(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1797) M. Ansiau procède à l'appel nominal à une heure et demie.
La séance est ouverte.
M. A. Vandenpeereboom donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse de la pétition suivante.
« Plusieurs négociants et propriétaires de la ville et de l'arrondissement de Thourout prient la chambre d'adopter le projet de travaux publics proposés par M. l'ingénieur en chef de Sermoise, pour compléter les moyens d'écoulement des eaux de la Lys. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.
M. Destriveaux, au nom de la commission des naturalisations, dépose un projet de loi relatif à une demande de naturalisation.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
M. le président. - Depuis plusieurs jours, d'honorables membres s'étaient fait inscrire pour la discussion sur le projet de loi relatif à l'exécution de travaux d'utilité publique. Il y en a 15 ou 16.
Un membre, depuis, a fait remarquer qu'aux termes de l'article 20 du règlement il n'était pas permis de se faire inecrire avant le dépôt du rapport.
Cet article, il est vrai, peut donner lieu à des interprétations différentes ; c'est à la chambre à décider.
M. de Haerne. - Ces inscriptions pourraient être considérées comme des demandes préalables. Il n'y a pas d'inconvénient à les conserver, sauf à les rendre définitives un peu plus tard.
M. Manilius. - Il ne faut pas, ce me semble, faire des inscriptions une course au clocher, une lutte à qui sera inscrit le premier. Sous ce rapport, ne conviendrait-il pas de tenir compte aux honorables membres del'empressement qu'ils ont mis à se faire inscrire et de déclarer définitive leur inscription qui, jusqu'ici, aux termes du règlement n'est que provisoire ?
M. Le Hon. - Je crois qu'il est d'usage dans une assemblée parlementaire qu'il n'y ait d'inscriptions reçues au bureau pour prendre la parole dans une discussion que lorsque le rapport a été présenté. Vous le voyez en France. Les journaux vous parlent quelquefois de députés qui vont faire queue le matin pour se faire inscrire dans une discussion importante, et c'est toujours à la suite de la séance où le rapport a été déposé ; sans cela on pourrait s'inscrire six mois d'avance pour parler sur tel ou tel projet de loi. Je crois que cela ne convient pas. (Adhésion.)
M. Coomans. - Je trouve l'observation parfaitement juste, et je retire mon inscription.
M. Bruneau. - L'exécution du règlement.
M. Lebeau. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
- Plusieurs membres. - On est d'accord.
M. le président. - On paraît d'accord pour considérer les inscriptions comme nulles. (Adhésion générale.) Ainsi il n'y a rien.
M. Veydt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux publics.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Malou. - Quand ce rapport sera-t-il distribué ?
M. Veydt. - En y mettant toute l'activité possible, il ne pourra être distribué que dans la soirée de mardi.
- La chambre fixe la discussion à jeudi.
M. le président. - Nous sommes restés au dernier paragraphe de l'article premier relatif à la quotité de la décharge.
Quatre propositions sont faîtes à la chambre :
Celle du gouvernement, qui fixe le taux à 30 fr. 70 c ;
Celle de M. Cools, qui le fixe à 29 fr. 70 c ;
Celle de M. Dautrebande, qui le fixe a 25 fr. ;
Celle de M. Osy, qui le fixe à 33 fr.
La discussion est ouverte sur ces diverses propositions.
M. Loos. - Messieurs, une proposition a été déposée sur le bureau, comme amendement, par l'honorable M. Osy, qui propose de porter à 33 fr. la décharge ou la restitution à l'exportation du genièvre.
D'autres membres ont déposé des amendements tendant à réduire même le chiffre proposé par le gouvernement, qui est de 30 francs 70 centimes.
Messieurs, je l'ai déjà déclaré dans d'autres occasions, je ne suis pas partisan de ce qui constitue une véritable prime pour l'industrie ; mais j'ai toujours émis dans cette enceinte l'opinion que quand il s'agissait de régler l'impôt qui frappe une industrie, de régler les conditions dans lesquelles cette industrie pourrait prendre part aux exportations, il fallait nécessairement tenir compte de la position dans laquelle cette industrie se trouve dans des pays voisins qui lui font concurrence.
Or, messieurs, pour moi, il est bien démontré que dans les conditions où l'impôt place les distilleries, il leur est impossible de soutenir la concurrence sur les marchés étrangers avec l'industrie de nos voisins.
Les conditions dans lesquelles cette industrie se trouve placée dans notre pays sont éminemment défavorables.
On ne peut méconnaître que l'obligation de produire dans un temps déterminé, de produire en 24 heures le genièvre, constitue une charge onéreuse pour cette industrie. Dans un pays voisin, messieurs, une autre législation régit les distilleries ; d'après cette législation, la fermentation peut continuer pendant 48 heures ; ici elle doit être terminée en 24 heures.
Il résulte de là, non seulement qu'on ne peut pas tirer la quintessence des matières employées ; mais que pour obtenir une fermentation assez importanle on doit employer des moyens extrêmement coûteux. On nous a distribué une note relative à cet objet ; je l'ai mûrement étudiée et je déclare franchement que je n'y trouve absolument rien à répondre, si ce n'est peut-être un seul point qui est relatif à la durée de la fermentation ; c'est-à-dire le préjudice occasionné par une fermentation trop rapide, une fermentation de 24 heures.
A part cela, on peut admettre que l'administration des finances n'a pas entendu apprécier à sa juste valeur l'importance de la fermentation qui s'opère le dimanche, en établissant de ce chef un chiffre de 25 c., mais même en tenant compte de cela, tout en opérant de ce chef une réduction sur le compte établi, il en résulte encore que le prix de revient du genièvre dans notre pays est plus élevé qu'en Hollande, et que, par conséquent, nos distilleries ne peuvent pas rivaliser avec celles de la Hollande sur les marchés étrangers. Or, si je demande que le taux de la décharge soit fixé à 33 fr. comme le propose l'honorable M. Osy, c'est parce que j'ai la conviction qu'il n'en résultera pas une prime pour cette industrie.
Cela peut paraître exagéré, mais je prie la chambre et les honorables membres qui s'occupent spécialement de cette question d'examiner si les conditions d'infériorité qui existent pour'nos distilleries ne rachètent pas implicitement la prime qui est accordée à l'exportation. Cette prime est complètement abolie par la position désavantageuse dans laquelle se trouvent nos distilleries, et si je reconnaissais qu'il dût en résulter une prime réelle pour cette industrie, soyez convaincus, messieurs, que je n'appuierais pas l'amendement proposé par l'honorable M. Osy. J'ai la conviction du contraire ; c'est ce qui m'a fait prendre la parole en faveur de la proposition de l'honorable membre.
M. Dautrebande. - Lorsque mon honorable collègue et ami M. Deliége, a fait son rapport au nom de la section centrale, j'ai entendu avec surprise que l'amendement par lequel je proposais de ne restituer que 23 francs au lieu de 30 fr. 70 cent, par hectolitre pour l'exportation des genièvres, avait été rejeté par 3 voix contre 3 et une abstention.
Cette résolution avait d'autant plus lieu de m'étonner que je ne devais pas m'y attendre, puisque le jour où cet amendement a été présenté à la chambre, la section centrale s'est réunie pour l'examiner ; et il fut admis, moi présent, par 6 voix et une abstention ; il résultait de cette décision, que le principe de ne plus accorder de prime de sortie, était décidé. Aujourd'hui, il n'en est plus ainsi, et l'on donne pour raison, que la loi du 5 mars 1850 n'ayant que 16 mois d'existence, elle ne doit pas être abolie.
Il me semble, messieurs, que cet argument est bien faible, et qu'il est loin d'être assez concluant pour repousser un principe. Je laisse à la chambre d'en faire l'appréciation.
La question dont j'ai l'honneur de l'entretenir, est tellement simple qu'elle n'a pas besoin d'être développée. Aussi je serai très bref.
Y a-t-il, oui ou non, prime, et je dirai aussi, privilège ?
Pour démontrer affirmativement ces questions, je me servirai du rapport de l'honorable M. Deliége, p. 7, où il dit que la prime est de 9 fr. 27 c. par hectolitre.
J'affirme à la chambre, et cela par expérience, que tout distillateur capable obtiendra, terme moyen, au moins 7 litres de genièvre à 50 degrés, par hectolitre de matière, ce qui porte le droit à fr. 21,43 ; mais voulant donner aux exportateurs, pour les indemniser de divers faux frais, qui ont toujours lieu lorsque des expéditions lointaines sont faites, (page 1798) je n’ai porté le rendement qu'à 6 1/2 litres, au lieu de 7 qui est celui que l'on obtient ; ce dernier produit ne peut plus être douteux puur personne, puisqu’un grand nombre de distillateurs en font la déclaration ; ainsi d'après ce dernier chiffre le droit n'est réellement que de fr. 21,45, il y a donc par mon amendement un avantage de fr. 1,57 par hectolitre pour l'exportation.
Je pense qu'aucun membre de la chambre n'a plus de doute sur le chiffre du rendement, et il est facile de s'assurer de l'exactitude de ceux que j'indique.
D'après cet exposé, c'est à la chambre à décider, si elle continuera à accorder une prime à quelques exportateurs, qui à l'aide de ce moyen, et d'un autre que j'ai eu l'honneur d'indiquer à la séance du 29 juillet dernier, font une concurrence ruineuse aux autres distillateurs du pays.
Je vous prie, messieurs, de ne pas perdre de vue, qu'une sortie seulement de 7,000 hectolitres de genièvre à fr, 9,27 de prime, comme l'indique l'honorable rapporteur de la section centrale, donnera une somme de fr. 64,800, qui seront payés à quelques privilégiés au détriment du trésor, et serviront à nuire à un nombre considérable de distillateurs, qui ne peuvent, par la position de leurs établissements, avoir le même avantage.
Je termine en disant que la chambre a jugé le système des primes mauvais, et j'estime que les distillateurs n'ont pas droit à obtenir une exception.
M. Deliége, rapporteur. - Il est vrai, comme vient de le dire l'honorable M. Dautrebande, que, le jour de la présentation de cet amendement, la section centrale s'est assemblée et qu'elle a donné son assentiment à l'amendement qui réduisait la prime à 23 francs.
Mais voici comment les faits se sont passés.
Au sortir de la séance, un malentendu a empêché que la convocation qui m'était adressée par l'honorable président, ne me parvînt.
M. le président m'a fait savoir ce qui s'était passé en section centrale. Le lendemain je me suis reudu au sein de cette section et j'y ai fait connaître que M. le ministre des finances m'avait dit qu'il avait des renseignements utiles à nous donner.
La section centrale a reconnu la nécessité d'entendre M. le ministre des finances ; elle a décidé qu'il serait entendu.
M. le ministre des finances s'est rendu au sein de la section ; et après ses observations, l'on a décidé à l'unanimité que la discussion serait ouverte de nouveau. C'est ce qui a eu lieu ; après cette nouvelle discussion, la résolution qui est consignée dans le rapport a été prise.
Je dirai maintenant un mot, et de l'amendement de l'honorable M. Dautrebande qui propose de fixer le chiffre de la décharge à 23 fr. et de l'amendement de l'honorable M. Cools qui a été admis par la section centrale.
Voici, messieurs, les raisons qui ont engagé la section centrale à repousser l'amendement de l'honorable M. Dautrebande et à donner son assentiment à celui de l'honorable M. Cools.
L'honorable M. Dautrebande suppose un rendement de 6 1/2 litres, ce qui donne un droit de 23 fr. 8 c. On ne rendrait que 23 fr. à l'exportation.
Ce serait supprimer brusquement toute espèce de prime à l'exportation ; ce serait, peut-être, arrêter complètement les exportations qui continuent dans une certaine mesure.
Pas plus que vous, messieurs, je ne suis partisan des primes ; mais quand il s'agit de prendre une décision, j'ai toujours eu pour règle d'avoir égard aux faits accomplis, aux intérêts engagés.
Si, sous la foi d'une loi qui instituait, qui continuait les primes pour le genièvre, des distilleries ont été construites, si certains changements ont été faits dans les distilleries existantes, il n'est pas juste, ce me semble, de passer, au bout de dix-sept mois à peine, d'un régime à un autre.
Le commerce a besoin de fixité, les lois relatives au commerce ne doivent pas changer chaque année. Ceux mêmes qui rejettent les primes en principe, admettent qu'une industrie naissante, un commerce naissant peut être encouragé pour un certain temps. La prime est alors une exception qui confirme la règle.
Je le répète, messieurs, la loi du 5 mai 1850 n'a que 17 mois d'existence, pouvons-nous penser à l'abolir ?
Quant à l'amendement de M. Cools, la section centrale l'a admis par deux motifs.
D'abord, quand la loi du 5 mars 1850 a été discutée, on s'était, en général, arrêté à un rendement de 5 3/4 litres.
Plusieurs d'entre nous pensaient qu'il était plus élevé, j'étais de ce nombre ; cependant des preuves sans réplique nous manquaient ; quelques-uns fixaient le rendement à 5 litres !
Aujourd'hui il est prouvé qu'il est indubitablement de 6 litres au moins. Cent distillateurs viennent dire, dans des pétitions transmises à la chambre, qu'il est de 7 litres.
L'honorable M. Cools a pris pour base de son amendement un rendement de 6 litres, ce qui porte le droit à 25 fr., et la prime à 4 fr. 70 c.
La loi du 5 mirs 1850 supposait une prime de 4 fr. 58 c.
Un autre motif a porté la section centrale à diminuer d'un franc la prime accordée à l'exportation du genièvre. Quelques membres ont pensé que l'on peut temporairement, comme je viens de le dire, encourager un commerce par des primes, qu'il ne faut pas en accorder à perpétuité.
La prime accordée à l'exportation du genièvre a été diminuée d'un francs, pour avertir les distillateurs exportateurs qu'elle ne sera pas perpétuelle, qu'elle pourrait être graduellement abolie-.
Tels sont, messieurs, les motifs qui nous ont engagés à rejeter l'amendement de l'honorable M. Dautrebande, et à combattre celui de M. Cools.
