(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1508) (Présidence de M. Vilain XIIII)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 11 heures et un quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Renaix prie la chambre d’ordonner l’étude d’un chemin de fer de Mons à Gand et d’en autoriser la concession. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L’administration communale de Meulebeke demande que le chemin de fer de Bruges à Courtray passe par Thielt, avec un embranchement d’Ingelmunster par Iseghem et Roulers. »
« Même demande de l’administration communale d’Ingelmunster. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à cet objet.
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, au nom de la commission permanente d’industrie, j’ai l’honneur de vous présenter le rapport de votre commission des pétitions, sur la pétition du sieur Stranack, propriétaire de parcs flottants à Ostende.
Ce pétitionnaire, vous le savez, messieurs, a réclamé l’égalité de droit entre les huîtres des parcs flottants et les huîtres des parcs creusés dans le sol, et, dans la pétition qui vous est soumise, il croit réfuter les arguments dont s’est servi M. le ministre dans la séance du 20 février dernier, lorsqu’il vous disait : « que les huîtres destinées aux parcs flottants, étaient épurées, rendues comestibles sur les lieux de provenance ; que par conséquent, les propriétaires de ces établissements ne faisaient que vendre les produits d’une industrie étrangère, tandis que les huîtres destinées aux parcs creusés et construits dans le sol étaient une matière première travaillée dans ces établissements ; que, par conséquent, les propriétaires de ceux-ci exercent une industrie vraiment nationale qu’il est du devoir du gouvernement de protéger. »
Nous rendons hommage aux intentions de M. le ministre, et cette protection serait, en effet, bien légitime, s’il était vrai que les huîtres reçoivent dans les parcs creusés une manipulation, un travail particulier qui leur ferait acquérir cette qualité qu’on ne rencontrerait dans les huîtres des parcs flottants que parce qu’elles auraient subi préalablement une préparation en Angleterre.
Mais le pétitionnaire prouve par des déclarations des marchands d’huîtres de Bourham, par trois certificats d’officiers principaux et visiteurs de douanes de S. M. britannique, par une déclaration du trésorier de la compagnie Coln et une attestation des membres de cette compagnie, il prouve, disons-nous, que les huîtres qui lui sont expédiées, sont natives de la même rivière et de la même nature que celles chargées par la société de Bourham et Puglisham pour MM. Debrock, Valcke et Vanderheyd, qu’au départ elles sont toutes de la même qualité, et dans des conditions entièrement identiques, que, sous aucun rapport, elles n’ont reçu de préparation avant leur embarquement.
Des déclarations aussi positives qu’unanimes doivent convaincre M. le ministre que sa religion a été surprise, et qu’il est un fait, aujourd’hui bien avéré, que la préparation, l’épuration des huîtres, s’opère de la même manière dans les parcs creusés et dans les parcs flottants.
Il y a plus, c’est que s’il est vrai que, pour faire acquérir aux huîtres cette qualité qui distingue éminemment les huîtres d’Ostende, un séjour de quelque durée dans les bassins soit nécessaire, alors encore la préférence serait due aux parcs flottants ; il résulte, en effet, d’un extrait des registres de l’administration des douanes d’Ostende, que les parcs creusés ont débité 19 chargements en 183 jours, ou moins de 10 jours pour chaque chargement, tandis qu’il conste des mêmes registres, que les parcs flottants ont débité seulement 7 chargements en 197 jours, ce qui fait 27 jours pour chacun.
Tous ces motifs ont déterminé votre commission à engager M. le ministre à rapporter l’arrêté du 21 juillet sur la matière.
A cet effet, elle à l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département de l’intérieur.
M. Osy – Messieurs, nous avons déjà pris une décision sur cet objet ; (page 1509) nous avons renvoyé toutes les pétitions de ce genre à M. le ministre de l’intérieur qui a promis de se livrer à une nouvelle instruction.
M. Rodenbach – J’appuie de tout mon pouvoir le renvoi à M. le ministre de l’intérieur. D’ailleurs, d’après nos antécédents parlementaires, ce renvoi ne préjuge rein du tout. Je crois cependant que la pétition mérite l’attention la plus sérieuse de M. le ministre de l’intérieur. Les pétitionnaires exposent notamment que les huîtres arrivent à Ostende, tant pour les parcs flottants que pour les parcs fixes, sont de la même qualité. Ce fait est constaté par des pièces officielles. On avait cru que ces huîtres étaient de qualité différentes, et c’est cet argument que M. le ministre a fait valoir pour ne pas accorder aux huîtres des parcs flottants la faveur qu’ont obtenue les huîtres des parcs fixes.
M. Desmet – S’il s’agissait de discuter la question au fond, il ne me serait pas difficile de combattre l’opinion que vient d’exprimer l’honorable M. Rodenbach. Mais je demande qu’on imprime le rapport de la commission et qu’on fixe un jour pour la discussion.
M. Osy – Ce qu’il y a de plus simple à faire, c’est de renvoyer la pétition purement et simplement à M. le ministre de l’intérieur.
M. Rodenbach – Pour ne pas retarder le vote du projet de loi relatif aux chemins de fer, je consens volontiers à ce que la pétition soit renvoyée purement et simplement à M. le ministre de l’intérieur. Si nous allions faire imprimer le rapport, il ne serait certainement pas discuté dans le cours de la session. Je suis persuadé qu’après un nouvel examen de la question, M. le ministre de l’intérieur reconnaîtra qu’il a été induit en erreur et qu’il retirera son arrêté.
M. Desmet – Si le renvoi et pur et simple, je ne m’y oppose plus.
- La chambre, consultée, décide que la pétition sera renvoyée purement et simplement à M. le ministre de l’intérieur.
Rapport relatif à des créances arriérées pour le département de la guerre
M. Mast de Vries – Messieurs, j’ai l’honneur de déposer le rapport de la commission des finances, relativement à des créances arrières pour le département de la guerre. Vu l’urgence, je demande que cet objet soit mis à l’ordre du jour de ceux qui y sont déjà.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président – La parole est à M. Simons pour développer la proposition qu’il a présentée hier.
M. Simons – M. le ministre des travaux publics et quelques-uns de mes honorables adversaires, m’ont voulu faire passer comme systématique opposé à toute concession. Le premier a même bien voulu charitablement ajouter que je repoussais les capitaux étrangers pour le seul motif qu’ils nous venaient de l’étranger.
Je ne rechercherai pas quel peut avoir été le but de ces honorable membres, en dénaturant mes paroles et en me prêtant des intentions aussi opposées à ma manière de voir.
Mes discours se trouvent au Moniteur. Je n’y ai pas changé une seule phrase, un seul mot ; qu’on les lise et on se convaincra que mes attaques ne se sont pas dirigées, d’une manière absolue, contre le système des concessions, mais contre les abus qui en sont inséparables, lorsque, sans examen préalable et sans les précautions qui, dans des moments de calme, ont été reconnues nécessaires et utiles, on se laisse entraîner aveuglément dans un engouement aussi extraordinaire que celui qui se manifeste si subitement de nos jours dans le monde spéculateur.
Ce que j’ai voulu, c’est que l’on profite de cet entraînement général, et que l’on soumette les demandes en concession à la concurrence et à la publicité, dans l’intérêt du trésor et de la morale publique. Ce que j’ai blâmé, c’est que l’on amalgame deux objets absolument distincts dans une seule concession, et ce avec le dessein prémédité de forcer la main à la législature pour une de ces entreprises excessivement onéreuses pour le trésor, et dont l’expérience a prouvé le peu d’utilité, en la plaçant sous le patronage d’une autre que d’avance on savait devoir rencontrer beaucoup de sympathie dans cette enceinte.
Ces moyens sont odieux et blessent au plus haut degré la morale publique, en ce qu’ils ne laissent plus aux membres de cette assemblée la liberté de vote qui fait le plus bel apanage de la représentation nationale.
Ce sont ces considérations qui m’ont déterminé à vous présenter l’amendement qui tend à disjoindre le chemin de fer de Saint-Trond à Hasselt de celui de Jurbise. Je désire que chacun de nous puisse émettre un vote consciencieux et important sur chacun de ces projets en particulier ; et pour vous prouver que je ne suis pas systématiquement opposé, dans un sens absolu, aux concessions, je déclare que je voterai pour la concession du chemin de fer de Jurbise, du moment qu’on aura mis ma conscience à l’aise, en en détachant celui que ma conviction intime me fait un devoir de repousser, non-seulement comme ne présentant aucune utilité publique, mais aussi comme devant entraîner après lui la ruine de la plus belle, de la plus riche partie de ma province. Fort de ces considérations, j’ose espérer que ma proposition rencontrera dans cette assemblée un accueil favorable.
On m’objectera, sans doute, l’indivisibilité de la convention Mackenzie ; déjà ce moyen a fait fortune dans le sein de la section centrale. Vous voyez, messieurs, que c’est absolument le système hollandais d’odieuse mémoire que l’on veut de nouveau, malgré la Constitution, introniser dans nos habitudes parlementaires : les projets de loi y doivent aussi être adoptés ou rejetés dans leur ensemble sans modification.
Que cette objection ne vous effraye pas !! Je mets en fait vrai, que la société Mackenzie n’avait d’abord demandé que la concession de l’embranchement de Jurbise, et que c’est M. le ministre des travaux publics qui a déterminé la société à se charger également de la continuation de l’embranchement dans le Limbourg.
Comment peut-on, en présence de ce fait, sérieusement faire une objection pareille ? Comment peut-on raisonnablement supposer que la société abandonne le principal objet de sa demande primitive et cela parce qu’après coup on aura trouvé convenable d’en détacher ce qui n’en est peut être envisagé que comme un accessoire ?
Nous, messieurs, cette objection n’est ni sérieuse, ni raisonnable ; ce n’est véritablement qu’un épouvantail que l’on met sous vos yeux ad opportunitatem causae. Ici la tendance immorale de forcer nos consciences, pour nous faire adopter une concession onéreuse, ruineuse pour le trésor, en considération d’une autre concession utile, cette tendance se montre ici à nous. Notre devoir, messieurs, c’est de combattre, c’est de déjouer ces moyens immoraux.
Comme la chambre paraît pressée d’en finir, je ne reviendrai pas sur les chiffres que j’ai posés dans mes précédents discours, pour démontrer que la convention avec la société Mackenzie n’est pas admissible, en ce qui concerne la continuation de l’embranchement sur Hasselt, parce que 1° les avantages, qui en seront la conséquence pour la société concessionnaire sont exorbitants et 2° que les charges qui incombent au gouvernement seront excessivement onéreuses.
J’ai lu avec une attention toute particulière les discours qui ont été prononcés par mes adversaires ; j’affirme que je n’ai rencontré aucun chiffre, puisé dans un document officiels quelconque, qui ait pu être opposé à ceux que j’ai eu l’honneur de mettre sous vos yeux.
Tous les honorables orateurs qui ont été entendus dans la discussion générale relative à l’embranchement dont je m’occupe, se sont contentés d’émettre une opinion vague, favorable au projet ; ils promettent tous des résultats plus ou moins brillants suivant le point de vue auquel ils se placent mais pour des preuves à l’appui de toutes ces belles prévisions, aucun membre, par plus que M. le ministre des travaux publics, ne se soucie le moins du monde de nous en fournir.
C’est ainsi que l’honorable comte de Theux avance gravement : « Moyennant 50 p.c., je pense que non-seulement, l’Etat ne sera pas en perte mais qu’il participera aux bénéfices éventuels de la concession. Nous soutenons, ajoute l’honorable comte, que la convention fournira au trésor de grands avantages, et que ce serait porter un grand préjudice au trésor que de rejeter cette convention. » Tandis que les documents officiels constatent que, depuis l’établissement du chemin de fer dans notre pays, la moyenne a constamment dépassé les 50 p.c. ; et que la section centrale doit reconnaître (voire page 17 de son rapport) que de grandes économies ayant été introduites, on ne peut plus en espérer de très-grandes à l’avenir.
L’honorable M. Cogels est entré dans des détails statistiques à cet égard puisés dans l’expérience tant ici que dans un pays voisin. Ils réfutent victorieusement toutes les brillantes prévisions de l’honorable comte à ce sujet.
J’avais établi toujours en m’appuyant sur les chiffres officiels fournis par le gouvernement, que la convention aurait pour résultat que la société concessionnaire obtiendrait à peu près 12 p./c. soit 11 ½ p.c. de son capital engagé.
Au lieu de chercher à détruire mes chiffres par des données contraires puisées dans les comptes rendus du département des travaux publics, l’honorable M. Dumortier a trouvé plus commode d’y répondre par une comparaison qui malheureusement pêche par sa base et tombe par conséquent à faux…
M. Dumortier – Vous traitez la question générale.
M. Simons - Je vous prie de ne pas m’interrompre. Mon amendement tend à faire disjoindre le chemin de fer de Hasselt de celui de Jurbise. Je veux prouver que cette disjonction est absolument indispensable. Pour prouver ce fait, il faut que j’entre dans des détails ; d’ailleurs, je n’aborde la question générale qu’autant qu’il m’en faut pour démontrer le fondement de ma proposition.
Un membre – Ce sont des répétitions.
M. Simons – Ce ne sont pas des répétitions. Je n’ai pas été dans le cas de répondre à cette objection. Si on ne m’avait pas interrompu, ma réponse serait déjà faire. Elle est très-simple.
M. Dumortier – C’est de la discussion générale.
M. Simons – Je me borne à rentrer dans la partie de la discussion générale qui se rapporte à l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter. Je suis dans mon droit.
M. Dumortier – La discussion générale est close. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président – Vous avez la parole.
M. Dumortier – Messieurs, la chambre a clôturé hier la discussion générale. Maintenant, l’honorable membre rentre complètement dans la discussion générale ; il vient de faire des citations de tous nos discours ; s’il lui est permis de faire des citations de nos discours, de rentrer dans la discussion générale, nous devons être autorisé à y rentrer aussi.
M. le président – M. Simons développe un amendement ; il lui est impossible de ne pas rentrer un peu dans la discussion générale, mais je l’invite à se restreindre le plus possible.
La parole est continuée à l’orateur.
M. Simons – Cet honorable membre à la séance du 25 de ce mois, répondant à cette partie de mes arguments, s’exprimait ainsi : « L’honorable député (page 1510) de Tongres a présenté cette concession sous des couleurs excessivement sombres. D’après l’honorable membre, aux convictions duquel j’aime à rendre hommage, cette route devait rapporter, dès aujourd’hui, 12 p.c. aux concessionnaires. S’il en était ainsi, je ne donnerais pas mon assentiment à ce projet ; personne, dans cette enceinte, ne lui donnerait son vote. Mais examiner le rapport de l’ingénieur Desart, en vous verrez qu’il n’y a qu’une seule ligne en Belgique qui rapporte 10 p.c., c’est celle de Bruxelles à Anvers. Maintenant je vous le demande, tombe-t-il sous le sens de croire qu’il y aura entre Landen et Hasselt un mouvement proportionnel de voyageurs comparable à celui qu’il y a entre Bruxelles et Anvers ? Cette simple observation peut vous faire juger de la valeur des calculs de cette société léonine dont on a parlé. »
Ces paroles prononcées avec un ton d’assurance qui est propre à cet honorable membre, ont dû faire effet sur vos esprits, puisqu’elles ont même entraîné la conviction de M. le ministre des travaux publics. Lui aussi, dans la même séance, a particulièrement appuyé sur ces considérations, comme un argument irrésistible, qui ne devait plus laisser le moindre doute sur l’exagération de mes calculs.
Eh bien, messieurs, une seule observation suffira pour réduire au néant ce bel argument, et pour nous donner de nouveau la preuve qu comparaison n’est pas toujours raison.
Je n’ignore pas qu’aucune de nos sections exploitées n’a jamais atteint, en produits, un chiffre aussi exorbitant que celui que j’assigne à l’embranchement de Hasselt en faveur de la société Mackenzie. Ce n’est pas l’honorable M. Dumortier qui m’a appris le premier qu’il n’existe qu’une seule section, savoir celle de Bruxelles à Anvers, qui ait pu atteindre les 10 pour cent. Mais ce que je n’ignore pas non plus, et ce que l’honorable M. Dumortier passe adroitement sous silence, c’est qu’il n’existe pas non plus une seule section dans notre pays, où un tiers soit généreusement intervenu pour fournir gratuitement les 3/5 de la dépense de premier établissement à la décharge du gouvernement.
Or, c’est ce qui se rencontre dans l’espèce en faveur de la société Mackenzie. Elle jouira de la moitié nette de la recette brute que produira toute la ligne, tandis qu’elle n’aura contribué dans les dépenses de premier établissement que pour 2/5. La comparaison de M. Dumortier pèche donc par sa base, et au lieu de détruire mes chiffres, elle y prête une nouvelle force. Les données sur lesquelles j’ai établi mes calculs restent donc intactes ; et comme je l’ai ai puisées dans des documents officiels, qui les constatent de la manière la plus évidente, les conséquences mathématiques qui en découlent sont de la plus rigoureuse exactitude. Je puis porter un défi à mes honorables adversaires de les rencontrer face à face et d’y porter la moindre atteinte ; on n’y a répondu qu’en se mettant à côté de la question. Quelques-uns des orateurs, même, et M. le ministre des travaux publics est du nombre, reculant eux-mêmes devant les chiffres que l’administration des travaux publics nous a fournis comme officiels, ont été réduits à répudier ces données en les taxant d’exagération.
L’honorable rapporteur a mieux fait ; pour couper court, il a répondu à mes arguments par une espèce de persiflage. Il vous a fait remarquer qu’un seul orateur avait réclamé la disjonction, mais qu’à la vérité cet orateur avait parlé pour deux.
La pointe d’esprit a fait rire et, effectivement, elle ne pouvait, sérieusement, produire aucun autre effet utile. Je répondrai, à mon tour, à l’honorable membre, que bien qu’en sa qualité de rapporteur il ait parlé pour sept, son discours, quelque brillant qu’il soit, ne me paraît pas avoir répandu plus de jour sur l’affaire que nous débattons depuis une huitaine de jours.
Je lui répondrai en outre que la mémoire lui a fait défaut, puisque la majorité d’une section a formellement demandé la disjonction et que deux autres sections ont tout particulièrement chargé leurs rapporteurs d’examiner, en section centrale, si cette disjonction ne serait pas possible, sans inconvénient.
Ce n’est du reste pas la première fois que la question d’utilité de l’embranchement qui nous occupe a été solennellement débattue. En 1837, la direction malencontreuse donnée à cet embranchement, a donné lieu, en dehors de cette enceinte, à un débat non moins approfondi, non moins intéressant.
Alors on se prononçait avec une assurance non moins positive. Les partisans de l’embranchement sur St-Trond proclamaient à cette époque, comme aujourd’hui, que l’entreprise serait des plus productives, des plus fructueuse. Je lis, dans le rapport officiel qui a déterminé le gouvernement à prendre cette fausse direction pour l’embranchement sur le Limbourg, cette phrase : « Il ne peut paraître douteux que les revenus que procurera l’exécution de la section ne suffisent pour couvrir les intérêts de la dépense et subvenir aux frais d’entretien et d’exploitation. »
Cette heureuse prévision, comme vous le savez, messieurs, s’est accomplis à la lettre, bien entendu, dans un sens tout à fait opposé.
