(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1638) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)
M. Huveners fait l’appel nominal à midi et quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est approuvée.
M. Osy – Messieurs, vous vous rappelez tous la confusion qui a régné à la fin de notre séance d’hier. Plusieurs de mes honorables collègues et moi nous avions demandé que le vote sur l’ensemble fût renvoyé à aujourd’hui. Cependant il a été procédé à ce vote malgré nos réclamations, et cela contrairement au règlement, puisqu’un amendement, celui de l’honorable M. de la Coste, avait été introduit dans le projet.
La confusion a été telle, messieurs, que nous n’avons pas voté sur le paragraphe du projet relatif aux marchés régulateurs. (Oui ! oui !). Je viens de m’en assurer par le procès-verbal ; il y est dit que nous avons voté sur les chiffres proposés par la section centrale pour l’augmentation du droit ; mais il n’est nullement dit que nous ayons voté sur la disposition relative aux marchés régulateurs.
L’amendement de l’honorable M. de la Coste aurait d’ailleurs dû être examiné plus attentivement. Le gouvernement nous a dit qu’il n’avait jamais reçu de réclamations sur le rendement de 78 ; je sais pertinemment que le gouvernement a reçu des réclamations ; je devais même recevoir aujourd’hui une copie de ces réclamations.
Vous voyez donc que tout ce qui s’est fait hier est très-irrégulier, que d’ailleurs la loi n’est pas complète (Oui ! oui !). je propose donc de revenir sur cette loi (Non ! non ! Vives réclamations !).
Je demanderai à M. le secrétaire de donner une nouvelle lecture du procès-verbal. Vous verrez qu’il n’a pas été voté sur la disposition relative aux marchés régulateurs.
M. le président – Je ferai remarquer à M. Osy que le projet de la section centrale ne comprenait qu’un seul article. L’ensemble de cet article a été adopté ; il y a donc eu vote sur le paragraphe relatif aux marchés régulateurs, paragraphe qui n’était pas contesté.
Quant au vote sur l’ensemble de la loi, il a été réclamé par l’assemblée ; j’ai consulté la chambre, et elle a décidé, à une grande majorité, que le vote aurait lieu immédiatement.
Les décisions de la chambre ont donc eu lieu régulièrement et d’une manière conforme au règlement.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je rappelle à la chambre que le projet se composait d’un seul article, que, d’après le règlement, on met aux voix les amendements, et que, les amendements adoptés ou rejetés, on met alors aux voix l’ensemble de l’article. Or, c’est précisément ce qui a été fait hier. On s’est donc conformé exactement à ce que prescrit le règlement.
Quant au vote sur l’ensemble de la loi, on a plus fait que déclarer que l’on voterait immédiatement mais on a passé au fait et on a voté. Et il faudrait maintenant remettre en question si l’on a voulu passer au vote sur (page 1639) sur l’ensemble alors que ce vote a eu lieu ! Cette prétention me paraît tellement déraisonnable qu’il est inutile de la repousser.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ai dit hier que je n’avais pas reçu de réclamations contre le rendement fixé à 78 p.c., tout en reconnaissant que ce rendement était forcé. En effet, messieurs, vous avez reçu vous-mêmes une pétition par laquelle on ne demande autre chose que l’adoption de l’art. 2 tel que le séant l’avait voté.
M. d’Elhoungne – Il y a eu des réclamations.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La chambre de commerce de Gand a fait une réclamation ; d’autres font des réclamations maintenant. J’ai cité ces réclamations et j’irai plus loin ; je dirai que si l’on avait soulevé la question du rendement l’art. 2 n’aurait pas pu être voté. Pourquoi ai-je consenti à ce que le rendement fût maintenu à 78 ? Mais parce que ce rendement était consacré par un vote législatif antérieur, le vote de l’art. 4 de la loi de 1840 ; je voulais la disposition ; j’entendais mieux les intérêts des établissements dont il s’agit, que ceux qui prennent aujourd’hui la parole au nom de ces établissements ; demander un rendement inférieur à celui de la loi de 1840, c’eût été tout compromettre. Voilà pourquoi j’ai consenti à laisser renouveler purement et simplement la disposition de l’art. 4 de la loi de 1840, article qui avait pour lui le précédent d’un vote législatif.
M. Osy – Je demande la parole.
Plusieurs membres – L’ordre du jour ! l’ordre du jour.
M. Osy – Je prouverai…
(L’ordre du jour ! l’ordre du jour !)
M. le président – Je demanderai à M. Osy s’il propose une rectification au procès-verbal.
M. Osy – Si l’on prétend que la chambre a voté sur la disposition relative aux marchés régulateurs, le procès-verbal doit le mentionner ; mais je prouverai que cette disposition n’a pas été mise aux voix. Il y avait, dans l’article de la section centrale, 3 paragraphes ; le premier fixe le droit ; le deuxième est relatif aux marchés régulateurs ; le troisième concerne le seigle ; eh bien, le premier et le dernier de ces paragraphes ont été mis aux voix, mais on a oublié de voter sur le deuxième, qui concerne les marchés régulateurs.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce paragraphe a été voté avec l’ensemble de l’article.
(L’ordre du jour ! l’ordre du jour !)
M. le président – Je crois qu’il n’est pas de la dignité de la chambre de remettre en question un vote qu’elle a régulièrement et solennellement émis.
- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
Le procès-verbal est ensuite approuvé.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Les membres du conseil communal de St-Georges, arrondissement de Waremme, demande l’adoption de la proposition de loi sur les céréales, signée par 21 représentants.
M. Eloy de Burdinne – J’avoue que cette pétition arrive un peu tard. Cependant je demanderai qu’elle soit conservée avec soin, de même que toutes les autres requêtes pour ou contre la proposition dont il s’agit , afin qu’on puisse les examiner lorsqu’on en reviendra à cette proposition.
La chambre ordonne le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
« Les sieurs Vander Elst, ingénieurs civils, demandent que l’on insère au cahier des charges de la concession du chemin de fer de Manage à Mons une clause pour régler l’indemnité qui leur revient du chef des éléments qu’ils ont fournis au tracé de ce chemin de fer. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession dont il s’agit.
« Plusieurs propriétaires de Fouron-le-Comte prient la chambre d’autoriser la concession du chemin de fer de Liége à Maestricht, projeté par MM. Lamarche et Borguet. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Manilius présente le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à allouer au gouvernement un crédit pour les pensions supplémentaires des officiers qui ont servi aux Indes.
M. le rapporteur annonce que la section centrale conclut à l’adoption du projet, et il propose d’en fixer la discussion à la suite des objets qui se trouvent à l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je partage l’avis de l’honorable rapporteur. Puisque la section centrale est d’accord avec le gouvernement il est probable que ce projet ne soulèvera point de discussion. On pourra donc l’examiner à la suite des objets qui se trouvent à l’ordre du jour.
- Cette proposition est mise aux voix et acceptée.
M. de Roo – Messieurs, la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la milice nationale, m’a chargé de vous présenter son rapport. Elle conclut à l’ajournement du projet, par les motifs suivants : En premier lieu, la section centrale a pensé que la loi proposée n’était pas complète ; elle désire une loi plus générale sur la matière ; en second lieu, elle a cru que la même opportunité n’existait plus, quant à la discussion, du projet, attendu que le tirage au sort de cette année a déjà eu lieu. Enfin, elle demande une fusion complète de toutes les lois et dispositions sur la matière. En un mot, elle désire un code complet sur la milice, et comme il est impossible de faire un semblable travail dans la session actuelle, elle propose l’ajournement, espérant que, dans la session prochaine, le gouvernement présentera un projet de loi complet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, on ne peut rien statuer sur le rapport qui vient de vous être présenté, car il y aurait beaucoup à dire sur ces conclusions. Si le gouvernement avait présenté une législation complète, on serait peut-être venu lui dire : « Au lieu de demander l’examen d’une loi aussi étendue, c’est-à-dire l’impossible, vous auriez dû vous borner à faire droit à quelques réclamations reconnues fondées à peu près par tout le monde. » Le gouvernement a pris cette dernière position et l’on demande maintenant une législation générale. Quoiqu’il en soit, je ne veut pas soulever une discussion ; il me suffit de faire la remarque que rien n’est préjugé. Le gouvernement examinera d’ici à la session prochaine s’il doit maintenir le projet ou en présenter un autre.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je voulais faire la même remarque qui vient d’être présentée par M. le ministre de l’intérieur. Je ferai observer en outre que le projet de loi sur la milice a été présenté à l’occasion du projet relatif à l’organisation de l’armée et qu’il contient toutes les dispositions essentiellement militaires ; il eût été très-difficile de traiter, dans cette session, toutes les questions plutôt civiles que militaires, je veux parler, par exemple, de la question du remplacement, de la question des différentes opérations, des conseils de milice, de la question des exemptions et ainsi de suite. Comme j’ai eu l’honneur de le dire, le projet contient la solution des questions militaires ; il est relatif à l’âge du tirage au sort, au nombre d’années de service…
M. le président – Je dois faire observer à M. le ministre de la guerre que nous ne pouvons pas discuter maintenant cette question. Si l’on veut discuter le rapport, il faut le mettre à l’ordre du jour.
De toutes parts – L’impression ! l’impression.
- L’impression est ordonnée.
M. Verhaegen – J’ai une interpellation à faire à M. le ministre de la justice. Je dois lui demander s’il a connaissance d’une plainte adressée à l’autorité par un habitant de Moersele (Flandre occidentale), du chef d’une arrestation arbitraire, exécutée même avec violence sur sa personne, sous prétexte qu’il aurait été atteint d’une aliénation mentale. Une lettre que je viens de recevoir me remet copie de la plainte.
Ces faits, s’ils étaient vrais, seraient de la plus haute gravité. Ce serait le retour aux oubliettes d’autrefois, sus le nom de couvents ou d’établissements d’aliénés non soumis au contrôle de l’autorité. La plainte, dont j’ai la copie sous les yeux, est rédigée et écrite par le plaignant lui-même ; elle prouve, du reste, qu’il jouit de toutes ses facultés intellectuelles. L’absence de toute autorisation d’incarcération, soit de la part du parquet, soit de la part de l’administration communale, confirme cette preuve.
J’ose espérer que d’ici à demain M. le ministre de la justice voudra bien répondre à mon interpellation.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je n’ai aucune connaissance de la plainte dont vient de parler l’honorable M. Verhaegen mais je prendrai des renseignements et dès que je les aurai reçus je donnerai une réponse à l’honorable membre.
M. de Saegher – Je saisirai cette occasion pour demander à M. le ministre de la justice s’il pourra présenter bientôt le projet de loi relatif aux aliénés. Ce projet est de la dernière urgence.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, ce projet est presque entièrement terminé, et j’aurais pu le présenter dans la session actuelle si elle n’était pas aussi avancée. Je le présenterai dans la session prochaine.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) déclare se rallier au projet de la section centrale.
L’article unique de ce projet est ainsi conçu :
« Il est ouvert au département de la guerre un crédit de soixante-deux mille cent soixante-neuf francs soixante dix et sept centimes (fr. 62,169 77 c), applicable au payement de créances qui restent à liquider sur des exercices clos, et qui sont détaillés dans le tableau annexé à la présente loi. »
« Cette allocation formera le chap. X du budget de la guerre, pour l’exercice 1843. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi qui est adopté à l’unanimité des 69 membres présents.
Ce sont : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Castiau, Cogels, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, Biebuyck, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont et Duvivier.
« Article unique. Le budget de la dette publique pour l’exercice 1843 est augmenté, pour les payements faits par suite du traité du 5 novembre 1842, de la somme de trois millions cinq cent et un mille deux cent cinquante-huit (page 1640) francs trente centimes (3,551,258 fr. 30 c.), conformément à l’état ci-annexé.
« Cette allocation formera le chapitre IV, articles 1 à 7, dudit chapitre. »
Ce projet de loi est mis aux voix et adopté à l’unanimité des 67 membres présents.
Ce sont : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Castiau, Cogels, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, Biebuyck, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont et Duvivier.
La chambre passe au projet suivant :
« Art. 1er Le budget supplémentaire des voies et moyens pour l‘exercice 1843, se composant des sommes et valeurs dont le trésor est mis en possession, par suite des divers décomptes faits en exécution du traité du 5 novembre 1842, est évalué à la somme de quatorze millions cinq cent quatre-vingt-seize mille six cent vingt-trois francs soixante et un centimes (14,596,623 fr. 61 c.), en obligations ou valeurs négociables, et à celles de seize millions deux cent quarante-trois mille huit cent vingt-huit francs quatre-vingt-treize centimes (16,243,828 fr. 93 c.) en numéraire, faisant ensemble la somme de 30,840,452 fr. 54 c., et les recettes pour ordre, provenant du même chef, sont évaluées à celle de six cent trente-six mille deux cent vingt-huit francs cinquante-sept centimes (636,228 fr. 57 c.) en valeurs négociables, et à celle de cinq millions neuf cent soixante et onze mille sept cent cinquante quatre francs vingt et un centimes (5,971,754 fr. 21 c.) en numéraire, faisant ensemble la somme de 6,607,982 fr. 78 c. : le tout conformément au tableau ci-annexé.
« Art. 2. le gouvernement est autorisé à réaliser les valeurs négociables, mentionnées à l’article précédent, à l’exception des obligations de l’emprunt à 4 pc. D’intérêt, qui feront l’objet d’une disposition ultérieure. »
Amendement de la section centrale auquel M. le ministre des finances se rallie :
« Le ministre des finances rendra un compte détaillé la session qui suivra cette négociation. »
« Art. 3. la totalité du produit du budget supplémentaire des voies et moyens sera affectée à la réduction de la dette flottante. »
M. Osy – La section centrale n’a pas eu à s’occuper du fonds d’agriculture, pour lequel le gouvernement demande un million. Le rapport n’en dit rien.
Pour ma part, je fais cette réserve, que le gouvernement devra examiner s’il n’y a pas un excédent sur les fonds que nous avons votés avant la paix ; il présenterait alors un projet de loi pour être autorisé à appliquer l’excédant de ce million.
La section centrale a exprimé le regret que la session soit close, sans que le gouvernement ait institué une commission de surveillance pour l’amortissement, les cautionnements et les consignations. J’engage M. le ministre des finances à présenter ce projet de loi à l’ouverture de la session prochaine.
Le gouvernement demande l’autorisation de vendre tous les fonds provenant de la Hollande. Je crois que M. le ministre des finances devra examiner cette affaire, et prendre garde de nuire aux intérêts du trésor, en remplaçant du 4 ½ hollandais par du 4 p.c. belge.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le projet de loi qui règle le service de la caisse d’amortissement et de la caisse des consignations sera présenté dans la séance d’aujourd’hui.
Les trois articles du projet de loi sont successivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet. Il est adopté à l’unanimité des 68 membres présents.
Ce sont : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Castiau, Cogels, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, Dedecker, Biebuyck, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont et Duvivier.
La chambre passe à la discussion du 3e projet ainsi conçu :
« Article unique. Le budget supplémentaire des dépenses pour ordre de l’exercice 1843, se composant de diverses sommes et valeurs dont le trésor est mis en possession, par suite du traité du 5 novembre 1842, est évalué, conformément au tableau ci-annexé, à la somme de six millions six cent sept mille neuf cent quatre-vingt-deux francs soixante et dix-huit centimes (fr. 6,607,982 78 c.) »
Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet de loi. Il est adopté à l’unanimité des 63 membres présents.
Ce sont : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Manilius, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Castiau, Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, Dedecker, Biebuyck, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont et Duvivier.
M. le président – La section centrale présente un amendement consistant en un article nouveau ainsi conçu : « Art. 3. celui qui usera de cette faculté sera exempt du droit exigé par l’article premier de la loi du 15 février 1844. »
M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Oui, M. le président.
M. Delehaye – Messieurs, ce projet soulève des questions fort importantes. Il a même, la première fois qu’il a été mis l’ordre du jour, soulevé des questions constitutionnelles. Mon intention n’est pas d’aborder ces questions ; mais je pense que vu l’époque de la session à laquelle nous sommes arrivés, alors que chacun sent le besoin d’en finir, on reconnaîtra la nécessité d’ajourner ce projet. Je pense, messieurs, que toutes les fois que des question constitutionnelles sont soulevées, il est de la dignité de la chambre de ne pas les trancher à la légère.
Messieurs, vous avez été saisis de ce projet au milieu de la session, alors que vous pouviez le soumettre à un examen approfondi. Cependant vous avez senti la nécessité de l’ajourner et de le renvoyer à la section centrale pour plus ample examen. Je n’ai pas, quant à moi, trouvé ce plus ample examen dans le rapport et dans les pièces qui y sont annexées.
Dans tous les cas, on ne peut se dissimuler que ce projet n’est qu’un acte de complaisance envers deux ou trois individus qui n’ont pas satisfait au vœu de la loi.
Je ne veux pas non plus examiner, pour le moment, cette question. Mais si la chambre décrète que, quelque important que soit le projet, elle en abordera immédiatement l’examen, alors je demanderai à M. le rapporteur comment il se fait que des fonctionnaires publics, très-haut placés, doivent être exemptés du droit établi pour les naturalisations, alors que ces personnes haut placées n’ont pas rempli les formalités légales dans le délai prescrit, et cela par un fait entièrement dépendant de leur volonté.
Et remarquez que les personnes auxquelles je fais allusion, ne peuvent pas prétexter cause d’ignorance. Elles ont fait partie de l’administration supérieure du pays. Si l’homme haut placé, en faveur duquel la loi a été principalement proposée, et qui doit connaître les lois, a négligé de remplir les formalités légales, est-ce un motif pour l’exempter du payement du droit attaché à la naturalisation ? Dans l’intérêt des principes que nous avons posés, nous ne devons pas venir au secours de ceux qui, sciemment, n’ont pas, en temps utile, rempli les formalités légales pour conserver la qualité de Belge.
Je demande donc le renvoi à la session prochaine, de ce projet de loi qui ne présente aucun caractère d’urgence.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, l’honorable M. Delehaye dit que le projet soulève des questions graves. Je ferai remarquer que les questions de constitutionnalité, soulevées par l’honorable M. Savart, lors de la première discussion, ont été vidées : la chambre, en ajournant la première fois la discussion du projet, a prononcé cet ajournement, uniquement en vue d’obtenir quelques détails relativement au nombre des individus qui, s’ils faisaient la déclaration que la loi leur permettait de faire, pourrait peut-être réclamer des pensions à la charge du trésor public. Ces renseignements ont été recueillis, ils sont analysés dans le rapport de votre commission. Le nombre de ces personnes est fort restreint. Et même pour éviter que cette charge éventuelle ne pût peser sur le trésor belge, j’ai changé la rédaction, d’accord avec la commission. Dans l’art. 1er, j’ai substitué à la simple déclaration que les individus avaient à faire, la clause qu’ils pourraient obtenir la grande naturalisation. Dès lors que toutes les questions qui ont été soulevées lors de la première discussion ne peuvent plus se reproduire.
Je demande donc à la chambre qu’elle maintienne à son ordre du jour le projet de loi relatif à la naturalisation des Limbourgeois et des Luxembourgeois.
M. de Villegas, rapporteur – Messieurs, j’ai peu d’observations à ajouter à celles que vient de présenter M. le ministre de la justice.
L’honorable M. Delehaye demande l’ajournement du projet de loi, par le motif, entre autres, que des questions de constitutionnalité se rattachent à l’examen de ce projet. Mais, messieurs, ainsi que vous l’a fait remarquer avec raison M. le ministre de la justice, ce n’est pas pour ce motif que le projet a été renvoyé à la commission, pour soumettre un nouveau rapport à la chambre. Le but de ce renvoi était uniquement d’obtenir des renseignements concernant le nombre des pensions qui, en cas d’adoption du projet de loi, devraient être supportées par le trésor belge, en vertu de l’art. 68 du traité du 19 avril 1839.