M. de Haerne. - Je viens appuyer le principe émis par la section centrale relativement au drawback sur les eaux-de-vie indigènes. Je m'oppose tout à la fois et à la réduction de la prime proposée par un honorable représentant et à l'augmentation proposée par d'autres honorables membres. Je m'oppose à l'augmentation de la prime, parce que je suis d'accord avec plusieurs honorables collègues pour considérer le système des primes comme ne devant être appliqué que dans des cas de nécessité, en ce que ce système constitue un privilège en matière d'industrie, et qu'un privilège, en pareil cas, vient presque toujours froisser d'autres industries ou favoriser certains industriels au détriment des autres.
Cependant, comme en cette matière, non plus qu'en d'autres, je ne veux pas être absolu ; je crois avec le rapporteur que, si on supprimait la prime d'une manière trop brusque, on jetterait la perturbation dans l'industrie des distilleries.
Je la mets au même rang que toutes les autres. Je ne veux pas être injuste envers elle, je ne veux pas user de représailles, je ne veux pas me laisser guider par un esprit mesquin de rivalité vis-à-vis de certains intérêts qui ne sont pas toujours prêts à venir au secours d'autres intérêts également importants.
Je fais ici allusion à une industrie, qui elle aussi avait été favorisée, il y a deux ans, d'une prime et qui se l'est vu enlever tout entière, d'une manière brusque.
Les résultats de la suppression brusque et totale de la prime qui avait été, à cause des circonstances, accordée à l'industrie des Flandres, ont été tels qu'elle a éprouvé une véritable perturbation. Les tableaux officiels du commerce, sont là pour les constater. Consultez, messieurs, le Moniteur d'avant-hier, et vous verrez que l'exportation de nos produits liniers a décru, depuis la suppression de la prime, de 15 à 20 p. c. C'est cette perturbation que je redoutais quand j'ai appelé l'attention de la chambre sur la situation précaire de cette industrie et sur les circonstances dans lesquelles elle se trouvait, par suite des crises qui avaient éclaté. Cette perturbation, je ne la veux pas pour l'industrie des distilleries ; je veux l'éviter pour elle comme pour toutes les autres industries.
Que demandais-je pour l'industrie des bières ? Demandais-je une augmentation de prime ? En aucune manière. Je ne demandais pas même le maintien intégral de la prime existante, mais une diminution graduelle, d'année en année, de manière à pouvoir arriver, après un certain nombre d'années, à l'abolition totale de cette faible prime. Ce n'était pas par esprit de système, par esprit de faveur ou de privilège que je demandais le maintien d'une partie de la prime seulement, mais par prudence, et cette prudence, j'ose le dire aujourd'hui, a été justifiée par les événements.
Je le répète, messieurs, je ne veux pas plus jeter la perturbation dans l'une industrie que dans l'autre, et pour être conséquent avec moi-même, je viens appuyer les conclusions du rapport de la section centrale, sauf à examiner, quant à l'application, la valeur de l'amendement de M. Cools.
Je désire que dans d'autres circonstances tous les membres de cette chambre soient aussi conséquents avec eux-mêmes lorsqu'il s'agira de défendre des intérêts qui ne seront pas ceux des mêmes localités dont il s'agit aujourd'hui, et qu'ils mettent toutes les industries sur la même ligne.
M. Manilius. - Je pense qu'il est inutile de combattre l'amendement de M. Dautrebande, et qu'il est beaucoup plus pressant de s'occuper de celui de l'honorable M. Cools.
Je regrette que la section centrale ait trouvé une majorité pour soutenir cet amendement. Déjà je me suis expliqué à la chambre. Ce serait l'opposé des désirs que j'ai témoignés, désirs qui sont très naturels et très justifiables, il faut, lorsque vous chargez une industrie d'un impôt si grand qu'il menace de diminuer la consommation, il faut user de tous les moyens pour rendre possible la consommation de ses produits sur le territoire étranger. Vous ne pouvez le faire que par un rendement équitable. Je ne demande pas un rendement excessif qui puisse devenir une prime, je demande un rendement équitable. Eh bien ! ce rendement, nous l'avons examiné tout récemment. Il y a peu de temps nous avons voté une loi tout exprès pour régler ce rendement, que nous avons élevé de 28 à 35 fr. ; convient-il de diminuer le rendement, lorsque vous augmentez le droit de moitié ? Il va de soi que je m'oppose de toutes mes forces à l'amendement proposé par M. Cools. (Interruption.)
M. Dautrebande. - Mes calculs ne sont-ils pas justes ?
M. Manilius. - Je pense que non. Si vos calculs étaient justes, les calculs du gouvernement seraient fautifs, et j'aime à croire qu'ils se rapprochent beaucoup plus en la justice que ceux de l'honorable M. Dautrebande qui sont fautifs d'une manière très frappante. Il est possible qu'au point de vue de l'honorable M. Dautrebande ses calculs soient justes, mais j'aime à croire qu'au point de vue du gouvernement les calculs de celui-ci sont beaucoup plus justes encore.
Je me rallie donc avec empressement à ceux du gouvernement par le désir que j'ai témoigné à la chambre. Je voudrais plutôt me rallier à l'amendement de l'honorable M. Osy qui aussi a basé son rendement sur des calculs.
D'ailleurs, vous venez d'entendre l'honorable M. Loos qui vous a tenu (page 1799) le même langage, appuyé par des calculs faits par des hommes experts spéciaux. Ces calculs, que l'honorable M. Loos a fait valoir aussi comme justes, j’aime à croire qu’ils sont marqués au coin de la plus stricte exactitude. Si je les repousse, ce n’est pas parce que je les suppose injustes, mais parce que je crois qu’ils ne concordent pas aec les vœux de la situation qui nous est faite suivant la loi.
Ainsi, je ne saurais trop insister pour que la décharge soit telle que la faculté d'exportation ne soit pas illusoire. Il faut rendre l'exportation possible, ou la rayer de la loi. Du moment que vous consacrez à l'exportation un paragraphe spécial, il faut qu'elle soit praticable.
- La discussion est close.
Il est procédé au vote sur le taux de la décharge. Le chiffre de 33 fr. proposé par M. Osy est mis aux voix, il n'est pas adopté.
Le chiffre de 30 fr. 70 c. proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté après une épreuve douteuse.
En conséquence le dernier alinéa de l'article premier est adopté en ces termes : « Le taux de la décharge est fixé à fr. 30 70 c. »
- L'ensemble de l'article premier est adopté.
M. le président. - Les articles qui suivent sont relatifs aux formalités et aux pénalités. Ne serait-il pas convenable de s'occuper maintenant des articles additionnels ?
M. Mercier. - Je demande qu'on s'occupe delà question des octrois. Je crois que la discussion ne sera pas longue. D'après les explications qui seront données par l'honorable M. Deliége, je crois que je pourrai me rallier à la proposition de la section centrale.
M. le président. - Vous avez d'abord la question dite des octrois.
Il y a :
La proposition de M. Mercier.
La proposition du gouvernement.
La proposition de la section centrale.
La discussion est ouverte sur ces différentes propositions.
M. de Theux. - Avant de prendre la parole, pour présenter à la chambre quelques courtes observations, je désirerais que l'honorable rapporteur de la section centrale, qui paraît d'accord avec l'honorable M. Mercier, voulût bien préciser le sens de l'amendement de la section centrale. Je crois que cela pourrait jeter beaucoup de jour sur une discussion qui est un peu embrouillée.
M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, l'amendement de la section centrale porte : « Les octrois communaux, en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes, seront révisés, au plus tard, le 1er juillet 1852. »
Cette proposition est bien celle de l'honorable ministre des finances. La section centrale y a ajouté :
« Cette révision sera établie de manière qu'il n'y ait ni prime ni protection au profit des distilleries des villes sur les distilleries des campagnes et réciproquement. »
Voici comment la deuxième disposition a été adoptée :
Vous vous souvenez tous, messieurs, de l'amendement de l'honorable M. Mercier.
L'honorable M. Mercier voulait des règles telles que le gouvernement ne pût, lors de la révision des octrois, quant aux distilleries, avoir égard aux sommes que les distillateurs payent aujourd'hui aux villes sur leurs matières premières. Il voulait trancher nettement la question.
Les distillateurs urbains ne pouvaient percevoir à la sortie des villes que les sommes qu'ils avaient payées à l'octroi. Rien de plus. D'autre part, celui qui introduisait du genièvre en ville ne devait acquitter que le droit qui était payé par le distillateur urbain.
Nous avons pensé qu'il fallait donner plus de latitude au gouvernement, qu'il fallait que le gouvernement pût avoir égard aux charges dont l'octroi affecte les distillateurs des villes ; qu'il pût examiner la question sous toutes ses faces. Seulement la section centrale s'est prononcée contre la protection que les villes peuvent accorder aux distilleries urbaines, c'est-à-dire que la section a voulu qu'en aucun cas les octrois ne devinssent, pour les distilleries urbaines, ce que certains droits de douanes sont pour beaucoup de producteurs du pays.
Un autre principe a été déposé dans le deuxième paragraphe adopté par la section centrale. Ce principe, le voici : c'est que si aucune faveur n'est accordée aux distilleries des villes, il ne doit être non plus accordé aucune faveur aux distilleries des campagnes.
Mais la section centrale n'a pas eu à appliquer le principe d'une manière générale. Elle en a fait une application dans le paragraphe qu'elle a ajouté à la proposition de l'honorable ministre, c'est-à-dire qu'elle a décidé que, quant aux octrois, le gouvernement ne pourrait pas accorder aux distilleries agricoles plus de faveur qu'aux distilleries urbaines. Nous avons donné en section centrale un exemple.
Dans certaines villes à octroi, il se trouve une ou deux distilleries agricoles qui jouissent de la déduction de 15 p. c. qui font d'excellents produits, qui ont de très bons débits, et les autres ne jouissent pas de la même faveur. Nous avons trouvé un pareil état de choses excessivement injuste, et nous avons déposé le principe contraire dans l'amendement de la section centrale.
M. Mercier. - Messieurs, d'après les explications que vient de donner l'honorable rapporteur, il y a une bien faible nuance entre l'amendement de la section centrale et celui que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre. Ce qui m'avait induit en erreur sur le sens de l'amendement de la section centrale, amendement qui avait été présenté par l'honorable rapporteur lui-même, c'est le mot « campagne » qui n'est pas ici le mot technique, car il s'agit des distilleries « agricoles » ; mais peu importe, les distilleries agricoles sont vraiment des distilleries
Le mot technique étant « distilleries agricoles », je ne serais pas tombé, dans l'erreur si cette expression avait été employée.
Il me suffit de savoir que le sens de l’amendement est celui-ci : qu’il ne fait allusion qu'aux droits d'octroi et ne touche pas au principe de la déduction des 15 p. c. accordée dans des circonstances déterminées sur le droit de l'Etat.
Quant à cette question des 15 p. c. le gouvernement est libre de faire des propositions après avoir étudié la question ; il peut nous proposer de supprimer ces 15 p. c. s'il juge qu'il n'y a pas un intérêt puissant à les maintenir, s'il ne croit pas qu'ils sont acordés non dans l'intérêt des distillateurs, mais dans l'intérêt de l'amélioration du sol. Si cet intérêt n'existe pas, il est évident que la déduction est sans but.
Si le gouvernement reconnaît qu'il y a des abus, que des distillateurs jouissent indûment de la réduction des 15 p. c. que le but dès lors qu'on s'est proposé n'est pas atteint, que le gouvernement nous propose des restrictions et je serai le premier à les adopter.
Mais pour le moment, il me suffit de l'opinion maintenant clairement expliquée qu'a eue l'honorable rapporteur en présentant son amendement et je déclare retirer le mien pour me rallier à celui de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je conçois parfaitement que l'honorable M. Mercier se rallie à l'amendement de la section centrale, parce que, comme il vient d'être expliqué, il n'y a entre l'amendement de la section centrale, entendu comme l'a fait l'honorable rapporteur, et celui de l'honorable M. Mercier, qu'une nuance qui est presque imperceptible.
L'honorable M. Mercier demandait que la loi déterminât dès à présent quelles seraient les bases de la réforme de l'octroi en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes. Il déclarait qu'il y aurait un rapport d'égalité entre le droit à la fabrication et le droit à l'importation dans les communes. Il déclarait que la décharge à l'exportation serait établie d'après un rendement de 6 1/2 litres, dès ce moment, instantanément, et que le gouvernement serait en outre autorisé à élever ce rendement par arrêté royal, lorsqu'il aurait constaté qu'il est supérieur à 6 1/2 litres.
Telle était la proposition de l'honorable M. Mercier. Elle passait sous silence les distilleries agricoles.
La section centrale, d'après ce que j'apprends aujourd'hui, et je n'avais pas compris l'amendement comme cela, pas plus que l'honorable M. Mercier ; la section centrale paraît demander absolument la même chose.
M. Deliége. - L'amendement est clair.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Personne n'avait compris ainsi l'amendement.
M. Deliége. - J'ai près de moi un membre de la section centrale qui l'a compris ainsi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, par le fait qui vous a frappé, mais par le principe déposé dans l'amendement, il était impossible de le comprendre ainsi.
Que décidez-vous par l'amendement ? Vous décidez qu'au lieu d'arrêter le principe par la loi, le gouvernement le fera lui-même dans des délais déterminés. Seulement le gouvernement sera dans une position beaucoup plus difficile que si vous décidiez cette question dans la loi.
Car l'amendement de la section centrale, tel qu'il vient d'être expliqué, est tout bonnement inexécutable ; rien que cela. Vous me dites que le gouvernement réglera le régime des octrois de telle sorte qu'il n'y ait ni prime ni protection ; mais je défie bien le gouvernement d'exécuter cela. (Interruption.) Ce n'est plus le texte de la loi, mais l'esprit de l'amendement que je dois consulter. Eh bien, votre pensée, à vous, pourra bien n'être pas celle de l'honorable rapporteur de la section centrale.
M. Mercier. - C'est votre esprit.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le veux bien ; nous allons tout de suite avoir un point de départ.
Vous venez de décider à l'instant même que la décharge à l'exportation du pays serait calculée sur un rendement de 5 3/4 litres ; c'est là la pensée de la chambre. (Interruption.)
