libérales ; il est urgent, entre autres, d'organiser le transport de lettres-valeurs que nous transporterons en grande quantité, j'en ai la conviction. Cela exigera une surveillance active, et cette surveillance coûtera, mais au moins nous aurons fait chose vraiment utile.
On a parlé aussi de l'augmentation que réclamerait le traitement des facteurs. Je ne puis non plus être d'accord avec les honorables membres qui ont fait entendre des réclamations a été égard.
Les facteurs méritent une grande bienveillance, mais cette bienveillance leur a été accordée de tout temps et elle a été très efficiente.
Permettez-moi de signaler ce qui a été fait pour eux depuis quelques années. Voici le tableau des améliorations successives apportées à la position des facteurs :
En 1836, il y avait 100 facteurs ruraux ; ces facteurs avaient des tournées de 10, de 11 et de même de 12 heures ; ils avaient un traitement de 200 à 300 francs, mais le maximum de 300 était tout à fait exceptionnel. En 1840, le nombre des facteurs, est porté à 395 et le traitement (page 464) moyen s'élève à 555 ; le nomme des heures de marche est diminué. En 1856, il y a 1,264 facteurs ruraux dont le traitement moyen est de 750 fr. En France, le traitement moyen est de 530 fr. en Belgique, il est donc de 220 fr. en plus. En même temps que le traitement moyen est si notablement augmenté, le nombre des heures de travail est sensiblement diminué, de telle sorte que les facteurs qui, en 1836, avaient 10, 11 et 12 heures de travail, n'en ont plus que 6 ; le nombre de ceux qui ont plus de 6 heures de travail est fort restreint et se réduit de jour en jour. Les facteurs n'ayant plus que 6 heures de travail par jour ont donc la faculté de consacrer une partie de leur journée soit à un métier, soit aux travaux des champs ; les facteurs, il faut bien le dire aussi, ont encore de petits profits qui certainement s'élèvent, pour les moins favorisés, à plus de 100 fr. par an. Tout cela fait au facteur une position très tolérable. Car, au fond, qu'est-ce qu'un facteur ? C'est un ouvrier qui sait lire, il ne faut qu'un ouvrier qui sache lire pour faire un bon facteur ; aussi pour une place de facteur vacante il y a toujours 10 candidats qui se présentent.
Pour le service des villes, il y avait, en 1846, 246 facteurs ayant, en moyenne, un traitement de 581 fr. ; en 1860, il y avait 649 facteurs ayant, en moyenne, un traitement de 950 fr.
On a créé pour les facteurs une masse d'habillement ; on leur donne des congés réguliers avec solde entière ; quand ils sont empêchés de marcher par suite de maladie, contrairement à ce qui se passait autrefois, on les remplace aux frais de l'administration.
On a donc fait beaucoup pour les facteurs ; ils ont de 3 à 4 francs par jour et si l'on compare leur position avec celle des gardes excentriques, qui ont, tous les jours, du matin au soir, entre leurs mains la vie d'un grand nombre de personnes et qui doivent apporter à leur travail une attention soutenue, on doit reconnaître que la comparaison n'est pas en faveur de ces derniers. Aussi, si j'avais de l'argent de trop, ce n'est pas aux facteurs, ni à ceux des villes, ni à ceux des campagnes, que je le donnerais.
L'honorable M. Bouvier a suggéré, l'année dernière, à mon département, une idée qui, après examen, a été reconnue pratique ; il s'agissait d'adapter des boîtes aux malles qui transportent les dépêches. Cette idée a déjà reçu son application en France et la recevra bientôt en Belgique.
M. Bouvierµ. - Je ne demande pas de brevet d'invention.
MtpVSµ. - Non, aussi pour récompenser la bonne idée que vous avez émise, je m'empresse de vous déclarer que le bureau de distribution de Sainte-Cécile est créé.
M. Bouvierµ. - Sainte-Cécile vous en sera reconnaissante.
MtpVSµ. - Quelques mois encore et j'arrive à la fin de mon discours, à la grande satisfaction de la Chambre, sans doute.
Un honorable membre a insisté pour la prompte exécution des barrages de la Meuse. Tout est prêt pour les barrages, sauf les fonds : les plans sont approuvés, le système définitif des barrages est arrêté, l'emplacement est déterminé, je le répète, il ne manque plus que les fonds. Je dois cependant faire, en passant, cette remarque, que le travail en soi est peu urgent par la raison que lorsque les trois barrages pour lesquels des crédits ont été votés seront construits, il y aura encore, entre Namur et la frontière française, une partie beaucoup plus longue qui restera privée de barrages. Or, tant que ce travail ne sera pas complet, on n'aura rien fait et dès lors la construction pour laquelle on insiste est très susceptible d'un certain ajournement.
A propos de ce travail, l'honorable M. Lambert s'est plaint de ce que l'on n'ait pas fait droit aux réclamations des bateliers, quant à l'emplacement des barrages.
L’honorable membre a pu croire que les réclamations des bateliers seraient accueillies, mais, instruction faite, il se trouve que l'adoption du système préconisé par les bateliers présenterait plus d'inconvénients que d'avantages.
Dans sa pensée, les barrages étant établis sur les points qu'il indiquait, il en serait résulté une amélioration pour tout le parcours du fleuve. C'était une erreur. Il serait resté beaucoup de hauts-fonds qui auraient rendu la navigation impraticable à un certain tirant d'eau. Cela étant, mieux vaut établir les barrage selon leur ordre successif, en remontant à partir de Namur, et suif à améliorer la navigation à l'amont du dernier barrage, par des travaux de drainage.
Quant au retard apporté à la canalisation de la Dendre, je ne comprends pas qu'on le signale comme un sujet de plainte sérieux.
En effet le travail devait être achevé le 31 janvier dernier, il ne le sera en réalité qu'au mois d'octobre prochain ; or, un retard de quelques mois pour un travail de cette nature, est parfaitement justifiable ; il est dû tout entier aux difficultés qu'on a rencontrées dans les acquisitions de terrains.
Le malheur n'est donc pas grand ; il est beaucoup plus grand lorsque je suis obligé de déclarer que je devrai demander à la Chambre un crédit supplémentaire considérable pour la canalisation de la Dendre.
Je constate avec infiniment de regret que les indemnités allouées par les tribunaux aux propriétaires expropriés deviennent tellement élevées, que les travaux publics en ont reçu, dès aujourd'hui, une très sérieuse entrave, et que si la progression continue, certains travaux publics deviendront inexécutables.
Pour les travaux proprement dits, nous sommes restés rigoureusement dans les crédits ; tandis qu'il y a près d'un million de déficit pour l'achat des terrains et, je le répète, je trouve cette situation très fâcheuse.
Quant au rachat des embranchements du canal de Charleroi, ce rachat est décrété en principe ; les honorables membres qui s'intéressent à cette question le savent. En ce qui concerne l'exécution, c'est une question d'opportunité ; ce sont les ressources du trésor qui décideront du moment.
Je n'ai plus qu'à dire deux mots relativement au service des routes.
L'honorable M. Van Hoorde s'est plaint de ce qu'on a fait ou plutôt de ce qu'on n'a pas fait pour l'arrondissement de Bastogne. Les plaintes de l'honorable membre sont aussi peu fondées que possible.
La vérité est que sur le million qui a été attribué à la province de Luxembourg dans le crédit spécial alloué, en 1863, pour la construction de routes nouvelles, j'ai pu réserver 300,000 francs, c'est-à-dire à peu près le tiers du crédit total, au seul arrondissement de Bastogne.
