(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1837) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à deux heures et demie.
La séance est ouverte.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Vandenpeereboom communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Pierre Deridder, ancien maréchaussée, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension de réforme du chef d'infirmités contractées au service. »
M. Thiéfry. - Le pétitionnaire est un ancien gendarme qui a servi pendant 17 ans ; il a, à mon avis, positivement droit à une pension. Cependant, le département de la guerre la lui refuse. Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Les membres du conseil communal de Wilskerke demandent l’adoption du projet de travaux proposés par M. l’ingénieur en chef de Sermoise, pour l’écoulement des eaux de la Lys. »
« Même demande du conseil communal, des négociants et propriétaires de Wervicq et des habitants d'Ardoye, Dudzele, Damme, Sysseele, Zedelghem, St-André, Stalhille, St-Jacques Cappelle, St-Michel, Ichteghem, Leke, Beernem, Hoogstade, Waerdamine, St-Pierre-sur-la-Digue et Niewmunster. »
M. Sinave. - Voilà au moins dix pétitions qui ont été présentées a la chambre qui toutes demandent l'exécution du projet Sermoise, relatif à l'approfondissement du canal de Bruges à Gand ; toutes les communes du littoral vous en ont envoyé.
Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
- Adopté.
« Les membres du conseil communal de Ransart demandent l'achèvement du chemin de fer de Louvain à la Sambre, dans la direction de Gembloux à Charleroy par Fleurus, Ransart, etc. »
« Même demande des membres du conseil communal d'Happignies. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l'exécution de travaux publics.
« Les membres du conseil communal de Montegnée prient la chambre de voter les fonds nécessaires pour exécuter le projet de dérivation de la Meuse conçu par M. l'ingénieur Kummer. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Turnhout prient la chambre d'accorder aux sieurs Chantrell et Riche la concession d'un chemin de fer de Turnhout à Anvers avec garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. »
- Même renvoi.
« Le sieur Taminiau, adjudicataire des travaux d'art et de terrassement à effectuer sur la partie du chemin de fer de Louvain à la Sambre enlre Ransart et Charleroy prie la chambre de mettre à la charge de la compagnie qui obtiendra la concession de l'embranchement du chemin de fer de Gembloux à Charleroy, les créances qui grèvent les travaux exécutés sur cet embranchement. »
- Même renvoi.
« L'administration communale d'Enghien transmet les adhésions des conseils communaux de Bassilly, Bievène, Hoves, Petit-Enghien, Herinnes et Gammerages à la pétition présentée àla chambre par le conseil communal de cette ville, pour solliciter la construction d'un chemin de fer de jonction entre les provinces wallonnes et les Flandres et qui passerait par Enghien. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal d'Oolen prie la chambre de voter les fonds nécessaires pour améliorer le cours de la Petile-Nethe. »
- Même renvoi.
« Un grand nombre d'habitants de la Boverie demandent l'exécution du canal de Jemmapes à Alost. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Nivelles demande l'exécution du chemin de fer de Manage à Wavre. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants d'Assenede demandent l'achèvement du canal de Zelzaele à la mer du Nord. »
- Même renvoi.
« Le comice agricole des 3ème et 10ème districts du Luxembourg prie la chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'abolition de quelques taxes communales. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.
« La chambre des notaires de Namur demande le rejet ou l'ajournement du projet de loi concernant les honoraires des notaires. »
M. Lelièvre. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
-Adopté.
« Le sieur P.-J. Bourrez, cabaretier à Elouges, né à Dam, demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au minisire de la justice.
« Le sieur Bonnaire présente des observations sur les conséquences des adjudications au rabais, et demande que dans tous les cahiers de charges de travaux publics on inscrive l'obligation, pour l'adjudicataire, de payer ou de faire payer aux ouvriers un minimum de salaire déterminé et dont le chiffre serait suffisamment rémunérateur et proportionné aux besoins de l'ouvrier et aux fatigues du travail. »
- Dépôt sur le hureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l'exécution des travaux publics.
« Le sieur Frédéric Pfeiffer, chapelier à Ixelles, né à Delft (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Degand propose un système destiné à remplacer les octrois communaux. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Forgion, ancien employé au chemin de fer de l'Etat, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit fait une enquête judiciaire sur les faits que lui impute l'administration du chemin de fer et sur ceux dont il accuse des employés de cette administration. »
- Même renvoi.
« Le sieur Bouhy demande une loi sur la contrainte par corps. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lefebvre, artiste-vétérinaire, prie la chambre de lui accorder un secours. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Bossut prient la chambre de rejeter la proposition relative à l'exécution du canal de Bossut, et demandent l'établissement d'un chemin de fer de Bossut à Courtray. »
« Même demande de plusieurs habitants de Saint-Genois, Moen, Autryve, Helchin, Espierrcs, Pottes et Herinnes. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant l'exécution de travaux publics.
« Plusieurs industriels de la vallée de la Dyle, de la Thyle et de l'Orne présentent des observations contre la proposition de faire passer le chemin de fer du Luxembourg par Wavre, au lieu d'Ottignies. »
- Même décision.
« Le conseil communal de Gelly demande que la compagnie du Luxembourg soit tenue de construire la section du chemin de fer de Louvain à la Sambre. »
- Même renvoi,.
« Le conseil communal de Renaix demande la continuation de l'embranchement du chemin de fer de Deynze ou de Gand à Audenarde vers Renaix pour se diriger ensuite sur Ath ou Leuze. »
M. d'Hondt. - Messieurs, la requête du conseil communal de Renaix repose sur des considérations tellement importantes à mes yeux, qu'elle mérite toute la sollicitude du gouvernement et de la chambre. Je demande donc le renvoi à la section centrale, avec prière de faire un rapport aussi promptement que possible, tout en appelant la plus sérieuse attention sur l'objet de la requête.
M. Veydt. - La section centrale a complètement terminé son travail. Je ne comprends pas qu'on veuille encore la réunir pour examiner une pétition.