La loi a décidé que le rendement légal est de 5 3/4 litres ; et vous voulez que je décide pour les octrois, que le rendement sera de 6 litres, 6 1/2 litres, voire même 7 litres.
Et quand j'aurais décidé que ce n'est pas 5 3/4 litres, mais 6, 6 1/2, vous pourriez soutenir, en présence d'un tel acte du gouvernement, qu'il aurait accordé une prime ; vous nous diriez : Vous n'avez pas exécuté la loi ; vous ne pouviez accorder ni prime ni protection ; vous avez établi cet octroi sur un rendement supposé de 6 1/2 litres, et il y a cent distillateurs qui ont adressé des pétitions à la chambre, dans lesquelles ils déclarent que le rendement est de 7 litres au moins. Vous deviez prendre ces déclarations pour base et établir l'octroi d'après ce chiffre.
N'est-il donc pas évident que l'amendement est inexécutable de la part du gouvernement ; que c'est à la loi à prononcer lorsque des expériences auront été faites ; que le gouvernement ne saurait s'engager à établir dès maintenant le régime des octrois dans les conditions indiquées, parce que cela dépend d'un fait qui n'est pas le même pour tout le monde, d'un fait très difficile à apprécier, d'un fait sur lequel les opinions sont très partagées ? Voilà l'amendement que vous voulez nous charger d'exécuter ! et dans quelles circonstances voulez-vous nous le faire exécuter ? Vous décidez que les distilleries agricoles (terme fort impropre, car toutes les distilleries sont agricoles), c'est-à-dire les (page 1800) distilleries qui n'emploient qu'un alambic d'une capacité qui n'est pas supérieure à cinq hectolitres et qui sont exploitées par des personnes qui élèvent un certain nombre de têtes de bétail et qui ont une certaine étendue d'exploitation ; vous décidez, dis-je, que ces distilleries jouiront d'une protection de 15 p. c ; or cette protection de 15 p. c. dans l'état actuel de la législation, constitue manifestement un abus. L'honorable M. de Denterghem le reconnaît ; l'honorable M. de Steenhault le reconnaît également.
Les distilleries qualifiées agricoles sont tout bonnement des distilleries comme les autres. C'est également ce qui a été reconnu par le rapporteur de la section centrale, en vous parlant des distilleries agricoles.
Ainsi, je le répète, toutes les distilleries agricoles devant jouir, en vertu de la loi, d'une faveur de 15 p. c, prime très notable qui leur est accordée afin de leur permettre de soutenir la concurrence avec les distilleries urbaines, celles-ci seront placées dans des conditions telles que c'est leur destruction que vous voulez faire décréter.
Messieurs, il faut être juste avant tout ; vous le voulez, j'en suis convaincu. La vérité est ceci : les octrois, tels qu'ils sont établis sur les eaux-de-vie indigènes, sont essentiellement vicieux ; mais cette disposition est corrélative à la disposition concernant les distilleries agricoles. (Interruption.)
Je ne dis pas que la balance, que la corrélation soit rigoureusement exacte ; ceci ne peut se calculer : l'on ne peut mettre dans la balance la protection accordée aux distilleries agricoles et celle accordée aux distilleries urbaines, pour savoir laquelle des deux l'emporte.
Ce qui est vrai, c'est que des deux côtés il y a abus. Or, que proposez-vous ?
De faire disparaître un seul abus, celui relatif aux octrois, et de laisser subsister l'autre. C'est ce que je ne puis admettre.
On me dit que si nous reconnaissons qu'il y a abus pour les distilleries agricoles, nous avons la liberté de proposer une nouvelle loi pour le détruire ; mais je n'ai pas besoin d'une pareille autorisation ; nous savons parfaitement que nous pouvons proposer une nouvelle loi pour introduire cette réforme ; mais nous disons qu'en attendant que cette réforme soit introduite, vous ne pouvez pas porter aux octrois une atteinte aussi profonde que celle qui résulte de l'amendement de la section centrale.
Mettez deux choses dans la loi ; déclarez que les octrois seront révisés comme le propose le gouvernement, mais ajoutez-y une disposition pour les distilleries agricoles. (Interruption.)
Un système portant exclusivement atteinte à l'un des deux intérêts engagés dans la question, ne peut pas être admis par la chambre.
M. Mercier. - La section centrale l'a adopté à l'unanimité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, s'il en est ainsi, l'unanimité de la section centrale a adopté une flagrante iniquité. Cela n'est pas soutenable. Les deux choses je le veux bien ; qu'on révise toute cette législation, je l'admets ; mais qu'on n'en révise qu'une partie, c'est ce à quoi je ne pourrai jamais m'associer. Mettons ces deux choses dans la loi : dites que les octrois seront révisés et que le gouvernement déterminera les conditions auxquelles les distilleries agricoles pourront jouir de la déduction de 15 p. c. accordée par la législation de 1842.
- Une voix. - Tout le monde l'avait compris ainsi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Certainement, tout le monde l'avait compris ainsi ; l'on avait compris qu'il s'agissait de la protection accordée aux distilleries agricoles, mise en regard de celle qui est accordée aux distilleries urbaines par les octrois. Aujourd'hui l'amendement est expliqué de manière à rendre la disposition tout à fait injuste ; il est inacceptable.
M. Deliége. - Le principe a été admis et a été dépose dans le second paragraphe de l'amendement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous dites cela, vous ne serez plus d'accord avec l'honorable M. Mercier.
M. le président. - Il est de fait que la question a été entendue et décidée dans la section centrale par la majorité, comme l'a expliqué M. le ministre. L'honorable M. Mercier semble le comprendre d'une manière différente par suite des explications de M. le rapporteur de la section centrale. La question a été posée sur les 15 p. c. aussi bien que sur toutes les autres à l'occasion des octrois. Voilà la vérité.
M. Deliége. - Voici comment les choses se sont passées en section centrale. D'abord, la proposition suivante a été faite par M. le ministre, quant aux octrois seulement :
« Les octrois communaux, en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes, seront revisés au plus tard le 1er juillet 1852. »
Il ne s'agissait donc, dans la proposition principale, que des octrois et des octrois seulement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ma proposition, qui indiquait le terme du 31 décembre 1852, ne fixait pas les bases de la révision. C'est là qu'est toute la difficulté.
M. Deliége. - Un principe a ensuite été posé : celui de n'accorder de faveur ni aux villes ni aux campagnes, et le principe a été décidé dans le sens que M. le ministre vient d'indiquer. Il a été déposé dans le paragraphe additionnel qui est ainsi conçu :
« Cette révision sera établie de manière qu'il n'y ait ni prime ni protection au profit des distilleries des villes sur celles des campagnes et réciproquement. »
Voilà, messieurs, la disposition qui a été ajoutée par la section centrale. Voilà comment les choses se sont passées lorsque la section a eu à s’occuper de cette question.
M. Mercier. - Maintenant, je l'avoue, je ne comprends plus l'honorable membre ; pour mieux faire comprendre la portée de son amendement, l'honorable membre a cité l'exemple d'une ville à octroi dans laquelle se trouveraient deux distilleries agricoles ; et il a dit que son amendement avait pour objet d'empêcher ces distilleries de jouir de 15 p. c. de déduction du droit d'octroi, comme elles jouissaient de 15 p. c. de déduction de droit de l'Etat ; que puisqu'il ne s'agissait que d'un droit d'octroi cet amendement ne pouvait pas porter sur le droit de l'Etat.
Voilà ce qu'a dit l'honorable rapporteur. Aussi j'ai déclaré que j'avais compris cet amendement tout autrement, et que pour ce motif je l'avais repoussé.
L'honorable M. Deliége, par suite des explications qu'il vient de donner, déplace évidemment la majorité et l'amendement doit être rejeté ; car l'honorable M. Deliége n'entendait pas ainsi l'amendement quand il l'a voté.
M. Deliége. - J'ai voté pour l'amendement et pour le principe.
M. Mercier. - Mais le principe pour le droit d'octroi seulement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Par réciprocité.
M. Mercier. - Cela est contraire aux explications données tout à l'heure par l'honorable rapporteur ; dès lors je dois maintenir mon amendement.
M. de Theux. - La discussion a été un peu embrouillée ; je tâcherai, s'il est possible, d'y jeter quelque jour.
L'argumentation de M. le ministre des finances repose sur cette supposition qu'il n'y a de lutte qu'entre les distilleries agricoles et les distilleries urbaines.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas du tout.
M. de Theux. - Je dis que c'est une erreur très grave, car on réclame contre certains octrois, non seulement de la part des distilleries agricoles, mais aussi de la part d'un grand nombre de distilleries urbaines.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Certainement.
M. de Theux. - Et en effet, les distillateurs agricoles comme un grand nombre de distillateurs urbains sont exclus du commerce de certaines villes. Voilà le fait.
En ce qui concerne les distilleries agricoles, je ne ferai qu'une seule observation. M. le ministre des finances dit qu'il y a des abus, que toutes les distilleries agricoles n'ont pas de titres à la déduction de 15 p. c. Le fait est possible, mais alors M. le ministre des finances devrait proposer de restreindre la disposition qui semble trop large ; il devrait établir quelques conditions plus précises pour déterminer la nature des distilleries agricoles, comme il le disait hier par exemple, non seulement d'après la destination des distilleries, mais encore d'après leur situalion.
Rien ne s'oppose à ce que M. le ministre propose à cet égard une disposition à la chambre ; on pourrait la discuter. Mais ce que nous ne pouvons pas admettre, c'est cette supposition de M. le ministre des finances, émise sans doute par inadvertance, qu'il fallait laisser comme compensation un certain abus qui naît de la disposition trop générale de la loi en faveur des distilleries agricoles ; qu'il fallait par compensation laisser aux villes le droit d'établir pour l'octroi un privilège en faveur des distilleries urbaines pour détruire l'effet des 15 p. c. accordés aux distilleries agricoles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela.
M. de Theux. - Ce serait détruire par une disposition purement administrative une disposition législative ; cela n'est pas admissible. Quel est le but de l'octroi ? C'est uniquement de procurer aux communes à octroi des ressources financières. Jamais le but de l'octroi n'a été d'établir une protection industrielle au profit des habitants de la localité et au détriment des habitants extra muros. Cette théorie n'a jamais été défendue dans le gouvernement ; elle serait contraire à tous les principes sur la matière.
Cela étant posé, on doit nécessairement admettre le principe de la section centrale qui est l'abolition du privilège industriel établi dans quelques villes au détriment des industries extra-muros et au détriment des finances mêmes des villes qui ont établi ce privilège, car les villes qui accordent des primes d'exportation à l'eau-de-vie distillée dans leur territoire ou qui imposent des droits plus faibles aux eaux-de-vie destinées à l'étranger grèvent leurs finances. C'est aller directement à rencontre du but principal de l'octroi. Ainsi par exemple la ville qui ne perçoit l'octroi sur le genièvre distillé dans son territoire qu'à raison d'un produit de 4 1/2 sur un hectolitre de matière macérée et qui perçoit le droit sur le même produit d'un hectolitre de matière macérée extra-muros fait une perte de plus d'un tiers sur l’eau-de-vie distillée dans son territoire. Maintenant si l'on exporte le genièvre distillé dans le territoire de la ville où l'on restitue sur un produit net de 6 1/2 tandis qu'on ne perçoit que sur le pied de 4 1/2, il en résulte encore une perte d'un tiers du droit.
Ainsi dans des villes où de tels octrois existent, ils sont contraires à l'intérêt financier des villes, et l'adoption de l'amendement de la section centrale et de M. Mercier viendrait au secours des finances des villes qui ont admis de tels octrois au lieu de leur être contraire. M. le ministre a réclamé la faculté d'accorder à certaines villes une augmentation de droit d'octroi sur le genièvre ; je n'ai pas de raison pour m'y opposer, pourvu que cette augmentation porte également et sur les distilleries établies à l'intérieur et sur celles qui peuvent être établies à l'extérieur, car l'octroi n'est pas fait pour établir des pays dans le pays.
(page 1801) Nous n'avons plus de privilèges, nous avons une unité nationale, notre Constitution, comme toutes les autres constitutions modernes, s'oppose à ce qu'on tolère que des villes établissant des lignes de douane. Le principe admis abusivement dans certaines villes est combattu par les distillateurs urbains de plusieurs villes et par des distillateurs agricoles. Ils ont raison dans leur soutènement.
Aussi M. le ministre n'a pas contesté le principe admis par la section centrale sur la proposition de M. Mercier, il s'est rejeté sur l'application. La section centrale demande la révision des octrois sur des bases déterminées, M. le ministre demande la faculté, accepte même l'obligation de de réviser, mais sans poser aucun principe, sans déterminer aucune base.
Mais quelle sera la production officielle ? Sera-ce 5 3/4, 6 1/2, 7 litres ? S'il y a du doute, le même doute doit exister quand il demande le droit de réviser les octrois.
Dans quel but demande-t-il la faculté, accepte-t-il l'obligation de réviser les octrois ? C'est pour rétablir l'égalité commerciale en ramenant les octrois à ce qu'ils doivent être, c'est-à-dire une mesure financière remplaçant la taxe personnelle qui existe dans d'autres localités.
Si la proposition de la section centrale est admise, ce sera au gouvernement à déterminer la production générale par hectolitre de matière macérée, et il révisera d'après cette base.
M. le ministre désire-t-il qu'on écrive dans la loi le produit qu'on entend prendre pour base de la révision, qu'on dise 6 1/2 litres, qu'on écrive cette base pour faire cesser toute espèce d'incertitude. Il est impossible de vouloir maintenir l'abus qui s'est introduit dans quelques villes au détriment des finances des communes, de la liberté du commerce et de l'industrie. Il faut ramener les octrois à leur véritable principe.
Nous ne voulons pas réduire les ressources des communes ; nous permettons, autant que cela rentre dans le système de la loi, une augmentation de droit pour certaines villes, pourvu qu'on ne crée pas de privilège industriel en faveur de telle ou telle ville à octroi.
