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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 février 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 559) M. Huveners procède à l'appel nominal à une heure et quart.

La séance est ouverte.

M. A. Dubus donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Dewaele et Lanoy, commissaires de police d'Ath et de Lessines, demandent une indemnité pour les fonctions du ministère public, qu'ils remplissent près du tribunal de simple police. »

M. Castiau. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice.

M. Delehaye. - Je pense que ce renvoi est inutile, le rapport ayant été fait ou du moins ayant été adopté. Du reste, cet objet a été examiné par la section centrale, attendu que des pétitions de la même nature que celle qui vient d'être analysée lui avaient déjà été renvoyées.

- La chambre ordonne le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Le conseil communal de Gerdingen présente des observations au sujet de la délimitation de cette commune.»

- Renvoi à la commission des pétitions avec invitation de faire un rapport.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg présente des considérations en faveur de l’industrie du sucre de betteraves. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


M. le ministre de l’intérieur adresse à la chambre les deux pièces relatives aux élections de Watermael-Boisfort, dont la chambre a demandé communication dans la séance d'hier.»

M. Vanden Eynde. - Je demande que ces pièces soient imprimées et distribuées aux membres comme pièces de la chambre, ainsi que la pétition qui a été analysée hier.

M. le président. - La chambre a décidé hier que la pétition ne serait pas imprimée.

M. Vanden Eynde. - Il s'agissait de l'impression au Moniteur ; je demande l'impression comme pièces de la chambre.

- La chambre consultée ordonne l'impression, comme pièces de la chambre, des pièces déposées par M. le ministre de l'intérieur et de la pétition des électeurs de Watermael-Boifort.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, rapporteur. - Je viens vous présenter de prompts rapports que vous avez demandés à la commission des pétitions.

« Le conseil communal de Zonhoven demande qu'on lui accorde la part réservée à cette commune dans le crédit de deux millions voté pour mesures relatives aux subsistances. »

Le conseil communal de Zonhoven expose la détresse qui afflige cette commune qui, quoique déjà chargée d'une dette de plus de 100 mille francs, vient cependant de voter un subside de mille francs pour parer aux besoins les plus pressants de la classe ouvrière ; mais ce secours et ceux du bureau de bienfaisance, dont le revenu est modique, ne pouvant suffire aux besoins toujours croissants de la classe malheureuse, les pétitionnaires réclament une part dans les 2 millions que vous avez votés pour soulager la misère générale.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sent adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs habitants de la commune de Bagimont demandent la construction d'une route faisant jonction à la frontière de France, en passant par Bohan et Bagimont. »

Les pétitionnaires demandent la continuation d'une route que le gouvernement vient d'accorder à la province de Namur après que son utilité lui a été démontrée par le gouverneur de cette province ; mais cette route s'arrête à peu de distance de la frontière du Luxembourg ; cependant les arguments invoqués pour la construction sur le territoire de la province de Namur, sont les mêmes qui doivent en déterminer l'achèvement jusqu'à In frontière française ; et, pour l'opérer les communes intéressées offrent des subsides élevés ; c'est ainsi que Bohan et Gesponsart (France) veulent y contribuer ensemble pour une somme de 40 mille francs.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Deys, ancien capitaine, demande une pension de retraite. »

Le pétitionnaire, ancien capitaine de l'armée belge, a l'honneur d'exposer à la chambre qu'il a servi dans l'armée française, et les blessures qu'il a reçues dans les combats prouvent qu'il y avait servi avec distinction.

A la révolution belge, il organisa un corps de volontaires qu'il arma à ses frais et commanda dans les glorieuses journées de septembre ; des certificats honorables attestent la belle conduite qu'il a tenue dans les combats de Bruxelles, de Lierre et de Berchem.

Mais les blessures dont il est couvert sont des certificats plus fidèles que ceux écrits.

En récompense de sa bravoure, le gouvernement provisoire lui décerna un brevet de capitaine dans lequel il fut confirmé par l'arrêté du régent du 30 mars 1831.

Dès lors il ne pouvait plus perdre son grade ; que par jugement cependant il fut réformé par le ministre de la guerre d'alors.

Il a constamment réclamé depuis lors, soit pour être réintégré dans son grade, soit pour être admis à la pension.

Ses droits ne sont pas contestés, on convient des services qu'il a rendus, mais justice ne leur est pas rendue.

Messieurs, ce capitaine tout mutilé est un de ces braves auxquels la Belgique doit son émancipation.

Eh bien, si pour prix du sang qu'il a versé, de sa petite fortune qu'il a dépensée pour armer les braves avec lesquels il a combattu, si pour prix de ses services, enfin, le gouvernement ne lui accorde pas des moyens d'existence, il vous le déclare, riche de son brevet, riche de ses blessures, il devra chercher un asile à la Cambre pour partager le pain que la charité accorde aux mendiants.

Votre commission, dans l'espoir de lui ménager un meilleur sort, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à la section centrale du budget de la guerre.

M. Rodenbach. - Je regrette que l'honorable M. Dumortier ne soit pas ici, car c'est lui qui a appuyé le renvoi de cette pétition à la commission avec demande d'un prompt rapport. Il paraît que ce capitaine de la révolution est dans une position très malheureuse, car, d'après le rapport, sa misère serait telle que si ou neveu ut à son secours il serait oblige d'aller demander un refuge à la Cambre. Pour un homme qui a servi loyalement son pays, c'est une situation affreuse qu'il est do la dignité du pays de faire cesser. L'honorable M. Dumortier m'a dit que ce capitaine couvert de blessures ne recevait que 100 fr. par an. Comme le ministre n'a que 10,000 fr. à distribuer à ceux qui n'ont pas droit à pension, il ne peut donner que de faibles secours. La section centrale chargée d’examiner le budget de la guerre pourrait voir s'il n'y aurait pas lieu d’augmenter cette allocation de dix mille francs. Ce serait un pénible spectacle que de voir mendier un capitaine qui paraît être couvert de blessures et avoir rendu des services. Je demande en conséquence le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre.

- Ce renvoi est ordonné.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1846

Rapport de la section centrale

M. Savart-Martel. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le budget de la justice.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quel jour veut-on en fixer la discussion ?

Plusieurs voix. - Après la loi sur la chasse.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, ne sachant pas quelles sont les propositions de la section centrale, il me serait impossible de consentir à ce que mon budget soit mis à l'ordre du jour après le vote de la loi sur la chasse ; si la chambre veut en fixer la discussion à mercredi, je serai prêt.

- La chambre décide que la mise à l'ordre du jour sera ultérieurement fixée.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Rapport de la commission

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de votre commission, concernant le crédit spécial de 455 mille francs, demandé par le département de la guerre pour exécuter quelques travaux militaires.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?

M. de Man d'Attenrode. - Je demanderai que ce projet soit mis à l'ordre du jour après le vote définitif de la loi sur la chasse. Il s'agit de lever l'interdit que M. le ministre de la guerre met sur la construction de plusieurs routes dont la l'exécution procurerait du. travail à la «-lasse ouvrière, sans créer des charges considérables pour l'Etat, car la province et les communes y contribuent pour les deux tiers environ.

J'insiste donc pour la mise à l'ordre du jour après le second vote de la loi sur la chasse.

M. de Corswarem. - Je viens appuyer la proposition de l'honorable M. de Man par un motif qu'il n'a pas fait valoir. Ce projet de loi n'est pas seulement destiné à donner de l'ouvrage aux classes ouvrières qui en manquent, il est aussi destiné à faire démolir des ouvrages passagers établis dans les enviions de Hasselt. Ainsi, il ne s'agit pas seulement de donner de l'ouvrage aux classes pauvres, mais aussi d'opérer une démolition ; si cette démolition n'est pas faite immédiatement, le gouvernement devra (page 560) payer le loyer des terrains occupés par les ouvrages à démolir, et ce toute l'année ; car si les terrains sur lesquels sont situés ces ouvrages ne sont mis en temps utile à la disposition des propriétaires pour pouvoir les utiliser pendant l'été prochain, nous devrons accorder un crédit de six mille francs au département de la guerre pour en payer les loyers.

M. Manilius. - Le projet dont il s'agit n'est pas aussi simple qu'on a l'air de l'annoncer. C'est un projet de loi, dit-on, qui a pour objet de donner du travail aux classes pauvres. Cela peut être vrai en parties, mais il y a aussi l'érection d'une forteresse nouvelle, il s'agit de fortifier la ville d'Aerschot. Je pense que pour aborder la discussion de pareilles lois il faut avoir eu le temps de bien étudier la question, et tout ce qui peut s'y rattacher, tel que la question des indemnités, de servitudes militaires et la question de savoir si les anciennes lois sur cette matière sont encore de nature à pouvoir être maintenues dans notre pays.

Si on voulait distraire du projet l'érection de la forteresses, j'admettrais le dire de MM. de Man et de Corswarem. Si vous ne faites pas cette distraction, vous aurez une discussion longue et aride ; car nous devrons, je pense aller plus loin que les honorables membres qui mettent tant d'empressement à demander la discussion du projet.

Nous avons à l'ordre du jour d'autres objets qui sont pressants, et on propose de mettre le rapport qu'on vient de faire après la loi sur la chasse, c'est-à-dire peut-être demain, peut-être même aujourd'hui, alors que le rapport ne sera pas imprimé, que personne ne pourra apprécier l'importance du projet de loi. Je demande qu'on fasse pour ce projet ce qu'on fait pour tous ceux qui méritent un examen approfondi de la part de la chambre.

M. de La Coste. - Je crois devoir rectifier un fait avancé par l'honorable préopinant. Il ne s'agit nullement d'ériger la ville d'Aerschot en forteresse, mais seulement d'élever certains ouvrages de défense à une distance même assez grande d'Aerschot. Quand il s'agirait d'ailleurs de faire ce que suppose l'honorable membre, ce serait un motif de plus pour examiner enfin une question si importante et faire droit aux observations de M. Manilius si elles sont fondées ; mais, quoi qu'il en soit, le motif, comme l'a dit M. le ministre de la guerre, non pas de ce qu'on vous propose, mais de l'empressement qu'on a mis à vous en faire la proposition, est de remplir votre vœu, d'exécuter votre volonté, souvent exprimée dans nos discussions, en fournissant aux indigents des occasions de travail.

Maintenant je désirerais que M. le président, qui a plus présents à la mémoire les objets qui sont à l'ordre du jour, m'indiquât un moyen d'amener le plus promptement possible la discussion du projet dont il s'agit, sans cependant qu'elle soit tellement rapprochée qu'on n'ait pas le temps de s'y préparer.

M. de Villegas. - Le projet de loi en question a un caractère d'urgence. Il s'agit de donner du travail à la classe nécessiteuse. J'ignore si l'intention du département de la guerre est d'ériger la ville d'Aerschot en place forte, mais je ferai remarquer à la chambre que parmi les travaux projetés se trouvent ceux qui concernent la fermeture de la place d'Audenarde. Quelle que soit la décision à intervenir, je désire que la chambre s'occupe du projet de loi sur lequel rapport vient d’être fait. Je remarque que M. le ministre de la guerre n'est pas présent, ne faudrait-il pas le consulter avant de fixer le jour de la discussion.

M. Manilius. - J'insiste pour qu'on ne mette pas de précipitation à discuter le projet de loi dont il s'agit. M. de la Coste invoque la nécessité de donner de l'ouvrage aux ouvriers. On peut en donner dans l'arrondissement de Louvain, car les routes sont tracées, le génie civil s'est mis d'accord avec le génie militaire, et les deux tracées sont faits. S'il ne s'agissait pas d'élever des fortifications, pourquoi le génie militaire entraverait-il la construction des routes ? Voilà qui répond à la négation du fait que j'ai avancé. Du reste, que ces fortifications soient petites ou grandes, je ne sais pas dans quelles proportions on doit les faire, il en résultera des servitudes.

Je dis qu'il faut examiner la question ; je ne dis pas davantage. Je repousse tout empressement. Ainsi nous ne perdrons pas de temps. L'an passé nous avons voté des chemins de fer avec empressement. On disait aussi qu'il fallait donner de l'ouvrage aux ouvriers ; or, les ouvriers ne travaillent pas encore.

M. le ministre des travaux publics est venu nous annoncer, dès l'ouverture de cette session, qu'il ferait travailler beaucoup ; il a dit qu'il y aurait une grande quantité de travaux publics, pour donner de l'ouvrage aux ouvriers.

Je vous en conjure, ayez plus de calme ; soyez plus prudents, plus lents ; ne vous laissez pas séduire par ces promesses.

L'hiver est avancé, nous allons avoir la bonne saison, et bientôt l'ouvrage ne manquera plus à la classe ouvrière ; ce qu'il lui faut ce sont des denrées alimentaires à des prix raisonnables ; c'est ce qu'on a cherché à lui assurer dans plusieurs grandes villes du pays, c'est ce qu'il faudrait faire partout.

Je prie la chambre de remarquer que la question est plus importante qu'on ne l'a dit.

Que la forteresse soit petite ou grande, il s'agit d'une forteresse. Petite forteresse deviendra grande ; de là naîtront des servitudes sur une grande étendue de terrains. Cela doit être réglé par une régularisation de la loi ; ces règles doivent être déterminées avant qu'on établisse de nouvelles forteresses.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Il faut tâcher de terminer le plus tôt cette discussion sur l'ordre du jour. La question me paraît assez simple pour qu'on la mette à l'ordre du jour après le second vote de la loi sur la chasse, sous la réserve que ce ne soit pas avant samedi ou lundi. Les honorables membres qui désirent une prompte discussion auront toutes les garanties désirables, et ceux qui veulent que la loi soit mûrement examinée en auront le temps. Ainsi, l'on conciliera, je crois, les deux opinions.

