Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 janvier 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Dumont.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 523) M. Van Cutsem fait l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs propriétaires cultivateurs, à Ninove, prient la chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, des projets de lois sur l'enseignement agricole, sur l'exercice de la médecine vétérinaire et sur l'organisation de l'école vétérinaire de l'Etat.

« Même demande de plusieurs artistes vétérinaires. »


- Renvoi aux sections centrales qui seront chargées de l'examen des projets.


« L'administration communale de Freux prie la chambre de rejeter le projet de loi sur le défrichement des bruyères. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet.


« Le sieur Van Imschot de Brock demande la restitution du droit qui a été exigé sur les deux chargements de chanvre importés à Ostende directement du lieu de production et sous pavillon hollandais. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Dierckens, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef des frais que lui ont occasionnés ses divers changements de résidence. »

- Même renvoi.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Henot présente plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1847

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Cultes

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur l'ensemble du chapitre VIII, Cultes.

(page 524) M. Liedts remplace M. Dumont au fauteuil.

M. Delfosse. - Messieurs, j'ai déposé hier quelques amendements, mais je me suis fait inscrire pour présenter quelques considérations générales sur le chapitre des cultes. Je les présenterai et je profiterai de cette occasion pour développer mes amendements.

Messieurs, l'influence de l'épiscopat sur le gouvernement et particulièrement sur M. le ministre de la justice, ne saurait plus être niée. Je me trompe, on peut la nier comme on nie les choses les plus évidentes, comme on nie des faits qui résultent d'actes authentiques ; mais ces dénégations ne trompent personne.

S'il fallait donner de nouvelles preuves de l'influence que je signale, je les trouverais dans la chaleur que l'extrême droite a mise, cette fois, à défendre M. le ministre de la justice.

D'honorables collègues de l'extrême droite, hommes graves et éminemment religieux, ont été jusqu'à faire l'apologie d'un fonctionnaire plusieurs fois condamné, jusqu'à le présenter comme un homme des plus honorables, victime d'indignes calomnies. J'ai vu le moment où l’on en ferait un petit saint.

Rassurez-vous, messieurs, mon intention n'est pas de renouveler de pénibles débats ; l'opinion libérale n'en a pas besoin ; sa cause est désormais gagnée, l'apologie du sieur Orman et les dénégations de M. le ministre de la justice porteront leurs fruits comme plus d'une autre affaire a porté les siens.

M. le ministre de la justice s'écriait il y a quelque temps : « A Dieu ne plaise que la gauche devienne jamais majorité ! » Ce serait sans doute un grand malheur pour le pays, qui est, comme on sait, très satisfait de tout ce qui se passe ; mais, n'en déplaise à M. le ministre de la justice, ce malheur arrivera et il arrivera bientôt.

Je m'arrête ici, messieurs, je ne voudrais pas donner à M. le ministre de la justice plus d'importance qu'il n'en a ; je ne voudrais pas le confirmer dans cette idée, qu'il serait, comme M. Nothomb, le point de mire des attaques de l'opposition.

L'honorable M. de Brouckere a déjà dissipé hier cette illusion née de sentiments trop présomptueux. M. Nothomb, l'honorable M. de Brouckere nous l'a dit, était l'âme du cabinet ; en l'abattant, on abattait le ministère, on pouvait espérer d'abattre le système.

En abattant M. le baron d'Anethan, on n'abattrait rien du tout, je veux parler du système.

M. le baron d'Anethan ne ressemble à M. Nothomb que par les petits côtés ; et encore, on peut dire que M. Nothomb subissait les influences cléricales, au lieu que M. le ministre de la justice court au-devant.

L'influence des évêques sur M. le ministre de la justice est telle qu'il n'ose pas même supposer que ces dignitaires ecclésiastiques peuvent se tromper. M. le ministre de la justice va jusqu'à leur accorder des subsides auxquels ils n'ont droit qu'en cas d'insuffisances de ressource, sans exiger d'eux la production d'aucune pièce justificative ; M. le ministre de la justice nous l'a dit naïvement : il croit les évêques sur parole !

Un tel système peut conduire fort loin, et j'aime à croire que M. le ministre des finances ne le met pas en pratique en matière d'impôts.

« Les évêques, dit M. le ministre de la justice, sont incapables d'avancer des faits inexacts. » Il y aurait bien des choses à dire à ce sujet. Des évêques n'ont-ils pas fait servir la franchise de port, qui ne leur est accordée que pour le service du culte, à l'envoi de circulaires électorales ?

Mais je veux admettre que les évêques soient toujours, en toutes circonstances, incapables d'avancer des faits inexacts. On pourrait en dire autant des administrations communales ; et cependant lorsque les administrations communales demandent des subsides, on exige d'elles la production de toutes sortes de documents, on les assujettit aux formalités les plus minutieuses.

L'administration ne doit pas avoir égard à la qualité des personnes ; quelle que soit la confiance que les personnes lui inspirent, son devoir est de s'assurer, par l'examen de pièces régulières, de l'existence des faits que l'on invoque pour puiser dans le trésor public.

La faiblesse de M. le ministre de la justice, dans ses rapports avec le haut clergé, devrait engager la chambre à prendre quelques mesures pour forcer M. le ministre de la justice à mieux remplir à l'avenir son devoir. C'est dans ce but que j'ai présenté un amendement à l'article premier ; j'ai proposé d'ajouter à l'article premier, dans la colonne d'observations, ce qui suit :

« La partie de cette allocation, destinée aux séminaires, ne sera payée que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. »

Vous ne voudrez sans doute pas, messieurs, surtout dans un moment où la misère est si grande, que le trésor public se dessaisisse de sommes considérables, avant d'avoir acquis la certitude qu'elles sont réellement dues.

L'article 2 du chapitre des Cultes a été considérablement augmenté depuis quelques années. Vous savez tous que la principale cause de cette augmentation, a été la création d'une grande quantité de succursales. On en a créé en une seule année, et par un seul arrêté, plus de trois cent cinquante.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Quatre cent dix.

M. Delfosse. - C'est encore mieux, Je me suis élevé dans le temps avec force contre cette fournée, qui a été loin d'améliorer la position du clergé inférieur ; beaucoup de curés et de desservants ont au contraire perdu, par suite du démembrement de leur paroisse, une bonne partie des avantages dont ils avaient joui jusqu'alors.

Je ne reviendrai pas là-dessus ; mais le souvenir du passé doit nous rendre plus prévoyants. C'est pourquoi j'ai aussi présenté un amendement à l'article 2. J'ai proposé d'ajouter à cet article, dans la colonne d'observations, qu’ « il ne sera plus créé de place dotée avant que les chambres n'aient alloué les fonds ».

Quand les places sont créées à la suite d'arrangements intervenus entre les évêques et le gouvernement, il vous est bien difficile de rejeter la dépense.

On vient vous dire que c'est un fait accompli, que la place est créée, que l'ecclésiastique est placé ; ces considérations vous engagent à voter la dépense. Si vous voulez, messieurs, être entièrement libres dans le vote, vous devez adopter mon amendement.

M. le ministre de la justice nous propose encore sur cet article une augmentation de 6,880 fr. C'est peu de chose. Mais cette augmentation n'est pas justifiée. Je le démontrerai lors de la discussion de l'article. Si M. le ministre nous propose cette augmentation, c'est probablement pour qu'on ne puisse pas dire qu'il a laissé passer une seule année sans augmenter le budget des cultes, sans donner un démenti à la promesse faite par l'honorable M. de Theux en 1840, que le chiffre demandé pour le culte catholique serait désormais un chiffre normal qui ne s'accroîtrait plus.

L'article 3, qui a été aussi considérablement grossi les années précédentes, ne subit pas cette fois d'augmentation. Je n'en trouve pas moins le chlfire de 440,000 fr. énorme.

Que l'on construise des églises dans les localités où le besoin s'en fait réellement sentir ; qu'on restaure les édifices du culte pour les mettre à l'abri des injures du temps ; rien de mieux ; je suis le premier à applaudir à ces dépenses.

Mais on pourrait se dispenser d'élever des monuments dans de petites communes qui sont pour ainsi dire sans ressources. On pourrait avoir moins de cinq églises dans un seul village qui ne compte guère plus de 4,000 habitants.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Où cela ?

M. Delfosse. - A Battice. Je l'ai dit, l'année dernière, et j'en ai cité d'autres.

On pourrait surtout attendre des temps meilleurs pour se permettre des dépenses de luxe ; par exemple, pour placer, à l'extérieur, des centaines de statues, dans des niches qui pourraient rester vides quelques années encore sans danger pour les édifices, et sans inconvénient pour la religion.

Il y aurait encore un autre moyen de réduire les dépenses de l'Etat ; ce serait de mieux surveiller l'emploi des revenus des fabriques d'églises. Le conseil provincial de Liège a pris une mesure que nous ferions bien d'imiter. Il a décidé qu'il ne serait plus accordé de subsides aux fabriques d'églises sur les fonds provinciaux qu'autant qu'elles consentiraient à soumettre, chaque année, leurs budgets et leurs comptes à la députation permanente.

Cette mesure est excellente pour arrêter la tendance que beaucoup da fabriques montrent à employer l'excédant de leurs revenus à l'achat d'objets de luxe tels que tableaux, dais, argenterie, etc., etc., sachant bien que, lorsqu'il faudra plus tard réparer leurs églises, les communes, les provinces ou l'Etat devront leur venir en aide.

Il y aurait un troisième moyen de réduire les dépenses de l'Etat, ce serait d'exécuter les dispositions en vigueur qui défendent de faire des collectes sans autorisation. Si les fidèles étaient moins excités à donner pour les ordres mendiants, ils donneraient plus souvent et davantage pour les pauvres et pour l'entretien des églises.

Je n'ai pas besoin de vous dire, messieurs, que je n'attends pas ces mesures de M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice nous a dit l'autre jour une grande vérité ; il nous a dit (en répondant à l'honorable M. Pirson) qu'il n'était pas changé depuis son entrée au ministère. Je suis parfaitement de cet avis. Tel M. le baron d'Anethan était lors de son entrée au ministère, tel il est aujourd'hui, M. le ministre de la justice voudra bien à son tour reconnaître que je ne suis pas du petit nombre des membres de la gauche, qui ont pris le change sur son compte, et qui lui ont fait, dans le principe, un bon accueil.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delfosse est revenu sur les paroles qu'avait prononcées hier l'honorable M. de Brouckere, lorsqu'il a exprimé son opinion sur ce que j'avais dit relativement aux attaques dirigées contre moi.

Ces deux honorables membres ont pris singulièrement le change sur le sens et la portée des expressions dont je me suis servi. Jamais il n'est entré dans ma pensée de me comparer à l'honorable M. Nothomb. Je reconnais, avec mes adversaires, le talent si remarquable de mon honorable ami ; et, je le répète, je n'ai pas la prétention ridicule d'être placé sur la même ligne que lui.

Mais sans avoir le talent éminent de M. Nothomb, on peut pourtant être un ministre à la hauteur de ses fonctions, et dès lors pouvant rendre service à mon pays, je suis resté au banc ministériel. Au reste, messieurs, l'honorable M. Delfosse et l'honorable M. de Brouckere auront bien, je pense, s'ils se comparaient à mon honorable ami, M. Nothomb, la modestie de se rendre à tous deux la même justice, que je ne fais aucune difficulté à me rendre à moi-même.

M. Delfosse. - Je ne me suis pas vanté.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). – Je ne me suis pas vanté non plus.

M. Delfosse. - On aurait pu le croire.

(page 525) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Vous vous êtes complétement trompé.

Messieurs, je vais répondre au discours qu'a prononcé hier l'honorable M. Lys ; je répondrai ensuite à celui que vous venez d'entendre de l'honorable M. Delfosse.

L'honorable M. Lys a débuté en disant qu'il se commettait de nombreux abus dans l'administration des cultes. J'avais pensé, d'après le début, qu'il allait développer une longue série de griefs et surtout des griefs nouveaux. Mais tout s'est borné en grande partie à la répétition du discours prononcé l'année passée par l'honorable membre et auquel je pense, il a été suffisamment répondu.

Deux autres nouveaux reproches seulement m'ont été faits par l'honorable M. Lys, et il a corroboré quelques-unes de ses observations de l'année passée par de nouvelles observations. Je vais répondre aux faits nouveaux et aux observations nouvelles que l'honorable membre a présentées à l'appui de ses anciens griefs.

L'honorable M. Lys a commencé par me demander ce qu'étaient les prêtres auxiliaires dont, pour la première fois, dit-il, le budget fait mention.

L'honorable membre aura pu remarquer que les développements du budget sont dressés cette année d'une manière beaucoup plus complète que les années précédentes ; que les tableaux explicatifs de la manière dont le personnel est réparti sont beaucoup plus détaillés.