Quant à l’objection tirée de l’art. 133 de la Constitution, je pense que la commission l’a résolue dans son rapport. Si l’honorable M. Delehaye pense que cette solution n’est pas complète, il fera ses observations, et nous tâcherons de lui répondre.
En ce qui concerne l’art. 3 du projet, il nous a paru que lorsqu’on voulait (page 1641) accorder une faveur à nos anciens frères du Limbourg et du Luxembourg, il ne fallait pas la décréter à titre onéreux.
L’honorable M. Delehaye pense que la loi en réalité ne serait applicable qu’à une seule personne ; il a même rendu ce nom assez transparent. Messieurs, cette loi ne porte pas ce caractère exceptionnel ; on a mis sous les yeux de la commission plusieurs pétitions émanées de personnes appartenant à l’administration des finances, qui n’ont pas fait la déclaration prescrite par la loi de 1839, parce qu’elles croyaient que cette loi de 1839 ne leur était pas applicable. D’autres personnes se trouvent également, à raison d’autres motifs, dans une position exceptionnelle, et la commission a cru qu’il fallait faire quelque chose en faveur de cette catégorie de personnes.
M. de Garcia – Messieurs, j’ai combattu le premier projet qui avait été présenté à l’égard de nos anciens frères qui ont négligé de faire la déclaration dans le délai prescrit par la loi. Mais je viens appuyer le projet de loi actuel. Quant au point constitutionnel, je n’ai jamais cru que ni l’un ni l’un des deux projets de loi qui vous ont été soumis fussent contraires à la Constitution.
La question qui m’avait préoccupé essentiellement, lors de la discussion du premier projet, était la question financière. Par le premier projet de loi qui nous a été soumis sur cet objet, les habitants des provinces cédées qui ont négligé de faire leur déclaration, et qui sont pensionnés à charge du trésor hollandais, seraient venus et auraient tombés à charge du trésor belge. C’est ce que je ne voulais pan, et c’est pour ce motif que j’ai combattu le premier projet de loi.
Je n’ai pas voulu qu’en rentrant en Belgique, à la suite d’une nouvelle déclaration, ils pussent obérer le trésor belge. Or, le nouveau projet qui vous est soumis prévient cet inconvénient, et dès lors nos anciens frères pourront récupérer la qualité de Belges qu’ils ont perdue. Dans cet état, j’appuie le projet de loi et repousse la question d’ajournement.
M. Delehaye – Ce sont, dit-on, vos anciens frères du Limbourg et du Luxembourg qui demandent que vous preniez cette mesure en leur faveur. J’ai la plus grande sympathie pour nos anciens frères. Mais remarquez que vous allez appliquer cette mesure à un Luxembourgeois qui vous a proposé lui-même la séparation du Limbourg et du Luxembourg. Ainsi on fait un appel à nos sympathies pour un des pères du traité qui a amené la cession des deux provinces. Je concevrais cet appel en faveur des habitants du Limbourg et du Luxembourg qui ont été forcés de se séparer de la Belgique. Mais je ne conçois pas cet appel pour un homme qui a provoqué la séparation.
Du reste, je crois que l’on ne peut reprocher à la chambre ne d’avoir pas fait assez pour nos anciens frères du Luxembourg et du Limbourg ; nous avons fait beaucoup pour eux. Ce n’est pas seulement le Limbourg et le Luxembourg qui ont eu à souffrir du traité ; le pays tout entier en a souffert et continue à en souffrir. Il est temps d’assimiler le Limbourg et le Luxembourg aux autres provinces.
Mais, a dit l’honorable rapporteur, vous avez rendu un nom transparent. Je vous ai dit franchement, messieurs, que je ne concevais pas qu’un homme qui avait fait partie du conseil du Roi, qui remplit encore aujourd’hui un poste élevé qui par sa position doit connaître les lois, n’eût pas rempli en temps utile les formalités prescrites par la loi, pour la conservation de la qualité de Belge.
Une pareille ignorance, que l’on concevrait chez un particulier, est inexcusable, chez un homme qui, je le répète, à été un des pères du traité de paix.
Je persiste à demander l’ajournement du projet de loi qui ne présente aucun caractère d’urgence. La chambre a des projets urgents à voter, et elle a montré hier qu’elle voulait en finir le plus tôt possible.
M. d’Elhoungne – Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer la motion d’ajournement de mon honorable ami M. Delehaye. La chambre a reconnu hier, que des circonstances impérieuses qu’il ne m’a pas été donné de comprendre, la forçaient d’aborder immédiatement la discussion des différents projets de loi dans lesquels se trouvent engagés de grands intérêts nationaux.
Dans cette discussion les moments sont précieux ; un examen plus ou moins attentif peut avoir pour le pays des conséquences importantes, réaliser des économies, procurer des bénéfices ou entraîner des pertes. Le projet de loi, au contraire, qu’on propose d’ajourner, ne se rapporte qu’à des intérêts individuels très-restreints, et soulève, d’ailleurs, des questions assez graves, à ce qu’on nous a dit, questions qui exigent, par conséquent, un examen approfondi. Je ne soulèverai pas ces questions : j’avouerai que la multiplicité des objets à l’ordre du jour ne m’a pas permis, après m’être occupé des projets les plus urgents, de me former une opinion sur ce projet-ci. Et j’incline à penser que le plus grand nombre des membres de la chambre n’ont pas plus que moi examiné ce projet avec la maturité qu’il commande.
Quoi qu’il en soit, en présence des projets urgents qui nous sont soumis, je pense que celui-ci doit être ajourné.
J’appuie donc l’ajournement, mais sans pénétrer dans les questions de personnes que le projet soulève, et dont je fais abstraction ; j’appuie l’ajournement dans l’intérêt du pays, dans l’intérêt de la discussion de projets infiniment plus importants. C’est aussi sans attacher une improbation, soit au projet, soit au rapport, mais uniquement dans l’intérêt de nos délibérations, pour en finir avec des travaux si importants, qui encombrent notre ordre du jour, que j’appuie l’ajournement.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, on dénie au projet qui vous est soumis le caractère d’urgence. Mais, messieurs, veuillez remarquer qu’il se trouve parmi les personnes que le projet concerne un grand nombre de fonctionnaires de différentes classes et de différents rangs. Les personnes savaient que le projet était présenté, elles pouvaient pensé qu’il aurait été discuté et voté dans cette session, elles se sont, en conséquence, abstenues de demander la naturalisation dans l’intervalle ; de telle manière que si le projet n’était pas voté, ou ces fonctionnaires, quoique non-Belges, resteraient en fonctions, ce qui serait contraire à la loi ; ou qu’il faudrait les priver de leur place, ce qui serait contraire à la justice. Le gouvernement serait dans une position fausse et embarrassante. Il me semble qu’il est impossible de méconnaître à ce projet un caractère d’urgence et d’en reculer la discussion. On a prononcé, au commencement de la session, le renvoi de ce projet à la commission uniquement pour obtenir des détails de faits relatifs aux pensions, détails qui sont maintenant fournis.
Messieurs, ce projet et le peu de mots que je viens de dire le prouvent déjà, n’est pas fait pour une seule personne, mais pour une série d’individus dont plusieurs se sont adressés au gouvernement. J’ai fait connaître dans les premières séances les motifs qui avaient induit en erreurs plusieurs personnes nées dans les parties cédées. Elles ont pensé que la loi de 1839 n’obligeait pas à faire une déclaration les personnes domiciliées en Belgique au moment où la loi a été portée. La loi disait que pour rester Belges, il faut transférer son domicile en Belgique et faire une déclaration ; plusieurs personnes qui avaient leur domicile en Belgique ont pensé qu’elles ne tomberaient pas dans les termes de la loi et qu’elles n’avaient pas plus de déclaration à faire que de domicile à transférer.
La personne à laquelle l’honorable M. Delehaye a fait allusion ne se trouvait pas dans cette position. Elle a fait une déclaration devant un agent diplomatique, mais cette déclaration n’est pas conforme à la loi, qui porte que la déclaration doit se faire devant le gouverneur. Ce fonctionnaire a pensé abusivement que de même que l’agent diplomatique pouvait, dans certains cas, pour les actes de l’état civil, remplacer l’officier de l’état civil, il pouvait également remplacer le gouvernement. La loi de 1839 exigeait impérieusement que la déclaration soit donnée au gouverneur ; celle faite à Berlin l’a donc été entre les mains d’un fonctionnaire incompétent, et en conséquent elle ne peut valoir. Ce personnage se croyait en règle, et à cause de cette erreur, il a négligé de faire en temps utile la déclaration qui devait lui assurer le bénéfice de la loi de 1839. Je pense donc qu’on ne peut dénier le caractère d’urgence
A cette loi qui d’ailleurs ne soulève plus aucune question grave.
M. Delfosse – Le caractère d’urgence que M. le ministre de la justice attribue au projet, n’existe qu’au point de vue de l’intérêt privé. Il y a quelques personnes qui se trouvent dans une fausse position et qui ont hâte d’en sortir ; je le conçois, mais pourquoi n’ont-elles pas rempli les formalités prescrites par la loi, et en quoi l’intérêt général serait-il lésé, si elles restaient dans cette position jusqu’à la session prochaine ?
Il y a un autre projet qui est aussi très-urgent au point de vue de l’intérêt privé, qui est même beaucoup plus urgent que celui dont on demande la discussion immédiate, je veut parler du projet relatif à l’interprétation de l’art. 442 du Code de commerce, et cependant voilà bien des années que les intéressés attendent en vain une solution.
Plusieurs membres ont des scrupules constitutionnels ; qu’on leur permette de s’éclairer. Il faudrait pour cela une discussion sérieuse, qui n’est guère possible en ce moment. La chambre a prouvé hier, par son impatience, qu’elle a hâte d’aborder l’examen des grands projets de chemins de fer qui nous sont soumis. Quelque plaisir que l’on puisse avoir à entendre M. le ministre de la justice, je crois que, dans cette circonstance, il doit s’effacer pour faire face à M. le ministre des travaux publics. J’appuie donc l’ajournement proposé par l’honorable M. Delehaye.
M. de Garcia – On vient de dire qu’il y avait en jeu, dans la loi dont il s’agit, un intérêt privé. Je ne partage pas cette opinion, car la position des fonctionnaires que cette loi concerne n’est pas régulière, il y a un intérêt d’ordre public à la régulariser ; un intérêt gouvernemental, puisque la loi s’oppose à ce que des étrangers puissent occupe des fonctions publiques. Dans cette discussion, il a été fait allusion à un exemple très-important, et qui entraîne de grandes conséquences. Cet exemple me servira pour démontrer la nécessité de s’occuper incontinent de la loi actuelle. Un ambassadeur qui représente la Belgique et qui n’est pas Belge est une chose anormale qui touche à l’intérêt gouvernemental. Je ne considère pas seulement ici l’intérêt privé, je conçois que la loi qui a pour objet un intérêt privé pour ceux qui ne sont pas en fonctions, mais il est évident que l’intérêt gouvernemental est également en jeu, dans la position où se trouve le gouvernement vis-à-vis de certains fonctionnaires ; ces fonctionnaires sont sans droits aux fonctions qu’ils occupent, et s’ils venaient à se trouver dans la position de demander leur pension, ils ne pourraient l’obtenir. Cependant ils ont rendu des services au pays, ils ont partagé les dangers attachés à notre indépendance, et si nous voulons leur donner la naturalisation parce que ce sont d’anciens frères et qu’ils ont uni leur sort aux nôtres, il faut être large et ne pas leur donner une demi-faveur, il faut la leur donner complètement en ne la différant pas.
On en revenu sur la question constitutionnelle. Cette question a été examinée lors de la première discussion du projet de loi, et on l’a écartée. En effet si elle avait eu une apparence de fondement, on n’aurait pas discuté le projet au fond, on aurait proposé la question préalable et repoussé toute la loi. Lors de la première discussion, un seul point m’avait touché, c’était le point de vue financier. Les modifications apportées à la loi actuelle respectent les intérêts du trésor belge, dès lors je n’ai nulle raison de m’opposer à la loi. Je défends toujours chaudement le contribuable, mais dès lors que des intérêts sont saufs, je ne reculerai pas devant la faveur qu’on propose d’accorder à nos anciens frères.
(page 1642) M. Vanden Eynde – L’honorable M. d’Elhoungne propose l’ajournement du projet présenté par la commission. Le motif qu’il donne est qu’il y a à discuter une question de constitutionnalité. Je crois que l’honorable membre est dans l’erreur. Aujourd’hui ce projet ne peut plus soulever de question de constitutionnalité. Elle était soulevée par le premier projet proposé par la commission, parce que M. le ministre de la justice envisageait le projet de loi comme une prorogation de la loi de 1839. De là avait surgi la question de savoir si, en considérant ce projet comme une prorogation de la loi de 1839, les habitants des provinces cédées pensionnés ne tomberaient pas à la charge du trésor de la Belgique.
Aujourd’hui cette question ne peut plus se représenter ; aujourd’hui le projet confère simplement une grande naturalisation à la condition par celui qui se trouvera dans le cas prévu par l’art. 1er de la loi du 4 juin 1839, de faire une déclaration. Cette grande naturalisation, il n’en sera investi qu’à dater du jour de la déclaration. Jusque-là, il sera considéré comme étranger, en vertu du nouveau projet. De sorte que la question de constitutionnalité, soulevée par le premier projet, ne peut plus se présenter.
Quant au second motif, qui concerne un diplomate belge qui devrait user de la faculté qu’accorderait le projet de loi, il est résulté de la discussion du premier projet, que ce diplomatique avait fait une déclaration en temps utile devant un agent diplomatique à l’étranger. Il est déjà fort douteux, si ce ministre n’est pas Belge, car c’est une question de droit civil que celle de savoir si la déclaration à faire devant le gouverneur de la province ne pouvait pas être faite devant un ministre belge à l’étranger au moment où celui qui avait à la faire résidait à l’étranger. La loi n’a eu pour but que de donner à ce diplomatique ainsi qu’à d’autres personnes qui par ignorance n’ont pas satisfait aux dispositions de la loi de 1839, le moyen de se faire Belges.
En dernier lieu, je fais une interpellation à l’honorable auteur de la proposition ; il y a à l’ordre du jour une loi de grande naturalisation pour le sieur Behaghel et plusieurs projets de loi de naturalisation ordinaire. C’est sur la proposition de l’honorable membre qu’on les y a mises. Je lui demanderai s’il y a plus d’urgence pour ces naturalisations-là que pour celles dont il s’agit dans le projet qui nous occupe en ce moment.
(M. Vilain XIIII remplace M. d’Hoffschmidt au fauteuil.)
- La discussion générale est close.
L’ajournement proposé par M. Delehaye est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La chambre passe au vote des articles.
« Art. 1er. Les personnes mentionnées dans l’article 1er de la loi du 4 juin 1839 et qui ayant transféré leur domicile dans une commune belge, avant l’expiration du délai fixé par cet article, et l’ayant conservé depuis, ont cependant négligé de faire leur déclaration, pourront obtenir la grande naturalisation sans justifier des conditions exigées par le § 1er de l’art. 2 de la loi du 27 septembre 1835. » - Adopté.
« Art. 2. Pour obtenir cet avantage, il leur suffira de faire dans un délai de trois mois, à compter du jour de la publication de la présente loi, la déclaration prescrite par la loi du 4 juin 1839 et dans la forme établie par cette loi. » - Adopté.
« Art. 3. celui qui usera de cette faculté sera exempt du droit exigé par l’art. 1er de la loi du 15 février 1844. » - Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi qui est adopté à l’unanimité des 57 membres qui prennent part au vote ; cinq membres (MM. Lejeune, Manilius, Delehaye, Delfosse et d’Elhoungne) s’étant abstenus.
On pris part au vote : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lesoinne, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, Biebuyck, de Foere, de Garcia, de La Coste, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dumont et Duvivier.
M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont invités à motiver leur abstention.
M. Lejeune – Je me suis abstenu, parce que je n’étais pas suffisamment préparé pour voter ce projet de loi. J’aurais voulu qu’il fût voté contre.
M. Manilius – Je n’ai pas voulu voter contre la loi, parce que les intérêts de plusieurs fonctionnaires et particuliers sont ici en jeu. Je n’ai pas voulu voter pour, parce qu’en demandant l’ajournement on nous a annoncé qu’une grande question constitutionnelle s’y rattache. Nous n’avons pas le temps de nous en occuper. C’est une question constitutionnelle de nature à mériter réflexion. Je n’ai donc pas pu prendre part au vote.
M. Delehaye – Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Delfosse – Je me suis abstenu, parce qu’on ne nous a pas donné le temps d’examiner les questions assez raves que le projet de loi peut soulever.
M. d’Elhoungne – Je me suis abstenu parce que je n’ai pas eu le temps de me former une opinion sur le projet de loi, parce que les honorables membres ne m’ont pas prêté le secours de leurs lumières, et notamment n’ont pas expliqué comment, en présence de la Constitution qui exige une loi pour chaque naturalisation, nous pouvons par une seule loi naturaliser toute une catégorie d’individus qui nous sont parfaitement inconnus.
Le projet de loi est ainsi conçu, avec un amendement présenté par la commission :
« Article unique. Le budget des dépenses du département de l’intérieur pour l’exercice 1844, fixé par la loi du 13 février 1844, n° 22 (Bulletin officiel, n°8), est augmenté de la somme de trois cent quatre-vingt mille deux cent trente-sept francs soixante-sept centimes (380,237 fr. 67 c.), répartie de la manière suivante :
« A. Frais de milice
« Trois mille sept cent soixante quatre francs quarante-sept centimes, pour couvrir les dépenses des frais de milice excédant le crédit alloué à l’art. 11, chap. IV du budget de 1843 (fr. 3,764 47). Cette allocation formera le chapitre XXIV, article unique.
« B. Service de santé et académie de médecine
« 1° Vingt-trois mille quatre cent soixante et treize francs vingt centimes pour faire face aux dépenses excédant le crédit alloué au chap. VI, article unique du budget de 1843 (fr. 23,473 20)
« Quatorze mille francs, pour augmenter le crédit alloué pour le service de santé à l’article 1er du chap. VI, budget de 1844 (14,000 fr)
« Ces allocations formeront le chapitre XXV, articles 1 et 2.
« C. Fonds d’agriculture
« Cent douze mille francs, pour les dépenses excédant le crédit alloué à l’art. 3, chap. X du budget de 1843 (fr. 112,000)
« Cent quatre-vingt-quinze mille francs, pour augmenter le crédit alloué à l’article unique du chap. XI, budget de 1844 (fr. 195,000)
« Ces allocations formeront le chap. XXVI, articles 1 et 2.
« D. Jurys d’examen
« Vingt-neuf mille francs, pour faire face aux dépenses excédant le crédit alloué à l’article 2, chap. XVIII du budget de 1844 (fr. 29,000)
« Cette allocation formera le chap. XXVII, article unique
« E. Gouvernement provincial de Luxembourg
« Trois mille francs, destinés à des dépenses arriérés et à celles faire pendant l’exercice courant pour l’ameublement et l’entretien de l’hôtel du gouvernement de Luxembourg (fr. 3,000)
« Cette allocation formera le chapitre XXVIII, article unique.
« TOTAL, fr. 380,237 67 »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je me rallie au projet tel que vous le propose la section centrale. Mais je dois demander un changement.