M. Vanden Eynde. - Je dois nécessairement rectifier les faits avancés pur l'honorable M. Manilius. (Réclamations.) Si la chambre votait sur les dires de l'honorable M. Manilius, elle voterait mal éclairée. Il s’agit de faire à Aerschot, non pas une forteresse, mais une tête de pont pour la défense de deux routes qui viennent de la Campine. Le gouvernement a peur que les Hollandais ne viennent de ce côté.

Je ne sais, messieurs, si cette crainte est fondée. Mais on le veut ainsi. Je ne m'y oppose pas, parce que je crois que ce sera fort peu de chose.

L'opposition de M. le ministre de la guerre à l'exécution de l'arrêté royal qui décrète la construction de la route d'Aerschot à Hasselt, vers Westerloo, empêche le ministre des travaux publics de mettre la main à l'œuvre, de donner de l'ouvrage à une population considérable qui en manque. J'ai insisté depuis longtemps pour que le ministre des travaux publics, d'accord avec M. le ministre de la guerre sur le tracé, mit la main à l'œuvre. M. le ministre de la guerre ne s'y est pas prêté. C'est pourquoi nous demandons une prompte discussion. Je demande que le projet de loi soit mis à l'ordre du jour pour lundi.

M. Vilain XIIII. - Je demande qu'on imprime le rapport et qu'on fixe la discussion après que le rapport sera distribué.

M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - On pourrait dès à présent mettre le projet de loi à l'ordre du jour de lundi, ainsi que le propose mon honorable collègue. Je ne me suis levé que pour appuyer cette proposition et pour rectifier une impression produite sur l'esprit de l’honorable préopinant, à savoir que le gouvernement aurait peur que les Hollandais n'entrassent dans le pays par les deux routes dont il s'agit. Le gouvernement n'a pas une peur semblable. Mais il est de son devoir d'adopter un système général de défense du pays, et lorsque des routes nouvelles sont projetées, d'examiner jusqu'à quel point ces routes peuvent nuire à ce système de défense. Ce n'est pas là de la peur, c'est le sentiment d'un devoir auquel il obéit.

M. Rogier. - Je demande que le projet de loi ne soit mis à l'ordre du jour qu'après l'impression du rapport ; car nous ne savons pas ce que ce dernier contient.

J'appuie les observations de l'honorable M. Manilius. Je crois qu'en matière de travaux publics, nous ferons bien de ne pas nous laisser aller aux mêmes entraînements que précédemment. Nous avons des exemples des mécomptes auxquels peut donner lieu une trop grande précipitation.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Quels sont ces exemples ?

M. Rogier. - Je citerai entre autres diverses concessions de travaux. J'en ai donné avis en temps opportun. L'expérience prouvera si j'ai eu tort.

Si les routes projetées dont on nous parle, sont admises en principe, par MM. les ministres des travaux publics et de la guerre, rien n'empêche qu'on ne commence la construction de ces routes.

Tout ce que je demande, c'est qu'on ne presse pas la mise à l'ordre du jour de la discussion des travaux militaires, c'est que le projet en puisse être examiné avec la maturité suffisante.

M. de Corswarem. - Il va sans dire qu'en demandant la mise à l'ordre du jour du projet de loi, je n'ai pas entendu qu'on y mît de la précipitation. J'ai entendu qu'on eût pour l'examiner tout le temps nécessaire. Mais le rapport est très court ; on l'aurait lu deux fois pendant le temps qu'a duré cette discussion. On peut être certain qu'il sera imprimé et distribué demain. On pourrait donc facilement le mettre, comme le propose M. le ministre des finances, à l'ordre du jour pour samedi, ou pour lundi au plus tard.

- La chambre consultée décide que la mise du projet de loi à l'ordre du jour ne sera pas ajournée jusqu'après l'impression du rapport ; elle met ensuite le projet de loi à l'ordre du jour pour lundi prochain.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1846

Rapport de la section centrale

M. Orban, au nom de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi de budget de l’intérieur, dépose le rapport sur ce budget.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Projets de loi approuvant la vente des terrains et bâtiments de l'hôtel du gouvernement provincial, à Liège

Discussion de l'article unique

M. de Brouckere. - Je voudrais bien que l'on produisît la pièce qu'on dit avoir été émargée par moi.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On m'a fait hier la même demande. Voici ce qui s'est passé au sujet de cette pièce. Dans une note qui forme l'annexe litt. L, il est fait mention d'une pièce émargée, je crois, par M. le gouverneur de Brouckere. J’ai remis à la commission cette pièce qui est un avant-projet antérieur à la présentation de la loi du 18 mai. C'est un projet qui a été abandonné et sur lequel il y avait quelques changements, que je crois être de la main de M. le gouverneur de Liège. Cette pièce est sans rapport aucun avec le projet de loi actuel. C'est un avant-projet antérieur à la présentation de la loi, et qui n'a pas eu de suite. Je regrette qu'il en ait été fait mention. J'avais remis cette pièce à l'honorable M. Lys, secrétaire de la commission ; je l'ai vainement recherchée ; je ne l'ai pas retrouvée. Je suis heureux que cette pièce n'ait pas d'importance pour le débat, puisqu'elle est égarée.

M. de Brouckere. - Je vois deux annexes, émanées, l'une du directeur des domaines Arnould, l'autre de M. le ministre des finances, dans lesquelles il est question d'un acte (je ne sais lequel) que j'aurais émargé. Je ne puis nier le fait ; mais je ne me souviens pas d'avoir émargé une pièce (page 561) quelconque. J'aurais voulu que l'on produisît cette pièce, puisque dans deux annexes à l'occasion de cette pièce on a cité non seulement mon nom, mais encore ma qualité.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Cette pièce a été mentionnée, non pas dans deux annexes, mais dans une annexe qui a été reproduite deux fois, parce que la commission s'était trompée au sujet de l'auteur de cette pièce.

La commission m'avait demandé le dossier de cette affaire. Parmi les pièces qui le composaient se trouvait celle que la commission a publiée. Je devais produire cette note qui m'a été soumise quand j'ai pris une décision, parce que c'est la pièce qui m'a déterminé à passer outre à la vente de la main à la main.

Je répète encore que la pièce que je crois émargée de la main de M. de Brouckere, était antérieure à la présentation du projet qui est devenu, depuis, la loi du 18 mai ; que cette pièce se rattachait à une combinaison différente de celle qui a été adoptée par le gouvernement ; que je l'ai remise à l'honorable M. Lys et que, l'ayant recherchée au dossier de la chambre et au mien, je ne l'y ai plus retrouvée. C'est une minute de bureau avec des ratures et sans approbation.

Je regrette que la note où il a été fait mention de cette pièce, ait été reproduite à la suite du rapport de la commission. C'était une note de mes bureaux et qui prouve peu de chose quant à l'approbation de la transaction de l'affaire qui vous a été soumise.

M. Delfosse. - La pièce dont on vient de parler n'a aucune importance et je ne sais pourquoi on en a fait mention dans une autre pièce qui se trouve au dossier. Je ne puis néanmoins laisser passer sans réclamation l'insinuation de M. le ministre des finances que cette pièce aurait été égarée par la commission. Elle se trouvait au dossier, lorsqu'il m'a été remis par l’honorable M. Lys, elle s'y trouvait encore lorsque j'ai remis le dossier à M. le ministre des finances.

Il y a eu, je dois le dire, du désordre dans cette affaire. C'est ainsi que le dossier qui nous a été remis dans le principe était fort incomplet. On n'y trouvait pas les pièces principales, par exemple, l'expertise de MM. Remont et Gife. Nous avons dû demander ces pièces à plusieurs reprises, quelques-unes ont été fournies, d'autres ne l'ont pas été ; il en est que M. le ministre des finances a fait publier au moment où la discussion allait s'ouvrir et dont la commission n'avait pas eu connaissance.

M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, quelques mots expliqueront ce qui s'est passé quant à la communication des pièces ou au désordre du dossier ; c'est que la chambre ne doit pas perdre de vue qu'il y avait deux dossiers, l'un au ministère des finances, l'autre au ministère de l'intérieur ; qu'il y avait telles pièces qui se trouvaient au département de l'intérieur, dont M. le ministre des finances ignorait l'existence jusqu'à ce qu'il en fût officiellement averti par moi. De sorte que les dossiers ont voyagé plusieurs fois de ministère en ministère, à tel point qu'il me serait peut-être difficile de compléter mon propre dossier, comme il serait difficile à M. le ministre des finances de compléter le sien. Mais le désir que nous avions qu'aucune pièce ne fût cachée à l'appréciation de la chambre, a produit le désordre apparent dont se plaint l'honorable préopinant.

M. Lys. - L'honorable M. Delfosse vient de vous expliquer ce qui s'est passé. Il a reconnu que je lui avais donné la pièce dont il s'agit et qu'il l'avait jointe au dossier qui a été remis à M. le ministre des finances.

M. le président. - La discussion sur le projet continue. La parole est à M. Lys.

M. Lys. - La loi spéciale qui est soumise à votre examen contient un germe dangereux pour l'avenir. On vous demande de sanctionner la vente consentie à main ferme de l'ancien hôtel provincial de Liège ; si cette vente obtient la ratification de la législature, soyez assurés que nous verrons bientôt aliéner à petit bruit les propriétés de l'Etat suivant les convenances particulières, sans observer la formalité salutaire des enchères publiques.

Quels motifs nous donne-t-on pour obtenir notre assentiment ? C'est en vain que vous en chercheriez dans l'exposé des motifs qui a été présenté à la chambre ? En effet que nous dit-on dans ce rapport ? L'on nous annonce que la valeur du terrain et de ce qui reste de l'ancien hôtel provincial, ne dépasse pas la somme de 90,000 fr. et que, d'un autre côté, on n'aurait pu obtenir la résiliation du bail consenti en faveur du directeur de l'établissement des filles repenties sans une indemnité ; on ajoute qu'il était même urgent de consentir cette vente, de la main à la main, parce que sans cela l'acquéreur éventuel n'aurait pu exécuter les travaux de restaurations nécessaires avant la mauvaise saison.

Mon honorable ami M. Delfosse vous a démontré on ne peut plus clairement, dans son excellent rapport, combien les motifs présentés par le gouvernement pour justifier la mesure exceptionnelle, la vente de la main à la main, étaient insignifiants, et il est parvenu à vous prouver, que cette vente ne pouvait présenter aucune chance d'approbation. Ce rapport ne laisse rien à désirer, il est si complet qu'il serait peut-être convenable de se borner à l'opposer à la demande du ministère.

Je présenterai seulement quelques observations, pour donner des développements aux motifs déjà indiqués et pour vous convaincre de la modération que mon honorable collègue a mise dans ses évaluations.

Si l'on craignait la circonstance que l'acquéreur éventuel ne pût exécuter les travaux nécessaires de conservation pour sauver les bâtiments de l'intempérie de la saison, pourquoi attendre jusqu'au mois d'octobre pour effectuer la vente ? La loi que vous avez votée, pour l'appropriation du palais des princes-évêques est du 18 mai 1845. Le gouvernement a donc eu du temps de reste, pour effectuer la vente de l'hôtel provincial aux enchères publiques, et pour l'effectuer assez tôt pour donner aux acquéreurs le temps de faire les réparations indispensables.

Pourquoi a-t-on attendu jusqu'au mois d'octobre ? Je ne veux pas chercher à résoudre cette question.

L'ancien hôtel provincial ne vaudrait, selon le projet de loi, que 90,000 fr. Cette évaluation est inexacte, elle est de beaucoup inférieure à la valeur réelle de ce domaine.

Les bâtiments avaient, avant l'incendie, une valeur de 155,000 fr. ; après l'incendie les experts ont fixé à 60,150 fr. la dépense nécessaire pour remettre ces bâtiments en état. La valeur des bâtiments restants après l'incendie montait par conséquent à 94,850 fr., somme déjà supérieure au prix de la vente consentie à M. l'abbé Habets.

Pour connaître la valeur totale de l'immeuble, dit l'honorable M. Delfosse dans son rapport, il faut ajouter à la somme de 94,850 fr., moulant de l'évaluation du bâtiment après l'incendie, la valeur des terrains qui ont une contenance d'environ 4,400 mètres. On ne croit pas exagérer, dit-il, en portant la valeur moyenne du mètre à 12 fr. ; 4,400 mètres à 12 fr., cela fait 52,800 fr.

La valeur totale de l'immeuble, bâtiments et terrains compris, serait donc de 147,560 fr.

C'est ici, messieurs, que je trouve les évaluations de mon honorable ami, au-dessous de la valeur réelle.

Car il n'estime la valeur du mètre qu'à douze francs, et si j'en crois mes renseignements, il ne peut être fixé à moins de 20 fr.

Ce calcul est établi sur des évaluations faites lors de la percée d'une rue près du palais.

Dans la rue Saint-Pierre, le mètre a coûté 25 fr.

Dans la rue Neuve derrière le palais, 40 fr.

El sur la place Saint-Lambert, 120 fr.

Ce qui me donne la conviction que l'évaluation de 20 fr. ne serait ici nullement exagérée.

Ajoutez qu'il se trouve sur ce terrain deux fontaines dont l'une est revendiquée par la ville, mais que l'acquéreur soutient lui appartenir. Valeur, 12 mille fr.

Quels titres M. Habets a-t-il donc pour obtenir de l'Etat un cadeau aussi considérable ?

N'était-ce pas déjà assez d'accorder à M. Habets un subside de 7,000 fr. sur le budget du ministère de la justice ?

Cette vente, messieurs, ne peut être ratifiée, à moins de consacrer en principe la dilapidation de la fortune publique.

Et n'oubliez pas cette circonstance grave et capitale :

C'est au profit d'un particulier que l'Etat subit cette perte ; ce n'est pas au profit d'un établissement public, qui, soumis aux lois de l'Etat, ne peut changer la destination de ses bâtiments, sans l'intervention et l'autorisation du gouvernement.