M. d'Hondt. - Si la section centrale repousse le renvoi que je propose, je demanderai le dépôt sur le bureau pendant la discussion ; mais je ne pense pas qu'il soit sans antécédent de renvoyer une pétition à une section centrale après le dépôt de son rapport, et même pendant la discussion.
J'espère que la chambre voudra bien en agir ainsi pour la requête de la ville de Renaix, vu l'importance des motifs sur lesquels elle se fonde,
M. Delfosse. - Si la section centrale se réunissait pour autre chose, elle pourrait aussi s'occuper de cette pétition, mais il ne faut pas la réunir extraordinairement pour une seule pétition. Les représentants d'Audenarde pourront faire connaître àla chambre les motifs invoqués par les pétitionnaires.
M. Dumortier. - Il me semble qu'il convient que la section centrale fasse un rapport sur les pétitions qui pourraient être envoyées à la chambre à l'occasion des travaux publics.
La pétition dont il s'agit n'est pas la seule ; nous avons une pétition de la ville de Tournay qui adresse à la chambre des réclamations relativement aux travaux publics.
Je suis surpris d'apprendre que cette pétition n'ait pas été remise à la (page 1838) chambre. Je demande que la section centrale fasse un rapport sur cette pétition.
M. Allard. - Cette pétition, dont parle l'honorable M. Dumortier, a été adressée à M. le comte Le Hon, qui l'a remise lui-même à la section centrale, parce que dans ce moment la chambre n'était pas réunie. La section centrale s’en est occupée et l'a déposée sur le bureau. Un nouveau renvoi à la section centrale serait donc inutile.
M. Delfosse. - Il est inutile que la section centrale fasse un rapport sur toutes les pétitions qui viennent d'arriver. Plusieurs de ces pétitions ressemblent tout à fait à celles sur lesquelles la section centrale s'est déjà prononcée. Je citerai entre autres les pétitions qui concernent le canal de Bruges à Gand.
La section centrale ne pourrait dire sur les nouvelles pétitions que ce qu'elle a dit sur les pétitions antérieures, ayant le même but.
M. Dumortier. - L'honorable M. Allard se trompe, lorsqu'il dit que la pétition est déposée sur le bureau. Je ne prétends pas incriminer l'honorable membre qui n'a pas déposé la pétition ; mais je demande que le dépôt ait lieu. Il faut bien qu'elle arrive. Nous avons une pétition qui nous a été distribuée et dont la chambre n'est pas légalement saisie.
M. Allard. - M. le comte Le Hon nous a dit avoir déposé la pétition.
M. le président. - Pour couper court à cet incident, je ferai remarquer que, dans le rapport, il est dit que la section centrale s'est occupée de cette pétition, et l'a déposée sur le bureau.
M. Dumortier. - Je demande que la chambre en prenne acte.
M. le président. - Il est de fait que la pétition est mentionnée dans le rapport ; la chambre en est donc saisie.
M. Dumortier. - La section centrale a mentionné la pétition ; mais elle n'a pas fait de rapport. Il convient que cette pétition, comme toutes les autres pétitions relatives aux travaux publics, soit l'objet d'un rapport.
M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, l'honorable comte Le Hon a été dépositaire de la pétition, pendant tout le cours des travaux de la section centrale ; il me l'a remise ensuite, et je l'ai déposée au greffe. Il en est fait mention dans le rapport ; il y a même eu une discussion en section centrale, dans laquelle un membre, c'était M. le comte Le Hon, s'est appuyé sur la pétition de l'administration de la ville de Tournay, pour demander une réduction plus forte des péages du canal de Pommerœul à Antoing.
Je crois pouvoir demander, messieurs, que la section centrale soit dispensée de s'occuper des nouvelles pétitions qui arriveront encore à la chambre ; il est très futile de les faire connaître dans la discussion et de les rattacher à l'un ou l'autre des points qui sont exposés dans le rapport.
M. Loos. - Je ne puis que confirmer ce que l'honorable M. Veydt vient de dire. J'ajouterai que la section centrale s'est longtemps occupée d'une pétition de la chambre de commerce et des fabriques de Tournay qui demandait la construction d'un canal à grande section de Zwynaerde à Melle.
La pétition du conseil communal de Tournay a exactement le même but. C'est donc exactement comme si la section cenlrde l'avait examinée.
M. Delehaye. - Je ne pensais pas qu'il fût question de cet objet. Je vous avoue que je suis étonné que l'honorable membre demande à cet égard un nouveau rapport. C'est un objet dont la chambre s'est occupée déjà, à plusieurs reprises, et chaque fois il a été reconnu, de la manière la plus évidente, que ce canal est inexécutable.
M. Dumortier. - Je demande la parole. Il n'est pas du tout inexécutable.
M. le président. - Ceci est le fond.
La parole est continuée à M. le secrétaire pour l'analyse des pétitions.
« Les directions des sociétés charbonnières de Sars-Longchamps et Bouvy, Haussu, Bois du Luc, Louvières et la Paix, Mariemont, Bracquegnies, Carrières-Sud, Haine Saint-Pierre et la Hestre, demandent que le gouvernement soit autorisé à concéder, sans garantie aucune de minimum d'intérêt, le chemin de fer de Manage à la Sambre vers Erquelinnes. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l'exécution de travaux publics.
M. Faignart. - Malgré les diverses observations qui viennent d'être présentées par les membres de la section centrale, je ne puis m'abstenir de demander que cette pétition soit renvoyée à la section centrale.
Une autre pétition avait été adressée à lachambre, demandant la même concession ; mais c'était à la condition que le gouvernement intervînt et garantît un minimum d'intérêt de 4 p. c.
Aujourd'hui les mêmes pétitionnaires demandent purement et simplement la concession ; ils désirent que ce travail soit joint à la série des travaux qui doivent être exécutés sans garantie aucune de la part de l'Etat.
Je désirerais avoir à cet égard l'avis de la section centrale, qui, je l'espère, sera favorable.
M. Delfosse. - Je ne puis que répéter pour cette pétition ce que j'ai dit pour celle de Renaix. Il n'y a pas plus de raison pour faire un rapport spécial sur l’une que sur l'autre.