Voilà pourquoi nous avons ajouté cette année une catégorie de prêtres qui ne figurait pas auparavant dans les détails du budget, les prêtres auxiliaires. Or, que sont ces prêtres auxiliaires ? Ce sont d'anciens prêtres, très peu nombreux, qui reçoivent un traitement de 210 fr. qui leur a été accordé avant 1830. Ces prêtres ont toujours été payés sur les vacances de place ; ils continueront à l'être, et leur nombre diminue tous les ans. Le roi Guillaume avait accordé ce traitement de 210 fr. à d'anciens prêtres qui allaient aider à faire le service dans quelques paroisses, et qu'on employait dans certaines circonstances ; ils ont continué à recevoir le même traitement depuis 1830. Mais, comme je l'ai dit, le nombre de ces prêtres va chaque année en diminuant, aucune nouvelle nomination n'ayant eu lieu.

C'est ainsi qu'avant 1830, il y avait des traitements personnels ou des augmentations de traitement qui ont continué à être payés, mais qui diminuent tous les ans.

Voilà l'explication que j'avais à donner quant aux prêtres auxiliaires.

J'arrive à une autre catégorie de prêtres, les prêtres français, auxquels une indemnité est accordée.

Il existe, messieurs, sur les confins du pays quelques hameaux qui sont très rapprochés des églises françaises, et qui sont au contraire très éloignés de nos églises belges. Depuis avant 1830, les personnes appartenant à ces hameaux vont remplir leurs devoirs religieux en France, et toujours une indemnité a été accordée aux prêtres français qui desservent les églises où se rendent les Belges, et se rendent chez ces derniers quand leur ministère est requis. On a continué à en agir ainsi, et je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'en plaindre. Si l'on abandonnait cette voie, au lieu de donner une indemnité aux prêtres français, il y aurait lieu à créer de nouvelles chapelles ou de nouvelles succursales, de manière à permettre aux personnes qui habitent ces hameaux de l'extrême frontière de remplir leurs devoirs religieux, ce qui constituerait une dépense plus considérable.

Ainsi, messieurs, je crois que cette légère indemnité accordée à des prêtres doit être considérée, sainement entendue, comme une véritable économie. Au reste cela a toujours existé et je pense qu'il y a lieu de maintenir cet état de choses.

L'honorable M. Lys est revenu, messieurs, sur l'exécution des différentes dispositions du décret de 1813. L'honorable membre a cité notamment les articles 80 et 62, le premier relatif à la reddition des comptes, le second relatif à la nomination des trésoriers. J'ai dit, messieurs, l'année dernière les motifs pour lesquels j'avais pensé qu'il ne convenait pas d'exécuter à la lettre les dispositions du décret de 1813. J'ai fait ressortir combien il pourrait en résulter d'entraves pour l'administration même des séminaires. Je pensais, messieurs, avoir suffisamment répondu, au moyen des considérations dans lesquelles j'étais entré, aux différentes observations qui avaient été faites. Maintenant on revient à la charge ; force m'est donc de donner quelques développements à ma pensée de l'année dernière.

Messieurs, lorsque les puissances alliées entrèrent en Belgique et lorsque cessa chez nous le régime français, les puissances alliées donnèrent une déclaration, en date du 7 mars 1814, qui était de la teneur suivante :

« Les victoires éclatantes que les armées de leurs hautes puissances alliées ont remportées par le secours de Dieu, ayant affranchi le clergé de la Belgique de toutes les entraves mises à l'exercice de la religion catholique apostolique et romaine, le gouvernement, conformément aux intentions de leurs hautes puissances alliées, maintiendra inviolablement la puissance spirituelle et la puissance civile dans leurs bornes respectives, ainsi qu'elles sont fixées par les lois canoniques de l'Eglise et les anciennes lois constitutionnelles du pays.

« En conséquence, toutes les affaires ecclésiastiques resteront en mains des autorités spirituelles, qui soigneront et surveilleront en tout les intérêts de l'Eglise. C'est donc aux autorités ecclésiastiques que l'on devra s'adresser pour tout ce qui concerne la religion.

« En transmettant cette résolution à votre clergé, vous pouvez, messieurs, lui assurer la protection spéciale du gouvernement.

« Bruxelles, le 7 mars 1814.

« En l'absence de M. le duc de Beaufort,

« Signé, le comte E. de Robiano.

« Et pour copie conforme :

« P.-J. L'Ortoye.

« Vu et approuvé la déclaration ci-dessus tout à fait conforme aux vues bienfaisantes des hautes puissances alliées,

« Les commissaires généraux de l'administration de Belgique,

« Signés, comte de Lottum et Délius.

« Pour copie conforme à l'original,

« P.-J. L'Ortoye.»

Voilà, messieurs, la déclaration qui est émanée des puissances alliées en 1814, et à dater de cette époque, tout le monde a considéré le décret de 1813, qui n'avait, d'ailleurs, jamais été appliqué en Belgique, comme ne pouvant pas recevoir d'exécution dans plusieurs de ses parties. Aussi, messieurs, sous le gouvernement des Pays-Bas, jamais le décret de 1813 n'a été appliqué, ni quant à la nomination des trésoriers, ni quant à la reddition des comptes. Des observations ont été faites sous le roi Guillaume à l'épiscopat relativement à la reddition des comptes ; mais par suite des réponses qui ont été faites à ces observations, le gouvernement, des Pays-Bas a renoncé à demander cette exécution ponctuelle.

Eh bien, messieurs, je me demande si en présence des principes si larges de notre Constitution, en présence de l'article qui consacre d'une manière absolue la liberté des cultes, qui consacre d'une manière absolue l'indépendance du clergé ; je me demande si c'est le moment de revenir à un état de choses que n'a pas voulu faire revivre le gouvernement des Pays-Bas. Il faudrait, pour changer ce qui existe, que l'on signalât les graves inconvénients de ce qui existe ; il faudrait surtout que l'on prouvât que le décret de 1813 est encore compatible avec nos institutions et qu'il a encore force et vigueur.

Or, en présence de la déclaration des puissances alliées et de l'inaction du gouvernement des Pays-Bas relativement à l'exécution du décret de 1813, je ne pense pas qu'on puisse faire au gouvernement un grief, d'avoir suivi ce qui a été constamment suivi depuis 1814, ce qui a été suivi par le gouvernement des Pays-Bas, ce qui a été continué en 1830, sans que jamais aucun ministre de la justice ait songé à faire revivre toutes les dispositions du décret de 1813. En répondant tout à l'heure, messieurs, au discours de l'honorable M. Delfosse et en rencontrant ses différents amendements je dirai comment j'entends les droits du gouvernement relativement à l'administration temporelle des séminaires. Je passe maintenant aux autres observations présentées par l'honorable M. Lys.

L'honorable membre m'a reproché de ne point faire rendre compte par les corporations religieuses reconnues. Je n'ai pas attendu, messieurs, les observations qui m'ont été faites dans la chambre, pour m'adresser à qui de droit, afin d'obtenir la reddition de ces comptes, conformément au décret de février 1809 ; mais, comme je le disais dans la session précédente, ce n'est pas alors qu'une disposition n'a pas été appliquée pendant longtemps, et qu'elle a été considérée par beaucoup de monde, et même par des fonctionnaires haut placés, comme n'existant plus, ce n'est pas alors que, d'une manière en quelque sorte brutale, on pouvait faire revivre des dispositions dont l'inexécution semblait consacrée, sinon par la loi, tout au moins par le non-usage. Néanmoins, comme ce droit me paraissait une obligation, déjà avant que l'on ne m'eût adressé des observations à ce sujet, j'avais adressé à M. l'archevêque et à M.M. les évêques, une circulaire relative à cet objet ; cette circulaire, messieurs, qui porte la date du 29 novembre 1844, est de la teneur suivante :

« A MM. le cardinal-archevêque et les évêques de Malines, Bruges, Gand, Liège et Namur.

« MM. l'archevêque et évêques,

« Je pense que l'article 20 de la Constitution et l'arrêté du gouvernement provisoire du 16 octobre 1830, ne concernent que les associations qui n'ont point demandé et obtenu d'être reconnues par le gouvernement comme institutions publique ; mais que, quant à celles qui existent comme personnes civiles, en vertu de dispositions du gouvernement, prises aux termes de l'article 2 du décret du 18 février 1809, elles restent soumises à l'obligation établie par l'article 15 du décret.

« En effet, comme établissements légaux d'intérêt public, elles ont le privilège d'acquérir, avec l'autorisation du Roi, des biens, rentes et revenus pour l'accomplissement de leur mission de charité ; ces biens sont, en réalité, le patrimoine du pauvre et le gouvernement, tuteur-né des établissements publics et des intérêts des pauvres, doit pouvoir veiller à la conservation de ces biens et au bon emploi, à leur destination, de leurs revenus. Cela est de principe, indépendamment de toute disposition législative, et ce principe, l'article 15 du décret de 1809 ne fait que le confirmer.

« Je viens, en conséquence, vous prier, MM. l'archevêque et évêques, de vouloir bien inviter les congrégations hospitalières reconnues qui existent dans votre diocèse, à m'adresser annuellement le compte de leurs revenus.

« Si, cependant, vous ne partagiez pas mon opinion sur cette gestion, je vous prierais, MM. l'archevêque et évêques, de vouloir bien me faire connaître les motifs sur lesquels vous fondez la vôtre.

(page 526) « Agréez, MM. l'archevêque et évêques, l'assurance de ma haute considération.

« Le ministre de la justice, (Signé) : J. d'Anethan. »

Cette circulaire a amené l'effet désiré. Les comptes des corporations religieuses, à l'exception d'un seul diocèse, m'ont été rendus et je ne doute pas que pour l’année qui vient de s’écouler je ne reçoive aussi les comptes des corporations religieuses, pour le diocèse auquel j’ai fait allusion.

Voilà ce que j'ai fait relativement aux corporations reconnues. Il me semble que dans ma conduite il y a eu de la prudence, et qu'on ne peut y trouver la preuve de cet asservissement sans borne aux volontés de je l'épiscopat, que l'on ne cesse de me reprocher.

L'honorable M. Lys trouve mauvais que les traitements des professeurs ne soient pas fixés par le gouvernement. Il trouve qu'il serait possible et même juste que le gouvernement fixât ces traitements, et répartît lui-même la somme de 8,000 fr. qu’il donne pour compléter ce qui manque aux séminaires pour le payement des professeurs.

Le reproche de ne pas avoir fixé ces traitements ne peut s'adresser à moi ; mais il peut plutôt s'adresser à l'auteur de l'arrêté du 28 mars 1834. L'article 2 de cet arrêté porte : « Il est alloué au séminaire archiépiscopal et à chacun des séminaires épiscopaux un subside annuel de huit mille (8,000 fr.), qui sera réparti par le chef respectif du diocèse, à titre de traitements, entre les directeurs, professeurs et autres personnes chargées de l'enseignement dans lesdits séminaires.

Ainsi, en 1834, on reconnaissait, et avec raison, ce me semble, que c'était à MM. les évêques à répartir entre les professeurs, suivant leur mérite, les 8,000 fr. qui étaient accordés par le gouvernement.

Depuis, on a suivi la même marche.

J'ai fait rechercher ce matin les pièces relatives à cet arrêté de 1834, et il m'a paru que tout s'était passé de commun accord entre les évêques et le gouvernement.

L'honorable M. Lys a prétendu ensuite que le chiffre des biens de cure porté au budget en déduction des traitements, était trop peu élevé ; ce chiffre est, il est vrai, peu considérable, il ne s'élève qu'à 5,000 fr. ; depuis que je suis au ministère, il s'est déjà augmenté. Depuis assez longtemps je me suis adressé à M. le ministre des finances, et mon collègue fait faire les recherches convenables pour s'assurer s'il existe d'autres biens de cure, mais c'est un travail qui exige beaucoup de temps.

L'honorable M. Lys a terminé son discours en parlant des droits des desservants à l'inamovibilité, et en critiquant la doctrine que j'avais adoptée, relativement à l'interprétation des articles organiques ; l'honorable membre a même dit que l'honorable M. Lebeau avait démontré que ces articles n'étaient plus exécutoires en Belgique.

Je pense que, si ces articles organiques n'étaient plus d'une manière générale ni obligatoires, ni exécutoires en Belgique, on serait fort gêné dans les relations qui existent entre le gouvernement et le clergé ; je ne me rappelle pas que l'honorable M. Lebeau ait fait la démonstration dont a parlé l'honorable M. Lys. Si mes souvenirs ne me trompent pas, l'honorable M. Lebeau a dit que quelques-uns des articles organiques étaient incompatibles avec nos institutions actuelles, et j'ai donné alors une entière adhésion à ces paroles.

J'arrive maintenant au discours de l'honorable M. Delfosse qui a présenté divers amendements relativement au budget des cultes.

Le premier amendement, applicable à l'article premier, est conçu en ces termes :

« Ajouter dans la colonne d'observations :

« La partie de cette allocation, destinée aux séminaires, ne sera payée que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. »

Messieurs, cet amendement me paraît complétement inutile, attendu que j'ai déclaré, comme je déclare encore, que c'est seulement en cas d'insuffisance des ressources que je me propose d'accorder des fonds aux séminaires qui démontreraient cette insuffisance.