Au litt C. fonds d’agriculture 2°, je demandais pour l’exercice 1844 une somme de 195,000 fr. depuis la présentation du projet de loi, j’ai reçu encore d’autres pièces parfaitement en règle. Il en résulte qu’il faut pour l’exercice 1844, non pas 195,000 francs, mais 217,250 fr., c’est-à-dire une augmentation de 22,250 fr. sur le premier chiffre. J’ai communiqué ces détails à, l’honorable rapporteur, et si la chambre le désire je pourrai lui indiquer les motifs de l’augmentation, province par province.
Du reste, les renseignements ont été reconnus réguliers et complets.
M. Maertens, rapporteur – J’ai examiné les renseignements que M. le ministre de l’intérieur a bien voulu me communiquer pendant le cours de cette séance. La nécessité de l’augmentation est parfaitement justifiée. Je n’y forme aucune opposition.
L’ensemble du projet de loi est adopté par appel nominal, à l’unanimité des 66 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Malou, Manilius, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Castiau, Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, De Corswarem, Dedecker, Biebuyck, de Foere, de Garcia, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier.
M. le président – L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Léopold, etc.
« Vu la demande du sieur Jean-Pierre Behaghel, propriétaire à Ruyen, Flandre orientale, arrondissement d’Audenarde, né à Bailleul (France), le 10 janvier 1789, domicilié en Belgique depuis 1821, naturalisé par arrêté (page 1643) du roi Guillaume, en date du 20 juillet 1825, et ayant comme tel joui de tous les avantages attachés à cette qualité ;
« Vu l’art. 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;
« Attendu que les formalités prescrites par les art. 7 et 8 de la loi sur la naturalisation ont été observées, et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande ;
« Attendu qu’il est suffisamment justifié des services éminents rendus à l’Etat par le sieur Behaghel ;
« Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit :
« Article unique.
« La grande naturalisation est accordée au sieur Jean-Pierre Behaghel. »
La discussion générale est ouverte
M. Lejeune – Messieurs, il serait très-difficile de mettre la rigueur des principes aux lieux et place des sentiments généreux dont la chambre est animée pour les personnes. Je n’ai ni l’intention ni le désir de l’essayer. Cependant, je crois devoir faire quelques observations sur ce projet de loi. Je ferai de ces observations une question de principe et non une question de personne. Je suis persuadé que la question de personne, que je ne voudrais pas soulever, serait du reste inutilement soulevée. Mais, quant au principe, si mes observations sont inutiles aujourd’hui, elles ne le seront peut-être pas tout à fait pour l’avenir. Je ne dirai rien qui ne soit dit et avoué par la personne elle-même qui fait l’objet de ce projet de loi.
Messieurs, il y a sur les naturalisations une loi organique ; il y a des règles que nous nous sommes tracées, et que nous nous sommes engagés à suivre, lorsque nous aurions à nous occuper, soit d’une naturalisation ordinaire, soit d’une grande naturalisation.
La grande naturalisation, on peut l’obtenir dans deux cas différents, ou bien lorsqu’on a rendu des services éminents à l’Etat, ou bien sans avoir rendu des services éminents, lorsqu’on se trouve dans un des cas exceptionnels prévus par la loi.
M. Behaghel s’est adressé à la chambre pour obtenir la grande naturalisation en faisant connaître qu’il se trouve dans une position spéciale. Je ferai remarquer tout d’abord que M. Behaghel ne s’est pas basé sur des services éminents ; il dira lui-même qu’il ne peut réclamer de ce chef la grande naturalisation. Cependant si la chambre veut lui accorder la grande naturalisation, elle est toujours pouvoir législatif. On ne peut lui ôter le pouvoir d’accorder une grande naturalisation, soit sans motif, soit pour des motifs autres que ceux prévus par la loi sur la naturalisation. Mais dans ce cas, messieurs, la chambre le fera toujours par une certaine analogie. Ici, si la naturalisation est accordée à M. Behaghel ce sera par analogie avec les personnes en faveur desquelles la loi a fait une exception. Sa position se rapproche beaucoup plus de celle de ces personnes pour lesquelles la loi a fait une exception, que de la position des personnes qui ont rendu des services éminents.
Ce cas de services éminents, messieurs, est extrêmement grave, et il me paraît que l’on ne doit pas être trop prodigue de lois qui proclament qu’une personne qui réclame une faveur a rendu des services éminents à l’Etat.
M. Behaghel ne se trouve pas dans une position aussi favorable que les personnes qui sont réellement dans les cas exceptionnels prévus par la loi. Et voyez cependant l’inconséquence. Les personnes qui, d’après la loi, ont des titres à l’obtention de la grande naturalisation, sans avoir rendu des services éminents, doivent, d’après une loi que vous avez faite le 15 février, payer une rétribution de 1,000 fr. Eh bien, ces personnes qui sont dans un cas favorable prévu par les lois, seront moins favorablement traitées que M. Behaghel, auquel on attribue des services éminents, que sa modestie ne peut reconnaître, et que l’on soustrait ainsi au droit d’enregistrement.
Messieurs, nous lisons dans les considérants du projet :
« Vu l’art. 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;
« Attendu qu’il est suffisamment justifié des services éminents rendus à l’Etat par le sieur Behaghel. »
Je ne puis, messieurs, donner mon assentiment au projet ainsi motivé. Ces considérants feraient de la loi une loi de mensonge.
Messieurs, j’ai été jusqu’ici très sévère pour les naturalisations. Je ne me suis pas écarté des principes tracés dans la loi organique, et je ne suis pas disposé à m’en écarté encore. Mais dans la prévision que la loi sera adoptée, je propose subsidiairement la suppression des considérants. La chambre usera de ses pouvoirs ; elle accordera par une loi exceptionnelle la grande naturalisation ; mais en supprimant les considérants, il n’y aura pas, du moins, une inexactitude, une espèce de mensonge dans la loi.
M. Delehaye, rapporteur – Messieurs, je prie l’assemblée de bien remarquer que ne connaissant le pétitionnaire que depuis peu, mon rapport n’est pas un acte de complaisance. Je m’en suis rapporté en grande partie aux renseignements fournis par les autorités consultées ; j’ai pris d’autres renseignements moi-même et j’ai soumis mon rapport à la commission.
Messieurs, on ne peut se dissimuler que la Constitution et les lois relatives à la naturalisation exigent, pour que le pétitionnaire obtienne la grande naturalisation, qu’il ait rendu des services éminents. Mais il appartient à la législature d’examiner quels sont ces services et de leur donner telle appréciation qu’elle juge convenable. Dans un pays éminemment agricole, comme la Belgique, nous avons pensé que les services agricoles devaient être aussi envisagés comme des services très-considérables.
Sous ce rapport, messieurs, le pétitionnaire a réellement rendu de grands services. Il entretient dans sa commune un grand nombre d’ouvriers ; il y répand l’instruction agricole ; il y a un établissement agricole monté sur un très-grand pied.
Il y avait une autre considération qui militait en faveur du pétitionnaire. Il avait déjà obtenu la naturalisation ordinaire par un arrêté du roi Guillaume. Cette naturalisation lui donnait plus de droits que n’en donne maintenant la naturalisation ordinaire, mais moins que n’en donne la grande naturalisation. Dès lors, la position de M. Behaghel n’était pas nettement tracée ; il fallait que la loi vint à son secours, et il a pu l’invoquer.
Messieurs, j’avoue que je ne tiens nullement aux considérants du projet. Si la chambre pense qu’il y a lieu d’accorder la grande naturalisation à M. Behaghel, je crois que la commission des naturalisations fera volontiers le sacrifice de ses considérants. Cependant je pense que dans un pays représenté, comme en Belgique, par des hommes qui ont incessamment proclamé la nécessité de protéger l’agriculture, la loi que vous aller voter sera d’un bon exemple, qu’elle prouvera que les services agricoles ont du prix à nos yeux. C’est là un motif qui me porte à croire qu’il faut conserver les considérants. mais, je le répète, je n’y tiens pas beaucoup ; ce qui m’importe comme rapporteur, c’est que les conclusions de la commission soient adoptées.
M. de Villegas – Indépendamment de ce qui vient d’être dit par l’honorable M. Delehaye, je crois qu’il y aurait une certaine contradiction entre un vote affirmatif sur le projet de loi et la suppression de son considérant. Je m’oppose donc à la motion de l’honorable M. Lejeune.
Messieurs, j’invoquerai un précédent de la part de la chambre, pour vous prouver qu’il faut laisser à l’appréciation de la chambre la question de savoir si les conditions de la loi pour obtenir l’indigénat, sont remplies ; c’est la grande naturalisation que vous avez accordée à un industriel de Verviers, à M. Grand’Ry. La chambre savait fort bien que M. Grand’Ry n’avait pas rendu des services « éminents » à l’Etat. mais elle a apprécié les divers faits qui sont résultés de l’instruction de la demande en naturalisation. Je crois que la chambre a fort bien jugé et je suis convaincu qu’aujourd’hui elle sera également juste. Toutes les autorités qui ont été consultées sur la demande en grande naturalisation, ont été favorables à M. Behaghel. Je puis du reste donner à la chambre l’assurance que M. Behaghel mérite cette unanimité d’avis favorables, tant sous le rapport de l’indépendance de sa position sociale, que sous le rapport de sa conduite. Personne plus que lui ne mérité vos sympathies.
M. Lejeune – Messieurs, je ne me serais plus levé, si je ne sentais la nécessité de demander à la chambre, s’il m’est échappé quelque parole qui inculpe l’indépendance, la conduite, la considération de M. Behaghel. J’en serais très-fâché ; je dois protester contre la supposition que pourrait faire que le témoignage de l’honorable de M. Villegas fût devenu nécessaire par mes paroles. Je pense, moi, que pour personne dans cette chambre, M. Behaghel n’avait besoin d’un certificat de bonne conduite.
L’honorable M. Delehaye vous a dit que M. Behaghel se trouvait dans une position particulière. Je l’ai dit moi-même ; mais cette position cessera par la loi même, sans les considérants.
Quant à la contradiction qui existerait d’après l’honorable M. de Villegas, je n’y vois pas de mal ; vous ferez une loi qui sera en quelque sorte exceptionnelle et elle aura la même force sans les considérants qu’avec les considérants.
Ce sera une loi exceptionnelle, elle sera votée comme telle ; et j’espère qu’on votera le moins possible de ces lois exceptionnelles. Quat aux services rendus au pays par M. Behaghel, je n’ai rien voulu dire qui soit le moins du monde contraire à sa considération, mais je ne puis admettre qu’il ait rendu des services éminents à l’Etat.
M. Behaghel a acquis une grande propriété, il l’exploite à son grand profit ; ne sont-ce pas là des services rendus à lui-même ?
M. Delehaye – J’ai été loin de croire qu’il y eût dans les paroles de l’honorable M. Lejeune quelque chose d’hostile à M. Behaghel. Quant à la position de M. Behaghel, il me semble qu’elle est parfaitement identique à celle de M. Laroche-Blin, à qui nous avons accordé dans le temps la grande naturalisation. Le pétitionnaire peut aussi invoquer la bonne foi, car il a rempli les fonctions d���échevin et il a pris part aux élections pour le congrès national ; il croyait donc que la naturalisation qu’il avait obtenue équivalait à la grande naturalisation. Quant aux services qu’il a rendus au pays, la chambre les appréciera et j’espère qu’elle prendra une résolution favorable. (Aux voix ! aux voix !)
- La suppression des considérants proposée par M. Lejeune est mise aux voix et adoptée.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l’article unique du projet.
62 membres prennent part au vote.
53 adoptent.
9 rejettent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
MM. Fallon, Fleussu, Goblet, Lange, Lesoinne, Maertens, Manilius, Mercier, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, Troye, Van Cutsem, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, Castiau, Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, David, Dechamps, De Corswarem, Biebuyck, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Duvivier.
Ont voté le rejet : MM. Huveners, Lejeune, Mast de Vries, Scheyven, Vandensteen, de Foere, de Man d’Attenrode, de Roo, Dubus (aîné).
La chambre passe à l’examen de divers projets de loi de naturalisation ordinaire.
(page 1644) Le premier de ces projets est ainsi conçu :
« Vu la demande du sieur Augustin-Bernard Mallet, propriétaire à Molenbeeck-Saint-Jean, né à Francfort, le 7 avril 1817, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;
« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d’âge et de résidence exigées par l’art. 5 de ladite loi ;
« Les chambres ont adopté et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Augustin-Bernard Mallet. »
La même formule s’applique à chacune des demandes des sieurs :
Vulmaire-Joseph Depagne, pharmacien, né à Louvroil (France), le 3 pluviôse an XII domicilié à Châtelet (Hainaut).
Casimir Korybuth de Daszliewiez, vérificateur à l’administration des chemins de fer, né à Bialystock (Pologne), en novembre 1806, domicilié à Bruxelles.
François-Nicolas-Joseph-Remy Massart-Duplacart, propriétaire, né à Valenciennes, le 1er octobre 1775, domicilié à Basècles (Hainaut).
Jean-Baptiste Carlot, employé au bureau du receveur des douanes, né à Bellignies (France), le 14 mars 1819, domicilité à Fayt-le-Franc (Hainaut).
Théophile Boucher, cultivateur, né à Saint-Vaast (France), le 16 juillet 1807, domicilié à Brugelette (Hainaut).
Louis-Guillaume Lebrun, capitaine au 2e régiment d’artillerie, né à Metz (France), le 7 fructidor an XI.
Pierre-Armand Berlize, sous-lieutenant au 1er régiment de ligne, né à Doeillet (France), le 10 février 1812.
Mathieu-Joseph Giess, facteur à l’administration du chemin de fer, né à Call 15 nivôse an VIII, domicilié à Louvain.
Alexandre-Etienne-Corneille Aubin, sous-lieutenant au 4e régiment d’artillerie, né à La Haye, le 9 juin 1815.
Georges-André Angelroth, directeur de l’école communale de musique, né à Hochstaedt (Saxe-Weimar), le 7 août 1797, domicilié à Namur.
Jean-Nicolas Jacob, capitaine de première classe au régiment du génie, né à Neuville-les-Vaucouleurs (France), le 30 octobre 1790.
Amboise-Aguste-Joseph Ménestrier, répétiteur de mathématiques, n é à Merbes-le-Château (Hainaut), le 8 mars 1815, domicilié à Merbes-le-Château.
Antoine-Jean-Joseph Fain, pharmacien, né à Lyon (France), le 21 mai 1807
Jacques-François-Jules-Louis Fain, docteur en médecine, né à Lyon (France), le 25 vendémiaire an XIV, domicilié à Huy.
Charles-Alexandre Hanin, professeur à l’école primaire supérieure du gouvernement, né à Daigny (France), le 7 janvier 1815, domicilié à Marche.
Jean-Antoine Mont, conducteur d’artillerie, né à Oude-Pékelé (Pays-Bas) le 16 juillet 1787.
François-Maurice Heym, trompette-major au 1er régiment de cuirassiers, né à Freiberg (Saxe), le 30 mai 1799.
Pierre-Adam-François Goeury, horloger, né à Paris, le 25 janvier 1807, domicilié à Virton.
Théodore Kirsten, maréchal-ferrant, né à Olsheim (Prusse), le 17 août 1791, domicilié à Liége.
Victor-Clause Paniset, employé dessinateur à l’administration de la ville de Bruxelles, né à Paris, le 8 avril 1817, domicilié à Bruxelles.
Dominique François, propriétaire cultivateur, né à Thonne-la-Long (France), le 23 mai 1807, domicilié à Virton.
Gérard Deschamps, droguiste, né à Steenbergen (Pays-Bas), le 11 décembre 1793, domiciié à Anvers
Pierre-Joseph Lemaire, tailleur, né à Gravelines (France), le 14 vendémiaire an IV, domicilié à Anvers
Adolple-Louis-Michel Guerbois, né à Arcueil (France), le 20 floréal an IX, domicilié à Vilvorde.
Henri-Jules Denoyelle, employé au bureau des postes, né à Lille (France), le 18 février 1822, domicilié à Ypres.
André-Barthelemy Offermans, sous-officier des douanes, né à Magdebourg (Prusse), le 15 avril 1808, domicilié à Eeckeren (Anvers).
Pierre-Amand Toilliez, marchand de bestiaux, né à Houdain (France), le 25 janvier 1816, domicilié à Lambusart (Hainaut).
Louis-François Auman, garde forestier, né à Breberen (Prusse), le 10 décembre 1796, domicilié à Kermpt (Limbourg)
Bernard-Antoine During, médecin, né à Voorburg (Pays-Bas), en juin 1773, domicilié à Exaerde (Flandre orientale).
Henri Letierce, préposé des douanes, né à Douai (France), le 8 septembre 1811, domicilié à Zelzaete (Flandre orientale).
Henri-Joseph Huant, instituteur communal, né à Wignehiers (France), le 3 fructidor an XI, domicilié à Renlies (Hainaut)
Pierre-Jean Van de Looverbosch, maçon, né à Bergeyck (Pays-bas), le 14 juin 1799, domicilié à Ryckevorsel (Anvers).
Jean-Baptiste Vautier, négociant, né à Hautes-Rivières (France), le 17 février 1787, domicilié à Bohan (Namur).
Louis-Joseph Paul, négociant en dentelles, né à Honnechy (France), le 26 nivôse an VII, domicilié à Bruges.
Claude Meulet, sergent au corps des pompiers, né à Versoix (Suisse), le 30 avril 1792, domicilié à Anvers.
Pierre-Alexis Foulon, garde du génie de 2e classe, né à Saint-Pierre-lez-Calais (France), le 1er octobre 1788, domicilié à Termonde.
Louis-Julien Courtois, lieutenant au 10e régiment de ligne, né à Arras (France), le 19 floréal an XI.
Gerard Gerrits, vitrier et peintre en équipages, né à Beugen-Rykevoort (Pays-Bas), le 7 janvier 1814, domicilé à Laeken.
Séraphin-Louis Lemahieu, négociant et fabricant d’or en feuilles, né à Houplines (France), le 26 septembre 1789, domicilié à Bruxelles.
Jean-Baptiste Plasschaert, brasseur et aubergiste, né au Sas-de-Gand (Pays-Bas), le 10 avril 1796, domicilié à Moerbeke (Flandre orientale).
Joseph-Hubert Bock, employé au ministère des finances, né à Aix-la-Chapelle (Prusse), le 19 mai 1816, domicilié à Bruxelles.
Zéphyr-Alexandre Raux, instituteur communal, né à Ohain (France), le 11 mai 1818, domicilié à Bourlers (Hainaut).
Léonard-Joseph Peiffer, garde forestier, né à Eupen (Prusse), le 16 pluviôse an XII, domicilié à Membach (Liége).
Jacques-François Van Goethem, instituteur communal, né au Sas-de-Gand (Pays-Bas), le 23 juillet 1814, domicilié à Zèle (Flandre orientale).
Michel Arpon, trompette au 2e régiment de chasseurs à cheval, n é à Madrid, le 8 mai 1795.
Jean-Baptiste Denis, brigadier des douanes, né à Middelbourg (Pays-Bas) le 31 juillet 1788, domicilié à Beaumont (Hainaut).
- Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de ces projets de loi.
Ils sont adoptés à l’unanimité des 68 membres qui ont répondu à l’appel nominal. Ils seront transmis au sénat.
M. Rogier – J’ai l’honneur de prévenir M. le ministre de l’intérieur que je me propose de lui adresser demain, avant l’ajournement de la chambre une interpellation relativement à la colonie de Santo-Thomas. Lors de la discussion du budget de l’intérieur, j’avais demandé à M. le ministre de bien vouloir déposer sur le bureau un rapport sur la situation de cette établissement ; le ministre n’a pas déposé ce rapport, qu’il avait cependant promis de présenter avant la fin de la session. Je désirerais que M. le ministre s’expliquât.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, j’ai reçu plusieurs renseignements sur l’établissement de Santo-Thomas, et entre autres un rapport de M. T’Kind, dont il a été souvent question. C’est tout ce que je puis faire pour le moment. Quant à d’autres renseignements, le gouvernement ne pourra les donner que lorsqu’il les aura reçus par l’intermédiaire du commissaire extraordinaire qu’il a envoyé à Santo-Thomas.