C'est au profit de M. Habets et de ses héritiers éventuels, que l'Etat se dépouille d'une somme considérable ; or, est-il juste que l'Etat enrichisse un particulier, au grand détriment du trésor public ?

Je veux croire que M. Habets prendra des arrangements avec la communauté qui vit sous sa direction. J'admets que le bâtiment conservera à toujours la destination qui lui est donnée ! Vous devez, ce nonobstant, refuser de ratifier la vente. En effet, il n'est rien de plus dangereux pour un Etat, que de reconnaître à une corporation une sorte d'existence légale, sans que cette corporation soit soumise à la direction et à la surveillance du gouvernement.

D'un autre côté, messieurs, est-il séant et convenable de placer ainsi la maison des filles repenties ? Ne place-ton pas toujours ces sortes d'établissements dans des localités isolées ? Je considère comme une malheureuse et fatale pensée, que de vouloir placer au milieu des population ce refuge de filles perdues.

C'est là déprécier tout un quartier, sans profit comme sans utilité. Personne n'aime un voisinage comme celui dont on veut doter les propriétés qui avoisinent l'ancien hôtel du gouvernement ; c'est déprécier notablement toutes les propriétés voisines, c'est causer aux voisins un préjudice que rien ne peut compenser.

Ce quartier de la ville a déjà perdu beaucoup par l'incendie de l'hôtel du gouvernement provincial ; fallait-il encore lui faire subir une nouvelle déprédation en donnant pareille destination à l'ancien domaine des Bons-Enfants ?

Ce serait abuser de votre temps, messieurs, que de parler sur l'objection, que M. Habets était locataire d'un local considérable faisant partie de l'ancien palais et que, de ce chef, il aurait droit à une indemnité.

L'honorable rapporteur n'a rien laissé à désirer sur ce point ni sur aucun autre. C'était là déguiser une cession gratuite ; et comme toute indemnité doit se calculer sur la durée de la jouissance et sur la hauteur du prix, celle due à M. Habets aurait été fort insignifiante. D'ailleurs, M. Habets reçoit des subsides et des indemnités par des conventions qu'il a eu soin de faire souscrire, et dont votre commission n'a pu obtenir la production.

Ce qui ne peut laisser aucun doute sur la vileté du prix, c'est l'offre de cent mille francs faite par un particulier sans aucun autre avantage que la mise en adjudication publique.

Dira-t-on qu'on a fait une réserve au profit de la ville de Liège ? On a imposé à l'acquéreur l'obligation de céder à cette ville les terrains dont elle pourrait avoir besoin pour l'élargissement de la voirie. Est-ce gratuitement que cette cession doit avoir lieu ? Non, messieurs, M. Habets ne doit abandonner le terrain nécessaire que contre écus sonnants ! Plaisante réserve que celle contenue dans le n°2 des conditions de la vente ! Est-ce que (page 562) par hasard un couvent serait chose exceptionnelle, vis-à-vis de la loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique ? On serait presque tenté de la croire, à voir le sérieux avec lequel on fait état d'une réserve que la loi elle-même a consacrée et qu'elle fait peser sur toutes les propriétés.

La réserve au profit de la ville de Liège est donc une véritable dérision.

Vous ne perdrez pas de vue, messieurs, que l'événement a encore prouvé récemment, que l'enchère publique était singulièrement favorable à la vente des biens domaniaux. Dans l'arrondissement de Huy, un bois évalué à 8,000 fr. a été pris à 30,000 fr. et un autre a été vendu plus de 50,000 fr. au-dessus de l'évaluation. Ils auraient été aliénés à un taux plus élevé, si la vente avait eu lieu aux enchères ; l'on sait qu'elle a lieu au rabais.

Repoussez, messieurs, la loi qui vous est proposée. Il ne faut pas laisser poser un antécédent dont les conséquences seraient aussi graves que funestes sous le rapport de l'administration de nos finances ; repoussez la loi, parce que c'est exposer nos chefs d'administration à devoir lutter contre des obsessions de tous genres ; cette loi serait l'avant-coureur d'autres mesures du même genre ; rien ne la justifie, il est clairement démontré, au contraire, qu'elle cause une perte réelle au trésor public.

La règle générale existe : les lois exigent que les biens domaniaux soient vendus aux enchères publiques après estimation, soit d'après les baux existants, soit, à défaut de baux, par une expertise.

Aux termes de ces lois, l'offre faite par les particuliers d'acheter au prix d'estimation, obligeait les administrateurs d'indiquer le jour, le lieu et l'heure auxquels les enchères seraient reçues.

Ici, il n'existait pas de bail, pour fixer l'estimation ; le gouvernement n'a pas fait d'expertise, il en existait une qu'il n'a pas ignoré et qu'il a néglige de suivre.

Le rapporteur de la commission vous a démontré que le ministère n'avait aucun motif plausible d'aliéner de la main à la main ; il résulte de ce rapport que le trésor public est lésé par le prix de cette vente, et je n'hésite pas à dire que le prix de l'immeuble dont s'agit aurait dû être plus que double. Ce qui prouve que la publicité des ventes des biens domaniaux est une règle qu'il importe essentiellement de suivre, pour ne pas ouvrir un nouveau champ à l'esprit d'intrigue.

Je ne viens ici suspecter la loyauté ni les intentions de personne, mais j'entends démontrer que les pièces que le gouvernement a produites, ne présentent point de justification suffisante des motifs qui l’ont engagé à violer les formes établies par la loi, pour la vente des biens domaniaux. La loi doit être sacrée pour le gouvernement comme pour nous.

Il faut déshabituer une bonne fois le ministère de ces bills d'indemnité qu'il vient nous demander à chaque instant ; cette manière d'agir est d'un bien mauvais exemple ; quand la loi est violée par les supérieurs, les inférieurs sont tentés d'en agir de même à l'occasion des instructions qui leur sont données, et la législature, elle-même, doit se garder de ratifier la violation des lois ; lorsqu'elles nécessitent des changements, des modifications, il faut avant tout opérer ces changements, faire ces modifications et toujours respecter la loi.

Il n'y a rien de personnel dans mes paroles ; je le répète, je n'entends attaquer la conduite de personne, j'aime à rendre hommage à l'intégrité, aux lumières des directeurs à l'intérieur et aux finances, qui se sont mêlés de cette affaire.

Qu'il me soit permis, messieurs, de passer en revue les pièces qu'a produites M. le ministre des finances à l'appui de son projet.

Je trouve d'abord au litt. A, un extrait de la police d'assurance contre l'incendie. Je ne vois pas dans quel but cette pièce a été produite. Elle prouve seulement, pour moi et pour tous ceux qui l'auront lue, combien il y avait, au gouvernement provincial de Liège, d'exactitude pour obtenir des assurances. D'abord, la députation provinciale avait fixé la valeur du bâtiment à 180,000 fr. Elle reconnut quelque temps après que cette somme était trop forte, et elle la réduisit de 30,000 fr.

Le litt. B l° est un état de l'hôtel provincial après l'incendie, d'après le compte rendu des journaux. Je ne sais, messieurs, pourquoi M. le ministre a publié ces extraits de journaux. On sait que quand un événement malheureux arrive, on trouve toujours, dans les premiers moments, le désastre plus grand qu’il n'est en effet. Il me paraît d'ailleurs que l'expertise contradictoire que M. le ministre avait en main présentait beaucoup plus d'exactitude que des récits de journaux.

Je ne comprends pas non plus pourquoi le gouvernement a publié un extrait de la proclamation de M. le gouverneur de Liége. M. le gouverneur n'a dit dans cette proclamation qu'une grande vérité, c'est que le feu a commencé par les combles du bâtiment et que, peu d'instants après, il s'était étendu à toutes les parties du bâtiment, c'est -à-dire à toutes les parties de la toiture.

Le litt. B 3° est une lettre de M. l'architecte provincial à MM. les président et membres de la députation permanente de Liège. J'y trouve la preuve que M. l'architecte provincial était d'avis de faire déblayer les débris et les décombres. On ne l'a pas fait et je ne crois pas que cela ait été un malheur. Les décombres auront empêché les pluies de faire le mal qu'elles auraient pu causer au reste de l'édifice. C'est là tout ce que contient cette lettre et on ne comprend pas l'utilité de sa publication.

Vient ensuite une lettre de M. l'architecte de la ville de Liège à M. le gouverneur de la province, sous la date du 7 avril 1845, par laquelle il transmet le procès-verbal d'évaluation des dégâts.

Dans cette lettre M. l'architecte démontre qu'il n'a rien négligé pour qu'on pût achever la restauration du bâtiment avec le montant de l’indemnité. Qu'est-ce qu'il en résulte ? C'est que si M. l'architecte a évalué des poutrages et planches qui aient pu encore servir ; des murs de face donnant soit sur le jardin, soit sur la cour qui n'aient pas eu besoin d'être démolis ; des pignons ou souches de cheminées ; des plafonds ; des cheminées, portes et fenêtres, cloisons, persiennes, escaliers, plinthes, qui avaient été désignés pour être reconstruits à neuf, ce sont là tous objets à l'avantage de l'acquéreur, car ils n'étaient pas évalués dans les objets restants, soit dans les 94,850 fr. montant de l'évaluation du bâtiment après l'incendie.

Or, si dans ces objets, il s'en trouvait, que l'acquéreur, M. Habets, ait pu faire servir, c'est une économie qu'il a faite sur la somme nécessaire pour le rétablissement.

Le litt. B 5° est une note de M. l'architecte Cluysenaar sur l'état et sur la valeur de l'hôtel provincial.

Cette note ne porte pas de date, elle ressemble beaucoup à une consultation que nous appelons dans le barreau « pro amico. » Cette note prouve cependant quelque chose : « Ces bâtiments, dit M. Cluysenaar, par leur disposition, ne peuvent pas convenir à des habitations particulières, ni à des établissements industriels. » Admettons, pour un instant, cette supposition ; elle sert à démontrer, que la seule enchère publique pouvait en faire obtenir la valeur, car elle aurait amené tous ceux qui pouvaient en tirer parti, et nous en avons la preuve, dans l'offre de 100,000 fr. faite par M. Delheid, non pour en obtenir l'adjudication à son profit, mais la mise aux enchères publiques.

L'évaluation du terrain faite par M. Cluysenaar est de 15 fr. le mètre, un franc de plus que celle faite par M. Delfosse ; ce qui prouve combien l'honorable membre a été modéré.

Mais ne nous arrêtons pas à cette note ; elle ne doit son existence qu'à l'opportunité de la circonstance, et elle n'a pas été présentée à la commission.

Le litt. C est le procès-verbal d'expertise. Je ne vois pas encore pourquoi M. le ministre a fait imprimer cette pièce, d'autant plus qu'elle se trouvait jointe au rapport.

Le litt. D est la nomination par la députation permanente de M. Remont, architecte de la ville de Liège, comme expert, pour déterminer, de concert avec l’agent délégué de la compagnie d'assurance de l'Escaut, le montant des pertes résultant de l'incendie.

Ici, messieurs, je dois répondre à une observation que nous a faite M. le ministre des finances. Voici ce qu'il dit :

« Le mandat des experts n'était donc pas, et j'ajoute qu'il ne pouvait pas être, d'évaluer quelle était la valeur vénale des constructions restées debout, et des terrains sur lesquels se trouvaient ces constructions.

« C'est ainsi encore, qu'à l'annexe G, on parle de régler les pertes de la compagnie.

« Il en résulte que la perle de la compagnie dans le dommage arrivé à l'hôtel, etc., » est d'autant.

« Comment les experts ont-ils procédé, et ont-ils bien procédé ?

« Les experts se sont bases sur la valeur de l'édifice considéré comme neuf. Ils ont ensuite évalué l'édifice dans son état antérieur à l'incendie, ils ont déduit de cette ancienne valeur le montant de la perte reconnue et se sont bornés là.

« Mais, messieurs, la commission va beaucoup plus loin. La commission raisonne de cette manière : L'hôtel du gouvernement provincial, avant l'incendie, valait 155,000 f. ; il y a eu pour 60,000 fr. de dommages ; donc ce qui reste debout valait 94,000 fr.

« C'est ce que les experts ne disent pas ; c'est ce qu'ils n'avaient pas à dire ; c'est ce qu'ils ne pouvaient pas dire. Mais la commission tire cette induction, et cette induction, vous pouvez déjà en apprécier la vraisemblance, d'après les faits que je viens de vous rappeler. »

Je dis que ce mandat autorisait M. Remont à agir comme il l'a fait. Les experts devaient fixer la somme qui était due par la compagnie à l'assuré et pour ce faire, ils ne pouvaient agir autrement qu'ils ne l'ont fait.

Il fallait constater la valeur du bâtiment, au moment de l'incendie. S'il en était autrement, on donnerait souvent du neuf pour du vieux à l'assuré et alors l'incendie serait une cause de lucre pour l'incendié, ce qui serait contraire au principe reconnu, que l'incendie ne doit, dans aucun cas, être un bénéfice pour l'assuré.

Comment d'ailleurs établiriez-vous la somme à payer par l'assurance, si vous ne faisiez le calcul de la valeur vénale du bâtiment avant l'incendie ?

Je vais citer un exemple. Je suppose qu'un propriétaire fait assurer, pour 60 mille francs, un bâtiment qui a une valeur réelle de cent mille, et qu'après cela il soit en partie incendié.

D'après M. le ministre, les experts doivent évaluer le montant des pertes.

M. le ministre entend-il, que les experts se bornent à évaluer la somme qui sera nécessaire pour rétablir le bâtiment ? Alors la compagnie serait victime, elle indemniserait complétement l'assuré, qui n'a pas payé les primes pour la valeur réelle. Les experts doivent, pour établir les obligations de la compagnie, vérifier d'abord quelle est la valeur qu'avait le bâtiment avant l'incendie ; s'ils trouvent qu'il valait cent mille francs, il résultera de cette expertise que l'assuré sera resté son propre assureur pour 3/5 et l'assurance ne payera que du dommage. De cet examen de la valeur avant l'incendie, de cent mille francs, du dommage à 40 mille pour le réparer, il résulte clairement que ce qui reste est estimé valoir 60 mille fr.