Je ne pense pas qu'il faille mettre, exceptionnellement pour le culte, une réserve qui est empreinte de défiance et qui n’a été adoptée pour aucun crédit dans aucun des autres budgets. Il doit suffire que je fasse la déclaration formelle que les allocations ne seront employées que lorsqu’il sera justifié que les ressources des séminaires ne sont pas suffisantes. Le gouvernement ne disposera de ces fonds que lorsqu’il aura acquis cette certitude ; lors de la discussion du budget de l’année prochaine, on pourra me demander compte de la manière dont les subsides auront été alloués ; on pourra me demander de justifier devant la chambre qu’il y a insuffisance de ressources ; et cette insuffisance, il me sera, je pense, bien facile de l’établir, comme je le disais avant-hier, en répondant à l’honorable M. Delfosse.

D’après ma correspondance, et d’après les comptes qui l’accompagnaient, comptes qui, pour quelques diocèses, se trouvaient dans la correspondance même, je crois déjà avoir la preuve de l’insuffisance des ressources des séminaires. Il m’est impossible, comme je l’ai déjà dit, de déposer sur le bureau cette correspondance qui n’était point destinée à recevoir de publicité ; mais je puis donner des extraits des comptes de comptes qui m’ont été remis. C’est la première fois que des comptes de cette nature ont été demandés. (Interruption.) Je n’ai trouvé aucune trace que des comptes semblables aient été demandés en 1834, alors que les subsides dont j’ai parlé ont été régularisés pour la première fois. Au reste, si j’avais pu prévoir que des comptes de cette nature auraient été demandés dans le sein de cette chambre, je suis convaincu que j’aurais pu les fournir d’une manière régulière ; l’année prochaine, il me sera facile de mettre sous les yeux de la chambre, des comptes parfaitement en règle, et qui justifieront complétement l'emploi des subsides votés au budget.

Je pense donc que l'amendement de l'honorable M. Delfosse n'est pas nécessaire ; je ne l'accepte pas, parce que c'est une mesure de défiance à l'égard du clergé, mesure qu'on n'a prise pour aucune autre catégorie de subside.

Il me semble que la chambre ne doit avoir aucune crainte, l'allocation n'oblige pas le ministre à la dépenser ; et lorsqu'il la dépense, il la dépense sous sa responsabilité ; il la dépense avec obligation de justifier de l’emploi qu’il en a fait.

Je ne repousserais pas l'amendement de l'honorable M. Delfosse, si n'y voyais, je le répète, un caractère de défiance ; mais je puis déclarer à la chambre que les fonds seront employés conformément aux conditions des séminaires contenues dans l'amendement de l'honorable membre.

Je passe à l'article 2. L'honorable M. Delfosse propose à l'article 2 un amendement ainsi conçu :

« Ajouter dans la colonne d'observations :

« Il ne sera plus créé de place dotée avant que les chambres n'aient alloué les fonds. »

L'honorable membre voudra bien remarquer que pendant toute l'année 1846, on n'a créé aucune succursale, on n'a créé non plus aucune place de vicaire…

M. Delfosse. - Je ne l’ai pas dit.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je le sais bien ; mais on aurait pu ne pas le remarquer, et je tiens à le dire.

Il n'y a donc pas eu de place nouvelle depuis 1845.

Maintenant je trouve que l'amendement de l'honorable membre pourrait présenter certains dangers ou, pour me servir d'une expression moins forte, certains inconvénients.

Supposons que, vers la fin de l'année, il reste des fonds disponibles par suite de vacance de places, et supposons qu'à la fin de l'année, ou du moins alors que les chambres ne sont pas assemblées, supposons, dis-je, que la nécessité de créer une place de vicaire ou une succursale soit démontrée. Si j'ai au budget les fonds nécessaires pour doter cette place, d'après l'amendement de M. Delfosse, je ne pourrais pourtant pas la créer, Je laisserais donc dépourvues des services du culte des agglomérations d'habitants, aux besoins desquels je pourrais cependant pourvoir dans les limites du budget ? Ne serait-ce pas là un grave inconvénient ?

Je ne conçois pas, d'un autre côté, quel serait l'avantage que présenterait cet amendement ; car l'année suivante, la chambre reste toujours libre de ne pas augmenter le chiffre du budget, et si la chambre ne l'augmente pas, toutes les places récemment créées resteront sans traitement.

Mais créer les places reconnues nécessaires est un droit du gouvernement ; le gouvernement doit pouvoir en user. De son côté la chambre use de son droit en refusant les fonds pour payer le traitement de places dont elle ne reconnaît pas l'utilité.

L'amendement ne présente donc aucun avantage au point de vue financier, et il peut présenter dans certains cas des inconvénients. Je pense donc que cet amendement ne doit pas non plus être adopté.

La chambre peut du reste être assurée que j'userai avec une grande réserve de la faculté accordée au gouvernement ; au vote annuel du budget elle en acquerra la preuve.

L'honorable M. Delfosse vous a parlé de l'augmentation extraordinaire, du progrès constant qu'avait suivi le budget des cultes. Il a invoqué, comme on l'avait déjà fait dans les sessions précédentes, les paroles prononcées par l'honorable M. de Theux en 1840.

Il suffit de lire ces paroles pour s'assurer qu'elles n'ont pas la portée que leur assigne l'honorable M. Delfosse.

L'honorable M. de Theux a parlé des besoins qui existaient en 1840 ; il a dit que, d'après ce qui avait été reconnu alors, on pouvait considérer, du moins pour quelque temps, le chiffre proposé comme normal ; mais il ne pouvait entrer dans l'idée de mon honorable collègue d'enchaîner l'avenir et de considérer comme définitif un chiffre essentiellement variable suivant l'accroissement ou la diminution de la population.

L'honorable M. Delfosse me reproche d'avoir demandé une augmentation de six mille francs, qui, selon lui, n'est nullement justifiée. Il a dit que je n'aurais pas voulu laisser passer un seul budget sans obtenir quelque chose en faveur du clergé.

Je pense, comme la section centrale, que ma demande est parfaitement justifiée ; il est impossible de la justifier mieux qu'en mettant en regard le nombre des places existantes et les allocations demandées pour pourvoir aux traitements de ces places. Le budget des cultes est maintenant aussi régulièrement établi que celui de l'ordre judiciaire. Vous votez pour l'ordre judiciaire autant de traitements qu'il y a de places, sans égard s’il y a un certain nombre de places vacantes.

C'est de la même manière que le budget des cultes est libellé ; chaque place a son traitement. Si la place n'est pas remplie, le traitement reste au budget ; mais dans la limite des places pour lesquelles le traitement a été voté, le budget doit fournir les moyens de doter les places dont la nécessité a été reconnue ; le budget se balançant par le nombre de places créées et le nombre de traitements alloués, et dès lors il est impossible de ne pas reconnaître que l'augmentation de 6 mille francs est pleinement justifiée.

Si le budget était dressé d'une manière tout à fait normale, il y aurait lieu même de demander une somme plus forte, car je me suis réservé de payer sur les vacances de place les coadjuteurs et les augmentations de (page 527) traitements personnels qui auraient, à la rigueur, dû figurer au budget.

Le traitement des places non remplies profile au trésor ; il restera notamment cette année une somme d'environ 80 mille francs sans emploi, par suite des vacances de places.

L'honorable M. Delfosse trouve considérables les augmentations successives. Il semblerait que depuis 1830 on a augmenté d'une manière extraordinaire et le budget des cultes et surtout le nombre des membres du clergé.

Je vais vous faire connaître un résultat qui étonnera peut-être l'honorable membre ; c'est que maintenant il y a, relativement à la population, moins de prêtres qu'il n'y en avait en 1801. Nous avions, en 1801, une population de 3,023,000 habitants ; il y avait alors 4,088 places ; c'était donc une place sur 735 âmes. Nous avons maintenant 4,335,000 habitants et 4,622 places, par conséquent, une place sur 937 habitants. Ainsi pour un prêtre il y avait 200 habitants de moins en 1801 qu'en 1847.

Nous avions donc immédiatement après la révolution française et la réouverture de nos temples, un nombre plus considérable d'ecclésiastiques relativement à la population que nous n'avons maintenant

On doit bien reconnaître sans doute que le nombre des prêtres doit augmenter en raison de la population, puisqu'ils peuvent avoir des devoirs à remplir envers chaque individu ; donc plus il y a de membres de la communion catholique, plus il faut de prêtres pour le service de cette communion.

L'honorable membre trouve exorbitant le chiffre de 444,000 fr. pour les édifices destinés aux cultes. Ce chiffre est tellement peu considérable qu'il est même souvent insuffisant. Il n’y a pas d'année où je ne doive refuser de nombreux subsides à des communes qui les demandent et qui sont appuyées par les autorités consultées.

On peut voir de quelle manière les subsides sont accordés. La répartition se fait d'une manière convenable. Si le chiffre était plus élevé, ce serait très avantageux non seulement pour la restauration même des édifices, mais encore pour les communes à l'aide desquelles on pourrait venir un peu plus efficacement.

L'honorable M. Delfosse a proposé relativement à cet objet un amendement qu'il développera sans doute lorsque nous serons parvenus à l'article 3. Je me réserve de m'en expliquer alors. Jusqu'ici je ne vois pas la différence qu'il y a entre le libellé de l'article et celui qu'il propose.

M. Verhaegen. - Je viens appuyer les amendements de l'honorable M. Delfosse, comme j'ai appuyé la demande de renseignements qu'il a faite, dans une séance précédente, relativement aux établissements de mainmorte ; et si je n'ai pas alors demandé immédiatement la parole sur ce point important pour me joindre à lui, c'est qu'on ne peut pas parler dans toutes les circonstances et sur tous les objets à l'ordre du jour.

Le premier amendement de mon honorable ami a pour objet de faire déclarer qu'on n'accordera plus de subsides aux séminaires, que lorsque l'insuffisance de leurs ressources sera établi ; et M. le ministre de la justice combat cet amendement. En agissant ainsi, il se met en opposition avec lui-même, car il est d'accord avec l'honorable M. Delfosse.

Voici comment raisonne M. le ministre de la justice : « Le gouvernement, dit-il, n'accorde pas de subside, si le séminaire n'établit pas que ses ressources sont insuffisantes, et vous pouvez vous en rapporter au gouvernement ; car, s'il abuse de votre confiance, vous aurez le droit de le blâmer l'année suivante. » Il ajoute « qu'en cas d'attaque, il se justifiera en produisant les comptes que les séminaires alors ne lui refuseront pas. »

M. le ministre, si je ne me trompe, nous disait dans une séance précédente qu'exiger la reddition d'un compte de la part d'un séminaire, ce serait porter atteinte à la liberté des cultes ; et aujourd'hui, pour faire écarter l'amendement de mon honorable ami, il vient vous dire : « Rapportez-vous-en au gouvernement pour cette année, et si, l'année prochaine, vous avez des plaintes à formuler, vous les ferez ; le gouvernement se justifiera alors, au moyen de comptes que lui auront transmis les évêques ! ! »

Mais, messieurs, ce que nous pourrions faire l'année prochaine, nous pouvons certes le faire aujourd'hui et même avec beaucoup plus de raison ; car aujourd'hui nous avons des faits ; ces faits, dont j'ai eu l'honneur de vous dire déjà précédemment un mot et à l'égard desquels je vais entrer dans quelques détails en invoquant des documents qui en démontreront la réalité.

Pour établir l'insuffisance des revenus, M. le ministre affirme qu'il a puisé sa conviction dans la correspondance avec les évêques, et que cette correspondance il ne peut nous la communiquer, parce que de sa nature elle est confidentielle. « Il y aurait d'ailleurs, ajoute-t-il, inconvenance à ne pas s'en rapporter aux assertions de l'épiscopat. Ce serait une marque de défiance, et l'on n'a jamais fait preuve d'une pareille défiance envers d'autres corps, envers d'autres établissements. »

Messieurs, si je ne me trompe, on n'accorde des subsides aux fabriques d'églises que pour autant qu'elles établissent l’insuffisance de leurs ressources, au moyen de comptes réguliers. C'est là une prescription formelle de la loi et pour les fabriques et pour les séminaires ; car le décret de 1813 impose cette obligation aux séminaires, comme le décret de 1809 l'impose aux fabriques d'églises.

Si je ne me trompe encore, les évêques, dans certaines circonstances, ont droit à des subsides pour leurs palais et églises, mais pour autant seulement, et autrement pas, que l'insuffisance des ressources soit établie.

Lorsque j'avais l'honneur de siéger au Conseil provincial du Brabant, on nous soumettait les comptes de l'archevêché quand on nous demandait un subside soit pour le palais archiépiscopal, soit pour la métropole, et nous nous permettions de discuter ces comptes ; pourquoi en serait-il autrement quand il s'agit des séminaires ? Il n'y a pas plus de déférence à avoir dans un cas que dans l'autre. C'est une règle que la loi prescrit et dont nous demandons l'application sans restriction.

A en croire M. d'Anethan, le décret de 1813 ne serait plus observé depuis 1830 ; il serait (pour me servir de son expression) tombé en désuétude.

M. Dubus (aîné). - Depuis 1814.

M. Verhaegen. - Depuis 1814, dit l'honorable M. Dubus.

Je ne sache pas que des lois puissent être considérées comme abrogées par désuétude, alors surtout qu'elles imposent à des établissements de mainmorte des obligations qui ne sont que le corollaire de certaines faveurs qui leur sont accordées.