C'est autant dans l'intérêt des distilleries agricoles que dans l'intérêt du plus grand nombre des distilleries urbaines que nous soutenons les principes que nous venons d'énoncer. Ces principes sont tellement clairs, qu'on ne peut refuser de les appliquer sans méconnaître l'esprit de nos institutions et le but des octrois.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est certain, je l'ai dit plusieurs fois dans cette discussion, que les octrois, en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes, ne sont pas rationnellement établis ; il est indubitable que les octrois, au lieu de conserver le caractère qui leur avait été attribué primitivement par la législation, se sont successivement transformés, et sont devenus, pour plusieurs localités, de véritables lignes de douane. Ils établissent une protection au profit des industriels qui exercent leur profession dans l'intérieur de ces villes. C'est là ce qu'énonce l'honorable M. de Theux ; sous ce rapport, nous sommes parfaitement d'accord.
Maintenant le remède à cet état de choses, quel est-il ? Je suppose que l'honorable M. de Theux, l'honorable M. Mercier et l'honorable M. Malou quand ils étaient au pouvoir s'en sont probablement occupés ; mais ils ont rencontré aussi de bien grandes difficultés, car successivement ils ont maintenu l'état de choses actuel ; nous n'y avons rien change.
M. Coomans. - Les libre-échangistes ne l'ont pas voulu.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les libre-échangistes n'étaient pas au pouvoir.
Ce n'étaient pas eux qui étaient chargés d'approuver ou d'improuver les règlements communaux pour les octrois. A part le libre échange qui n'a rien à faire ici, il s'agit de savoir si le ministre qui avait à approuver les règlements avait le pouvoir d'empêcher l'abus signalé par M. de Theux. Il faut bien répondre affirmativement. Or l'on n'a rien fait. Pourquoi ? C'est apparemment parce que l'on a reconnu toutes les difficultés que ces questions soulèvent.
Et maintenant il faut tout modifier, tout bouleverser sans aucun retard ; et vous étiez tellement pressés de présenter vos amendements, ils étaient rédigés avec tant de précipitation et si peu de réflexion, qu'ils allaient jeter la perturbation dans la situation financière des villes. Vous avez été obligés de le reconnaître ; vous avez retiré le premier de vos amendements après avoir entendu mes observations.
M. Mercier. - Ce n'est pas par ce motif.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est évidemment par le motif que je viens d'indiquer. Il n'y en a pas d'autre.
Comme vient de le dire M. de Theux, personne ne peut vouloir jeter la perturbation dans les finances des villes ; ce serait créer des charges pour l'Etat ; c'est pis que cela encore, c'est compromettre sérieusement la liberté communale, car la liberté communale repose dans la caisse communale.
Si vous abandonnez la caisse communale, vous faites bon marché de la liberté, parce qu'elle se traduit en actes qui exigent des dépenses. Que deviennent sans finances toutes les améliorations, les établissements d'utilité publique, les écoles, les dettes des communes ? Tout cela ne peut se faire sans argent. Que devient la liberté communale, lorsque la caisse communale est vide ? Quand il s'agit des octrois, la question est donc très complexe et mérite la plus sérieuse attention.
Mais l'honorable comte de Theux se borne à examiner un seul côté de la question.
Je n'ai pas dit, comme il l'a supposé, que les octrois communaux étaient attaqués ou défendus uniquement au point de vue des distilleries agricoles et de la protection que vous avez accordée à celles-ci ; sous ce rapport, l'honorable membre est tombé dans l'erreur lorsqu'il m'a attribué une pensée contraire. Sans doute, les octrois sont attaqués par ceux-là mêmes qui ne jouissent pas de la déduction des 15 p. c„ parce que ceux-là se trouvent encore dans des conditions plus difficiles pour lutter avec les distilleries urbaines que ceux qui jouissent de la déduction de 15 p. c. Mais voici ce que j'ai dit : Si vous laissez à l'extérieur des communes ou même à l'intérieur des communes, comme le cas se présente à Hasselt, certains établissements auxquels vous accordez une protection toute spéciale, une déduction de 15 p. c., alors que vous abolissez les conditions qui protègent aujourd'hui les distilleries des villes, qu'arrivera-t-il ? C'est que les distilleries dites agricoles et qui n'ont d'agricole que le nom, prendront une extension considérable, deviendront très nombreuses, et feront succomber les distilleries qui sont dans les villes. Il est impossible qu'elles coexistent dans de pareilles conditions.
Je demande donc qu'en même temps que l'on s'occupera de la révision des octrois au point de vue où s'est placé l'honorable M. de Theux, on s'occupe également de la révision de la législation en ce qui touche les distilleries agricoles. Voilà ma seule prétention.
Vous ne pouvez pas faire l'un sans l'autre. Si vous faites l'un sans l'autre, vous commettez une injustice que vous ne pouvez pas avoir l'intention de commettre.
Que sont en effet aujourd'hui les distilleries agricoles ? Si les distilleries agricoles étaient celles que le législateur a eu manifestement en vue, lorsqu'il a accordé une protection à ces établissements, si ces distilleries étaient établies à la campagne, au milieu des landes, des terres incultes, sur une petite échelle, ayant principalement pour objet l'agriculture, l'engraissement du bétail, on pourrait concevoir cette faveur d'une déduction de 15 p. c. qui leur est accordée.
Mais qu'est-il arrivé ? C'est que les distilleries qualifiées agricoles sont des distilleries qui obtiennent tout autant de produits que les distilleries non agricoles, qui travaillent une égale quantité de matières, qui se trouvent dans des conditions tout à fait identiques et qui jouissent d'un avantage que n'ont pas les autres.
M. Vilain XIIII. - Qualifiez les conditions des distilleries agricoles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce que je dis ; mais faites les choses simultanément.
M. Coomans. - Ajoutez cela.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous avons dans les Flandres, puisqu'on a cité des localités, des distilleries qualifiées agricoles jouissant de cette déductionde 15 p. c et qui ont travaillé une quantité de matières beaucoup plus considérable que les quantités de matières travaillées par les distilleries de troisième ordre dans des villes, et auxquelles il n'est accordé aucune espèce de déduction. Messieurs, serait-ce là un état de chose tolérable ?
M. de Denterghem. - Modifiez-le, personne ne s'y oppose.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, voyez bien la marche de cette discussion. A mesure que des objections se présentent, on est obligé de faire une concession, une retraite. Les amendements de l'honorable M. Mercier sont présentés. Je lui fais des objections contre son premier amendement ; il les reconnaît fondées ; il retire son amendement. On change de système toutes les cinq minutes.
- Un membre. - Mais non.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je constate un fait. Il est certain que l'on a dû retirer le premier amendement. Il ne permettait point d'exécuter la loi sans nuire considérablement aux villes.
Nous faisons maintenant des objections contre le second amendement. Nous signalons l'état anormal qui en résulterait puisqu'on conserverait une protection aux distilleries dites agricoles, alors qu'on abolirait toute protection pour les distilleries situées dans l'intérieur des villes.
On reconnaît encore une fois que l'objection est fondée, et on dit : Nous allons ajouter quelque chose à l'amendement.
Qu'est-ce que cela prouve ? Que la matière est difficile, que cette question n'est pas suffisamment étudiée. Suis-je certain moi-même d'avoir prévu tous les cas, suis-je certain que l'étude de la question faite par des hommes spéciaux ne signalera pas de nouvelles difficultés ? Pouvez-vous jeter dans la législation des principes dont vous ne prévoyez pas toutes les conséquences ? S'il y avait à cela une utilité réelle et immédiate, je le comprendrais. On voit bien les inconvénients, mais on ne voit pas les résultats pratiques des réformes qu'on veut introduire. Je pense donc qu'il serait plus sage de réserver cette question, de demander qu'une loi détermine ultérieurement les conditions auxquelles on pourra obtenir la déduction des 15 p. c. en même temps que l'on déterminera les conditions des octrois des villes quant aux eaux-de-vie indigènes. De cette manière on sera juste, on fera une chose utile, on agira en connaissance de cause. En statuant aujourd'hui, il est évident que la chambre ne sait pas quelles seraient les conséquences des résolutions qu'elle prendrait.
M. Prévinaire. - Au point où en est arrivée la discussion, je crois pouvoir me borner à peu de mots.
J'avais demandé la parole au moment où l'honorable M. Coomans désignait plus ou moins nos bancs en disant que nous n'osions pas appuyer le samendements présentés parce que les libre-échangistes ne voulaient pas de modification aux octrois.
Je tiens à constater que j'étais prêt à signer l'amendement de l'honorable M. Mercier à condition qu'il fût entendu que l'on réviserait en même temps les dispositions relatives aux distilleries agricoles.
Il n'entre nullement dans ma pensée de supprimer les faveurs dont jouissent les distilleries agricoles et qui sont une compensation des (page 1802) conditions onéreuses qui leur sont imposées. Mais je crois qu'il y a lieu à réviser les conditiions mises à l’obtention de ces faveurs, parce que plusieurs distilleries soi-disant agricoles se trouvent identiquement dans la même posiiton que les distilleries non agricoles. Sous ce rapport donc, en adoptant complètement les idées émises par l’honorable M. Mercier et par l’honorabele comte de Theux sur la nécessité de réviser les octrois, je suis aussi de l’opinion de M. le ministre qu’il y a lieu de suspendre l’examen de cette question, si nous voulons faire quelque chose de juste. Il y aurait, selon moi, quelque chose de souverainement injuste pour les usines établies dans les villes de les priver de la position qui leur est faite aujourd’hui, et de laisser subsister en regard les inconvénients attachés à la position de certains établissements.
Si nous étions en présence d'un abus considérable que l'on pût faire disparaître d'une manière complète, je comprendrais qu'on s'empressât de le faire. Mais, dans l'état actuel des choses, je crus qu'il vaut mieux procéder comme le propose M. le ministre des finances. Je me rallie à la disposition qu'il a proposée.
M. Malou. - Je viens apporter quelques considérations à l'appui de l'amendement de l'honorable M. Mercier.
Il y a d'abord un point sur lequel tout le monde est d'accord dans cette chambre, c'est que le régime actuel des octrois quant aux genièvres, n'est pas le régime légal qu'il faut maintenir. C'est-à-dire que d'après la loi primitive et d'après tous les efforts que le gouvernement a faits, les octrois devraient avoir un caractère purement financier, et qu'ils sont devenus, ce qui pour nous, protectionnistes, comme pour vous, libre-échangistes, est également inadmissible, un régime de douane à l'intérieur, régime de douane partout, douane des Belges contre les Belges, et c'est là ce dont nous ne voulons pas ; ce que personne ne veut.
Voilà donc un premier point sur lequel nous sommes d'accord, c'est que l'abus est flagrant, qu'il l'est trop pour ne pas être réformé dès à présent.
On nous dit : Il y a un autre abus. Les distilleries agricoles n'ont pas conservé ce caractère. La plupart en ont dévié. Il y a lieu de changer une autre disposition de la loi.
Je suppose un instant que cela soit vrai, que l'abus soit général. Est-ce que ces abus se compensent ? Pour que la compensation de deux abus eût lieu, il faudrait que l'abus relatif à la protection à l'intérieur fût le même partout. Or, il est complètement inégal.
Ainsi la protection qui existe dans une localité, est telle qu'une grande ville ne reçoit presque rien. Une autre, au contraire, a tout son régime financier fondé sur les centimes additionnels à l'accise des distilleries.
En supposant l'abus égal, cette compensation qu'on suppose n'existerait donc pas.
Mais j'ai fait une concession trop large, il n'y a pas les mêmes motifs pour les deux ordres de dispositions.
Ainsi l'on suppose que les 15 p. c. accordés par la législation, pour les distilleries agricoles, sont fondés sur le système de la protection comme l'est le système des octrois. Mais en aucune façon. Si l'on veut consulter les discussions qui ont motivé ces dérogations au droit commun, on reconnaîtra qu'elles sont puisées dans un tout autre ordre d'idées que la protection d'un Belge contre un autre.
Que faut-il faire ? Qu'est-ce que la logique commande ? Il faut faire tout ce que l'on peut contre les abus de quelque manière, de quelque endroit qu'ils se produisent. Mais de ce qu'on ne peut pas tout d'un coup détruire ces abus, s'ensuit-il qu'il faille épargner le plus criant de tous ? C'est la conclusion de l'argument principal que l'honorable ministre des finances a fait valoir tout à l'heure. Cet argument, je pense l'avoir efficacement combattu.
On nous dit : Vous pouvez faire les deux choses à la fois. Nullement. Je crois que l'une de ces choses doit être faite aujourd'hui et que l'autre chose doit se produire en temps utile pour être examinée dans le délai que l'amendement de M. Mercier accorde. Ainsi, que ferons-nous aujourd'hui si l'amendement de M. Mercier passe ?
Nous déclarons d'abord, qu'en ce qui concerne les distilleries, nous voulons rendre aux octrois leur caractère primitif qu'ils n'auraient jamais dû perdre, caractère purement financier, et nous le faisons, qu'il me soit permis de le dire, dans l'intérêt du gouvernement lui-même ; car enfin, avant l'avénement du cabinet actuel, comme depuis qu'il est arrivé aux affaires, le gouvernement s'est trouvé bien des fois aux prises avec les nécessités financières des communes où les exigences des dépenses sont toujours croissantes. Plusieurs fois diverses considérations ont prévalu contre l'application rigoureuse des principes économiques qui seuls devraient régir les octrois.
Si aujourd'hui, en ce qui concerne les distilleries, nous revenons à ce principe, si nous déclarons l'intention d'y revenir, nous prêtons au gouvernement, pour dominer ces tendances, une force dont l'expérience a prouvé qu'il pouvait quelquefois avoir besoin.
S'agit-il, comme on le dit, de porter atteinte aux finances des communes, d'y jeter la perturbation ? S'agit-il de confisquer la liberté communale qui paraît réfugiée pour le moment dans les caisses communales ?
Et d'abord, messieurs, si l'un proposait d'un trait de plume, par une seule disposition improvisée de ramener tous les octrois aux véritables principes de l'économie et de l'intérêt public, je concevrais l'objection. On pourrait dire : Les communes ne sont pas préparées à cette réforme ; elles ne peuvent, dans le délai que vous accordez, se procurer les ressources, trouver une compensation. De quoi s'agit-il ici ? Il s'agit de poser le principe et de dire que dans l'année (si on voulait aller jusqu'au 1er janvier 1852 je ne m'y refuserais pas), mais dans un délai moral les octrois doivent être révisés de manière à revenir aux véritables principes.