Voilà, messieurs, comme j’ai vu opérer par les experts, non une fois, mais dans quantité d'expertises où je représentais la Société mutuelle et la compagnie à primes de Bruxelles ; voilà comme toutes les compagnies agissent après les incendies, et j'en trouve la preuve dans le raisonnement de la compagnie de l'Escaut.

Les experts de Liège sont allés plus loin. Ils ont calculé combien le bâtiment avait coûté, étant neuf, et ils ont trouvé qu'il avait, neuf, une valeur (page 563) de 174,000 fr. ; de ce chiffre ils ont ensuite déduit l'usure, et, de cette manière, ils sont descendus à la somme de 155,000 fr.

La lettre de la compagnie d'assurance du l'Escaut, litt. G, porte ce qui suit :

« La compagnie, toujours désireuse de faire preuve de la même loyauté et bonne foi qu'on lui reconnaît partout, et de conserver la réputation que lui a valu une gestion de 25 ans, pendant lesquels elle a réglé, sans procès, tous ses sinistres avec les assurés, voulant terminer celui qui a dévasté l'hôtel provincial de Liège de la manière la plus prompte et à la satisfaction des autorités, déclare être prête à adopter le procès-verbal d'expertise, comme point de départ, si de son côté la députation l'approuve.

« Le procès-verbal constate que la valeur de construction neuve de l'hôtel avec ap. et dépendances coulerait 174,900 fr., et que la somme qu'il faudrait pour rebâtir à neuf ledit hôtel, moins 800 fr. valeur des débris, restes des charpentes, etc., s'élèverait à 59,350 fr. ; il en résulte que la perte de la compagnie dans le dommage arrivé à l'hôtel, dont la valeur vénale a été estimée à 155,000 fr., se trouve par la proportion suivante : si 174,900 fr. perdent 59,350 fr., la somme assurée de 120,000 fr. contribue dans le dommage pour 50,900 fr.»

Vous voyez, messieurs, que la compagnie d'assurance fait le même calcul que j'ai expliqué tout à l’heure.

Le littera E est une demande d'avis, adressée par M. le gouverneur de la province de Liège à M. l'avocat Dereux, et le littera F contient, par extrait, l'avis de M. Dereux. Je vous avoue, messieurs, que je ne comprends pas l'usage que le gouvernement a voulu faire de cette consultation. L'avocat Dereux reconnaît un fait incontestable, que l'assurance ne peut jamais être pour l'assuré une cause de bénéfice. La grande question adressée à l'avocat Dereux concernait les droits de la province contre les assureurs, et cela ne concerne en rien l'acquéreur, qui n'y a aucun intérêt. Cette consultation ne peut donc fournir aucune lumière à la chambre, et je ne vois pas dès lors le motif pour lequel M. le ministre des finances a fait publier cette consultation.

Le litt. Il est une notice sur les locaux mentionnés dans le rapport de la commission, page 4, notice fournie par le directeur des domaines à Liège. Je laisserai à M. le rapporteur le soin de répondre à telle notice à laquelle il a, d'ailleurs, déjà répondu dans son rapport. Je dirai seulement qu'il résulte du litt. I (lettre de M. Scronx, remplissant les fonctions de gouverneur), qu'il résulte de cette pièce qu'un local convenable se présentait ; c'était l'ancien couvent des Jésuites anglais, et je citerai ce que M. Scronx disait à cet égard à M. le ministre de l'intérieur :

« L'autre local est l'ancien couvent des Jésuites anglais ; il appartient, je crois, au domaine de l'Etat. On est d'avis qu'il peut très bien être approprié à ce double usage sans trop de dépense, ni de difficulté. Il se compose de trois ailes de bâtiments, dont une partie, environ 1 1/2 aile, est occupée par l'école de pyrotechnie. L'autre partie conviendrait infiniment pour servir de prison pour les femmes et de maison de refuge. Nulle part, je crois, on ne pourrait trouver un local plus convenable et exigeant moins de dépense d'appropriation ; mais l'autorité militaire semble vouloir, dans ce moment, y transférer aussi les magasins d'habillements, la sellerie et le dépôt des armes de l'artillerie ; et prévoyant, sans doute, les dispositions de l'administration, elle fait tous les travaux nécessaires pour se mettre promptement en possession de la totalité des bâtiments du couvent et des grands jardins qui dépendent de cette propriété. Votre intervention dans cette affaire, M. le ministre, est donc de la plus grande urgence, et je dois le dire, outre que ces bâtiments sont beaucoup trop considérables pour l'usage que l'autorité militaire veut en faire, je ne vois nulle part ailleurs, dans la ville de Liége, de local où il serait possible de placer la prison des femmes et la maison de refuge, qui, restant au palais, ajourneraient indéfiniment le commencement des travaux que le gouvernement a résolu d'y faire.

« Comme vous le verrez, M. le ministre, par le plan ci-joint que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux (ce plan ne nous a pas été communiqué), le local des anciens Jésuites anglais peut très bien se diviser en deux parties, dont l'une serait définitivement mise à la disposition de l'autorité militaire pour son école de pyrotechnie et autres usages ; tandis que l'autre, convenablement appropriée, servirait à satisfaire à l'impérieuse nécessité où nous nous trouvons de loger les prisonnières et les filles repentantes. Ce partage doit d'autant plus, ce semble, convenir à l'autorité militaire, qu'elle aurait la moitié de tout l'ancien couvent, celle où se trouve l'école de pyrotechnie toute la partie inférieure et supérieure du jardin et les grands bâtiments qui s'y trouvent.

« Si, après cela, l'autorité militaire conservait l'intention de déplacer ses magasins de l'artillerie, qui se trouvent actuellement dans une maison rues des Tanneurs, près de la caserne de l'artillerie, elle pourrait encore très bien le faire, en louant la partie disponible du couvent des Récollets, où il y a de très grandes pièces très propres à cet usage, et qu'elle obtiendrait pour un prix bien moindre que celui qu'elle paye aujourd'hui, savoir : pour fr. 2.500. »

Eh bien, messieurs, qu'est-ce que le gouvernement a répondu après avoir reçu cette pièce ? Il a répondu que le ministre de la guerre n'entendait pas faire cette cession. Voilà tout le motif du gouvernement. Il ne donnait aucune autre raison.

Le littera J est une lettre de M. le ministre de l'intérieur à M. le ministre des finances. Cette lettre porte ce qui suit :

« En présence du refus absolu de M. le ministre de la guerre, de céder tout ou partie du vaste local des Jésuites anglais, à Liège, pour y placer provisoirement la prison pour femmes et le refuge établis dans une dépendance du palais, au lieu même où doivent être construits l'hôtel du gouvernement de la province et les bureaux de son administration, j'ai dû aviser, avec M. le ministre de la justice, aux moyens de transférer ailleurs la prison et le refuge.

« Afin d'atteindre plus promptement le but et de pouvoir aborder, sans délai ultérieur, l'exécution de la loi du 18 mai dernier, j'ai chargé M. Stevens, directeur à mon département, de se rendre à Liège, et d'y adopter, de concert avec M. Hody, administrateur des prisons, délégué par M. le ministre de la justice, les dispositions nécessaires pour faire évacuer le palais et commencer immédiatement les travaux d'exécution. »

Le littera K 1° est un extrait d'une dépêche de M. le ministre de l'intérieur à M. le ministre des finances, dans laquelle il est dit :

« Les deux fonctionnaires délégués par les départements de l'intérieur et de la justice, pour aviser au moyen de transférer dans un autre local la prison et le refuge qui sont établis dans une dépendance du palais de Liège, afin de pouvoir commencer immédiatement les travaux de restauration et d'appropriation de ce monument, s'étaient arrêtés au projet de faire mettre en état, pour recevoir les deux dépôts dont il s'agit, les bâtiments incendiés du l'ancien hôtel du gouvernement provincial, lorsqu'ils reçurent verbalement de M. l’abbé Habets, curé de Ste-Croix, à Liège, l'offre d'acquérir du gouvernement, pour la somme de 90,000 fr. qui en forme le prix estimatif, le terrain et ce qui reste des bâtiments. »

Je dis, messieurs, que ces délégués avaient eu une excellente idée lorsqu'ils s'étaient arrêtés au projet de faire remettre l'ancien hôtel provincial dans son état primitif. Si ce projet avait été adopté, tout était terminé, toutes les difficultés venaient à disparaître.

Le litt. K 2° est une lettre par laquelle M. Habets prie M. le ministre de l'intérieur de fixer jour pour passer le contrat. Je ne vois pas l'utilité de la publication d'une pareille lettre.

Le litt. L est une note remise à M. le ministre des finances par M. Arnould, directeur des domaines. M. le directeur dit dans cette note, que les travaux d'appropriation pour le logement du gouverneur et des bureaux de l'administration provinciale seraient nécessairement retardés de trois ans, si le gouvernement devait attendre que la nouvelle prison, à peine en construction, fût achevée, ou l'expiration du bail accordé à M. le curé Habets pour l'aile occupée par les filles repenties.

Mais mon honorable ami, M. Delfosse, a déjà répondu à cette observation, en vous faisait observer, à son tour, que le gouvernement pouvait, tout aussi bien que M. l'abbé Habets, faire l'appropriation nécessaire aux bâtiments de l'hôtel provincial ; par là toute difficulté était levée ; et il aurait pu ne pas même faire cette dépense, en usant du droit qu'il avait, de disposer de la partie des bâtiments des Jésuites anglais, que M. le ministre de la guerre ne voulait pas céder.

Mais, dit encore M. le directeur, la somme de 90 mille francs représente-t-elle bien la valeur du terrain et des matériaux de l'hôtel incendié ? Matériaux, remarquez-le bien, que des experts évaluent contradictoirement à 94,850 fr.

Oui, dit-il, si l'on en croit les renseignements contenus dans une pièce ci jointe, émargée, je crois, par M. le gouverneur de Brouckere, et dans l'exposé des motifs de la loi du 18 mai.

Je réponds, d'abord, que M. le ministre ne publie pas la pièce sur laquelle se fonde M. le directeur, ce qui me semble passablement étrange. Il a, en effet, communiqué à la commission une pièce tout à fait insignifiante, et je ferai remarquer, avec l'honorable rapporteur, que cette pièce n'est pas émargée par M. le gouverneur de Liège.

J'ajouterai, dit M. le directeur, que d'après les données recueillies à Liège, le chiffre de 90 mille francs représente réellement la valeur vénale de cette propriété. Ces données recueillies étaient sans doute verbales, car on n'en produit rien.

M. le directeur termine par cette phrase : La considération majeure du tort que les pluies occasionnent à ces bâtiments, aujourd’hui entièrement découverts, vient encore renforcer les raisons qui justifieraient cette mesure.

M. le directeur parle du tort que les pluies causent aux bâtiments lorsqu'un peu plus haut, quand il s'agissait d'évaluation, il ne trouvait que des matériaux ; quoi qu'il en soit, le gouvernement tout aussi bien que M. Habets pouvait faire couvrir ces bâtiments, et, qui plus est, depuis la loi du 18 mai, il avait pu les mettre en vente publique.

Remarquez, messieurs, que toutes les fois qu'il s'agit de la propriété appartenant au gouvernement, ce ne sont que des matériaux ; mais aussitôt qu'ils sont passés dans les mains de M. Habets, ce ne sont plus des matériaux, ce sont des bâtiments.

M. - Lettre de M. le ministre des finances à M. le ministre de l’intérieur du 4 octobre 1845, par laquelle il se range de son avis, et la somme de 90 mille francs lui paraît représenter la valeur vénale de la propriété dont s'agit ; ce n'est plus d'après toutes les raisons que je viens de présenter à la chambre, que le prix de 90,000 fr. convient à M. le ministre des finances, c'est d'après les renseignements contenus dans l'exposé des motifs de la loi du 18 mai 1845.

Vous allez penser, messieurs, rencontrer dans cet exposé des motifs une expertise ou une pièce quelconque qui vous donne des bases certaines de cette évaluation.

Eh bien voici ce que vous lirez :

« Ces dépenses peuvent être en grande partie couvertes :

2° Par le produit de la vente du terrain sur lequel cet hôtel était construit, estimé avec les matériaux à 90,000 fr. »

Je vous demande si ce sont là des renseignements qu'on puisse opposer à une expertise faite contradictoirement.

Cela seul vous prouve combien on a agi légèrement dans tout ce qui a été relatif à la vente de l'ancien hôtel provincial.

(page 564) N. C'est une lettre de M. le ministre de l'intérieur à M. le ministre des finances du 10 octobre.

Elle prouve seulement que les deux ministres ont agi d'accord pour opérer cette vente.

Cette publication, selon moi, était encore tout à fait inutile.

\0. C'est la décision qui autorise la vente, elle est du 15 octobre et rien de plus.

P 1°. La lettre P 1° est une lettre de M. le directeur des domaines, à Liège, à M. le ministre des finances, du 18 octobre ; il annonce que la lettre de M. le ministre de l'intérieur est interprétée différemment, pour ce qui concerne la cession à faire à la ville de Liège, du terrain nécessaire pour élargir la rue des Bons Enfants.