Messieurs, la chose est d'autant plus grave, qu'il existe certains faits qui rendent la communication des pièces indispensable.

Le budget en discussion porte un subside en faveur du séminaire de Liège ; et ce subside, de l'aveu même de M. le ministre, ne peut être accordé que lorsqu'il est établi que les ressources du séminaire sont démontrées insuffisantes : or, pour établir cette insuffisance, que faut-il faire ? Il faut indiquer le montant des revenus, le montant des charges et faire ensuite une soustraction. Ainsi nous avons tous les éléments du compte que nous demandons.

D'après M. le ministre de la justice, le séminaire et la cathédrale de Liège (car on confond ces deux établissements, puisqu'ils se donnent la main et que bien souvent dans les actes d'acquisition, dans les donations et legs, ils se trouvent confondus), le séminaire et la cathédrale de Liège, dis-je, d'après M. le ministre de la justice, auraient, si je ne me trompe, 250,000 fr. de revenus, tandis que d'après les administrateurs, au nombre desquels se trouve l'évêque, ces revenus ne se monteraient qu'à 200,000 fr.

Ces observations, messieurs, n'ont pour but que de démontrer que M. le ministre de la justice n'est pas d'accord avec l'évêque de Liège, sur l'importance des revenus. Maintenant, qui a raison de M. le ministre ou de l'administration du séminaire et de la cathédrale ?

M. le ministre s'en rapporte cette année aveuglément aux assertions des évêques et ce serait, d'après lui, une marque de défiance que de leur en demander la preuve. Et cependant, on promet cette preuve pour l'année prochaine !! Encore une fois, c'est une contradiction flagrante.

Quand mon honorable ami, M. Delfosse, dans une séance précédente, a demandé à M. le ministre de la justice de déposer, non pas même les comptes, mais seulement les pièces au moyen desquelles il avait formé sa conviction, M. le ministre n'a répondu que par un refus, sous le prétexte que sa correspondance avec les évêques était confidentielle à cet égard.

Messieurs, puisqu'on ne veut pas même nous remettre les pièces qui sont entre les mains du gouvernement, loin de nous communiquer des comptes prescrits par le décret de 1813, nous allons vous faire ces comptes autant qu'il est en notre pouvoir de le faire ; si, après cela, le ministre veut les contredire ou les compléter, il invoquera de son côte les documents qu'il jugera utiles, et à cet égard, il aura plus de facilité que nous.

Je vous ai parlé, messieurs, d'un travail que je croyais important, indispensable même dans les circonstances actuelles et tendant à démontrer la valeur des biens tombés en mainmorte depuis 1830 ; ce travail n'est pas tout à fait achevé, quoique déjà je possède des renseignements nombreux. Je vais, messieurs, pour le moment me borner à vous donner quelques-uns de ces renseignements qui sont spécialement relatifs aux séminaires et à la cathédrale de Liège.

J'ai eu l'honneur de vous le dire dans une séance précédente, avant 1830, quoi qu'en ait dit M. le ministre de la justice, les séminaires rendaient des comptes, et ces comptes doivent se trouver dans les archives à la Haye. Il est possible, il est probable même que d'ici à peu de temps nous pourrons vous mettre ces pièces sous les yeux ; mais, pour le moment, nous allons nous borner à jeter un coup d'œil rapide sur les acquisitions qui ont été faites depuis 1830 seulement par le séminaire et la cathédrale de Liège. Nous indiquerons les sources dans lesquelles nous avons puisé ces renseignements ; et encore une fois si M. le ministre veut les contredire ou les compléter, il indiquera aussi les sources où il aura puisé ; de cette manière nous pourrons arriver à un travail complet, ce qui voudra dire que nous aurons un compte.

Vous ne trouverez pas mauvais, messieurs, que je procède de cette manière ; car enfin, si l'on ne veut pas produire les comptes, si l'on vient dire que c'est une marque de défiance que de demander à ceux qui sollicitent des subsides, la justification de l'insuffisance de leurs ressources, alors il n'y a plus d'autre moyen que de produire nous-même un des éléments du compte, celui relatif à l’actif, en laissant au gouvernement le soin de produire celui relatif au passif. Depuis 1837 seulement, le mémorial administratif de la province de Liège, donne le résumé des décisions de la députation permanente, entre autres celles relatives aux applicats de fonds, etc., qui concernent la cathédrale et le séminaire de Liège ; mais le Moniteur nous donne tous les arrêtés royaux d'approbation, d'acquisitions, de legs et donations depuis 1830 ; du moins je dois le croire. Je puis donc faire un calcul ; je puis donner à la chambre des indications pour les donations, pour les legs et pour toutes les acquisitions (page 528) en général, faites par le séminaire et la cathédrale de Liège, depuis 1830, et des applicats de fonds depuis 1837.

Quant à l'évaluation des biens-fonds obtenus par legs ou donation, elle ne se trouve pas dans les arrêtés ; mais, à défaut de cette indication, l'évaluation en est faite dans le travail que je vais vous présenter, d'après la notoriété publique ; on est même resté, d'après les renseignements que l'on me fournit, au-dessous de la réalité. Il sera libre, d'ailleurs, à M. le ministre de la justice de contredire ces évaluations.

J'ai une deuxième observation préliminaire à vous faire : Si les donations, si les legs que je vais mentionner sont grevés de charges, je laisse également à M. le ministre le soin d'indiquer ces charges ; cela formera alors le deuxième élément du compte, et l'on pourra, de cette manière, déduire les charges du revenu dont je vais, pour ce qui est postérieur à 1830 pour tout ce qui est acquisitions, et postérieur à 1837 pour ce qui est placements, indiquer, l'importance.

Je devais, messieurs, agir de la sorte ; car, si on parle de défiance, il nous est bien permis d'en avoir ; car il est démontré par des documents incontestables que, quelquefois, lorsque des charges sont attribuées à une donation ou à un legs, on touche les revenus sans remplir ces charges.

Voici l'aperçu des biens acquis et des applicats faits par la cathédrale, le séminaire et l'évêché de Liège depuis 1830 (évaluations en francs) :

10 décembre 1831. Arrêté approuvant la donation par Emile d'Outremont, du couvent de Saint-Roch avec 44 bonniers, fr. 100,000.

10 octobre 1832. Arrêté approuvant une donation par le même, de plusieurs biens, fr. 50,000.

25 septembre 1833. Arrêté approuvant l'achat par le séminaire de l'ancien couvent Stenart à Saint-Trond, fr. 40,000.

22 décembre 1833. Arrêté approuvant la donation d'un capital de 4,000 fr. par J.-J. de Sauvage, fr. 4,000.

22 juin 1833. Arrêté approuvant la donation par G.-J. Danheux, de 8 hectares 47 ares de terre, fr. 30,000.

30 janvier 1835. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens par F.-J. Gerard, fr. 60,000.

20 juin 1835. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens, par P.-J. Drion, fr. 60,000.

19 mars et 5 avril 1835. Arrêtés approuvant des donations de rentes et biens, se montant de notoriété publique à fr. 65,000.

2 mars 1838. Arrêté approuvant une donation d'un capital de 30,000 francs, par H.-A.-J. de Donner, fr. 50,000.

28 mai 1838. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens, par J.-H. Servier, évalués très modestement à fr. 90,000.

N. B. Il y avait une fondation établie dans ce legs, mais le proviseur, qui est l'évêque de Liège, ne se soumet pas à l'arrêté du 2 décembre 1823, qui l'oblige à rendre compte à la députation. Nous voyons, en effet, dans l'exposé provincial de Liège de 1841, page 70, le tableau des fondations dont la députation apure les comptes, la fondation Servier n'y figure pas.

24 août 1838. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer, fr. 7,000.

12 octobre 1838. Arrêté royal autorisant l'acquisition d'une maison à Liège par la cathédrale. Fr. 10,506

26 décembre 1838. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer fr. 4,000.

4 janvier 1839. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer, fr. 5,282.

22 mars 1839. Arrêté de la députation qui autorisé la cathédrale à placer fr. 6,350.

5 juillet 1839. Arrêté de la députation qui autorise le séminaire de Liège à employer une somme de 60,000 fr. en acquisition de rentes, fr. 60,000.

15 juillet 1839 et 24 mars 1845. Arrêté approuvant des legs de plusieurs biens par Charles de Donner, fr. 40,000.

9 août 1839. Arrêté approuvant la donation de plusieurs biens, par Vander Vreken, fr. 10,000.

13 décembre 1839. Arrêté qui autorise le séminaire et la cathédrale à placer à intérêt, fr. 80,000.

24 décembre 1839. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer fr. 6,250

31 janvier 1840. — Arrêté de la députation qui autorise le séminaire à placer, fr. 40 000.

5 février 1840. Arrêté approuvant la donation de l’ancien et du nouveau béguinage de Hasselt avec dépendance, fr. 50,000.

26 janvier 1841. Avis favorable de la députation pour autoriser le séminaire à accepter la succession Tilquin, que quelques-uns évaluent à un demi-million, mais que nous né portons, pour rester dans la modération, qu'à fr. 300,000.

26 octobre 1841. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer à intérêt fr. 7,000.

29 octobre 1841. Arrêté qui autorise la cathédrale à placer à intérêt un capital de fr. 40,000.

17 novembre 1842. Avis favorable de la députation autorisant la cathédrale à accepter une donation par d'Oultremont, fr. 25,000.

14 juin 1843. Dépêche de la députation avec avis favorable sur la demande du séminaire, tendant à vendre des rentes de l'emprunt belge, fr. 200,000.

3 août 1843. Arrêté autorisant une donation de biens par L.-J. Toussaint, fr. 12,000.

13 décembre 1843. Arrêté autorisant l'acceptation d'une donation d'un capital par M. Corbey, fr. 40,000.

7 mars 4844. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer à intérêt fr. 40,000.

26 mars 1844. Arrêté de la députation qui autorise la cathédrale à placer à intérêt, fr. 5,000.

22 décembre 1844. Arrêté royal qui confirme la vente de gré à gré faite par le séminaire de l'établissement de Rolduc. (Pour mémoire, car j'ignore la cause et le but.)

12 décembre 1845. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale à placer à intérêt fr. 12,000.

1er mars 1845. Arrêté autorisant le legs de deux maisons à Liège, par P. A. Louwette, fr. 20,000.

27 mars 1845. Arrêté autorisant la donation par un anonyme d'un capital de fr. 4,000.

12 mars 1845. Avis favorable de la députation, approuvé par le gouvernement, pour l'acquisition par le séminaire de Liège d'une pièce de terre enclavée dans le petit séminaire de St-Trond, fr. 8,000.

5 août 1846. Avis semblable pour l'acquisition par le séminaire de Liège d'un verger appartenant à M. de Pitteurs Hiegaerts à l’usage du petit séminaire de St-Trond, fr. 15,000.

N. B. Ces avis approuvés par arrêtés royaux ou qui le seront nécessairement sont une preuve évidente que les grands séminaires associent les petits séminaires au bénéfice de personnes civiles.

25 septembre 1845. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale et le séminaire à placer à intérêt un capital de fr. 50,000.

19 août 1846. Avis favorable de la députation sur une donation par Bellefroid d'Oudoumont de plusieurs biens, fr. 12,000.

1er octobre 1845. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale à placer fr. 3,000.

2 septembre 1846. Arrêté de la députation autorisant la cathédrale à placer fr. 50,000

Par la mort du sieur Drion dernier usufruitier des biens rachetés par les moines de son ordre (Prémontrés), le séminaire a été mis en possession de tous les biens de cette communauté dont il était nu propriétaire en vertu de donations antérieures. On a évalué à Liège ces biens à plusieurs centaines de mille francs.

D'un autre côté, la succession Boucquiau laissée au président du séminaire vaut plus d'un million et demi, fr. 1,500,000.

Il est vrai qu'il y a des remplois parmi tous ces placements, des remplois par suite de remboursements de capitaux. Il est vrai aussi qu'à certains dons et legs sont attachées des charges, des fondations, par exemple ; mais ce sera à M. le ministre, d'accord avec les évêques, à établir ces charges, et alors elles figureront au débit du compte. Dans tous les cas, ce grand maniement de fonds prouve les richesses des établissements dont nous avons parlé, d'autant plus que ce ne sont là que des échantillons. Les grandes opérations se font en fonds publics étrangers.

Voulez-vous d'ailleurs d'autres preuves de ces énormes ressources ? Ecoutez :

La cathédrale a fait faire, il y a deux ans, une chaire de vérité qui, dit-on, coûte plus de 200,000 fr.

Il y a un an elle a acheté des tableaux de M. *** pour 12,000 francs.

Il y a quelques mois la cathédrale a fait un contrat avec un Polonais pour le charger d'aller faire des copies de tableaux en Italie ; le prix était de 20,000 fr. ; les copies ont été faites et envoyées ; mais ce sont des croûtes qu'on n'a pas osé faire encadrer. Et tout cela a été fait sans l'autorisation de la députation !

La cathédrale a fait dresser dernièrement, par l'architecte, un plan pour l'embellissement de cet édifice, dont le devis s'élève de cinq à six cent mille francs.