Presque toutes les demandes de l'arrondissement de Bastogne ont été ou pourront être accueillies. Je crois que, dans cet état de choses, le gouvernement avait plutôt lieu de s'attendre à des félicitations qu'à des critiques de la part de l'honorable M. Van Hoorde.
Enfin quant à la fermeture des barrières, question traitée par l'honorable M. de Wouters, je trouve qu'au lendemain du jour où l'on a supprimé le droit de barrière sur les routes de l'Etat et où l'on a renoncé, pour réaliser cette réforme, à une recette de 1,300,000 à 1,600,000 fr., le moment serait mal choisi pour inaugurer un système qui occasionnerait une dépense nouvelle considérable du chef de la plus grande détérioration des routes. Je crois donc que le système actuel doit rester en vigueur et être même sévèrement observé.
M. Van Hoordeµ. - Messieurs, je ne puis pas laisser sans réfutation la réponse que M. le ministre des travaux publics vient de faire à quelques-unes des observations que j'ai présentées au commencement de fa semaine.
Il regrette, il trouve étrange que l'arrondissement de Bastogne se plaigne encore et toujours de la compagnie du Luxembourg puisqu'elle a mis la main à l'œuvre, et commencé la construction du chemin de fer qui doit le tirer de son isolement. Comment ! Parce qu'on aura remué quelques pelletées de terre à l'époque où ce chemin de fer aurait dû être achevé et exploité, tout serait dit, et nous devrions nous déclarer satisfaits !
M. Bouvier. — Il y a aujourd'hui quatre tranchées terminées.
M. Van Hoordeµ. - Je pourrais citer exactement le nombre d'ouvriers qui étaient employés il y a un mois.
M. Bouvierµ. - Et moi aussi. Il y en a 364, veuillez-en tenir note.
M. Van Hoordeµ. - Le chemin de fer de Bastogne doit avoir une étendue de 30 kilomètres. Or, à la mi-janvier il n'y avait sur tout son parcours, que 113 ouvriers possédant 33 brouettes, 31 tombereaux et un cheval ! Avec ce personnel, les travaux devaient nécessairement être fort lents.
M. Bouvierµ. - Vous êtes mal renseigné.
M. Van Hoordeµ. - Je le suis parfaitement. Mais enfin telle est l'opinion de l'honorable ministre des travaux publics. Ce chemin de fer nous le voyons fuir comme un mirage, nous le voyons différé d'année en année tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre : et nous avons seulement le droit de nous taire !
Qu'est-ce, en définitive, que cet argument tiré de la situation (page 465) financière qui a empêché quelques sociétés ou récentes, ou mal combinées, ou mal dirigées, de remplir leurs engagements ; qu'est-ce, appliqué au cas dont il s'agit, sinon un prétexte, et un prétexte bien caractérisé ? Nous sommes créanciers d'une compagnie riche et puissante, jouissant d'un crédit immense. On l'a dit et répété à satiété dans la discussion du budget l'année dernière. Cette compagnie a fait des dépenses facultatives pour des sommes considérables, et l'on prétendrait qu'elle n'avait pas d'argent pour les dépenses obligatoires qui devaient nécessairement avoir le pas sur celles-là ! Cela n'est pas sérieux !
L'année 1866 a été mauvaise, personne ne le conteste, mais est-ce notre faute si la compagnie du Luxembourg a attendu jusqu'en 1866 avant de se décider à obéir à la loi, et en quoi cela nous regarde-l-il ?
On lui a octroyé différentes fois de très longs délais pour faire honneur à ses promesses. En 1862, elle a obtenu une nouvelle prolongation de cinq ans. Quel but a-t-on eu en vue ? Evidemment de lui permettre de choisir son moment, de faire, à l'époque qui lui conviendrait le mieux, endéans les termes fixés, les travaux auxquels elle s'était obligée. C'était pour elle une question d'appréciation. Si elle s'est trompée dans son appréciation, si, au lieu de travailler il y a deux ou trois ans, alors que l'argent était abondant et qu'y était devenu tout à fait certain que la société Forcade ne se substituerait pas aux droits et aux obligations résultant de la convention de 1862, si, au lieu de mettre la main à l'œuvre alors, elle a préféré attendre jusqu'à une époque où malheureusement l'argent est devenu rare, qu'en pouvons-nous ?
Elle a fait une mauvaise spéculation, croyant en faire une bonne et voilà tout ! Encore une fois cela ne nous regarde pas, par la raison bien simple que les concessions sont accordées non pour les concessionnaires mais pour le pays.
Je n'accepte donc nullement les critiques de M. le ministre, et je maintiens que j'ai le droit de me plaindre. Ce qui est arrivé est exclusivement la conséquence de la mauvaise volonté de la compagnie qui exploite la plus belle ligne concédée de la Belgique. Aussi longtemps qu'elle a pu trouver des excuses, elle s'est obstinée à laisser inexécutées toutes les clauses qui lui semblaient onéreuses, et cette obstination est d'autant plus répréhensible en ce qui concerne l'embranchement de Bastogne, que l'obligation de le construire a été positivement introduite dans son acte primitif de concession, comme le prix et la condition des avantages exceptionnels qui lui étaient accordés.
M. le ministre a mal compris ce que j'ai dit des routes. Loin d'avoir récriminé je l'ai remercié de tout ce qu'il a fait à cet égard depuis quelque temps dans l'arrondissement de Bastogne, à bon droit car en 1865 il n'atteignait pas même le tiers de la moyenne. Je l'ai remercié notamment de la construction d'une route vers Clervaux, de la reprise de divers chemins de grande communication qui est effectuée, du prolongement qui est décidé de la route de Herbaimont. Mais j'ai ajouté que, malgré cela, il y avait encore beaucoup à faire dans les cantons de Houffalize et de Vielsalm. J'ai signalé à son attention que les stations de la ligne de Spa à la frontière grand-ducale sont toutes sans accès, à l'heure qu'il est, dans la province de Luxembourg, que cet état de choses est intolérable et préjudiciable, non seulement pour le canton de Vielsalm, mais aussi pour la société qui doit exploiter cette ligne et pour le trésor qui a garanti un minimum d'intérêt.
Je lui ai fait remarquer, en outre, que le canton de Houffalize qui d'après la moyenne de la province aurait dû avoir 42 ou 57 kilomètres de routes suivant la base de la population ou de l'étendue territoriale, n'en avait encore en réalité que 24. Et enfin je me suis appuyé sur ces chiffres pour lui demander de compléter l'œuvre de raccordement de la station de Gouvy en accédant aux vœux émis par le conseil provincial en 1863 et en 1864. J'ai recommandé, mais non récriminé.
M. Delaetµ. - J'ai été quelque peu surpris d'entendre M. le ministre des travaux publics exposer tout à l'heure la question de la station d'Anvers d'une façon essentiellement incomplète. Je crois même que M. le ministre s'est engagé un peu plus avant qu'il ne l'eût fait si, pressé par la longueur de son discours et le nombre de points qu'il avait encore à traiter, il n'avait été empêché de donner à l'examen de cette question tous les développements qu'elle mérite.
Il est de fait, M. le ministre ne le contestera pas, que la station d'Anvers n'est ni assez spacieuse, ni suffisamment outillée, puisqu'on a voté un crédit de 1 millions pour créer une nouvelle station de marchandises.