« Le collège échevinal de Liège et M. le gouverneur estiment que, dans la pensée de M. le ministre de l'intérieur et la vôtre (ce sont les expressions de l'écrivain) cette remise de terrain doit être faite à la ville gratuitement. tandis que M. le curé Habets, tout disposé qu'il soit à se soumettre aux intentions du gouvernement, prétend, au contraire, qu'elle ne peut avoir lieu (si ce n'est de son gré), que moyennant arrangement préalable et à titre onéreux. »

Je ne prétends pas soutenir que la ville devait recevoir ce terrain gratuitement, mais il résulte des dispositions de l'acquéreur, que le gouvernement devait y voir la preuve que l'achat qu'il avait fait lui était bien avantageux.

Quand un acquéreur est disposé à céder sur une valeur que M. le ministre des finances nous a dit hier être de 10 à 12,000 fr., cet acquéreur doit être convaincu qu'il a fait un marché excellent, pour se résoudre à abandonner 10 à 12,000 fr., après que le marché a été conclu.

Vous remarquerez, messieurs, que ce ne sont plus des matériaux qu'il a achetés, lorsqu'il ne s'agit plus d'évaluation ; car le directeur de l'enregistrement et des domaines finit sa lettre par dire : qu'il croit utile de faire connaître, en ce qui concerne l'importance des terrains qui seraient nécessaires pour l'élargissement de la rue, qu'ils ne consisteraient pas seulement en jardins, mais aussi en bâtiments restés intacts d'une valeur relative assez majeure.

Des bâtiments d'une valeur assez majeure ! II faut convenir que ce ne sont plus là des matériaux, comme on les signalait lorsqu'il s'agit de les vendre à M. l'abbé Habets soit ! Quand celui-ci doit rétrocéder,, ils deviennent des bâtiments restés intacts d'une valeur relative assez majeure.

Ainsi vous le voyez, les matériaux se transforment en bâtiments, lorsqu'il s'agit de l'intérêt de l'acquéreur.

P. 2° C'est une lettre du collège des bourgmestre et échevins de Liège à M. le gouverneur, pour lui annoncer que M. l'abbé Habets entend être payé du terrain à céder à la ville, ce qui ne pourrait leur convenir.

P. 3° Il s'agit de la réponse de M. le gouverneur au collège qui lui annonce qu'il avait interprété comme lui la lettre de M. le ministre de l'intérieur.

P. 4° Sous cette rubrique est portée une lettre de M. le gouverneur au directeur des domaines, à Liège, sur le même objet.

Q. On trouve ici une lettre de M. le ministre des finances, audit directeur, portant interprétation de cette lettre du ministre de l'intérieur.

R. C'est une lettre de M. le ministre de l'intérieur à M. le gouverneur de Liège, contenant un détail de ce qui s'est passé, pour prouver que le gouvernement ne pouvait suspendre la vente.

S. C'est une note sans date de M. l'abbé Habets, qui donne le détail des circonstances qui l'ont amené à acheter.

T.U.V. Ce sont des discussions qui ont eu lieu au sein du conseil communal de Liège.

Le ministre donne des extraits de journaux relatifs aux délibérations du conseil communal de Liège, qui n'a pu se mettre d'accord pour l'acquisition de cette propriété ; mais il résulte de toute cette discussion, que le conseil a été unanime pour reconnaître que ce domaine avait été aliéné au-dessous de sa valeur réelle. Voilà un fait que M. le ministre des finances ne conteste pas.

X. C'est l'offre de cent mille francs de M. Delheid, pour la mise aux enchères. Celle offre avait déjà été déposée sur le bureau de la chambre.

Y. C'est une note du 22 janvier 1846, du maître maçon Ernotte, soit une déclaration de sa part, portant qu'en septembre dernier, il a été chargé par M. le curé Habets, d'examiner le restant des bâtiments de l'ancien hôtel provincial et d'estimer la valeur de ces bâtiments et terrains ; qu'après un examen de plusieurs jours, il a évalué le tout à 80 mille francs.

Vous sentez, messieurs, le peu de cas qu'on doit faire d'une note du 22 janvier sur ce qui s'est passé en septembre ; que signifie d'ailleurs une pareille note contre une expertise contradictoire ?

Il résulte de cet examen que le gouvernement n'a produit aucun motif plausible, aucune pièce justifiant la nécessité de l'aliénation de la main à la main et que, dans l'état des choses, la vente aux enchères publiques était dès lors prescrite par la loi.

M. de Mérode. - Lorsque j'examine une question semblable à celle qui nous est soumise en ce moment, je la considère aussi sous son point de vue moral et social et non pas exclusivement en procureur chargé de découvrir quelque moyen de nullité, extrait du code de procédure, qui puisse faire succomber le bon droit et l'à-propos sous la forme.

Ce n'est pas cependant, messieurs, que même la forme ait été violée dans l'acte que vous avez à juger aujourd'hui puisque le ministre l'a subordonné d'avance à votre sanction. Car ce n'est pas la première fois qu'une mesure analogue à celle qui nous occupe a été prise par un ministre ou des ministres lorsque des convenances et d'excellents motifs réclamaient certaines exceptions aux règles justement prescrites pour des adjudications.

J'ai lu avec attention les pièces imprimées qui nous ont été remises par le gouvernement, j'ai vu sur place les bâtiments incendiés et en partie préservés d'une destruction complète par les soins de M. Habets, et de cet examen est résultée pour moi la presque certitude, d'abord qu'il n'existait point à Liège de local disponible où pouvaient être transférées la prison des femmes et la maison de refuge qui devaient évacuer une partie du vieux palais.

En second lieu, que jusqu'au moment où les restes de l'hôtel incendié furent préservés d'une ruine totale, aucune voix ne s'est élevée contre la valeur fixée dans le projet de loi du 18 mai dernier, ni dans les chambres qui ont discuté et adopté la loi, ni dans les assemblées du conseil provincial qui ont cédé cet objet à l'Etat, ni de la part de l'administration communale de la ville de Liège.

Le gouverneur ad intérim de la province, M. Scronx, a fortement appuyé l'opinion que le ministre devait vendre la propriété de la main à la main.

En effet, indépendamment d'autres motifs plus graves que je ferai bientôt valoir, à l'époque de la vente de l'hôtel incendié, ses restes n'avaient plus que la valeur des matériaux, dont le zèle et le dévouement de M. Habets ont seuls pu tirer encore quelque utilité, quelque parti.

Il faut considérer, en outre, que personne n'aurait voulu les acheter, ainsi que le terrain, aux conditions imposées à ce bienfaiteur d'une des classes les plus dégradées et les plus malheureuses de la société. C'est sur cette considération, messieurs, que j'appelle spécialement toute votre attention bienveillante, parce qu'elle la mérite éminemment.

Voici comment s'exprime, dans son intéressant ouvrage sur la prostitution dans la ville de Paris, M. Parent du Châtelet, membre du conseil de salubrité de cette capitale, membre de l'Académie royale de médecine et médecin de l'hôpital de la Pitié.

Après avoir dit que le préfet de police Anglès et tous ses successeurs honorèrent d'une manière toute particulière la maison de refuge, en lui donnant les secours qui étaient en leur pouvoir et en sollicitant ceux du gouvernement, il rapporte qu'une seule sur six des filles qui y entrent est renvoyée pour cause d'insubordination. « Peut-on voir, ajoute-t-il, un résultat plus satisfaisant et qui parle plus en faveur de la maison ? A Paris, elle a servi de passage entre une vie de désordre et une vie régulière à plus de la moitié des filles qui y sont entrées. Ces malheureuses y ont, pour ainsi dire, réhabilité leur réputation et trouvé par là le moyen de se placer avantageusement. Ce résultat pris en lui-même, indépendamment de toute considération morale et dans la seule vue du bien matériel de ces filles, n'est-il pas assez beau, continue M. Parent du Châtelet, pour mériter notre admiration et nous faire apprécier comme elles le méritent la maison du Bon-Pasteur et la société des dames qui la dirigent ? »

Eh bien, messieurs, à Liège sur 138 filles reçues dans le refuge de M. Habets depuis que la maison existe, une seule a été renvoyée. A Liège, au 31 décembre 1845, sur 82 filles qui ont quitté la maison, on n'en connaît pas trois qui vivent dans le désordre.

A Paris, dit M. Parent du Châtelet, la mortalité est d'une sur dix. A Liège aucune n'est morte depuis la fondation.

Vous voyez que le contact de cette maison n'offre rien de désagréable aux voisins, comme vous l'a dit le préopinant M. Lys, puisque c'est une maison d'ordre et de bien-être et non pas un lieu de désordre, inquiétant pour le quartier.

« Considérons quelle est dans le monde, dit encore M. Parent du Châtelet, la position malheureuse d'une fille qui, renonçant à la prostitution, n'a personne pour l'appuyer d'une simple recommandation, et qui par conséquent ne peut se présenter nulle part. L'esprit ne peut s'accoutumer à une pareille pensée, et nous en sommes pour ainsi dire accablés ; eh bien, c'est à cette classe que l'institution du Bon Pasteur présente un moyen de réhabilitation, et par suite l'inappréciable avantage de se réconcilier avec leur famille et de trouver le moyen de se placer avantageusement.

« De tout ce que j'ai dit précédemment, je tire cette conclusion, que non seulement la maison du Bon Pasteur est utile, mais qu'elle est nécessaire, et que si elle n'existait pas, il faudrait la créer. Je me trouve en cela d'accord avec tous les préfets de police qui, s’étant occupés d'une manière particulière de la répression de la prostitution, ont bien senti les services que leur rendait cet établissement ; ils l'ont considéré comme le complément du bien qu'ils cherchaient à opérer, et c'est pour cela qu'ils se sont empressés chaque fois qu'ils l'ont pu de venir à son secours. »

Hier, messieurs, l'honorable ministre des finances, M. Malou, vous a donné des raisons de chiffres et d'autres raisons d'ordre matériel fort valables pour vous prouver qu'il n'avait pas agi contre l'intérêt financier de l'Etat, en cédant l'emplacement et les débris de l'hôtel provincial de Liège à M. Habets. Moi je pense que les considérations généreuses, les considérations d'ordre moral et de charité, que je vous présente par l'organe d'un homme dont le nom jouit, en France, de l'autorité la plus justement acquise, ne gâtent en rien les calculs, les raisonnements très logiques, de M. le ministre des finances. On me dira peut-être, si ce n'est tout haut, du moins in petto :

« Vous êtes clérical. M. Habets est cure, curé de Ste-Croix, à Liège ; dès lors vous passez l'éponge sur les illégalités d'une mesure prise en faveur de son établissement. Vous êtes suspect ! »

Eh bien, messieurs, je suis clérical, soit, avec beaucoup d'excellents compatriotes, mes amis connus et inconnus.

Mais je puis vous dire hardiment que si, par exemple, nos grandes villes renfermaient, comme certaines cités allemandes, un nombre considérable de juifs et qu'un grand ou un simple rabbin procurât à des filles israélites, précédemment livrées à la prostitution, un asile qui les ramenât à la vie (page 565) honnête et pure, je faciliterais, autant qu'il serait en mon pouvoir, l'exécution d'une si belle œuvre ; que si un grand ou petit Orient l'entreprenait, il aurait de même tout mon appui.

Oui, messieurs, si l'Alliance, la Loge, le Trou même qui morigènent si parfaitement ceux qui se mettent dans leur dépendance, s'avisaient de morigéner pacifiquement, d'héberger, de ramener à une bonne conduite une portion notable des filles qui divaguent le soir dans les rues de Bruxelles, et de leur donner le moyen de vivre autrement, je ne combattrais pas à outrance le ministre qui leur aurait, par des motifs raisonnables d'ailleurs, facilité l'acquisition d'un local pour un tel but, et qui viendrait ici, bien entendu, ainsi que la loi l'exige, soumettre à ma sanction, comme représentant, une irrégularité pour la régulariser selon ses intentions primitives indiquées dans le marché même. Je régulariserais la mesure, je me garderais de compromettre l'établissement nécessaire, selon M. Parent du Châtelet, je me garderais d'entraver l'institution digne de la sympathie des cœurs libéraux, c'est-à-dire, des cœurs portés à soutenir tout ce qui est bon, noble et généreux.

Si MM. les ministres de l'intérieur et des finances ont éprouvé l'influence de ce sentiment, je ne saurais leur en vouloir ; et les trouvant d'ailleurs parfaitement soumis à la légalité constitutionnelle par la démarche qu'ils font aujourd'hui, je leur accorde avec plaisir la ratification qu'ils sollicitent.

M. Rogier. - Messieurs, pas plus que l'honorable préopinant, je ne veux aborder cette discussion avec des arguments de procureur ; pas plus que lui, je ne veux concourir à l'abolition d'un établissement dont je prise autant que lui l'utilité et que, pour ma part, je vois avec plaisir encouragé par le gouvernement. Quant à l'utilité de l'établissement, je pense que nous sommes tous d'accord dans cette enceinte, aussi bien ceux qui voient avec satisfaction se multiplier les couvents dans le pays que ceux qui ne voient pas sans quelque crainte les couvents se propager avec une certaine exagération.

L'institution dont il s'agit a ce caractère particulier, qu'elle rend des services à la société, qu'elle a pour objet d'enlever au vice des femmes malheureuses, pour tâcher à les rendre à une meilleure vie.

Ce but, nous en apprécions la portée aussi bien que l'honorable préopinant. Mais cet intérêt n'était pas le seul en question. Il y en a d'autres encore dans le débat. Il y a l'intérêt public, il y a l'intérêt d'une grande ville, d'une grande communauté, et il y a enfin l'intérêt d'un couvent, l'intérêt d'une petite communauté. La manière dont a agi le gouvernement dans cette circonstance a été précisément contraire aux intérêts qu'il aurait dû d'abord défendre et favorable à ceux qui devaient venir en dernière ligne. On a sacrifié l'intérêt public, je veux dire l'intérêt du trésor, l'intérêt de la grande communauté, je veux dire de la ville, à l'intérêt de la petite communauté, je veux dire à l'intérêt du couvent.