M. le président – Je vais donner lecture d’une lettre qui a été adressée à la chambre par M. le ministre des travaux publics :
« A M. le président de la chambre des représentants.
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous transmettre, pour être déposé sur le bureau de la chambre pendant la discussion du projet de loi ayant pour objet d’autoriser la concession d’un chemin de fer de la vallée de la Dendre, d’Ath vers Termonde et Gand, un plan sur lequel, indépendamment du tracé du chemin de fer projeté, se trouve indiqué le profil longitudinal de la vallée de la Dendre.
« Je joins à cet envoi, pour être également déposés sur le bureau, les plans relatifs à l’avant-projet de canalisation de la Dendre, dressé par M. l’ingénieur des ponts et chaussées Wellens.
Par l’inspection des plans dont mention précède, MM. les membres de la chambre pourront acquérir la conviction que la vallée de la Dendre a été l’objet d’une étude complète de la part des ingénieurs de l’Etat, et que l’on pouvait, sans études nouvelles sur le terrain, établir l’avant-projet d’un chemin de fer dans cette vallée.
« Agréez, je vous prie, M. le président, l’expression de la plus haute considération.
« Le ministre des travaux publics, A. DESCHAMPS »
M. le président - La discussion général est ouverte.
M. de Villegas – Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il ne pourrait pas déposer sur le bureau les plans relatifs au canal de Jemappes à Alost.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Oui, je vais les faire chercher.
M. de Renesse – Lors de la discussion du chemin de fer de Jurbise et de St-Trond à Hasselt, M. le ministre des travaux publics, pour repousser un amendement présenté par mon honorable collègue et ami, M. Simons, qui tendait à accorder un subside aux concessionnaires du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres, disait : On ne peut exiger que la chambre examine un projet qui n’a pas été étudié ; l’on devait donc supposer que M. le ministre, pour être conséquent avec lui-même, n’aurait présenté aucun projet de chemin de fer à la sanction de la chambre avant que les études eussent été achevées. Cependant, d’après le rapport de la commission chargée de l’examen du railway à établir dans la vallée de la Dendre, nous voyons que l’art. 1er du cahier des charges, détermine les points sur lesquels s’effectuera le raccordement de la route concédée avec les railways de l’Etat ; il impose aux concessionnaires l’obligation de se conformer, autant que possible, aux plans et indications générales d’un avant-projet qui sera dressé (page 1645) par les ingénieurs de l’Etat, etc. Ainsi, pour prendre une décision à l’égard de la voie ferrée de la Dendre, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un avant-projet ; il suffit qu’il soit dressé après le vote de la chambre !
C’est contre cette partialité de M. le ministre des travaux publics que je viens réclamer de toutes mes forces. Lorsqu’il s’agit d’un district privilégié auquel M. le ministre accorde en même temps deux chemins de fer et un canal, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un avant-projet de dressé pour l’un de ces railways avant de pouvoir prendre une décision ; mais lorsqu’un district, froissé dans tous ses intérêts par un fatal traité, réclame l’exécution d’un chemin de fer qui compenserait, en partie, les pertes éprouvées par les événements politiques, et doit le tirer de l’isolement où il resterait s’il était laissé en dehors des voies ferrées, alors M. le ministre des travaux publics a une toute autre mesure. Au lieu d’accueillir avec faveur la demande en concession, faite le 2 décembre de l’année dernière, l’on cherche à susciter toutes sortes d’obstacles, pour que cette concession ne puisse être accordée ; elle nuirait trop à l’exécution d’un chemin de fer qui avait toutes les affections de M. le ministre ; l’on a soin de charger des études préparatoires l’ingénieur en chef qui avait intérêt à s’opposer à la direction d’Ans à Hasselt par Tongres ; auteur de plusieurs rapports favorables à la direction de St-Trond à Hasselt, l’on ne pouvait prétendre que ce haut fonctionnaire vînt déclarer, par un rapport subséquent, que la direction par Tongres était réellement celle qui était la plus utile aux intérêts généraux du Limbourg, qu’il s’était trompé dans ses premiers rapports.
Je ne viens pas m’opposer à l’exécution du chemin de fer de la vallée de la Dendre ; je sais que ce pays, riche et populeux, n’a été que trop longtemps délaissé sous le rapport des travaux publics ; que le chemin de fer, que le canal à y construire contribueront puissamment à améliorer la position matérielle de cette intéressante contrée ; si, cependant, je suivais l’exemple de M. le ministre des travaux publics, je serais en droit de réclamer l’ajournement de ce chemin de fer, parce que l’avant-projet des études n’est pas encore terminé, qu’il n’a pas été présenté à l’appréciation de la chambre. Si j’ai demandé la parole, c’est pour m’élever contre la partialité de M. le ministre des travaux publics. D’un côté, M. le ministre a la plus grande bienveillance pour certaines localités qu’il comble de faveurs ; c’est ainsi que nous voyons y pousser des chemins de fer comme par enchantement, chaque localité un peu importante doit obtenir son embranchement ; l’on presse tellement l’examen de ces projets que les sections de la chambre ne sont même plus appelées à en prendre connaissance, pour aller plus vite, il faut des commissions travaillant jours et nuits pour en hâter le rapport ; il n’est plus nécessaire qu’il y ait des études préparatoires, tout cela se fera après le vote de la chambre ; l’on n’est même pas fixé sur les différents tracés, et l’on présente même à la sanction de la législature des projets de chemins de fer, dont les conventions n’étaient pas signées lors de leur présentation. L’on dirait vraiment que M. le ministre des travaux publics a peur que ces railways lui échappent, qu’il croit lui-même que ces projets ne sont que des rêves, ne sont pas réels ! Il faut, d’après lui, les saisir à la hâte, il faut les adopter sans examen, car il est presque impossible que M. le ministre puisse examiner lui-même ces différents projets avec une sérieuse attention, étant tout absorbé par les nombreuses demandes de concession qui surgissent chaque jour. Il faut en outre, repousser toutes les justes réclamations ; il ne s’agit plus d’enquêtes, les différents intérêts ne doivent plus être entendus, tout doit être laissé à l’arbitraire du gouvernement, ou plutôt aux influences politiques qui le poussent.
Si M. le ministre des travaux publics agissait d’après un principe d’équité, ne devrait-il pas chercher à établir une justice distributive entre les différentes parties du royaume, soigner tous les intérêts, tâcher que l’on n’en froisse aucun, et les concilier autant que possible ? Alors, l’on verrait du moins que le gouvernement veut être juste envers tous, qu’il a un égal soin de toutes les localités et de tous les intérêts du pays. Il est certain que toutes les localités, toutes les populations laissées en dehors des lignes du chemin de fer seront froissées dans leurs intérêts ; elles se trouveront dans des conditions défavorables à leur commerce ; il est donc d’une bonne justice que le gouvernement cherche à rétablir l’équilibre en dotant pareillement ces localités de travaux publics, utiles à leurs intérêts matériels, et si l’occasion se présentait de leur faire obtenir des voies ferrées, M. le ministre s’empresser d’y contribuer de tous ses moyens.
Je crois devoir demander à M. le ministre des travaux publics, par une motion d’ordre, s’il compte faire poursuivre l’étude du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres ; s’il croit actuellement que la question est assez mûre après l’adoption du railway de Saint-Trond à Hasselt, pour que l’on y donne suite ? D’ailleurs, comme M. le ministre présente lui-même à la sanction de la chambre des projets de chemin de fer dont les avants projets ne sont pas même réglés, il ne peut donc plus s’opposer à l’exécution du chemin de fer auquel je m’intéresse. Je désire obtenir de M. le ministre une réponse catégorique pour ma gouverne future.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne puis accepter le reproche de partialité que m’a adressé M. le comte de Renesse. L’honorable préopinant a avancé que j’avais des districts privilégiés. D’un autre côté il dit que, par les divers projets de loi qui vous ont été présentés, chaque localité un peu importante du pays est dotée d’un chemin de fer ou de canal.
Je ne me placerai pas sur ce terrain purement personnel. Je ferai seulement remarquer à l’honorable membre, que, relativement au chemin de fer d’Ans à Hasselt, il s’agissait de substituer un projet nouveau à un projet accepté par le gouvernement, en vertu d’études faites ; le gouvernement a maintenu son projet, et dans les considérations que j’ai fait valoir, j’ai fait remarquer, en effet, que le chemin de fer qu’on proposait pour être substitué au chemin de fer accepté par l’Etat, n’avait pas été étudié.
Maintenant, la lettre que M. le président a lue tout à l’heure, répond d’avance aux observations de l’honorable membre, relativement au chemin de fer qu il s’agit de concéder en ce moment. La vallée de la Dendre a été complètement étudiée sous le rapport des nivellements et des profils, parce qu’il s’est agi, depuis un grand nombre d’années, et d’un canal latéral et de travaux de canalisation. Le gouvernement a dès lors été à même d’apprécier aisément qu’elle serait l’évaluation du tracé d’un chemin de fer dans la vallée de la Dendre. Il y a plus ; j’ai fait déposer sur le bureau, non-seulement le tracé du chemin de fer, mais le profil longitudinal.
Ainsi, messieurs, il n’est pas exact de dire que le projet du chemin de fer dont il s’agit ne repose sur aucune étude. La vallée de la Dendre est complètement étudiée au point de vue tant du chemin de fer que du canal. Il n’y a pas deux manières d’y passer.
M. de Renesse – Messieurs, je n’hésite pas à dire que la manière d’agir de M. le ministre des travaux publics est tout à fait partiale…
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Cela n’est point parlementaire.
M. de Renesse – Prenons le rapport de la commission et nous lirons :
« Mais l’avant-projet du chemin de la Dendre n’étant point encore dressé, l’on n’a pu faire courir ces termes qu’à partir de la remise de l’avant-projet aux concessionnaires, etc. »
Vous voyez donc que l’avant-projet n’a pas été communiqué à la section centrale. Or, M. le ministre des travaux publics repoussait le chemin de fer d’Ans à Hasselt, par Tongres, parce que, disait-il, les études n’étaient pas faites…
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – On demandait un subside de 400,000 fr.
M. de Renesse – Je réponds que M. le ministre des travaux publics avait accordé à la société Mackenzie un subside supérieur à celui de 400,000 fr.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Mais il y avait des études.
M. de Renesse – Y avait-il des études pour le chemin de fer qui a été joint par un amendement de M. le ministre, à celui de Louvain à la Sambre ? Il n’y en avait pas.
Il en est de même de plusieurs chemins de fer dont la concession est demandée pour la Flandre occidentale. Je ne veux pas m’opposer à l’adoption de ces projets, mais je désire que M. le ministre des travaux publics agisse avec impartialité envers toutes les parties du pays, qu’il soit équitable envers des districts qui ont été sacrifiés par un traité. Ces districts, qui contribuent néanmoins dans les charges publiques, n’obtiennent rien, pendant qu’on accorde plusieurs travaux publics aux autres parties du pays.
M. Delehaye – Le pays de Waes n’a rien.
M. de Renesse – On donne des chemins de fer à la Flandre, et je ne m’y oppose pas ; mais je demande de nouveau que M. le ministre des travaux publics agisse avec équité à l’égard des autres districts qui sont en instance.
J’ai demandé à M. le ministre si l’on poursuivra les études du chemin de fer d’Ans à Tongres ; il ne m’a pas répondu. Je crois cependant avoir le droit de faire cette interpellation.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pour répondre directement à cette interpellation, je dirai que j’attends, comme pour les autres concessions, que les demandeurs présentent, comme c’est leur intention, un projet au gouvernement. Le gouvernement fera étudier ce projet, comme il a fait étudier les autres.
M. de Renesse – M. le ministre des travaux publics a accordé des concessions à des sociétés qui n’avaient pas fait faire d’études, et pour qui les études ont été faites par les ingénieurs de l’Etat. Dès lors, MM. Detiège et Blyckaerts, demandeurs en concession, qui ont l’intention d’exécuter le chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres, quoique celui de Hasselt soit décrété, ont droit à la même faveur.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – On examinera.
M. Verhaegen – Nous allons réellement bien loin avec toutes ces demandes de concession. Mais il ne faut pas que l’engouement général nous expose à manquer de justice distributive.
Puisqu’on a parlé de partialité, il ne sera pas inutile de dire quelques mots relativement aux différentes demandes de concession pour le même chemin de fer ; car s’il pouvait y avoir partialité pour certaines localités, il pourrait bien y avoir partialité pour certaines personnes.
Pour le chemin de fer à construire dans la vallée de la Dendre, il y a tout au moins deux demandes de concession ; l’une faite par une société anglo-belge, dont il s’agit en ce moment, l’autre faite par une société tout à fait Belge, dont on ne veut pas s’occuper.
Quand il s’agit de deux sociétés, dont l’une est étrangère et l’autre belge, à des conditions égales, j’aimerai certes mieux donner la préférence à celle-ci.
La société belge qui se présente sous le nom collectif de MM. Buelens, Moucheron et comp. nous a adressé, il y a quelques jours, une requête que vous aurez probablement lue, et qui vous prouve la partialité dont elle a été la victime de la part du gouvernement ; pour ceux qui ne l’ont pas lue, je vais en donner communication.
Plusieurs membres – C’est inutile.
M. Verhaegen – Il faut de la justice pour tous
(page 1646) Ces messieurs se sont plaints de ne pas avoir été reçus par M. le ministre des travaux publics, nonobstant leurs demandes réitérées. Il ont fait des études, des frais considérables, dès lors ils avaient droit à une préférence, et cependant on ne les a pas écoutés. Ils avaient même remis des avant-projets tandis que la compagnie anglo-belge n’en avait remis aucun.
Je viens réclamer pour mes compatriotes la justice à laquelle ils ont droit comme des étrangers.
La compagnie anglo-belge n’a fait aucune étude pour le chemin de fer de la Dendre, on semble maintenant d’accord sur ce point. On ne sait pas même jusqu’à présent quel sera le tracé ; il sera, dit-on, déterminé plus tard par le gouvernement, de même que seront déterminés plus tard les points de raccordement. Et, messieurs, ce ne sont pas là des assertions gratuites ; je lis, en effet, dans le rapport de la commission (page 2 in fine) : « L’art. 1er détermine les points sur lesquels s’effectuera le raccordement de la route concédée avec les railways de l’Etat. Il impose aux concessionnaires l’obligation de se conformer, autant que possible, aux plans et indications générales d’un avant-projet qui sera dressé, etc. »
Ainsi un avant-projet SERA DRESSE ! C’est donc un futur contingent ; du moins, c’en était un à l’époque où la commission faisait son rapport. Au commencement de la page 3 du même rapport je lis encore : « Les points de raccordement indiqués dans cet article ont donné lieu à des réclamations susceptibles d’amener de longues discussions ; réclamations sur lesquelles il serait d’ailleurs extrêmement difficile de se prononcer dès aujourd’hui, vu l’absence d’une instruction préliminaire. »
D’après cela nous concéderions un chemin de fer sans études, sans plan, même sans instruction préliminaire.
Je le répète, il y a une demande faite par une compagnie belge qui a présenté des études, des plans, qui a transmis des tracés, et qui s’est offerte de donner des explications que M. le ministre a jugé à propos de ne pas écouter.
Messieurs, nous allons tellement vite que, comme on me le fait remarquer, on ne se donne plus la peine de faire passer les demandes de concession par les bureaux de la chambre ; on les adresse directement à la section centrale. L’honorable M. Lesoinne vient de déposer un rapport comprenant quatre chemins de fer et un canal, dont il n’a pas encore été question à la chambre.
M. le ministre a beau faire un signe négatif. J’ai le rapport sous les yeux, et je vous en donnerais lecture si je ne craignais d’abuser de vos moments.
Tout cela, messieurs, prouve qu’on procède avec beaucoup de légèreté, et on pourrait bien s’en repentir dans la suite.
A la fin d’une session, on est pressé de s’en aller ; on accorde des concessions aux uns, au détriment d’autres qui ont des droits légitimes de préférence.
Voici la requête dont j’ai parlé ; elle contient des faits extrêmement graves ; il importe que vous la connaissiez, et je terminerai en vous en donnant lecture
(L’orateur donne lecture de cette pétition.)
Puisqu’il en est ainsi, messieurs, ce qu’il y aurait de mieux à faire, ce serait de mettre la concession en adjudication ; remarquez bien qu’elle ne peut pas vous échapper, puisqu’il y a deux demandes de concession.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je vais d’abord répondre à la question incidentielle qui a été soulevée, c’est-à-dire à la réclamation de MM. Buelens et Moucheron. Le chambre sera convaincue que cette réclamation n’a rien de sérieux.
Si la chambre me le permet, je vais donner lecture de plusieurs passages de la réponse que j’adresse aux réclamants :
« J’ai reçu le 19 avril votre demande du 18, en concession d’un chemin de fer de Bruxelles à Wetteren par Alost, concession que le gouvernement a déclaré ne pas être prêt à accorder :
« Votre pétition de moins de trois pages d’écriture n’était appuyée d’aucun des documents exigés par l’art. 2 de l’arrêté royal du 29 novembre 1836, et ce n’est que le 6 de ce mois que vous m’avez fait parvenir une carte lithographiée sur laquelle votre tracé se trouve indiqué par de traits rouges et bleus. Vous n’avez fourni jusqu’à ce jour ni les profils ni les autres documents exigés par le règlement ; votre demande en concession, incomplète, comme le plus grand nombre de celles qui m’ont été adressées depuis certain temps, n’a pu dès lors être considérée comme régulièrement formée, ni comme pouvant établir un droit de propriété en faveur de ses auteurs.
« Mais il y a plus : votre demande, fût-elle régulière, ne pourrait constituer en votre faveur un titre quelconque de priorité qu’à la condition d’être antérieure aux autres demandes et propositions qui m’ont été adressées.
« Or, elle est du 18 avril, et dès le 24 mars M. l’ingénieur en chef Desart avait, par un rapport motivé, appelé mon attention sur l’opportunité de l’établissement d’un chemin de fer destiné à joindre la ligne de l’Ouest à Bruxelles et à Ath par Alost ; le 14 avril suivant, j’avais traité avec une compagnie, sous réserve de l’approbation des chambres, de la concession du chemin de fer de la vallée de la Dendre, d’Ath vers Termonde et Gand par Lessines, Grammont, Ninove et Alost.
« Il y avait donc convention, dès avant votre demande, pour la seule partie du projet que le gouvernement regarde comme concessible, ainsi que la déclaration en a été faite devant la chambre des représentants, devoir être établie et exploitée au compte de l’Etat. »
Ainsi, messieurs, il s’agit dans cette demande, comme objet principal, d’un chemin de fer de Bruxelles à Wetteren par Alost ; j’ai reçu au moins une douzaine de demandes pour obtenir la concession du même chemin de fer et je me suis refusé à les instruire, parce que le gouvernement croit que si ce chemin de fer doit être exécuté, il devra l’être par le gouvernement.
Il est inexact de dire, messieurs, comme l’affirme les réclamants, qu’ils ont fourni au gouvernement une demande accompagnée de plans et de projets. Les réclamants ont adressé le 18 avril au département des travaux publics une simple lettre sans aucun projet à l’appui. Ce n’est que le 6 de ce mois qu’une carte lithographiée, avec des lignes bleues et rouges, ce qui n’est pas très-difficile à faire, m’a été adressée.
Mais il y a plus : leur demande fût-elle régulière, elle ne pourrait constituer en leur faveur un titre quelconque de priorité qu’à la condition d’être antérieure aux autres demandes qui m’ont été adressées.