En effet le gouvernement, depuis son exploitation, a perdu tous les intérêts de son capital engagé, et sur les frais d’exploitation, il a eu à subir un déficit annuel de 34,000 fr. Voilà le résultat brillant de cette combinaison heureuse tant prônée en 1837.
Au contraire, les adversaires de cet embranchement, quel était leur langage ? le voici : « Mieux vaudrait sans doute ne pas faire d’embranchement du tout, et consacrer la somme que le gouvernement y destine à la confection de routes ordinaires. Au moins n’y aurait-il là ni déception, ni injustice… »
C’est le langage que nous tenons aujourd’hui.
Et qu’on ne dise pas que ce fut le langage isolé d’une seule ville, rivale de Hasselt. Non, messieurs, c’était l’opinion de la grande majorité de la population limbourgeoise ; c’était l’avis des mandataires de la province. Le conseil provincial, après un débat solennel dans son sein, après avoir mûrement pesé toutes les considérations qui militaient de part et d’autre pour l’une ou l’autre direction, résolut de faire une adresse à Sa Majesté dans le même sens, comme l’expression réelle des besoins du commerce et de l’industrie. Plus de soixante administrations communales ont appuyé cette démonstration énergique du premier corps constitué de la province par une adhésion formelle, non moins énergiquement énoncée dans les pétitions qu’elles ont fait parvenir au gouvernement.
Ce n’est donc pas l’intérêt étroit d’une seule localité qui est en question ; au moins de notre côté ; c’est le bien-être général de toute la province.
Aussi, pour peu que l’on connaisse les besoins industriels et commerciaux du Limbourg, il ne peut rester le moindre doute à ce sujet. La ligne qui avait été commencée en 1837, et que l’on veut continuer, ne satisfait à aucun besoin. Elle ne dessert pas même les endroits vers lesquels on l’a fait converger en ligne directe.
Le croiriez-vous, messieurs ? le combustible et tout ce que la ville de St-Trond tire de Liège, lui vient, en grande partie, par la route ordinaire. Il est donc constant que les mécomptes que nous avons à déplorer sur cette ligne, depuis sa mise en exploitation, proviennent de ce que le roulage et les messageries font et feront toujours concurrence à la route ferrée, malgré tous les sacrifices que l’administration du chemin de fer s’imposera.
Cela ne vous étonnera plus, messieurs, lorsque vous apprendrez que, par la route ordinaire, la distance de St-Trond à Ans, où elle s’approvisionne de son combustible est seulement de 28 kilomètres. Et de Liège de 32 ½ kilomètres.
Tandis que la même ville de St-Trond, par la voie ferrée, est distante d’Ans de 42 ½ kilomètres et de Liège de 48 ½ kilomètres.
Ce qui fait une différence en plus, sur une si petite distance, savoir : sur Ans de 14 ½ kilomètres et sur Liège 16 kilomètres.
Avec des conditions pareilles, je vous le demande, est-il possible qu’un embranchement se soutienne avec quelque chance de réussite ?
Je le répète de nouveau, l’expérience, qui est le meilleur de tous les maîtres, a prononcé. Le résultat désastreux que le trésor a eu à déplorer depuis l’existence de cet embranchement, a condamné hautement la direction qui y a été donnée ; la continuer, ce n’est que perpétuer et aggraver le mal.
Le croiriez-vous, messieurs ? presque tous les jours, l’on trouve publiquement exposé au marché de St-Trond, des voitures de houille, qui y arrivent par la route ordinaire en concurrence avec le chemin de fer.
De là le grand mal qui, quoi que l’on fasse, fera toujours que l’embranchement dont il s’agit ne se soutiendra jamais avec avantage. Il y a là un vice originel qui résistera à tous les remèdes qu’on voudra y porter.
Quant à Hasselt, messieurs, cette ville, par sa position topographique, se trouve dans des conditions encore plus favorables que St-Trond. Les mécomptes qui en seront la conséquence seront bien plus déplorables.
Liége est le principal marché vers lequel cette ville écoule la grande partie de ses produits ; c’est encore de Liège, qu’elle reçoit la majeure partie des objets de première nécessité pour ses usines, cela est incontestable.
Eh bien, le chemin de fer en projet éloigne la ville de Hasselt de ce marché principal à une distance telle, que la lutte du transport par la voie ferrée n’est pas soutenable contre le transport par le roulage ordinaire.
Par la grande route pavée, Hasselt n’est distance d’Ans, où elle s’approvisionne de charbon, etc., que de 32 kilomètres. Sa distance à Liège est de 35 kilomètres.
Et par la voie ferrée elle sera éloignée d’Ans de 59 ½ kilomètres. Et de Liège de 65 ½ kilomètres.
Donc différence en plus sur Ans de 27 ½ kilomètres. Et sur Liége de 30 ½ kilomètres.
En présence d’une différence aussi énorme est-il possible que le chemin de fer prolongé sur Hasselt soit productif ? La concurrence par le roulage et par les messageries sera bien plus redoutable à Hasselt qu’à St-Trond, puisque la différence dans les distances est en proportion beaucoup plus considérable et atteint presque un chiffre double.
Il me paraît donc hors de doute sérieux, que le résultat financier de cet embranchement, continué jusqu’à Hasselt, sera bien plus déplorable que celui qu’une expérience de six années a constaté pour la section de St-Trond. Devant une preuve aussi évidente viennent nécessairement se briser tous les beaux calculs, toutes les brillantes prévisions de mes adversaires.
Encore ne devons-nous pas perdre de vue, que la section de St-Trond a été alimentée par les voyageurs qui viennent de Maestricht, de Tongres et des environs, par quatre diligences, aller et retour, qui desservent journellement la route de grande communication entre ces villes, et que même les voyageurs de Hasselt lui ont servi d’aliments ; tandis que Hasselt manque absolument de tous ces éléments d’alimentation. La fameuse ligne qu’on a bien voulu qualifier de ligne internationale, y formera une véritable impasse qui ne promet aucun avenir.
Oui, messieurs, la canalisation, la fertilisation de la Campine même dont on se promet un résultat si favorable pour la nouvelle voie ferrée aura au contraire pour conséquence nécessaire, la diminution des péages sur le railway et par suite l’aggravation de la perte pour le trésor. En effet, du moment que le canal de la Campine sera achevé, toutes les relations commerciales d’Hasselt avec la métropole d’Anvers s’établiront indubitablement par ce canal ; et par suite ce canal enlèvera au nouveau railway une partie (page 1511) des produits qui sont entrés dans les calculs de M. le ministre des travaux publics pour baser ses prévisions en faveur du système de l’exploitation par le gouvernement moyennant 50 p.c. de la recette brute. La fertilisation de nos landes ne sera pas moins nuisible à ces péages, puisqu’elle aura pour conséquence que les céréales que Hasselt tire actuellement de la Hesbaye et du Brabant, pour l’alimentation de ses distilleries, lui viendront de la Campine.
Je bornerai là mes observations. Je les abandonne avec confiance à vos méditations. Il me suffit d’avoir rempli mon devoir, de m’être acquitté d’une tâche que ma conscience m’impose impérieusement. Si, contre mon attente, la disjonction est rejetée pour soumettre le projet à une nouvelle instruction, je devrais me résigner. J’en appellerai, dans ce cas, avec confiance aux résultats que l’expérience ultérieure nous fournira. Pour ce qui me concerne, j’ai la conviction intime que les résultats seront encore plus désastreux pour le trésor, que ceux que l’exploitation de la première section a produits.
Je finirai par une dernière observation. En principe, la législature a voulu que le Limbourg fût doté d’un embranchement sur l’artère principale. Il ne sera pas satisfait à cette disposition bienveillante par l’embranchement dont il s’agit, attendu que 4/5 de la population ne pourront en faire usage et qu’il ne desservira que très-imparfaitement le commerce et l’industrie de l’autre cinquième ; et par suite le Limbourg, déjà si maltraité par la diplomatie étrangère, va recevoir un nouveau coup mortel, au moins dans sa partie la plus populeuse, la plus riche, et la plus intéressante, par le fait de l’exécution d’une loi qui a été provoquée et portée dans son intérêt.
- La proposition de M. Simons est appuyée.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, maintenant que la discussion générale est fermée, la chambre doit bien se rendre compte de la marche à suivre dans cette discussion, afin de l’abréger.
Il y avait deux projets, le projet du gouvernement et celui de la section centrale. Le gouvernement vous a déclaré qu’il se ralliait au projet de la section centrale, projet qui repose sur un système différent. D’après le projet du gouvernement, il s’agissait d’approuver une convention conclue entre le gouvernement et une compagnie. D’après le projet de la section centrale, le gouvernement serait autorisé à concéder le chemin de fer de Jurbise et celui du Limbourg, aux clauses et aux conditions stipulées dans les articles que nous allons discuter. La faculté de la concurrence lui est laissée, il a même la faculté de l’adjudication, comme je l’ai dit hier.
Avant de répondre à d’honorables membres, je dois déclarer à la chambre que le gouvernement croit pouvoir se rallier à deux modifications importantes au projet de la section centrale.
La première modification est relative à l’art. 6. D’après l’art. 6, un subside de 200 mille francs, y compris le subside de la ville de Hasselt, était accordé par l’Etat à la compagnie ; le gouvernement renonce à cet article pour la part du subside qui lui incombait.
La seconde modification, qui est plus importante encore, est relative à l’article 7. La plupart des objections qui ont été faites avaient trait à la participation du gouvernement dans les recettes, en supposant le chemin de fer exécuté à double voie. Dans cette hypothèse, au lieu du forfait à 50 p.c., le gouvernement n’avait plus que 40 p.c. dans le produit des recettes.
On a présenté des objections qui m’ont paru sérieuses et justes, au moins en général. Le gouvernement croit devoir pouvoir renoncer au dernier paragraphe de l’art. 7, paragraphe ainsi conçu :
« Lorsque la seconde voie du chemin de fer de Tournay à Jurbise sera établie, la retenue au profit de l’Etat sur les recettes brutes de ce chemin de fer sera réduite à 40 p.c. »
De cette manière, le forfait de 50 p.c. est indéfini soit que le chemin de fer se fasse à double voie ou à simple voie.
Un membre – Est-ce qu’on ne le fera pas à double voie ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Il sera fait à double voie.
Je pense que par ces modifications que le gouvernement croit pouvoir accepter, parce qu’il pense qu’elles le seront par les compagnies qui se présentent, relativement à la proposition de disjonction que vient de proposer l’honorable M. Simons, le gouvernement ne peut en aucune manière y prêter les mains. La disjonction, d’après ma conviction, c’est l’ajournement, le rejet. La proposition est indivisible. Les deux compagnies qui se sont présentées ont compris dans la même demande, dans la même convention les deux chemins de fer de Jurbise et de Landen. Adopter la disjonction, c’est tout rejeter dans le doute, dans les hypothèses.
Le gouvernement ne peut prendre cette responsabilité. Je suis convaincu que la chambre ne la prendra pas non plus. D’abord les deux chemins de fer doivent être construits en même temps au point de vue politique du projet, car les chemins de fer de Hasselt et de Jurbise sont, comme on l’a dit bien des fois dans la discussion, le complément du système de 1837. Le gouvernement a tenu à ce que l’exécution de ces deux branches fût simultanée, à ce que la section de Jurbise ne se fît pas, en laissant une lacune dans le Limbourg. Pour que la pensée politique de 1837 soit réalisée, il faut qu’il y ait simultanéité pour la construction de ces deux chemins, il faut que l’indivisibilité soit maintenue telles que les demandes ont été formulées.
Messieurs, l’honorable M. Simons, en proposant la disjonction, est parfaitement conséquent avec lui-même. D’abord, il ne veut pas du projet relatif à la ligne du Limbourg, par des considérations financières qu’il a fait valoir et auxquelles on a répondu ; mais il n’en veut pas, surtout, parce que selon lui, le tracé ne vaut rien. Il vaudrait rattacher le chemin de fer de Hasselt à Ans, au lieu de la ligne de St-Trond, dont une partie est déjà exécutée. Ce que demande l’honorable M. Simons, le gouvernement ne peut pas y accéder, ce serait revenir sur ce qui a été décidé en 1837. Il veut un ajournement ; il propose la disjonction pour y arriver. Le gouvernement est conséquent avec lui-même en maintenant la décision prise en 1837. L’honorable membre est conséquent en voulant le rejet de la proposition. Le gouvernement est également conséquent en voulant le tracé décidé en 1837. Il nous est donc impossible d’admettre la disjonction, car ce serait le rejet de la loi, ce serait renverser la pensée politique qui domine les deux projets. Au reste, quant à la branche d’Ans à Hasselt, elle n’est pas rendue impossible ; le gouvernement s’est réservé la faculté de concéder les chemins même pour des lignes pouvant faire concurrence à ceux concédés. Ainsi, la branche d’Ans à Hasselt est une question qui n’est pas mûre, qui n’est pas étudiée, que le gouvernement étudiera, mais dont la construction, je le répète, ne sera pas rendue impossible par le vote actuel.
M. de Corswarem – Deux compagnies rivales se sont formées pour construire les deux lignes par voie de concession. Chacune d’elles s’est constituée de manière à disposer d’un capital suffisant pour la construction des deux railways. En disjoignant les travaux on dissoudra probablement les sociétés, ou du moins, on les jettera dans une grande perturbation ; car il est fort douteux que les grands capitalistes qui font partie aussi bien de l’une que de l’autre société, consentiront à morceler leurs capitaux et à diviser leur spéculation, pour ne plus rester intéressés que dans une partie, lorsqu’ils ont pris toutes les dispositions pour être intéressés dans le tout.
En détruisant les deux sociétés établies, reconnues l’une et l’autre aussi sérieuses que solides, et qui, bien certainement, exécuteront les travaux, il est à craindre qu’à leur place ne se présenteront que de ces sociétés aventurières qui, n’ayant en vue que l’agiotage, ne feront que des dupes et ne construiront jamais.
Il n’est pas nécessaire que les deux lignes tombent dans les mains d’une société de ce genre, pour exciter les regrets et l’indignation publics ; il suffirait qu’une eût ce malheureux sort pour que la chambre se reprochât éternellement d’avoir admis la disjonction qu’on lui propose.
Comme on continue à invoquer, avec une insistance vraiment tenace, l’opinion du conseil provincial, contre la direction aujourd’hui proposée, je demande la permission à la chambre de lui donner un aperçu des différentes opinions émises par le conseil provincial, quoique cet incident n‘entre pour rien dans la question de disjonction soulevée par l’honorable M. Simons.
Lors de la discussion de la loi de 1837, toutes les localités de la province demandèrent, par pétition au gouvernement et à la législature, que le chemin de fer aboutît à leurs clochers. On a donc aussi grand tort en disant qu’alors il n’y eut pas d’enquête : puisqu’au moyen de ce pétitionnement général une enquête des plus approfondies fut faite dans la chambre même, au sein de laquelle les représentants de chaque localité défendirent, avec le plus grand soin, la direction que demandèrent respectivement leurs commettants.
La ville de Tongres, entre autres, demanda qu’il partît de Waremme et passât chez elle, pour rejoindre à Hocht la Meuse et le canal de Bois-le-Duc.
Le conseil provincial, dans sa séance du 15 juillet 1837, demanda la même chose. Mais la moitié de ses membres appartenait alors à la partie de la province aujourd’hui cédés, et la majorité fut formée par cette moitié renforcée des cantons de Tongres et de Maestricht, que l’embranchement sur Hocht devait traverser. Ainsi les trois quarts de cette majorité appartiennent à des contrées aujourd’hui étrangères à la Belgique, et n’était mus que par le désir d’attirer le chemin de fer de leur côté. Hocht, qui était le centre du Limbourg d’alors, n’étant plus que l’extrême limite du Limbourg d’aujourd’hui, n’est plus le point vers lequel le chemin de fer doit être dirigé.
L’espoir de conserver le Limbourg en son entier n’était pas encore complètement évanoui à cette époque et cependant cette direction n’obtint pas la préférence, quoiqu’elle atteignit le centre de la province telle qu’elle faisait alors partie de la Belgique.
Il fut décidé que l’embranchement, destiné à relier le Limbourg à la ligne principale, serait construit dans la direction de Landen à Hasselt.
En exécution de cette décision, une première ligne de deux lieues, dont une sur le territoire de la province de Liége, fut faite depuis Landen jusqu’à St-Trond, point intermédiaire sur la ligne directe vers Hasselt.
La députation permanente, dans l’exposé de la situation administrative de la province, fait au conseil provincial dans sa session de 1839, n’indiqua cette section que comme un premier pas fait par la voie ferrée dans le Limbourg , en disant : « Les travaux du chemin de fer de Landen à St-Trond commencés l’année dernière, sont poussés avec la plus grande activité. Cet embranchement qui doit être considéré COMME LA PREMIERE SECTION de voie qui reliera le Limbourg à la grande ligne de la mer à la Prusse, aura un développement de 11,000 mètres. » La ville de Hasselt ne cessa de réclamer l’achèvement de cet embranchement.
Ses réclamations furent appuyées par le conseil provincial ; notamment dans les circonstances suivantes.
Dans sa séance du 4 octobre 1839, il arrêta l’adresse qu’il présenta à Sa majesté lors de l’inauguration de la section de St-Trond et dans laquelle il s’exprima ainsi : « Il importe peu qu’une lieue seulement de rails couvre notre sol, puisqu’il n’a pu échapper à la hausse sagesse de Sa Majesté et à la sollicitude éclairée de M. le ministre des travaux publics, qu’un projet dont l’exécution suffit à elle seule pour illustrer un règne, ne comprend rien d’inachevé, et exige que bientôt cette voie de communication s’étende (page 1512) plus avant dans la province, afin de se rattacher à la canalisation de la Campine. »
Dans sa séance du 12 octobre 1839, il adopta, sans discussion et sans opposition, la proposition d’un député de Hasselt, demandant qu’une adresse spéciale fût en outre présentée au gouvernement, en faveur du prolongement du chemin de fer de Landen à St-Trond, vers le nord au versant occidental de la province.
Dans sa séance du 10 juillet 1841, il arrêta une nouvelle adresse à présenter au Roi, pendant son séjour au camp de Beverloo, dans laquelle il dit :
« Confiant dans la parole royale, le conseil ose espérer que les besoins de la province ne seront jamais perdus de vue et que le gouvernement de Votre Majesté ne tardera pas de la doter de grandes voies de communication qui ont fait l’objet de nos incessantes réclamations. »
D’après les explications données par le rapporteur, sur l’interpellation d’un membre du conseil, il fut entendu que le prolongement du chemin de fer était compris dans les grandes voies de communication dont il était fait mention.
Dans sa séance du 6 juillet 1842, le conseil reconnut que la canalisation de la Campine et le prolongement du chemin de fer de St-Trond, étaient dignes de toute sa sollicitude ; mais, craignant qu’en demandant les deux choses à la fois, on ne diminuât les chances de réussite, il se borna à ne demander, cette fois, que la canalisation seule.