Pauvres gens qui crient à l'injustice quand on veut imposer 4 p. c. sûr leurs revenus !

Combien d'établissements qui en 1830 avaient 250,000 fr. de rente, n'ont-ils pas augmenté leur revenu au moyen de fermages et de beaucoup de rentes à l'effraction, les effractions et les effractions ne sont-elles pas à peu près doubles ?

Quand j'aurai les comptes de 1829, que j'attends de jour en jour, je prouverai par A plus B que le séminaire et la cathédrale ont plus de 600,000 fr. Au reste malgré le démenti des administrateurs, la voix publique à Liège m'a donné raison.

Je le répète, il sera libre au ministre de détruire mes allégations, mais par des allégations contraires, c'est-à-dire de nous présenter un compte.

Il y en a plus qu'il n'en faut pour engager le gouvernement à ne plus combattre l'amendement de l'honorable M. Delfosse, amendement qui me paraît fondé de tout point.

Il en est de même du second amendement de mon honorable ami. L'honorable M. Delfosse propose de mettre dans la colonne des observations, qu'il ne sera plus créé de place dotée, avant que les chambres n’aient alloué des fonds.

M. le ministre de la justice reconnaît le principe qui sert de base à ce second amendement, comme il a reconnu le principe qui sert de base au (page 529) premier amendement ; mais de même que, d'après M. le ministre, il y aurait inconvenance à demander aux évêques la preuve de leurs assertions puisque ce serait une marque de défiance, de même ici il y a inconvenance à l'égard du gouvernement, parce que le gouvernement a le droit de créer, et si l'année suivante, la chambre trouve à propos de blâmer les nouvelles créations elle aura le droit de refuser les subsides.

C'est là de la théorie et rien de plus ; dans la pratique M. le ministre de la justice sait bien ce qui doit résulter de son système : il créerait deux fois autant de places qu'il en a créé, que l'on dirait encore amen ; il est peut-être même quelques membres qui diraient qu'il n'en a pas encore créé assez. Mais je n'examine pas la question au point de vue de la décision à intervenir, parce que la majorité sur ce point est évidemment acquise au ministère ; je n'en parle qu'au point de vue de la théorie.

Vous avez le droit, dites-vous, de créer, sauf à la chambre, l'année suivante, de refuser les subsides pour les places créées. Mais vous répondrez alors par le fait accompli ; on dira : Maintenant vous voulez défaire ce qui a été fait ; critiquer le gouvernement, c'est bien ; mais il est impossible de mettre de côté ce qui existe. C'est toujours l'argument du fait accompli qu'on nous oppose en pareil cas. Les hommes gouvernementaux, quelle que soit d'ailleurs leur opinion, disent toujours : « C'est un fait accompli ! blâmons le ministère, mais nous devons tenir comme valable ce qui a été fait. »

Pour mon compte, je ne partage pas cette opinion, parce que, dans plus d'une circonstance, j'ai voté contre des faits accomplis et je trouve que je n'avais pas tort alors, quoiqu'on me jetât à la tête le reproche d'être un homme anti-gouvernemental, puisqu'aujourd'hui, pour échapper aux conséquences de l'amendement de l'honorable M. Delfosse, on vient précisément invoquer le principe que j'invoquais en pareille occurrence ; mais enfin c'est là de la théorie, c'est en un mot le système des faits accomplis ; je crois moi qu'il y a un principe d'éternelle vérité, qu'il vaut mieux empêcher le mal de naître, que de chercher un remède au mal, quand le mal est fait. C'est là le but de l'amendement de l'honorable M. Delfosse ; cet amendement est donc tout aussi fondé que le premier.

Comme le troisième amendement n'a pas été développé jusqu'ici, je me réserve de prendre ultérieurement la parole pour l'appuyer.

M. Lys. - Messieurs, je n'avais critiqué les petits traitements, payés à des prêtres auxiliaires, que parce que M. le ministre de la justice ne donnait aucune explication et que je désirais en avoir. Maintenant, comme je sais que ces quelques traitements sont perçus par des prêtres qui doivent être aujourd'hui des vieillards, puisque ces subventions ont été accordées par le roi Guillaume, je retire l'observation que j'avais faite à cet égard, observation d'ailleurs qui tendait à ne pas voir admettre un nouveau genre de traitement, et pour éviter qu'on ne vînt nous dire plus tard que pareil traitement avait déjà été admis.

Mais quant à l'indemnité qu'on donne à des prêtres français, je ne puis pas l'approuver ; il n'existe aucun motif pour allouer à des prêtres étrangers des subsides qui appartiennent, avant tout, aux prêtres de la Belgique, qui, j'en suis persuadé, ne réclament pas le service des prêtres étrangers.

M. le ministre de la justice, pour répondre à mes observations concernant le décret de 1813, se borne à dire que le décret n'est plus exécutoire ; il a cité un décret des hautes puissances alliées, qui rendrait au clergé tous les pouvoirs qu'il avait autrefois. Mais si M. le ministre veut supprimer le décret de 1813, pourquoi ne pas supprimer aussi le décret de 1809 ? Car ce dernier décret est du même genre que l'autre. Le décret de 1809 est relatif aux églises paroissiales, et le décret de 1813, aux cathédrales et aux séminaires Pourquoi le décret qu'a invoqué M. le ministre de la justice s'appliquerait-il particulièrement aux cathédrales et aux séminaires ? et pourquoi ne s'appliquerait-il pas aux églises paroissiales ?

Ainsi, aujourd'hui une église paroissiale qui aura besoin d'un subside devra remplir toutes les formalités qui sont exigées par les lois, et justifier par ses comptes qu'elle est réellement dans le besoin ; et un séminaire, établissement qui jouit de la personnification civile, ne sera tenu de rien produire, d'après M. le ministre de la justice ! Le gouvernement nommera une partie de l'administration des fabriques d'églises, comme il y est autorisé par le décret de 1809, et il ne pourra pas nommer le trésorier d'un séminaire, comme il y est autorisé par le décret de 1813 ! Cette jurisprudence peut être admise par M. le ministre de la justice, qui veut obéir aveuglément aux évêques et ne veut pas soutenir les droits du gouvernement ; mais évidemment elle ne peut être admise par une chambre des représentants.

Si vous accordez des subsides aux séminaires qui jouissent de la personnification civile, c'est alors que le gouvernement doit user de tous les droits de surveillance que la loi lui accorde ; il ne doit pas se borner à demander les comptes applicables à l'année dans le cours de laquelle le subside est demandé ; mais le gouvernement doit, chaque année, faire fournir les comptes par les établissements qui jouissent de la personnification civile, parce que le gouvernement est le tuteur-né de ces établissements ; il doit veiller à ce qu'ils ne fassent pas des dépenses inutiles pendant une année, dépenses qui pourraient obliger ces établissements à réclamer des subsides l'année suivante.

Ainsi, je dois le dire, si M. le ministre de la justice persiste à administrer les cultes comme il l'a fait jusqu'ici, je me verrai forcé de voter contre tous ses budgets.

M. le ministre de la justice vient de vous avouer qu'il n'a dans ce moment que des extraits de comptes et que, dans l'état où ils se trouvent, ils ne peuvent pas être produits à la représentation nationale. Que disait-il, il y a quelques jours, en parlant de l'honorable M. Rogier ? Il disait que c'était lui qui le premier avait accordé des subsides et que sans doute il avait demandé des comptes pour s'assurer que ces subsides étaient nécessaires ; et il a ajouté : Quant à moi, je n'accorderai de subsides que quand la nécessité me sera démontrée par la production des comptes.

Voilà ce qu'il a dit. Et il vient dire aujourd'hui que c'est la première fois que des comptes lui sont donnés et que ce ne sont que des extraits de comptes qu'on ne peut pas produire ! C'est avec de pareilles réponses que vous accorderez les subsides qui vous sont demandés !

Je dis que dans une pareille situation la loi vous le défend ; le séminaire de Liège, tous les séminaires comme les fabriques sont tenus de justifier du besoin dans lequel ils se trouvent. Comme je l'ai déjà dit, pour éviter les dépenses inutiles, les établissements qui jouissent de la personnification civile doivent rendre des comptes à l'Etat qui doit surveiller leur gestion. S'il en était autrement, s'ils ne devaient produire des comptes que pour certaines années, quand les besoins de subsides se feraient sentir, alors le gouvernement n'aurait aucun moyen de parer aux dépenses de luxe, aux dépenses qui ne sont pas nécessaires.

J'ai démontré que les curés et les desservants recevaient l'institution canonique. Que répond M. le ministre ? Il vient citer des paroles que j'ai attribuées à l'honorable M. Lebeau. Ces paroles, c'est dans le Moniteur que je les ai trouvées ; il a dit que la cour de Rome n'avait jamais reconnu les articles organiques. Je le soutiens également et je répète que les desservants comme les curés jouissent de l'institution canonique, non en vertu des articles organiques, mais par suite des droits dont jouit aujourd'hui le clergé en Belgique. L'évêque, en donnant à son doyen le pouvoir de mettre un ecclésiastique en possession de la cure, d'après les termes du procès-verbal institue à vie le desservant, et n'a plus le droit de le révoquer. M. le ministre n'a rien répondu à cet égard.

Je ne puis trop le répéter : les articles organiques existent encore en France. Le gouvernement ne voulait pas qu'on donnât l'institution canonique aux desservants, parce que le gouvernement français ne voulait pas avoir une masse de fonctionnaires à vie. Maintenant en Belgique l'Eglise jouit de toutes ses prérogatives, le gouvernement ne peut pas se mêler du dogme, de la nomination et de l'installation des ministres du culte, enfin de tout ce qui concerne le spirituel. Mais il peut et doit se mêler de tout ce qui est temporel. C'est la seule chose que je veuille attribuer au gouvernement. Je dis donc que les droits du clergé belge sont bien établis, et je sais que l'institution canonique est donnée au desservant comme au curé, et par conséquent selon le droit canonique l'évêque n'a pas le droit de le révoquer, sinon d'après les règles canoniques.

M. de Haerne. - Je demande la parole pour répondre aux allégations de l'honorable M. Lys.

Messieurs, mon intention n'est pas d'entrer dans la discussion générale qui occupe en ce moment la chambre ; mais ayant entendu répéter à plusieurs reprises par plusieurs honorables membres, notamment par l'honorable M. Lys, des assertions qui avaient été produites déjà l'année dernière et auxquelles je crois avoir répondu victorieusement alors, et vu qu'on ne rencontre pas les arguments que j'ai présentés à cette époque, je crois devoir en toucher quelques-uns.

Je ferai d'abord la remarque que j'ai faite aussi l'année dernière, que cette discussion est un hors-d'œuvre pour la chambre ; que, d'après la Constitution, il n'appartient pas à la chambre de décider si la nomination d'un desservant faite par le chef du culte, par l'évêque ,est oui ou non en règle, et doit être approuvée ou non par elle ; car si d'après la Constitution les ministres du culte doivent être nommés et installés par leurs chefs, sans que le pouvoir civil puisse intervenir, il est évident qu'on ne peut pas intervenir directement ni indirectement dans la nomination des desservants sans violer cet article. Si vous dites qu'une révocation d'un desservant est faite d'une manière injuste, non conforme aux lois, attendu que la révocation ne peut pas être permise, vous attaquez la nomination même ; car la nomination a été faite avec la condition de la révocation.

Ce n'est pas à vous à examiner si une nomination peut être ou ne peut pas être conditionnelle. Si vous réprouvez une telle nomination, vous intervenez évidemment dans cette nomination et, par conséquent, vous déchirez la Constitution.

Cependant, puisqu'on a commis l'inconvenance de s'avancer sur ce terrain, je crois pouvoir m'y placer aussi, pour réfuter quelques erreurs qu'il importe de ne pas laisser s'accréditer dans le public et d'abord, pour ce qui regarde la question de l'utilité de la nomination définitive et de l'inamovibilité des desservants, je répéterai ce que j'ai dit l'année dernière à ce sujet.

Je dirai que, selon mon opinion, il est conforme à l'esprit de l'Eglise que les desservants soient inamovibles ; l'intention du chef de l'Eglise était qu'ils le fussent ; mais pour se rendre compte de la possibilité de la chose il faut examiner ce qui s'est passé lors de l'institution des desservants. D'après le concordat, comme l'a dit il y a un moment l'honorable M. Lys, le gouvernement français a voulu limiter autant que possible le nombre des cures. D'après le concordat les curés reconnus comme tels devaient (page 530) être agréés par le gouvernement ; ces curés étaient reconnus comme tels par le gouvernement ; leur traitement était considéré comme un bénéfice fixe et inamovible, parce qu'il était stipulé dans un contrat synallagmatique conclu entre le saint-siège et le gouvernement, et pour ce motif les curés pourvus de ce titre étaient envisagés comme inamovibles. Les desservants n'ont jamais été nommés ni agréés par le gouvernement ; ils n'avaient pas de titre admis par les deux pouvoirs.