Il est évident que, dans ce laps de temps les communes pourront y pourvoir très facilement.
Ainsi, je prends dans le discours de l'honorable ministre des finances un fait relatif à la capitale. La capitale se trouve menacée, dit-on, d'une perte de 50 mille fr. dans les produits de l'octroi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne nie pas que M. Mercier ayant retiré son premier amendement, cette objection disparaît.
M. Malou. - Je voulais seulement démontrer que l'argument tiré de la prétendue perturbation financière des communes ne résiste pas à l'évidence des faits.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela ne s'applique qu'au premier amendement.
M. Malou. - Alors pourquoi le reproduire ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne l'ai pas reproduit.
M. Malou. - L'argument a été reproduit, l'honorable ministre des finances ajoutait que l'on portait atteinte à la liberté communale, en prenant une grande partie de la caisse communale. Or, si vous soutenez qu'il n'y a pas de perturbation dangereuse dans les finances des communes, comment direz-vous que nous portons une atteinte aux franchises communales, en confisquant une partie de la caisse ? Je dis que la liberté communale sera complète, qu'il sera très facile à toutes les communes qui perdront quelque chose, et ce sera le petit nombre, qu'il sera très facile dans le délai de 18 mois de remplacer ces ressources. Il y a, selon moi, de puissants motifs d'en agir ainsi.
Ainsi la majorité par le vote d'hier a augmenté le droit d'accise dans une proportion plus forte qu'on ne l'avait fait précédemment. Que résulte-t-il de là ? Une secousse nécessairement assez vive dans l'industrie. Cette secousse est principalement ressentie par les petits.
Bien des fois dans la discussion l'on a fait remarquer que les distillateurs consentaient à l’augmentation de 50 centimes ; mais il y a à cela une raison très simple ; en général ce ne sont pas les petits distillateurs dont les relations sont bien moins établies qui viennent en députation près du ministre des finances. Ce sont au contraire les distillateurs intéressés aux distilleries plus ou moins importantes. Or, qu'arrive-t-il nécessairement par l'aggravation de l'impôt ? Que l'aggravation de l'impôt profite aux grandes distilleries au détriment des petites. Elle diminue la concurrence. Ainsi, il ne faut pas s'étonner de ces faits, il faut les prendre en mûre et très sérieuse considération, lorsqu'il s'agit de rétablir, jusqu'à un certain point, l'égalité et de faire disparaître la protection indue résultant des octrois, de manière que la concurrence ne puisse prendre de nouveaux développements, grâce à l'augmentation de droit que vous avez votée à la séance d'hier.
Je crois, d'après ces considérations, avoir établi que l'amendement de l'honorable M. Mercier peut être admis, sans que l'on jette la perturbation dans les finances des communes, que le gouvernement reste parfaitement libre, s'il croit que d'ici au 1er juillet 1852 ou au 1er janvier 1853, il y a lieu de modifier la disposition qui accorde une faveur de 15 p. c. aux distilleries agricoles.
M. Delehaye. - On ne peut contester que la proposition de l'honorable M. Mercier ne soit une atteinte à la liberté communale. Sous quelque point de vue que vous l'envisagiez, il est positif que les communes ne pourront plus régler leurs octrois comme elles le jugeront convenable en ce qui concerne les distilleries.
Je m'étonne que ce soit l'honorable M. Mercier qui fasse cette proposition : il a appartenu à un cabinet qui a proposé à la loi communale des modifications ayant pour effet de détruire les prérogatives des communes, de changer la durée du mandat des bourgmestres, échevins et conseillers ; pourquoi n'a-t-il pas proposé celle-là ? Pourquoi, s'il propose cette disposition pour les distilleries, ne la propose-t-il pas aussi pour les brasseries ? Car elles sont dans le même cas.
Il y a un fait qu'on ne peut méconnaître : c'est que la plupart des villes, qui ont admis la restitution des droits à la sortie, ont voulu donner aux distillateurs urbains une compensation des charges inséparables de l'exercice de cette industrie dans les villes. Vous voulez détruire tout cela.
L'honorable M. Mercier déclare qu'il y a plutôt avantage pour les distilleries urbaines au détriment des distilleries situées hors des villes ; je veux bien l'admettre. Je veux également un système qui détruise tous les avantages, qui ne fasse pas peser sur les distilleries des villes des droits qui ne pèsent pas sur les distilleries situées extra-muros.
Mais quant à l'atteinte qu'il veut porter aux libsrtés communales, l'honorable membre devrait, usant de son initiative, non pas présenter (page 1803) un amendement, mais déposer une proposition de loi. Nous l'examinerions, nous verrions s'il y a d'autres points qui doivent s'y rattacher. Si l'intérêt général nous paraissait l'exiger, nous adopterions cette proposition.
Mais à l'occasion d'une augmentation de charges, peut-on porter atteinte à l'une de nos dispositions constitutionnelles, à ces franchises communales que, dans toutes nos solemnités publiques, on présente comme faisant la force et le bonheur du pays ?
Tout ce qu'il me paraît y avoir à faire, c'est d'imposer au gouvernement l'obligation d'examiner la question en lui donnant à cet effet le temps nécessaire.
M. Mercier. - L'honorable député de Gand considère mon amendement comme une atteinte portée à la liberté communale ; c'est à tort : je lui ferai remarquer qu'en vertu de la Constitution, le pouvoir législatif peut et doit intervenir pour empêcher que les conseils communaux ne blessent l'intérêt général ; c'est ce que nous faisons ici, et il n'y a là aucune atteinte à la liberté.
Il me reproche d'avoir fait partie d'un cabinet qui a proposé des modifications à la loi communale, sans avoir cependant touché à cette question.
M. Delehaye. - Je ne vous en fais pas un reproche.
M. Mercier. - Soit : vous m'en faites l'observation ; mais c'est une erreur : je ne faisais pas partie du cabinet qui a proposé des modifications à la loi communale ; j'en ai même combattu plusieurs.
On demande pourquoi je n'ai pas proposé semblable disposition, quand j'étais au pouvoir. D'abord une occasion aussi favorable que celle qui se présente ne s'est pas offerte, et d'ailleurs un ministre ne peut pas tout faire à la fois ; il faut bien qu'il laisse quelque chose à faire à ses successeurs. C'est une question qu'on semble vouloir adresser aux anciens ministres, chaque fois qu'ils prennent l'initiative d'une mesure quelconque.
Toutefois, en ce qui concerne cette question, je m'en suis toujours préoccupé. J'étais d'accord avec mon collègue, M. le ministre de l'intérieur, pour préparer un projet de loi avec toute la diligence possible. Une enquête a été faite, un travail considérable a été publié en 1845 ; deux volumes sur cet objet ont été distribués aux membres de la chambre. Diverses circonstances, qu'il est inutile d'énumérer, ont retardé depuis six ans la solution de cette importante question.
Du reste il ne s'agit en ce moment que d'un principe de justice incontestable. Je m'étonne qu'il puisse être combattu dans cette enceinte ; que l'on rencontre de l'opposition lorsqu'on vient déclarer qu'il n'y aura plus ni privilèges, ni primes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faudrait la même réforme pour les brasseries.
M. Mercier. - Si nous attendons une révision générale, nous courons grand risque d'attendre longtemps avant d'obtenir une réforme quelconque.
C'est à l'égard des distilleries que l'abus est le plus criant ; il dépasse toutes les bornes ; certaines administrations locales ont établi une protection de 2 ou 3 cents pour cent du droit d'octroi en faveur des produits des distilleries de leurs administrés n'est-ce pas là blesser l'intérêt général de la manière la plus flagrante ?
Puisque nous sommes saisis d'une loi sur les distilleries, saisissons avec empressement cette occasion pour faire disparaître l'abus le plus grave qui se soit introduit dans les octrois ; c'est notre devoir.
M. le ministre des finances nous objecte que d'autres abus existent. Nous avons déjà déclaré que nous n'entendons soutenir aucun abus. Mais, l'honorable M. de Theux en a déjà fait la remarque, n'est-il pas de la plus souveraine injustice de maintenir des abus qui causent le plus grand préjudice à toutes les distilleries qui n'ont pas leur siège dans les villes, par la seule raison que parmi les distilleries il en est qui jouissent d'une déduction de 15 p. c. qui leur est accordée par la loi ? C'est à l'aide d'un pareil prétexte qu'on répousse les plaintes si légitimes de celles-là mêmes qui ne sont pas dans cette catégorie.
Je n'examinerai pas en ce moment si la déduction dont il s'agit ne s'opère qu'à l'égard des établissements qui remplissent le but que le législateur s'est proposé. S'il n'en est pas ainsi, je ne m'opposerai certes pas à la révision des dispositions relatives à cette déduction. Cependant je ferai observer que ce ne sont pas les produits de ces distilleries qui seront introduits dans les villes ; elles restent en général, malgré la déduction et à cause des restrictions qui leur sont imposées, dans un état d'infériorité qui rend une telle concurrence impossible, si ce n'est dans des cas exceptionnels.
Du reste, puisque j'entends qu'on persiste à opposer cette déduction de 15 p. c. au profit des distilleries agricoles, je veux faire disparaître cette objection ; voici l'amendement que je propose : « Un projet de loi tendant à réviser les dispositions de la loi du 27 janvier 1842, sur les distilleries, sera présenté à la chambre des représentants dans la session, de 1851-1852. »
Que le gouvernement étudie la question et qu'il nous propose telles modifications qu'il jugera utiles. Quant à moi, je le seconderai pour écarter les abus, s'il en existe.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les modifications successives que subissent les amendements de l'honorable M. Mercier me paraissent devoir éveiller sérieusement l'attention de la chambre.
Qu'est-ce qu'un système tel que celui imaginé par l'honorable membre et qui doit, à chaque instant, subir une modification ? Il faut avouer que cela doit faire supposer que le système que veut improviser l'honorable membre n'a pas été étudié.
- Plusieurs membres. - C'est une concession.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai besoin d'aucune concession : nous avons à examiner ce qui est bon, ce qui est juste.
L'honorable M. Mercier va très loin. Que dit-il ? « Des arrêtés royaux pourront modifier ces bases, savoir ; par une augmentation de production par hectolitre de matière et par une diminution de durée de travail de macération, à mesure que les faits auront été constatés par l'administration ou que de nouveaux procédés auront été introduits dans les distilleries. »
Qu'y a-t-il de plus grave que cela au point de vue de la liberté communale ? Le principe actuel, c'est que les communes délibèrent, proposent, décident même d'une manière absolue dans certains cas, sur tout ce qui intéresse l'administration de la commune. Quelques-uns de leurs actes doivent être soumis à l'approbation de l'autorité supérieure. Mais l'initiative de l'autorité supérieure quant à l'administration des communes, je ne sache pas qu'il y en ait un seul exemple dans nos lois.
Qu'est-ce que le dernier paragraphe de l'amendement ? C'est un droit conféré au gouvernement de modifier le régime de l'octroi relativement aux eaux-de-vie indigènes.
Lorsque vous aurez introduit ce principe dans la loi, on pourra l'appliquer à tous les autres articles de l'octroi. En d'autres termes, le droit communal sera confisqué au profit du gouvernement.
M. Mercier. - Vous ne ferez qu'appliquer le principe déposé dans la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comment ! vous aurez déterminé par la loi le rendement à 6 1/2 et vous donnerez au gouvernement le droit de le fixer à 7, 8 et 9, si cela lui convient et même sans avoir entendu la commune !
M. Malou. - On doit supposer que le gouvernement exécutera la loi d'une manière raisonnable et d'après les faits.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Alors donnez au gouvernement le soin d'administrer les communes et supposez aussi qu'il excerera raisonnablement le pouvoir que vous lui aurez confié.
Il ne fera pas des choses extravagantes ; il tiendra les communes en tutelle ; il leur donnera juste ce qu'il faut d'argent pour faire ce qu'il croira convenable, il ne leur imposera pas de charges trop lourdes. (Interruption.)
J'examine ici les principes au point de vue de la liberté communale, et je persiste à considérer la question comme très grave.
Nous reconnaissons que l'état de choses actuel est vicieux, mais nous disons que la question est complexe, que les abus n'existent pas seulement quant aux octrois, mais encore quant aux distilleries dites agricoles. Nous demandons que le tout soit revisé simultanément.
Nous reconnaissons l'abus, nous n'en demandons pas le maintien, mais nous voulons faire cesser deux abus connexes, nous ne voulons pas qu'on fasse disparaître l'un en maintenant l'autre, ce qui serait une iniquité ; ce serait comme si vous donniez une somme prise dans le trésor public, à certains industriels pour faire concurrence à d'autres exerçant la même industrie.
Dans l'état actuel il y a une sorte de compensation ; les uns trouvent un avantage dans la déduction accordée aux distilleries agricoles, les autres dans les combinaisons de l'octroi communal.
M. Rodenbach. - Les distilleries de la campagne qui ne sont pas agricoles sont sacrifiées.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A l'égard de celles-là, l'injustice est plus grande.
M. Rodenbach. - Vous voulez la prolonger.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non, je veux corriger tout en même temps.
M. Rodenbach. - Mettez-le dans la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ordonnez que, dans un délai déterminé, la révision des deux objets aura lieu ; nous le voulons bien. Mais nous repoussons l'amendement de M. Mercier, qui détermine la révision quant aux droits d'octroi, en laissant à l'écart les distilleries qualifiées agricoles.
L'amendement de la section centrale tendrait à faire déclarer que les octrois communaux seront révisés d'après des principes posés et dans des délais déterminés.
Nous n'admettons pas la révision par le gouvernement, dans les délais déterminés et conformément à la disposition proposée ; ce que nous voulons, c'est la révision suivant des propositions à soumettre aux chambres.
C'est probablement là ce que la section centrale a voulu ; elle n'a pas voulu conférer au gouvernement le pouvoir de réformer la loi de 1842. Certes vous ne voulez pas déléguer au gouvernement le pouvoir législatif, et c'est cependant ce que vous feriez si vous adoptiez l'amendement proposé.