Et dans sa séance du 14 juillet 1843, il décida, à l’unanimité, qu’une nouvelle adresse sera présentée au Roi, pour demander le prolongement du chemin de fer jusqu’au chef-lieu de la province. Cette dernière démarche, résumant toutes les précédentes, est l’expression des vœux du conseil, demandant, à l’unanimité, le prolongement du chemin de fer jusqu’au chef-lieu de la province, que le gouvernement nous propose en ce moment.
M. Mast de Vries – C’est toujours une belle fiche de consolation qu’obtiendront ceux qui avaient combattu le projet. Si nous avions admis le projet présenté, nous aurions payé 200 mille francs de subsides et reçu 40 p.c. des recettes, tandis qu’aujourd’hui les concessionnaires ont déjà renoncé au subside et aux 10 p.c. qu’on leur accordait pour la seconde voie. Si vous voulez capitaliser ces deux sommes, vous verrez qu nous aurons obtenu un avantage d’un million ou au moins de 7 à 800 mille francs.
J’ai pris la parole pour demander s’il ne serait pas possible d’aller plus loin. Deux compagnies sérieuses se mettent sur les rangs pour avoir la concession de Hasselt et de Jurbise. Le gouvernement ne pourrait-il pas dire : Voilà mon point de départ : maintenant la compagnie qui me donnera le plus sera concessionnaire. Je demande à M. le ministre s’il ne serait pas possible de faire cette adjudication. Je ne pense pas qu’il soit engagé définitivement avec la compagnie avec laquelle il a fait une convention, dans ce cas peut-être obtiendrait-il encore des conditions meilleures que celles que je suis heureux d’avoir contribué à faire consentir. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président – Je vais mettre aux voix la clôture sur la question de disjonction.
M. Simons – Il doit m’être permis de répondre aux objections qui m’ont été faites.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
La disjonction n’est pas adoptée.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’ai à répondre à ce que vient de demander l’honorable M. Mast de Vries. D’après le projet de la section centrale, le gouvernement est autorisé aux clauses et conditions que nous allons examiner et passer en revue. Mais ces conditions forment le maximum des avantages que le gouvernement pourra accorder et le minimum des concessions que le gouvernement pourrait faire. Le gouvernement examinera quel mode de concurrence il admettra dans les circonstances actuelles, pour éviter les dangers dont j’ai parlé hier à la chambre ; il examinera jusqu’à quel point il peut, à l’aide de la concurrence, obtenir des conditions meilleures que celles que la chambre pourrait voter.
M. le président – Nous allons examiner les clauses et conditions ; nous reviendrons ensuite à l’article unique du projet de loi.
« Art. 1. Les concessionnaires exécuteront à leurs frais, risques et périls, par leurs agents, sous la surveillance du gouvernement et dans un délai de trois ans, à compter de la date de la loi à intervenir, tous les travaux des chemins de fer de Tournay à Jurbise et de St-Trond à Hasselt.
« Ils ne pourront en aucun temps, mettre empêchement à la concession ou à la construction d’un chemin de fer parallèle ou autre, en ce, sans qu’il puisse y avoir ouverture de ce chef à une demande en indemnité de leur part. »
- Adopté.
« Art. 2. Les plans et études de M. l’ingénieur en chef Desart, ainsi que le devis estimatif annexé à son rapport (pag. 55 à 63) serviront, sans égard aux prix toutefois, de base aux projets définitifs du chemin de fer de Tournay à Jurbise.
« Ce chemin sera construit à double voie.
« Les plans et études de M. l’ingénieur en chef Groetaers, ainsi que le devis estimatif annexé à son rapport du 15 mai 1844 (tracé direct), serviront également sans égard aux prix de base aux projets définitifs du chemin de fer de St-Trond à Hasselt, mais avec cette différence, que le poids des rails sera porté à 24 kil. par mètre courant au minimum.
« Les rails et les billes à poser dans la voie définitive, seront neufs et ne pourront avoir été employés, au préalable, comme matériel d’exécution des travaux.
« Les billes seront en chêne et ne pourront être coupées et approvisionnées que dans l’hiver qui précédera immédiatement la pose de la voie.
« Les travaux seront, du reste, exécutés conformément aux règles de la bonne construction, et la réception en sera faite par les ingénieurs de l’Etat.
« Des cahiers de charges, à arrêter ultérieurement par le gouvernement, détermineront tout ce qui est relatif à l’exécution des travaux, d’après les bases qui précèdent.
« Les concessionnaires auront la faculté d’exécuter, aux mêmes conditions, le prolongement du chemin de fer de Hasselt, vers la limite du Limbourg, dans le cas où le gouvernement le jugerait nécessaire et vers le point qu’il indiquerait.
« Le gouvernement ne pourra user de cette faculté qu’en vertu d’une loi. »
M. Rogier – Dans la section centrale on a agité la question de savoir s’il ne fallait pas introduire dans le cahier des charges une clause relative à la responsabilité de l’Etat. D’après l’article en discussion, les travaux seront exécutés conformément aux règles de la bonne construction et la réception en sera faite par les ingénieurs de l’Etat. Une clause semblable ayant été introduite dans la construction d’un pont concédé, ce pont s’est écroulé un beau jour.
Le gouvernement ayant eu la surveillance des travaux, ayant été chargé de la réception, fut attrait en justice par les concessionnaires. C’est encore un des nombreux procès que les concessions ont attiré au gouvernement. Les concessionnaires disaient au gouvernement : Vous avez surveillé les travaux, vous vous êtes réservé leur réception ; les travaux ont été exécutés ; vous êtes responsable de la mauvaise exécution ; à vous les réparations.
En conséquence, dans les cahiers des charges postérieurs, le gouvernement avait introduit la clause que la surveillance qu’il exercerait sur les travaux n’entraînerait pour lui aucune espèce de responsabilité quant à leur mauvaise exécution.
Dans la section centrale, un membre a proposé d’introduire une pareille clause. M. le ministre s’est opposé à l’introduction de cette clause. Il a répondu à la section centrale que la responsabilité de l’exécution incombe entièrement à la compagnie, et que déclarer que l’Etat ne sera dans aucun cas responsable d’une mauvaise exécution, c’est sortir des bases du contrat et en diminuer la valeur plutôt que de l’augmenter.
Après cette déclaration, messieurs, il est fort étonnant qu’une clause relative à la non-responsabilité de l’Etat, jugée si imprudente, se trouve cependant reproduite dans les autres cahiers des charges. D’où il suit cette conséquence qui peut devenir très-fâcheuse pour le gouvernement : lorsque la clause de non-responsabilité de l’Etat se trouve insérée dans un cahier des charges, le gouvernement l’invoquera naturellement. Mais quand elle ne se trouvera pas dans un cahier des charges, les concessionnaires invoqueront contre lui le silence du cahier des charges. Ils diront au gouvernement : Quand vous avez voulu dégager votre responsabilité, vous l’avez exprimé d’une manière formelle, témoin tel cahier des charges.
Il devient donc indispensable, si cette clause de non-responsabilité figure dans un cahier des charges, de l’établir dans tous les autres ; et à moins qu’on ne me donne des raisons spéciales, je demanderai que cette clause soit introduire dans celui que nous discutons.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, il ne faut pas oublier que le gouvernement, après l’adoption des bases qu’il s’agit de voter, est chargé d’arrêter ultérieurement des cahiers des charges sur les bases actuelles. Le gouvernement pourra donc établir dans ces cahiers des charges les dispositions dont vient de parler l’honorable M. Rogier et qui figurent dans le cahier des charges pour la construction du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, à l’art. 45, ainsi conçu :
« La surveillance apportée par le gouvernement, aux termes de l’article qui précède, ayant pour objet exclusif d’empêcher les concessionnaires de s’écarter des obligations qui leur incombent, est toute d’intérêt public, et par suite, il ne peut faire naître à sa charge aucune obligation quelconque. »
Dans les cahiers des charges subséquents, messieurs, d’après les observations qui ont été faites, j’ai tenu à insérer une clause dont vient de parler l’honorable membre. Je ne vois aucune difficulté de l’insérer dans les bases actuelles, si la chambre le juge convenable. Mais je m’engage à la faire insérer dans le cahier des charges définitif qu’il s’agira d’arrêter.
M. Rogier – M. le ministre ne voyant pas d’inconvénient à ce que cette clause soit insérée dans le cahier des charges que nous discutons, je demande qu’elle le soit.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je proposerai d’y insérer l’art. 4 du cahier des charges du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse dont on vient de donner lecture.
M. Dubus (aîné) – S’il s’agit d’insérer dans l’article une clause de cette nature, je demande que la rédaction en soit faite avec soin, avec maturité. Il ne faut pas que, pour libérer l’Etat d’une obligation qui ne peut jamais peser sur lui, on arrive en définitive à libérer la compagnie concessionnaire d’une obligation qui pèse sur elle, aux termes de la loi. Lorsque l’Etat construit un chemin de fer, il s’adresse à des entrepreneurs qui répondent envers lui de la bonne exécution. Dans le cas actuel, c’est la société concessionnaire qui répond envers l’Etat de la bonne exécution, car c’est à elle de procurer cette bonne exécution. C’est ce qui résulte des principes du droit. Si maintenant vous allez stipuler que l’Etat n’est pas responsable de la mauvaise exécution, c’est comme si vous supposiez que la société n’en est pas responsable ; tout au moins vous affaiblissez la responsabilité des concessionnaires vis-à-vis de l’Etat.
M. le président donne une nouvelle lecture de l’art. 45 du cahier des charges du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
(page 1513) M. Dubus (aîné) – Il faudrait ajouter « Ni libérer les concessionnaires de la responsabilité qui pèse sur eux. »
M. de Theux – Je crois que la stipulation a pour objet de prévenir le retour de contestation semblable à celles qui ont eu lieu, relativement au canal de Charleroy et au canal de la Sambre. Là les concessionnaires s’étaient prévalus de certains ordres données par l’administration des ponts et chaussées, pour la direction et l’exécution des travaux ; ils ont prétendu que par suite de ces ordres donnés, le gouvernement avait en quelque sorte assumé la responsabilité des travaux. A la vérité, le gouvernement a toujours soutenu que c’était là une théorie fausse, et je pense même que, dans un procès qui a eu lieu pour le pont de la Boverie à Liége, les concessionnaires ont perdu leur cause sur ce point ; et, en effet, il est évident que lorsque le gouvernement s’est réservé la surveillance, il peut donner des instructions ou ne pas en donner, et que par là il ne libère en rien les concessionnaires ou les entrepreneurs, de la responsabilité qui pèse sur eux.
Quant à la clause proposée, je crois qu’elle est superflue, mais je ne pense pas que, dans aucun cas, elle puisse nuire.
M. le président – M. Dubus (aîné) a proposé d’ajouter à l’art. 45 les mots suivants : « Ni libérer les concessionnaires de la responsabilité qui pèse sur eux. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il y a du danger à faire cette addition.
M. Dumortier – Je ne partage pas l’opinion de M. le ministre de l’intérieur. Il y a une grande différence entre la concession actuelle et celle du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Pour l’Entre-Sambre-et-Meuse, les concessionnaires construisent et exploitent : pour le projet dont il s’agit maintenant, les concessionnaires ne font que construire, et c’est l’Etat qui exploite. Il me semble donc que la proposition de mon honorable ami, loin d’offrir du danger, est, au contraire, excessivement raisonnable.
- L’addition proposée par M. Dubus est mis aux voix et adoptée.
L’art. 45 du cahier des charges du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse est ensuite adopté avec cette addition. Il formera le dernier paragraphe de l’art. 2.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, d’après des renseignements que j’ai pris à l’occasion de l’examen du projet relatif à l’établissement des doubles voies dont j’ai été le rapporteur, l’administration des chemins de fer aurait reconnu la nécessité de porter le poids des rails à 36 kilog. par mètre, et compte agir en conséquence pour le doublement des voies.
Il paraît en effet que les rails de nos chemins de fer dont le poids n’atteint pas 25 kilog. sont trop faibles, et l’on attribue en partie à cette cause le manque de fermeté qu’éprouve la marche des trains.
Le poids des rails employés aux chemins d’Orléans et de Rouen est de 36 kilog ; il en est de même de ceux de la voie de Valenciennes à Quiévrain ; aussi les voyageurs éprouvent-ils, en traversant la frontière, une différence de mouvement qui n’est pas à l’avantage de nos lignes ferrées. En Angleterre, le poids des rails est même porté à 38 kil. C’est donc avec surprise que je remarque que le projet de loi n‘exige des compagnies que des rails de 24 kil. Ne conviendrait-il pas d’en fixer le pois à 36 kilo. ? Je désire que M. le ministre veuille bien nous donner quelques explications sur cet objet.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, le poids des rails de la section de Landen à St-Trond n’est que de 17 kilo. Le premier devis de l’ingénieur Groetaers évaluait le poids des rails à 20 kilo. Dans la convention provisoire conclue entre le gouvernement et la compagnie, le gouvernement a exigé que ce poids fût porté à 24 kilog., ce qui constitue une dépense nouvelle pour les concessionnaires. Les rails des chemins de fer de l’Etat pèsent de 24 à 26 kilog. Il est vrai qu’en Angleterre et en France, il y a une tendance à augmenter le poids des rails. C’est une question sur laquelle aucune décision n’a encore été prise et que le gouvernement examiner ; mais je pense qu’on ne peut pas exiger de la compagnie que le poids des rails soit supérieur au poids moyen des rails sur le chemin de fer de l’Etat ; on peut d’autant moins l’exiger que sur le première section du chemin de fer du Limbourg les rails ne pèsent que 17 kilog.
- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.
« Art. 3 La durée de la concession sera de 90 ans qui prendront cours, pour chaque ligne, à compter du jour de la mise en exploitation. »
M. Osy a proposé de dire : « La durée de la concession ne pourra dépasser 90 ans, etc. »
M. Osy – Messieurs, nous ne sommes plus appelés aujourd’hui à ratifier la convention faite avec la compagnie Mackenzie ; nous faisons une loi pour autoriser le gouvernement à négocier de nouveau, soit avec cette compagnie, soit avec tout autre. Par conséquent dans toutes les dispositions que nous votons, nous devons donner au gouvernement les moyens d’obtenir les meilleurs conditions possibles et dès lors il ne faut plus dire : « Le gouvernement accordera la concession pour 90 ans, » mais nous devons dire : « La durée de la concession ne pourra dépasser 90 ans. » Le gouvernement obtiendra peut-être une durée moins longue.
Lorsque nous en viendrons à l’art. 7, je ferai une proposition analogie ; je proposerai de dire que le gouvernement aura au moins 50 p.c. du produit brut. C’est dans ce sens que nous devons faire la loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, cette modification est conforme à la déclaration que j’ai faite tout à l’heure, que je considérais le cahier des charges comme établissant le maximum des avantages à accorder aux concessionnaires.
M. Mast de Vries – Il nous importe peu, messieurs, que la concession soit accordée pour 90, pour 80 ou pour 70 ans ; c’est dans tous les cas, pour nous, une concession perpétuelle. Je désirerais que le gouvernement insistât surtout pour avoir la part la plus grand possible dans les recettes. Quant à la durée de la concession, si vous voulez faire un calcul à cet égard, vous trouverez qu’il y aurait peu d’avantages à la réduire de quelques années.
M. Desmaisières, rapporteur – Messieurs, j’avais demandé la parole pour faire à peu près l’observation que vient de présenter M. le ministre des travaux publics. Vous avez remarqué que par l’article unique du projet de loi de la section centrale, on accorde au gouvernement la faculté, soit de conclure une convention pour la concession, soit d’accorder la concession par adjudication publique. Je crois dès lors qu’il faut absolument adopter l’amendement de l’honorable M. Osy. Il est avantageux pour l’Etat que la concession soit accordée pour le terme le plus court possible, puisque, à la fin de la concession, l’Etat rentre dans toute la recette.
M. Rogier – Messieurs, dans la discussion du projet relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, il a été présenté des observations très-judicieuses par un honorable député de Tournay, relativement à cette durée immense qu’il s’agit d’assigner à la convention. 90 ans, messieurs, c’est dans l’histoire d’un peuple la perpétuité, c’est l’éternité. Dans 90 ans, toutes les situations, toutes les relations du pays peuvent avoir été profondément modifiées. Qui vous dit que dans 20 ans, ou même dans 10 ans, il n’aura pas été découvert des procédés nouveaux, qu’il n’aura pas été introduit des perfectionnements tels que les frais d’exploitation viendront singulièrement diminuer, tels que les tarifs pourront paraître singulièrement exagérés comparés aux frais d’exploitation ?
Lier une nation pendant 90 ans à un tarif déterminé dès maintenant, n’est-ce pas faire acte de haute imprévoyance ? disait l’honorable député auquel je faisais allusion.
En France, messieurs, le système des concessions a prévalu : mais la durée n’est pas aussi longue. Ainsi, pour le chemin de fer de Marseille à Avignon, les annuités de jouissance sont de 33 ans. Pour le chemin de fer de Paris à Bruxelles, la durée de la jouissance est de 40 ans. Ici, messieurs, nous abandonnons pour un siècle la jouissance des chemins de fer, d’une partie importante du domaine public, de ce qui pourrait devenir une grande source de revenu public.
Il ne faut pas croire, messieurs, que la nécessité d’introduire des modifications dans un tarif tarde si longtemps a se révéler ? Ainsi qu’est-il arriver pour les canaux français ? Il y a vingt ans que la France a concédé une grande quantité de canaux sur son territoire. Dix ans ne s’étaient pas écoulés que de toutes parts des réclamations s’élevaient contre la hauteur des péages. Le commerce, l’industrie se plaignaient d’être enchaînés, et les réclamations devinrent si vives que le gouvernement français a été obligé de venir demander aux chambres la faculté de racheter les péages.
Cet exemple, messieurs, doit vous montrer le danger que peut présenter pour la chose publique un article qui immobilise les péages dans les mains d’une société particulière pendant 90 ans, ou même pendant 80 ans, si on obtient ce rabais par suite d’adjudication.
Comme la clause relative à la durée de la concession se lie intiment à celle du rachat, je demande que le vote relatif à la durée soit suspendu jusqu’à la discussion des dispositions relatives au rachat.
- L’ajournement de la disposition de l’article 3 jusqu’à celle des dispositions relatives au rachat est adopté.
« Art. 4 Le gouvernement prendra les mesures requises pour que la mise en possession des propriétés bâties et non bâties nécessaires à l’exécution des travaux et à l’occupation des terrains pour l’extraction, le transport et le dépôt des terres et matériaux, aient lieu conformément aux lois en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
« Tous frais, y compris ceux de justice, seront exclusivement supportés par les concessionnaires. »
M. Rogier – Messieurs, je demande pardon à la chambre si je prends souvent la parole. Mais toutes ces discussions ont de l’importance. Nous entrons dans une période nouvelle, la période des concessions. Je crois que la chambre doit sentir la nécessité de prendre toutes les précautions dans les cahiers des charges pour que le moindre préjudice ne soit porté aux intérêts généraux.