El pour cela, on a commis une illégalité, extrémité toujours fâcheuse, à laquelle on ne doit recourir que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, quand il y a un grand dommage à éviter ou un grand bénéfice à faire. Quant au grand bénéfice à faire, personne ne contestera que, loin de faire un bénéfice, il y ait eu dans cet arrangement de la main à la main une perte, et une perte réelle pour le trésor. Cette perte, si on compare le prix de la cession au prix nouveau offert par un particulier, cette perte serait de 10,000 fr. Mais nous ne savons pas encore quelle est la valeur réelle de la propriété.

Une adjudication publique peut seule nous l'apprendre, elle peut porter le prix de 100,000 fr., qu'on offre aujourd'hui à 120 ou 130,000 fr.

On ne peut donc invoquer, en faveur de la vente illégale, l'intérêt du trésor ; au contraire, il a été lésé. Y avait-il un grand dommage à éviter ? Pas davantage. Quelle urgence y avait-il de vendre sans publicité ni concurrence une propriété de cette importance ? Il fallait, dit-on, démolir immédiatement le palais ; par suite le déguerpissement des femmes qui l'habitaient devenait nécessaire. Cette nécessité de démolir immédiatement n'est nullement démontrée ; elle existait si peu que le palais est jusqu'ici resté intact, et qu'aucun intérêt grave n'a été lésé.

Le palais n'a pas été démoli, et Dieu en soit loué ! car par suite de la précipitation avec laquelle on agissait, ce beau monument que tout le pays a à cœur de conserver, pour lequel la ville de Liège s'est si vivement émue, ce beau monument a couru grand risque de subir, au lieu d'une réparation, une véritable dévastation.

M. le ministre de l'intérieur s'est ému à la suite de la ville de Liège ; il a jugé la question assez importante, pour se rendre sur les lieux et il a ordonné de surseoir à l'exécution des travaux.

Au point de vue de l'art, le monument n'en a pas moins couru de grands dangers. Ce n'est pas que je veuille attaquer l'architecte chargé de dresser le premier plan ; ce plan n'était peut-être pas définitivement arrêté dans son esprit. Je ne veux donc pas l'accuser ; je sais qu'il a fait des travaux importants dans le pays. Peut-être a-t-il le défaut de vouloir aller un peu vite, tandis que d'autres pèchent par le défaut contraire. Quoiqu'il en soit, les plans primitifs ont été soumis à une révision, et leur exécution d'urgence eût été une véritable imprudence.

Les motifs d'urgence qu'on a fait valoir pour excuser la cession illégale ne sont donc pas admissibles. J'aurais mieux aimé, pour ma part, puisqu'on a parlé de franchise, et sans vouloir prodiguer ce beau mot dont on fait abus, j'aurais mieux aimé que M. le ministre des finances vînt dire : « Il a convenu au gouvernement de céder de la main à la main un domaine public pour une institution privée, parce qu'il l'a cru utile par les considérations morales que l'honorable M. de Mérode a si bien fait valoir, » j'aurais mieux aimé cela que le genre de défense que M. le ministre des finances s'est efforcé de présenter hier.

Messieurs, j'ai dit que l'intérêt du trésor n'avait pas seul été négligé dans celle circonstance, que l'intérêt d'une cité importante avait également été perdu de vue.

Il faut connaître la situation des lieux, il faut connaître le quartier de l'ouest, pour savoir de quelle importance doit être aux yeux des habitants le terrain aliéné. M. le ministre des finances a habité Liège, il doit connaître aussi bien que moi l'importance de cet emplacement. Ce terrain ne présente pas moins qu'une étendue de 4,285 mètres carrés ; et cette enclave se trouve au milieu d'un quartier déjà très populeux, très resserré, très fréquenté, au milieu d'un quartier où le besoin de communications nouvelles se fait fortement sentir, au milieu d'un quartier où très peu de travaux publics ont été exécutés par la ville qui en a exécuté beaucoup.

Eh bien, messieurs, une telle enclave au milieu d'un quartier ainsi constitué est déjà un événement grave. Aussi lorsqu'il s'est agi d'aliéner et d'immobiliser ce terrain entre les mains d'un établissement privé, ce quartier s'est ému, la ville de Liège s'est émue. Je le crois sans peine. M. le ministre dit que l'émotion de la ville de Liège a été tardive. La question n'est pas de savoir si la ville de Liège s'est émue tardivement ou non, mais si elle s'est émue tardivement ne doit-on pas penser que c'est parce qu'elle a été informée tardivement, que cette affaire s'est passée sans aucune espèce de publicité ? Le directeur des domaines, lui-même, déclare qu'il est demeuré entièrement étranger à toute cette affaire, « N'ayant pas eu à m'occuper de cette affaire, et y étant resté complétement étranger, je ne puis vous donner aucun renseignement, » dit M. Burnay, dans une lettre adressée à M. le ministre, des finances qui se trouve dans les annexes produites par M. le ministre.

Ainsi donc, ce qui était ignoré du directeur des domaines pouvait bien l'être des conseillers de la ville de Liège.

Le conseil communal, dit M. le ministre, n'a pas voulu intervenir comme acquéreur. Ceci mérite une explication. Il ne faut pas, messieurs, dénaturer le sens des délibérations du conseil communal de Liège. Le conseil a été unanime sur deux points : 1° Il a reconnu, j'avoue que ceci n'est pas de sa compétence, mais à titre de renseignement cette opinion n'est pas sans utilité, il a reconnu qu'il y avait eu lésion pour le trésor, et 2° il a reconnu aussi qu'il y avait convenance pour la ville à ne pas être dessaisie d'un pareil terrain. Le conseil a été unanime encore à cet égard, et je le comprends ; ceux qui connaissent la ville le comprendront comme moi. Le conseil n'a été divisé que sur la destination à donner au terrain. Les uns voulaient qu'il reçût une destination immédiate, qu'il y fût établi une école primaire supérieure, les autres voulaient réserver la question de destination ; mais tous étaient d'accord sur la convenance de retenir ce terrain dans le domaine communal.

Ceux qui voulaient une destination immédiate ont repoussé la proposition de ceux qui ne voulaient pas que la destination fût déterminée. Ceux-ci à leur tour ont repoussé la proposition de leurs collègues. Il y a eu, par suite, partage de voix. Mais au fond les membres du conseil communal étaient d'accord sur la convenance d'acquérir.

Pour moi, je comprends tout l’intérêt que la ville de Liége porte à cette affaire. Si j'avais l'honneur d'être bourgmestre ou conseiller communal de cette ville, j'avoue que je ne dormirais pas tranquille devant les conséquences d'une telle aliénation. J'avoue que la perspective de voir une pareille enclave, au beau milieu d'un des quartiers les plus fréquentés, remise aux mains d'une corporation ne me sourirait pas beaucoup.

Si le gouvernement provincial avait continué d'occuper cet emplacement, il aurait bien fallu que la ville se résignât. Mais ces terrains étant à vendre, il était naturel que la ville saisit cette occasion d'améliorer un quartier qui avait besoin d'améliorations. L'important pour la ville, c'était d'être en possession de ces terrains. Quant à la destination, elle aurait pu se décider plus tard ; et, Dieu merci, l'on n'en était pas embarrassé. On pouvait y ouvrir une communication nouvelle, y établir une école, un marché, une place ou telle autre institution d'utilité publique. Je ne suis pas initié dans les vues de l'administration de Liège. Mais nous savons avec quelle rapidité nos villes s'agrandissent et se peuplent, nous savons qu'en dix ans la face d'une ville peut entièrement changer. Il est nécessaire qu'une administration, un peu soucieuse de l'avenir, prenne ses précautions pour les besoins de l'avenir.

On dira peut-être que la ville de Liège a déjà fait beaucoup de dépenses, que l'acquisition de ces terrains l'entraînerait dans des dépenses nouvelles. Oui, Liège a fait beaucoup de dépenses pour améliorer sa situation. On les a critiquées. Pour ma part, je suis loin de l'en blâmer, si tant est que les travaux aient tous été conduits avec la prudence convenable, toute la question est de savoir si la dépense dont il s'agit aujourd'hui serait utile ; or, l'utilité de cette dépense ne peut être contestée par personne. La ville de Liège pourrait, après avoir fait l'acquisition des terrains, en revendre une partie, et se procurer ainsi des ressources tout en créant un établissement public et une communication nouvelle.

Je ne sais pas d'ailleurs pourquoi le gouvernement n'aurait pas accordé à la ville de Liége certaines facilités de payement, alors que ces facilités ont été accordées à une communauté religieuse. Cette communauté s'est engagée à payer en cinq termes égaux ; on pouvait accorder la même facilité à la ville de Liège. Si même il y avait lieu à procéder à l'adjudication publique, pour que toutes les conditions fussent égales, je crois que M. le ministre pourrait insérer la clause, relative aux termes de payement. Cela ne pourrait que rendre l'acquisition plus facile.

M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est de droit dans toutes les ventes.

M. Rogier. - J'engage le gouvernement, tout en étant juste pour tout le monde, à ne pas perdre de vue les intérêts des villes et les intérêts (page 566) des grandes villes. Lorsqu'en aliénant une partie du domaine, le gouvernement peut concilier cet acte avec les intérêts d'une grande ville, loin de repousser cette occasion, il doit la saisir avec empressement.

M. le ministre est venu nous dire qu'il n'était pas demeuré indifférent aux intérêts de la ville de Liège, qu'il avait introduit dans son marché de la main à la main avec M. Habets une clause d'après laquelle M. Habets serait obligé de céder à la ville, à dire d'experts, tout ce qui lui serait nécessaire pour ouvrir une communication nouvelle. Que lui a valu cette grande sollicitude pour les intérêts de Liège ? Il n'en a pas reçu, dit-il, de remerciements. Mais M. le ministre devrait convenir que l'effort n'a pas été grand de sa part ; la loi d'expropriation pour cause d'utilité publique dispensait M. le ministre de sa réserve en faveur de la ville de Liège, et si M. le ministre n'a rien fait de plus, je ne vois pas en quoi cette ville lui devrait de la reconnaissance.

On a parlé des finances de la ville. On a dit qu'elle n'était pas en situation d'acquérir le local. La même question, on pourrait la poser avec beaucoup plus de raison pour l'établissement auquel on a cédé les terrains. Le ministère s'est-il enquis de la situation financière de cet établissement ? D'après les documents que M. le ministre de la justice a bien voulu me communiquer, la situation financière de cet établissement n'est pas brillante.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Ce n'est pas l'établissement qui est acquéreur.

M. Rogier. - C'est pour lui que l'acquisition est faite.

M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est une erreur !

M. Rogier. - Il ne faut pas dissimuler les faits. Il est évident que M. Habets agissait pour le compte de cette association. Eh bien, la situation de l'association n'est pas brillante, son budget est en déficit.

Ses dépenses étaient pour 1844 de 10,907 fr.

Ses ressources de 10,414 fr.

Déficit, 493 fr.

Et parmi ses ressources figurent 2,000 fr. subside de l'Etat, et 1,000 fr. subside de la province.

Parmi les dépenses de l'association figure une somme de 106 fr. pour loyer du local qu'elle occupait au palais de Liège.

Si cette association avait-il payer les intérêts du capital d'acquisition et des frais d'appropriation, qui pourront s'élever ensemble à 130,000 fr., je demande où elle trouvera de quoi faire face à ces dépenses.

Il me semble qu'eu égard au but de l'association, et à ses ressources, on devrait procéder plus modestement ; pour une population moyenne de 53 filles par an, et même pour une population plus forte, n'est-ce pas occuper un emplacement beaucoup trop considérable ? Ne pouvait-on pas trouver dans une autre partie de Liège une maison qui coûtât un peu moins ? N'est-il pas à craindre que les dépenses qu'on devra faire pour payer les frais d'acquisition et d'appropriation ne nuisent à l'établissement lui-même et ne paralysent les intentions qu'on prête à ses fondateurs ?

En résumé, je ne puis donner mon approbation au projet de loi, parce qu'il tend à consacrer une grave irrégularité commise sans nécessité ; en second lieu, parce qu'il y a eu dans l'acte passé lésion pour le trésor ; et en troisième lieu, parce qu'en annulant ce qui a été fait, l'occasion s'offrira peut-être à la ville de Liège d'échapper à un état de choses dommageable qui, s'il devient définitif, pourrait lui donner de longs et amers regrets.

Qu'on procède à une adjudication publique, tous les intérêts pourront s'y produire.

Quant au local aujourd'hui occupé par les filles repenties, si à la suite d'une adjudication publique elles doivent en sortir, qu'on prenne certaines précautions, qu'on stipule le délai qu'on jugera convenable en faveur des occupants.

S'il y a adjudication publique, que M. Habets se porte acquéreur, qu'il devienne acquéreur régulier, sans privilège, avec publicité. Alors nous, n'aurons plus rien à dire. Seulement, dans l'intérêt de la ville de Liège, il nous restera à regretter sincèrement que l'acquisition lui échappe.

Que l'on fasse une adjudication publique, messieurs, et l'on n'aura pas contribué à entretenir dans le public cette idée que, pour favoriser telle corporation religieuse, on a fait brèche à la fois à la loi, au trésor et aux intérêts d'une populeuse et importante cité.

Je finirai, messieurs, comme j'ai commencé ; et ce n'est pas ici une concession de complaisance que je fais. L'établissement qu'on a favorisé par un marché onéreux et illégal, mérite qu'on s'y intéresse. Nous ne désirons pas son abolition ; loin de là ; nous procédons par des voies plus généreuses.

Que cet établissement subsiste donc, et on ne fera croire à personne qu'un pareil établissement ne pourra pas se transporter partout ailleurs. Du reste si cet établissement a des ressources que son budget n'indique pas, qu'il se présente à l'adjudication publique, qu'il se porte acquéreur. Alors tout rentrera dans l'ordre.