M. de Denterghem. - Je renonce à la parole. Je dis seulement que l'idée exprimée par M. le ministre est la même que celle émise par M. Deliége. En résumé ni prime, ni protection, voilà comment je comprends la chose.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On soumettra des propositions aux chambres dans un délai déterminé.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture.
Je désire exprimer mon opinion sur l'interprétation qu'on a donnée à la loi communale. Partisan de la liberté communale, je ne voterais pas une proposition qui la compromettrait, mais elle n'est pas en jeu.
(page 1804) Plusieurs voix. - C'est le fond ! Aux voix !
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. Mercier. - Je me rallie à l'amendement de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voici la rédaction que je propose en exécution de ce que je viens de déclarer :
« Le gouvernement présentera aux chambres, au plus tard le 31 décembre 1852, un projet de loi portant révision des dispositions relatives aux distilleries agricoles et aux octrois communaux, en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes. »
Il faut laisser à l'administration le temps de faire les expériences nécessaires pour constater le rendement qui devra être déterminé dans la loi.
J'ai annoncé que le gouvernement avait le projet de faire ces expériences et qu'il était indispensable de les faire pendant un temps assez long, de les faire et en hiver et en été, la distillation ne donnant pas les mêmes résultats dans ces deux saisons.
M. le président. - M. Dumortier propose un sous-amendement consistant à ajouter : « De manière à supprimer toute prime qui pourrait résulter des octrois actuellement existants. »
M. de Theux. - Le délai demandé par M. le ministre des finances est évidemment trop long ; l'administration des finances connaît à merveille la question des distilleries. Ce serait faire injure à une administration aussi éclairée que de supposer qu'il lui faille un an et demi pour préparer un projet de loi.
On présentera la loi le 31 décembre 1852. On passera un an à discuter. Pendant ce temps, la ruine des distilleries qui sont dans un état d'infériorité à cause des privilèges accordés à certaines industries se consommera.
Il est vraiment intolérable d'ajourner ainsi ce projet.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne comprends pas l'empressement de certains membres de cette chambre. Cette matière est de la plus haute importance.
Aujourd'hui, chacun reconnaît la nécessité d'introduire dans les octrois des villes certaines réformes. Mais il y a une marche prudente à suivre ; il est impossible d'inproviser des réformes en cette matière. Vous devez vouloir que les villes soient entendues, consultées, qu'elles aient le temps de faire parvenir leurs réclamations.
Vous reconnaîtrez la nécessité de ne toucher qu'avec beaucoup de précaution, aux ressources financières des communes. Toucher à la situation financière des communes, c'est toucher à leur liberté, c'est amoindrir leur pouvoir.
Si nous sommes partisans d'un pouvoir central fort et contrôlé, nous avons à cœur aussi la liberté et la force de la commune. Des réformes sont nécessaires ; nous sommes les premiers à le reconnaître. Nous n'avons pas attendu cette discussion pour rechercher ce qu'il y a à faire en matière d'octroi. La proposition de l'honorable M. Coomans nous donnera l'occasion de nous expliquer.
Déjà de nombreux travaux ont été faits. La question a été étudiée sous plusieurs points de vue ; des documents existent ; mais il n'entre dans l'esprit de personne d'introduire sans un mûr examen cette réforme, qui touche à l'existence même des communes. Nous demandons qu'on nous accorde jusqu'au 31 décembre 1852.
Quand il s'agit d'une réforme de cette importance, nous croyons qu'il faut laisser au gouvernement et aux communes le temps nécessaire pour que les propositions soient suffisamment mûries. On sait que pour beaucoup de villes, l'octroi sur les eaux-de-vie indigènes est l'une des principales branches de leur revenu.
Nous disons que la révision de cette partie des octrois devra se faire dans un espace de 18 mois. Ce serait forcer la main au gouvernement que de fixer un délai plus court.
Au reste, le gouvernement, la loi lui en fît-elle un devoir, ne serait pas en mesure de présenter plus tôt des propositions suffisamment élaborées.
Je maintiens la date que nous avons indiquée : je crois que les hommes sages et prudents doivent l'admettre avec nous.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si nous avions l'intention de faire passer cette proposition pour la forme seulement, je pourrais accepter ce délai, sauf à dire qu'à l'expiration du délai, il nous a été impossible de préparer ce projet de loi. Que dirions-nous alors à l'honorable M. de Theux ? Ce que je dis dès à présent, c'est qu'il est indispensable de faire les expériences que jamais l'administration n'a faites, pour constater quel est le rendement qu'on peut établir par la loi. Tout le monde sait que ces expériences doivent être suivies à diverses époques de l'année. Il ne suffit pas de les faire en hiver ; il faut les faire en été ; il faut donc un délai assez long pour que les expériences puissent être complètes.
Nous disons que la loi devra êlre présentée avant le 31 décembre 1852. Mais nous ne devrons pas nécessairement attendre jusqu'à cette époque. Si les expériences sont complètes plus tôt, la loi sera présentée plus tôt.
Du reste, dans la session prochaine, on pourra interpeller le gouvernement pour savoir où en sont ces expériences.
M. le président. - M. Malou vient de déposer un amendement aux termes duquel le gouvernement devrait présenter la loi dans la session ordinaire de 1851-1852.
M. Dumortier. - On a beaucoup invoqué le pouvoir, l'autorité, la liberté communale dans cette discussion. Partisan de la liberté communale, je ne voterais pas un amendement qui lui serait contraire. Mais je crois que c'est vainement qu'on en a tant parlé.
Voici ce que porte l'article 112 de la Constitution. « Il ne peut êlre établi de privilège en matière d'impôt. » C'est une règle générale qui régit les communes aussi bien que les particuliers.
Il n'appartient pas plus aux communes qu'au gouvernement et aux particuliers de se mettre en dehors d'une règle semblable.
Que fait-on ? On fait disparaître un privilège en matière d'impôt, privilège qui ne peut être une prérogative communale, car les communes ne peuvent s'élever au-dessus de la Constitution.
On me dit qu'il y a 15 p. c. en faveur des distilleries agricoles. Mais ce n'est pas une protection. Cette diminution a été accordée en raison des moindres perfectionnements des instruments dont on s'y sert, c'est parce qu'il a été reconnu qu'au moyen des instruments simples de la fabrication dite agricole, on n'arrive pas à des résultats aussi favorables qu'au moyen des instruments employés par les fabriques urbaines, par les colonnes distillatoires. Voilà pourquoi l'on a accordé une déduction de 15 p. c. Ce n'est donc pas un privilège, ce n'est qu'une justice, qu'une compensation en raison des instruments moins perfectionnés qu'emploient les distilleries agricoles et des obligations qu'on leur impose.
Ceci posé, existe-t-il encore des primes ? Oui, il existe des primes ; et ces primes sont entièrement au désavantage du trésor des villes. Je ne comprends pas comment on invoque ici l'intérêt des villes ; car il est constant que l'état de choses actuel prive la plupart des villes de la presque totalité des ressources qui pourraient résulter de l'impôt sur les genièvres.
Deux fausses mesures existaient sur ce point.
La première, c'est d'avoir empêché les villes d'établir des droits sur les boissons distillées au-delà du tiers de l'impôt du gouvernement. J'ai combattu cette mesure ; je regrette qu'elle ait passé dans la loi ; c'est une mesure très fausse.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle n'existe plus.
M. Dumortier. - Tant mieux.
Une autre mesure très fausse, c'est celle qui permet aux villes d'établir un privilège immense en faveur des distilleries qui sont dans leur intérieur.
Ce privilège, messieurs, je vous l'ai démontré, est diamétralement contraire à la Constitution. D'où est-il venu ? Ce privilège n'existait pas sous le gouvenement précédent ; il ne pouvait exister. Et pourquoi ? Parce que l'impôt, sous le gouvernement précédent, était établi sur les produits, tandis que par la loi nouvelle, il a été établi sur la macération.
Quand l'impôt était établi sur les produits, que les distilleries fussent à l'intérieur des villes ou qu'elles fussent à l'extérieur, les produits restaient les mêmes. Mais depuis que vous avez établi le droit sur la macération, vous n'avez pu vous rendre un compte exact de ce qu'étaient les produits ; de là l'origine des primes accordées par les villes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela varie.
M. Dumortier. - Permettez ; c'est là la base principale du système vicieux dans lequel nous nous trouvons, et ce système est vicieux pour l'industrie elle-même. Il a été démontré, en effet, par les pièces qui nous ont été remises, qu'avec le système de l'impôt sur la macération et les entraves que la loi impose aux fabricants, on ne peut fabriquer en Belgique le genièvre qu'à 11 centimes plus cher qu'en Hollande, ce qui rend la concurrence avec l'étranger impossible, si nous n'accordons pas des primes qui viennent en déduction de l'impôt lui-même.
Vous voyez donc que votre système contient des vices graves ; mais le vice principal auquel il faut mettre un terme, c'est la prime que les villes accordent à l'exportation des produits fabriqués dans l'intérieur du pays. Il est un fait incontestable, c'est que plusieurs grandes villes, auxquelles l'octroi sur les eaux-de-vie devrait rapporter 80 à 100 mille fr., ne retirent que 10,000 fr. et que tout le reste se perd en primes aux distilleries établies à l'intérieur qui viennent par là lutter jusque dans les campagnes contre les distilleries agricoles. Ainsi non seulement le marché de l'intérieur de ces villes est fermé aux distilleries agricoles ou rurales, mais les distilleries des villes peuvent venir lutter contre elles avec avantage dans les campagnes.
Un pareil système est diamétralement opposé à la Constitution, et je ne comprends pas comment il est possible de venir nous parler de la défense des libertés communales lorsqu'on se place ainsi en dehors de l'article 112 de la Constitution.
Messieurs, s'agil-il de laisser au ministre le soin de prendre des mesures envers les communes, de fixer leurs octrois ? Si cela était, je ne donnerais pas mon assentiment à la disposition proposée.
Je ne veux pas que le ministère soit investi d'un pareil droit. Mais quand le législateur pose les bases sur lesquelles doivent être établis les octrois, il est dans son droit, il ne remplit que son devoir et la commune elle-même exécutera la loi, elle s'en félicitera au nom de son octroi.
Voilà comment j'entends la proposition de la section centrale et je crois qu'on ne peut l'entendre autrement.
Un autre point et c'est le plus important, c'est que dans l'amendement que vous présente M. le ministre des finances, il met le plus grand soin (page 1805) à ne pas dire que la révision qui sera présentée à la chambre, devra avoir pour but de supprimer les primes, et sous ce nom j'entends la protection que certaines villes accordent à leur industrie locale, de quelque manière que soit qualifié ce privilège contre des Belges. Or, pour moi, c'est là le point culminant de la question. Il faut qu'à l'avenir cet abus cesse.
Il ne peut y avoir en Belgique des Belges vivant sous la protection de la même loi fondamentale, de la même Constitution, et dont les uns, au moyen des octrois communaux, soient protégés aux dépens des autres. La Belgique ne peut être constituée en un Etat qui aurait 50 rayons de douane se faisant une guerre de tarifs, et c'est le régime auquel nous sommes arrivés aujourd'hui.
Il importe donc, si vous n'adoptez pas l'amendement de la section centrale, que vous adoptiez le sous-amendement que j'ai eu l'honneur de vous proposer et que vous déclariez que la révision aura nécessairement lieu dans le but de supprimer toutes les primes sous quelque dénomination qu'elles se présentent et d'arriver à cette égalité devant la loi qui est dans nos mœurs, dans nos institutions et qui fait la base de notre Constitution.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le but de l'amendement que j'ai proposé, est précisément de faire disparaître les abus qui existent. C'est pour cela qu'il importe de décider le principe. L'amendement de l'honorable M. Dumortier devient dès lors surabondant.
M. Malou. - Je voterai en faveur de l'amendement de la section centrale ; s'il était rejeté, je demanderais subsidiairement que l'on fixât à l'action du gouvernement un délai un peu plus court, mais qui doit suffire au gouvernement.
Quelle est, en effet, l'objection ? C'est que l'administration doit faire de nouvelles expériences. Je n'y crois guère, je pense que ces expériences ont été faites, et que quelques mois de plus ajouteront peu de chose à la longue et complète expérience de l'administration.
Mais enfin je suppose que l'on veuille des expériences nouvelles. Vous aurez d'ici à la fin de la prochaine session le temps de les faire en toutes saisons ; vous aurez la partie de la saison d'été dans laquelle nous sommes, et vous aurez toute la saison d'hiver ; à moins que vous ne prétendiez que d'ici au mois de juin vous n'aurez pas toutes les saisons de l'année.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut faire des expériences en juillet et en août.
M. Malou. - Eh bien ! commencez dès immédiatement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais le mois de juillet est passé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Que signifient ces tracasseries pour six semaines ?
M. Malou. - L'honorable M. Rogier me dit : Que signifient ces tracasseries pour six semaines ? D'abord le mot tracasseries n'est pas parlementaire ; mais enfin soit, ! Il y a longtemps que nous sommes accoutumés à ces expressions ; j'y suis fort indifférent.
Mais il ne s'agit pas d'une tracasserie pour six semaines. Il y a ici un intérêt sérieux en question.
Si vous adoptez l'amendement du gouvernement, vous n'aurez rien fait de sérieux. (Interruption.) Le gouvernement ne veut rien faire, il s'agit ici d'un privilège qu'il veut faire durer autant que possible. Eh bien, dans une pareille situation, puisque le gouvernement veut faire durer le privilège autant que possible, lors même qu'il aura usé de son initiative, yvus n'aurez pas la loi, parce qu'elle ne viendra pas en discussion.
Je demande donc que, si l'amendement de la section centrale n'est pas adopté, le gouvernement, qui n'a aucun motif sérieux de s'y opposer, soit obligé de déposer son projet de loi dans la prochaine session.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est vraiment étonnant que l'honorable M. Malou, après les explications que j'ai données, vienne soutenir qu'il faille rapprocher le terme endéans lequel le projet de loi devra être présenté. Et quelle raison fait-il valoir ? Il dit que si l'on fixe le délai au 31 décembre 1852, c'est absolument comme si l'on ne faisait rien. Je lui demanderai si, lorsqu'il aura fixé le délai au 31 décembre 1851, il aura acquis une force plus grande contre le gouvernement ?