Messieurs, il s’est élevé déjà, à l’occasion d’une concession, une difficulté qui pourrait bien dégénérer en procès. Le chemin de fer de Gand à Anvers a été concédé. Le gouvernement, non content d’avoir concédé gratuitement cette belle ligne, a poussé la générosité jusqu’à abandonner aux concessionnaires un quai tout entier, une longue partie des bords de l’Escaut, au beau milieu de la ville d’Anvers ; de telle manière, messieurs, que le concessionnaire, aux termes de l’arrêté royal qui lui avait fait cette faveur incompréhensible, va venir s’emparer du bord du fleuve qui, au terme des lois, doit rester entièrement libre. D’après ce surcroît de libéralité gouvernementale, le concessionnaire entrera en pleine possession de l’Escaut. Il interdira, si bon lui semble, les abords et le passage au marchandises, aux promeneurs, aux habitants en général sur une distance de je ne sais combien de mètres.
Jusqu’ici, messieurs, le gouvernement avait fait des dépenses, avait intenté des procès pour débarrasser les bords des rivières de toutes les constructions qui obstruaient le passage. Il a soutenu de longs procès, et tout récemment encore, dans la province de Liège pour mettre à la raison les propriétaires qui s’étaient emparés des rives du fleuve, parce que les rives d’un fleuve, c’est comme le fleuve même ; l’accès d’un fleuve doit être libre comme courant lui-même.
Eh bien, messieurs, le gouvernement, de propos délibéré, vous ne le (page 1514) croiriez pas, et j’ai eu peine à le croire moi-même, il a fallu que je le lusse deux fois, pour croire à cet arrêté royal qui, il est vrai, a eu le privilège de figurer deux fois dans le Moniteur, le gouvernement abandonne le bord du fleuve à la société
Evidemment, messieurs, le gouvernement n’avait pas le droit d’abandonner à une société particulière ce quai qui est aussi essentiellement du domaine public que le fleuve lui-même. Qu’a dit M. le ministre pour expliquer cette conduite inconcevable ? Il a dit que dans 90 ans, la propriété devant faire retour à l’Etat, il pouvait la céder, l’abandonner ainsi pendant un siècle. Mais, messieurs, une cession pendant un siècle, n’est-ce pas une véritable aliénation. Est-ce qu’il a jamais pu tomber dans la tête d’un gouvernement raisonnable de permettre à un particulier de s’établir en maître absolu sur les bords d’un fleuve, et au beau milieu d’une ville de commerce.
Voilà cependant, messieurs, ce qui est arrivé, et si je prends ici la parole, c’est parce que les réclamations qui ont été adressées à M. ; le ministre pour le faire revenir de cette mesure injustifiable, sont restées jusqu’à présent sans aucun résultat.
Eh bien, à propos de cet article, je demande comment M. le ministre entend disposer, à l’avenir du domaine public. Dans la section centrale, on a soulevé la question, relativement aux propriétés appartenant au domaine de l’Etat, et comprises dans les fortifications d’Ath. Il s’agit de savoir si le gouvernement se croit autorisé, en vertu de cet article, à concéder gratuitement ces terrains aux concessionnaires. Si c’est l’intention du gouvernement, je ne crois pas que la chambre puisse s’associer à un pareil système.
Si le système qui a été singulièrement appliqué à l’Escaut devait aussi s’appliquer à un autre domaine de l’Etat, il faudrait insérer dans le cahier des charges une clause préservatrice, pour empêcher le gouvernement d’agir à l’avenir avec autant de précipitation. Je demande au surplus une explication positive sur ce qui s’est fait à Anvers.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je demande à la chambre de ne pas discuter incidemment la question de la cession, pendant 90 ans, du quai St-Michel à Anvers, à la compagnie du chemin de fer du pays de Waes. Si cette question très-grave était entamée en ce moment, nous ne la terminerions pas en deux ou trois jours. Je suis prêt à répondre un autre jour, si l’on veut renouveler l’interpellation par motion d’ordre. Je ne comprends pas comment l’honorable membre veut rattacher cette question, qui peut nous mener loin, à l’art. 3 du projet en discussion. Du reste, il y a une considération dont il faut tenir compte : dans le cahier des charges pour le chemin de fer du pays de Waes, il y avait une clause formelle par laquelle le gouvernement s’était engagé à fournir aux concessionnaires, sur un des quais de l’Escaut, d’abord un embarcadère, et puis un espace d’un certain nombre de mètres de rails. Ainsi dans le cahier des charges il y avait une clause formelle qui engageait le gouvernement. Ici aucun clause de ce genre n’est insérée dans le cahier des charges dont il s’agit en ce moment ; le gouvernement n’est donc nullement lié vis-à-vis de la compagnie à laquelle le chemin de fer sera concédé, ni à l’égard d’autres terrains enclavés dans les fortifications de la ville d’Ath, ni à l’égard d’autres terrains de ce genre. J’adjure la chambre de ne pas mêler à la discussion actuelle l’examen de la question soulevée par l’honorable M. Rogier. Je suis prêt à répondre un autre jour, si on renouvelle l’interpellation par motion d’ordre.
Du reste, j’ajouterai que je suis en pourparlers avec les concessionnaires du chemin de fer du pays de Waes, pour apporter des modifications à l’arrêté royal qui a été pris en exécution du cahier des charges. Il est dès lors fort inutile de soulever maintenant cette question qui n’est pas encore mûre pour être discutée.
M. Dumortier – Je pense aussi qu’il n’est pas possible d’aborder maintenant l’examen de cette question spéciale ; je regarde donc pour le moment cette discussion comme ajournée ; j’attendrai d’autres circonstances pour me prononcer à cet égard, d’autant plus que M. le ministre des travaux publics nous annonce qu’il aura des pièces à nous communiquer.
Je parlerai donc seulement de l’art. 4. dans la nouvelle rédaction présentée par la section centrale, différentes modifications ont été apportées. Ces modifications ont un but réellement conservateur. Cependant, je viens de relire avec soin cette nouvelle rédaction, mais je crains qu’on ne puisse en induire que le gouvernement doit faire tout ce qui se rapporte aux expropriations. Il me semble que cela ne peut pas être. L’Etat doit se borner à prêter son nom, en matière d’expropriation, pour cause d’utilité publique ; mais il doit laisser à la société concessionnaire de faire, par ses hommes d’affaires, par ses avocats, tout ce qui est relatif aux expropriations. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, si c’est bien dans ce dernier sens qu’il entend l’article 4.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Oui.
M. Osy – D’après ce qu’a dit M. le ministre des travaux publics, je consens à l’ajournement de l’examen de la question relative à la cession du quai St-Michel à Anvers ; mais je demande qu’avant la clôture de la session le ministre donne des explications sur un acte tout à fait illégal et qui tend à priver la ville d’Anvers d’un quai dont nous avons extrêmement besoin pour les arrivages.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, j’ai demandé la parole ; lorsque j’ai entendu l’honorable M. Rogier soulever la question de la cession d’une partie du quai St-Michel, à Anvers, à une compagnie. J’avais déjà, lors de la discussion du projet de loi sur les concessions de péages, soulevé une question corrélative à celle-ci ; c’était celle de savoir si le gouvernement avait le droit de céder à une compagnie un péage appartenant à l’Etat.
Dans le numéro du Moniteur invoqué par l’honorable M. ; Rogier, l’on voit que, par une convention signée par M. le ministre des affaires étrangères et de la marine, le gouvernement a cédé aux concessionnaires du chemin de fer du pays de Waes, le droit du passage gratuit de l’Escaut, à la condition qu’ils feront construire deux bateaux à vapeur ; de manière que les voyageurs qui circuleront sur les chemins de fer de la compagnie seront exempts d’un péage auquel sont assujettis les voyageurs qui circuleront sur les routes de l’Etat.
Maintenant M. le ministre des travaux publics demande que l’on remette à un autre jour l’examen de cette question, qui a beaucoup de gravité. Je ne demande pas mieux que de me rallier à cette proposition. L’honorable M. Dumortier, qui est pressé d’en finir du chemin de fer de Jurbise, s’est joint à l’organe du gouvernement. Il me semble que, dans cette circonstance, il fait assez bon marché des droits de l’Etat. Je le répète, je ne m’oppose pas à ce qu’on ajourne l’examen de cette question, mais je pense qu’il y a convenance à ce que le gouvernement ajourne aussi l’exécution des conventions dont il s’agit, jusqu’à ce que la chambre ait émis une opinion sur une question qui, de l’aveu de M. le ministre des travaux publics, est tellement grave, qu’elle serait de nature à soulever une discussion de deux ou trois jours.
M. Dumortier (pour un fait personnel) – Messieurs, il est fort étrange qu’un membre de cette chambre dise à un de ses collègues qui fait très-bon marché des droits de l’Etat. Cela est excessivement déplacé et antiparlementaire. Je demanderai l’honorable préopinant de quel droit il dirige contre moi une semblable accusation. Je n’entends pas, et je n’ai jamais entendu faire bon marché des droits de l’Etat, et chacun de vous sait que depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, j’ai soutenu, souvent même contre mes amis politiques, les droits de l’Etat, quand ils étaient en question ; et aujourd’hui encore je n’entends pas agir autrement.
Je désire que l’honorable membre soutienne les droits de l’Etat comme je l’ai toujours fait. Je suis pressé d’en finir, me dit-il ; je lui répondrai qu’il serait à désirer qu’il voulût en finir aussi ; car il doit savoir qu’il est important pour lui qu’on en finisse.
M. de Man d’Attenrode – L’honorable M. Dumortier vient de dire que je suis intéressé à ce qu’on termine cette discussion. Je ne sais ce que l’honorable membre entend dire par là, je le prierai donc de s’en expliquer. Au reste, je ne comprends pas la susceptibilité de l’honorable membre : je n’ai fait que constater un fait, j’ai été amené à faire remarquer une circonstance qui m’a surpris, c’est que chaque fois qu’il s’est agi des droits de l’Etat, j’ai vu l’honorable M. Dumortier s’empresser de les défendre, mais que, dans cette circonstance, il me semblait moins empressé. J’ai cru pouvoir faire remarquer cette différence.
M. Dumortier – Je dois protester de nouveau contre une pareille allégation. On vient me représenter comme trafiquant des droits de l’Etat ! C’est là une véritable injure. Comment ! je trafique des droits de l’Etat ! Et n’est-ce pas moi qui suis venu proposer un amendement tendant à réduire la part de la société à 50 p.c. et à porter celle de l’Etat de 40 p.c. proposés à 50 p.c. ? L’allégation injurieuse de l’honorable membre est donc sans excuse.
La différence qu’il y a entre l‘honorable membre et moi, c’est qu’il ne veut pas de la concession du chemin de fer de Jurbise. Si c’est à raison de cela qu’il dis que je faisais l’abandon des droits de l’Etat, loin de me trouver blessé de l’allégation de l’honorable membre, je la regarderais comme un compliment. Mais que l’honorable membre mette un terme à ses craintes : le temps ne tardera pas à lui prouver que la concession que nous discutons, loin d’être onéreuse à l’Etat, lui sera éminemment avantageuse, que l’Etat y trouvera une source de bénéfices, sans avoir grevé le trésor d’un nouvel emprunt.
M. Rogier – Messieurs, je ne veux pas soulever une discussion générale étrangère à l’art. 4 ; mais il était très-naturel de rappeler ici l’abandon récent par l’Etat d’une propriété domaniale dans les mains d’un concessionnaire pour le terme de 90 ans. J’ai cité ce fait comme un exemple. J’ai demandé à M. le ministre des travaux publics comment il entendait appliquer l’art. 4 aux propriétés de l’Etat. Entend-il céder aux concessionnaires, de sa propre autorité, sans indemnité, sans loi, des terrains appartenant au domaine public ?
Quant à l’abus qui a eu lieu et pour lequel M. le ministre nous annonce une discussion de deux ou trois jours, ce n’est pas un débat que je demande, c’est une rectification. Cette question est tellement claire qu’elle ne pourrait pas supporter un débat d’un quart d’heure. Il est évident, en effet, que le gouvernement n’a pas le droit de céder une partie du domaine public.
M. le ministre des travaux publics dit que la cession qui a eu lieu, et que je qualifie d’extravagante, était la conséquence d’une clause insérée dans le cahier des charges, et qu’il était lié. Mais c’est le gouvernement qui a fait le cahier des charges ; et il était bien libre de ne pas y insérer cette clause. Il a fait une chose illégale ; il n’a pas le droit d’aliéner une portion du domaine public ; or, dans le cas dont il s’agit, il y a eu une véritable aliénation ; car une aliénation pue et simple, ou une concession pour 90 ans, c’est évidemment la même chose. J’espère bien que l’autorité locale d’Anvers aura, au besoin, assez d’énergie pour s’opposer à la prise de possession du quai St-Michel.
Revenant à l’art. 4, je demande comme M. le ministre des travaux publics entend l’appliquer aux cessions de terrains appartenant à l’Etat, s’il entend les céder comme il a fait du quai d’Anvers.
Je crois que la question est assez importante pour être l’objet d’une réponse.
(page 1515) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’ai expliqué que, relativement au quai d’Anvers, il y avait une clause du cahier des charges que j’ai trouvé à exécuter ; mais, relativement aux propriétés domaniales, il est certain que le gouvernement n’a pas le droit d’en céder sans le recours à la législature. Mais la question est de savoir si une concession, d’une durée quelconque, est une aliénation. Je pourrais citer des précédents où le gouvernement a cru pouvoir, pour cause d’utilité publique, faire la cession pour un temps déterminé de quelques parcelles de terrain. D’après l’art. 4 du cahier des charges, le gouvernement n’est engagé à rien. Certainement, il lui est interdit de céder des propriétés de l’Etat, mais je ne pourrais pas admettre le principe d’une manière absolue que l’Etat ne pourrait pas faire la cession momentanée d’une parcelle de terrain dans un but d’utilité publique.
Il n’entre pas dans les intentions du gouvernement de faire de cession de terrain à la compagnie dans les fortifications d’Ath, mais je ne pourrais pas prendre un engagement d’une manière absolue qui pourrait lier à l’avenir l’Etat plus qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour.
M. Osy – C’est cependant une question à décider. Le chemin de fer dont il s’agit devra passer sur un terrain appartenant au gouvernement, car il devra passer dans les fortifications d’Ath ou ses dépendances, le gouvernement entend-il vendre ce terrain à la compagnie ou le lui céder gratuitement pendant la durée de la concession ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Si le gouvernement cédait à la compagnie des terrains à lui appartenant, ce serait une cession ordinaire, c’est-à-dire que les concessionnaires devraient la lui payer. C’est là l’intention du gouvernement.
M. Lys – La cession du terrain appartenant à l’Etat serait un avantage considérable pour les concessionnaires. D’après les devis, les travaux du chemin à une seule voie seulement sont estimés 5,680,000fr. ; et si on veut céder à la compagnie un passage par les fortifications d’Ath, le coût ne reviendra plus qu’à 5,460,000 francs, différence 220,000 fr. Si donc une pareille concession pouvait se faire, il y aurait, d’après l’ingénieur Desart, une diminution de dépense de 220,000 fr. Voilà un avantage que le gouvernement peut procurer à la compagnie ; il devra, dans ce cas, en exiger une compensation…
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Cela va sans dire.
M. Dumortier – J’ai demandé la parole pour faire observer qu’il y a deux moyens d’arriver à Ath : à travers les fortifications et sur les glacis. Pour entrer dans le cœur de la ville, il faut passer par les fortifications. Cela soulève de graves questions avec le génie militaire, dans le cas où l’on conserverait la forteresse. Ces difficultés se sont rencontrées toutes les fois que des chemins de fer ont dû pénétrer dans des forteresses. Le deuxième système serait de s’arrêter sur les glacis qui appartiennent au gouvernement. Dans cette seconde hypothèse, il serait déplorable que le gouvernement vendît le terrain des glacis ; vous comprenez que la propriété d’une partie des glacis d’une forteresse entre des mains étrangères, deviendrait un embarras pour la défense de la place ; il faut mieux que le gouvernement accorde par des concessions successives les terrains nécessaires pour établir la station en dehors de la ville, si tant est qu’on veuille l’établir là. Vous évitez par là la question soulevée, qui, d’ailleurs, ne me paraît pas se rapporter à cet article.
- L’article est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Le tarif des péages à percevoir pendant la durée de la concession sera établi d’après les bases du tarif actuellement en vigueur sur les chemins de fer de l’Etat, sans préjudice aux modifications qui pourront y être apportés de commun accord.
« « Les modérations et exemptions de taxes actuellement établies sur les chemins de fer de l’Etat, en faveur du service de la poste aux lettres et des transports de militaires, de mendiants arrêtés, de détenus, de douaniers et de fonctionnaires et employés des chemins de fer de l’Etat, seront appliquées aux lignes concédées de Tournay à Jurbise et de Landen à Hasselt. »
M. Rogier – Voici encore un article de grande importance. « Le tarif des péages à percevoir sera établi, y est-il dit, d’après les bases du tarif actuellement en vigueur sur les chemins de fer de l’Etat »
Je demanderai d’abord à M. le ministre quelles sont les bases du tarif en vigueur sur les chemins de fer de l’Etat. Cette observation je l’aurais présentée lors de la discussion du cahier des charges du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse ; mais cette discussion a été close plus tôt que je ne le pensais et que ne pensaient plusieurs honorables membres ; et l’occasion m’a manqué pour la produire. Avant de concéder un tarif pour 90 ans, il faut savoir en quoi il consiste. Je prierai donc M. le ministre de nous dire quelles sont les bases des tarifs actuels.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Ces bases sont connues ; le livret réglementaire est imprimé, ces tarifs se trouvent à toutes les stations. Ils sont perçus tous les jours. Je sais parfaitement bien qu’à cause de certaines modérations apportées successivement par des arrêtés ministériels, il sera utile de coordonner les tarifs de l’Etat. Pour les voyageurs, les bases sont celles du projet de loi qui vous présenté. Pour les marchandises, l’honorable membre sait que les prix sont de 50 c., 70 c. et 1 fr. pour les 2e, 3e et 1re classe. Ensuite, il y a des modérations pour les exportations pour les charges complètes et pour le transit. Tout cela se trouve dans le livret réglementaire. Quand il s’agira de rédiger le règlement définitif le gouvernement ramènera les tarifs à des règles plus fixes. Mon intention, aussitôt après la clôture de la session, est de présenter un arrêté royal coordonnant les tarifs et accordant certaines modifications utiles en conservant toutes les bases.
M. Rogier – Il suit de la réponse que vient de faire M. le ministre que le tarif actuel n’a pas de base. Dans le projet de loi qu’il a présenté à la chambre pour la fixation des péages, M. le ministre constate qu’il existe des anomalies par centaines dans les tarifs ; que pour les mêmes places et les mêmes distances les tarifs varient à l’infini. Un tel chaos ne peut servir de base à des tarifs concédés pour 90 ans. Je ne sais si M. le ministre prendra le maximum ou le minimum ou la moyenne de ces tarifs ; mais je prévois que les sociétés trouveront que la base doit être le maximum.