Or, elle est du 18 avril et dès le 24 mars, M. l’ingénieur en chef Desart avait, par un rapport motivé, appelé mon attention sur l’opportunité de l’établissement d’un chemin de fer destiné à joindre la ligne de l’Ouest à Bruxelles et à Ath par Alost. En outre, le 14 avril suivant, c’est-à-dire, quatre jours avant que la lettre de MM. Buelens et Moucheron ne me fût parvenue, j’avais traité avec une compagnie, sous réserve de l’approbation des chambres de la concession d’un chemin de fer dans la vallée de la Dendre, d’Ath vers Termonde et Gand. MM. Buelens et Moucheron ont donc attendu que les choses fussent complètement engagées, avant de m’adresser, non pas un plan et un projet, mais une simple lettre.
Encore un mot, messieurs. Il y a quelques jours, dans une conversation que j’ai eue avec MM. Buelens et Moucheron, je leur ai demandé quelle était la compagnie qu’ils représentaient. Ces MM. ne se présentaient pas comme constituant à eux seuls une compagnie définitive. Je leur ai donc demandé pour apprécier jusqu’à quel point les offres qu’on me faisait étaient sérieuses, quels étaient les capitalistes qui se trouvaient derrière eux ? Ils ont positivement refuser de me les faire actuellement connaître.
Comment voulez-vous que le gouvernement puisse considérer cette demande comme ayant le moindre caractère sérieux ?
Messieurs, relativement aux études de la vallée de la Dendre, je ne pourrais que répéter ce que j’ai dit tout à l’heure. La vallée de la Dendre a été complètement étudiée par les ingénieurs de l’Etat. Le chemin de fer doit nécessairement parcourir dans cette vallée la même direction que celle du canal latéral. Ainsi toutes les études de nivellement et profits, faites par M. l’ingénieur Wellens et par l’ingénieur en chef Gernaert, ont servi au gouvernement pour pouvoir apprécier complètement que ce chemin de fer était de facile exécution, et quelle pouvait être son importance. Il est donc inexact de dire que le gouvernement a négocié cette concession sans études et les yeux fermés.
D’ailleurs, messieurs, veuillez ne pas perdre de vue, qu’il s’agit d’un chemin de fer à concéder et à construire aux frais, risques et périls d’une compagnie, sans intervention du trésor public.
Je comprends jusqu’à un certain point que s’il s’agissait de construire un chemin de fer aux frais de l’Etat, la chambre exigeât des études détaillées, parce qu’elles devrait surtout connaître quelles peuvent être les dépenses d’établissement, et quels peuvent être les produits probables. Mais ici, messieurs, de quelle importance peuvent être ces renseignements ? Lorsqu’une compagnie se présente pour construire un chemin de fer à ses frais, risques et périls, sans doute le gouvernement a besoin d’études afin de connaître si ce projet est sérieux, s’il est possible, s’il est d’une facile exécution ; il est aussi jusqu’à un certain point nécessaire qu’il puisse en évaluer les produits, afin de savoir si les demandeurs en concession ne se font pas illusion. Mais il est évident que ces renseignements n’ont pas une aussi grande importance que s’il s’agissait d’une ligne à construire aux frais de l’Etat.
Cependant, messieurs, que s’est-il passé en 1834 et en 1837, lorsque la législature a décrété nos grandes lignes de chemins de fer à construire aux frais de l’Etat ? En 1834, dans le projet du gouvernement il s’agissait d’une ligne de Malines vers Verviers par Liége, avec embranchements sur Bruxelles, sur Anvers et vers Ostende. L’embranchement vers Ostende n’était qu’incomplètement étudié. Eh bien, la section centrale a modifié (page 1647) le projet ; elle a décidé qu’on y ajouterait une ligne vers la France par le Hainaut, sans déterminer même si cette ligne se dirigerait, soit par Mons, soit par Tournay, sans avoir aucune espèce d’études préalables pour asseoir une appréciation raisonnée.
Ce qui s’est passé en 1837, messieurs, est plus remarquable encore à ce point de vue. D’après le projet de loi du 20 mai 1837, la proposition primitive était de construire un chemin de fer de Gand à la frontière de France et à Tournay par Courtray. Eh bien, la chambre étendit cette proposition ; elle décida qu’on construirait un chemin de fer pour rattacher Namur, le Limbourg et même, éventuellement le Luxembourg, au réseau de nos chemins de fer. Elle décida cela, sans études, sans projets. Elle laissa au gouvernement une latitude telle, que pour le chemin de fer de Namur, le gouvernement put préférer le tracé de Namur à Braine-le-Comte au tracé de Namur à Tirlemont.
Voilà la latitude que la chambre laissa au gouvernement, lorsqu’il s’agissait de chemins de fer à construire aux frais du trésor public, alors qu’elle aurait pu déclarer ne vouloir voter ces projets qu’en parfaite connaissance de cause, qu’en ayant sous les yeux des plans et des études, qu’en sachant quels seraient les dépenses et les produits présumés.
Vous voyez donc que vouloir, pour un chemin de fer qu’une compagnie construit à ses frais, que les études soient complètes, que la section centrale et la chambre ne puissent rien y ajouter, c’est pousser les exigences infiniment plus loin qu’on ne l’a fait en 1834 et 1837, alors qu’on aurait peut-être des raisons de le faire.
D’ailleurs, messieurs, veuillez ne pas oublier que les projets qui vous sont présentés, reposent, en général, sur des bases d’études sérieuses autant qu’on peut le désirer. Ainsi, le projet de chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse que vous avez voté, a été étudié pendant trois années par les ingénieurs de l’Etat. Le projet de Tournay à Jurbise, le projet de St-Trond à Hasselt, celui de Jemeppe à Louvain ont été étudiés avec autant de soin qu’on a jamais étudié projet de chemin de fer en Belgique. Quant au chemin de fer de Liége à Namur, mais trois ou quatre projets de lignes dans la vallée de la Meuse ont été présentés au gouvernement et par le major Fallot, et par le colonel de Puydt, et par plusieurs demandeurs en concession ; ces projets ont été vérifiés par plusieurs ingénieurs qui s’en sont occupés dans les derniers temps. Il en a été de même du chemin de fer de Mons à Manage. Le gouvernement avait donc des projets élaborés. Le projet du canal d’Erquelinnes, que la section centrale a admis par amendement, a été soumis aux enquêtes. Il n’y a pas de projet qui ait été plus minutieusement étudié.
Dans le travail de M. Vifquain, vous avez l’historique et les études de ce canal.
Ce canal possède le premier rang en importance et en priorité parmi ceux qu’il s’agit de construire en Belgique. Il y a eu même une tentative d’adjudication publique. Ainsi ce projet, chacun des membres de la chambre peut le connaître parfaitement.
Le chemin de fer des Flandres. Mais, messieurs, depuis un an M. l’ingénieur Lebens est chargé de l’étude de tous les chemins de fer dans la Flandre occidentale. Le projet présenté repose sur des études réelles, je sais bien qu’il a été apporté des changements au tracé, mais c’est ce qui arrive dans toutes les discussions ; en France, par exemple, la discussion amène presque toujours des changements aux tracés.
Cela prouve-t-il que les études n’ont pas été faites complètement, qu’elles n’ont pas été faites avec tous les soins nécessaires ? Lorsqu’il s’agit de la concession d’un chemin de fer, la chambre doit s’occuper avant tout de la question de savoir si la ligne dont la concession est demandée ne peut pas nuire aux lignes de l’Etat et par conséquent aux revenus du trésor. Or, pour examiner ce point il ne faut ni études, ni profils, ni plans. Néanmoins, je le répète, les plans existent pour chacun des projets soumis à la chambre.
En ce qui concerne le chemin de fer de la vallée de la Dendre, le gouvernement, comme je l’ai déjà dit, avait en sa possession les profils, les nivellements, les plans de toute la vallée de la Dendre ; et ces profils, ces nivellements, ces plans peuvent servir tout aussi bien pour le chemin de fer que pour le canal, car ces deux voies de communication suivent à peu près la même direction. Du reste, j’ai déposé sur le bureau des renseignements qui mettront la chambre à même de se prononcer en connaissance de cause.
M. Rogier – Messieurs, les observations que j’ai à présenter, auraient trouvé leur place dans la discussion du projet de loi relatif aux chemins de fer de Namur à Liége et de Manage à Mons ; mais puisque la discussion m’amène sur ce terrain, je les soumettrai maintenant à la chambre.
M. le ministre des travaux publics vient de dire que les différents projets qui ont successivement surgi ont été parfaitement étudiés. Il en a cité quelques-uns, mais il ne les a pas cités tous. En parcourant le rapport extrêmement concis de la section centrale, chargée d’examiner le projet de loi relatif aux chemins de fer de Namur à liége et de Manage à Mons, j’ai été tout surpris de trouver, sous le titre de ces deux chemins de fer, divers autres projets qui ont pris naissance dans la section centrale, comme les feuilles du printemps (On rit.) Et ces projets ont été accueillis par la section centrale avec un tel enthousiasme qu’elle n’a pas même consacré une page de son rapport à chacun d’eux, car le rapport se compose de 5 à 6 pages et il embrasse 7 projets. Ces projets, sauf deux, ont été improvisés dans la section centrale et ils n’ont pas même eu l’honneur de figurer en ligne bleue sur la carte.
Tout à l’heure M. le ministre a dit que rien n’était plus facile que de tracer des chemins de fer en lignes bleues sur une carte ; eh bien, les chemins de fer dont il s’agit ne figurent pas même sur cette simple forme sur une carte quelconque. Parmi ces chemins de fer, je citerai celui de Marchienne-au-Pont vers la France, un second partant du tronc principal à Manage vers Erquelinnes, le chemin de fer de Namur à Dinant, le chemin de fer de Liége vers la frontière de la Hollande qu’on est bien étonné de voir arriver à la suite des autres, après ce qui a été dit dans la discussion relatif au canal de Liége à Maestricht.
Messieurs, il n’y a point ici de ma part parti pris contre les différents projets qui vous sont soumis. J’ai expliqué quel était mon point de vue, j’ai défendu mon système, et je le défendrai encore lorsque l’occasion s’en présentera, quelque peu d’espoir que j’aie de le voir triompher ; mais en ce moment je n’ai d’autre but que d’appuyer les observations de l’honorable M. Verhaegen, de faire voir à M. le ministre que les divers projets présentés sont loin d’avoir été étudiés comme il le dit.
M. le ministre vous a rappelé ce qui s’est passé en 1834 ; mais il aurait dû rappeler en même temps que le projet de 1834 a été précédé d’une très-longue enquête. Présenté au mois de juin 1833, il n’a été voté qu’au mois d’avril 1834. L’instruction tant parlementaire qu’extraparlementaire a duré près d’une année. Vous voyez, messieurs, qu’il y a loin de la manière de procéder d’alors à celle qui a été introduite dans ces derniers temps. Maintenant on vient du jour au lendemain glisser dans la section centrale 3 ou 4 projets à l’insu même de la chambre. On en peut pas dire qu’il y ait des études. M. le ministre des travaux publics serait fort embarrassé s’il devait déposer sur le bureau les différents projets qu’il s’agit maintenant de convertir en lois, notamment ceux que je viens de rappeler et dont il n’avait point parlé. Si l’on a fait l’étude du chemin de fer de Marchienne-au-Pont vers la France, celui de Manage vers Erquelinnes, celui de Namur à Dinant, celui de Liége à la frontière hollandaise par Visé, ces chemins de fer ont été étudiés, si des rapports ont été faits, si quelques plans existent, j’engage M. le ministre à vouloir les produire. Du reste, je ne me prononce pas en principe contre ces chemins de fer. En l’état actuel des choses, le seul que je demanderais de réserver à l’Etat, c’est le chemin de fer de Liége à Namur.
M. d’Elhoungne – Messieurs, je n’ai point l’intention d’aborder la discussion générale de tous les chemins de fer qui nous restent à voter ; je ne désire soumettre à l’assemblée que quelques observations sur le chemin de fer de la Dendre qui est l’objet spécial de la discussion actuelle.
Je commencerai par témoigner mon vif regret de ce que le projet nous soit présenté avec si peu de maturité. Je suis peu touché des efforts qu’a faits M. le ministre des travaux publics pour nous démontrer l’inutilité de renseignements exacts et détaillés lorsqu’il s’agit d’un chemin de fer qui doit être construit, non avec les fonds de l’Etat, mais avec les fonds d’une compagnie concessionnaire. M. le ministre me paraît avoir perdu de vue, en ceci, cette considération très-importante : si nous ne connaissons point avec exactitude les produits probables de la ligne à concéder, comment pouvons-nous alors nous fixer sur les conditions possibles à exiger de la compagnie concessionnaire ? Lorsque nous n’avons aucune espèce d’aperçu relativement à la somme des bénéfices que les concessionnaires retireront du chemin de fer à concéder, comment ferons-nous les conditions en connaissance de cause ? Il est évident cependant que plus la ligne concédée doit rapporter de bénéfices aux concessionnaires, plus nous avons le droit et le devoir de leur imposer des conditions avantageuses au pays en général, avantageuses au développement des relations commerciales, industrielles et agricoles.
Dans une séance précédente, lors de la discussion du projet relatif au chemin de fer de Jurbise, l’honorable M. Dubus (aîné) a avancé que le contrat de concession du chemin de fer de la Dendre renferme une condition secrète pour l’exécution du canal de Jemappe à Alost. La canalisation de la Dendre, en effet, a été concédée, mais il ne s’est pas trouvé, jusqu’à ces derniers temps, de bailleur de fonds ; mais maintenant, il paraîtrait, d’après ce qu’a dit l’honorable membre que je viens de nommer, que ce bailleur de fonds est trouvé dans la compagnie concessionnaire du chemin de fer. Voilà un fait qui a été affirmé par l’honorable M. Dubus (aîné) et que M. le ministre des travaux publics n’a pas contesté.
Messieurs, je demanderai ce que le pays doit penser, ce que nous devons penser nous-mêmes des bénéfices prévus et possibles d’un chemin de fer qui permet à M. le ministre des travaux publics de glisser dans une clause inaperçue, dans une clause secrète une stipulation dont l’importance est de 18 millions !
Messieurs, cela rappelle involontairement ce célèbre article secret du traité de la Tafna par lequel le général Bugeaud, se croyant vainqueur des Arabes, leur imposait un tribut de 40,000 boudjaus pour les chemins vicinaux de son arrondissement. M. le ministre des travaux publics n’a point vaincu les Arabes (dont je crains bien qu’il ait été assailli dans cette bataille de concessions), M. le ministre a stipulé au profit de son arrondissement, par un article secret aussi, la canalisation de la Dendre qui doit coûter 18 millions, ce qui est un peu plus, par parenthèse, que les 40,000 boudjaus dont le général Bugeaud s’était modestement contenté.
Il est extrêmement important, on ne peut trop insister là-dessus, que nous puissions apprécier les produits probables du chemin de fer à concéder ; et je m’étonne que M. le ministre nous laisse dans l’ignorance sur ce point. En effet, après les travaux statistiques si remarquables, fait par M. l’ingénieur Desart, pour le chemin de fer de Jurbise, travaux qui forment, au point de vue scientifique, une théorie complète sur les produits des chemins de fer en général ; après ces travaux, dis-je, ce n’était plus qu’un simple calcul de statistique qu’il fallait pour établir le rapport présumé (page 1648) de la ligne de la Dendre. Eh bien ! ce calcul on ne l’a pas fait. Il semble qu’on n’y ait pas songé seulement. Aucun élément d’appréciation ne nous a été fourni.
Cependant cette ligne de chemin de fer, par sa situation admirable qui en fait en quelque sorte l’idéal des chemins de fer ; cette ligne de la Dendre doit donner des produits évidemment considérables, des bénéfices en dehors de toute proportion peut-être avec le capital engagé ; et nous allons tous abandonner en aveugles, sans peser les conditions que nous faisons à la compagnie, sans mesurer ces conditions sous le chiffre des bénéfices à réaliser par la compagnie concessionnaire !
M. le ministre a assuré, et je le crois aisément, que par suite du travail que l’on a fait pour le canal de la Dendre, les lieux ont été étudiés et toutes les difficultés du terrain reconnues ; qu’un tracé a été projeté, tracé qui doit nous inspirer toute confiance.
Ainsi, messieurs, on connaît parfaitement, et M. le ministre, s’il l’avait voulu, aurait pu nous faire connaître aussi, quelle sera l’importance des dépenses à faire par la société concessionnaire pour l’établissement du chemin de fer projeté. Or, si M. le ministre avait fait publier ce travail ; si, au moyen des statistiques qui existent, il nous avait donné en même temps le produit présumé de ce chemin de fer, nous aurions pu alors avec exactitude faire la part qu’il convient d’accorder aux concessionnaires et la part qu’il est juste et utile de réserver à l’intérêt général du pays. Sous ce rapport, il y a donc lacune évidente dans les renseignements qui nous sont donnés et sur lesquels nous avons à prendre une résolution de la plus haute gravité.
Permettez-moi de le répéter : on ne nous dit pas ce que coûtera la construction du chemin de fer de la vallée de la Dendre (ce qu’il était facile de nous dire, après des études faites dans cette vallée) ; on ne nous dit pas davantage quels sont les produits présumés de cette ligne, et on vient en demander la concession !
M. le ministre des travaux publics qui demande ainsi la concession du chemin de fer de la Dendre, n’en ignore cependant pas la grande importance. Il l’a au contraire parfaitement appréciée et signalée.
Dans son exposé des motifs, page 2, M. le ministre a vivement insisté sur les nombreuses relations que la ligne projetée doit établir entre des localités aussi nombreuses que considérables.
Et, en effet, il saute aux yeux que ce chemin de fer qui, sur un parcours de 11 lieues et demie, traverse six villes populeuses et une foule de communes non moins populeuses que des villes ; il est évident qu’un pareil chemin de fer se trouve placé dans les conditions les plus favorables, pour donner de gros bénéfices aux concessionnaires ; et cela sans qu’ils aient à supporter de grands frais d’établissement et de construction.
Car, la vallée de la Dendre, à en juger par la connaissance que nous avons tous de sa conformation, et d’après les nivellements déposés sur le bureau, ne doit pas présenter de très-grandes difficultés de terrains à vaincre. Ce chemin de fer doit donc être d’une exécution facile. Or, il est en même temps le plus merveilleusement placé de tous nos chemins de fer.
Maintenant, M. le ministre des travaux publics nous propose de le concéder ; je dis que, ne connaissant pas ce que ce chemin de fer coûtera à construire, ce qu’il pourra rapporter après sa construction, nous sommes placés dans l’impossibilité d’apprécier les conditions que nous pouvons imposer à la compagnie concessionnaire.
Le mode de concession que M. le ministre des travaux publics nous propose n’est pas très-satisfaisant à mes yeux.
On fait grand bruit du nouveau système dont l’adoption du projet de loi, relatif à la ligne de Jurbise à la ligne de Hasselt, a marqué l’avènement. On a dit que ce nouveau système réunissait à la fois les avantages de l’action gouvernementale, et de l’intervention de l’intérêt privé. Vous vous rappellerez, messieurs, que c’était là un des arguments principaux dont M. le ministre s’est servi pour engager la chambre à voter la concession des lignes de Jurbise et de Hasselt. M. le ministre a insisté alors avec beaucoup d’habilité et de force sur les avantages qui résulteraient de l’exploitation laissée à l’Etat, il a soutenu que les abus ne seraient pas possibles au moyen de cette combinaison ; que les tarifs ne pouvaient, grâce à elle, être immobilisés à un taux trop élevé. En un mot, M. le ministre des travaux publics semblait heureux et fier d’avoir trouvé une combinaison si ingénieuse.