M. Malou. - Oui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Laquelle ? Est-ce que le 31 décembre 1851 a une force coercitive qui manque au 31 décembre 1851 ? Et que ferez-vous si, à l'expiration du terme trop court que vous aurez fixé, le gouvernement vient reproduire la déclaration qu'il fait déjà aujourd'hui, que le temps qui lui a été donné était insutlisant ? Aurez-vous atteint votre but ? Cela n'est pas raisonnable. Le gouvernement a demandé ce terme en indiquant les raisons sur lesquelles il se fonde ; et ces raisons, il les a données, non pas a l'occasion de l'amendement, pour justifier le terme qu'il propose, mais anticipativement, au sein de la section centrale.
Il a dit que des expériences étaient nécessaires ; qu'elles avaient été réclamées ; mais qu'on n'avait pas pu les faire, parce qu'aucun des distillateurs auxquels on s'était adressé n'avait voulu mettre sa distillerie à la disposition du gouvernement ; mais que, depuis, des offres avaient été faites au gouvernement, que des distilleries avaient été mises à sa disposition ; et que maintenant des expériences puurraicnt être laites.
Est-il vrai qu'il faut deux saisons pour faire des expériences décisives ? Evidemment ; or, d'après la proposition de l'honorable membre, il faudrait commencer dès maintenant ; c'est-à-dire que nous n'aurions plus que le mois d'août pour les expériences d'été, et les mois de décembre et de janvier pour celles d'hiver.
Il serait donc impossible, même de les faire avant ce 31 décembre 1851. Votre terme est donc inadmissible ; ce serait imposer au gouvernement une condition qu'il ne saurait pas remplir. J'ai dit cependant que si, par impossible, les expériences étaient assez complètes avant le 31 décembre 1852, le gouvernement s'empresserait de présenter un projet de loi avant cette époque. Cette déclaration, je la renouvelle ; il me semble qu'elle doit satisfaire la chambre.
M. Malou. - Il est évident que si le gouvernement ne tient pas compte du délai que la loi lui impose....
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est vous qui l'avez dit.
M. Malou. - Vous dites que si je fixe le délai à la fin de la prochaine session, je n'ai rien fait, parce que le gouvernement pourra venir déclarer qu'il n'est pas près. Si un pareil vœu de la législature, inséré dans la loi, ne lie pas le gouvernement, M. le ministre des finances a raison ; mais dans ma pensée, et dans celle de nous tous, j'en suis sûr, il est bien évident que le gouvernement serait lié par une disposition de cette nature.
Quant aux expériences, je m'étonne qu'elles soient nécessaires pour faire cesser ce que nous pouvons considérer comme un abus, alors qu'on n'a pas du tout recours à des expériences pour modifier le régime des droits perçus par l'Etat.
Du reste, je crois me rappeler que des expériences ont eu lieu à plusieurs reprises et elles doivent permettre de se former dès maintenant une opinion sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'en faire de nouvelles.
- La discussion est close.
M. le président. - Nous sommes en présence de la disposition additionnelle présentée par la section centrale qui constitue un amendement à la proposition du gouvernement. Nous avons ensuite la proposition nouvelle du gouvernement, laquelle est sous-amendée par MM Dumortier et Malou. A laquelle donne-t-on la priorité ?
- - Plusieurs voix. - A celle de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai proposé une nouvelle rédaction ; c'est celle-là qui doit avoir la priorité.
M. Mercier. - La proposition de la section centrale s'éloigne évidemment le plus de la loi. C'est donc celle-là qui doit avoir la priorité. D'ailleurs toute proposition d'un ministre est une proposition du gouvernement, et les amendements ont toujours la priorité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous étions en présence de la disposition proposée par la section centrale ; j'ai proposé un amendement. (Non ! non !)
Comment non ! N'ai-je pas discuté cette proposition, pour démontrer qu'elle était inacceptable, qu'elle constituait implicitement une délégation du pouvoir législatif ? N'ai-je pas démontré que, d'après les explications qui ont été données, nous pourrions modifier ce qui est aujourd'hui réglé par la loi ?
J'ai ensuite proposé un amendement.
M. de Theux. - Il me paraît évident que la proposition de la section centrale est celle qui s'éloigne le plus de ce qui existe aujourd'hui. Elle doit donc avoir la priorité.
Il y a cette différence entre les deux propositions, c'est que dans la proposition de la section centrale, il y a les bases d'après lesquelles pourraient se faire les propositions du gouvernement, tandis que, dans la proposition du gouvernement, il n'y a qu'une chose, c'est que le projet de loi sera présenté dans deux ans.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans un an et demi au plus tard.
M. de Theux. - Je demande donc qu'on donne la priorité à la proposition de la section centrale.
- La chambre, consultée, décide après une épreuve douteuse que la proposition de la section centrale n'aura pas la priorité.
M. le président. - C'est donc la proposition du gouvernement qui a la priorité. La chambre doit d'abord statuer sur le sous-amendement proposé par M. Dumortier, et qui est ainsi conçu : « De manière à supprimer toutes les primes qui peuvent résulter des octrois actuels. »
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- D'autres membres- . - C'est inutile. On est d'accord.
M. le président. - L'appel nominal ayant été régulièrement demandé, il sera procédé au vote de cette manière.
- Il est procède au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
69 membres sont présents.
6 (MM. Orts, Rogier, Tesch, T'Kint de Naeyer, Delehaye et Van Grootven) s'abstiennent.
63 prennent part au vote.
61 votent pour l'adoption.
2 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Landeloos, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbath, Roussel (A.), Thiefry, (page 1806) Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, Destriveaux, d'Hoffschmidt, d'Hont et Verhaegen.
Ont voté contre : MM. Julliot et Delescluse.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à motiver leur abstention.
M. Orts. - Messieurs, depuis mon entrée dans la chambre, j'ai voté contre le maintien de toute prime, quelle qu'elle pût être, chaque fois que l'occasion s'en est présentée. Je ne pouvais donc voter contre le sous-amendement. Mais, conséquent avec moi-même, je ne veux de protection pour personne. L'honorable M. Dumortier ne veut pas supprimer la protection pour les distilleries agricoles : il ne parle que des octrois dans son sous-amendement. Je me propose de faire, au deuxième vote, une proposition qui comblera la lacune que présente son amendement.
M. Rogier. - Je suis partisan du principe mis en avant par l'honorable M. Dumortier. Je ne pouvais donc voter contre la proclamation de de ce principe. Mais je ne pouvais voter pour une recommandation que je considère comme inutile.
M. Tesch. - Je suis adversaire de toutes les primes, et s'il s'était agi d'inscrire ce principe dans la loi, je l'aurais voté. Mais je n'admets pas ces recommandations à une législature qui peut n'en tenir aucun compte. Ce sont des inutilités, auxquelles je ne donne pas mon vote.
M. T'Kint de Naeyer. - Je me suis abstenu parce que la question a été prématurément posée. Il ne m'est pas démontré d'ailleurs que les distilleries urbaines jouissent d'une prime.
M. Van Grootven et M. Delehaye déclarent s'être abstenus par le même motif que M. T'Kint de Naeyer.
M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur le sous-amendement de M. Malou, d'après lequel le projet de loi devrait être présenté dans la session ordinaire de 1851-1852.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'appel nominal.
- Cinq membres se lèvent pour l'appel nominal.
- Un grand nombre de membres. - C’est inutile.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le président, vous avez constaté que cinq membres avaient demandé l'appel nominal. Cependant je n'insiste pas pour ne pas donner mauvais exemple, je constate qu'on vous avait prié de recourir à l'appel nominal sur une question moins importante que celle-ci, je l'ai demandé pour constater la majorité qui appuyait le gouvernement sur la question des délais que nous avons discutée pendant deux heures.
M. le président. - Cinq membres s'étaient en effet levés pour demander l'appel nominal ; mais un doute s'étant manifesté sur cette demande, j'ai invité de nouveau ceux qui réclament l'appel nominal à se lever ; et alors on ne s'est plus levé.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
- L'amendement de M. Malou est mis aux voix. Il n'est pas adopté.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. le ministre des finances avec le sous-amendement de M. Dumoryier.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - De manière que etc., c'est sauf rédaction.
M. le président. - Je mets les amendements aux voix comme on me le transmet.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose de remplacer les mots : « avant le 31 décembre », par ceux-ci : « au plus tard le 31 décembre. »
- La disposition ainsi modifiée est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Nous avons maintenant les dispositions additionnelles de MM. Allard et de Denterghem.
M. Allard. - Je retire la mienne.
M. de Denterghem. - D'après une conversation que j'ai eue avec M. le ministre des finances, je substitue au dernier paragrapge la quantité de 20 à celle de 30 hectolitres.
M. le président. - L'article serait ainsi conçu :
« Le littera A du paragraphe premier de l'article 5 de la loi du 27 juin 1842 est abrogé.
« Il est remplace par la disposition suivante :
« Ils n'emploient que deux appareils : l'un servant uniquement à la bouillée, l'autre servant uniquement à la rectification des phlegmes.
« La totalité des matières macérées dans les cuves servant à l'alimentation de ces appareils ne pourra pas dépasser vingt hectolitres par vingt-quatre heures de travail. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas d'objections à présenter contre l'amendement de M. de Denterghem, du moment qu'il substitue la quantité de 20 à celle de 30 hectolitres.
Je crois devoir appeler l'attention de la chambre sur ce point ; c'est une réforme partielle de la loi de 1842, en ce qui concerne les distilleries agricoles, la déduction de 15 p. c. ne serait plus acquise à toutes ces distilleries, mais seulement à celles qui se trouveraient dans les conditions déterminées par l'amendement de M. de Denterghem.
Cet amendement a donc, sous ce rapport, une certaine importance.
- La discussion est close. L'amendement est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous revenons à l'article 2.
« Art. 2. Indépendamment des conditions exigées par les lois en vigueur, les distillateurs smt tenus d'avoir dans leur usine un registre sur lequel ils inscrivent séparément pour chaque cuve les mises en macération, au fur et à mesure qu'elles ont lieu.
« Ils tiennent également un livret sur lequel les employés annotent la situation des travaux.
« Le registre et le livret sont fournis par l'administration qui en arrête le modèle.
« Sont dispensés de la tenue du registre, les distillateurs qui travaillent avec des vaisseaux imposables d'une contenance cumulée inférieure à 30 hectolitres, à la condition de renseigner, dans la déclaration de travail et par cuve, le jour et l'heure de chaque mise en macération.
« Les déclarations ne sont admises que pour quinze jours au moins et pour trente jours au plus. »
La section centrale propose au cinquième paragraphe cinq jours au lieu de quinze.
Le gouvernement s'est rallié à cet amendement.
M. Delehaye. - Je crois être d'accord avec le gouvernement quant à la partie du paragraphe, « sont dispensés de la tenue du registre, les distillateurs qui travaillent avec des vaisseaux imposables d'une contenance cumulée inférieure à 30 hectolitres. »
Je crois que l'intention du gouvernement est de n'envisager que les vaisseaux mentionnés dans la déclaration ; pour éviter des tracasseries aux distillateurs, je proposerai de dire : « Sont dispensés, etc., les distillateurs qui, « aux termes de leur déclaration », travaillent, etc. »
Si M. le ministre déclare qu'il entend ainsi la disposition, je renoncerai à ma proposition. Car il y a des cuves qui ne travaillent pas et auxquelles la disposition ne peut être applicable.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La modification proposée me paraît inutile. La disposition ne présente pas le moindre doute. Il ne s'agit que des vaisseaux renseignés dans la déclaration de travail ; il ne s'agit que des contenances imposables que l'on déclare vouloir utiliser ; si je reconnaissais qu'il y a lieu de donner plus d'extension à la disposition, j'en avertirais la chambre, et M. Delehaye pourrait représenter son amendement.
M. Delehaye. - Nous sommes d'accord. Du moment que M. le ministre l'entend en ce sens, tout est dit.
- L'article 2 est adopté.
« Art. 3. Les matières macérées et fermentées ne peuvent être transvasées ailleurs que dans la cuve de vitesse, le condensateur, la cuve de réunion, l'alambic ou l'appareil distillatoire.
« Les trempes, macérations et fermentations ne peuvent se faire dans des vaisseaux autres que ceux déclarés pour cet usage.
« Les rectificateurs sont tenus d'ouvrir le robinet de décharge à chaque réquisition des employés.
« La contenance des cuves à levain ne peut dépasser 25 litres ; les distillateurs ne peuvent en utiliser qu'une seule par trente hectolitres de contenance imposable ; la défense établie au paragraphe premier ci-dessus ne s'applique pas aux cuves à levain. »
La section centrale propose de commencer le troisième paragraphe ainsi : « Les distillateurs rectificateurs (le reste comme au projet) » elle propose en outre un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« L'emploi des vaisseaux appelés macérateurs, ou d'autres vaisseaux qui seraient nouvellement introduits, pourra être autorisé par le ministre des finances, aux conditions qu'il déterminera. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie aux propositions de la section centrale. Au paragraphe nouveau, je propose une addition. Le paragraphe serait ainsi rédigé : « L'emploi des vaisseaux appelés macérateurs, ou d'autres vaisseaux, ustensiles, ou procédés (le reste comme dans la proposition de la section centrale). »
M. Bruneau. - Je désirerais savoir si cet article apporte un changement à ce qui se pratique. Aujourd'hui, en cas de fermentation tumultueuse, on peut transborder la matière dans une cuve supplémentaire qui est déclarée ; car le plus souvent le distillateur n'est pas maître de la matière en fermentation. Il faut qu'en cas de fermentation tumultueuse, il puisse transborder l'excédant de la fermentation. Je demande si, avec cette disposition, ce sera encore possible.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a pas d'innovation sous ce rapport, mais on ne peut autoriser les distillateurs par une disposition formelle à transvaser d'un vaisseau dans l'autre les matières en fermentation. Si une semblable disposition était admise, il en résulterait qu'on pourrait impunément se livrer à la fraude. Dans la pratique, cela ne souffre aucune difficulté : le transvasement des matières qui débordent par une fermentation tumultueuse, a lieu dans des cuves déclarées, qui sont elles-mêmes remplies, et l'administration veille à ce qu'il n'y ait pas d'abus.