Il eût donc été à désirer que la loi de péages fût votée avant que les bases du tarif passassent dans les cahiers des charges qui vont lier le pays pour 80 ans ! Cela n’est pas d’une importance médiocre ; il faut savoir à quoi nous engageons les voyageurs et le commerce pendant un siècle. En ce moment, nous ne le savons pas, le tarif ne reposant sur aucune base fixe.
J’ai soulevé une autre question dans la discussion générale ; on n’y a pas répondu ; j’ai demandé à quelle taxe sera soumis le transport des colis qui peuvent devenir si nombreux, désignés sous le nom de marchandises de diligence. Aujourd’hui sur le chemin de fer de l’Etat quel que soit le parcours, tout colis au-dessous de 5 kilog. est assujetti à une taxe uniforme de 60 centimes. Qu’il aille de Bruxelles à Vilvorde ou de Bruxelles à Ostende, quel que soit le parcours, le taux est uniforme pour les colis au-dessous de 5 kil. Il en est de même aussi pour le transport des espèces.
Mais je suppose un de ces colis expédié de Bruxelles sur Ath. De Bruxelles à Jurbise, il payera 60 centimes à l’Etat. De Jurbise à Ath, aux termes du cahier des charges, il devra payer 60 centimes à la société concessionnaire. Voilà donc que ce colis coûtera 1 fr. 20 c. pour arriver à Ath.
On dit que si le prix de 1 fr. 20 c. est trouvé trop élevé, on enverra ce colis par une autre voie, par la voie des diligences. Mais j’ai déjà fait remarquer que les sociétés s’arrangeaient de cette manière ; qu’elles supprimaient les voitures concurrentes, afin d’exercer le monopole sur les voyageurs et sur les marchandises.
Je demande donc à M. le ministre comment il entend appliquer cet article ; si la société sera maîtresse de prélever, sur les paquets venant du chemin de fer de l’Etat, le maximum de son tarif, c’est-à-dire les 60 centimes. Si ce système était adopté, il pourrait arriver qu’un petit colis, qui aujourd’hui ne paye que 60 centimes, payerait 1 fr. 20 c., et même 1 fr. 80, suivant qu’il passerait sur deux ou trois chemins de fer, y compris celui de l’Etat, puisqu’il pourrait être frappé de 60 centimes chaque fois qu’il rencontrerait un chemin de fer concédé.
La question, messieurs, a aussi son côté important. Ces sortes de marchandises peuvent jouer un très-grand rôle dans les transports ; elles dont la fortune des messageries, elles peuvent aussi faire celle du chemin de fer si elles étaient convenablement exploitées. Malheureusement il n’en est pas ainsi. Il y a, sous ce rapport, dans l’administration du chemin de fer, des vices que M. le ministre des travaux publics devrait s’attacher à faire disparaître.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ferai d’abord remarquer que si l’on doit s’étonner de quelque chose, c’est de voir des compagnies admettre, comme maximum de leurs tarifs, les tarifs belges. Si, il y a un an, on avait dit que des compagnies se rencontreraient, qui admettraient comme maximum de leurs tarifs, les tarifs des chemins de fer de l’Etat, qui ont été établis, non dans un but fiscal et financier, mais dans un but d’intérêt public, comme cela a lieu dans toutes les exploitations par l’Etat, on se serait refusé à y croire. Le tarif belge, messieurs, est le plus modéré de tous les tarifs existants.
On dit : Vous allez immobiliser dans les mains des compagnies le taux des tarifs.
Messieurs, la commission royale des tarifs, composée de membres de la chambre, avait pour but, dans les observations qu’elle a émises, de démontrer que les taris devaient être élevés et non abaissés. Je ne dis pas que je partage l’opinion de la commission ; mais la tendance de l’opinion de la chambre paraissait plutôt favorable à l’élévation des tarifs qu’à leur abaissement. L’honorable M. Rogier lui-même, si j’ai bon souvenir, dans la discussion du budget des travaux publics, a reconnu que le tarif actuel était aussi modéré et même plus modéré que celui du 10 avril ; et en général il en est effectivement ainsi pour les marchandises.
Je ne comprendrais pas, messieurs, qu’une compagnie pût accepter de maximum plus modéré que ceux-là. En France, messieurs, les maximum sont doubles, sont triples de ceux qu’il s’agit d’adopter.
L’intérêt de la compagnie, messieurs, étant d’arriver au plus de transports possible, il est probable qu’elle demandera au gouvernement l’autorisation de baisser les tarifs.Ceux-ci ne sont donc pas immobilisés dans les mains.
Messieurs, il est évident qu’il y a une limite dans l’abaissement des tarifs : c’est le prix de revient de l’exploitation. Or les ingénieurs qui ont écrit sur la matière regardent le prix de revient de l’exploitation comme s’élevant à 3 centimes. Eh bien ! messieurs, les tarifs de l’Etat varient de 35 à 45 et 50 centimes, c’est-à-dire que ces tarifs doivent être considérés comme prix rémunérateur. En France, ils ne seraient pas prix rémunérateurs. Aucune société ne consentirait à adopter des tarifs aussi bas et aussi modérés.
Messieurs, j’ai déjà fait une réflexion à laquelle on n’a pas, selon moi, suffisamment répondu, c’est que dans le système de l’exploitation par l’Etat et du partage des recettes entre la compagnie et l’Etat, la compagnie n’a aucun intérêt à ne pas baisser les tarifs. Je suis persuadé que lorsqu’il s’agira de régler les tarifs, les tendances de la compagnies seront de me demander de les baisser. Et pourquoi ? Parce que l’abaissement des tarifs ne peut être (page 1516) préjudiciable qu’à celui qui fait la dépense, qu’à celui qui exploite, et que plus un tarif est modéré, plus il attire de transports, mais plus il amène aussi de frais d’exploitation. L’Etat seul est donc intéressé à ce que les tarifs ne soient pas abaissés d’une manière exagérée.
Ainsi, messieurs, je le répète, le tarif est un maximum. Ce n’est pas un tarif immobile. L’intérêt de la compagnie sera de l’abaisser pour augmenter les transports. Et puis, ne perdons pas de vue qu’il est inouï jusqu’à présent de voir adopter pour maximum des tarifs d’une compagnie, le tarif belge qui est établi non au point de vue fiscal, mais au point de vue de l’intérêt public. Ainsi nous avons accordé 30 p.c. de réduction pour les exportations. Evidemment si l’Etat avait été une compagnie, il n’aurait pas accordé cette réduction, qui a été établie dans un but purement industriel et commercial.
Messieurs, je ne puis admettre que le tarif actuel n’ait aucune base. Je reconnais que par suite d’arrêtés ministériels successifs, certaines anomalies existent dans les tarifs. Mais lorsqu’il s’agira du règlement avec la compagnie, on fera cesser ces anomalies. L’Etat dans ce débat prendra la défense de l’industrie belge et n’acceptera évidemment pas le maximum comme base du tarif à arrêter.
Quant aux petits paquets, j’ai déjà eu l’honneur de répondre à l’interpellation de l’honorable M. Rogier. Voici l’interprétation qui, selon moi, doit être admise : c’est qu’un petit paquet partant de Bruxelles pour Ath, ne payera que 60 centimes, puisqu’il n’y a qu’une seule exploitation, et qu’il y aura ensuite un décompte. Il en sera de même pour le voyageur partant de Bruxelles pour Ath et Tournay. Il payera sa place à Bruxelles, mais il y aura ensuite un décompte entre l’Etat et la compagnie ; on évaluera la partie qui incombe à celle)ci d’après le parcours sur la ligne concédée.
Je crois qu’il n’y a pas deux manière d’entendre cette disposition.
M. Rogier – Il s’ensuit que l’Etat ne recevra plus les 60 centimes.
M. Cogels – Messieurs, il n’y a guère plus de six ans que l’exploitation de nos chemins de fer a reçu quelques développements, et déjà nous avons vu plusieurs modifications dans les tarifs. Il y a des prix de transport qui ont été considérablement baissés.
Ceci est fort naturel. Car les chemins de fer de l’Etat ne peuvent pas être comparés à ceux d’exploitations particulières qui n’ont que leur propre intérêt financier en vue. L’Etat a construit le chemin de fer, non pas dans un but financier, mais dans un but d’utilité générale. Il est probable, par conséquent, que d’ici 90 ans, on trouvera encore d’autres modifications à introduire dans les tarifs.
L’honorable ministre des travaux publics nous a dit que les prix actuels représentaient à peu près le prix de revient, et qu’il était étonnant que des compagnies particulières consentissent à les accepter comme maximum.
Cette considération, messieurs, peut s’appliquer au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse et aux autres qui font l’objet de concessions particulières. mais ici elle ne trouve pas d’application, ; parce que, comme c’est le gouvernement qui exploite sur le chemin de fer de Jurbise à Tournay, la compagnie a un revenu net, c’est-à-dire 50 p.c. du revenu brut.
Mais ce qu’il y a de plus encore dans cet article 5, c’est que le gouvernement se met complètement sous le contrôle de la compagnie, c’est que lorsqu’il trouvera utile d’apporter des modifications dans son tarif général, si la compagnie ne consent pas à ce que ces modifications soient appliquées à la section de Tournay à Jurbise, le gouvernement n’aura pas la faculté d’accorder à cette section la réduction qu’il serait disposé à accorder sur les autres lignes.
Mais, dit M. le ministre des travaux publics, la compagnie aura toujours intérêt à abaisser les tarifs pour attirer un plus grand mouvement de transport. Pas du tout, messieurs, ceci serait encore vrai si la section de Tournay à Jurbise était une section isolée, une section indépendante qui fît ses propres affaires. Mais comme cette section ne sert qu’à relier les deux grandes lignes de l’Etat et que c’est le mouvement des grandes lignes de l’Etat qui doit indispensablement faire usage de cette section, la compagnie dira : Vous ne pouvez vous dispenser de passer par chez moi. Eh bien ! je demande à ce que vous payiez le plus possible. Voilà comment je ferais si j’étais à la tête de la compagnie et comme je pense que feront toutes les personnes qui entendent bien leurs intérêts.
Il y a donc ici, de la part de l’Etat, une véritable dépendance.
Déjà à une séance précédente j’ai fait remarquer, et plusieurs honorable membres ont partagé cet avis, que l’Etat se constituait comptable de la compagnie. Ici, il n’est pas seulement comptable, il ne peut rien faire sans le consentement de la compagnie.
C’est là une clause que je ne puis admettre et qui me suffirait pour faire rejeter toute le système.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne comprends véritablement pas l’objection que vient de faire l’honorable M. Cogels. Car avec cette objection, il n’y a aucune compagnie possible. Lorsqu’une compagnie se forme en France, en Angleterre, en Allemagne, la première condition pour elle c’est d’avoir un maximum de tarifs. Elle fait alors ce quelle veut ; elle peut les baisser si cela lui convient.
D’après l’honorable M. Cogels, l’Etat devrait toujours avoir le droit de baisser le tarif maximum de la compagnie. Mais s’il peut me citer l’exemple d’un pays quelconque où l’Etat a le droit de faire baisser le maximum fixé par la loi, je consens alors à voter contre le projet avec lui. Mais il est évident que la première condition de la formation d’une compagnie c’est l’établissement d’un maximum de tarifs. Il est complètement inutile d’ajouter dans l’article : « sans préjudice aux modifications qui pourront être faites de commun accord. » Le droit de la compagnie, c’est son maximum. En France, en Angleterre, en Allemagne, l’Etat n’a jamais le droit d’imposer à une compagnie l’abaissement des tarifs. C’est là une condition que nulle compagnie n’acceptera, car demain, dans un intérêt commercial et industriel, l’Etat pourrait abaisser les tarifs de telle manière que la société se trouverait en perte.
La seule question qu’il y ait à examiner est celle-ci : « Le maximum est-il trop élevé ? » Eh bien, messieurs, aucun maximum de tarifs n’est comparable à celui-ci. Lorsque nous avons discuté le projet relatif au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, l’honorable M. David qui est le partisan déclaré (d’autres diraient exagéré) des bas tarifs, l’honorable M. David a proposé un amendement tendant précisément à faire admettre la disposition actuelle, c’est-à-dire que la compagnie aurait dû prendre pour base les tarifs de l’Etat, qui étaient considérés alors comme des tarifs modérés. Maintenant , cela ne suffira plus !
L’honorable M. Cogels n’a pas fait assez attention à l’observation que l’ai présentée, que l’Etat supportant toute la dépense et la compagnie ne faisant que recevoir, celle-ci a nécessairement intérêt à ce que les tarifs soient faibles, puisqu’un abaissement des tarifs amène toujours une augmentation de produits bruts. La question entre les partisans et les adversaires des bas tarifs est celle-ci :
L’abaissement des tarifs entraînant une augmentation de circulation et par conséquent plus de dépenses de circulation, quels chiffres faut-il admettre pour que cette augmentation de dépenses soit couverte par l’accroissement de produits résultant de l’augmentation des transports ? Voilà la question dans le système de l’exploitation par l’Etat de ses propres lignes ; mais lorsque l’Etat fait seul les frais d’exploitation et qu’une compagnie reçoit une part dans la recette brute, cette compagnie a évidemment intérêt à ce que les tarifs soient abaissés. C’est l’Etat qui devra résister à l’abaissement trop considérable des tarifs ; avant de consentir à l’abaissement des tarifs, il devra examiner quelle augmentation cet abaissement produira dans les frais d’exploitation.
Dans toute autre concession, messieurs, la compagnie est libre de fixer les tarifs comme elle l’entend, pourvu qu’elle ne dépasse pas le maximum ; mais la compagnie n’a pas toujours intérêt à abaisser ces tarifs puisque cet abaissement, comme je viens de le dire, entraîne une augmentation de frais d’exploitation. Ici, nous sommes certain d’avoir toujours les tarifs les plus bas possible, puisque la tendance de la compagnie sera nécessairement de demander au gouvernement l’abaissement des tarifs.
Il n’y a donc, je le répète, qu’une seule question à examiner : « Le maximum est-il trop élevé ? » Or, messieurs, il l’est si peu qu’on n’aurait jamais cru, il y a un an, qu’une compagnie se serait contenté des tarifs de l’Etat comme maximum de ses propres tarifs.
M. d’Elhoungne – Messieurs, je pense qui si la question du maximum pouvait être douteuse, elle serait résolue par ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Selon M. le ministre, ce maximum est si peu élevé, qu’on n’aurait pas osé espérer un semblable il y a un an. Or, si un an a pu amener tant de changement dans le jugement que nous avons à porter sur le chiffre du maximum, je vous laisse à penser quels changements doit amener un siècle, à peu près !
Messieurs, l’article du cahier des charges qui nous occupe, est le plus important de tous, il résume tout le cahier des charges ; je vous demanderai donc la permission d’appeler quelques instants votre attention sur ce point.
M. le ministre des travaux publics croit avoir répondu aux objections faites contre l’art. 5 du cahier des charges, en disant que la lutte entre les partisans des tarifs élevés et les partisans des tarifs réduits est dominée surtout par les frais d’exploitation. En thèse générale, il est effectivement vrai que les frais d’exploitation sont un obstacle à l’abaissement des tarifs, de sorte que celui qui dispose des frais d’exploitation, doit être considéré comme étant en même temps le régulateur des tarifs. Abaisser les tarifs, c’est en général, augmenter les revenus bruts ; mais il peut arriver que l’augmentation du revenu brut ne soit pas suffisante pour compenser l’augmentation des dépenses d’exploitation.
Mais dans le cas particulier dont nous nous occupons, il a une complication d’intérêts que M. le ministre perd de vue. Il se peut en effet que dans plusieurs hypothèses l’abaissement des tarifs, tout en pesant principalement sur le gouvernement chargé de l’exploitation, amène cependant aussi un dérangement momentané dans la position de la société. Comme je l’ai dit dans une autre séance, si le gouvernement propose un abaissement de tarifs, qui, tout en augmentant la circulation, n’amène pas cependant à l’instant même une augmentation de recettes brutes, la compagnie s’opposera nécessairement à cet abaissement de tarifs parce qu’il ferait baisser le taux de ses actions. Or, des actionnaires s’opposeront toujours à toute mesure qui, en altérant leur position acquise, pourrait amener pour résultat une baisse même momentanée.
Ce qui démontre encore que les concessionnaires peuvent avoir d’autres intérêts que ne le suppose M. le ministre des travaux publics c’est l’observation si judicieuse faite par l’honorable M. Cogels. Cet honorable membre a fait remarquer que le chemin de fer de Jurbise est dans une position spéciale puisqu’il forme un lien nécessaire entre plusieurs lignes du chemin de fer de l’Etat ; eh bien, il peut arriver que plus l’Etat diminuera ses tarifs sur ses propres lignes, plus la compagnie aura intérêt à ne pas réduire les siens, puisque son chemin de fer étant une ligne de passage nécessaire, il faudra bien qu’on en use bon gré malgré, quelque élevés que soient les tarifs comparativement à ceux de l’Etat. Je crois que cette raison, développée par l’honorable M. Cogels, est de la justesse la plus évidente.
M. le ministre des travaux publics a fait une objection d’un très-grand poids, et sur laquelle doit se fixer très-particulièrement l’attention de la (page 1517) chambre. M. le ministre a dit : « Mais si l’on n’admet pas un maximum, la société n’a plus aucune garantie, elle est livrée au bon ou mauvais vouloir du gouvernement, qui reste, en définitive, seule maître de toutes les conditions de la tarification et, partant du prix de la concession. Je crois que cette observation, messieurs, est juste. Si l’on voulait soumettre d’une manière absolue les sociétés au seul arbitre du gouvernement, de telle manière qu’il n’y eût plus aucune garantie pour elles, je ne pense pas qu’une concession quelconque serait possible. Aussi, dans ma pensée, ne devons-nous pas refuser à la société concessionnaire un maximum, mais nous devons prendre des précautions pour que le maximum accordé à la société ne soit pas immuable. Les précautions que l’on peut prendre à cet égard sont faciles, et se présentent nombreuses.
Par exemple, messieurs, ne serait-il pas possible que, dans les tarifs arrêtés entre la société et M. le ministre des travaux publics, il y eût, pour certains articles importants et déterminés, une base mobile en quelque sorte, base à l’égard de laquelle le gouvernement resterait maître de modifier les tarifs, pour les maintenir en rapport avec les tarifs de l’Etat ? On pourrait encore stipuler que lorsqu’une expérience aurait été faite pendant un laps de temps déterminé sur les lignes de l’Etat sans que, en définitive, il y eu diminution de recettes, le gouvernement aurait le droit d’imposer cette même tarification aux lignes concédées. En troisième lieu, on pourrait stipuler que lorsque le gouvernement voudrait imposer un tarif nouveau à la société et que celle-ci s’y refuserait, le gouvernement aurait le droit de le lui faire accepter en lui bonifiant la différence entre les recettes précédentes et celles qui se feraient postérieurement à l’établissement du nouveau tarif. Enfin le gouvernement pourrait avoir la faculté de changer les bases du maximum des tarifs lorsque la société aurait obtenu un certain taux de revenu sur la ligne concédée et qu’au besoin le gouvernement lui garantirait.