Le département des travaux publics avait dressé un projet, et il n'y a pas longtemps que M. le ministre a fait savoir à l'administration communale d'Anvers qu'il ne pouvait y donner suite, à cause de la cherté des terrains sur lesquels la nouvelle station était projetée. Cependant, messieurs, il importe que cette question reçoive une prompte solution. Plusieurs intérêts sont ici en jeu : la sécurité des habitants ; les rapports des deux parties de la ville séparées par le chemin de fer ; enfin l'expédition des marchandises.
Tout cela peut être obtenu si l'Etat détourne le chemin de fer.
Parmi les terrains acquis par la ville, il y a plusieurs hectares réservés pour l'établissement d'une station de manœuvres et d'une nouvelle station de voyageurs.
II y aurait donc là bien moins une dépense à faire par le gouvernement, qu'un échange de terrains à opérer.
La question présentée ainsi a un tout autre caractère que celui qui lui a été attribué par M. le ministre des travaux publics. A entendre l'honorable ministre, il semble que la ville d'Anvers demande toujours, obtient toujours ; que le gouvernement n'a besoin de rien, et que par conséquent tout ce qui se fait à Anvers se fait uniquement dans l'intérêt de la ville d'Anvers ; c'est la vieille histoire des fortifications, faîtes dans notre intérêt aussi.
Messieurs, le gouvernement commet une autre erreur : c'est de présenter les mesures qu'il prend dans l'intérêt de la ville d'Anvers comme prises dans l'intérêt local d'Anvers exclusivement. Un pareil système est admis par le seul gouvernement belge. Tous les gouvernements étrangers considèrent les ports de commerce comme d'intérêt général. Un tableau récemment inséré dans les Annales parlementaires montre ce que le gouvernement français a fait dans les ports de mer, en regard de ce qu'ont fait les administrations communales dans ces mêmes ports.
On prétend que le détournement du chemin de fer coûtera 7 millions. Mais si vous ne le détournez pas aujourd'hui, les dépenses auxquelles vous serez entraînées seront bien supérieures à cette somme, et vous laisserez subsister une situation dangereuse.
La ville d'Anvers est souvent représentée ici, et l'honorable ministre des travaux publics a eu le bon goût de ne pas le faire aujourd'hui, la ville d'Anvers est souvent représentée ici comme essentiellement égoïste, essentiellement avide.
Mais les députés d'Anvers ne se sont pas opposés au détournement du chemin de fer à Liège, qui a coûté 5 millions ; au détournement du chemin de fer à Gand qui a coûté la même somme...
- Un membre. - On n'a pas détourné le chemin de fer à Liège.
M. Delaetµ. - On fait un raccordement au chemin de fer de ceinture à Liège, comme à Gand ; chacun de ces deux travaux a coûté 5 millions, et certes ces travaux n'avaient pas l'utilité que présente le détournement du chemin de fer à Anvers, la création d'une nouvelle station de manœuvres et l'établissement d'une nouvelle station pour les voyageurs.
Je prédis à M. le ministre des travaux publics qu'il ne se passera pas deux ans avant qu'il ne reconnaisse lui-même la haute utilité des travaux que nous demandons.
Le parcours serait plus long, objecte l'honorable ministre.
Mais, messieurs, ce parcours plus long ne dépassera pas 5 kilomètres.
Or les passages à niveau dans la ville d'Anvers sont de véritables barrières mises à la circulation. Il y a un passage où, pendant 12 heures sur 24, vous coupez, au milieu d'une ville de commerce, l'artère qui relie la ville à un faubourg contenant une vingtaine de mille habitants.
J'en viens maintenant au détournement du canal de la Campine. Encore une fois l'on nous dit qu'il ne s'agit là que d'une question locale, une question communale.
Le gouvernement a construit le canal et l'écluse de mer par laquelle il débouche dans l'Escaut. Les proportions en ont été augmentées pour quelle pût servir d'entrée aux bassins du Kattendijk ; cette majoration des proportions est la seule partie des travaux faite dans l’intérêt d'Anvers.
A Ostende, tous les travaux maritimes ont été opérés pour le compte de l'Etat. Je ne sais pas pourquoi on nous appliquerait un autre principe.
Nous ne vous demandons pas que vous creusiez le canal ; nous le creusons nous-mêmes ; nous vous demandons seulement de faire ce qui vous incombe, ce que vous faites partout, l'écluse de mer.
Vous nous répondez que vous n'y avez aucun intérêt, que vous avez fait pour nous tout ce que vous aviez à faire, en construisant l'écluse de mer pour le canal de la Campine, c'est-à-dire en nous permettant de nous servir de cette écluse, à charge par nous de vous prêter le bassin que traverse le batelage, charge très onéreuse.
(page 460) Vous avez donc un peu élargi l'écluse qui, dans une moindre proportion, aurait été suffisante pour la navigation du canal de la Campine. Malheureusement, ce qu'on a gagné en développement, on l’a en partie économisé en solidité.
Ainsi les musoirs de cette écluse se sont effondrés avant d'être achevés. Aujourd'hui encore ils sont en ruine : ils sont un véritable danger. Déjà des navires ont été défoncés en donnant contre les pilotis des musoirs.
Le gouvernement ne paraît pas pressé de les réparer.
Je ne veux pas abuser des moments de la Chambre. Mais je ne puis pourtant me rasseoir sans protester contre la position singulière que le gouvernement veut faire à la ville d'Anvers ; il entend que tous les travaux publics exécutés à Anvers le soient aux frais de la commune. Il y a là un déni de justice qui ne peut pas durer ; j'espère même qu'il ne s'écoulera pas un temps très long avant que le gouvernement ne revienne de ce système.
M. Bouvierµ. - Messieurs, je ne viens pas défendre, dans cette enceinte, la compagnie du Luxembourg ; elle ne sent nullement le besoin de l'être.
Il faut cependant que les faits dénoncés par l'honorable député de Bastogne soient rétablis dans leur vérité. Voici, messieurs, ce qui s'est passé :
La compagnie du Luxembourg avait obtenu une prolongation de délai de 5 ans pour le raccordement de Bastogne. Pendant la période de cette prolongation, et tout au commencement de celle-ci, une nouvelle compagnie s'est formée, la compagnie dite Forcade, parmi les administrateurs de laquelle l'honorable député de Bastogne compte des amis politiques.
La compagnie Forcade avait obtenu la concession d'une ligne internationale dans le réseau de laquelle se trouvait compris le prolongement sur Bastogne, et dans cettte occurrence, la société du chemin de fer du Grand Luxembourg, pour éviter la création d'une ligne parallèle à celle que comprenait le réseau Forcade, jugea convenable de ne rien faire et d'attendre l'exécution de la concession Forcade ; mais celle-ci n'ayant pu, par suite de la crise financière ou d'autres circonstances quelconques, mettre la main à l'œuvre, la compagnie du Luxembourg s'est décidée à construire elle-même cet embranchement.
Qu'a-t-elle fait ? Elle a présenté au gouvernement des plans. Les plans adoptés, les expropriations se sont faites immédiatement, l'honorable ministre dos travaux publics vient de l'affirmer devant cette assemblée, il n’y a qu'un moment, et à l'heure qu'il est, comme je l'ai dit dans une interruption, quatre tranchées sont attaquées avec une grande vigueur et un nombre considérable d'ouvriers sont à l'œuvre, malgré la saison peu avancée de l'année. Voilà la vérité.
Pour vous prouver, messieurs, que l’honorable député de Bastogne vient, devant la Chambre, développer des griefs imaginaires, je prendrai seulement un mot de son discours : c’est qu’il a déclaré qu’au 15 janvier, il y avait sur toute la ligne, qui est de 30 kilomètres, un seul tombereau.