Du reste, si la section centrale était appelée à se réunir pour l'examen d'une proposition quelconque, elle pourrait examiner en même temps ces deux pétitions.
Comme les représentants d'Audenarde, l'honorable M. Faignart fera sans doute connaître les motifs sur lesquels s'appuient les pétitionnaires, et la chambre appréciera. Je ne crois pas que cette pétition soit tellement compliquée que la chambre ne puisse comprendre, sans un rapport de la section centrale, les explications que l'honorable M. Faignart pourra donner.
M. Faignart. - Si je pouvais espérer que d'autres pièces fussent renvoyées à la section centrale, je consentirais volontiers à l'ajournement proposé par l'honorable M. Delfosse. Cependant cette pétition, comme vous pourrez le remarquer, a un but tout à fait différent de celui pour lequel les mêmes pétitionnaires avaient précédemment adressé une requête à la chambre. Ils demandent seulement maintenant que la chambre autorise le gouvernement à concéder ce chemin de fer sans minimum d'intérêt, tandis que par la pétition sur laquelle la section centrale a dû faire un rapport précédemment, les pétitionnaires demandaient la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c.
M. Delfosse. - Quel est ce chemin de fer ?
M. Faignart. - C'est le chemin de fer de Manage à la Sambre.
M. Dumortier. - Je ne puis admettre le système de l'honorable M. Delfosse ; ce serait la suppression d'un droit constitutionnel, du droit de pétition qui est sacré pour tous les Belges. Je ne pense pas qu'il puisse dépendre d'une section centrale d'empêcher l'examen des pétitions qui sont renvoyées à cette chambre.
Le règlement est positif.
L'article 65 porte : « La commission des pétitions sera tenue de faire, chaque semaine, un rapport sur les pétitions parvenues à la chambre. »
Si la section centrale décline le devoir de faire rapport sur les pétitions qui nous sont envoyées, je demande que toutes ces requêtes soient renvoyées à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport. Car il n'est pas possible qu'on dépose ainsi vingt ou trente pétitions sur le bureau de la chambre et que personne de nous n'en ait connaissance.
Il faut que chacun de nous puisse savoir de quoi il s'agit dans ces pétitions, et ce n'est pas par une lecture fugitive, faite au milieu du bruit, que nous pouvons connaître les pétitions.
Le droit de pétition est un droit sacré ; et il ne peut dépendre de personne de l'annihiler.
Je demande donc que toutes ces requêtes soient renvoyées à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
M. Delfosse. - Personne ne songe à entraver le droit de pétition ; comme le dit M. Dumorlier, c'est un droit sacré. La section centrale ne décline pas le mandat que la chambre pourrait lui conférer.
Si la chambre décide que la pétition sera renvoyée à la section centrale, la section centrale se soumettra à la décision de la chambre. Mais la question est de savoir si la pétition est assez importante pour motiver une réunion extraordinaire de la section centrale, pour motiver un rapport spécial.
Remarquez, messieurs, que les pétitionnaires ont su depuis longtemps qu'un projet de travaux publics était soumis à la chambre ; pourquoi ne nous ont-ils pas adressé leur pétition avant que la section centrale eût terminé ses travaux ?
Si la pétition était de nature à exiger un examen spécial, je serais le premier à appuyer le renvoi à la section centrale ; mais, d'après ce que M. Faignart a dit, la pétition est tellement simple qu'il suffirait des explications que M. Faignart pourrait nous donner, pour la faire connaître à la chambre.
Il ne s'agit donc pas de porter atteinte au droit de pétition ; le droit de pétition reste intact.
- La proposition de M. Dumortier (renvoi à la commission des pétitions) est adoptée ; en conséquence, la requête est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Par dépêche en date du 5 août, M. le ministre de la justice adresse à la chambre deux demandes en naturalisation ordinaire, accompagnées des pièces de l'instruction. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. David, retenu par des affaires urgentes, demande un congé jusqu'au 13 courant.
- Accordé.
M. Thiéfry dépose le rapport concernant le projet de loi de délimitation entre les communes de St-Gilles et d'ixelles.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met le projet à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
M. H. de Baillet, au nom de la commission des pétitions, fait rapport sur la requête du sieur Romain Raikem qui demande que le produit d'aucun nouvel impôt ne soit affecté à de nouveaux travaux publics.
La commission propose le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussiou du projet de loi concernant les nouveaux travaux publics,
- Ces conclusions sont adoptées.
(page 1839) M. Jacques (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'ancienne convention avec la société du Luxembourg contient une clause d'après laquelle la commission est chargée de procurer à la Belgique l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 2 décembre 1843.
La nouvelle convention avec la compagnie du Luxembourg contient, à l'article 21, la clause : « Que l'entreprise du canal de Liége à Laroche est et demeure distincte de l'entreprise du chemin de fer. » Pour que nous puissions apprécier la portée de cette clause, il est nécessaire, me paraît-il, que nous ayons à notre disposition, pour pouvoir en prendre connaissance, les actes, arrêtés et cahiers des charges de la concession primitive du canal de Meuse-et-Moselle, ainsi que l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles dont je viens de parler.
Je prie donc la chambre d'engager M. le ministre des travaux publics à déposer ces diverses pièces sur le bureau pendant la discussion du projet de loi décrétant un ensemble de travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, il n'y a pas le moindre inconvénient à ce que ces pièces soient déposées sur le bureau ; par conséquent, il sera fait droit à la demande de l'honorable préopinant.
M. le président. - On est d'accord. Le dépôt aura lieu.
Les amendements introduits dans les articles premier et 3, lors du premier vote, sont confirmés.
« Art. 4. La non-reproduction immédiate dans l'usine, ou l'altération du registre, entraine une amende de 250 à 1,000 fr. ; la non-représentation ou l'altération du livret, ainsi que le refus d'ouvrir le robinet de décharge donnent lieu à une amende de 100 francs.