Je soumets ces réflexions à la chambre, plus encore à M. le ministre des travaux publics qui stipulera, lui, au nom de l’Etat avec la société concessionnaire. Je crois avoir indiqué plusieurs stipulations importantes à insérer dans le cahier des charges. J’estime qu’en les soutenant, ce serait faire acte de prudence et de sollicitude pour les intérêts généraux du pays.
M. Dumortier – Messieurs, il y a beaucoup de vrai dans ce que vient de dire l’honorable préopinant et je reconnais que l’article qui nous occupe est le plus sérieux de tout le cahier des charges. Il est incontestable que la société accepte aujourd’hui des conditions que personne n’aurait osé espérer il y a quelques années, mais la concession sera accordée pour un terme considérable, pour un terme de 90 ans. Or, comme je l’ai dit dans la discussion du projet relatif au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, quels changements ne peuvent pas être introduits d’ici à 90 ans dans le système de locomotion, dans le système d’exploitation des chemins de fer ? D’un autre côté, la valeur de l’argent va toujours en diminuant ; c’est ce qui est arrivé depuis des siècles ; c’est ce qui arrivera surtout si un jour on parvient à exploiter convenablement les nombreuses mines d’argent de l’Amérique. Il serait donc à désirer qu’on put empêcher les tarifs des chemins de fer dont il s’agit d’être immobilisés pour 90 ans. Ce n’est pas, messieurs, que j’aie une frayeur excessive dans cette immobilité. Je suis persuadé qu’il existe mille moyens de porter remède à l’abus que la société pourrait faire des tarifs qui lui auraient été concédés. Je suppose, par exemple, que la compagnie veuille maintenir des tarifs élevés sur la ligne de Tournay à Jurbise, mais une grande partie des voyageurs pourraient se passer de cette ligne. Ainsi on pourrait venir de Tournay à Bruxelles par Gand et Termonde ; d’Ath on pourrait également venir à Bruxelles, par la vallée de la Dendre et Termonde ; de cette manière on éluderait les tarifs exagérés que la société aurait établis.
Toutefois, messieurs, je pense que lorsque le gouvernement fera le cahier des charges définitif, il devra prendre le présent article en très-sérieuse considération, et j’appelle toute son attention sur les dernières observations présentées par mon honorable collègue et ami M. d’Elhoungne. Il pourrait stipuler par exemple, que lorsque la société aura atteint un revenu, que je suppose de 10 p.c., elle devra accepter purement et simplement le tarif de l’Etat. Je comprends cependant que, dans les circonstances actuelles, une société ne veuille pas accepter sans restriction le tarif à faire par l’Etat. Et pourquoi ? Parce qu’en violation de la loi que nous avons faite en 1833, ce n’est pas la chambre qui vote les tarifs, c’est le ministère qui les fixe. Il n’y a donc pas de garanties de durée pour les sociétés concessionnaires : le passage, au ministère, de telle ou telle personne, partisan de tel ou tel système de tarif, peut amener un bouleversement complet dans les recettes et les dépenses du chemin de fer. Si la chambre se décidait à voter les bases de la tarification, chose que je crois extrêmement désirable, alors il pourrait se faire qu’une société acceptât purement et simplement la concession, en se soumettant au tarif voté par le pouvoir législatif. Je crois qu’une semblable acceptation pourrait se faire sans grand danger : la société concessionnaire comprendra que, dans l’abaissement des tarifs, elle a des bénéfices certains à réaliser, tandis que l’Etat doit s’attendre à des pertes. Quand vous baissez le tarif, vous augmentez les transports des marchandises et des voyageurs : mais cela se fait aux dépens du matériel que l’Etat doit entretenir.
Si l’on arrivait à ce résultat, que la société se soumit au tarif à voter par la législature, je crois que cela serait un grand bien, et que cela couperait court à toute espèce de difficultés.
M. Cogels – M. le ministre des travaux publics a été fort étonné de l’observation que j’ai faite ; il m’a dit que cette observation s’applique à toutes les concessions particulières. Mais il n’y a ici aucune analogie. Dans une concession particulière, une fois qu’elle est accordée, l’Etat, sous le rapport financier, est totalement désintéressé, c’est-à-dire que peu lui importe que la société fasse de bonnes ou de mauvaises affaires. Mais il n’en est pas de même ici : l’Etat est associé à la compagnie concessionnaire, et il ne peut rien faire sans le consentement de son associé : voilà la véritable position de la question. M. le ministre a dit que j’aurais beaucoup de peine à citer, dans toute l’Europe, une seule concession où un maximum n’ait pas été fixé, et où la compagnie, sans le concours du gouvernement, aurait la faculté de dépasser son maximum. Mais je crois que M. le ministre des travaux publics serait bien plus embarrassé de me citer, dans toute l’Europe, une seule concession établie sur les bases de la concession actuelle.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, l’article dont nous nous occupons détermine le maximum du tarif des péages à stipuler entre le gouvernement et les concessionnaires. Ce tarif des péages, c’est le prix du contrat, c’est la rémunération des sacrifices qui vont faire les concessionnaires ; il faut que sur le produit de ces péages, dans le terme de 90 ans, les concessionnaires retirent l’intérêt de leur capital, l’amortissement, et qu’ils obtiennent en outre leur bénéfice. C’est donc là pour eux la condition essentielle. Avant d’accepter la concession, ils doivent faire des calculs et s’assurer que l’opération dans laquelle ils mettent un capital n’est pas déraisonnable pour eux. Mais du moment que vous abandonnez la fixation du prix à l’arbitrage d’un tiers, fût-ce une assemblée législative, pouvez-vous espérer trouver des concessionnaires ? Se trouvera-t-il, je vous le demande, des hommes raisonnables, des pères de famille qui consentent à entreprendre une opération de 8 millions, à la condition qu’il dépendra de la législature de réduire ce bénéfice à zéro, de le convertir même en perte ? Vous voyez que c’est impossible. Evidemment, c’est le prix du contrat ; par conséquent, c’est ce qui doit être certain à leurs yeux. Ainsi il est impossible qu’on pense sérieusement à leur faire accepter la condition de s’en rapporter à la législature sur les changements qui peuvent être apportées au tarif. Je ne pense pas que des pères de famille soucieux de leurs intérêts puissent l’accepter.
Mais ce n’est pas à dire pour cela que le tarif doit être immobilisé. Malgré les objections qui ont été faites, il demeure démontré qu’ils auront intérêt à tout abaissement raisonnable auquel l’Etat aurait lui-même intérêt à consentir. Je crois même qu’il est démontré qu’ils auraient intérêt à accepter un chiffre plus bas que celui de l’Etat, parce que les frais de locomotion ne devant pas augmenter pour eux, ils pourraient même avec un plus grand abaissement du tarif, trouver encore du bénéfice.
Il est reconnu de tous qu’un abaissement du tarif amène une grande augmentation dans le nombre de voyageurs et des marchandises. Si l’abaissement est exagéré, quelle que soit cette augmentation elle peut amener une diminution des recettes. S’il est bien calculé, il peut amener une augmentation notable dans les recettes brutes. Il y a à cet égard une limite qui ne doit pas être dépassée. Mais tant qu’ils ne la dépasseront pas, les concessionnaires auront intérêt à consentir une diminution.
Ils feront, dit-on, un autre calcul ; pendant que l’Etat abaissera son tarif, ils laisseront le leur immobile pour faire un bénéfice d’autant plus grand. Mais ils ne feront pas ce calcul ; ils n’auront pas intérêt à le faire ; ils ne le feront pas, parce que l’abaissement du tarif sur les lignes de l’Etat ne se fera pas étourdiment, sans avoir négocié avec eux, sans en avoir discuté les avantages. Je crois qu’ils n’auront pas intérêt à le faire ; parce que ce ne seront pas seulement les lignes de l’Etat qui fourniront des produits à la ligne concédée ; cette ligne elle-même fournira des produits assez considérables.
En effet, cette ligne a un développement de 48 kilomètres ; or, la majeure partie des voyageurs ne fait pas un trajet aussi considérable.
Ainsi, en consentant sur cette ligne même à un abaissement de tarif qui doit augmenter les produits, ils feront un bénéfice dont ils se priveraient s’ils faisaient le calcul dont on a parlé tout à l’heure.
M. Rogier – Je prévois beaucoup de difficultés dans l’exécution du système proposé. Je crois que M. le ministre des travaux publics ne tardera pas à s’en apercevoir. Je suis convaincu que peu d’années ne s’écouleront pas, avant que la force des choses oblige le gouvernement à racheter cette enclave qu’il vient aujourd’hui placer au milieu de sa propriété.
La route de Jurbise à Tournay est réellement une enclave que le gouvernement demande à établir au milieu de son chambre.
Un propriétaire qui aurait une telle servitude dans sa propriété ferait tous ses efforts pour s’en débarrasser.
Ici nous suivons une marché contraire. Nous avons une propriété libre ; il nous est libre de l’étendre encore. Au lieu de cela, nous consentons à ce qu’il s’établisse un chemin de fer étranger au milieu du nôtre. Il est impossible qu’il n’en résulte pas beaucoup de difficultés.
En ce qui concerne l’exploitation de ces routes particulières, j’ajoute que l’Etat seul en sera lésé. Je ne sais si je me suis fait comprendre par M. le ministre des travaux publics. Mais il me semble qu’il n’a pas répondu à mon objection ; je vais la répéter : un colis de diligence expédié de Bruxelles à St-Trond paye aujourd’hui 60 p. à l’Etat. La route de St-Trond se détachant du tronc principal, le concessionnaire aura droit à percevoir aussi 60 c. (Dénégations de la part de plusieurs membres.)
Je désire que cela ne soit pas. Mais aux termes de l’art. 5, les concessionnaires percevront 60 c. Vous ne pourrez pas les empêcher de le faire.
M. Dumortier – Non, ils ne pourront pas le demander. Ils auront droit à une part proportionnelle au parcours sur leur concession.
M. Rogier – Ce n’est pas dans le cahier des charges.
Aux termes de son contrat, le concessionnaire recevra, je le répète, 60 centimes de Landen à Hasselt et le gouvernement 60 c. de Bruxelles à (page 1518) Landen ; donc 1 fr. 20 c. qu’on payera au lieu de 60 c. Voilà les avantages que les particuliers recueilleront de ce système.
M. Dumortier – Pas du tout.
M. Rogier – L’honorable membre n’est pas chargé d’interpréter l’art. 5. Je suis convaincu que les concessionnaires ne l’entendront pas autrement.
Vous voulez, dites-vous, que les concessionnaires partagent avec le gouvernement ? Qu’en résultera-t-il ? Que le gouvernement perdra sur sa propre route, ce qu’il donnera au concessionnaire. Au lieu de 60 c., il n’en recevra plus que 30. Voilà donc une perte de 30 p.c. pour le gouvernement.
Il ne faut pas juger de l’importance du transport par ce mot de petits paquets. Les colis de diligence font la fortune des messageries ; avec un bon système d’exploitation, il pourrait s’en transporter en aussi grand nombre qu’il se transporte de lettres. Dans mon opinion, l’Etat pourrait percevoir de ce chef seul plusieurs millions.
M. Dumortier – Il est extrêmement facile de répondre à l’honorable préopinant, aux scrupules qu’il a exprimés.
Quelle sera la base du tarif ? ce sera le tarif de l’Etat ; ce n’est pas un tarif à part qu’on va faire.
Ainsi, qu’un voyageur, un colis, un petit paquet soit transporté soit de Bruxelles à Tournay, soit de Bruxelles à Lille, soit de Bruxelles à Hasselt, il payera comme si tout le chemin de fer appartenait à l’Etat, puisque c’est l’Etat qui exploitera. Seulement il s’établira un décompte, pour le parcours qui aura été fait sur la route appartenant aux concessionnaires.
Remarquez-le bien, il en sera des petits paquets, comme des voyageurs. Quand un voyageur prendra un billet de diligence à Bruxelles pour se rendre en France, que fera ce voyageur ? il prendra d’abord la route de l’Etat de Bruxelles à Jurbise, la route de la compagnie de Jurbise à Tournay, la route de l’Etat de Tournay jusqu’à Mouscron. Pour le trajet sur le territoire de la compagnie, la moitié sera perçue pour le compte de l’Etat, l’autre moitié pour le compte de la compagnie.
On dit qu’au moyen de cela, l’Etat va perdre sur sa route une partie de ses propres péages. Il me sera facile de répondre à cette objection ; car l’Etat maintenant ne reçoit rien, parce que le détour est tel de Tournay à Bruxelles que personne ne s’en sert. Le Hainaut et le Brabant se touchent, cependant quand je vais de Bruxelles à Tournay, je dois passer par le Brabant, la province d’Anvers, la Flandre occidentale et le Hainaut. Ainsi pour aller d’une province à un autre, il me faut parcourir cinq provinces. Il en résulte que tous les petits paquets se transportent par diligence. Ainsi, l’Etat, loin de perdre, aura un bénéfice réel. Dans le décompte qui se fera pour ces 60 c., l’Etat aura 45 environ et la compagnie 15 environ. Voici comment s’appliquera le tarif. C’est ainsi que l’a entendu la section centrale. Je pense que M. le ministre l’entend de la même manière.
M. Malou – La plupart des objections qui se produisent attaquent le principe de la concession. Cependant, pour discuter un cahier des charges, il faut se placer au point de vue de la concession. Il faut chercher à faire à la compagnie concessionnaire une part telle que la concession soit possible.
Mais qu’est-ce qu’une concession ? C’est l’abandon d’un privilège temporaire (nuisible même pour le pays, je l’avoue) en vertu de la création d’ouvrage d’utilité publique.
On s’étonne beaucoup des dispositions de l’acte de concession. Mais quelle différence y a-t il entre cette concession et toutes celles intervenues d’un depuis la loi de 1832 ?
La différence, c’est que, dans les concessions ordinaires, le concessionnaire avance le capital et perçoit l’intérêt et l’amortissement, tandis qu’ici le concessionnaire fournit le capital et l’Etat, sur le revenu de l’ouvrage d’utilité publique, lui rembourse l’intérêt qui sera produit. Voilà, selon moi, toute la différence. Dès lors, pour que la concession, ainsi modifiée, soit possible, il faut que la part du concessionnaire ne soit jamais rendue illusoire.
J’admets qu’il puisse y avoir lésion. Mais n’est-ce pas ce qui arrive tous les jours à l’occasion de la concession de canaux et autres ouvrages d’utilité publique, qui retournent plus tard au domaine public ?
Dans un pays où les concessions ont fait de grandes choses, si elles n’ont pas tout fait, les concessions sont perpétuelles, et par ce motif même, les péages sont modérés. Si, au contraire, la concession est de courte durée, le tarif doit être usuraire, parce que les concessionnaires doivent retirer dans un bref délai leur capital et son intérêt d’une entreprise qui, en définitive, doit appartenir à l’Etat.
On dit que les concessionnaires auront intérêt à s’opposer à une modification de tarif. S’ils invoquent un intérêt légitime, vous devrez y satisfaire, par la raison que les concessionnaires apportent leurs capitaux, en vue de l’utilité publique.
On dit que le gouvernement sera amené dans une couple d’années à acheter ce qu’on appelle une enclave. Mais ce n’est pas le chemin de fer de l’Etat qui est enclavé dans le chemin de fer de Jurbise. C’est le chemin de fer de Jurbise qui est enclavé dans le chemin de fer de l’Etat. C’est l’Etat qui tient le chemin de fer de Jurbise, passez-moi l’expression, par tous les bouts. C’est lui qui, par sa position, dominera toutes les concessions. Ainsi les concessionnaires, ne comprenant pas leur intérêt réel, auront la prétention de s’opposer à un abaissement du tarif ; le gouvernement aura dix moyens pour un de tourner la difficulté, de faire en sorte que la compagnie soit forcée d’accepter la loi qu’il voudra lui faire.
Quant à la question des petits paquets, vraiment je ne la comprends pas. L’art. 5 porte que le tarif des péages à percevoir sera établi d’après les bases du tarif actuellement en vigueur sur les chemins de fer de l’Etat.
Mais quelles sont ces bases ? L’uniformité des droits de péage, pour un parcours déterminé. Appliquer ces bases au chemin de fer concédé, c’est dire en d’autres termes que les concessionnaires recevront en proportion du parcours sur la route concédée. (Réclamations.) Je suppose que l’art. 5 prête à un doute ; je l’admets gratuitement avec vous : le doute est-il encore possible, lorsqu’à plusieurs reprises le gouvernement est venu déclarer qu’il entendait interpréter en ce sens la concession ? Il y a plus, le gouvernement peut lever le doute par une stipulation additionnelle, et c’est assurément ce qu’il fera.
Je résume ces courtes observations, en disant qu’il faut éviter, en discutant le cahier des charges, de le faire en se plaçant à un point de vue hostile aux concessionnaires, qu’il faut rester dans l’esprit du contrat, leur faire des conditions qui ne les empêchent pas de réaliser, tout en construisant un ouvrage d’utilité publique.
M. Mast de Vries – Voici un fait qui va se présenter pour tout le chemin de fer de Jurbise.
Permettez-moi de citer un exemple : Je suppose un paquet partant d’Ostende, il sera donné à la société concessionnaire du chemin de fer central à travers la Flandre occidentale. De Jurbise à Tournay il sera donné à la société concessionnaire de cette route. Pour le reste du parcours, il sera transporté sur le chemin de fer de l’Etat. Quelle sera la part de l’Etat ? Voilà une difficulté sérieuse.
Le gouvernement aurait, de Mons à Charleroy, 60 p.c. ; il va se trouver avoir peut-être 5 p.c., et il sera chargé du paquet, sous sa responsabilité.
Cette question est extrêmement difficile. Je ne suis pas à même de la résoudre.
M. de Theux – Deux objections sont faites. La première paraît la plus importante, c’est que le tarif sur les lignes concédées sera immobilisé, à moins que la compagnie ne consente spontanément à une réduction de péages ; cette objection n’est pas sérieuse. Le gouvernement a déclaré qu’il ne voulait plus construire aucun chemin de fer aux frais de l’Etat. Quelle est donc la question pour les localités intéressées ? car c’est de cela seulement qu’il s’agit. Il s’agit de savoir s’il vaut mieux avoir un chemin de fer avec un tarif immobilisé que n’en pas avoir. La réponse de ces localités est qu’elles préfèrent avoir un chemin de fer avec le tarif actuel du chemin de fer de l’Etat immobilisé, plutôt que de ne pas en avoir.
La deuxième difficulté, relative aux petits paquets, n’est pas sérieuse. En effet, supposons qu’un paquet soit mis à une station du chemin de fer de l’Etat, en destination d’une ligne concédée. Le gouvernement percevra le droit fixé pour tout le parcours. Le paquet arrivant à la ligne concédée, le concessionnaire n’aura droit à autre chose que sa part à raison de l’étendue du parcours. Cela est particulièrement vrai pour les lignes du Hainaut et du Limbourg. Lorsqu’un paquet sera envoyé de Tournay, soit de Hasselt, en destination de Bruxelles, le gouvernement prendra également sa part d’après l’espace parcouru sur ses lignes. Il en sera de même s’il s’agit de deux lignes concédées, se raccordant avec le chemin de fer de l’Etat. Il y aura alors partage entre trois, au lieu d’un partage entre deux. La difficulté n’est réellement pas sérieuse.