Il s'ensuit qu'aux yeux du gouvernement les succursalistes n'étaient pas considérés comme de véritables curés, et qu'ils ne pouvaient être irrévocables. Cependant il est certain que, de la part de l'épiscopat, les desservants ont été investis de tous les pouvoirs et de tous les privilèges accordés aux véritables curés, sauf la condition de la révocation, qui devait s'appliquer aux desservants.

Il n'a donc pas dépendu du clergé supérieur de ne pas s'écarter de l'ancien droit canon ; c'est le gouvernement lui-même qui en a été la cause. Il faut bien considérer, d'ailleurs, que, d'après le concordat et une bulle qui l'a suivi, toutes les cures qui existaient antérieurement ont été supprimées par une bulle de Pie VII, qui commence par ces mots : Qui Christi Domini, du 29 octobre 1801, et par un décret du légal, qui commence ainsi : Cum sanctissimus, du 9 avril 1802.

Toutes les cures indistinctement ont été supprimées ; toutes les délimitations ont été changées pour les évêchés comme pour les cures. Lorsqu'on parle de l'institution canonique des curés, on comprend l'institution, non seulement quant aux personnes, mais encore quant aux cures. C'est-à-dire que les cures doivent être instituées canoniquement. Et pour qu'elles soient reconnues comme cures, il faut qu'il y soit attaché un bénéfice. Or, jamais les cures, qu'on appelle improprement succursales, n'ont été instituées de manière à pouvoir être regardées comme des cures proprement dites, soit d'après le droit canonique, soit d'après le concordat. Mais, en exécution du concordat, quelques cures ont été établies d'accord avec le gouvernement français. Ce sont les cures cantonales, les cures primaires et secondaires ; et les autres, qui avaient été supprimées, n'ont jamais été rétablies, n'ont jamais été considérées comme de véritables cures. Il suffit de connaître un peu l'histoire du concordat, pour être convaincu de ce que j'avance.

Seulement pour les besoins du culte, les évêques ont compris qu'il fallait suppléer à l'insuffisance qui se fait sentir en ce moment. C'est par ces motifs qu'on a créé des places de desservant qu'on a nommées improprement succursales. Je dis improprement, parce qu'elles ne dépendaient nullement des cures cantonales. Ces places, qui existent encore aujourd'hui, confèrent aux titulaires les mêmes droits spirituels que ceux qui sont dévolus aux curés primaires et secondaires, mais qui cependant ne peuvent, à défaut de véritables cures, parce qu'il n'y a pas de bénéfice ou de titre reconnu comme inamovible, ne peuvent établir l'inamovibilité du titulaire, d'après le droit canon ni d'après le concordat.

L'honorable M. Lys a cru faire une objection solide en citant l'institution des curés-desservants, telle qu'elle est faite ordinairement par MM. les doyens. Il est vrai, comme il l'a dit, que l'institution se fait en des termes tels qu'on reconnaît la possession réelle et actuelle. Je dois dire que ces termes se trouvent en effet dans la formule d'institution telle qu'elle est faite par MM. les doyens. Mais il lui a échappé qu'il y a autre chose dans cette formule. Je ne veux pas lui en faire un reproche ; car quelque soin qu'il ait apporté aux recherches minutieuses auxquelles il s'est livré, il ne peut connaître tous ces détails de sacristie.

Je lui dirai qu'il s'est trompé, et que celui qui lui a fourni ces renseignements ne me paraît pas avoir été de bonne foi. Il est vrai que quand on institue un curé succursaliste, on reconnaît qu'on lui donne la possession réelle et actuelle, mais on dit « par commission de l'évêque. »

Or, comment cette commission s'explique-t-elle ? Par les lettres d'institution qui sont fournies au curé et qui portent « usque ad revo-candum », jusqu'à révocation. Ainsi, vous voyez que cette formule, quoiqu'elle porte qu'on confère une possession actuelle et réelle, n'entraîne par l'inamovibilité, puisqu'il s'agit d'une commission, et que cette commission est limitée dans les lettres écrites qui portent jusqu’à révocation.

Seulement, messieurs, pour ce qui regarde cette possession réelle et actuelle, je dirai quel est le sens de ces paroles.

Les évêques ont voulu entrer autant que possible dans l'ancien droit canon et il n'a jamais dépendu d'eux que l'institution canonique n'eût pas lieu comme autrefois ; ils ont voulu conférer aux curés succursalistes la juridiction qui est accordée aux curés de première classe et de deuxième classe, et ils ont voulu soustraire les curés desservants à la juridiction des curés primaires et secondaires.

Ce que le gouvernement français aurait voulu, c'est que les desservants dépendissent des curés primaires et secondaires ; il aurait en quelque sorte voulu faire de ces desservants des vicaires ; il aurait voulu établir les curés cantonaux sur un tel pied qu’ils exerçassent les fonctions ecclésiastiques dans tout le ressort du canton, et que les curés desservants dépendissent entièrement d'eux comme des vicaires.

Les évêques, messieurs, se sont opposés autant que possible à ce que ces ecclésiastiques fussent réduits à cet état dégradant dans lequel voulait les placer le gouvernement, et c'est pour faire voir que leur juridiction était réelle et que les curés primaires n'avaient pas de pouvoir sur eux, qu'on s'est servi de cette formule qui d'ailleurs est la même que celle employée dans l'installation des curés cantonaux.

Voilà, messieurs, le véritable sens de cette formule, et on ne peut nullement en déduire que l'inamovibilité soit de droit, puisque cette formule suppose la commission de l'évêque, commission qui pour les desservants stipule la révocabilité.

Messieurs, je le répète, si l'on veut sortir de la législation actuelle, de cette législation établie d'après (erratum, p. 566) les articles canoniques, on se trouvera dans un véritable dédale, dans un dédale inextricable.

Je crois avoir démontré l'année dernière qu'il serait impossible à l'épiscopat seul d'entrer dans le régime des lois canoniques et voici comment la chose se prouve à l'évidence.

Je n'entre pas ici dans la question de savoir si les lois organiques sont encore en vigueur, ou si elles doivent être conservées en certaines parties et abandonnées en d'autres. Mais le fait est qu'il y a un usage établi et qu'on doit tenir à cet usage, qu'il a même force de loi. Car si l'usage n'avait pas force de loi, par quelle législation, je vous le demande, remplaceriez-vous l'usage établi d'après les articles organiques ? Vous dites : Par le droit canonique. Mais c'est une législation tout entière que le droit canon ; les règles canoniques relatives à l'institution des curés présentent une législation tout entière, et comme j'ai eu l'honneur de le dire, cette législation embrasse plusieurs conditions qui ne peuvent être remplies aujourd'hui.

D'abord, les délimitations sont complétement changées. Certaines de ces cures ont été entièrement bouleversées ; quelques-unes ont été partagées entre des diocèses différents ; de sorte qu'il serait impossible d'établir les cures telles qu'elles étaient autrefois, et elles ne l'ont jamais été depuis le concordat.

Messieurs, il y a plus, il faudrait, d'après le droit canon, si vous vouliez adopter cette législation, que vous ne pourriez scinder, il faudrait rétablir les bénéfices, et ces bénéfices, pour la plupart, étaient des dîmes.

Il faudrait aussi rétablir les droits des anciens collateurs, des anciens patrons qui conféraient des cures ; c'étaient quelquefois les universités, comme l'université de Louvain, qui avait le droit d'instituer plusieurs curés.

Vous comprenez, messieurs, qu'il serait impossible d'entrer d'emblée dans cette voie ; et, je le répète, vous ne pouvez scinder la législation. L'épiscopat ne peut pas changer les lois ecclésiastiques, il ne peut changer les lois de l'Eglise.

Mais, dira-t-on, et c'est une observation qui a été faite dans une séance précédente, on peut en appeler au souverain pontife. On a même fait entendre que l'on pourrait provoquer une espèce de pétitionnement près du saint-siège.

Messieurs, je ne sais pas jusqu'à quel point on prendrait part à ce pétitionnement en Belgique ; mais ce que je sais très bien, c'est qu'il arriverait, à l'égard de ces pétitions, ce qui arrive tous les jours à l'égard de pétitions qui sont adressées à la chambre. Vous renvoyez ces pétitions aux ministres. Eh bien ! le souverain pontife renverrait celles qui lui seraient adressées à ses ministres, c'est-à-dire aux évêques, pour les consulter. En tout cas, le changement que l'on paraît désirer, ne pourrait s'établir que par l'accord entre le souverain pontife et les évêques belges ; on ne pourrait procéder d'une autre manière pour arriver à un régime en dehors du droit canon.

Messieurs, qu'il me soit permis de le dire, je m'étonne que cette demande vienne de la part de certains membres qui paraissent professer un grand respect pour ce qu'ils appellent les libertés gallicanes ; ce que plusieurs gallicans, et entre autres Fleury, ont appelé les servitudes de l'Eglise, ce dont Bossuet a dit : « Abeat quo libuerit déclaratio ! » c'est-à-dire, qu'il envoyait aux antipodes la déclaration du clergé gallican.

En effet, messieurs, d'après cette déclaration, le souverain pontife est soumis aux canons ; il ne peut les changer. Or, vous provoquez un changement dans les canons, puisque vous n'admettriez certainement ni la dîme ni les collations des cures, tel que cela avait lieu autrefois. Vous provoquez donc un changement, et par conséquent vous proclamez d'emblée que vous placez le souverain pontife au-dessus des canons. Il est vrai que c'est l'opinion générale des catholiques, sauf une fraction qui se trouve en France ; mais enfin je dis qu'il y a là contradiction.

En tous cas, messieurs, je soutiens que si l'inamovibilité des desservants pouvait être reconstituée, elle ne pourrait l'être que sur la proposition de l'épiscopat belge, et d'accord avec le souverain pontife. Mais je pense que, dans ce cas, le gouvernement, de son côté, devrait également proposer une loi organique en harmonie avec la Constitution, pour rendre l'exécution du nouveau régime possible, et à cet égard il y a encore un point sur lequel j'ai l'honneur d'appeler votre attention et dont j'ai également parlé l'année dernière.

Il s'agit des officialités ou des tribunaux ecclésiastiques. Messieurs, d'après le droit canon, le jugement de l'évêque dans cette matière était remplacé par le jugement des officialités ou des tribunaux ecclésiastiques. C'étaient ces tribunaux qui étaient appelés à juger des cas de destitution, de révocation des desservants. D'après le droit canon donc, ces officialités devraient nécessairement être rétablies. Or, lorsque les officialités avaient porté un jugement, le bras civil, toujours d'après l'ancienne législation, devait prêter son appui pour l'exécution de ce jugement.

Ainsi, messieurs, aussi longtemps qu'il n'y aurait pas à cet égard une loi organique et qu'on ne serait pas certain que le pouvoir civil voudrait exécuter les décisions prises par les officialités, je dis que le rétablissement de celles-ci serait impraticable.

Mais, messieurs, dans le cas où les officialités et où l'inamovibilité seraient rétablie sur l'ancien pied, j'ose dire que l'état actuel des choses ne (page 531) changerait pas considérablement en ce qui concerne les résultats.

On s'est apitoyé en quelque sorte sur le sort des curés succursalistes, des desservants. On les a représentés comme étant sous le coup d'une menace continuelle, comme étant continuellement exposés à être destitués. Mais, messieurs, on devrait indiquer les faits ; on devrait voir ce qui se passe.

Quant à moi, je ne connais aucun cas de révocation de desservant dans le diocèse auquel j'appartiens. Je n'en connais pas non plus dans le diocèse de Malines, avec lequel j'ai quelques relations, par suite du séjour que je fais souvent à Bruxelles.

Il est vrai qu'il y a eu des révocations ; mais la question n'est pas de savoir s'il y a eu des révocations ; la question est de savoir si elles ont eu lieu pour des motifs fondés et si elles n'auraient pas également eu lieu dans le cas de l'existence de l'inamovibilité et des officialités. Voulez-vous savoir, messieurs, ma pensée à cet égard ? C'est qu'avec l'inamovibilité telle qu'elle existait autrefois et les officialités, les cas de révocation seraient plus nombreux qu'ils ne le sont aujourd'hui ; et et la pour une raison bien simple. Voyez la position où se trouveraient les évêques vis-à-vis du clergé ? Ils n'auraient plus aucune responsabilité à porter. Aujourd'hui toute la responsabilité pèse sur eux. Voilà la différence entre la position qu'on ferait dans ce cas aux desservants et celle qu'ils ont maintenant.

Vous supposez à l'épiscopat des intentions malveillantes à l'égard du clergé inférieur. Mais, messieurs, dans ce cas dont je parle, le tribunal ecclésiastique étant composé de membres généralement d'accord avec l'évêque et étant tel que l'évêque y exercerait une grande influence, vos défiances, que je qualifie d'injustes, pourraient se produire de la même manière sous le régime de l'inamovibilité et des officialités, telles qu'elles existaient autrefois. Il ne faut pas vous imaginer que la révocation ne se présenterait jamais ; je dois le dire, lorsque l'on consulte les faits avec impartialité, on doit reconnaître que l'étal des choses serait à peu près le même. Cependant, je le répète ; je pense que l'on peut désirer le rétablissement de l'inamovibilité, non pas dans l'intérêt des curés succursalistes, mais dans l'intérêt de l'Eglise même, dans l'intérêt des fidèles, dans l'intérêt de la bonne administration du culte, et c'est sous ce rapport-là qu'il faut envisager la question ; car lorsque l'inamovibilité existe, que les curés sont attachés pour la vie à leur place, que le droit d'être inamovible impose aussi (erratum, p. 566) le devoir de se considérer comme tel ; certainement, en général, ils connaissent mieux les besoins de leur paroisse, et par conséquent aussi ils peuvent mieux remplir leur haute mission. C'est dans cet esprit-là que l'on doit comprendre l'inamovibilité, et c'est ainsi qu'elle a toujours été entendue dans l'Eglise.