M. Van Hoordeµ. - Un seul cheval.
M. Bouvierµ. - Un seul cheval sur une ligne de 30 kilomètres, c'est tout bonnement absurde.
Or, je demande si une compagnie sérieuse qui a tout intérêt à terminer cet embranchement dans le délai le plus rapproché, afin que les capitaux déjà dépensés en expropriations ne restent pas improductifs, va s'amuser à placer sur un pareil embranchement un seul cheval ? Est-ce assez ridicule !
La vérité, messieurs, est que la compagnie du Luxembourg s'exécute et exécute très sérieusement ses engagements, en dépit de la crise financière, et que, dans un avenir très rapproché, Bastogne sera beaucoup plus heureux que Virton, puisque, à l'heure qu'il est, d'après la déclaration que vient de faire M. le ministre des travaux publics, au lieu d'une compagnie concessionnaire, nous n'avons qu'un ingénieur chargé d'étudier les diverses directions indiquées par les compétiteurs qui se disputent l'exécution du chemin de fer sur Virton. Nos populations attendent, avec la plus vive impatience, la construction de cette ligne, et je me vois obligé de dire que l'honorable ministre des travaux publics a bien fait d'en agir ainsi. De cette façon, les intentions de personne ne pourront être l'objet d'un doute et la vérité éclatera au grand jour par le rapport de l'ingénieur chargé des travaux.
J'ai dit et je répète que l'honorable député de Bastogne aurait dû prendre en sérieuse considération la crise financière et politique qui a frappé toutes les compagnies concessionnaires, et cela est si vrai que l'honorable ministre des travaux publics, répondant il y a un instant à l'honorable M. Julliot, a déclaré qu'il ne voulait pas donner suite aux demandes nouvelles de concession de chemin de fer. Selon moi, il fait bien.
J'ajoute qu'il y va de l'intérêt de l'honorable député de Bastogne et de son arrondissement de ne pas jeter du discrédit sur cette compagnie du Luxembourg, qui doit trouver sur les marchés étrangers les capitaux nécessaires à la construction de l'embranchement de Bastogne, et que c'est aller à rencontre de cet intérêt que de venir accuser dans cette assemblée une compagnie qui, à rencontre de toutes celles qui ont obtenu des concessions, exécute sérieusement un travail qu'elle a le ferme désir de mener à bonne fin dans un temps qui ne sera pas éloigné.
MpVµ. - M. Van Hoorde demande la parole pour la troisième fois.
M. Van Hoordeµ. - Je ne la demande pas pour prononcer un discours en réponse à celui que vous venez d'entendre, car l'honorable M. Bouvier s'est contenté de paraphraser, plus ou moins bien, les paroles de l'honorable ministre des travaux publics, et je crois les avoir réfutées. Je veux seulement garantir l'exactitude des détails que j'ai donnés tout à l'heure à la suite de la malencontreuse interruption que j'ai relevée. Je n'avais pas l'intention de les communiquer à la Chambre. Cela me semblait puéril. Mais j'ai été forcé de le faire, et puisque je l'ai fait, j'affirme que ces chiffres sont rigoureusement vrais.
A la reprise de nos travaux, vers le milieu du mois de janvier, les ouvriers employés à la ligne de Bastogne qui doit être achevée le 6 mars prochain, étaient au nombre de 113. Ils avaient à leur disposition 53 brouettes et 31 tombereaux. Il y avait en outre sur le terrain un cheval. Ceci est assez extraordinaire, dit-on. Je suis aussi de cet avis, et c'est précisément pour cela que j'ai signalé la chose. J'ignore combien il y a d'ouvriers et de chevaux en ce moment, et à quel degré d'avancement la voie est arrivée ; mais j'affirme encore qu'il y a un peu plus d'un mois, sur les trente kilomètres à établir, on n'avait fait que 655 mètres de terrassements.
Quoi qu'il en soit, et ceci est l'essentiel, M. le ministre des travaux publics nous a promis que le chemin de fer de Bastogne que nous attendons depuis 23 ans, tandis que Virton n'attend le sien que depuis dix semaines, sera terminé dans quelques mois. Je désire vivement, mais sans oser l'espérer cependant, que cette fois sa confiance ne soit plus démentie par l'événement.
MtpVSµ. - Je veux simplement répondre un mot à l'honorable M. Delaet, au sujet de la comparaison qu'il a voulu établir entre ce qu'on fait à Liège et à Gand et ce qu'il voudrait qu'on fait à Anvers.
Qu'est-ce que l'on fait à Liège ? On réunit, par un chemin de fer intérieur, le réseau de l'Etat au réseau Liégeois-Limbourgeois. Je demande quelle analogie il y a entre celle question et celle que nous rencontrons à Anvers.
A Gand, que fait-on ? On réunit au réseau de l'Etat, par un chemin de fer de ceinture, le principal, pour ne pas dire le seul grand quartier industriel de la ville. Au profil de qui se fait ce travail ? Au profil du chemin de fer, au profil du trésor. Au profit du chemin de fer qui a vu, dans, ce travail, une opération essentiellement lucrative.
Le chcmin.de fer ne desservait presque pas la ville de Gand pour le transport des charbons. Dorénavant, l'immense quartier industriel de cette ville s'alimentera presque exclusivement par le chemin de fer. C'est donc une opération que nous faisons comme un avare la ferait.
Maintenant que demande-t-on pour Anvers ? S'agit-il du service des voyageurs ? J'ai dit que nous n'avions rien, absolument rien à gagner au déplacement de la station, et je maintiens cette assertion.
Tout le monde, dans cette Chambre, connaît la station des voyageurs à Anvers. Jusque dans ces toutes dernières années, il n'y avait presque qu'une seule ville dans le pays qui fût dotée d'une station convenable, et c'était la ville d'Anvers. Voyez donc quelle était la situation de la ville de Liège, de la ville de Bruxelles, pour sa station du Midi.
Quand la ville de Bruxelles aura-t-elle sa station du Midi ? Je n'en sais rien ; je ne puis formuler aucune prévision.
Quand cette station sera achevée, elle sera belle, elle sera monumentale, elle sera digue de la capitale Mais je ne sais pas quand Bruxelles l'aura.
La vérité est que, depuis trente ans que le chemin de fer du Midi (page 467) existe, nous avons à Bruxelles, dans la capitale du pays, la plus ignoble baraque que l’on puisse voir.
Non seulement la station d'Anvers est commode, elle est suffisamment installée. Elle pourrait l'être mieux, certainement, mais elle est suffisamment bien installée. Elle est convenable, élégante d'aspect et l'amélioration de cette station n'a absolument rien d'urgent.
Dans ces conditions, je le répète, au point de vue du chemin de fer, le détournement de la voie et la construction d'une nouvelle station constitueraient une véritable dilapidation.
M. Delaetµ. - Il n'y a donc que des voyageurs à Anvers ? II n'y a pas de marchandises ?
MtpVSµ. - Attendez ; je vais en parler.
Pour les marchandises, le service est essentiellement insuffisant. Cela est depuis longtemps reconnu, puisque j'ai demandé un premier crédit de 4 millions pour améliorer la situation. Mais si ce crédit n'est pas dépensé, ce n'est pas la faute de mon département. Je ne dirai pas qu'on nous a surfait les terrains, mais on les a mis à un prix inabordable.
Le département des travaux, publics et la ville, avaient instruit de concert l'affaire avec un grand soin et une très grande maturité.
Lorsque nous avons voulu mettre la main à l'œuvre, nous nous sommes trouvés arrêtés par une difficulté insurmontable. Mais ce qu'on n'a pu faire suivant le plan primitif, on le fera suivant un autre plan que l'on étudie.