Je ne voudrais pas qu'on soulevât à cette occasion une question de politique, une question de partis.

Mais enfin, au point de vue qui nous divise aujourd'hui, je dis qu'il y a des inconvénients pour l'Etat et du danger pour tous à procéder comme on l'a fait. Que reproche-t-on, messieurs, au gouvernement ? Que lui a-t-on souvent reproché ? C'est de ne pas savoir maintenir son autorité parfaitement indépendante vis à-vis de l'autorité religieuse, c'est de lui faire trop de concessions, c'est de favoriser peut-être outre mesure des établissements qui pourraient fort bien vivre et prospérer par le seul fait de la liberté que la Constitution leur donne.

Voilà, messieurs, les considérations sur lesquelles j'appelle votre attention. Si le projet de loi n'est pas ratifié, l'établissement ne court pas pour cela danger de mort. Si, au contraire, il est ratifié, il est à craindre que ce vote, dans les circonstances où il se produit, ne soit sévèrement jugé.

En présence de ces considérations, je crois que la chambre, que la majorité de la chambre, aurait tort de s'associer à l'acte illégal qui a été posé par le M. ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, dans le cours des observations qu'il vient de vous soumettre, l'honorable préopinant a bien voulu me donner un conseil sur la nature des considérations que j'aurais dù faire valoir devant cette chambre. J'aurais dû, selon lui, me fonder exclusivement sur les considérations morales, invoquées tout à l'heure, avec tant de vérité, par l'honorable comte de Mérode.

Messieurs, je ne connais qu'une manière de traiter les affaires parlementaires, c'est de venir exposer les faits tels qu'ils sont, c'est d'assigner aux actes du gouvernement les motifs qui l'ont réellement dirigé.

Je ne plaide pas ici une cause ; je ne cherche pas quels sont les meilleurs arguments. Je vous apporte la vérité, la vérité tout entière.

Les considérations d'utilité de l'établissement, dirigé par M. Habets ont eu sur mon esprit, lorsque j'ai posé cet acte, très peu, presque pas d'influence. C'est la vérité ; je la dis.

J'ai voulu, messieurs, j'ai exclusivement voulu qu'il fût possible de donner suite à votre résolution, de procéder, sans plus de retard, à la restauration du monument dont Liège s'enorgueillit à juste titre.

Il n'y avait pas urgence, dit-on... Il n'y avait pas urgence, messieurs, quand depuis cinq mois on s'épuisait en efforts pour trouver d'autres locaux, quand le gouverneur ad intérim, M. Scronx, disait que si l'on ne faisait pas immédiatement évacuer le palais des princes-évêques, les travaux seraient indéfiniment ajournés ! Il n'y avait pas urgence, quand nous devions laisser passer l'hiver sur les débris de l'hôtel incendié, quand nous devions nécessairement le laisser se déprécier encore !

L'acte qui a été posé, messieurs, est apprécié, par l'honorable préopinant, d'après les faits qui l'ont suivi. Nous nous sommes toujours préoccupes de l'exécution à donner à la loi du 18 mai, de l'exécution du plan sur le vu duquel la section centrale avait délibéré. Il est survenu un incident ; des obstacles ont surgi ; ce plan a été remis en question, et à l'heure qu'il est, l'exécution n'en est pas commencée. Mais qu'importe encore une fois l'appréciation de l'acte ? Ce sont les motifs de cet acte, à l'époque où nous l'avons posé, qu'il faut voir, et non pas les faits postérieurs, dont nous ne pouvons évidemment pas être responsables.

Cette recherche de locaux qui puissent servir à la fois, non pas seulement à l'institution des filles repenties, mais à la prison des femmes (c'est ce que l'honorable membre perd complétement de vue), cette recherche avait été faite. Nous avions épuisé tous les efforts. Nous avions notamment cherché à obtenir la disposition partielle du seul local qui était reconnu convenir à cette double destination. Trois fois des commissaires délégués par les ministres de l'intérieur et de la justice, s'étaient rendus à Liège, y avaient eu des conférences, s'étaient abouchés notamment avec M. Scronx, alors gouverneur ad intérim, et l'on n'avait pas réussi. C'est en présence de tous ces faits qui sont démontrés par les pièces que je vous ai soumises, que l'on dit encore aujourd'hui qu'il n'y avait pas urgence, qu'il y avait d'autres locaux, que c'est sans motif que le gouvernement a posé cet acte. (Interruption.)

On me dit : Il fallait approprier le local vendu ; et je remercie l'orateur de l'interruption. Hier, en effet, j'ai négligé de rencontrer une des observations qui se trouvent dans le rapport de la commission.

Il aurait fallu restaurer ces ruines, les approprier à l'institution de M. Habets et à la prison des femmes. Mais qu'aurait-on dit alors avec raison ? On aurait dit avec raison que nous avions excédé nos pouvoirs, que nous avions fait des dépenses sans que les fonds fussent votés. Il y a plus, c'est alors qu'aurait eu son application toute la dernière partie du discours que vient de prononcer l'honorable M. Rogier ; nous aurions rendu impossibles ces travaux qu'il regrette de n'avoir pas vu exécuter. Nous faisions donc une chose irrégulière ; nous la faisions en dehors même des termes de la loi que vous aviez votée ; et nous avons cru qu'il valait mieux exécuter cette loi, l'exécuter simultanément dans deux de ses parties, c'est-à-dire dans les travaux à faire au palais des princes-évêques et dans la vente qui avait été décrétée en principe par cette loi.

L'honorable préopinant, et l'honorable M. Lys avant lui, disent que c'est un antécédent funeste, une grave irrégularité. Mais, messieurs, cette discussion qui vous occupe depuis hier, n'est-elle pas un avertissement ? Est-ce que dans la nécessité de soumettre des actes de cette nature à votre ratification, ne se trouve pas une limite, une garantie naturelle qui doit les rendre très rares et faire hésiter le gouvernement, lorsqu'il n'y a pas de motifs impérieux de les poser ?

L'honorable M. Rogier a soumis à la chambre un grand nombre de considérations, dont je ne doute pas que le conseil communal de Liège, dans l'amélioration future de cette ville, ne puisse tirer le plus grand profit. Seulement, messieurs, je rappellerai les faits. Lorsqu'il s'est agi, au conseil communal de Liège, de ces terrains, il a paru attacher à certaines améliorations une importance très secondaire. Ainsi, par exemple, à la page 21 des annexes vous trouvez la lettre du bourgmestre relative à la cession gratuite de 900 mètres carrés de terrains, et on y lit : « Or, M. Habets n'entend pas ainsi les choses, et il veut être payé par la ville de tout le terrain et des constructions qu'il s'agirait de céder. Il résulterait de là, M. le gouverneur, que cette rue, dont l’élargissement exige en outre l'acquisition d'une usine, coûterait à la ville un prix énorme et qui serait peut-être hors de proportion avec l'utilité qu'elle en retirera. » Vous voyez donc, messieurs, qu'ici l'on invoquait comme motifs de la cession gratuite à faire par M. Habets à la ville, la grande dépense qu'elle aurait eu à faire pour élargir la rue, dépense qui aurait pu être hors de proportion avec l'utilité de cette communication.

(page 567) Je ne m'arrête pas plus longtemps, messieurs, à ce point, parce que la ville de Liège, ayant trois fois délibéré sur cet intérêt, n'est arrivée à rien. Il semblerait, messieurs, qu'il s'agit d'un territoire considérable. Or, il s'agit d'un demi-hectare, à peu près la surface de la moitié de la place Royale.

M. Rogier. - Dans un quartier très resserré.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Vous dites : dans un quartier très resserré. J'avais apporté hier avec moi le plan de la ville de Liège ; je vais le faire prendre. Vous verrez que, s'il y a une certaine agglomération d'un côté, il n'y a que des jardins de l'autre. Ainsi ce n'est pas dans un quartier très resserré.

M. de Theux. - La ville ne veut pas acquérir cette propriété.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, si le conseil communal attachait une si grande importance à cette question, rien ne lui était plus facile que de la résoudre : il s'agissait seulement de m'offrir, par exemple, 150,000 fr. ; j'aurais été beaucoup plus touché de cette offre que des longues discussions qui ont eu lieu. « L'important, pour la ville, dit l'honorable membre, était de se saisir de ce terrain. » Eh bien, messieurs, lorsqu'il s'est agi pour elle de s'en saisir, elle ne l'a pas voulu.

Je m'arrêterai peu aussi, messieurs, à toute cette partie de la discussion qui tend à faire supposer que la vente a été faite à une association. Non, messieurs, la vente a été faite à M. l'abbé Habets ; elle a été faite aux conditions ordinaires ; on a stipulé, comme on le fait dans les autres ventes de propriétés domaniales, que le prix d'achat serait payé par cinquièmes et que les quatre derniers cinquièmes porteraient intérêt jusqu'au jour où ils seraient acquittés.

L'honorable M. Rogier a manifesté des inquiétudes sur l'état financier de l'association ; mais il ne s'agit pas d'une association, et d'ailleurs lorsque le domaine vend, il a le privilège du vendeur jusqu'à ce qu'il soit payé ; il ne s'inquiète pas trop de la solvabilité de l'acquéreur parce que la chose vendue répond du prix de vente.

On a tort, messieurs, de considérer comme indéfiniment ajournée cette grande combinaison destinée à améliorer la voirie dans Liège. L'honorable membre lui-même reconnaît que l'expropriation est toujours possible, et en effet cette expropriation, nous la voyons faire, ici à Bruxelles, sous nos yeux. Quel que soit le propriétaire, il est soumis à cette loi commune de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Seulement, et c'est là le sens de la réserve que j'ai faite, sens que l'on méconnaît, seulement, dis-je, lorsque la ville de Liège voudra élargir la rue des Bons-Enfants, grâce à la stipulation que j'ai eu soin de faire insérer dans le centrât, elle n'aura pas à soutenir un procès ; si elle ne peut s'entendre avec M. Habets, il lui suffira de faire faire une simple expertise.

Or, il est prouvé que très souvent, lorsqu'on agit au nom de l'utilité publique on doit subir des conditions beaucoup plus onéreuses que celles auxquelles on serait soumis à la suite d'une expertise stipulée dans un contrat. Je ne pouvais faire plus ; on eût voulu m'entraîner au-delà ; mais je m'y suis refusé parce que c'eût été contraire à la loyauté, à la foi due au contrat que j'avais signé.

Quelques mots encore, messieurs, sur la valeur réelle qu'avait l'immeuble au moment de la vente.

L'honorable M. Lys, parcourant, une à une, toutes les pièces que j'ai mises sous les yeux de la chambre, l'honorable M. Lys m'a demandé à quoi cette publication avait servi.

Eh, messieurs, la discussion prouve à quoi cette publication a servi : elle a servi de base aux observations que j'ai faites hier ; elle m'a permis d'abréger ces observations, qui ont déjà été assez longues. Elle a servi encore à l'honorable membre, qui y a trouvé plusieurs arguments. Enfin, elle a servi à faire connaître tous les détails de la conduite du gouvernement dans cette affaire. La publication de l'expertise, je l'ai faite pour ne pas laisser de lacune dans l'ordre des pièces et aussi parce que c'est en se méprenant sur le sens de l'expertise, que la commission a estimé à 94,500 francs la valeur des terrains et bâtiments de l'ancien gouvernement provincial, tels qu'ils existaient au mois d'octobre dernier.

Messieurs, je discuterai en quelques mots la manière dont on doit procéder après un sinistre ; il est évident que l'intérêt en vue duquel les experts sont nommés, est exclusivement l'évaluation du dommage. Il n'y a de contestation possible que sur ce point. Faut-il suivre tel ou tel mode pour arriver à cette évaluation ? C'est une question tout à fait en dehors du débat actuel, où il s'agit seulement de savoir quelle était, non pas le montant du dommage, mais la valeur de ce qui avait été épargné par l'incendie, et de savoir si cette valeur a pu être appréciée par les experts. Je suppose, messieurs, que la députation permanente n'eût pas réduit le capital assuré, comme elle l'avait fait, de 180,000 à 150,000 francs, que l'expertise eût dû se faire sur le vu d'une police d'assurance portant sur un capital de 180,000 francs : les experts auraient sans doute déclaré (car c'était là leur seule mission) que le dommage causé s'élevait à 60,000 francs ; eh bien, messieurs, d'après la commission, on aurait conclu de là que ce qui restait des bâtiments avait une valeur, non pas de 94,500 fr., mais de 120,000 fr.

Vous voyez, messieurs, par toutes les pièces que vous avez sous les yeux, que les experts ne se préoccupent pas le moins du monde de la valeur des débris du bâtiment, chose dont ils n'avaient pas à s'inquiéter. Ainsi qu'ont-ils décidé ? Ils ont décidé qu'au moyen d'une somme de 6,000 francs, on pouvait réparer le dommage, c'est-à-dire rétablir l'hôtel dans son état antérieur à l'incendie. J'admets pleinement cette décision des experts, mais je demande que l'on me montre un seul passage dont il résulte que, dans l'opinion des experts, ce qui restait des constructions avait, en tout état de cause, une valeur de 94,500 fr.

M. Delfosse. - Cela est dit dans l'expertise.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Où donc ?

M. Delfosse. - Les experts ne se sont pas bornés à évaluer le dommage, ils ont aussi évalué les constructions restées debout ; cela résulte du passage dont je vais donner lecture. (Voir les documents que M. le ministre des finances a fait imprimer, page 6, lettre C.)

« Les soussignés ont reconnu après un mûr examen et avoir mesuré et examiné tout l'édifice... » Faites bien attention à ces mots, messieurs, « après un mûr examen et avoir mesuré et examiné tout l'édifice » !

« 1° Que la valeur du bâtiment susdit avec appendances et dépendances, murs de clôture, grille, etc., le tout étant considéré comme neuf, s'élève à la somme de 74,900 fr. dans laquelle somme sont compris les fondations pour 12,696 fr., les murs de clôture pour 2,500 fr., les portes cochères et le grillage pour 5,400 fr.