D'après la disposition soumise à la chambre, les choses pourront donc se passer dans la pratique comme elles se passent aujourd'hui. Mais l'interdiction du transvasement doit être maintenue dans la loi, sinon les abus seraient inévitables.
M. Delehaye. - Il est bien reconnu qu'on n'apporte aucune modification à ce qui se pratique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - (page 1807) Je viens de le dire.
- L'article 3 est adapté avec les amendements proposés par la section centrale et le sous-amendement proposé par M. le ministre des finances.
« Art. 4. La non-reproduction immédiate dans l'usine, ou l'altération du registre, entraîne une amende de. 500 à 1,000 fr. ; la non-représentation ou l'altération du livret ainsi que le refus d'ouvrir le robinet de décharge donnent lieu à une amende de 100 francs.
« Toute omission d'inscription sur le registre au moment voulu ; toute inscription inexacte, effacée ou altérée ; toute macération déclarée qui est anticipée ou prolongée de plus d'une heure ; tout transvasement opéré en contravention à l'article 3, entraînent une amende égale au décuple des droits dus à raison de la déclaration de travail appliquée aux vaisseaux dont il est ainsi irrégulièrement fait usage.
« Dans chacun des cas prévus par les paragraphes 1 et 2 du présent article, le droit acquis au trésor d'après la déclaration est double. »
La section centrale propose, au premier paragraphe, de substituer le chiffre de 250 fr. à celui de 500 fr. Elle propose un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Toute contravention aux dispositions prises en vertu du paragraphe 5 de l'article 3 est punie d'une amende de 250 à 300 francs, indépendamment du double des droits dus sur les contenances irrégulièrement employées. »
M. Lelièvre propose au paragraphe 2 un amendement ainsi conçu :
« Toute omission d'inscription sur le registre au moment voulu, toute inscription inexacte, effacée ou altérée entraînent une amende de 100 à 2,000 francs. »
(Le surplus du paragraphe 2 constituerait le paragraphe 3.)
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Au sujet du paragraphe 2, on s'est demandé si une altération devait donner lieu à la pénalité.
Pour lever tout doute, et pour donner satisfaction aux intéressés, je propose, après les mots : « inscription inexacte, effacée ou altérée, » d'ajouter : « dont le changement n'aura pas été dûment approuvé par le distillateur. »
M. Delehaye. - Est-ce également applicable à l'article premier ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - No ! L'altération du registre est le seul cas de fraude dont il s'agit ici.
On a fait remarquer que la pénalité étant calculée en raison du nombre de jours déclarés s'élèverait à une somme considérable, et qu'elle varierait, alors qu'il s'agirait d'un seul et même fait. Cette observation est fondée. Je propose d'y faire droit, en substituant, au deuxième paragraphe, aux mots « à raison de la déclaration de travail appliquée aux vaisseaux » les mots « à raison d'un renouvellement opéré dans les vaisseaux etc. »
M. Rodenbach. - Je demande la parole pour combattre l'amendement de M. Lelièvre.
- Plusieurs membres. - Laissez M. Lelièvre s'expliquer. Il a demandé la parole.
M. Rodenbach. - Soit !
M. Lelièvre. - J'ai cru devoir proposer un amendement au projet en discussion. Les pénalités établies par l'article 4 me semblent exorbitantes et disproportionnées au fait qu'il s'agit de réprimer.
Toute omission d'inscription sur le registre au moment voulu, toute inscription inexacte, effacée ou altérée sont frappées d'amendes qui peuvent s'élever à des sommes considérables.
A cet égard, j'appelle votre attention sur la pétition adressée à la chambre par les distillateurs d'Anvers qui s'expriment en termes de nature à faire impression sur la chambre.
« Il faut avouer, disent-ils, que la punition serait trop forte pour une peccadille. Tout en reconnaissant l'importance de la régularité dans la tenue des registres, nous devons être effrayés à l'idée des amendes fréquentes et ruineuses auxquelles nous serions exposés.
« Considérez qu'un distillateur ayant en activité 30 cuves par jour, courant en un an trente fois 365 chances, soit 10,950 chances d'une amende de mille francs et plus pour l'erreur ou la malveillance d'un ouvrier peu habile aux écritures ou malintentionné, car on ne peut pas exiger la présence du distillateur dans son cellier à toute heure du jour et de la nuit, pas plus que la présence d'un commis appointé tout exprès pour veiller 24 heures par jour. »
Les pétitionnaires, après avoir cité l'article 4, ajoutent :
« D'après cela une rature, un chiffre douteux, un rien pourra entraîner une amende de 13,500 fr. sur une cuve de 30 hectolitres qui serait déclarée pour 30 jours. »
Il est évident qu'il est impossible de comminer des amendes aussi élevées, surtout à l'égard de faits qui souvent peuvent être le résultat de l'erreur ou de l'inattention, et avoir été poses sans aucune intention de fraude.
Mon amendement a pour objet d'établir une proportion plus équitable entre la peine et le fait délictueux et, du reste, je souscris d'avance à tout sous-amendement qui tendrait à modérer encore le taux des amendes, parce que je crains moi-même avoir dépassé les justes limites quant au maximum énoncé en ma proposition.
Toutefois du moment que le minimum est réduit à un taux modéré, la fixation d'un maximum, quelque élevé qu'il soit, ne présente pas d'inconvénient, le magistrat ajant toute latitude dans l'application de la peine.
A l'appui de mon amendement, j'ajoute la considération suivante : L'on sent que les affaires du genre de celles dont nous nous occupons sont d'ordinaire transigées ; or, pour prévenir les abus possibles d'un pouvoir trop étendu conféré à cet égard au gouvernement, il convient de ne pas porter les amendes à un taux trop élevé.
Le projet a, selon moi, le tort de ne prononcer qu'une peine unique, tandis que le degré de culpabilité peut varier à l'infini et qu'il est juste, dès lors, que la peine soit plus ou moins élevée d'après l'étendue de la faute commise par le contribuable, qu'il ne serait pas équitable lorsqu'il n'y a de sa part qu'une simple négligence, de frapper de la peine applicable au cas où il existe une faute grave ou même intention frauduleuse.
Ces considérations me paraissent suffisantes pour justifier mon amendement.
Je profite également de cette occasion de faire observer à M. le ministre des finances que les pénalités prononcées par l'article 32 paragraphes 13 et 16 de la loi du 27 juin 1842 sont aussi exorbitantes et qu'il serait également convenable de les modifier, surtout que dans l'état des choses elles seraient encore majorées par suite de l'augmentalion du droit qui fait l'objet de la loi en discussion.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois répondre un mot à l'honorable M. Lelièvre : c'est que la modification que je propose diminue les amendes beaucoup plus que son amendement.
Il propose d'élever les amendes jusqu'à 2,000 fr. D'après les dispositions que j'ai soumises à la chambre, ces amendes sont moins élevées et elles sont fondées sur un principe plus juste.
Selon le projet, voici ce qui pourrait arriver : Un vaisseau de 20 hectolitres, déclaré pour une série de 30 jours, donne lieu à un impôt de 900 fr. ; or le décuple atteint le chiffre de 9,000 fr. Voilà l'amende qui pouvait être infligée.
Suivant la proposition que je soumets, le droit pour le même vaisseau de 20 hectolitres, à raison d'un renouvellement, est de 30 fr., de sorte que le décuple n'est plus que de 300 fr. Ainsi des amendes qui pouvaient aller jusqu'à 9,000 fr. sont réduites à 300 francs.
M. Bruneau. - J'approuve complètement la proposition de l'honorable ministre des finances. En effet, ainsi qu'il l'a expliqué, l'amende telle qu'elle était comminée d'abord, pouvait aller, non pas à 9,000 francs, mais communément à 13,500 francs ; puisque les cuves renferment 50 hectolitres en moyenne. Par suite de la proposition nouvelle de M. le ministre, cette amende ne sera plus que de 450 francs.
Lorsque la cuve ne contiendra que 20 hectolitres, l'amende ne sera que de 300 francs.
C'est donc une réduction notable sur le chiffre que propose l'honorable M. Lelièvre, et qui peut aller jusqu'à 2,000 francs. Il est vrai que l'honorable membre propose un minimum de 100 francs ; mais je crois qu'il vaut mieux que les distillateurs sachent d'une manière positive quelle sera l'amende à laquelle ils s'exposent en se mettant en contravention.
M. Lelièvre. - Mon but est atteint par la proposition de M. le ministre. Je retire mon amendement.
- L'article 4, modifié comme le propose M. le ministre, est alopté.
M. le président. - M. Dautrebande avait proposé une disposition additionnelle, je crois qu'elle devient sans objet.
M. Dautrebande. - Je la retire.
« Art. 5. Les déclarations en cours d'exécution cessent leurs effets la veille du jour de la mise en vigueur de la présente loi, à minuit. La nouvelle décharge n'est accordée qu'après l'apurement total des prises en charge antérieures. »
- Adopté.
M. le président. - M. Dumortier propose un article nouveau ainsi conçu :
« Le droit d'abonnement pour le débit des boissons distillées est supprimé. »
La parole est à M. Dumortier pour développer sa proposition.
M. Dumortier. - De toutes les mesures qui ont été votées depuis 1830, il n'en est pas de plus injuste que l'impôt de consommation sur les boissons distillées. Cet impôt est d'une extrême injustice, parce qu'il frappe non pas la consommation, mais la vente.
Il est certain que cet impôt n'a cessé de faire naître des réclamations nombreuses dans le pays.
Quand on l'a établi, on avait en vue de combler le déficit que les modifications apportées à la loi sur les distilleries avaient fait naître.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - Il ne peut être question d'un rappel au règlement. Si l'on veut me rappeler au règlement, je demande qu'on me cite immédiatement l'article qui s'oppose à la présentation de ma proposition.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Aux termes du règlement, on peut amender un projet de loi soumis à la chambre. Mais on ne peut pas présenter une nouvelle loi à l'occasion du projet qui est en discussion.
La proposition que fait l'honorable M. Dumortier n'est pas un amendement au projet en discussion, c'est une proposition d'abrogation d'une loi qui existe. Cela n'a rien de commun avec la loi actuelle. Par conséquent, aux termes du règlement, cette disposition ne peut être jointe au projet en discussion.
Si l'ïionoiable M. Dumortier veut proposer le rappel de la loi relative au droit d'abonnement sur le débit des boissons distillées, qu'il fasse (page 1808) une proposition formelle, et que cette proposition soit soumise aux sections qui en autoriseront la lecture, si elles le jugent convenable.
M. le président. - En d'autres termes, vous proposez la question préalable.
M. Dumortier. - Je ne conçois pas comment M. le ministre des finances peut soutenir avec le sérieux qu'il vient de montrer, la thèse qu'il m'oppose. Je concevrais que l'on soutînt une thèse pareille en manière de plaisanterie, mais dans une assemblée sérieuse je ne le conçois pas.
Comment !l vous faites une loi sur les boissons distillées, et je n'aurai pas le droit de faire un amendement en ce qui concerne les boissons distillées ? C'est réellement trop fort.
Le projet en discussion est exclusivement relatif au droit sur les boissons distillées.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sur la fabrication.
M. Dumortier. - Cela ne fait rien ; fabrication et débit, c'est tout un. Comment M. le ministre des finances peut-il venir soutenir que mon amendement relatif, comme le projet, à un droit sur les boissons distillées, n'est pas en rapport avec ce projet, ne peut pas en faire partie, alors que la loi qu'il nous a présentée et que nous allons discuter jeudi prochain, contient des dispositions qui devraient faire l'objet de vingt-cinq lois différentes ?
Eh bien ! j'accepte votre question préalable. Je retire ma proposition. Mais jeudi prochain je me prévaudrai de ce que vient de dire M. le ministre des finances ; je me servirai de ses arguments contre sa propre loi.
M. le président. - La discussion du projet étant terminée, à quel jour la chambre veut-elle fixer le vote définitif ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je pense qu'il n'y a plus que des objets insignifiants à l'ordre du jour. La chambre a fixé la discussion du projet de loi sur les travaux publics à jeudi. On pourrait fixer le second vote de la loi sur les distilleries à mercredi ou à jeudi, à l'ouverture de la séance.
M. Coomans. - La chambre a fixé à jeudi la discussion du projet de loi dont parlait tout à l'heure l'honorable M. Dumortier. Or nous avons à épuiser notre ordre du jour sur lequel figurent encore plusieurs affaires Je tiens à présenter, avant la discussion sur les travaux publics, des développements de la proposition de réforme douanière que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre. Je maintiens le rang fixé pour ces développements sur l'ordre du jour.
M. le président. - Je reçois une lettre de M. Ad. Roussel qui, forcé de s'absenter comme membre d'un des jurys d'examen, demande un congé.
- Ce congé est accordé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi tendant à allouer divers crédits supplémentaires au budget des non-valeurs et remboursements pour l'exercice 1831, et qui s'élèvent à 474,000 fr. Ces crédits sont destinés presque tous à faire face à des créances fort anciennes, qui n'ont pas été régularisées jusqu'à présent,
M. Dumortier. - La plupart des membres ne resteront pas en ville pendant ces quatre jours. Je demande donc que le bureau transmette ce rapport à domicile.
M. Mercier. - Il ne sera imprimé que mardi soir.
M. le président. - Procédons avec ordre ; il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet de loi qui vient d'être présenté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau deux autres projets de lois ; le premier alloue au département de la justice un crédit supplémentaire de 450,000 fr. à titre d'avance pour l'exercice courant ; cette somme est destinée à la continuation du travail dans la prison de Saint-Bernard ; le second alloue au département de l'intérieur un crédit supplémentaire de 55,000 fr. pour dépenses relatives à l'exposition universelle de Londres.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de lois ; ils sont renvoyés à la section centrale chargée de l'examen des projets de lois de crédits supplémentaires.
M. Thiéfry. - Je demande que les membres de la chambre qui se rendent à la campagne et qui désireraient y recevoir le rapport de l'honorable M. Veydt, le fassent connaître à la questure ; ne sachant pas quels sont tous ceux qui restent en ville, ils seraient exposés à ne pas le recevoir à temps.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.