Cela étant fait, le chemin de fer n'aura absolument rien à désirer à Anvers.
Messieurs, je le répète, s'il s'agissait d'édifier sur table rase, il est possible que l'on ferait ce que vous indiquez. Mais ce qui existe existe depuis trente ans ; c'est un fait accompli ; je ne puis pas faire que ce ne soit pas un fait accompli, à moins de dépenser une somme qui n'est pas à la disposition de mon département et qui ne pourra l'être que d'ici à quinze ou vingt ans. Entre-temps il faudra s'occuper de choses plus urgentes.
En ce qui concerne le détournement du canal, je le dis encore, c'est une dépense communale. Pourquoi ? Parce qu'au fond il s'agit d'amener le gouvernement à construire une deuxième écluse, alors qu'il en a déjà construit une première, afin de procurer, en réalité, à la ville d'Anvers un nouveau bassin de commerce Or, ce nouveau bassin est une affaire communale, comme les autres bassins qu'elle a construits ou projette et exploite ou exploitera à son profit.
M. Delaetµ. - La commune le fera.
MtpVSµ. - Qu'elle le fasse avec ses dépendances.
M. Delaetµ. - Sauf l'écluse. Vous avez fait l'écluse à Ostende.
MtpVSµ. - Est-ce que l'écluse qui a été faite à Ostende est un moyen d'exploitation commerciale ?
La ville d'Ostende tire-t--elle un profit pécuniaire de son écluse, comme vous tirez un profit pécuniaire de vos bassins ?
Vous offrez de creuser un nouveau canal, c'est peut-être une dépense de 200,000 ou 300,000 fr. et l'écluse doit coûter un million et demi sans les queues, car il y en a toujours. Vous voulez prendre à votre charge la dépense de 200,000 ou 300,000 fr. et vous laissez à la charge du gouvernement la dépense de 1,500,000 fr. Vous êtes trop généreux !
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, je serai bref. Je tiens seulement à constater que le gouvernement, et M. le ministre des travaux publics en particulier, se mettent toujours sur un terrain inadmissible. La ville d'Anvers ne peut pas considérer les travaux dont il s'agit comme des travaux purement communaux, exécutés dans son seul intérêt.
La Belgique doit savoir dépenser pour mettre son principal port de commerce à la hauteur des ports étrangers. J'ai joint dernièrement à mon discours le tableau de ce qu'a fait le gouvernement français pour les ports de commerce ; il a dépensé de ce chef des sommes fabuleuses comparativement à celles qui y ont été consacrées par les administrations municipales.
A Marseille, le gouvernement a fourni 15 millions contre 8 millions fournis par la ville ; au Havre, la part de l'Etat s'est élevée à 20 millions et la part de la ville à 8 millions seulement.
MtpVSµ. - Cela dépend de la nature des travaux.
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Ce sont des bassins et des écluses. J'ajouterai que depuis la remise faite à la ville d'Anvers par le gouvernement des Pays-Bas des anciens bassins, aucune dépense importante n'a été faite par le gouvernement pour le port d'Anvers.
MfFOµ. - Et l'écluse du Kattendyk ?
M. Jacobsµ. - Il s'agit de savoir si elle n'était pas nécessaire pour le canal de la Campine.
MfFOµ. - Nous savons ce qu'il fallait pour le canal de la Campine.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Le gouvernement devait faire une écluse coûtant 1,200,000 fr. à 1,300,000 fr. ; on a ajouté quelque chose pour permettre à la ville d'exploiter le bassin du Kattendyk.
S'il y a eu, pour cette écluse, ce que M. le ministre appelle une queue, cela est tout à fait indépendant de la ville d'Anvers. Si l'écluse a été mal construite, ce n'est pas la faute de la ville d'Anvers.
Comme j'ai eu l'honneur de le dire il y a deux jours, le plan de transformation de la ville d'Anvers comprend le détournement du canal de la Campine. Le collège échevinal s'est rendu auprès de M. le ministre ; nous avons expliqué la nature des travaux et la nécessité de cette écluse ainsi que les avantages qu'on en retirerait.
Nous ne voulons pas, comme le disait l'honorable M. Vanderstichelen, faire dériver le canal de la Campine tout simplement pour avoir un bassin de plus à exploiter et pour faire construire l'écluse par le gouvernement. On nous a si souvent accusés d'égoïsme que certaines personnes nous soupçonnent toujours de vouloir exploiter le reste du pays. Or, messieurs, Anvers est précisément la ville pour qui l'on a fait le moins.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - La vieille enceinte.
M. Bouvierµ. - Et le péage de l'Escaut.
M. Coomans. - Ce sont là des abus d'un autre âge !
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Je tiens à constater que, sauf les dépenses faites pour les fortifications et qui ne servent en rien ni au commerce particulier d'Anvers ni au commerce en général, il a été fait bien peu de chose pour le gouvernement en faveur de la ville d'Anvers.
MfFOµ. - Nous avons constaté le contraire dans la correspondance. Nous pourrons la communiquer à la Chambre.
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Il est évident que vous devez faire pour Anvers plus que pour d'autres villes : Anvers est réellement la clef de voûte de la prospérité commerciale du pays. On ne doit rien négliger pour faire d'Anvers l'un des ports les mieux outillés du continent.
C'est dans ce but que nous demandons la dérivation du canal de la Campine. J'ai fait appel à mes honorables collègues des bassins houillers parce qu'il est de leur intérêt de favoriser le développement de l'exportation des houilles et je les supplie de ne pas s'arrêter aux paroles de M. le ministre des travaux publics, qui tendent à faire croire que la ville d'Anvers n'a d'autre but que d'avoir un bassin de plus. Je disais donc tantôt, messieurs, que le collège échevinal s'était rendu auprès de M. le ministre des travaux publics pour lui soumettre le plan d'ensemble, lui exposer les avantages des deux détournements, celui du canal et celui du chemin de fer, et pour lui demander d’y intervenir. L'honorable ministre des travaux publics a discuté la question de détournement du chemin de fer avec le collège ; il a reconnu qu'au point de vue de la ville d'Anvers et de son agrandissement, il y avait là un intérêt majeur, mais au point de vue du chemin de fer il n'y voyait aucun avantage.
MtpVSµ. - Sous ce rapport, je n'ai pas varié.
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Il ne s'y opposait pas cependant, et si la ville d'Anvers voulait les prendre à sa charge, il laisserait faire les plans nécessaires et même y aiderait de tout son pouvoir.
(page 468) Tout ceci revient à dire à la ville d'Anvers : Si vous voulez quelque chose, faites-le vous-même.
Lorsque Liège demande des millions pour la canalisation de la Meuse ; lorsque Gand réclame des millions pour le détournement du chemin de fer ; lorsque Bruxelles demande des millions, non seulement pour une question d'assainissement, mais même pour une question d'embellissement, nous les accordons, mais à Anvers, nous n'accorderons rien. Nous vous avons donné 55 millions de fortifications, soyez satisfaits.
Voilà, messieurs, le système contre lequel, au nom de la ville d'Anvers, je viens protester.
Je suis convaincu que le gouvernement reconnaîtra, messieurs, qu'il y a beaucoup à faire pour la ville d'Anvers.
MfFOµ. - Nous déposerons la correspondance.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - L'honorable ministre des travaux publics s'oppose au détournement du chemin pour autant qu'il doive être à la charge de l'Etat. Mais ne fait-on pas à Bruxelles, pour la station de l'Allée-Verte, ce que l'on repousse pour Anvers ? N'allez-vous pas faire, à Bruxelles, un chemin de fer de ceinture pour reculer celui du boulevard ?