Telles sont, messieurs, les observations que j'ai cru devoir faire pour redresser quelques erreurs dans lesquelles plusieurs honorables membres ont versé depuis quelque temps, et que j'ai entendu proférer encore aujourd'hui. Mais je dois le répéter, quant à la question de savoir si nous pouvons de notre chef décider si les curés sont amovibles ou inamovibles, la Constitution s'y opposa. Le gouvernement, comme je l'ai dit l'année dernière, d'accord en cela avec M. Lebeau, pourrait d'une manière officieuse faire connaître un désir à cet égard ; mais examiner les révocations en elles-mêmes au point de vue de la légalité, c'est intervenir dans la nomination des ministres des cultes, et par conséquent c'est fouler aux pieds un principe sacré de la Constitution que nous avons juré d'observer.

M. Lebeau. - J'avais demandé la parole pour combattre une proposition que je croyais avoir entendu émettre par l'honorable préopinant ; mais j'avais pris le change sur ses intentions ; il s'est expliqué de la manière la plus claire, et dès lors je n'ai pas à insister. Je croyais que l'honorable membre avait dit que le gouvernement n'avait rien à voir dans la question de l'érection des succursales, que le décret de 1809 et les articles organiques étaient abrogés en tout ce qui concerne l'érection des succursales et l'administration des intérêts matériels des institutions religieuses. L'honorable membre ayant démontré depuis que telle n'était pas son intention, je ne crois pas devoir prendre la parole.

M. le président. - Si personne ne demande plus la parole sur l'ensemble du chapitre, nous passerons à la discussion des articles.

L'article premier est ainsi conçu :

« Clergé supérieur du culte catholique et professeurs des séminaires, bourses et demi-bourses affectées aux séminaires : fr. 403,822 39 c. »

M. Delfosse a proposé d'ajouter dans la colonne d'observations.

« La partie de cette allocation, destinée aux séminaires, ne sera payée que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. »

M. Delfosse. - Messieurs, je propose, comme vient de le dire l'honorable président, d'ajouter à cet article, dans la colonne d'observations, les mots suivants : « La partie de cette allocation destinée aux séminaires ne sera payée que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources dûment constatée. » M. le ministre de la justice repousse cet amendement pour deux motifs : d'abord parce qu'il y voit une réserve empreinte de défiance envers le clergé, ensuite parce qu'aucune réserve de ce genre ne se trouve dans d'autres budgets. Autant de mots, autant d'erreurs. Vous vous souvenez tous, messieurs, que l'on a inséré dans la colonne d'observations de plusieurs budgets la mention qu'aucun employé ne sera payé sur d'autres allocations que celle qui est destinée au personnel ; cette réserve a été adoptée pour parer à de graves abus. On aurait pu la repousser aussi, sous prétexte qu'elle était empreinte de défiance, et cependant MM. les ministres n'y ont pas fait d'opposition.

Mon amendement n’est pas non plus une mesure de défiance envers le clergé, mais bien envers M. le ministre de la justice, et cette défiance, il faut en convenir, était légitime. M. le ministre de la justice n'avait-il pas refusé, dans une séance précédente, de communiquer les pièces à l'aide desquelles nous aurions pu nous assurer de l'insuffisance des ressources des séminaires ? M. le ministre de la justice n'avait-il pas répondu qu'il croyait les évêques sur parole, que les évêques étaient, selon lui, incapables d'avancer des faits inexacts ? C'était là un système d'administration tout à fait inouï, que je ne pouvais admettre, contre lequel je devais protester, et c'est ce que j'ai fait par mon amendement. M. le ministre de la justice revient aujourd'hui à de meilleurs sentiments, je l'en félicite. M. le ministre de la justice reconnaît aujourd'hui qu'il ne faut pas croire les évêques sur parole, pas plus que les administrations communales, qu'il faut leur demander, comme aux administrations communales, des pièces justificatives. Cela me suffit, le but de mon amendement est atteint.

Je demande acte de la déclaration de M. le ministre de la justice qu'il se fera dorénavant produire des pièces régulières qui constatent l'insuffisance des ressources des séminaires subsidiés, et que ces pièces seront communiquées aux membres de la chambre qui en feront la demande. L'insertion de cette déclaration de M. le ministre de la justice au procès-verbal tiendra lieu de l'amendement que j'ai proposé.

M. Dubus (aîné). - L'amendement est retiré, mais on propose de le remplacer par une déclaration au procès-verbal, qui aurait tout à fait le même effet. Je crois que la question ne change pas. M. le ministre avait cru que l'amendement impliquait une réserve empreinte de défiance envers le clergé ; l'auteur de l'amendement vient de dire que la réserve était empreinte de défiance envers le ministre lui-même ; et quant à moi, lorsque j'ai entendu les développements de l'amendement, j'ai bien compris qu'il avait cette portée. On prétendait apparemment qu'à la différence de ses prédécesseurs, M. le ministre de la justice n'avait pas fait son devoir. Or il résulte au contraire des faits que c'est le ministre actuel qui a été plus sévère que ses prédécesseurs dans l'accomplissement des devoirs auxquels on prétend le rappeler, plus sévère qu'on ne l'a été même sous le gouvernement du roi Guillaume.

On a beaucoup disserté pour prétendre que tel et tel article que l'on n'exécute plus du décret de 1813, sont encore en vigueur ; mais à cela que répond M. le ministre ? Que c'est le gouvernement du roi Guillaume qui a reconnu lui-même que ces articles ne devaient plus recevoir d'exécution et qu’il a cessé de les exécuter ; qu'à dater de 1814 le gouvernement a cessé de nommer les trésoriers des séminaires, qu'à dater de 1814 le gouvernement a cessé d'approuver les comptes des séminaires ou, ce qui revient au même, d'autoriser les évêques à les approuver ; car enfin lorsque l'évêque n'approuve qu'en vertu de l'autorisation du gouvernement, c'est en définitive le gouvernement qui approuve.

Ce qui s'est pratiqué pendant toute la durée du gouvernement précédent s'est continué depuis la révolution ; mais pour cela le gouvernement n'était pas dépourvu des moyens de connaître la situation des séminaires, puisque tous les actes de quelque importance qui intéressent ces établissements sont soumis à l'approbation du gouvernement, et nous en avons eu la preuve dans cette longue série d'arrêtés relatifs au séminaire de Liège, dont on nous a donné lecture tout à l'heure. Vous voyez par là, messieurs, que les donations, les legs, les acquisitions, les ventes, les placements, en un mot, tous les actes qui peuvent accroître ou diminuer les ressources et les revenus des séminaires, doivent être autorisés par le gouvernement qui, par conséquent, est tenu au courant de l'accroissement de la dotation des séminaires, lorsque cette dotation vient à s'accroître.

Le gouvernement n'a donc pu en aucun temps ignorer leur véritable situation, au moins d'une manière approximative ; et lorsqu'il a pu regarder comme possible que certains de ces établissements étaient arrivés à un état de prospérité tel que les allocations du budget qui profitent aux séminaires, devinssent inutiles, le gouvernement était à même de demander alors des renseignements plus précis, afin de s'assurer si elles devaient être maintenues.

Du reste, ces allocations sont établies sur des arrêtés formels qui n'ont pas cessé d'être exécutés, depuis qu'ils sont intervenus.

Quant à la somme payée à chaque séminaire pour les traitements des professeurs, ce point a été régularisé par un arrêté royal du 29 mars 1834 contresigné par l'honorable M. Rogier, et qui a été aussi constamment exécuté depuis ; et antérieurement à cet arrêté, des allocations semblables ont été constamment payées, comme vous pouvez vous en assurer, notamment pour la période qui s'est écoulée de 1830 à 1834, en recourant aux budgets de l'époque ; ainsi dans les développements du budget de 1833, vous trouvez une somme allouée par chaque diocèse pour les traitements des professeurs des séminaires.

Quant aux allocations pour les bourses, elles résultent d'un décret du 30 septembre 1807, ainsi que de plusieurs arrêtés du gouvernement précédent qui ont augmenté le nombre des bourses pour certains séminaires, après avoir reconnu que le nombre fixé par le décret de 1807 était insuffisant. Ce ne sont donc pas des subsides que le ministre accorde d'une manière arbitraire, ces subsides sont fixés par des arrêtés formels qui remontent déjà à un assez grand nombre d'années et qui ont été exécutés sans difficulté depuis qu'ils ont été portés.

M. le ministre, comme j'ai compris ses paroles, a toujours déclaré qu'il n'entendait accorder de subside que moyennant justification ; et cela est si vrai que cela lui était encore reproché tout à l'heure, sous le nom de contradiction, par un ou deux honorables membres du côté opposé. (page 532) Les actes du ministre sont conformes à ses paroles, puisque ce qui n'avait pas encore été fait depuis 1830, il l'a fait : il a demandé des renseignements plus précis ; ces renseignements lui ont été donnés ; il est à même de s'assurer que la situation actuelle de tous les séminaires, y compris celui de Liège, est telle, que la nécessité des allocations subsiste et subsiste pour tous.

C'est du séminaire de Liège que plusieurs honorables membres ont dit qu'il avait des ressources suffisantes, en invoquant sur ce point une prétendue notoriété ; mais ce qui est plus notoire, c'est que les autres séminaires sont en déficit, que leurs ressources sont très exiguës. (Interruption.) Quant à moi, je puis dire qu'il est de notoriété que les ressources du séminaire de Tournay, par exemple, sont tout à fait insuffisantes et que ce séminaire est en très grand déficit ; je pense que personne ne le contestera.

Quant au séminaire de Liège, on argumente d'une longue série d'arrêtés d'autorisation à chacun desquels on a ajouté le chiffre de l'évaluation faite par celui qui a rassemblé ces documents ; et tous ces chiffres, si on les additionnait les uns avec les autres, formeraient une somme considérable ; mais remarquez aussi que si vous additionniez ces chiffres, ce serait additionner l'actif avec le passif pour en faire un total ; car enfin, si je fais une acquisition, et si, pour payer cette acquisition, je fais une vente ; si alors vous additionnez le prix de l'acquisition avec le prix de la vente, évidemment vous additionnez l'actif avec le passif. Si je possède des capitaux, si des capitaux me sont donnés ou légués et que j'en fasse emploi ; si vous additionnez la donation avec le réemploi, vous additionnez encore une fois l'actif avec le passif. (Interruption.)

L'honorable député de Bruxelles me dit qu'il avait fait lui-même cette objection ; il a, en effet, terminé par une objection dans ce sens ; mais il n'avait pas commencé par là, il avait commencé par une objection qui avait une portée toute contraire ; et dans une séance précédente, il avait surtout mis en avant une affirmation qui avait paru fixer l'attention : il avait dit qu'il prouverait par des pièces que la fortune du séminaire de Liège s'élevait à une rente annuelle de 600,000 fr. ; mais au moment où il est venu fournir la preuve annoncée, il a renoncé à la conclusion ; il est obligé de reconnaître que la prétendue preuve qu'il a faite, ne peut donner à personne une idée nette de la fortune du séminaire de Liège.

L'honorable membre dit maintenant que les documents indiqués justifient le doute ; mais je ferai remarquer que telle n'était pas sa première assertion ; sa première assertion était celle-ci : qu'il aurait prouvé, pièces en mains, que le séminaire de Liège avait une fortune de 600,000 francs de rente ; eh bien, cette preuve nous échappe complétement. L'honorable membre a lu une nomenclature d'actes, ayant rapport à des valeurs assez considérables, mais de laquelle vous ne pouvez pas conclure quel est le montant, même approximatif, de l'actif net total ; vous n'y trouvez pas un mot qui vous autorise à infirmer l'assertion de M. le ministre, que la balance du revenu total avec les charges annuelles présente un boni de 30 et quelques mille fr., boni qui est appliqué à amortir une dette considérable ; et il faut aussi tenir compte des dettes ; celle-ci serait au capital de 300,000 fr. Ainsi, ce sera seulement lorsqu'au bout d'un certain nombre d'années on sera parvenu à amortir la dette, par l'emploi de ce boni, qu'il sera vrai de dire qu'il y aura un excédant du revenu des biens sur les charges. Voilà quel a été le renseignement que nous a fourni M. le ministre de la justice, en nous donnant des chiffres précis ; eh bien, je le répète, rien dans ce qu'on a produit, ne peut tendre le moins du monde à infirmer les assertions de M. le ministre de la justice. (Interruption.)