« Toute omission d'inscription sur le registre au moment voulu ; toute inscription inexacte, effacée ou altérée, dont le changement n'est pas dûment approuvé par le distillateur ; toute macération déclarée qui est anticipée ou prolongée de plus d'une heure ; tout transvasement opéré en contravention à l'article 3, entraînent une amende égale au décuple des droits dus à raison d'un renouvellement opéré dans les vaisseaux dont il est ainsi irrégulièrement fait usage.
« Dans chacun des cas prévus par les paragraphes 1 et 2 du présent article, le droit acquis au trésor d'après la déclaration est double.
« Toute contravention aux dispositions prises en vertu du paragraphe 5 de l'article 3 est punie d'une amende de 250 à 500 francs, indépendamment du double des droits dus sur les contenances irrégulièrement employées. »
M. Osy. - Messieurs, l'honorable M. Lelièvre, dans la séance de samedi dernier, avait soulevé la question des amendes qui se trouvent comminées par la loi de 1842. M. le ministre des finances ayant répondu à l'honorable M. Lelièvre, ce dernier, qui avait déposé un amendement, s'est empressé de le retirer. Messieurs, les amendes qui sont comminées par la loi de 1842 sont tellement exorbitantes, que véritablemeut il y a lieu de revenir là-dessus. Aujourd'hui, tout ce qui se trouve dans une distillerie est soumis à l'amende, s'il y a la moindre contravention, tandis qu'en douane, il n'y a confiscation que de la partie qui excède ce qu'on a déclaré. Comme l'honorable M. Lelièvre, je pense qu'il ne faudrait imposer l'amendement qu'à la partie qui se trouve dans les vaisseaux, sans avoir été déclarée.
Je demanderai à M. le ministre des finances si effectivement il n'y aurait pas quelque chose à faire sous ce rapport.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Lelièvre avait proposé un amendement à l'article 4, afin de réduire les pénalités proposées par le gouvernement.
Dans la discussion, j'ai présenté une nouvelle rédaction qui a eu pour effet de réduire, plus que ne le faisait l'amendement de M. Lelièvre, les amendes qui pourraient être encourues pour les contraventions que l'article prévoit. Il n'a pas été question, à ma connaissance, à l'occasion du projet de loi dont la chambre s'occupe, des amendes comminées par la loi de 1842. Aucune observation n'a été présentée sur ce point. Un seul distillateur avait demandé que ces amendes fussent réduites. Cette proposition, présentée dans une réunion de distillateurs, n'a pas été appuyée. Il est vrai que les amendes comminées par la loi de 1842 sont très fortes. Il est très vrai aussi que, pour le cas de fraude, il est interdit à l'administration de transiger. En 1842, la chambre, d'accord avec le gouvernement, a établi très sciemment de très fortes amendes pour les cas de contravention prévus par la loi, afin de prévenir autant que possible la fraude. Ce but a été complètement atteint.
Les contraventions à la loi sur les distilleries n'ont pas été bien considérables. Depuis qu'elle a été mise en vigueur, il a été dressé 265 procès-verbaux ; 12 seulement ont donné lieu à contestation judiciaire ; de ces 12 procès, 8 ont été gagnés par l'administration, 4 ont été perdus ; 221 ont été terminés par arrangement volontaire ; 32 procès-verbaux ont été annulés par l'administration elle-même.
On aurait tort de s'élever contre les amendes comminées par la loi de 1842. Qu'arriverait-il si on les réduisait quand nous établissons un droit plus élevé ? On offrirait un plus grand appât à la fraude ; et en la réprimant moins fortement, on encouragerait à éluder la loi. Je pense done qu'il n'y a aucun motif pour réformer les pénalités établies.
- L'article est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L’article 6 a été amendé :
« Le littera A du paragraphe premier de l'article 5 de la loi du 27 juin 1842 est abrogé
« Il est remplacé par la disposition suivante :
« Ils n'emploient que deux appareils : l'un servant uniquement à la bouillée, l'autre servant uniquement à la rectification des flegmes.
« La totalité des matières macérées dans les cuves servant à l'alimentation de ces appareils ne pourra pas dépasser vingt hectolitres par vingt-quatre heures de travail. »
M. Allard. - Il résulte des paroles prononcées par M. le minisire des finances dans la séance du 2 août, que les distillateurs qui n'auront pas deux appareils ne jouiront plus de la déduction accordée par l'article 5 de la loi du 27 juin 1842.
Voici ce qu'il a dit :
« Je n'ai pas d'objections à présenter contre l'amendement de M. de Denterghem, du moment qu'il substitue la quantité de 20 à celle de 30 hectolitres.
« Je crois devoir appeler l'attention de la chambre sur ce point ; c'est une réforme partielle de la loi de 1842, en ce qui concerne les distilleries agricoles ; la déduction de 15 p. c. ne serait plus acquise à toutes ces distilleries, mais seulement à celles qui se trouveraient dans les conditions déterminées par l'amendement de M. de Denterghem. »
Or, comme cet amendement autorise l'emploi de deux appareils, ceux qui n'en auraient qu'un seul jouiraient-ils de la déduction ? Je prie M. le ministre de lever tout doute à cet égard.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a pas de doute sur le sens de l'article 6. La condition principale, la seule, pour mieux dire, est celle qui se trouve au dernier paragraphe. Ainsi les distillateurs qui n'auront qu'un seul appareil, si les matières macérées en 24 heures ne dépassent pas 20 hectolitres, jouiront de la déduction. C'est ainsi que la disposition a été entendue, à tel point qu'on pourrait la restreindre au dernier paragraphe.
M. Manilius. - Je ne viens pas combattre l'amendement introduit à l'article 6. Je trouve la mesure bonne, mais je saisis cette occasion pour déclarer que par suite des modifications que la majorité a introduites dans l'article premier, je me rallierai au vote que la chambre va émettre. Seulement j'appellerai l'attention de M. le ministre des finances sur la nécessité de redoubler de vigilance, de surveillance pour empêcher l'introduction des produits étrangers.