« 2° Que la valeur vénale de ce bâtiment avant l'incendie se réduisait à 155,000 fr.

« 3° Que la reconstruction à neuf des parties détruites ou dégradées par l'incendie donnera lieu à une dépense de 60,150 fr. »

Il résulte évidemment de ce passage, que, dans l'opinion des experts, opinion qui s'est formée à la suite d'un mûr examen, et sur la valeur des bâtiments considérés comme neufs et sur leur valeur avant l'incendie, il en résulte, dis-je, que, dans leur opinion, les parties restées debout avaient une valeur d'environ 50,000 fr.

M. Cluysenaar, dont M. le ministre des finances invoque l'autorité, reconnaît lui-même que telle a été l'opinion des experts, dans le premier paragraphe du littera B.

M. le ministre des finances (M. Malou). - J'avais également sous les yeux cette partie de l'expertise, qui confirme précisément ce que je dis. Les experts déclarent en effet :

« 1° Que la valeur du bâtiment susdit avec appendances et dépendances, murs de clôture, grille, etc., le tout étant considéré comme neuf, s'élève à la somme de cent soixante et quatorze mille neuf cents francs, dans laquelle somme sont compris, les fondations pour douze mille six cent quatre-vingt-seize francs, les murs de clôture pour deux mille cinq cents francs, les portes cochères et le grillage pour cinq mille quatre cents francs ;

« 2° Que la valeur vénale de ce bâtiment avant l'incendie se réduisait à cent cinquante-cinq mille francs ;

« 3° Que la reconstruction à neuf des parties détruites ou dégradées par l'incendie donnera lieu à une dépense de soixante mille cent cinquante francs. »

La commission conclut de là que, d'après la décision des experts, ce qui restait des bâtiments valait 94,500 francs, alors même que la propriété eût été vendue comme terrain à bâtir. C'est là une induction illogique, je n'hésite pas à le dire ; tirer cette induction de l'expertise, c'est ajouter à la pensée des experts une pensée qu'ils n'ont pas exprimée et qui ne résulte pas de celle qu'ils ont exprimée.

M. Delfosse. - M. Cluysenaar, dont vous invoquez le témoignage, comprend comme nous l'opinion des experts. Veuillez lire le premier paragraphe de la note de M. Cluysenaar.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Alors il faudrait lire aussi la suite de cette note, et je n'en vois réellement pas l'utilité.

Messieurs, je résume en peu de mots l'état de la question. Le gouvernement, d'après les faits que je vous ai expliqués dans tous leurs détails, a-t-il eu un motif grave, impérieux, pour conclure cette vente ? Le prix qu'il a obtenu de l'immeuble vendu, est-il en rapport avec la valeur que cet immeuble avait au mois d'octobre ? Tels sont, messieurs, les deux points qui dominent tout le débat, et je crois que, d'après la discussion qui a eu lieu, la solution de ces deux points ne saurait être un seul instant douteuse.

M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai lu attentivement le rapport de la commission et il m'a semblé qu'il n'y avait pas d'objection sérieuse à faire contre l'opinion qui y est développée. Tous les moyens qui se trouvent groupés dans ce rapport, sont restés debout et M. le ministre des finances vient de nous donner la preuve non équivoque de l'impuissance où il se trouve, de répondre aux arguments de la commission, car sur l'observation qui lui a été faite par le rapporteur, il s'est tu et il a reconnu ainsi que le fait signalé par lui était inexact.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Non ! non !

M. Verhaegen. - Il s'agissait de l'opinion de M. Cluysenaar que M. le ministre avait invoquée ; M. Delfosse lui fait à cet égard une observation, et M. le ministre se résume, se rassied et ne répond pas un seul mot à l'observation de M. Delfosse.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Voulez-vous lire les deux premiers paragraphes de la note de M. Cluysenaar ?

M. Verhaegen. - Je ne signale qu'un fait, c'est que le rapporteur de la commission a dit à M. le ministre : « Vous êtes dans l'erreur sur tel et tel point, » et que M. le ministre s'est rassis à l'instant même, sans répondre un seul mot à l'observation du rapporteur.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Voulez-vous me permettre... ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

M. le président. - On ne peut pas interrompre un orateur pour une motion d'ordre.

M. Verhaegen. - Je n'en dirai pas davantage sur ce point. M. le rapporteur de la commission vous démontrera, messieurs, que dans la réalité M. le ministre était dans l'erreur.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je réclame de votre (page 568) impartialité que vous lisiez les deux premiers paragraphes de la note de M. Cluysenaar.

M. Verhaegen. - Messieurs, je le répète, j'ai lu le rapport de la commission, et les raisons qui y sont exposées, me paraissent irréfutables. Il y a eu, on doit en convenir, violation flagrante de la loi : il n'est pas plus permis à un gouvernement de vendre des domaines sans l'autorisation de la législature, qu'il n'est permis à un tuteur de vendre les biens d'un mineur sans les formalités prescrites par le code civil ; ce n'est pas même une question de lésion qu'il s'agit d'examiner, mais une question de validité du contrat ; et cette dernière question est subordonnée à celle de savoir si le gouvernement avait oui ou non le droit de vendre de la main à la main.

Pour la solution d'une question aussi simple, pourquoi donc, encore une fois, faire un appel à l'esprit de parti ? Pourquoi venir réveiller d'anciennes querelles ? Etait-il nécessaire que M. le comte de Mérode vînt poser de nouveau devant vous la question religieuse ? Personne ne s'était avisé de voir, dans la discussion actuelle, un côté religieux ; mais chaque fois que l'on veut emporter une question d'assaut, on a recours à ce grand moyen : on cherche à soulever les passions.

A en croire l'honorable M. de Mérode, son assentiment aurait été acquis au projet, alors même qu'à la place de telle congrégation, l'affaire eût concerné telle ou telle autre société. Je ne puis pas croire à cette assertion ; toutefois je ne suivrai pas l'honorable membre sur le terrain extra-parlementaire où il s'est placé, je veux rester dans les convenances et je ne répondrai pas à cette partie de son discours.

Je me bornerai à faire remarquer que, quoi qu'en ait dit l'honorable comte, la question est demeurée ce qu'elle était, une question de propriété. En effet, s'il fallait avoir égard aux considérations toutes spéciales qu'a invoquées l'honorable membre et auxquelles M. le ministre des finances a fait aussi allusion, sans en avoir l'air, nous arriverions à cette conséquence, qu'il ne s'agirait en dernière analyse que d'un subside indirect accordé à une congrégation. Si l'établissement est réellement si utile, pourquoi n'a-t-on pas demandé un subside direct ? Pourquoi cette voie détournée ? C'est se mettre à la remorque d'un parti et n'avoir pas le courage de son opinion.

On a voulu accorder à M. Habets, prête-nom d'une congrégation, un avantage, en lui vendant un immeuble à un prix inférieur à celui qu'on eût obtenu, si l'adjudication avait été publique. Voilà le subside indirect. (Non !)

On me dit non ; mais les calculs consignés dans le rapport de la commission n'ont pu être attaqués par aucun des préopinants ; l'évacuation des bâtiments seuls, abstraction faite du terrain, est supérieure de 4,850 fr. au prix d'achat ; cete plus-value des bâtiments, jointe à la totalité de la valeur du terrain, porte à 57,650 fr. l'avantage réel qu'on a accordé à M. Habets.

Quelque utile que put être l'établissement des filles repenties, M. le ministre pouvait-il accorder à cet établissement un subside indirect de 57,050 fr., et le pouvait-il surtout en violant la loi, car M. le ministre convient qu'il a violé la loi ?

Maintenant, quel inconvénient peut présenter l'adjudication publique aux yeux de ceux-là même qui pensent que la vente s'est faite à un prix proportionné à la valeur de l'immeuble ?

L'adjudication publique, en ce cas, ne produira pas davantage. Si, au contraire, le prix de vente a été inférieur à la valeur réelle, il faut alors nécessairement que la plus-value rentre dans les caisses de l'Etat.

Il y avait urgence, vous a-t-on dit. Les bâtiments de l'ancien hôtel du gouvernement ne pouvaient rester dans l'état où ils étaient. Il fallait un nouvel hôtel pour le gouverneur. M. Habets avait un bail à une partie des bâtiments qui allaient faire l'objet des constructions nouvelles ; il était donc nécessaire de s'arranger avec lui.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Et la prison ?

M. Verhaegen. - Et puisqu'il y avait urgence, a-t-on ajouté, il fallait vendre de la main à la main.

Je veux bien admettre qu'il y avait urgence ; mais puisqu'il y avait urgence, je dis, moi, qu'il fallait, non pas vendre de la main à la main, mais vendre publiquement.

On a objecté qu'il y avait un bail à une partie du palais nouveau qu'on destinait au gouverneur ; mais le gouvernement pouvait exproprier ce droit de bail pour cause d'utilité publique. (Exclamations.)

Puisque l'on se récrie, je m'en vais le prouver.

Oui, s'il y avait utilité publique, le gouvernement pouvait exproprier le droit de bail, parce que celui qui peut le plus peut le moins. Celui qui peut exproprier un propriétaire de sa propriété, peut, à plus forte raison, exproprier un locataire de son droit de bail.

Je suppose que, pour une cause d'utilité publique, il faille abattre un certain nombre de maisons. Ainsi, par exemple, à Bruxelles, où l'on a décrété, pour cause d'utilité publique, l’établissement d'une galerie couverte, je suppose qu'au milieu de propriétés particulières à démolir, il se trouve une maison qui appartienne au domaine et qui soit tenue en location par un individu quelconque : eh bien, d'après le système qu'on nous oppose, on pourra exproprier les individus possesseurs des propriétés particulières ; mais le gouvernement devra, dans son propre bâtiment, respecter le droit de bail de l'individu qui tient cette maison en location et sera réduit à l'inaction ! Cela est absurde.

Si, comme il était évident, l'expropriation était possible, il n'y avait aucune nécessité de traiter avec M. Habets ; il n'y avait aucune raison qui pût contraindre le gouvernement à violer la loi. D'ailleurs il est toujours dangereux d'entrer dans une pareille voie. S'il est permis au gouvernement de violer la loi dans tel cas, il sera tenté de le faire dans tel autre cas. Des considérations religieuses ou autres ne peuvent autoriser un pareil abus.

Messieurs, en terminant, je répéterai ce que j'ai dit en commençant : chaque fois que dans cette enceinte on désire un résultat qui ne soit pas entièrement d'accord avec la loi, on jette dans le débat des considérations prétendument religieuses ou morales, au risque de provoquer l'irritation dans la chambre. En effet, si j'avais suivi l'honorable M. de Mérode sur le terrain où il a eu, peut-être, le désir de m'attirer, nul doute que la discussion ne fût devenue aussi orageuse qu'elle l'a été naguère dans des circonstances analogues.

La chambre voudra bien le remarquer, ceux-là qui, en dehors de cette enceinte, ne cessent de prêcher la conciliation, l'union des partis, ne se font jamais faute de réveiller dans le parlement les anciennes querelles, chaque fois qu'ils ont à atteindre un but. Aussi ne serons-nous pas dupes de leur tactique ; nous ne prêterons pas l’oreille à leurs paroles mielleuses. Non, messieurs, vous ne réussirez pas à étouffer l'élan de l'opinion libérale avec vos appels à l'union, à la conciliation ; vous n'y réussirez pas, tant que vos faits ne répondront pas à vos paroles.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L'honorable préopinant a très mal interprété le motif pour lequel je n'ai pas répondu à la dernière des nombreuses interruptions qui me venaient de ce côté. Ce motif est extrêmement simple ; en lisant le paragraphe dont on demandait la lecture, je n'aurais fait que répéter l'argument que je venais de présenter.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« L'évaluation des experts pour la partie restée debout et les débris, s'élève à environ 90,000 fr.

« Cette somme peut être très vraie, du moment qu'il s'agissait de rétablir l'hôtel du gouvernement provincial, tel qu'il était avant l'incendie ; mais du moment que l'on ne donnait plus la même destination aux bâtiments, cette valeur devenait très peu de chose. »

Quand l’interruption m'a été faite, dans quel ordre d'idées avais-je longtemps, trop longtemps peut-être, raisonné ? J'avais dit que si on tirait de l'expertise la conséquence que, sans égard à la destination qu'on donnerait aux bâtiments restés debout de l'ancien palais du gouvernement provincial, ces bâtiments avaient une valeur de 94,000 fr., on tirerait de l'expertise une conséquence qui ne serait pas juste, qui ne serait pas logique ; or, c'est précisément ce que dit le passage qu'on me demandait de lire, et que je viens, en effet, de rappeler.

M. Delfosse. - Lorsque je me suis permis d'interrompre M. le ministre des finances, c'était au moment où il venait de dire que nos experts n'avaient pas eu à se préoccuper et ne s'étaient pas préoccupés de la valeur des parties restées debout. J'ai prouvé par la lecture d'un passage du procès-verbal d'expertise que M. le ministre des finances avait dénaturé les faits. J'ai ajouté que M. Cluysenaar lui-même reconnaissait que les experts s'étaient préoccupés de la valeur des parties restées debout.

En effet, on lit au commencement du littera B 5° :

« L'évaluation des experts pour la partie restée debout et les débris s'élève à environ 90,000 fr. »

M. le ministre vient de me répondre que dans le paragraphe suivant, M. Cluysenaar conteste cette évaluation ; mais de que ce M. Cluysenaar conteste cette évaluation, il ne s'ensuit pas, ce me semble, que l'évaluation n'ait pas été faite, c'est le contraire qui en résulte ; j'ai donc eu raison d'opposer M. Cluysenaar à l'opinion de M. le ministre des finances.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.