MtpVSµ. - Nous occupons le boulevard du Midi par tolérance ; nous sommes là à titre précaire.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, lorsqu'on a fait cession à la ville d'Anvers des terrains des anciens remparts, tout le monde s'est écrié que la disparition de ces remparts pouvait faire d'Anvers une des plus belles villes du continent.
Cela est vrai, mais il est évident que quand cette ville est coupée depuis Berchem jusqu'aux bassins par une voie ferrée qui empêche la circulation dans les rues pendant 12 heures sur 24, il y a là un inconvénient tel, que le gouvernement doit le faire disparaître.
Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à dire au sujet du coût des terrains nécessaires pour le détournement du chemin de fer.
Le détournement du chemin de fer à Anvers se fera, parce que, comme le disait très bien tantôt l'honorable M. Delaet, l'honorable ministre des travaux publics finira par se rendre à l'évidence et par appuyer lui-même ce travail. Aujourd'hui les terrains que doit occuper le nouveau chemin de fer peuvent s'acheter dans de bonnes conditions ; plus tard il n'en sera plus de même, et vous regretterez amèrement d'avoir laissé passer le moment favorable.
MfFOµ. - Messieurs, l'honorable membre vient de continuer le système de récrimination, qui tend à représenter la ville d'Anvers comme étant sacrifiée, tandis que d'autres villes du pays jouiraient d'avantages considérables qui leur seraient concédés par le gouvernement.
Nous avons eu, au sujet de ces mêmes récriminations, à nous expliquer d'une manière approfondie et par écrit avec la ville d'Anvers. Je pense que nous avons parfaitement établi dans cette circonstance, que la ville d'Anvers, bien loin d'avoir à se plaindre, a reçu, en fait de subsides, plus que les autres villes du pays.
Je pense qu'il sera très intéressant pour la Chambre, et même pour la population d'Anvers, qu'il importe d'éclairer, de donner toute publicité à cette correspondance. Je la déposerai donc sur le bureau de la Chambre pour être livrée à la publicité. On sera ainsi mis à même d'apprécier jusqu'à quel point toutes ces récriminations sont fondées.
M. Jacobsµ. - Messieurs, s'il convient au gouvernement de déposer une correspondance qui, je crois, n'est pas close, je n'ai rien à y redire ; mais je crois qu'il y aurait plus d'avantage à ce que M. le ministre déposât le tableau complet de tous les subsides et crédits consacrés aux travaux d'utilité publique, accordés par le gouvernement belge aux différentes villes et provinces du pays.
Une correspondance qui ne discute que les subsides et les travaux accordés à la ville d'Anvers n'aurait pas la même utilité.
M. Lebeau. - Messieurs, je désire répondre quelques mots à ce qu'a dit l'honorable ministre des travaux publics en ce qui concerne la station de Charleroi.
La réponse qu'il a faite ne m'a pas pleinement satisfait.
Que veut-on à Charleroi et que doit vouloir le gouvernement lui-même ? C'est qu'au lieu d'une station provisoire, insuffisante et incommode, on établisse une station définitive et suffisamment grande pour le mouvement actuel et pour le mouvement à venir.
Nous sommes d'accord sur ce point, mais un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord, c'est l'époque à laquelle on doit commencer les travaux.
Deux crédits ont été accordés pour la station de Charleroi ; le premier, qui était insuffisant, en 1859 ; le second en 1865.
Or, ces deux crédits ont été détournés de leur destination, et cela au détriment de la ville de Charleroi et de toutes les personnes qui ont intérêt à l’établissement de cette station.
C'est une chose que nous devons déplorer très sincèrement et que le gouvernement doit avoir à cœur de réparer.
Le plan définitif a été fait par M. le ministre des travaux publics.
D'après ce plan, on reculerait la station de 155 mètres.
Certaines personnes prétendent qu'il suffirait de reculer de 80 mètres.
Dès l'instant que le gouvernement reconnaît qu'en reculant de 80 mètres seulement, il pourra commencer plus tôt les travaux, que la station coûtera moins et que l'on pourra supprimer les passages à niveau qui ne peuvent être tolérés, je ne m'oppose pas à ce que cette modification soit adoptée, mais la chose sur laquelle j'insiste, c'est qu'on mette de suite la main à l'œuvre et qu'on procède immédiatement à l'acquisition des terrains.
Le gouvernement ne promet qu'une seule chose, c'est qu'il rendra définitive l'acquisition provisoire des terrains.
S'il avait acquis tous les terrains nécessaires à la station à créer, je comprendrais qu'il y eût moyen de mettre les travaux en entreprise, mais il n'en est pas ainsi.
Une partie des terrains seulement est acquise, or il faudrait au moins qu'il y eût une bande de terrains considérable longeant la station actuelle pour commencer immédiatement les travaux.
Pour me résumer, je dis donc que la chose sur laquelle j'insiste, c'est que le gouvernement ait à cœur de nous satisfaire et de commencer le plus tôt possible les travaux de la station.
Il n'y a pas une ville en Belgique qui ait une station aussi importante que Charleroi qui soit en si mauvais état.
La ville de Charleroi ne réclame pas de subsides ; elle a des chemins de fer concédés qui n'ont rien coûté au gouvernement ; le chemin de fer de l'Etat rapporte de très beaux bénéfices, le gouvernement devrait tenir compte de ces circonstances.
Ce n'est pas un subside que nous demandons, nous ne demandons qu'une chose c'est qu'on fasse pour Charleroi ce qu'on a fait pour les autres villes. Ainsi Tournai a une gare définitive... (Interruption de M. Dumortier.)
Vous avez au moins des locaux provisoires suffisants, tandis qu'à Charleroi il n'y en a même pas, et cela se conçoit, car, ainsi que je l'ai déjà dit, la station qui doit comprendre 20 hectares au moins, d'après le plan, n'en a aujourd'hui 4 à peine.
Je répète donc qu'il n'y a pas de ville dans le pays qui ait une station dans un état aussi déplorable que celle de Charleroi, et pour être juste le gouvernement doit avoir à cœur de mettre fin à cet état de choses.
M. Coomans. - Bien que les honorables députés d'Anvers aient parfaitement soutenu leur thèse, je ne juge pas inutile de l'appuyer de deux ou trois remarques nouvelles.
Un mot m'a choqué dans le discours de l'honorable ministre des travaux publics, d'autant plus choqué que l'honorable ministre n'en prononce guère de choquants.
On a dit que la réforme de la station d'Anvers serait une dilapidation. Le mot est au moins très fort, car si l'honorable ministre était à même, comme nous, d'éprouver personnellement les graves inconvénients de l'état actuel des choses de la station d'Anvers, certes au lieu de nous décourager à jamais ou tout au moins pour 20 à 30 ans, il nous encouragerait, au contraire, ne fût-ce qu'en nous donnant ce qui ne lui coûte guère et ce dont il se montre si prodigue envers d'autres, de l'eau bénite ministérielle.
M. Bouvierµ. - De l'hypocrisie... (interruption), il faut être franc.
M. Jacobsµ. - Le pavé de l'ours.
M. Coomans. - Je ne demande aucune hypocrisie, j'en ai vu assez, oui assez et trop.
L'état actuel des choses est devenu presque intolérable surtout depuis quelques années, depuis que le trafic général s'est très développé et (page 469) depuis que des aboutissants nouveaux sont venus s'établir à la station d'Anvers.