Je reconnais avec le gouvernement que, sous ce rapport, la situation s'est trouvée beaucoup améliorée après les mesures répressives établies par la loi de 1843 ; mais je crois qu'il faudra adopter des mesures nouvelles, si on veut avoir une bonne exécution de la loi que nous allons voter.
Il suffira, je pense, d'avoir appelé sur ce point l'attention de M. le ministre des finances, qui a plus spécialement la mission de défendre les intérêts du trésor.
Les mesures que je le convie à prendre, ont une double utilité : l'intérêt de la production nationale et l'intérêt du trésor.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose au dernier paragraphe de substituer le mot « vaisseaux » au mot « cuves ».
- L'article ainsi amendé est adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je prie la chambre d'introduire une disposition nouvelle qui a été demandée par les distillateurs et qui me paraît juste. D'après la loi existante, on ne peut accorder de remise qu'en cas de cessation complète des travaux dans la distillerie ; il peut se trouver cependant telle circonstance où il y ait une interruption partielle de travaux résultant d'un cas de force majeure. Le gouvernement a été obligé de refuser la remise dans des cas semblables à cause des termes formels de la loi.
La disposition que j'ai l'honneur de soumettre à la chambre, serait ainsi conçue :
« Par modification à l'article 17 de la loi du 27 juin 1842, en cas d'interruption partielle des travaux, le ministre des finances peut accorder la remise des droits pour les vaisseaux momentanément hors d'usage, pendant les jours restant à courir suivant la déclaration, s'il reconnaît que cette interruption a été occasionnée par des causes indépendantes de la volonté du distillateur.
« Toutefois l'impôt pour le jour commencé ne peut être scindé. »
M. Dumortier. - Je suis charmé de voir le gouvernement proposer une modification pour faire cesser une disposition fâcheuse de la loi.
Il y a cette différence entre la loi sur les distilleries et celle sur les brasseries, que d'après celle-ci, quand un accident arrive dans une brasserie, il suffit que le brasseur pendant la durée, se rende chez le receveur de son ressort, y fasse sa déclaration ; et on lui accorde immédiatement un délai pour la reprise de son travail, délai pendant lequel il ne paye point.
Dans la loi sur les distilleries, au contraire, si dans ces établissements fort compliqués, un accident arrivait à l'une ou à l'autre des machines, le distillateur devrait payer comme s'il fabriquait.
Cela n'est pas juste. Il est évident qu'il faut ici mettre les deux impôts sur la même ligne, et que, de même que dans la loi sur les brasseries, vous devriez, dans cette loi, autoriser en cas d'accident le receveur à accorder un délai.
Maintenant dans la proposition qui vous est faite, on autorise seulement M. le ministre à autoriser la remise. Il serait beaucoup plus juste, de faire comme dans la loi sur les brasseries et d'autoriser pour les distillateurs une remise par les mêmes moyens qu'on le fait pour les (page 1840) brasseries ; car le principe est identiquement le même. Un accident peut arriver dans une usine. L'accident arrivant par force majeure, il est évident qu'il n'est pas possible de faire paver par jours de travail l'établissement qui doit chômer par suite de cet accident de force majeure.
Il me semble qu il vaudrait mieux rédiger l'article de manière à faire concorder la loi sur les distilleries avec la loi sur les brasseries.
Je n'ai point la loi sous les yeux, il m'est impossible de présenter une rédaction ; mais je soumets cette observation à M. le ministre des finances, pour qu'il mette les deux lois en harmonie parfaite.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce que désire l'honorable M. Dumorlier existera par suite de l'amendement.
D'après la loi actuelle sur les distilleries, on peut accorder la remise de droit, mais à la condition qu'il y ait interruption complète de travaux. Voilà la disposition existant depuis 1833.
D'après la proposition que je fais à la chambre, on pourra accorder une remise en cas d'interruption, si cette interruption a lieu par une cause indépendante de la volonté du distillateur.
- L'article nouveau, proposé par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je prie la chambre de vouloir bien numéroter les articles comme suit : l'article additionnel deviendrait l'article 5 ; l'article 6 que je viens de proposer deviendrait l'article 6 du projet ; l'article 5 deviendrait l'article 7 ; suivant l'ordre logique, cela devrait ainsi se présenter.
- Ce mode de numérotage est admis par la chambre.
« Art. 7 (qui devient l'art. 8). Le gouvernement présentera aux chambres, au plus tard le 31 décembre 1852, un projet de loi portant révision des dispositions relatives aux distilleries agricoles et aux octrois communaux, en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes, de manière à supprimer toute prime qui pourrait résulter des octrois actuels. »
M. Orts. - Messieurs, lors de la première discussion et à propos de cet article, j'avais annoncé l'intention de proposer un sous-amendement à la chambre comme conséquence du vote de l'amendement de l'honorable M. Dumortier.
Dans la discussion, tout le monde s'est d'un commun accord référé à l'interprétation que donnera aux dispositions nouvelles M. le ministre des finances. On a dit que l'esprit de la loi sera l'esprit de celui qui l'exécute. C'est l'honorable M. Mercier qui l'a dit. Si les choses sont ainsi et si M. le ministre des finances déclare que dans sa pensée la réforme du leurre ou du privilège ou de la protection accordée aux distilleries agricoles sera étudiée et les questions qu'elle soulève résolues en même temps que ce qui concerne les octrois, je m'abstiendrai de présenter un sous-amendement que je considérerais comme inopportun, et même comme dangereux ; car il est toujours dangereux d'improviser des dispositions de cette nature dans des lois fiscales ; je demande donc s'il est bien entendu que ces deux questions seront examinées simultanément, et que la solution de l'une sera présentée à la chambre, en même temps que la solution de l'autre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai suffisamment fait connaître mon opinion sur l'objet réglé par la disposition adoptée au premier vote. Selon moi, il importe de régler simultanément les conditions des distilleries agricoles et celles relalives à l'octroi des villes en ce qui concerne les eaux-de-vie indigènes.