Moi-même, j’y ai applaudi. J’ai eu l’honneur de faire observer que ce mode de concession ne présentait pas les désavantages les plus saillants du système de concessions absolues. Cependant que vient de proposer aujourd’hui M. le ministre pour la ligne de la vallée de la Dendre, qui est précisément intercalée dans le réseau des chemins de fer de l’Etat, comme la ligne de Jurbise ? M. le ministre, changeant de système du jour au lendemain, vient nous présenter une demande de concession absolue ! Il ne s’agit plus d’accorder à la société concessionnaire le droit de construire le chemin de fer, en en réservant l’exploitation à l’Etat, en laissant à l’Etat une action très-énergique sur l’abaissement des tarifs ; il s’agit, au contraire, de livrer cette ligne de chemin de fer, la plus productive peut-être, et par cela même la plus utile ; de la livrer d’une manière absolue à l’intérêt, à l’égoïsme d’une compagnie concessionnaire ! L’Etat n’exploitera pas ; l’Etat n’aura nulle action sur les tarifs ; la société concessionnaire exploitera, comme elle l’entendra, sans avoir de contrôle efficace à subir ; sans avoir à faire plier ses intérêts devant aucune considération d’intérêt général, quel que soit d’ailleurs le taux de ses bénéfices !
Cependant, remarquez-le bien, cette ligne de la Dendre vient se relier par tous les bouts au réseau des chemins de fer de l’Etat. La plupart des voyageurs qui la parcourent seront obligés de se servir, en partie, de la ligne concédée, et en partie, de la ligne de l’Etat. Par exemple, le voyageur partant de Gand, voudra se rendre à Mons, sera obligé de changer de convoi à Wichelen, pour passer de la ligne de l’Etat sur la ligne concédée de la Dendre ; arrivé à Ath, il suivra un autre chemin concédé jusqu’à Jurbise ; à Jurbise, il reprendra la ligne de l’Etat jusqu’à Mons. Il passera donc trois fois d’un système d’exploitation à l’autre. Cela fera trois changements de convoi. Trois interruptions. Trois solutions de continuité. Trois causes inévitables de pertes de temps. Cette complication aura pour résultats ou de priver la ligne de la plus grande partie de son utilité, ou (si l’on veut remédier aux retards en ménageant les coïncidences) d’entraîner des dépenses de tout genre sur les lignes de l’Etat.
Il en sera de même pour les marchandises. Si vous brisez l’unité de l’exploitation, il y aura plusieurs transbordements successifs ; et pour les produits si pondéreux que le Hainaut envoie principalement aux Flandres, je vous laisse calculer les pertes considérables qu’un pareil système entraînera.
M. le ministre des travaux publics objectera peut-être, qu’on peut prendre des arrangements ; que l’Etat pourra se réserver de passer avec des convois sur la ligne concédée, et réciproquement. Mais où cela doit-il nous entraîner ? Dans l’annexe que M. le ministre a communiquée à la section centrale, on a signalé l’inconvénient d’avoir plusieurs services de locomotion sur une même ligne. Chacun, d’ailleurs, peut apprécier aisément les dangers que présente, pour la sécurité des voyageurs, le morcellement de l’exploitation. Dès que l’exploitation n’a plus une direction unique, une direction centrale, les accidents doivent se produire bien plus facilement, que sous l’action d’une centralisation forte et intelligente.
M. le ministre des travaux publics, à qui j’avais soumis ces objections contre l’exploitation par la société concessionnaire, dans le sein de la section centrale, y a répondu d’une manière qu’il m’est bien difficile de prendre au sérieux. M. le ministre a répondu d’abord que, comme on n’avait pas étudié le chemin de fer, on ne pouvait calculer la part à attribuer à l’Etat dans les produits, pour couvrir les frais d’exploitation. M. le ministre a dit ensuite que l’Etat ne pouvait se charger de l’exploitation de la ligne de la Dendre, parce que l’exploitation que l’Etat a aujourd’hui est trop étendue.
J’écarterai la première objection, tirée de cette circonstance, que la ligne de la Dendre n’est pas suffisamment étudiée ; M. le ministre des travaux publics vient de déclarer qu’un tracé existe, que le terrain est exploré, que la direction et le profil du chemin de fer sont assez connus.
L’autre objection n’est pas plus difficile à réfuter. Je ne demande pas que l’Etat se charge indéfiniment de l’exploitation de toutes les lignes de chemins de fer décrétées et à décréter. Mais chaque fois qu’un chemin de fer concédé viendra s’intercaler dans le grand réseau de l’Etat, l’Etat doit se réserver, dans toute leur intégrité, les avantages indirects, les bénéfices de la réaction, qui résultent de la ligne concédée ; l’Etat doit se réserver l’exploitation.
C’est ce que M. le ministre des travaux publics a senti et parfaitement démontré pour la ligne de Jurbise. M. le ministre a compris qu’elle ne pouvait donner toute la somme d’utilité qu’on est en droit d’en attendre, si l’exploitation est morcelée ; si cette exploitation avait été enlevée à l’action unitaire du gouvernement. Or, la ligne de la Dendre est absolument dans la même situation, elle touche également par tous les bouts au chemin de fer de l’Etat ; elle forme une ligne parallèle à celle qui part, d’un côté, de Malines à Braine-le-Comte, et de l’autre, de Gand à Tournay. Ainsi, sur ce chemin de fer, il est impossible d’admettre un système d’exploitation autre que celui suivi sur les lignes de l’Etat. Une société n’ayant à exploiter que cette seule ligne de onze lieues, pourra-t-elle, d’ailleurs exploiter aussi bien, aussi économiquement que le gouvernement, pour lequel l’adjonction de cette ligne nouvelle, n’entraîne aucune modification dans la plupart des frais qu’il fait déjà ? Je maintiens donc que la sécurité et l’intérêt des voyageurs autant que l’intérêt du commerce, de l’industrie et de l’agriculture exigent impérieusement que l’action unitaire de l’Etat, que son influence prépondérante soient conservées sur la ligne de la Dendre.
Voyez à quels fâcheux résultats conduirait une concession absolue. J’ai eu l’honneur de le signaler précédemment à l’assemblée ; l’inconvénient capital des concessions de chemins de fer, ce que vous livrez à l’intérêt privé un des instruments les plus puissants d’activité, de prospérité et de progrès pour toutes les branches du travail national.
Les chemins de fer ont une immense utilité, à d’autres points de vue que celui de leurs revenus. Ils multiplient les ressorts du commerce et de l’industrie ; ils leur donnent un élan énergique, des forces nouvelles, et comme une nouvelle vie ; ils prêtent à l’agriculture un secours efficace pour le transport et, par suite, pour l’écoulement de ses produits. En facilitant là même où jamais il n’y avait eu de relations suivies. En créant des relations, ils créent des intérêts, des besoins, et par conséquent, des débouchés et des industries qui n’existaient pas auparavant. Mais à quelle condition sont ces bienfaits, et tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ? C’est à la condition que l’exploitation des chemins de fer tende à leur faire produire la plus grande somme d’utilité, et non plus le plus gros revenu possible.
En Angleterre, les chemins de fer sont loin de réaliser la somme d’utilité, qu’on peut en attendre. J’ai indiqué la cause de ce fait qui est pour nous un grand enseignement, un grave motif de circonspection. Il est la triste conséquence du monopole imprudemment attribué aux sociétés particulières.Le gouvernement anglais n’ayant pas d’action sur les chemins de fer, ne peut pas régler, dominer l’exploitation ; il est impuissant pour faire prévaloir l’intérêt général, même sur les erreurs et les excès de l’intérêt privé.
De sorte qu’aujourd’hui, les chemins de fer d’Angleterre, au lieu de profiter (page 1649) à tout le corps social, ne profitent qu’à quelques heureux qui peuvent payer leurs tarifs exorbitants et profitent surtout aux sociétés qui, la plupart, font d’excellentes affaires malgré leurs gigantesques prodigalités. Au contraire, et c’est le côté pénible mais instructif du système, des populations entières sont privées à la fois et du bienfait de ce nouveau mode de transport, qu’on rend inaccessible pour elles, et des facilités que leur présentaient auparavant les anciens modes de transport que la concurrence des chemins de fer est venue détruire.
Qu’allez-vous faire, messieurs, de cette belle vallée de la Dendre ? Vous allez la livrer pieds et poings liés à l’intérêt surexcité d’une compagnie concessionnaire. Pendant 90 ans, les populations de cette vallée seront à la merci d’une société ; la science aura beau faire des progrès, les chemins de fer qui sont dans leur enfance encore, auront beau se perfectionner, les moyens de locomotion auront beau devenir plus économiques, tous les jours les bénéfices auront beau s’élever, au point d’arriver aux proportions les plus exagérées : l’Etat et le pays se seront interdit à toujours le droit d’intervenir et de modérer les bénéfices de la société au nom des intérêts les plus légitimes et les plus vitaux des populations si odieusement exploitées !
Je dis qu’avant d’admettre un pareil système, la chambre doit mûrement y réfléchir.
Dans la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise, M. le ministre des travaux publics n’a pas cessé de reconnaître avec nous que l’immobilité des tarifs était le danger le plus sérieux, le plus imminent, le plus inévitable des concessions. « Mais, s’est-il écrié, je vous défie de répondre à cette objection : les tarifs dépendent des frais d’exploitation, celui qui a les frais d’exploitation à sa charge est maître des tarifs. Or, l’Etat exploite le chemin de fer de Jurbise, donc il est maître des tarifs. »
Maintenant je demanderai à mon tour comment, dans le système de concession absolue, que M. le ministre propose pour la ligne de la Dendre, l’Etat conserve quelque action sur les tarifs ? il est évident qu’il n’en a plus ; le tarif est immobilisé à jamais. Les objections si graves qu’on a faites contre les concessions des chemins de fer en général, se représentent donc ici dans toute leur force.
M. le ministre des travaux publics m’a péniblement surpris, je l’avoue, quand il est venu abandonner le système qu’il avait défendu avec talent à propos du chemin de fer de Jurbise. J’avais cru à plus de fixité quand il a déserté le principe salutaire qu’il avait fait prévaloir dans la discussion du chemin de fer de Jurbise. D’après ces considérations, je présenterai, peut-être, à la chambre un amendement, non pour imposer d’une manière absolue au gouvernement l’obligation de prendre à sa charge l’exploitation de la ligne de la Dendre, mais pour lui laisser la faculté de la prendre, si, après des études complètes, il trouve avantageux aux intérêts généraux du pays de s’en charger.
Messieurs, en défendant ce principe, c’est l’intérêt de tous les habitants de la vallée de la Dendre que je défends ; c’est l’intérêt de ces populations si laborieuses, si actives, et en même temps si considérables, qui m’animent.
Comment ! quand le réseau de nos chemins de fer comble de ses bienfaits tous les centres populeux qui y touchent ; quand l’exploitation s’en fait de manière à ne donner à l’Etat qu’un très-léger intérêt du capital engagé ; quand on fait des sacrifices de tout genre en faveur de ceux qui profitent des chemins de fer de l’Etat, les populations de la vallée de la Dendre seront livrées à la merci des compagnies concessionnaires, on établirait pour elles un tarif immuable que rien ne pourrait modifier !
J’engage les honorable membres qui ont étudié plus spécialement les intérêts de ces populations qu’ils représentent dans cette enceinte à peser avec quelque attention ces considérations que je leur soumets.
On a invoqué ce qui se passe en Angleterre : qu’on se rappelle donc que les populations anglaises sont non-seulement déshéritées du nouveau système de transport ; mais elles ont encore à subir toutes les vexations toutes les pertes qui résultent pour elle du monopole fatalement attaché à toute concession d’un chemin de fer.
Dans le projet qui vous est soumis, il y a un autre point d’une haute importance. M. le ministre des travaux publics a, à différentes reprises, déclaré que, dans sa pensée, le chemin de fer qui doit relier Alost à Bruxelles ne doit pas être livré à une compagnie concessionnaire, mais qu’il fait partie essentiellement du réseau que l’Etat s’est réservé. Je suppose que M. le ministre entend réserver à l’Etat tous les chemins de fer en relation directe avec la capitale. Or, ce chemin de fer d’Alost, en supposant qu’il doive être achevé par l’Etat, sera déjà en partie construit au moyen de la concession que nous allons voter. En effet, ce chemin parcourra le vallon de la Dendre jusqu’au Denderleuw, si pas un point plus rapproché d’Alost. Il me semble que, dans la fièvre qui porte les capitalistes vers les spéculations de chemins de fer, le gouvernement aurait dû trouver un moyen de faire construire, à des conditions favorables, cette section qui doit faire partie du chemin de fer d’Alost à Bruxelles.
Mais non : là encore on a sacrifié les intérêts du pays à je ne sais quel entraînement, à quel vertige qui persuade M. le ministre que si nous ne nous jetons pas les yeux fermés dans les bras des sociétés anglaises, ces sociétés, avec les millions qu’elles traînent à leur suite, vont nous échapper comme des ombres ! mais si le gouvernement avait imposé, comme condition de la concession de la ligne de la Dendre, l’obligation de céder le tronçon nécessaire à la ligne d’Alost à Bruxelles, moyennant un intérêt modéré du capital employé à la construction de ce tronçon et un remboursement à long terme, croyez-vous que la compagnie eût repoussé la concession ? Et si elle l’avait fait, combien il eût été facile de trouver à l’instant même une autre société souscrivant avec empressement à la clause si raisonnable que j’ai indiquée !
Dans le pays et dans la chambre, on aurait applaudi à cette combinaison. Ceux qui attendent comme un acte de justice et de réparation le chemin de fer d’Alost à Bruxelles auraient vu que M. le ministre des travaux publics se préoccupait sérieusement de la construction de ce chemin de fer ; ils auraient vu, dans cette éventualité d’un remboursement à faire en temps opportun, une condition favorable ; on aurait vu là une preuve de la sollicitude que M. le ministre doit porter à tous les intérêts légitimes. Mais, je me hâte de le dire, dans le projet qui nous occupe, M. le ministre a laissé stipuler au nom de la société ; au nom de l’Etat, je ne vois guère que M. le ministre ait stipulé quelque chose.
En effet, voici les conditions du rachat : si l’Etat reprend cette section, s’il en fait le rachat, après la construction terminée, il doit rembourser toutes les dépenses, d’après le devis estimatif, plus 5 p.c. de prime. Si l’Etat notifie son intention de racheter avant que la société ait rien fait, il doit lui donner 10 p.c. de prime. Pourquoi toutes ces primes ? J’attendrai que M. le ministre veuille bien expliquer ce système je prévois qu’il viendra avec des calculs pour prétendre que la société, ayant fait les fonds, doit avoir une indemnité pour le non-emploi de son capital ; que si l’Etat faisait un emprunt, il payerait autant. Mais, en faisant cette concession à la société, nous lui faisions, pour employer l’expression de M. David, un magnifique cadeau ; la preuve, c’est qu’elle lui permet de risquer 18 millions dans le canal de Jemappes ; une autre preuve, c’est qu’il se présente des concurrents ; et il y en aurait plus encore si les conditions étaient publiées, et si l’on donner à nos discussions le temps de porter fruit.
Messieurs, nous nous trouvons dans des circonstances favorables au possible ; je demande pourquoi, en accordant cette concession, nous reculons devant les avantages qui s’offrent d’eux-mêmes et de toute part à nous, pourquoi nous nous jetons avec l’empressement du vertige au-devant des sacrifices ? Pour moi je ne voterai qu’avec répugnance et regret le cahier des charges qu’on nous propose, la prime de 25 p.c. et de 10 p.c. dans les diverses circonstances où elles sont stipulées.
M. Donny – Messieurs, l’on s’est plaint de ce que le projet qui vous est soumis n’aurait pas été examiné avec assez de maturité. M. le ministre des travaux publics a répondu à ces plaintes en se plaçant au point de vue du gouvernement. Il est de mon devoir d’y répondre en me plaçant au point de vue de la section centrale. Cette tâche sera extrêmement facile. Je n’aurai qu’à rappeler ce que la section centrale a eu l’honneur de vous dire, dans un premier rapport qu’elle vous a présenté, par l’organe de l’honorable M. Cogels :
« La tâche que vous avez confiée à votre commission, disait-elle, est délicate et laborieuse, et malgré tout le zèle, l’activité désirables, elle ne pourra, vu l’époque avancée de la session, s’en acquitter que d’une manière imparfaite. »
S’il en est ainsi, il résulte de là qu’il y a eu, pour la commission, nécessité de mettre de la célérité dans ces travaux ; nécessité de mettre de la concision dans ses rapports (je réponds par là à un reproche de l’honorable M. Rogier) ; nécessité enfin de se renfermer dans l’examen des choses indispensables. Or parmi ces choses indispensables, quand il s’agit d’une concession où l’on ne demande aucun subside de l’Etat, ne figurent ni les détails de tracé, ni les détails de recettes et de dépenses ; rien de cela ne peut être considéré comme indispensable. Du reste, la section centrale vous l’a déjà dit, à l’occasion de la concession du railway de Louvain à la Sambre. On avait, pour cette concession, des données sur les dépenses et sur les recettes, on avait un travail complet de l’ingénieur Dandelin, et ce travail, on ne l’a pas étudié. Voici comment s’exprime le rapport de l’honorable M. Cogels :
« Quant aux produits bruts et aux frais d’exploitation présumés de la ligne proposée, la commission n’a pas cru devoir étudier les calculs présentés à cet égard dans le mémoire présenté par l’ingénieur Dandelin (n°310 des documents de la chambre). Cette question, d’une importance majeure pour des travaux à construire aux frais de l’Etat, a paru tout à fait secondaire dans la circonstance actuelle C’est aux capitalistes qui s’engagent dans ces entreprises à calculer toutes les chances de placement de leurs capitaux. »
Messieurs, si je m’appuie sur ce premier rapport de la section centrale, c’est parce que déjà la chambre s’est associée au système qu’elle a adopté, car le projet de loi à l’occasion duquel ce système a été développé, a été voté non-seulement sans opposition, mais à une très-grande majorité. Je crois en avoir dit assez pour justifier le travail de la section centrale dans cette occurrence.
M. Desmet – Il y a une étoile de malheur qui plane sur la contrée que je représente. Nous avons voté le chemin de fer de Jurbise, nous avons voté le chemin de fer de Louvain à la Sambre, nous venons de voter le canal de Liége à Maestricht, nous avons voté la continuation des canaux de la Campine sans aucune discussion.
Aujourd’hui la malheureuse contrée que je représente, demande un chemin de fer, elle rencontre de l’opposition. Pourquoi ? parce qu’on trouve qu’il n’y a pas d’études faites. On aurait bien fait de montrer cette exigence à propos des projets de travaux publics présentés au commencement de la session. Si l’on n’a à objecter à notre projet que cette seule chose, que les formalités n’ont pas été observées, je pourrais dire que tous les travaux publics qu’on a votés sont dans le même cas. Dans ma section, j’ai critiqué le gouvernement de n’avoir pas fait, pour le chemin de fer de Jurbise, d’enquête de commodo et incommodo. Cependant, je l’ai voté pour le bien du pays.
(page 1650) On a dit qu’il y avait partialité de la part du gouvernement, à propos du chemin de fer dont il s’agit. Peut-on dire cela, je vous le demande, du malheureux district d’Alost, ce district qui a tout perdu depuis la révolution, et dont la situation a été empirée par la construction du chemin de fer de l’Etat.
Nous demandons donc un simple embranchement, on le conteste. Est-ce à cause de ce qu’il va coûter ? Il ne coûtera rien du tout. On s’oppose, dit-on, à ce qu’il soit fait par concession, on préfère qu’il soit fait aux frais de l’Etat. S’il doit en être ainsi, le pauvre district d’Alost l’attendra longtemps. Laissez-le donc faire par concession pour l’amour de Dieu, je vous le demande.