La question a été tellement discutée que si M. le ministre conservait le moindre doute, il s’entendrait avec la société pour rédiger un article additionnel.
Ceci est certainement moins difficile que l’arrangement que l’on a fait avec la société du chemin de fer rhénan.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La chambre ne doit pas perdre de vue qu’il s’agit de fixer les bases du tarif de l’Etat, comme maximum du tarif que le gouvernement sera appelé à déterminer dans un tarif définitif à régler avec la compagnie.
Ainsi, relativement à la question d’immobilisation du tarif, on y a répondu. Comme l’a dit l’honorable M. de Theux, cette objection n’est pas sérieuse ; car, si elle l’était, toute concession serait impossible.
Relativement à la question des petits paquets, à laquelle on attache beaucoup d’importance, j’ai une réflexion à faire. Si le gouvernement trouve tant de difficultés à ce tarif uniforme du 22 mars, quant aux petits paquets, le gouvernement sera libre d’y substituer, de commun accord avec la compagnie, un tarif proportionnel, que celle-ci ne fera aucune difficulté d’admettre.
Dans nos divers articles on a adopté le tarif proportionnel pour les paquets de 5 kilog. et au-dessus, et le tarif uniforme pour les paquets d’un poids moindre. C’est, selon moi, très-peu important. Sus un produit de 11 millions, les petits paquets représentent 200,000 fr. Je sais que l’honorable M. Rogier y attache de l’importance, parce qu’il voit là une question de principe que je ne veux pas discuter ici, mais je ne pense pas cependant qu’elle soit aussi importante que l’honorable membre le croit.
L’honorable M. Mast de Vries a confondu le chemin de fer de Jurbise et celui de Hasselt avec les autres chemins de fer qu’il s’agit de concéder. Là, il s’agit de tarifs appartenant à la compagnie qui exploite les chemins ; mais ici l’Etat exploite ; les chemins de fer dont nous nous occupons maintenant, sont, au point de vue de l’exploitation, des chemins de fer de l’Etat ; les tarifs de l’Etat leur sont applicables. (Aux voix ! aux voix !)
- Plus de dix membres demandent la clôture.
La chambre, consultée, prononce la clôture de la discussion.
L’art. 5 est mis aux voies et adopté.
« Art. 6 L’Etat accordera à la compagnie, à titre de subvention, pour la ligne de St-Trond à Hasselt, la jouissance de la section de Landen à St-Trond, (page 1519) pendant la durée de la concession de cette ligne, plus un subside de 200,000 fr. payable par quarts, en quatre années consécutives, le premier quart étant exigible à l’époque où la ligne de St-Trond à Hasselt pourra être livrée à la circulation. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) a proposé de supprimé dans cet article la disposition finale, commençant par ces mots : plus un subside, jusqu’à la fin de l’article.
Cette suppression est adoptée.
L’art. 6, ainsi réduit, est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. L’Etat sera chargé d’administrer par ses agents, d’exploiter par son matériel et d’entretenir les lignes concédées.
« 50 p.c. de la recette brute des lignes qui font l’objet de la présente concession, sont attribués à l’Etat pour frais d’administration, d’exploitation et d’entretien et à ce titre de forfait absolu pour toute la durée de la concession.
« Les autres 50 p.c. de la recette prémentionnée seront versés mensuellement dans les caisses de la compagnie concessionnaire.
« Lorsque la seconde voie du chemin de fer de Tournay à Jurbise sera établie, la retenue au profit de l’Etat sur les recettes brutes de ce chemin, sera réduite à 40 p.c. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) propose de supprimer le dernier paragraphe de l’art. 8.
Cette suppression est adoptée.
M. Osy propose d’ajouter dans le 2° §, les mots : « au moins », après : « 50 p.c. », et dans le 3e § de mettre, au lieu de : « les autres 50 p.c. de la recette », etc., les mots : « l’excédent de la recette », etc.
Ces deux amendements auxquels M. le ministre des travaux publics se rallie sont successivement mis aux voix et adoptés.
L’ensemble de l’art. 7 ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Art. 8 Le gouvernement, à moins que les pertes ne résultent d’un vice de construction, restera seul responsable vis-à-vis des tiers des conséquences de cette exploitation sans aucun recours contre les concessionnaires ». – Adopté.
Les art. 9, 10 et 11 sont supprimés.
« Art. 12 La compagnie sera représentée, près du gouvernement, par son conseil d’administration
« Elle pourra déléguer ses administrateurs pour la surveillance de ses intérêts, l’inspection et la vérification des comptes de recettes et de dépenses qui lui seront remis par le gouvernement.
« Deux administrateurs de la compagnie seront admis aux délibérations du conseil de la direction des chemins de fer de l’Etat, pour toutes les affaires concernant les lignes de la compagnie et notamment en ce qui concerne le règlement du nombre et de la marche des convois.
« Ils n’auront pas voix délibérative.
« Les contestations entre l’Etat et la compagnie relative au compte des recettes et des dépenses seront décidées, en dernier ressort, par le gouvernement. »
M. Desmaisières, rapporteur – Le mot « dépenses » doit être supprimé dans le 2e et dans le 5e § de l’art. 12. Par suite de l’adoption de l’art. 7, les concessionnaires n’étant plus intéressés dans la question des dépenses, ne peuvent plus s’immiscer dans le mode des dépenses.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Le mot « dépenses » doit être effectivement supprimé.
- La suppression de ce mot dans le deuxième et le cinquième paragraphe de l’art. 12 est mis aux voix et adopté.
M. le président – Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’ensemble de l’article ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne pense pas qu’on puisse admettre le dernier paragraphe proposé par la section centrale. Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Les contestations entre l’Etat et la compagnie relative au compte des recettes et des dépenses seront décidées, en dernier ressort, par le gouvernement. »
Cette clause est complètement contraire aux principes en matière de juridiction. Il y a deux procès et deux décisions en sens contraire, prononcées par les tribunaux, l’une dans l’affaire de la Sambre canalisée, où il y avait une clause semblable à celle qui est admise par la section centrale. Dans un autre procès avec MM Destiges et Beuret, les tribunaux ont décidé qu’un arbitrage était contraire à la loi, ils l’ont déclaré nul, prétendant que toute contestation ne pouvait être vidée que par les tribunaux.
M. le président – M. le ministre propose la suppression du dernier paragraphe de l’article.
M. Malou – Il me semble qu’il est impossible d’admettre le paragraphe, parce qu’il rend le gouvernement juge dans sa propre cause, et qu’il déroge à la juridiction. Mais je ne suis pas convaincu qu’il en soit de même de l’arbitrage.
On a présenté le gouvernement comme étant, jusqu’à un certain point, l’associé de la compagnie, l’arbitrage se présente comme moyen de prévenir les contestations judiciaires. Je ne connais pas l’espèce que vient de citer M. le ministre, mais je suis convaincu qu’on n’a pas déclaré nul et inconstitutionnel que deux parties majeures, libres, aient soumis leur contestation à un arbitrage. J’engagerais dont M. le ministre à examiner d’ici à demain s’il ne serait pas possible de rédiger une disposition dans ce sens que les contestations seront décidées par arbitres.
M. Savart-Martel – Il me semble qu’il ne peut y avoir de difficulté sérieuse. Sans doute, le gouvernement ne peut arbitrer en thèse générale, mais il le pourra si dans la loi même nous l’y autorisons. Il se pourrait même que le gouvernement fût soumis à l’arbitrage si on le considère comme associé commercial, ce que je n’admets pas cependant. Le mieux est que la loi actuellement en discussion, autorise le gouvernement à user de la voie d’arbitrage.
M. Dumortier – J’ai demandé la parole pour faire une simple observation. Il ne s’agit pas de contestation entre la société et le gouvernement, mais du service des recettes ; or, de pareilles contestations sont toujours renvoyées à des arbitres ; un tribunal ne pourrait pas statuer lui-même, il devrait renvoyer à des arbitres. Il me semble rationnel à ordonner qu’il y aura arbitrage ; on pourrait désigner les arbitres dans la loi, dire que ce sera le premier président de la cour d’appel du Brabant et la société désignera le sien ; un troisième sera également désigné en cas de partage. Il s’agit, remarquez-le bien, du compte des recettes et des dépenses ; on ne peut pas soutenir qu’une contestation sur ce point doit être renvoyée aux tribunaux et qu’un arbitrage est nul.
M. Orts – En général, l’Etat comme les mineurs ne peut pas se remettre à la décision d’arbitres les contestations, mais ici l’Etat est l’associé de la compagnie, or, en matière de société, l’arbitrage est forcé aux termes de l’art. 51 du code de commerce.
- La suppression du dernier paragraphe de l’art. 12 est prononcée.
L’art. 12 ainsi modifié est adopté.
« Art. 13. les lois et règlements généraux en matière de grande voirie en vigueur pour les chemins de fer de l’Etat, seront applicables aux lignes de la compagnie. » - Adopté.
« Art. 14. Le gouvernement aura le droit de racheter la concession après l’expiration des 50 premières années d’exploitation, en prévenant la compagnie deux années d’avance.
« Ce rachat aura lieu moyennant le payement d’une annuité pour chacune des années qui resteront à courir sur la durée de la concession.
« Cette annuité sera égale au produit net et moyen des cinq derniers années majoré de 25 p.c. à titre de prime. »
M. Rogier – J’ai rappelé comment les choses se passaient en France. J’ai indiqué la durée de jouissance qui est beaucoup plus limitée que celle que nous allons accorder en Belgique. J’ai fait remarquer aussi que la France avait été obligée de procéder au rachat des péages de ses canaux. Arrivés à peine à vingt ans de leurs dates, les concessions étaient devenues tellement onéreuses pour les relations commerciales et industrielles, que le gouvernement a été obligé de faire des sacrifices pour les faire rentrer dans le domaine public.
D’après l’article en discussion, avant l’expiration des 50 premières années, le gouvernement belge ne pourrait pas racheter les chemins de fer concédés. Il y a cependant ici une première question à poser ; est-il entendu que le gouvernement conserve intact le droit d’exproprier une concession pour cause d’utilité publique ? Si la réponse à cette question n’est pas douteuse, si en accordant une concession le gouvernement n’aliène pas ce droit, la clause du rachat perd de son importance, parce que le jour où l’utilité publique sera reconnue, le gouvernement pourra exproprier ; mais comme cet acte ne s’accomplirait pas sans difficulté, que l’expropriation pourrait donner lieu à des procès, dans le doute, il est bon de réserver à l’Etat la faculté de racheter avant l’expiration de la 50è année. Tout à l’heure on a dit qu’il ne fallait pas faire aux sociétés des conditions trop dures, que si l’on admettait le système des concessions, il fallait bien le rendre praticable.
C’est aussi mon opinion. Il fallait agir loyalement, si on se prononce pour les concessions, il faut rédiger les cahiers des charges de manière que les concessions soient possibles ; ce n’est pas moi qui combattrai ce système par de petits moyens mais on peut fort bien, sans se montrer trop dur, introduire certaines réserves dans l’intérêt du trésor, on le peut d’autant plus sûrement ici qu’il s’agit de faire aux concessionnaires un cadeau magnifique. Le gouvernement va aliéner entre les mains des particuliers une propriété qui rapportera 12 p.c. du capital engagé…
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est 4 p.c.
M. Rogier – Dans votre propre rapport, je trouve 12 p.c. du capital engagé. Si vous en doutiez, j’en donnerais lecture. C’est à la page 12.
Il y a plus, il se présente des concurrents, et je ne vois pas pourquoi l’Etat ne profiterait pas de cette circonstance pour sauvegarder les intérêts du trésor et du public, sans toutefois mettre un obstacle à la concession.
Je voudrais donc que l’art. 11 du projet, sauf les deux premières lignes, fût substitué à l’art. 14 de la section centrale.
Voici comme sera conçu l’article.
« Le gouvernement aura la faculté de racheter la concession et de se substituer à tous les droits de la compagnie, en remboursant à celle-ci le capital de premier établissement et en lui payant une prime.
« De 25 p.c. de ce capital après la première période décennale ;
« De 20 p.c. après la seconde ;
« De 15 p.c. après la troisième ;
« De 10 p.c. après la quatrième :
« Pour les périodes ultérieures, le rachat sera régi par les stipulations de l’art. 14.
« L’Etat devra notifier cette intention de rachat dans les trois mois qui suivront la déclaration de la compagnie. »
Le droit de racheter commencerait après la première période décennale.
M. le président – M. Osy propose au § 1er de l’art. 14 l’amendement suivant :
« Le gouvernement aura le droit de racheter la concession après l’expiration (page 1520) de la moitié du terme fixé à l’art. 3, en prévenant la compagnie deux années d’avances ».
M. Osy – C’est la conséquence de mon premier amendement à l’article 3.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La durée de la concession de 90 ans a cet avantage qu’à l’aide d’une concession à long terme on obtient des conditions de tarifs, et d’autres conditions beaucoup meilleures. C’est le système anglais ; le système anglais, ce sont les concessions à perpétuité. En France, dans ces derniers temps, le gouvernement a tenté d’amener un système de concessions à court terme de 30 à 40 ans. Mais la chambre ne doit pas perdre de vue le but que le gouvernement voulait atteindre : il n’a pas cru pouvoir construire et exploiter lui-même les grandes lignes politiques que certaines personnes voulaient que le gouvernement se réservât. Dans cette difficulté financière de ne pouvoir se dessaisir de grandes lignes le gouvernement a tenu (et il a eu raison) à avoir des concessions à courte durée.
Si, en Belgique, le gouvernement n’avait pas construit, n’exploitait pas ces grandes lignes lui-même, je serais aussi partisan des exploitations à court terme, afin que le gouvernement rentrât dans l’exploitation par l’Etat, dans le plus bref délai possible. Si le grand réseau des chemins de fer a été construit et est exploité par l’Etat, il est beaucoup moins important que les concessions secondaires soient faites à long terme. Nous n’avons pas les mêmes raisons d’admettre les concessions à courte durée.
D’après la loi de 1842, en France, qui est la seule base reconnue, l’Etat entre pour les 3/5 dans la concession des lignes françaises. Dans les nouveaux projets, le gouvernement tâche de faire opérer par lui le rachat des dépenses effectuées ; mais c’est un essai qui n’a pas abouti à un résultat. Aussi, je comprends que, dans le système de 1842, alors que l’Etat achetait le terrain, faisait des ouvrages d’art, des terrassements, qu’en retour on ait exigé des concessions à terme. Mais si la compagnie construit des chemins de fer à ses risques et périls, l’Etat n’ayant pas le même intérêt, n’a pas les mêmes raisons pour imposer des concessions à courte durée.
Cette concession de 90 ans, je le répète, a amené la compagnie à consentir à un tarif modéré, que nulle compagnie, ni en France, ni en Angleterre, n’a voulu accepter jusqu’à présent. L’honorable M. Rogier a proposé d’adopter un tarif qui se trouve dans le projet primitif du gouvernement, c’est-à-dire le rachat facultatif après la première période décennale. Mais il faut remarquer que la société Mackenzie n’a pas voulu se livrer entre les mains du gouvernement, pour l’exploitation par l’Etat ; c’est une condition léonine, s’il en fut. La compagnie, ne voulant pas faire cette expérience pour un terme illimité, a demandé à pouvoir, après 10 ans, exploiter elle-même, si l’Etat n’exploitait pas dans son intérêt.
En regard le gouvernement avait demandé la faculté de rachat.
Mais nous ne trouverons pas une compagnie qui consentît à la faculté de rachat. En France, on regarde une concession de 30 à 40 ans comme à court terme.
Pour le rachat, les prétentions sont telles que lorsque le gouvernement construit un canal, un chemin de fer, sans l’intervention du trésor public, la clause de rachat a été considérée comme irrationnelle et inutile. Lorsque l’Etat est dispensé de toutes les charges, on a admis que la clause de rachat ne doit pas être introduite dans le contrat.
Ainsi pour le chemin de fer du pays de Waes, pour le chemin de fer du Flénu, pour les embranchements du canal de Charleroi qui ont été concédés, le gouvernement n’a pas cru pouvoir stipuler la faculté de rachat. Dispensé de toutes charges, il a laissé l’exploitation sans clause de rachat. Cette clause est donc ici une exception.
Je me rallie nécessairement à l’amendement de l’honorable M. Osy, qui est le complément de l’art. 3.
M. Rogier – J’avais présenté l’art. 11, parce que je le trouvais en lui-même d’une rédaction claire.
J’ai exposé longuement dans cette discussion pourquoi la ligne de Tournay à Jurbise ne doit pas sortir du domaine public ; voyant qu’elle va y échapper, je fais une proposition qui a pour but de l’y faire rentrer le plus tôt possible. A voir les dispositions de la chambre, je ne me dissimule pas qu’elle a peu de chances d’adoption. Je la maintiens cependant ; elle restera comme une manifestation de principe.
M. Cogels – L’observation de l’honorable ministre des travaux publics peut très-bien s’appliquer aux concessions particulières que nous avons accordées, mais pas du tout au cas actuel ; car si le gouvernement français avait intérêt à posséder les chemins de fer qui se sont faits, le gouvernement belge a un plus grand intérêt à rentrer dans la possessions exclusive de ces embranchements, qu’il aurait construits certainement aux frais de l’Etat, s’il n’avait pas rencontré des difficultés financières. Certes, sans les considérations exposées par M. le ministre des finances, le gouvernement aurait construit ces chemins de fer. Par conséquent il est de son intérêt de rentrer en possession le plus tôt possible.
- L’art. 3 est mis aux voix et adopté, avec l’amendement de M. Osy.
L’amendement de M. Rogier, tendant à reproduire l’art. 11, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’amendement de M. Osy est adopté.
« Art. 15. A dater du rachat opéré par le gouvernement ou de l’expiration du terme de la concession, le gouvernement sera subrogé dans tous les droits des concessionnaires, et entrera directement en possession et jouissance des lignes de la société, telles qu’elles existeront à cette époque. » - Adopté.
« Article 16. les concessionnaires auront la faculté de former une société en nom collectif ou anonyme, avec émission d’actions, en se conformant aux lois qui régissent cette matière.
« Le siège de la société sera établi à Bruxelles.
« Si les concessionnaires voulaient user de cette faculté, l’émission d’actions ne pourrait se faire qu’en titres sur lesquels il aurait été versé 30 p.c.
« Ces titres ou actions ne pourront être cotés à la bourse d’Anvers et de Bruxelles qu’après l’entier achèvement des chemins de fer. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - M. le président, je propose de substituer à cet article, l’art. 48 du cahier des charges du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. C’est le même article, sauf qu’on y a introduit une clause dont j’ai déjà parlé dans la discussion générale et qui stipule la responsabilité complète des capitalistes qui s’engagent :
Voici cet article :
« Les concessionnaires ont la faculté de former une société en nom collectif ou anonyme avec émission d’actions, en se conformant, du reste, aux lois et règlements sur la matière. Cette émission ne pourra se faire qu’en titres sur lesquels il aura été versé 30 p.c.