Nous avons dit, et nous répétons qu'il y a des abus qu'il faut faire disparaître, nous avons démontré qu'il serait injuste de faire disparaître les uns sans les autres ; car les distilleries agricoles, jouissant d'une protection de 15 p. c. seraient privilégiées au détriment des distilleries urbaines, qui ne jouiraient plus d'aucun avantage.
De prime abord, je n'avais pas saisi le sens de la disposition additionnelle proposée par l'honorable M. Dumortier. Je suis monté au bureau pour la relire, lorsque l'honorable M. Orts m'a fait connaître mon erreur. J'avais compris qu'il s'agissait aussi bien des primes dont jouissent les distilleries agricoles, que de celles dont jouissent les distilleries urbaines, au moyen des octrois.
Je propose donc de terminer la disposition additionnelle comme suit : « de manière à faire disparaître les abus qui peuvent résulter du régime actuellement en vigueur. »
Cela embrasse les deux espèces de primes ; cela répond à la pensée de tous ceux qui se sont occupés de cet article.
M. Orts. - Je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre des jfinances. Mais je désirerais que l'honorable M. Dumortier voulût bien s'expliquer.
M. Dumortier. - La pensée qui a dicté cet article, que la chambre a adopté à l'unanimité moins deux voix, est bien claire.
Il existe, en matière d'octroi, des abus incontestables et incontestés. Il y a des privilèges et des privilèges considérables, au moyen du trésor des villes, en faveur des distilleries situées dans l'enceinte de ces villes. Cela amène ce résultat fâcheux que, dans toutes les villes, sans en excepter une seule, les distilleries jouissent d'une prime au détriment de la ville elle-même.
Voilà un abus scandaleux.
Pour moi, je ne puis admettre ce régime de douanes urbaines opposé à ce qui s'est fait en Allemagne par l'établissement du Zollverein. C'est un abus criant, contraire à l'unité nationale, et contre lequel nous devons tous réclamer hautement.
Sous le gouvernement hollandais, il existait, dans la loi fondamentale, une disposition expresse qui chargeait les deputations des états de veiller à ce qu'aucun droit d'octroi n'empêchât la libre circulation des produits du sol. Il est regrettable que la loi communale, ou la Constitution, ne contienne pas une disposition semblable. Mais, comme j'ai eu l'honneur de le dire, c'est dans l'esprit de la Constitution. Il est reconnu que c'est depuis notre révolution que tous ces abus ont surgi. Il n'en existait pas un seul sous le gouvernement précédent. Pourtant la Constitution est bien claire.
La Constitution nous dit qu'il ne peut être établi de privilège en matière d'impôt. Or ce sont ici des privilèges en matière d'impôt et des privilèges déplorables, puisqu'ils entravent la libre circulation.
Que s'est-il passé, messieurs ? C'est que les distilleries des villes non seulement accaparaient tout le marché intérieur des villes, mais qu'elles pouvaient vendre leurs produits à un prix inférieur à celui de la fabrication à des distances considérables du lieu de production.
Voilà à quels abus j'ai voulu parer avant tout.
Mais on vous parle des distilleries agricoles. Ici je ne crois pas a priori qu'en présence de la loi que nous venons de voter, il y ait encore privilège en matière de distilleries agricoles.
Oui, il y a eu privilège en matière de distilleries agricole. Beaucoup de distilleries, qui n'étaient agricoles que de nom, jouissaient d'une protection, en ce sens qu'ij n'y avait pas de limite à leur fabrication, qu'elles pouvaient travailler autant de fois par semaine qu'elles le voulaient, que plusieurs d'entre elles ne constituaient qu'un semblant de distilleries agricoles, puisqu'elles faisaient rectifier leurs flegmes par les distilleries des villes.
Aujourd'hui, ces privilèges cessent d'exister.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non ! non !
M. Dumortier. - Pardon.
Maintenant que va-t-il se passer ? Le distillateur agricole ne pourra employer que 20 hectolitres par 24 heures. Or, que peut-on tirer de 20 hectolitres ? Un hectolitre 25 litres par jour. Voilà ce qu'une distillerie agricole pourra fournir.
Vous le voyez, les établissements dont je parle sont, par l'amendement de l'honorable M. de Denterghem, réduits aux véritables proportions de distilleries agricoles.
Une distillerie qui fabrique en hiver seulement (car les distilleries) agricoles ne peuvent fabriquer autrement, et qui ne produit qu'un hectolitre 25 litres par jour, est évidemment une distillerie qui n'entre pas en ligne de compte pour la consommation ; c'est une véritable distillerie agricole.
D'un autre côté, vous avez admis une autre disposition dans la loi ; c'est celle qui fait payer le droit non plus par jour, mais par macération.
La combinaison de ces deux dispositions que vous avez introduites dans la loi actuelle ne permet plus le mainlien de ces établissements qui n'avaient d'agricole que le nom, et c'est un grand bien, puisqu'on fait cesser ainsi un privilège et un privilège odieux.
Restent les petites distilleries réellement agricoles qui fabriquent 125 litres par jour au maximum.
Eh bien ! pourquoi a-t-on voulu, lorsqu'on a fait la loi de 1834, je pense, accorder à ces distilleries un privilège de 15 p. c ? Etait-ce un privilège ? Nullement. C'est parce que les appareils dont se servent les distilleries agricoles sont infinimenut moins perfectionnés et qu'il était impossible à ces établissements de lutter avec les distilleries constituées d'après l'appareil Cellier-Blamenthal.
De plus, diverses restrictions leur étaient imposées par la loi.
Ce n'est donc pas une prime, ce n'est pas un privilège qu'on a voulu leur accorder ; mais on a voulu uniquement les mettre à même de continuer à être utiles à l'agricullure, ce qu'elles n'auraient pas pu faire, si elles n'avaient pas eu une remise dans le droit. En effet, il est évident, que les appareils à colonnes, que les appareils Cellier-Blumenthal qui se trouvent dans les grandes distilleries, sont infiniment plus perfectionnés et permettent de retirer beaucoup plus d'alcool que n'en obtiennent les distilleries à simples alambics.