Messieurs, si le cabinet ne s’y oppose pas, il me semble qu’on pourrait adopter l’amendement de l’honorable M. d’Elhoungne. Je voudrais qu’il y eût concours. Je ne dis pas que l’entreprise sera aussi bonne que certaines personnes le pensent, mon opinion est en général que les entreprises de chemins de fer ne peuvent pas être bonnes. Mais je désire qu’il y ait concours. On pourrait introduire dans le projet qui nous occupe les mêmes clauses que dans celui relatif au chemin de fer de Jurbise
Je vous répète, en terminant, qu’il s’agit d’une contrée malheureuse qui a beaucoup perdu par la révolution, cependant elle paye beaucoup de contributions, les terres y sont chères et fort imposées. J’espère que la chambre se montrera plus juste, plus compatissante envers ce pays.
M. de Garcia – Pour ajourner le projet de loi relatif au chemin de fer de la Dendre, on se plaint de n’avoir ni détails sur ce que coûteront les travaux ni aperçu sur les produits présumés de l’exploitation de la concession. Je crois que, sous ce rapport, il aurait été facile de remplir les exigences de quelques membres de cette assemblée ; mais aussi, je crois qu’il eût été difficile de garantir l’exactitude des chiffres données, aussi bien pour le coût de la construction, que pour le produit. En effet, n’avons-nous pas vu ce qui s’est passé dans les chemins de fer de l’Etat ? Quand il s’est agi de les décréter, on déclarait à la chambre qu’ils donneraient à l’Etat un revenu énorme. Qu’arrive-t-il ? Qu’ils produisent de 3 à 4 p.c.
M. Rogier – Vous ne pouvez pas encore en juger.
M. de Garcia – Je prends l’expérience qui nous est acquise. Je la compare avec les discours qui se tenaient en 1834 et, comparant des prévisions avec des faits connus, je suis dans le vrai.
Il y a autre chose de plus extraordinaire. Je prends la ligne la plus connue, celle de Namur à Bruxelles. Souvent il est arrivé dans cette assemblée de présenter cette ligne comme devant être des plus improductives, et comme destinée à ne voir naître que de l’herbe dans tout son parcours ; elle ne devait rien produire, le contraire s’est réalisé et cette ligne se trouve aujourd’hui au rang des plus productives.
Je conclus de là qu’un ajournement serait inutile ; car la discussion ne prouve rien ; en cette matière, il n’y a guère que l’expérience.
Cependant, je suppose que le gouvernement se rend compte jusqu’à un certain point et à vue de pays, si je puis m’exprimer ainsi, du bénéfice que produira cette ligne, en comptant les frais de construction ; car ne n’est qu’ainsi qu’on peut apprécier les bénéfices, et j’ai la conviction que le gouvernement a fait à cet égard des calculs dont la responsabilité se porte tout entière sur lui.
Je crois donc qu’ajourner cette loi, ce serait exposer ces localités ne pas profiter des circonstances favorables où nous nous trouvons. Quant à moi, je voterai pour le rejet de l’ajournement et pour le projet de loi.
M. Rodenbach – Je voterai contre l’ajournement qui est proposé.
On dit qu’il n’a pas été fait d’études. Je citerai un antécédent : lorsqu’il a été question, en 1834, du grand réseau du chemin de fer, les études n’étaient faites que d’Anvers à la frontière de Prusse. Les députés des Flandres et plusieurs autres demandèrent un chemin de fer jusqu’à Gand et Ostende ; ils présentèrent un amendement en ce sens ; l’honorable M. Smits, au nom de la section centrale, vint en proposer l’adoption.
M. Rogier – Les études étaient faites.
Plusieurs membres – Aux voix.
M. Rogier – Puisque l’on est si empressé de voter, convaincu que le projet de loi ne rencontrera pas d’adversaires, je renonce à la parole.
M. le président – Voici la proposition de M. Verhaegen : « Je propose la mise en adjudication de la concession du chemin de fer à concéder dans la vallée de la Dendre. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’ai d’abord quelques mots à répondre à l’honorable M. d’Elhoungne. Il croit que la concession du chemin de fer de la vallée de la Dendre serait subordonnée à une condition secrète, relative à l’exécution du canal. Il se trompe ; il n’y a de la part du gouvernement aucune condition secrète. Je l’ai déclaré à la section centrale, qui a consigné cette déclaration dans son rapport. Ce qu’il y a de vrai, c’est que la compagnie qui a demandé la concession du chemin de fer dans la vallée a déclaré qu’elle était prête à construire le canal de Jemappes à Alost, que le capital nécessaire à cette entreprise était constitué. Il est fort possible qu’au point de vue de la compagnie, il y ait eu combinaison dans l’exécution de deux projets. Mais au point de vue du gouvernement il n’y a eu ni condition secrète ni combinaison.
Du reste, il serait fort heureux que le chemin de fer de la vallée de la Dendre pût être l’occasion de l’exécution du canal de Jemappes à Alost, qui est un travail d’utilité publique sur lequel les opinions ne peuvent être douteuses.
L’honorable M. d’Elhoungne croit que ce canal peut avoir un intérêt particulier pour l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter dans cette chambre ; il est complètement dans l’erreur ; l’arrondissement d’Ath est au contraire très-opposé à l’exécution de canal ; ce sont les arrondissements de Mons, de Termonde, d’Alost, qui y sont directement intéressés. Mais l’arrondissement d’Ath n’est favorable qu’aux travaux de canalisation de la rivière, qui feraient de la ville d’Ath une espèce d’entrepôt.
Au point de vue de l’intérêt local, j’aurais donc à lutter contre l’exécution de ce canal. J’y suis au contraire très-favorable, parce que je le considère comme devant amener un bien-être public.
L’honorable M. d’Elhoungne demande pourquoi j’ai abandonné ici le système que j’ai fait prévaloir relativement aux chemins de fer de Jurbise et de Hasselt, c’est-à-dire l’exploitation réservée par l’Etat. J’ai fait connaître les raisons qui devaient faire réserver à l’Etat l’exploitation des chemins de fer de Jurbise et de Hasselt.
Le chemin de fer de Jurbise a un caractère international ; il se relie directement au système de 1834. par ce système, on a voulu rattacher notre chemin de fer aux chemins de fer français. Mais on ignorait quelle serait la direction qui y serait donnée. La ligne principale du chemin de fer français est dirigée vers Lille. Or, il est évident qu’il fallait une prolongation directe du chemin de fer entre Tournay et a capitale, c’est-à-dire le chemin de fer de Jurbise. Il résulte de là qu’au point de vue international, qui est la base du système de 1834, l’exploitation du chemin de fer de Jurbise devait être réservée à l’Etat.
Le chemin de fer de Hasselt est le complément du système de 1837 qui consiste à comprendre dans le réseau des chemins de fer tous les chefs-lieux de province.
Ce sont ces raisons politiques qui ont dominé la discussion des chemins de fer de Hasselt et de Jurbise. Mais elles n’existent pas pour le chemin de fer de la vallée de la Dendre.
Du reste, que la chambre ne l’oublie pas, le gouvernement aura, je n’en doute pas, la faculté d’exploiter les chemins de fer qu’il voudra. Il est évident que par les raisons mêmes qu’a indiquées l’honorable M. d’Elhoungne, et pour éviter les transbordements, les concessionnaires demanderont à l’Etat d’exploiter les lignes par lui-même avec son personnel, son matériel nombreux. Le gouvernement restera libre d’apprécier, s’il est utile ou non d’exploiter telle ou telle ligne, de faire ses conditions, de conclure avec les concessionnaires des conventions analogues à celle qu’il a fallu conclure avec la société rhénan et avec la société des chemins de fer français.
M. d’Elhoungne – M. le ministre des travaux publics s’oppose-t-il à ce que l’on insère ces stipulations dans le projet de loi ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Nullement. C’est une faculté laissée au gouvernement. Il n’y a aucune raison de s’y refuser.
J’aurai peu de mots à dire de l’amendement de M. ; Verhaegen. Je suppose que cet honorable membre n’était pas présent à la séance où j’ai fait connaître les raisons pour lesquelles le gouvernement croyait le système qu’il a présenté préférable au système d’adjudication. J’ai dit que, dans les circonstances actuelles, avec la fièvre de spéculation qui règne dans les pays voisins, il était impossible d’adopter le système des adjudications publiques, sans amener tous les abus de l’agiotage, qu’on veut éviter. J’ai fait à cet égard une démonstration complète. (Adhésion.) L’honorable M. Verhaegen a beaucoup parlé du danger de l’agiotage, et il a eu raison. Je suis curieux de voir comment il répondrait aux raisons que j’ai fait valoir pour démontrer qu’il serait impossible d’éviter l’agiotage, avec le système des adjudications publiques.
M. le président – M. d’Elhoungne vient de déposer l’amendement suivant.
« Article additionnel au cahier des charges. L’Etat aura la faculté de se charger d’administrer par ses agents, d’exploiter par son matériel et d’entretenir la ligne concédée. Dans ce cas 50 p.c. au moins de la recette brute de la ligne qui fait l’objet de la présente concession, seront attribués à l’Etat, pour frais d’administration et d’entretien. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je me rallie à cette proposition.
- La proposition de M. Verhaegen est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. le président – Je mets aux voix l’article additionnel proposé par M. d’Elhoungne.
M. Pirmez – Je demande la parole.
M. le président – Il y a clôture.
M. Pirmez – Il ne peut y avoir clôture pour l’amendement. Il n’a pas été discuté.
M. le président – L’amendement a été développé par son auteur.
M. Pirmez – Je demanderai si la rédaction de l’amendement comporte qu’il faudra une loi pour que le gouvernement use de la faculté qui lui est réservée, ou si le gouvernement pourra user de cette faculté sans l’autorisation de la législature.
M. Dolez – Il me paraît évident, messieurs, que la faculté proposée par l’honorable M. d’Elhoungne n’existe qu’entre l’Etat et les concessionnaires. Car le cahier des charges ne comprend que ces deux parties contractantes.
Maintenant entre le gouvernement et les chambres la position reste dans les principes ordinaires. Le gouvernement, quand il voudra user de la faculté qu’il se réserve, devra consulter la législature, et la raison en est bien simple ; c’est qu’il aura besoin des crédits nécessaires.
Je crois donc qu’il ne fait considérer l’amendement que comme stipulation entre le gouvernement et les concessionnaires, stipulation dont il se réserve de faire usage pour autant qu’il soit reconnu plus tard que le pays y trouvera avantage.
M. Lesoinne – Je pense, messieurs, qu’on doit entendre l’amendement en ce sens que c’est une faculté laissée au gouvernement, mais qui (page 1651) n’est pas imposée aux concessionnaires. Il leur est facultatif… (Non ! non !)
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est le contraire.
M. le président – C’est l’Etat qui aura la faculté ; les concessionnaires ne l’auront pas.
M. Lesoinne – En ce cas, l’amendement pourra faire rejeter tout le contrat.
M. Dumortier – Messieurs, je ne comprends pas quel motif on peut avoir pour introduire dans la loi une stipulation qui pourrait avoir pour résultat de dénaturer tellement le contrat qu’il n’y aurait peut-être plus de concession.
Je ferai d’ailleurs remarquer à la chambre que la position n’est pas du tout ici la même que pour le chemin de fer de Jurbise. Lorsque le gouvernement a demandé l’exploitation par l’Etat pour le chemin de fer de Jurbise, il avait un motif puissant, c’est qu’il s’agissait d’une ligne qui unissait les deux grands railways de l’Etat. Si le gouvernement nous demandait une semblable condition pour la ligne de Namur à Liége, je le concevrais, parce que cette voie se trouve dans une situation semblable à celle de Jurbise.
Mais, messieurs, il y a des limites aux possibilités de l’exploitation par l’Etat. Pensez-vous que l’Etat puisse exploiter toutes les lignes par lui-même ? Je doute, messieurs, que l’administration pourrait y suffire.
M. Lesoinne – Je voulais expliquer pourquoi il me paraissait que la clause proposée pourrait amener la rupture du contrat. Mais puisque M. le ministre s’y rallie, c’est qu’il a probablement ses raisons pour cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je partage l’avis de M. Dumortier. Je ne crois pas non plus qu’il faut que l’Etat étende démesurément son exploitation ; qu’il est même nécessaire qu’il y ait des sociétés exploitant des lignes de chemins de fer, pour que nous ayons des points de comparaison. Mais aussi j’ai compris l’amendement de l’honorable M. d’Elhoungne dans ce sens, qu’il laissait au gouvernement le soin d’examiner s’il n’imposerait pas au concessionnaire l’exploitation éventuelle par l’Etat ; que le gouvernement restait maître d’accepter le contrat primitif ou d’en imposer un nouveau (Non ! non !)
Messieurs, si j’ai bien compris l’amendement, le gouvernement n’est pas obligé de se réserver l’exploitation de cette ligne.
Plusieurs membres – Oui ! oui !
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Oh ! alors, je ne me rallierai pas à l’amendement. J’ai compris que j’ai le choix entre les deux systèmes, entre le mode préféré pour Jurbise et celui d’une concession pure et simple.
M. d’Elhoungne – Voici ma pensée. Dans le système du chemin de fer de Jurbise, l’Etat doit exploiter moyennant 50 p.c. de la recette brute ; la société concessionnaire peut l’y forcer. C’est un système arrêté, définitif, irrévocable.
Quant au chemin de fer de la Dendre, il n’est pas complètement étudié. Le gouvernement ne sait pas encore si, lorsque ce chemin de fer sera construit, il ne lui sera pas avantageux de l’exploiter. Eh bien, avec le projet tel qu’il est rédigé maintenant, s’il avait cette prétention, la société aurait le droit de répondre qu’elle ne le veut pas. Par la clause que je propose, au contraire, le chemin de fer une fois construit, le gouvernement aurait la faculté de se charger de l’exploitation et la société serait obligée d’y consentir. Mais le gouvernement verra s’il veut exploiter, oui ou non.
Je ferai remarquer à la chambre, messieurs, que rien que cette faculté accordée au gouvernement est une arme puissante que l’on met entre ses mains pour stipuler avec la société concessionnaire, alors même qu’il serait d’avis de lui laisser l’exploitation.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je remercie l’honorable membre de l’explication qu’il vient de me donner, et qui me tire de l’erreur dans laquelle je me trouvais. J’avais compris que par mon amendement, le gouvernement, lorsqu’il s’agirait de rédiger le contrat définitif, aurait la faculté de préférer le mode appliqué au chemin de fer de Jurbise à celui d’une concession pure et simple. Mais d’après l’explication qui vient d’être donnée, non-seulement j’aurais la faculté de préférer le système appuyé par l’honorable M. d’Elhoungne ; mais, moi et mes successeurs, nous pourrions, pendant toute la durée de la concession, reprendre l’exploitation.
M. d’Elhoungne – Non ! non !
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Evidemment, messieurs, cette clause serait résolutoire. Je n’ai nullement la conviction que la compagnie l’accepterait. Je ne crois pas qu’une compagnie voudrait laisser ainsi au gouvernement la faculté de changer le système d’exploitation.
M. d’Elhoungne – Ce n’est pas là le sens de mon amendement.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Mais alors je ne le comprends pas.
J’aurais pu me rallier à un amendement, laissant au gouvernement la faculté de préférer dans le contrat un système à un autre. Mais je ne puis me rallier à l’amendement de l’honorable M. ; d’Elhoungne, tel que je le comprends maintenant.
M. d’Elhoungne – Veuillez remarquer, messieurs, qu’il ne s’agira de la question d’exploitation que lorsque le chemin de fer sera construit ou tout au moins arrêté définitivement. Ce sera alors que le gouvernement devra faire son choix.
Il est évident qu’il serait absurde de stipuler que lorsque la société aurait établi son système d’exploitation ; lorsqu’elle se serait mise à découvert du capital qu’exigera le matériel de cette exploitation, le gouvernement pourrait venir la déposséder sans aucune espèce d’indemnité.
Il s’agit de déterminer les conditions auxquelles M. le ministre des travaux publics peut concéder un chemin de fer, dont les études ne sont pas achevées, dont les produits, les résultats ne sont pas connus. Or, d’après mon amendement M. le ministre des travaux publics se réserverait dans le cahier des charges la faculté de décider s’il exploiterait lui-même, moyennant 50 p.c. de la recette brute. Mais je dis que le choix devra être fait, et on peut l’ajouter à mon amendement, après que la première section du chemin de fer sera libre à l’exploitation ou à toute autre époque à déterminer.
M. Coghen – Messieurs, l’amendement qui vous est soumis par l’honorable M. d’Elhoungne offre un immense danger, et avant de décider si je puis l’admettre, il faut que M. le ministre des travaux publics me dise s’il est certain que les concessionnaires qui sont aujourd’hui engagés, consentiront à une pareille clause.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je viens de dire que non.
M. Coghen – Si M. le ministre dit que non, je n’admettrai pas l’amendement, parce qu’il pourrait compromettre la construction de ce chemin de fer que je désire voir exécuter le plus tôt possible dans l’intérêt des localités qu’il doit traverser.
M. de Garcia – Messieurs, l’amendement de l’honorable M. d’Elhoungne présente certainement une grande garantie aux intérêts du pays. Mais ce n’est pas la question principale. Cette question est de savoir si la société demanderesse en concession y accédera.
D’ailleurs si M. d’Elhoungne restreint son amendement à la portée qu’il vient de lui donner, les grands avantages qui devraient en résulter, disparaissent et n’existent plus. En effet quand le chemin de fer sera fait, avant même qu’il n’ait été exploité, le gouvernement devra se décider, il devra se charger de l’exploitation ou y renoncer sans savoir si elle sera ou non lucrative, sans avoir aucune donnée pour s’assurer qu’il ne fait pas une mauvaise spéculation, puisqu’il n’aurait pas pour lui le fruit de l’expérience, et que, comme je l’ai établi, l’expérience est la chose principale en cette matière.
Je concevrais la portée avantageuse de cet amendement, messieurs, s’il devait amener ce résultat que le gouvernement pourrait toujours, et dans toutes les circonstances, reprendre l’exploitation du chemin de fer, même en payant la matériel à la société. Mais hors de là, et lorsque vous l’entendez en ce sens que le gouvernement devra se décider au moment où le railway sera achevé, je ne vois plus aucun avantage à l’adopter.
M. de La Coste – Je pense, messieurs, qu’il est fort à regretter que l’honorable M. d’Elhoungne n’ait pas présenté sa proposition pour les concessions dont nous nous sommes occupés précédemment. Car il me semble que les personnes qui font usage du railway d’Entre-Sambre-et-Meuse ou du railway de Jemeppe à Louvain, méritent la même considération que celles auxquelles l’honorable M. d’Elhoungne s’intéresse, et que son amendement devrait être une disposition générale.
Dans tous les cas, messieurs, il me semble que l’honorable M. d’Elhoungne et l’honorable M. Dolez ne sont plus d’accord ; et je ne vois pas, dans le système que le premier vient de développer, quand nous serions appelés à intervenir ; car si nous donnions à M. le ministre, malgré lui, à ce qu’il paraît, le droit de faire cette option à une époque déterminée, comment nous serait-il possible d’examiner si la chose n’est pas très-onéreuse à l’Etat ? Je ne puis donner mon assentiment à une semblable disposition.
Dans l’affaire de Jurbise nous avions des calculs, nous avions des bases excellentes, les meilleures que nous ayons jamais eues. Ici, nous n’avons rien ; nous ne savons pas si le chiffre de 50 pour cent ne serait pas très onéreux pour l’Etat.