« Ces titres ne pourront être cotés aux bourses d’Anvers et de Bruxelles, qu’après l’entier achèvement du chemin de fer.
« Si les concessionnaires usent de la faculté que leur confère le § 1er du présent article, ils n’en restent pas moins personnellement obligés envers le gouvernement pour l’entière et bonne exécution des travaux dans les limites de la présente convention, même dans le cas où ils formeraient une société anonyme approuvée par le gouvernement ; l’approbation qui serait donnée aux statuts d’une semblable société ayant uniquement pour but de lui assurer une existence le »gale ; mais nullement de substituer un nouvel obligé aux obligés primitifs qui seraient déchargés. »
On peut, si l’on veut, conserver le second § de l’article de la section centrale qui est ainsi conçu : « Le siège de la société sera établi à Bruxelles. »
M. Cogels – Messieurs, vous aurez remarqué par le rapport de la commission qui a été chargée de l’examen du projet de loi relatif à la convention du chemin de fer de Jemeppe à Louvain, qu’elle introduit dans la convention conclue quant à ce chemin, une modification assez importante.
Un article de cette convention était rédigé à peu près littéralement comme l’art. 16 dont nous nous occupons. Mais la commission a pensé qu’interdire la cote des actions aux bourses de Bruxelles et d’Anvers et en autoriser cependant l’émission, c’était une contradiction.
Effectivement, messieurs, quel est le but que le gouvernement a voulu atteindre en interdisant la cote des actions ? C’est qu’il n’y eût pas de prise d’actions en Belgique, qu’il n’y eût pas de négociations. Dès lors je crois que vous devez également interdire les émissions publiques qui se feraient pas souscription.
Voici donc comment la commission a modifié cet article : « Si les premiers contractants voulaient user de la faculté qui leur est laissée par l’art 45 du cahier des charges et former une société en nom collectif ou anonyme avec émissions d’actions, ces actions ne pourront être émises en Belgique ni être cotées aux bourses d’Anvers et de Bruxelles qu’après l’achèvement du chemin de fer. »
Cet article, messieurs, ne s’oppose nullement aux émissions qui pourront avoir lieu à l’étranger ; il ne s’oppose pas aux transactions particulières que chacun est libre de faire, mais au moins il s’oppose à des émissions d’actions dont vous n’autoriserez pas la cote.
M. Dubus (aîné) – Je désirerais avoir une explication sur le sens de cet amendement.
Une société qui veut entreprendre des travaux pour une somme de 8 millions de francs, doit former son capital ; elle doit trouver des souscripteurs. Or, à ces souscripteurs, que donnera-t-elle ? un certificat de participation à la société ? Quant à moi, j’appelle cela une action. Cependant vous dites qu’elle ne pourra émettre d’actions. C’est comme si vous disiez qu’elle ne pourra pas former son capital.
Il est vrai que vous dites : Ces actions ne pourront être émises en Belgique. Mais c’est comme si vous disiez que tout Belge sera exclu de la faculté de participer à cette opération. Or je ne devine pas quel intérêt nous avons à introduire une pareille disposition dans la loi.
Je pense qu’émettre des actions ou admettre des souscripteurs, c’est la même chose. Si ce n’est pas la même chose, il faut qu’on établisse la différence.
M. Orts – Je n’ai saisi que d’une manière assez imparfaite le dernier § de l’art. 48 du cahier des charges du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse ; mais je suppose que M. le ministre, en stipulant l’obligation personnelle, a eu en vue le cas où les concessionnaires se formeraient en société anonyme ; parce qu’effectivement, comme ce n’est qu’une société de capitaux, les concessionnaires ne sont tenus qu’à concurrence de leurs capitaux, tandis qu’il faudrait qu’ils fussent tenus personnellement. Or, il me paraît qu’il faudrait stipuler qu’ils seront tenus personnellement et solidairement, parce qu’alors ils sont sur la même ligne vis-à-vis de l’Etat que les concessionnaires et non collectif.
Je propose donc de dire que les concessionnaires restent personnellement et « solidairement » obligés.
M. Cogels – Messieurs, si les objections que vient de présenter l’honorable M. Dubus sont fondées, vous ne pourriez pas non plus adopter l’amendement proposé par la section centrale. Car il y est dit qu’il ne pourra pas y avoir d’actions à moins qu’on n’ait versé 30 p.c. Nécessairement, messieurs, ceci n’est pas obligatoire pour la compagnie. La preuve, c’est que déjà il y a des promesses d’actions sur lesquelles il n’a été fait qu’un versement de 10 p.c. et qui se négocient avec prime à Londres.
Quel a été le but de l’interdiction de la cote aux bourses d’Anvers et de Bruxelles ? C’est d’empêcher qu’il ne s’établit un jeu, tranchons le mot, sur des actions sur lesquels un faible versement seulement avait été fait. (page 1521) Or, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera ce qui est arrivé en France. Votre interdiction de la cote sera éludée, elle n’aura aucune portée. Car on traite journellement à la bourse de Paris des promesses d’actions de différentes sociétés, qui n’ont pas encore l’octroi royal, qui ont seulement des demandes en concession. On y traite des fonds d’Espagne, des fonds de l’Amérique du Sud, et d’autres encore dont la cote n’est pas autorisée, qui font ce qu’on appelle hors-cote, et il y a à coté de la cote officielle un petit bulletin qui indique le cours de ces transactions, qui ne se font pas régulièrement au parquet, mais qui se dont soit par des agents de change, soit par des courtiers-marrons.
Dès lors, messieurs, ou supprimez le tout, ou n’interdisez pas la cote. Car si des transactions doivent se faire, il vaut mieux qu’elles soient légalement constatées, qu’elles se fassent clandestinement.
M. Osy – Messieurs, je ne puis partager l’opinion de l’honorable préopinant. Pour le chemin de fer de Jemeppe à Louvain, il s’agit d’une société étrangère. Mais ici nous ne ratifions pas une convention ; nous autorisons le gouvernement à concéder. Or, si des Belges voulaient entreprendre cette concession, cela leur deviendrait impossible avec la clause proposée. Ils ne trouveraient pas de bailleurs de fonds qui voulussent attendre le versement total avant d’avoir un titre.
Je crois donc qu’il vaut mieux adopter la disposition proposée par M. le ministre des travaux publics.
M. Malou – Messieurs, je me rallie volontiers à l’observations présentée par l’honorable M. Orts. Mais il faut prendre garde de réagir en quelque sorte sur le cahier des charges du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Je comprends l’article en ce sens, qu’en cas de formation d’une société anonyme, le contrat primitif subsiste avec son caractère, c’est-à-dire avec la solidarité des contractants. Telle me paraît être la portée du mot personnellement ; de sorte que la responsabilité subsistera pour les concessionnaires du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, bien que le mot solidairement ne se trouve pas inséré dans le cahier des charges.
J’insiste sur cette observation pour qu’en aucun cas on ne donne un sens inexact au contrat pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse.
M. Orts – Je n’ai pas sous la main le cahier des charges du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Mais je désirerais savoir comment il se fait que la solidarité puisse être attachée à l’obligation, sans l’insertion du mot « solidairement ». Une société anonyme n’étant qu’une association de capitaux il est clair que chacun des associés ne s’engage que jusqu’à concurrence des fonds qu’il a versés. Si donc vous n’établissez pas la solidarité, vous n’avez pas l’avantage que présente une société personnelle.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, le but de l’amendement de M. le ministre des travaux publics est uniquement de faire qu’il n’y ait pas de novation. Il faut empêcher que la formation d’une société anonyme ne dégage les concessionnaires primitifs ; il faut que l’obligation contractée par ces concessionnaires subsiste malgré la formation d’une société anonyme, mais cette obligation ne doit pas augmenter. Ce n’est donc pas à cet article qu’il faut parler de la solidarité, la solidarité existe par le contrat primitif.
- Les 2 premiers § de l’article sont mis aux voix et adoptés.
M. le président donne lecture de l’amendement de M. Cogels.
M. Cogels – Messieurs, je n’avais pas assisté au commencement de la séance et j’ignorais que la concession n’était pas définitivement accordée à une compagnie étrangère. D’après cette circonstance mon amendement ne peut pas trouver place dans la loi actuelle et par conséquent, je le retire, mais je me réserve d’en proposer un semblable pour le chemin de fer de Jemeppe à Louvain.
M. le président – M. Orts tient-il à l’insertion du mot solidairement dans le § proposé par M. le ministre ?
M. Orts – Non, M. le président
- Le § proposé par M. le ministre des travaux publics est mis aux voix et adopté. L’art. 16 est ensuite adopté dans son ensemble.
« Art. 17. Les concessionnaires devront déposer, pour sûreté de leurs engagements, un cautionnement de fr. 500,000.
« Ce capital, qui sera versé avant l’adjudication ou au moment de la signature du contrat, sera mis à la disposition du gouvernement, sans intérêt. Il sera restitué, par cinquième, jusqu’à concurrence de quatre cinquième, à mesure que des propriétés auront été acquises ou que des travaux auront été exécutés pour une somme double de chaque cinquième du moment du cautionnement.
« Le dernier cinquième ne sera restitué qu’après l’achèvement total des travaux. » - Adopté.
L’art. 18 est supprimé.
« Art. 19. L’enregistrement des actes auxquels les présentes donneront lieu, ne s’élèvera qu’à un droit fixe de fr. 1-70 en principal. » - Adopté
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder, aux clauses et conditions reprises dans l’annexe jointe à la présente loi, la concession de la construction des chemins de fer de Tournay à Jurbise et de St-Trond à Hasselt » - Adopté
M. le président – Voici un art. 2 qui vient d’être déposé sur le bureau par M. Simons :
« Le gouvernement est autorisé à concéder la construction d’un chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres et à accorder aux concessionnaires un subside qui ne pourra pas dépasser 400,00 fr., à répartir sur quatre exercices. »
M. Simons – Je serai très-court, messieurs. Vous avez pu comprendre facilement les motifs principaux qui m’ont déterminé à prendre si souvent la parole dans la discussion du projet de loi en délibération. Le vote que vous venez d’émettre sur le premier article renferme le principe d’une perte immense pour la partie la plus riche, la plus populeuse de la province.
Déjà cette partie de la province a été morcelée par le traité de 1839 qui a perdu par là tout le transit vers l’Allemagne.
Par la continuation de l’embranchement jusqu’à Hasselt, elle va de nouveau perdre en partie le seul passage en transit qui lui reste, celui de l’arrondissement de Hasselt vers Liége.
Cette perte sera d’autant plus sensible, que les relations, qui sont établies entre les populations de ces deux arrondissements depuis un temps immémorial, vont être brusquement brisées, et qu’une division fatale en sera la conséquence, qui portera les fruits les plus déplorables parmi la population de cette province.
Vous savez que déjà une société s’est présentée pour la construction d’une voie ferrée, qui prendrait naissance à Ans ; pour se diriger sur Hasselt par Tongres.
Cet embranchement serait de la plus haute utilité pour toute la province en ce qu’il relierait les principaux centres de son commerce, de son industrie et de sa population avec le principal marché de l’écoulement de ses produits et de l’approvisionnement de ses matières premières.
Mais il ne sera guère possible de parvenir à la réalisation de cette idée, qui seule peut sauver l’arrondissement de Tongres d’une ruine certaine, qu’en accordant un subside modéré à la société concessionnaire.
Le quantum du subside que j’ai l’honneur de proposer est insignifiant en raison du bien immense que ce projet doit répandre dans cette province. Déjà la discussion a amené une économie de 200,000 fr. en faveur du trésor, puisque la société, en faveur de laquelle la concession du chemin de fer sur Hasselt sera consentie, devra renoncer au subside de 200,000 fr. qui avait été stipulé par la première convention.
J’ose espérer que la chambre ne reculera pas devant ce sacrifice vraiment insignifiant, qui doit avoir des résultats si heureux pour une localité qui a été victime du traité avec la Hollande.
Elle se déterminera d’autant plus facilement à voter cette allocation, que par là la province de Limbourg n’obtiendra que la même somme que celle qui a été accordée à la province de Luxembourg.
Peut-être même le gouvernement ne sera-t-il pas obligé à accorder ce subside. Ce crédit ne sera qu’éventuel, et le gouvernement peut-être ne sera pas dans le cas d’en faire emploi. Ainsi que l’honorable assemblée l’aura remarqué, il ne sera que facultatif pour le gouvernement d’accorder ou de ne pas accorder ce subside, même de ne l’accorder que pour une partie.
Je supplie donc la chambre, au nom d’une province malheureuse qui à la suite du traité avec la Hollande, se trouve placée dans l’impossibilité absolue de s’imposer aucun sacrifice pécuniaire quelconque par elle-même, je la supplie de vouloir faire un accueil favorable à ma proposition qui, je le répète, est seule capable de relever l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter, de la ruine dont il se trouve de nouveau menacé.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ferai remarquer, messieurs, que cette proposition constitue un projet de loi tout entier il s’agit d’ailleurs d’une ligne de chemin de fer à l’égard de laquelle aucune étude n’a été faite. D’ici à la session prochaine le gouvernement examinera s’il peut proposer aux chambres un projet de loi relatif à un chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres ; mais on ne peut pas exiger que la chambre examine un projet qui n’a pas été étudié (Aux voix ! aux voix !)
- L’article proposé par M. Simons est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet
76 membres prennent part au vote
2 s’abstiennent (MM. Eloy de Burdinne et Osy).
69 adoptent.
7 rejettent.
En conséquence, le projet est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Sigart, Smits, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Van den Steen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Castiau, Coghen, d’Anethan, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Decker, Biebuyck, de Haerne, de la Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, Deprey, de Saegher, de Secus, Desmaisières, de Smet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Meeus, Mercier, Morel Danheel, Nothomb, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savard.
On voté le rejet : Simons, Cogels, de Man d’Attenrode, Henot, Mast de Vries, Rogier, Scheyven.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je consentirai toujours volontiers à ce qu’on l’on concède des chemins de fer aux sociétés qui voudraient les entreprendre sans que le gouvernement s’en même, mais quand le gouvernement voudra exploiter un chemin de fer pour le compte de particuliers, je ne pourra pas y donner mon assentiment. C’est pour cela que je me suis abstenu.
M. Osy – Je conviens, messieurs, qu’il y a des améliorations dans le projet de loi, mais par toutes les raisons que j’ai fait connaître, je pensais que ces chemins de fer devaient être construits par l’Etat. Cependant je n’ai pas voulu m’opposer à leur exécution. J’ai donc été obligé de m’abstenir.
(page 1522) M. Savart-Martel présente le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la chasse.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport. Elle fixera ultérieurement le jour de la discussion.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, l’ordre du jour appellerait maintenant la discussion du projet relatif au canal latéral à la Meuse, dont la discussion sera peut-être assez longue, mais nous avons ensuite le projet tendant à accorder au gouvernement un crédit pour terminer le procès avec les héritiers Dapsens. Ce projet ne demandera aucune discussion et nous avons intérêt à le voter le plus tôt possible, car il importe que l’Etat se libère, d’autant plus que des intérêts courent. On pourrait voter ce projet immédiatement
- Cette proposition est adoptée.
« Article unique. Un crédit de cinquante-quatre mille deux cents francs est ouvert au département des finances, pour le mettre à même de terminer, par transaction, le procès existant entre le gouvernement et les héritiers Dapsens, au sujet de terrain de la citadelle de Tournay dont le sieur Dapsens a été exproprié en 1792. »
Il est procédé au vote, par appel nominal, de l’article unique du projet de loi.
La loi est adoptée par les 71 membres qui ont pris part au vote. Elle sera transmise au sénat.
M. Orts, qui s’est abstenu, motive en ces termes son abstention.
M. Orts – Je me suis abstenu, parce que j’ai été l’un des deux arbitres qui ont été appelés à donner leur avis sur la transaction ; j’étais l’arbitre désigné par les héritiers Dapsens ; M. Dolez était l’arbitre nommé par le gouvernement.
Ont voté l’adoption : MM. Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Van den Steen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Castiau, Cogels, Coghen, d’Anethan, de Chimay, de Decker, Biebuyck, de Haerne, de la Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, Deprey, de Saegher, Desmaisières, de Smet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot, Huveners, Lange, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savard, Scheyven et Vilain XIIII.
M. Osy – Je demande que la chambre s’occupe également dans cette séance du projet de loi que M. Smits a présenté au nom de la commission permanente de l’industrie, pour combler une lacune dans la loi des droits différentiels. Il n’y aura aucune discussion. Le gouvernement et toutes les personnes qui se sont occupées des droits différentiels sont d’accord avec la commission.
M. Delfosse – Je consens à la motion de l’honorable M. Osy, mais à condition que la discussion du canal latéral à la Meuse n’en souffre pas. Je demande que cette discussion commence à l’ouverture de la séance de demain, alors mêmee que le projet de loi dont M. Osy vient de parler n’aurait pas été voté aujourd’hui.
De toute part – Oui ! oui !
- La chambre consultée décide qu’elle discutera immédiatement le projet de loi dont il s’agit.
L’article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Le § 2 de l’art. 2 de la loi du 21 juillet 1844 (Bulletin officiel, n°149) sera applicable aux sucres bruts importés par navires étrangers des contrées transatlantiques ou d’un port au-delà du cap de Bonne-espérance, et qui, par suite de la relâche des navires à Cowes ou autres ports de la Manche, se trouveraient assimilés aux sucres importés des marchés européens. »
Le gouvernement déclare se rallier au projet de loi.
Personne ne demandant la parole, il est procédé, par appel nominal, au vote de l’article unique du projet de loi.
Voici le résultat de cette opération :
61 membres ont répondu à l’appel.
2 (MM. Donny et Savart) ont répondu non.
2 (MM. De Man d’Attenrode et Lys) se sont abstenus.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Les deux membres qui se sont abstenus motivent leur intervention en ces termes :
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, je me suis abstenu, parce que cette loi n’était pas à l’ordre du jour. (Réclamations de plusieurs membres). Je dis que cette loi n’était pas à l’ordre du jour d’aujourd’hui, de la séance de ce jour. L’ordre du jour est tellement surchargé qu’il est impossible d’être au courant de toutes les questions ; celle-ci est grave. J’ai été obligé de m’abstenir.
M. Lys – Le rang assigné au projet de loi parmi les objets portés dans les bulletins de convocation devait me faire croire qu’il ne serait pas discuté dans la séance d’aujourd’hui. Cette loi étant très importante, j’ai dû m’abstenir, car il s’agit de l’annulation de la loi des droits différentiels.
M. Rodenbach – Je demande que la chambre se réunisse demain en séance publique à 1 heures. Nous nous sommes réunis aujourd’hui à 11 heures, et les sections centrales n’ont pas pu travailler.
- La chambre, consultée, décide qu’elle se réunira demain en séance publique à midi.
M. le président – Le premier objet à l’ordre du jour de demain est le canal latéral de la Meuse.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il est entendu que si cet objet est voté avant la fin de la séance, on passera à l’objet suivant qui est indiqué sur le bulletin de convocation (Oui ! oui !) J’en fais l’observation pour qu’on ne renouvelle pas l’espèce de protestation qu’on a faite tout l’heure.
- La séance est levée à quatre heures et demie.