Supprimez cette remise des 15 p. c. et vous arrivez à ce résultat que ces distilleries réellement agricoles cesseront à l'instant de marche ; elles sont supprimées.
Or, l'intérêt de l'agriculture exige-t-il, oui ou non, que l'on favorise l'établissement des distilleries agricoles ? Pour mon compte, je n'hésite pas à me prononcer pour l'affirmative. Oui, dans certaines contrées, comme la Campine, comme le Luxembourg, où les engrais manquent, l'intérêt de l'agriculture demande qu'on favorise l'établissement des petites distilleries. Or, si elles sont, nécessaires pour l'agriculture, qui veut la fin veut les moyens. Si vous voulez qu'elles puissent favoriser les défrichements dans le pays, l'amélioration du sol, dans les lieux où il n'est pas encore parvenu à la plus grande fertilité, il faut leur donner le moyen d'exister. Eh bien, ce moyen, c'est la déduction des 15 p. c.
Voilà par quel raisonnement nous sommes arrivés, en 1834, à accorder cette déduction en faveur des distilleries agricoles.
Maintenant, je le répète, des abus ont surgi ; les distilleries qui n'étaient agricoles que de nom se sont développées et ont fait une forte concurrence aux grandes distilleries constituées pour la consommation. Mais ces abus sont rendus impossibles par le projet de loi ; il n'existera plus aujourd'hui que de véritables distilleries agricoles.
Dans mon opinion, la réduction accordée à ces distilleries agricoles ne (page 1841) constitue pas une prime, puisqu'elle ne leur est accordée qu'en compensation des sacrifices que ces établissements sont obligés de faire dans l'intérêt de l'agriculture et aussi de l'imperfection des instruments dont ils doivent se servir. Que s'il était démontré par l'expérience qu'une prime existe encore, je serais le premier à en demander la suppression. Je veux que les distilleries agricoles puissent marcher dans l'intérêt de l'agriculture ; mais si M. le ministre des finances venait établir, par les expériences qu'il nous a promises qu'une prime existe, je serais le premier à en voter le retranchement parce que je ne veux de primes ni dans un intérêt ni dans l'autre.
Cependant je vous avoue que je ne vois pas de motif pour modifier la phrase qui avait été adoptée à l'unanimité par la chambre.
Que porte la disposition ?
« Le gouvernement présentera aux chambres, au plus tard le 31 décembre 1852, un projet de loi portant révision des dispositions relatives aux distilleries agricoles et aux octrois communaux, en ce qui touche les eaux-de vie indigènes, de manière à supprimer toute prime qui pourrait résulter des octrois actuels. »
Eh bien, si des octrois actuels il résulte une prime en faveur des distilleries situées dans les murs des villes, le gouvernement présentera un projet de loi pour les supprimer. Si, au moyen des droits d'entrée dans les villes, il existe une prime en faveur de certains établissements agricoles, le gouvernement y pourvoira.
Tout cela se trouve dans l'article qui a été voté, et pour mon compte je ne vois pas pourquoi supprimer le mot « octrois », car l'article 7 est fait exclusivement en vue des octrois. Pourquoi donc supprimer ce mot ?
Messieurs, au lieu de dire « de manière à supprimer toute prime qui pourrait résulter des octrois actuels, » l'honorable ministre propose de dire « de manière à faire disparaître les abus qui pourraient résulter du régime actuellement en vigueur » ; mais il n'est plus question de la révision des octrois.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si cela répond exactement à votre pensée, c'est la même chose.
M. Bruneau. - Le mot « révision des octrois » communaux restent.
M. Dumortier. - Du moment que cela repond à ma pensée, je n'insiste pas. Mais quant à moi, ce qui me frappe le plus ce sont les grands abus résultant des octrois.
Mais qu'est-ce que c'est que les abus ? Ce mot ne signifie rien, il peut y avoir des abus de 36 espèces différentes.
Du reste, la chambre appréciera, mais je ne vois pas pourquoi on ne laisse pas la phrase telle qu'elle est, pourquoi on veut changer une phrase excessivement claire en une autre qui l'est beaucoup moins.
La pensée est tout entière dans l'amendement.
M. Orts ? - Il n'y en a que la moitié.
M. Dumortier. - Je vous prie de m'excuser. Lorsque nous supprimons les primes qui pourraient résulter des octrois actuels, nous ne supprimons pas seulement les primes sur les eaux-de-vie qui se fabriquent dans les villes, nous supprimons aussi les primes sur les genièvres qui sont introduits dans les villes. Car les droits d'octroi se composent de deux branches : l'une relative à la fabrication intérieure, l'autre relative à l'introduction des objets fabriqués à l'extérieur, de manière qu'il n'y a aucune espèce d'équivoque dans la rédaction primitive. Je le répète, je ne vois pas de motif pour changer celle rédaction.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a une seule raison pour modifier la rédaction proposée par l'honorable M. Dumortier. M. Dumortier demande qu'on supprime toute prime qui pourrait résulter des octrois actuels ; cela signifie, pour tout le monde, qu'on élèvera le rendement, qui est évidement trop bas. Mais le droit qui existe à l'entrée n'est plus une prime, et dès lors il n'est pas compris dans l'amendement de l'honorable M. Dumortier. Cependant il y a là un abus tout aussi bien que dans la prime, et si l'on faisait disparaître la prime en maintenant le droit protecteur, on n'aurait rien fait pour les distilleries de l'extérieur.
Eh bien, je demande qu'on dise, d'une manière générale : « Faire disparaître les abus qui peuvent résulter du régime actuel. » Cela comprend tout ; mais cela n'empêche pas d'établir une différence en faveur des distilleries agricoles, si on le juge utile.
M. Rodenbach. - Je dois à la vérité de déclarer que je préfère l'amendement de M. le ministre à l'amendement qui a été adopté au premier vote.
Il ne s'agit pas seulement des primes, il s'agit d'autres abus : dans certaines villes, les distillateurs ne payent que 33 centimes par hectolitre de matière mise en fermentation, tandis qu'on rembourse beaucoup plus à la sortie.