Que sera-ce, je vous prie de me répondre, lorsque vous aurez encore deux ou trois chemins de fer de plus aboutissant à la station d'Anvers ? Que sera-ce lorsque, vous nous aurez donné le chemin de fer direct d'Anvers à Turnhout, qui, j'espère, s'exécutera aussi, lorsque vous aurez obligatoirement exécuté la ligne d'Anvers à Gladbach, travail qui va devenir de première, urgence ? (Interruption.) Oui, ajoutons-y le chemin de fer d'Anvers à Douai et d'autres encore, j'aime à le croire. Votre embarras alors sera considérable, il sera double de ce qu'il est aujourd'hui et vous osez dire, vous qui devez connaître les prévisions mieux que moi, que la réforme de la station d'Anvers serait un acte de dilapidation ! Il est impossible que vous soyez parfaitement sincère en vous exprimant de la sorte.
Je fais particulièrement allusion au chemin de fer direct d'Anvers à Gladbach. Ce chemin de fer désiré depuis si longtemps, utile dès à présent, je pourrais dire nécessaire, sera indispensable demain. Car quoi que vous fassiez le chemin de fer hollandais de Flessingue-Middelbourg vers le Bas-Rhin, s'exécutera, il est déjà exécuté à peu près. En admettant même que vous parveniez à empêcher le barrage de l'Escaut oriental, vous ne parviendriez pas (cette prétention serait inadmissible, vous ne l'avez pas émise, je le veux bien), vous ne parviendriez pas à empêcher l'exécution du chemin de fer direct de la Zélande vers le Bas-Rhin.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Nous n'avons aucune raison de le faire.
M. Coomans. - Il nous serait d'ailleurs impossible de l'empêcher, ce qui diminue le mérite de notre approbation.
M. Dumortier. - Quel intérêt aurions-nous à empêcher des travaux qui ne nous nuisent pas ?
M. Coomans. - Nous sommes d'accord sur ce point. Or, ce chemin de fer, presque exécuté, vous placera dans la nécessité urgente de construire un chemin de fer direct d'Anvers vers la basse Allemagne et si les concessionnaires qui sont investis par la loi du droit dont ils n'usent pas, n'exécutaient pas ce grand travail d'utilité publique, vous seriez forcé de l'exécuter vous-même. Ce serait une nécessité non seulement auversoise, elle ne vous frapperait peut-être pas assez, mais une nécessité générale, nationale. Vous devriez construire ce grand chemin de fer et où aboutirait cette artère européenne ? A Anvers.
Ainsi, vous auriez à Anvers les chemins de fer déjà existants : l'embranchement du Grand Central de Rotterdam à Anvers, l'autre embranchement d'Aerschot sur Anvers, le chemin de fer de Lierre à Turnhout qui aboutit à Anvers ; plus, le chemin de fer d'Anvers à Douai, le chemin de fer d'Anvers à Malines. Voilà bien des chemins de fer qui n'existaient pas il y a trente ans, et en vue desquels la station d'Anvers n'a pas été construite ; voilà bien des chemins de fer dont la prospérité vraisemblable doublera vos embarras. Vous reconnaîtrez, je ne dis pas aujourd'hui, mais vous reconnaîtrez un jour que vous vous êtes avancé trop loin en repoussant nos justes réclamations.
Au sujet des prétendues exigences d'Anvers, je ne dirai qu'un mot, c'est que le gouvernement n'exécute pas même les lois qu'il a présentées.
Nous avons voté à l'unanimité, répondant à l'initiative du ministère, une loi qui a décrété la construction du canal d'Anvers à Turnhout par Saint-Job ; ce canal ne se fait pas et je crois que l'intention du gouvernement est de ne pas l'exécuter.
Eh bien, la ville d'Anvers n'a-t-elle pas quelque droit de se plaindre à ce sujet ? Si la loi était utile, il fallait l'exécuter ; si elle ne l'était pas il ne fallait pas la proposer ; s'il vous est venu des lumières nouvelles, communiquez-les-nous, nous les examinerons sous toutes réserves.
MtpVSµ. - Je ne veux pas prolonger la séance, et c'est pour ce motif que je ne répondrai pas, pour le moment du moins, à ce que vient de dire l'honorable M. Coomans ; la discussion pourra être reprise sur cet objet, la semaine prochaine, si la Chambre le désire. Je n'ai aucune raison de m'y refuser.
Mais je dois constater un malentendu très sérieux qui semble exister entre l'honorable M. Lebeau et moi au sujet de ce que le gouvernement se propose de faire à Charleroi.
J'ai dit que le gouvernement aviserait au moyen de rendre définitifs les contrats provisoires conclus en vue de l'acquisition des terrains dont il y a lieu de faire l'emprise pour établir la nouvelle station.
L'honorable M. Lebeau me demande quand commenceront ensuite les travaux ? Mais, messieurs, c'est là le commencement des travaux ; c'est là le commencement d'exécution que nous voulons donner à la construction de la nouvelle station de Charleroi. Les terrains étant acquis dans la mesure des fonds dont le gouvernement pourra disposer, tout sera provisoirement fini.
Si l'honorable membre s'imagine que, ces terrains achetés, je vais, par exemple, mettre en adjudication les bâtiments, à y élever, il se trompe et il m'importe de détruire immédiatement cette erreur. Je dois donc déclarer que je n'entends pas faire autre chose qu'acheter les terrains nécessaires à la nouvelle station ; il y aura là déjà une dépense considérable à faire et le gouvernement ne peut pas aller au delà pour le moment.
M. Lebeau. - Je comprends parfaitement que M. le ministre n'ait pas l'intention de mettre immédiatement en adjudication la construction du bâtiment ; mais ce qu'il pourra faire de suite, c'est de commencer les remblais qui doivent être exécutés, pour établir la station. Ces remblais pourraient être faits au fur et à mesure de l'acquisition du terrain. De cette manière les travaux pourraient commencer immédiatement et se continuer sans interruption. Quant aux bâtiments, je conçois qu'ils peuvent être construits plus tard, de manière à être terminés en même temps que les autres travaux de la gare.
Il est même prudent de ne les élever que lorsque tous les remblais seront terminés et les nivellements parfaitement établis. Sous ce rapport donc, je crois qu'il n'y aura pas de temps perdu.
Mais un point sur lequel nous insistons, c'est qu'après l'acquisition des terrains on mette la main à l'œuvre pour les remblayer.
(page 457) M. de Vrièreµ. - Je ne veux pas laisser passer la discussion générale du budget des travaux publics, sans interpeler M. le ministre des affaires étrangères, sur un objet qui se rattache directement au budget des travaux publics et qui intéresse au plus haut degré le pays.
Il y a quelques semaines, l'honorable ministre, sur l'interpellation d'un honorable député d'Anvers, a promis de déposer les pièces qui concernent notre différend avec la Hollande au sujet du barrage de l'Escaut.
Je désire savoir si M. le ministre des affaires étrangères ne juge pas que le moment est venu d'effectuer ce dépôt.
Depuis quelque temps, messieurs, cette affaire est entrée, si je ne me trompe, dans une voie nouvelle qui met un terme, au moins provisoire, aux négociations. D'un autre côté, il a été publié, dans ces derniers temps, une foule de documents, de mémoires sur cette question, en Hollande. Ces écrits, dont certains émanent même de personnes officielles, présentent l'affaire sous un jour exclusivement hollandais. J'ignore si ces faits, tels qu'ils sont relatés, sont exacts, et il serait, par conséquent, très désirable que M. le ministre des affaires étrangères, qui a poursuivi cette longue et difficile négociation, voulût bien nous donner quelques explications à ce sujet, et s'il le juge opportun, déposer sur le bureau de la Chambre les pièces de la négociation, qui permettent de juger des faits diplomatiques posés par les deux gouvernements dans cette affaire.