M. Dumortier – Je suis charmé de voir que l’honorable député de Gand trouve maintenant excellent le système qui permet au gouvernement d’exploiter moyennant 50 p.c. de la recette brute.
M. d’Elhoungne – Je n’ai pas combattu ce chiffre lorsqu’il s’agissait du chemin de fer de Jurbise puisque j’ai proposé de le substituer à celui de 40 p.c.
M. Dumortier – Il s’agit maintenant d’investir le gouvernement du droit de reprendre l’exploitation lorsque le chemin de fer sera construit. Je pense, messieurs, que cela serait impraticable pour deux motifs : le premier c’est que la société doit former son capital. Or, ce capital devra être plus ou moins considérable suivant que la société devra ou ne devra pas exploité.
En second lieu, messieurs, si la société ne sait pas si elle devra exploiter, elle ne peut pas se procurer le matériel nécessaire ; ainsi le chemin de fer sera construit ; les villes d’Alost, de Grammont, de Ninove, de Lessines auront un chemin de fer ; et il n’y aura pas de matériel pour l’exploiter. Quand le chemin de fer sera construit, il faudra peut-être encore un an ou deux ans pour acquérir le matériel nécessaire à l’exploitation.
Vous voyez, messieurs, qu’un pareil amendement n’est pas recevable.
D’un autre côté, veuillez remarquer, messieurs, que l’on exploite ordinairement un chemin de fer par parcelles ; lorsqu’on a achevé une section, on commence l’exploitation et ainsi de suite ; eh bien, ici ce sera impossible car lorsque tout le chemin de fer sera fait, le gouvernement pourra venir dire qu’il se charge de l’exploitation, et la société ne peut rien faire aussi longtemps que le gouvernement ne se sera pas prononcé à cet égard.
Messieurs, je désire le chemin de fer dont il s’agit, je le désire d’abord dans l’intérêt des localités, qui doivent en profiter ; ensuite, dans l’intérêt du pays tout entier, dans l’intérêt des produits du chemin de fer de l’Etat, car (page 1652) ce sera un aboutissant très-utile, qui viendra rejoindre le railway national à Jurbise. Je dois donc m’opposer de toutes mes forces à cet amendement qui rendrait impossible la construction d’un chemin de fer aussi utile. En effet, messieurs, quels sont les capitalistes qui consentiraient à former une société sans savoir quelles seront les conditions d’existence de cette société, sans savoir même quel devra être le chiffre du capital social ? (Aux voix ! aux voix ! la clôture ! la clôture !).
- La clôture est prononcée.
M. d’Elhoungne retire sa proposition.
M. Verhaegen – J’avais annoncé que je ferais la proposition d’imposer aux concessionnaires l’obligation d’employer des waggons couverts. Je vais rédiger cette proposition. Ce sera un article que je proposerai pour tous les projets de concessions sur lesquels nous aurons encore à nous prononcer.
M. Rodenbach – Je me rallie à cette proposition. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La proposition de M. Verhaegen formera un article additionnel ; on peut, en attendant, voter sur l’article de la section centrale.
M. le président – L’article de la section centrale est ainsi conçu :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé, sous les réserves indiquées ci-après, à accorder à M. Georges Robert d’Harcourt de Londres, représentant les directeurs du canal de Jemappes à Alost, et MM. Guillaume Hoorickx et Henri Carolus, ces deux derniers agissant tant pour eux que pour leurs compagnies, la concession d’un chemin de fer de la vallée de la Dendre, d’Ath vers Termonde et Gand, aux conditions posées dans la convention et dans le cahier des charges du 14 avril 1845. »
1° La disposition suivante est substituée à l’article 3 de la convention :
« Art. 3. Si les premiers contractants voulaient user de la faculté qui leur est laissée par l’art. 47 du cahier des charges, de former une société en nom collectif ou une société anonyme, avec émissions d’actions, ces actions ne pourront être émise en Belgique par une souscription ouverte au public, ni être cotées aux bourses d’Anvers et de Bruxelles, qu’après l’entier achèvement du chemin de fer. »
2° Le § 1er de l’art. 1er du cahier des charges est modifié comme suit :
« Art. 1er. Le chemin de fer prendra son origine à la station d’Ath et touchera les villes de Lessines, Grammont, Ninove et Alost. Il sera statué, par arrêté royal, sur les raccordements de la route concédée, avec les railways exploités par l’Etat. »
3° L’art. 10 du cahier des charges est modifié de la manière suivante :
« Art. 10. les travaux de la route et ses dépendances seront achevés, au plus tard, endéans les trois années, à compter du jour indiqué par l’article 3, de façon qu’à l’expiration de ce délai, le chemin de fer puisse être exploité par locomotives d’une manière complète et régulière sur toute son étendue. »
4° Le mot « approuvés » est substitué au mot « homologués » dans l’art. 29 du cahier des charges.
5° La disposition suivante est ajoutée à l’art. 50 du cahier des charges :
« S’il arrivait qu’un chemin de fer à construire par l’Etat ou une société dût suivre une partie du tracé de la ligne qui fait l’objet de la présente concession, cette partie du tracé pourra être déclarée commune aux deux lignes, et, dans ce cas, les concessionnaires devront livrer passage aux convois désignés par le gouvernement, moyennant une indemnité à fixer de gré à gré ou à dire d’experts. »
6° Les quatre articles suivants sont ajoutés au cahier des charges à la suite de l’art. 50.
« Art. 51. Il sera loisible à qui que ce soit, d’établir, le long du chemin de fer et sur un point à son choix, des magasins ou abordages, avec des machines, engins ou attirails propres à faciliter le chargement et le déchargement des waggons, à condition d’établir en dehors du chemin de fer une ou plusieurs voies latérales afin que les waggons en chargement ou déchargement ne puissent ni entraver ni empêcher la libre circulation sur le chemin de fer ou sur les embranchements.
« Art. 52. Il sera également permis à qui que ce soit, d’établir des embranchements aboutissant au chemin de fer et qui ne soient pas de nature à faire l’objet d’une concession par voie de péages.
« Art. 53. Il ne pourra toutefois être fait usage des facultés accordées par les deux articles précédents, qu’avec l’autorisation du gouvernement.
« Art. 54. Les concessionnaires ne pourront en aucun temps mettre obstacle à ces embranchements ni à ceux qui seraient établis en vertu de l’art. 48. L’établissement de ces embranchements ne pourra motiver de leur part aucune demande d’indemnités, pourvu qu’il n’en résulte aucun obstacle à la circulation ni aucuns frais particuliers tombant à leur charge.
« Les concessionnaires s’engagent à n’apporter aucune entrave à la libre exploitation de ces embranchements et à adopter, à leur égard, des mesures analogues à celles qui seront consacrées par les conventions à intervenir pour régler les conditions de la circulation du matériel de l’Etat et de la compagnie sur les lignes respectives. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
M. le président donne lecture de l’article additionnel proposé par M. Verhaegen et qui est ainsi conçu :
« Tous les waggons destinés aux voyageurs seront couverts. »
M. Malou – On a déjà voté plusieurs concessions sans qu’il y eût une semblable clause dans le contrat ? Je pense qu’il serait plus utile que le gouvernement fît de cette disposition une mesure de police générale obligatoire pour toutes les sociétés qui ont déjà obtenu des concessions et pour celles qui en obtiendront dans l’avenir. Le gouvernement a le droit de prendre une pareille mesure, d’après un article du cahier des charges, et je ne doute pas qu’il n’ait égard au vœu qui est généralement exprimé dans cette enceinte.
M. Verhaegen – Si M. le ministre des travaux publics veut déclarer qu’il prendra une mesure comme celle que M. Malou vient d’indiquer, mon but sera atteint et je retirerai mon amendement.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je pense aussi que si la chambre adoptait le principe de l’amendement, il faudrait laisser au gouvernement le soin de prendre une mesure générale, mais je dois dire que cet amendement soulève une question d’exploitation très-grave. Jusqu’à présent le gouvernement n’a pas cru pouvoir adopter d’une manière absolue ce principe. Ainsi l’administration de nos chemins de fer a interdit l’usage des waggons découverts pendant la mauvaise saison, mais elle en a jusqu’à présent toléré l’usage pendant la période d’été. Je le répète, messieurs, c’est là une question d’exploitation très-grave
M. Verhaegen – Il est bien entendu que l’on pourra donner des waggons découverts à ceux qui les préféreront ; il ne s’agit que de stipuler en faveur des classes malheureuses.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je crois qu’il faut laisser le gouvernement libre. C’est une mesure de police.
M. Verhaegen – La déclaration de M. le ministre me suffit.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je désire qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mes paroles. Je n’ai rien déclaré.
M. Verhaegen – Il est bien dans l’intention de M. Malou, comme dans la mienne, que M. le ministre déclare quelque chose. S’il ne déclare rien, je demande que ma proposition soit mise aux voix.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’ai déclaré que si le gouvernement jugeait utile de prendre une mesure de police à cet égard, cette mesure devait être générale ; mais je n’ai pas dit que le gouvernement a l’intention de le faire. C’est une question très-grave, qu’on examine pour le chemin de fer de l’Etat et qu’on examinera pour les compagnies.
M. Dumortier – Messieurs, la question soulevée par l’honorable M. Verhaegen en soulève plusieurs autres ; d’abord s’il y aura même des waggons, si l’on sera assis dans les waggons, car en Angleterre et en Allemagne, il y a des lignes où l’on se tient debout dans les waggons. Je pense , messieurs, que toutes ces questions sont de véritables questions de police ; je pense même que si le gouvernement n’y donnait pas une solution convenable, les chambres pourraient s’en saisir. Si, par exemple, le gouvernement refusait de déférer au vœu qui a été exprimé par l’honorable M. Verhaegen, nous pourrions prendre l’initiative d’une loi de police dans laquelle cette question et d’autres de même nature seraient résolues. (Interruption.) Evidemment c’est là une mesure de police que le gouvernement peut prendre en vertu du contrat ; et la discussion actuelle établit suffisamment que la chambre s’associe au vœu de l’honorable M. Verhaegen.
M. de Garcia – C’est une question, messieurs, sur laquelle il faut s’entendre. Quant à moi, je ne pense pas que la police puisse aller jusqu’à aggraver la position des concessionnaires. Si, sous le prétexte du principe de police, l’on admet que le gouvernement puisse imposer aux concessionnaires d’employer des waggons couverts, on pourrait exiger aussi qu’ils mettent des coussins dans les waggons ; on pourrait exiger, en un mot, qu’ils donnent aux waggons tout le confortable des diligences. Je crois que le gouvernement a bien fait de mettre de la prudence dans sa déclaration, car en répondant d’une manière trop formelle, il pourrait avoir un procès avec les concessionnaires et, selon moi, il serait fortement exposé à échouer dans ses prétentions. La police peut aller jusqu’à prévenir des accidents, mais elle ne peut pas aller jusqu’à aggraver la position des concessionnaires.
M. Mast de Vries – Le gouvernement devrait faire faire sur les lignes concédées ce qu’il fait lui-même sur les lignes de l’Etat.
M. Donny – Je veux seulement donner lecture de l’art. 23 du cahier des charges, qui me paraît répondre à la difficulté :
Cet article est ainsi conçu :
« Art. 23. Toutes les lois, tous les règlements généraux en matière de grande voirie actuellement en vigueur, ou à intervenir par rapport aux routes et chemins de fer de l’Etat, seront applicables au chemin de fer d’Ath vers Auderghem et Wichlen.
Les concessionnaires sont autorisés à faire, sauf l’approbation de l’administration, les règlements qu’ils jugeront utiles pour le service et l’exploitation du chemin.
« Les règlements dont il s’agit dans les deux paragraphes qui précédent, sont obligatoires pour les concessionnaires, et en général, pour les personnes qui feront usage du chemin de fer. »
M. Rogier – Messieurs, il est impossible de ne pas accueillir favorablement les raisons que me sont données à l’appui de l’amendement de l’honorable M. Verhaegen. On vient de prendre la défense des concessionnaires, je ne m’y oppose pas ; qu’on défende les concessionnaires ; mais qu’on permette aussi de défendre les intérêts des classes inférieures. (Oui ! oui !).
En Angleterre, on a senti la nécessité d’introduire dans la cahier des charges, des dispositions pour les classes ouvrières. Qu’était-il arrivé sous le régime absolu des concessions ? Les classes inférieures y étaient devenues (page 1653) l’objet de vexations et de tracasseries en tout genre de la part des compagnies concessionnaires. Ainsi, par exemple, le cahier des charges oblige les concessionnaires d’avoir des voitures de 3e classe, à l’usage des voyageurs peu aisés. Pour les éloigner de ces voitures, on a exposé sur certaines lignes ceux qui s’en servaient, à toute espèce de désagrément. Défense était faite aux gens de service de leur venir en aide. Dans une réunion de concessionnaires, on a été jusqu’à proposer d’admettre gratis dans les voitures de 3e classe, des ramoneurs, des animaux plus ou moins rebutants. (On rit.) Oui, voilà jusqu’où est allé le génie inventif de certains concessionnaires.
Je ne veux pas ici jeter la pierre à des hommes fort estimables, qui peuvent se mettre à la tête de semblables entreprises ; mais nous n’avons pas à stipuler pour leurs intérêts, c’est à eux-mêmes de se charger de ce soin ; nous avons, nous, ici à stipuler pour les intérêts du pays, et surtout pour les intérêts de ceux qui n’ont pas de représentants directs dans cette enceinte.
Si la proposition si sage de l’honorable M. d’Elhoungne avait été adoptée, celle de l’honorable M. Verhaegen venait alors à tomber ; le gouvernement, ayant la faculté d’exploiter le chemin de fer, l’aurait exploité de la manière la plus utile à la généralité ; pendant l’hiver, il aurait employé des waggons couverts, et l’été, il aurait fait ce qu’il fait sur son propre chemin de fer. Mais cette proposition a été retirée, et dès lors, il faut que la chambre prescrive certaines précautions, qui, en cas d’adoption de la proposition de l’honorable M. d’Elhoungne, auraient été inutiles.
Quant à la proposition de mon honorable ami M. Verhaegen, le gouvernement ne peut, je pense, s’opposer à ce qu’elle soit introduite dans le cahier des charges.
Il y aurait encore d’autres précautions à prendre. Il ne suffit pas, par exemple, de déterminer le nombre de voitures, il faudrait se réserver de déterminer encore par des règlements le nombre de convois par jour et celui des voitures de chaque classe, et même les heures de départ. Qu’on fait certaines compagnies en Angleterre ? Pour obéir au cahier des charges, elles avaient des voitures de troisième classe dans certains convois : mais on combinait les heures de telle façon que les voyageurs de la troisième classe ne pouvaient pas profiter des convois ; ou bien encore ils ne trouvaient pas de convois correspondant pour arriver à leur destination. Enfin, on a imaginé mille moyens pour se débarrasser des voyageurs dont on n’espérait pas d’aussi grands profits que des autres, ou pour les forcer à passer dans d’autres voitures.
Il y a d’autres garanties que l’expérience a fait reconnaître nécessaire d’introduire dans les nouveaux cahiers des charges en Angleterre. Je recommande toutes ces précautions à M. le ministre des travaux publics. Plus les concessionnaires se montrent pressés de contractés, plus le gouvernement doit avoir soin, et plus il doit lui être facile de leur imposer certaines conditions, certaines garanties dans l’intérêt public.
L’honorable M. de Garcia disait tout à l’heure : « Je reconnais que ces clauses sont des garanties pour l’intérêt public ; mais là n’est pas la question. » Moi je dis que là est toute la question ; que c’est la seule qui doive nous préoccuper ici…
M. de Garcia – Vous ne m’avez pas compris.
M. Rogier – Je crois vous avoir parfaitement compris. Vous avez dit : « Il y a certes, dans la proposition de l’honorable M. d’Elhoungne, des garanties pour l’intérêt public ; mais la question n’est pas là ; la question est de savoir si cela conviendra aux concessionnaires. » Nous n’avons pas, nous, à nous inquiéter si telles ou telles garanties conviendront ou ne conviendront pas aux concessionnaires, mais nous devons uniquement examiner si elles conviendront oui ou non au public ; nous stipulons pour le public ; les concessionnaires stipuleront pour eux-mêmes.
Il me reste à faire une demande à M. le ministre des travaux publics. Aux termes d’un des articles du cahier des charges, la compagnie concessionnaire doit transporter gratis les lettres et les dépêches. Je demande s’il est entendu que les feuilles imprimées, les journaux sont compris parmi les dépêches. C’est un point très-important à décider. Il ne faudrait pas qu’indirectement la circulation des journaux se trouvât entravée.
M. le président – M. Delfosse propose de rédiger comme suit la proposition de M. Verhaegen.
« Le gouvernement pourra prescrire l’emploi des waggons couverts. »
M. Verhaegen – Je me rallie à cette rédaction.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne vois aucune difficulté à se rallier à cet amendement. Je voulais seulement faire remarquer qu’après avoir lu avec attention l’art. 23 du cahier des charges, je croyais avoir tous les pouvoirs nécessaires, pour exiger l’emploi des waggons couverts. Toutefois, je le répète, je ne vois aucune difficulté à l’adoption de l’amendement de l’honorable M. Delfosse.
M. Dumortier – Messieurs, j’approuve de tout mon cœur les sentiments qui ont été exprimés par l’honorable M. Rogier.
J’approuve également le principe de l’amendement de l’honorable M. Verhaegen, modifié par l’honorable M. Delfosse. Mais il est à remarquer que nous avons déjà voté des concessions dans lesquelles cette stipulation ne se trouve pas. N’est-il pas à craindre que par le seul fait de l’insertion de cette disposition dans le contrat actuel, on ne puisse entendre que les autres contrats sont exclusifs de cette clause ? Cela est dangereux. Je crois que l’article 23 du cahier des charges suffit à tout.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Les autres cahiers des charges ne sont pas encore signés. En outre, les projets ne sont pas votés au sénat. Le ministre des travaux publics pourra donc insérer la même clause dans tous les cahiers des charges.
M. Dumortier – Mais le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse a déjà été voté par le sénat.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je le répète, je crois que dans l’art. 23 du cahier des charges, je puis puiser ce droit qu’on veut me donner. Ainsi donc, pour les concessions déjà accordées, je puis insérer cette clause dans les cahiers des charges, ou bien interpréter l’art. 23, tel que je l’ai déclaré. Cette déclaration suffisait, mais je ne trouve pas d’inconvénient à ce que l’amendement de l’honorable M. Delfosse soit admis ; il servira d’interprétation.
Répondant maintenant à la demande de l’honorable M. Rogier relative aux dépêches, il est évident que le mot dépêche est un terme postal, qui comprend les journaux. Il est bien entendu que le v pourra faire expédier, par son propre waggon, les dépêches et les journaux sur les chemins de fer concédés.
- La clôture est prononcée.
La proposition de M. Delfosse est mise aux voix et adoptée.
M. le président – Il va être procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il faudrait avant fixer l’heure de la séance de demain. Hier, on a voulu fixer la séance à une autre heure que celle du règlement, on n’était plus en nombre.
Je propose de fixer la séance de demain à onze heures.
M. Delfosse – A la condition que MM. les ministres seront présents à l’ouverture de la séance.
- La proposition de M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix et adoptée.
M. le président – Je propose de mettre à la suite de l’ordre du jour de demain le projet de loi de crédits supplémentaires pour le Moniteur (Adhésion.)
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur le projet de loi.
Il est adopté à l’unanimité des 66 membres qui ont répondu à l’appel. Il sera transmis au sénat.
Les membres qui ont répondu à l’appel nominal sont : MM. Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Lange, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Castiau, Coghen, d’Anethan, David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia, de Haerne, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont et Vilain XIIII.
- La séance est levée à 5 ½ heures.