On dit et on répète : « Qu'on produise les comptes. »

Je vous le demande, messieurs, est-ce au moment où l'on discute le budget de la chambre qu'on voudrait faire produire des comptes ? Est-ce que cela peut se discuter convenablement à la tribune ? J'aurais compris qu'on eût demandé les comptes, si sérieusement on voulait les avoir ; car, en définitive, je vois qu'on n'a voulu que provoquer, de la part de la chambre, une manifestation hostile au clergé ; si réellement on voulait des comptes, que ne les demandait-on lors de l'examen du budget en sections, que n'invitait-on la section centrale à se les faire produire ? Là il était possible peut-être de les examiner ; mais il est dérisoire, quand la discussion est ouverte sur le budget, de penser à discuter des comptes semblables.

Je répète que je n'ai pas compris jusqu'ici que M. le ministre se fût refusé à demander des comptes. Je crois me rappeler, au contraire, un passage de son discours où il a dit qu'il avait réclamé des comptes et qu'il les avait obtenus. Ce que M. le ministre a déclaré en outre, c'est que dans son opinion, on ne pouvait plus soumettre ces comptes à l'approbation du gouvernement, ou, ce qui revient au même, exiger de l'évêque qu'il ne les approuve qu'après avoir reçu, à cet effet, l'autorisation du gouvernement.

A ce dernier égard, M. le ministre a dit que ce n'est pas d'aujourd'hui ni même depuis 1830 seulement que cette autorisation n'est plus demandée, mais même depuis l'avènement du gouvernement précédent et pendant tout le temps de sa domination.

Depuis 1814 le gouvernement des Pays-Bas a renoncé à soumettre à son approbation les comptes des séminaires, comme il a renoncé à nommer les trésoriers des séminaires.

Je me serais donc prononcé contre l'amendement de l'honorable M. Delfosse, parce que non seulement je le trouve inutile, mais parce que la portée de cet amendement me paraissait telle que je ne pourrais pas lui donner mon assentiment.

Je pense que le gouvernement actuel a fait son devoir et que par conséquent il n'y avait pas lieu de l'y rappeler.

Maintenant l'honorable membre en retirant son amendement veut qu'il soit donné acte au procès-verbal d'une déclaration qu'a faite aujourd'hui M. le ministre, sous le prétexte qu'elle serait contraire à ses déclarations précédentes, et qu'il se serait amendé.

Comme je n'adopte pas les motifs de cette insertion, je m'oppose également à cette deuxième motion.

M. Delfosse. - Je ne sais si je dois répondre sérieusement à quelques-unes des raisons que l'honorable M. Dubus vient de m'opposer. J'avoue que je ne puis reconnaître, dans la logique actuelle de l'honorable député de Turnhout, la logique que l'on se plaisait souvent à reconnaître dans l'ancien député de Tournay.

L'honorable M. Dubus me reproche, entre autres choses, de n'avoir pas demandé les comptes lors de l'examen en sections, de ne les avoir demandés qu'au moment de la discussion du budget de la justice en séance publique. J'avoue que je ne m'imaginais pas que l'on viendrait soutenir dans cette enceinte qu'une demande de renseignements est tardive parce qu'elle n'aurait pas été faite en sections ; j'avais toujours cru et je crois encore que le droit des membres de la chambre est de demander, en tout temps, les renseignements dont ils ont besoin pour s'éclairer, et que le devoir du gouvernement est de les donner ; pouvais-je, d'ailleurs, supposer que la section centrale, dont l'honorable M. Dubus est rapporteur, allouerait les fonds sans se faire produire les pièces justificatives ? L'honorable M. Dubus nous a dit qu'il serait impossible de discuter, en séance publique, les comptes des séminaires au moment même où l'on viendrait les déposer, Où a-t-on vu que mon intention serait de soumettre ces comptes à l'épreuve d'une discussion publique ?

L'honorable M. Dubus nous apprend que les bourses accordées aux séminaires ont été créées par un décret de 1807 et que les traitements des professeurs ont été établis par un arrêté de 1834. Je n'ai pas critiqué le moins du monde les dispositions en vertu desquelles les bourses et les traitements sont payés. Mon amendement était uniquement fondé sur le principe incontestable que l'Etat ne les doit que quand les séminaires n'ont pas des ressources suffisantes.

L'honorable M. Dubus a parlé de beaucoup de choses, mais il ne nous a pas fait connaître son opinion sur la question de savoir si l'Etat doit des subsides aux séminaires quand les ressources de ces établissements sont suffisantes. Nous pouvons du reste nous passer de l'adhésion de l'honorable M. Dubus, puisque nous avons celle de M. le ministre de la justice. M. le ministre de la justice a reconnu formellement que l'on ne doit accorder de subsides aux séminaires que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources.

Il a encore reconnu, ce qu'il n'avait pas fait l'autre jour, que le gouvernement doit s'assurer de cette insuffisance, en exigeant la production de pièces régulières dont la communication ne peut pas nous être refusée. J'ai demandé acte de cette déclaration, qui peut tenir lieu de mon amendement. M. le ministre de la justice ne peut pas me refuser acte d'une déclaration qu'il vient de faire publiquement. Je ne demande pas, remarquez-le bien, qu'il soit dit dans le procès-verbal que cette déclaration est en opposition avec des déclarations antérieures de M. le ministre de la justice ; je ne demande pas que des contradictions, dans lesquelles M. le ministre de la justice est tombé, soient constatées par le procès-verbal ; je demande seulement qu'on y mentionne la déclaration qu'il nous a faite tantôt.

Que cette déclaration soit en opposition avec des déclarations antérieures, c'est ce qui ne peut faire doute pour personne. Quand j'ai demandé dernièrement à M. le ministre de la justice la production des pièces justificatives, ne m'a-t-il pas répondu qu'il n'avait que la correspondance avec les évêques, et que cette correspondance n'était pas de nature à être communiquée à la chambre ? N'a-t-il pas ajouté que les évêques sont incapables d'avancer des faits inexacts ?

Je pense que je suis maintenant d'accord, sinon avec l'honorable M. Dubus qui paraît avoir des opinions extrêmes en cette matière, au moins avec M. le ministre de la justice.

J'engage M. le ministre de la justice à répéter la déclaration qu'il a faite tantôt ; il ne faut pas qu'il y ait de malentendu, et je ne vois pas quel inconvénient il y aurait à la mentionner au procès-verbal.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delfosse me félicite maintenant d'être revenu à des sentiments meilleurs. Pour moi, je voudrais pouvoir le féliciter d'avoir une meilleure mémoire.

Il a dit, dans la séance du 14 janvier :

« Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien déposer sur le bureau les pièces à l'aide desquelles il s'est assuré que les séminaires n'ont pas des ressources suffisantes. M. le ministre de la justice a reconnu hier que l'Etat ne doit accorder des subsides à ces établissements que dans les cas d'insuffisance de leurs ressources, et il a dit que les séminaires qui reçoivent des subsides se trouvent dans ce cas. Mais, messieurs, il ne suffit pas que le gouvernement se soit assuré qu'il en est ainsi ; il faut que la chambre, avant de voter les fonds, s'en assure aussi. Je ne pense pas que la section centrale ait eu les pièces sous les yeux, c'est pourquoi je demande qu'elles soient déposées sur le bureau. »

Je tiens à rappeler à l'honorable membre cette partie de la discussion pour lui prouver que mes paroles étaient alors les mêmes qu'aujourd'hui.

Qu'ai-je répondu ?

(page 533) « Les renseignements que j'ai donnés résultent de la correspondance avec les chefs diocésains, et je ne pense pas devoir déposer cette correspondance sur le bureau. Les chiffres que j'ai cités sont littéralement tirés des comptes que j'ai reçus. Je m'en rapporte pleinement aux évêques qui sont incapables d'avancer des faits inexacts. »

Ainsi, ma déclaration a été expresse, il en résulte que j'avais réclamé les comptes. L'honorable membre a donc tort de prétendre que j'ai varié dans mes paroles, attendu que j'ai reconnu, comme je reconnais maintenant (ce qui est la seule déclaration que je puisse faire) que, dans mon opinion, il ne faut accorder de subsides aux séminaires que quand ils ont justifié d'une manière régulière et complète de l'insuffisance de leurs revenus.

M. Delfosse. - Je demande en outre que les pièces soient communiquées aux membres de la chambre qui le désireront.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les comptes existeront, au ministère ; ils seront mis sous les yeux de la section centrale et des membres de la chambre qui le désireront.

M. Delfosse. - Je demande acte de cette déclaration.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne m'opposerais en aucune façon à ce qu'acte soit donné à la chambre et à M. Delfosse lui-même de cette déclaration. Mais je pense que l'insertion dans le Moniteur doit suffire.

Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il me reste à répondre quelques mots à M. Verhaegen. Cet honorable membre a trouvé une contradiction dans mes paroles, ou plutôt dans mes doctrines. Il a dit : « : Le ministre reconnaît que les séminaires doivent rendre des comptes. Jadis il a soutenu le contraire. » C'est également ce qu'a dit l'honorable M. Lys.

Mais quand j'ai soutenu qu'on ne pouvait, sous l'empire de nos institutions, demander des comptes annuels aux séminaires, je n'ai pas parlé des comptes, dans le cas de demande de subside, mais des comptes prescrits par le décret de 1813 et qui doivent être soumis à l'approbation du gouvernement. Je persiste à penser que, si les séminaires ne demandent rien, le gouvernement n'a rien à voir dans leurs comptes. Voilà ce que j'ai dit, et ce que je maintiens. Je ne pense pas que ce soit en opposition avec ce que je dis aujourd'hui.

Je répondrai seulement un mot à ce qu'a dit M. Verhaegen de la différence qu'il y a entre le chiffre que j'ai cité comme étant celui du revenu du séminaire de Liège et le chiffre publié dans un journal d'après une lettre du chapitre.

Je crois pouvoir dire que la différence provient de ce que j'ai tenu compte des minervalia, tandis que, dans le compte fait par le chapitre, on n'en a pas tenu compte. Il n'est pas étonnant alors que je sois arrivé à un chiffre plus élevé. Je crois exacte cette raison de différence sans pouvoir l'affirmer.

La chambre aura sans doute remarqué que dans les données qu'a produites l'honorable M. Verhaegen, il y avait une véritable confusion : d'abord celle qu'a fait ressortir l'honorable M. Dubus, ensuite la confusion résultant de ce qu'il a mêlé les biens des cathédrales et des séminaires. Or, ce sont deux institutions différentes, ayant des administrations différentes qu'on ne peut confondre.

Il est à remarquer que la cathédrale de Liège ne demande rien, que l'on n'a rien à voir à ses comptes. Elle posséderait des millions, qu'on n'aurait pas de contrôle à exercer à cet égard.

L'honorable membre a dit un mot des petits séminaires dont il a paru méconnaître l'existence légale. Si la discussion s'engageait sur ce point, je crois qu'il me serait facile de lui démontrer que, sous le concordat de 1827 et sous l'arrêté du roi Guillaume de 1829, les petits séminaires sont aussi légaux que les grands séminaires.

M. Delfosse. - M. le ministre de la justice soutient bien à tort que sa dernière déclaration n'est pas en opposition avec ses déclarations antérieures. Il est vrai que M. le ministre de la justice avait reconnu précédemment que les séminaires n'ont droit aux subsides qu'en cas d'insuffisance de leurs ressources. Mais lorsque je l'ai pris au mot, lorsque je lui ai dit : «Si l'insuffisance des ressources est établie, produisez les pièces, » il m'a répondu : « Je n'ai d'autres pièces que la correspondance des évêques et je ne puis la produire. » Je n'ai pas pour ma part entendu le mot « comptes » qui s'est trouvé le lendemain au Moniteur et je doute qu'il ait été prononcé.

Si M. le ministre de la justice avait parlé de comptes ce jour-là, aurait-il laissé sans réponse les paroles suivantes que j'ai prononcées :

« Ainsi rien n'est justifié ; M. le ministre reconnaît que les séminaires ne doivent obtenir des subsides que dans le cas d'insuffisance de leurs ressources, et il en accorde sans faire produire une seule pièce justificative. M. le ministre croit les évêques sur parole, c'est une singulière manière d'administrer et qui caractérise bien la politique du gouvernement. » (Annales parlementaires, p. 482.)

Il y a d'ailleurs un fait certain, c'est que M. le ministre de la justice n'avait pas alors de pièces à nous communiquer, et qu'il promet d'en avoir à l’avenir ; j'avais donc raison de trouver une grande différence entre les déclarations antérieures de M. le ministre de la justice et celle qu'il nous fait aujourd'hui.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delfosse pense que, parce que je n'ai pas répondu à sa deuxième observation, j'ai passé condamnation. Je crois avoir répondu à peu près à tout ce qui a été dit dans cette longue discussion ; mais on ne peut rien conclure de ce que j'aie laissé une observation sans réponse.

M. Delfosse. - J'ai retiré mon amendement, la déclaration de M. le ministre en tenant lieu.

Je n'insiste plus pour la mention au procès-verbal. L'insertion au Moniteur suffira ; j'aime à croire que le Moniteur reproduira exactement les paroles de M. le ministre, et j'en appellerai au besoin au souvenir de mes honorables collègues.

- L'article premier est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.