M. Dumortier. - Je ne doute pas que M. le ministre des affaires étrangères ne puisse donner à l'honorable membre qui vient de se rasseoir la satisfaction qu'il demande. Dans tous les cas, ce que vient de dire l'honorable préopinant a toujours un grand cachet d'utilité en présence des prétentions étranges que j'ai vu énoncer dans certains écrits publiés en Hollande. On va, en effet, si ma mémoire est fidèle, jusqu'à y soutenir que les Pays-Bas pouvaient, sans avoir aucun compte à en rendre à personne, faire exécuter des travaux soit sur l'Escaut occidental, soit sur l'Escaut oriental, et que, aux termes du traité de 1839, les Pays-Bas ne seraient tenus de livrer passage à notre marine, qu'alors qu'il y aurait pour nous impossibilité de nous servir de l'Escaut occidental.
Messieurs, cet argument-là est tout en notre faveur, attendu que quand on veut prouver trop on ne prouve rien, ou, pour mieux dire, on ne prouve que l'exagération des prétentions que l'on produit.
Mais il est un autre point sur lequel je désirerais aussi avoir une explication, si toutefois M. le ministre des affaires étrangères peut me la donner.
Le différend que nous avons avec les Pays-Bas au sujet du barrage de l'Escaut n'est point le seul, à ce qu'il paraît. Le traité stipule que si la Belgique jugeait à propos de faire une route vers l'Allemagne à travers la partie cédée du Limbourg, le royaume des Pays-Bas ne pourrait pas s'y opposer. A plusieurs reprises déjà, il a été question de l'exécution d'un chemin de fer ; tout à l'heure encore l'honorable M. Coomans en a entretenu la Chambre.
Je désirerais savoir si le bruit qui a été répandu que le royaume des Pays-Bas apporte des entraves à cette clause du traité, est réellement fondé. En d'autres termes, je demande si le jour où la Belgique décréterait le chemin de fer dont je parle, elle pourrait compter sur le concours immédiat et sans réserve des Pays-Bas.
Je pose cette question tout en laissant, je le répète, M. le ministre des affaires étrangères juge de l'opportunité de la réponse que je demande.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai, en effet, promis à la Chambre, il y a quelque, temps, de déposer, dans un moment opportun, les pièces des négociations si longues, qui ont été entamées entre la Belgique et la Néerlande au sujet des travaux que celle-ci exécute sur l'Escaut oriental.
Depuis lors, le gouvernement a obtenu un résultat. A la suite d'une enquête établie entre les ingénieurs belges et les ingénieurs hollandais,- et qui avait abouti à des conclusions contradictoires, le gouvernement, ainsi que je l'ai dit au Sénat, a cru devoir recourir aux lumières d'ingénieurs étrangers.
Il avait déjà produit cette idée à l'époque où la commission hollando-belge a été nommée ; il avait indiqué comme un moyen de solution l'adjonction aux ingénieurs hollandais et aux ingénieurs belges, d'ingénieurs étrangers qui, par leur position impartiale et leur compétence, pourraient exercer une influence utile sur les travaux de la commission ; mais cette idée n'a pas été admise par la Hollande : la commission hollando-belge délibéra donc sans leur concours, et comme je viens de le dire, elle arriva à des conclusions contradictoires.
Messieurs, nous n'avons pas voulu, sans un nouvel examen, décider que les ingénieurs belges avaient seuls raison et que les ingénieurs (page 458) hollandais avaient tort. J'ai cru qu'il y avait lieu de reprendre l'idée que le gouvernement avait déjà soumise à la Hollande, et le cabinet décida qu'il y avait lieu de recourir à des ingénieurs étrangers.
Afin que la nomination de ces ingénieurs ne donnât pas lieu à des suppositions malveillantes, afin qu'on ne nous reprochât pas peut-être d'avoir été choisir à l'étranger des juges complaisants, j'ai cru qu'il convenait de s'adresser aux gouvernements eux-mêmes, en les priant de vouloir bien nous désigner des ingénieurs capables, compétents et qui seraient nécessairement impartiaux, puisqu'ils étaient nommés par des gouvernements, amis des deux pays.
Je ne sais pourquoi une démarche aussi simple, aussi conciliante que celle-là, qui dénotait, de notre part, une seule intention, celle de nous éclairer ; je ne sais pourquoi cette démarche a excité chez nos voisins une émotion extrême, des protestations violentes, et des attaques acerbes dans les Chambres, voire même des inculpations personnelles contre le ministre des affaires étrangères de Belgique ; c'était à faire croire qu'il avait commis un crime international.
Comme il s'agit des intérêts du pays, comme il s'agit de relations internationales que nous avons à cœur de conserver bonnes, je n'ai pas tenu compte de ces accusations plus ou moins malveillantes ; j'ai continué à faire mon devoir de ministre belge ; j'ai cherché à mériter de plus en plus la confiance du gouvernement du Roi et celle des Chambres dans cette affaire.
Ainsi que l'a dit l'honorable M. de Vrière, l'agitation, dans les Pays-Bas, est telle que presque chaque jour y voit éclore des brochures à ce sujet. Depuis une semaine, j'en ai reçu quatre pour ma part.
Je ne blâme pas la Hollande de publier ces brochures ; seulement ces écrits contiennent des assertions complètement inexactes ; passe encore si les brochures émanaient de personnes étrangères aux affaires ; mais ces erreurs ne sont pas pardonnables de la part d'écrivains qui ont un caractère officiel et qui ne manquent pas de l'inscrire en tête de leurs brochures. Je le répète, ces brochures contiennent des assertions très inexactes.
A ce point de vue seul, le moment serait venu de déposer les pièces officielles que j'ai promis de communiquer à la Chambre en temps opportun. Il y a une certaine catégorie de pièces qui doivent être imprimées ; ce sont celles où toute la négociation est exposée ; je ferai en sorte que cette partie soit imprimée d'ici à mardi, et je la déposerai ce jour-là sur le bureau de la Chambre.
J'engage la Chambre à s'abstenir de toute discussion, jusqu'à ce qu'elle ait pu prendre connaissance des pièces.
Je dois dire que les ingénieurs que j'avais prié les gouvernements étrangers de nous désigner nous ont été accordés, bien que la Hollande, je ne sais pas pourquoi, eût fait, paraît-il, de grands efforts pour engager les gouvernements étrangers à ne pas nous faire cette politesse ; mais enfin les ingénieurs ont été désignés ; celui d'Angleterre et celui de France sont venus à Bruxelles. Nous n'avons demandé à ces honorables fonctionnaires qu'un avis impartial ; nous avons été charmés de les voir se rendre de Bruxelles à la Haye, et à ma satisfaction, ils ont reçu à la Haye un excellent accueil, alors qu'on avait combattu l'éventualité de leur présence comme une intervention irrégulière et illégitime.
Quant à l'interpellation de l'honorable M. Dumortier, le moment n'est pas venu d'entamer une discussion ; mais je constate à regret que dans l'exécution du chemin de fer dont il s'agit et auquel nous avons droit en vertu des traités, nous n'avons pas rencontré de bonne volonté de la part du gouvernement de la Haye.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale du budget des travaux publics est close.
La séance est levée à quatre heures et demie.