Je regrette ne pouvoir pas non plus partager l'opinion de l'honorable préopinant sur un autre point : je pense que toutes les distilleries sont agricoles ; toutes travaillent pour l'agriculture ; toutes produisent des engrais et engraissent du bétail. On pourrait peut-être faire une distinction entre les petites distilleries et les grandes, mais, je le répète, toutes sont agricoles.
Je crois, messieurs, qu'il y a aujourd'hui privilège aussi bien dans les villes qu'au dehors des villes, et puisque l'amendement de M. le ministre me semble de nature à faire disparaître l'iniquité, de quelque part qu'elle vienne, je me rallie à cet amendement.
- La clôture est demandée.
M. Mercier (sur la clôture). - Je demande à pouvoir dire deux mots sur l'amendement de M. le ministre des finances.
- La clôture est prononcée.
M. Dumortier (sur la position de la question). - D'après les explications données par M. le ministre des finances, je me rallie à son amendement.
- L'article est définitivement alopté avec l'amendement du M. le ministre des finances.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
75 membres sont présents.
56 adoptent.
14 rejettent.
5 s'abstiennent.
En conséquence le projet est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delescluse, Delfosse, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, Desoer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Faignart, Frère-Orban, Jouret, Lebeau, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osyv Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Tesch, Thibaut,Thiéfry, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Allard, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Cumont et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. Delehaye, de Liedekerke, de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Perceval, Dumortier, Jacques, Landeloos, Malou, Peers, Sinave, Van Grootven et Coomans.
Se sont abstenus : MM. Dechamps, de Renesse, de Steenhault, d'Hont et Lelièvre.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Dechamps. - Je me suis abstenu, parce que je n'ai pas pa assister à la discussion.
M. de Renesse. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que le droit d'un franc 50 c. me paraît trop élevé et qu'il provoquera à la fraude
M. de Steenhault. - Messieurs, je me suis abstenu, comme dans les autres lois d'impôt, parce que je ne veux pas voter une augmentation de charges sans savoir positivement à quels travaux publics elles pourraient être ultérieurement appliqués.
M. d'Hondt. - Je n'ai pas voté pour la loi parce que le chiffre de l'augmentation de l'impôt me paraît trop élevé.
Je n'ai pas voté conlre, d'abord parce que la loi contient diverses amélioralions et des avantages assez notables pour les distillateurs, notamment en ce qui concerne le travail du dimanche ; en second lieu, reconnaissant l'utilité de certains travaux publics parmi lesquels l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter obtiendra, j'espère, une juste part, je n'ai pas voulu refuser au gouvernement des ressources qu'il destine à l'exécution de ces travaux.
M. Lelièvre. - Je m'abstiens, parce que si je veux l'exécution des travaux publics, il m'est impossible de consentira y pourvoir au moyen d'un impôt de consommation de la nature de celui énoncé au projet et aussi élevé.
- La chambre, consultée, décide qu'elle se réunira demain en séance publique à midi.
M. Coomans. - (Nous donnerons les développements de la proposition de loi.) (Ces développements sont repris aux pages 1843 à 1855 des Annales parlementaires. Ils ne sont pas reproduits dans la présente version numérisée.)
M. le président. - Il s'agit de fixer le jour de la discussion pmr la prise en considération de la proposition de M. Coomans.
M. Delehaye. - Messieurs, je ne pense pas que la chambre puisse aborder immédiatement ni même demain la discussion pour la prise en considération, d'autant plus que les développements n'ont pas été lus en entier. Je demanderai que la discussion pour la prise en considération soit fixée après les objets qui figurent déjà à l'ordre du jour. (Appuyé.)
M. Coomans. - Messieurs, je n'ai aucun motif pour m'opposer à la proposition de l'honorable M. Delehaye. Je sens que le moment n'est pas opportun pour engager une discussion à ce sujet ; mais je crains que la chambre, qui sera déjà très fatiguée après la discussion très prochaine du projet de loi sur les travaux publics, ne soit pas disposée ou même n'ait peut-être pas les forces nécessaires pour discuter la prise en considération de ma proposition de loi.
Je ne recule devant aucune espèce de discussion, mais je me soumettrai à la décision de la chambre.
M. Delehaye. - Je propose de mettre cette discussion après les objets qui sont à"l'ordre du jour. Nous n'avons pas entendu tous les développements, nous ne les connaîtrons que quand ils seront imprimés, ce qui ne pourra avoir lieu que dans plusieurs jours ; d'un autre côté, la chambre va aborder un objet qui doit absorber toute son attention. En remettant la discussion de la prise en considération après les objets qui page 1842) sont à l'ordre du jour, la chambre sera à même de prendre une résolution définitive.
- Cette proposition est adoptée.
M. Le Hon. - La chambre me permettra de lui donner de courtes explications sur l'incident de la pétition de Tournay qui a été soulevé au début de la séance ; si j'eusse été présent alors, je les lui aurais données immédiatement. Je crois devoir donner ces explications à la chambre, pour elle d'abord, et ensuite pour l'administration qui m'avait adressé cette pétition.
Il n'a pu entrer dans ma pensée de transmettre à une section centrale des pétitions qui n'auraient pas fixé l'attention de la chambre.
Quand j'ai reçu la pétition de Tournay, le 24, la chambre n'était pas réunie et la pétition étant datée du 19, j'ai cru que c'était une copie qu'on m'adressait ; l'ayant en ma possession quand la section centrale s'est réunie, j'ai cru faire chose convenable pour la chambre et utile pour mes commettants en la lui présentant pour qu'elle prît place dans la discussion. C'est ce qui a eu lieu. Je demanderai à la chambre de prendre en considération cette circonstance nouvelle, que si je ne l'ai pas déposée, c'est que chaque jour siégeant dans la section centrale depuis 10 heures jusqu'après l'ouverture de la séance, je n'ai pu assister à la présentation de l'analyse des pétitions.
Je ne voudrais pas que la chambre pût croire que j'ai passé par-dessus sa juridiction pour faire arriver une pétition à une section centrale.
- La séance est levée à 4 heures et demie.