(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1237) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs brasseurs de Waesmunster présentent des observations contre la proposition de loi sur l’entrée des houblons. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
« Par divers messages, en date du 3 avril, le sénat annonce à la chambre qu’il a adopté les projets de loi relatifs à l’établissement d’un conseil de prud’hommes à Roulers, et à la construction du canal de Turnhout, et qu’il a pris en considération la demande en grande naturalisation du sieur Behaegel. »
- Pris pour notification.
Les sections de mars se sont constituées de la manière suivante :
1er section : Président : de Chimay ; Vice- président : Orts ; Secrétaire : Lange ; Rapporteur de pétitions : Vanden Eynde
2e section : Président : Eloy de Burdinne ; Vice- président : de Tornaco ; Secrétaire : de Corswarem ; Rapporteur de pétitions : Zoute
3e section : Président : de La Coste ; Vice- président : Fallon ; :Secrétaire : de Naeyer ; Rapporteur de pétitions : de Villegas
4e section : Président : de Theux ; Vice- président : de Garcia ; Secrétaire : Scheyven ; rapporteur de pétitions : Lys
5e section : Président : Pirmez ; Vice- président : Sigart ; Secrétaire : Lesoinne ; rapporteur de pétitions : Van Cutsem
6e section : Président : Brabant ; Vice- président : Osy ; Secrétaire : Troye ; Rapporteur de pétitions : Maertens
M. Zoude – Je suis chargé de vous présenter le rapport de votre commission sur deux pétitions. La première est celle du général Lecharlier, qui demande le payement de sa solde d’attente et des arriérés depuis 1832.
Votre commission s’est trouvée dans une situation assez perplexe à l’égard du pétitionnaire.
En effet, il est intervenu tant de décisions administratives et judiciaires entre le général Lecharlier et le gouvernement, que la commission des pétitions ne sait si elle peut ou doit encore reconnaître au pétitionnaire un droit envers l’Etat comme ancien militaire qui aurait appartenu à l’armée. C’est pour faire cesser cette incertitude que nous avons l’honneur de vous demander le renvoi de cette pétition au département de la guerre, avec demande d’explications telles, que la position du général Lecharlier soit une fois bien fixée.
- Le renvoi au département de la guerre avec demande d’explication est ordonné.
M. Zoude – Le second rapport que je suis chargé de vous présenter est relatif à la pétition du sieur de Ghouy, receveur principal de la navigation dans le Hainaut, qui réclame une pension.
Des renseignements, auxquels votre commission croit pouvoir ajouter foi, lui ont appris que les fonctions de receveur de navigation, dont le pétitionnaire était investi, auraient été révoquées lorsque les canaux de Mons et Antoing étaient encore sous la direction du gouvernement provincial du Hainaut, et que cette révocation n’aurait été rapportée que lorsque l’Etat allait être mis en possession de cette navigation.
Cette circonstance pouvant exercer une grande influence sur la détermination à prendre par le gouvernement, votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département des finances à fin d’instruction ultérieure.
- Le renvoi à M. le ministre des finances est ordonné.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente quatre projets de loi ayant pour objet :
Le premier, d’ouvrir au département des finances deux crédits, l’un de 7,800 fr., l’autre de 6,000 fr. pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842.
Le deuxième, d’autoriser le gouvernement à renoncer à toute répétition à charge des provinces de Liége et de Limbourg du chef des obligations restant à remplir par elles pour l’extinction de l’emprunt levé en vertu de la loi du 5 janvier 1824, concernant la construction du canal de Maestricht à Bois-le-Duc et qui ont fait l’objet de la réserve contenue au profit du gouvernement belge dans l’art. 62 du traité du 5 novembre 1842, sous la condition que les provinces de Liége et de Limbourg renoncent à tous droits de propriété ou autres sur ce canal.
Le troisième, d’ouvrir au département des finances un crédit supplémentaire destiné au payement ou à la régularisation des pensions d’anciens fonctionnaires de ce département qui, en vertu des règlements, avaient droit à une pension supérieure à 6,000 fr.
Le quatrième, d’exempter des droits d’enregistrement et d’hypothèque les actes et les jugements qui ont et pour objet de procurer à l’Etat les garanties exigées par lui pour le recouvrement des sommes prêtées à la société anonyme dite : Banque de Belgique, en exécution de la loi du 1er janvier 1839.
M. le président – Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation des divers projets de loi dont il vient de donner l’analyse.
Les projets et les motifs qui les accompagnent seront imprimés et distribués, et renvoyés à l’examen des sections.
M. Donny – La commission de vérification de pouvoirs m’a chargé de vous présenter son rapport sur l’élection qui a eu lieu à Ypres, pour remplacer M. de Florisone, décédé. Elle a trouvé que toutes les opérations électorales avaient été faites avec régularité. Le nombre de votants était de 510. la majorité absolue était donc de 256. M. Donation Biebuyck, président du tribunal de première instance à Ypres, a réuni 339 suffrages et a été proclamé représentant du district d’Ypres. Aucune réclamation ne s’est élevée contre cette élection. D’après cela, votre commission vous aurait proposé l’admission pure et simple de M. Biebuyck, si elle n’avait été arrêtée par l’absence d’une pièce constatant que le nouvel élu réunit toutes les conditions d’éligibilité exigées par l’art. 50 de la Constitution. Dans ces circonstances, conformément aux précédents, votre commission m’a chargé de vous proposer de valider les opérations électorales du district d’Ypres et d’ajourner l’admission de l’élu au serment jusqu’à ce qu’il ait produit les pièces constatant qu’il réunit les conditions d’éligibilité.
M. de Garcia – Il est impossible de déclarer l’élection valide avant que l’élu ait justifié des conditions d’éligibilité. On ne peut pas diviser le vote sur la validité d’une élection qui dépend du concours et d’un ensemble de circonstances. Dans ma manière de voir, il faut donc ajourner cette décision jusqu’à ce que la justification exigée par la Constitution ait été faite par l’élu.
M. Donny – La marche proposée par l’honorable M. de Garcia serait, en effet, la plus rationnelle ; et si la commission ne l’a pas proposée, c’est parce qu’elle a voulu se conformer aux antécédents de la chambre. Dernièrement encore, le même cas s’est présenté ; l’on a commencé par valider les opérations électorales, et on a ajourné l’admission de l’élu jusqu’après la justification de la réunions des conditions d’éligibilité.
Cependant cette marche pourrait présenter des difficultés si l’élu ne réunissait pas les qualités exigées par la constitution et négligeait de se présenter. Dans cette hypothèse, il y aurait d’abord vacature, et il faudrait ensuite que la chambre se déjugeât. Il n’y a aucun avantage à procéder comme on l’a fait jusqu’ici, car comme dans l’autre système, c’est un ajournement qu’on prononce ; dans l’un comme dans l’autre système, il faut que l’élu produise des pièces avant de pouvoir siéger parmi nous.
Je ne verrais aucun inconvénient à ce qu’on procédât comme le propose l’honorable préopinant.
M. de Garcia – Nous sommes d’accord avec l’honorable rapporteur de la commission. Quelle est, en effet, la base de l’élection ? Ce sont les qualités de l’élu. Contre mon objection, on cite, à la vérité, un antécédent contraire. Le fait peut être exact ; mais je dois déclarer qu’il est passé inaperçu et que, sans cela, je m’y serais opposé comme constituant une irrégularité. L’on dit derrière moi que ce précédent a été posé à l’occasion de l’élection de M. Albéric Dubus ; peu importe, cet acte n’en est pas moins vicieux. En effet, voyez où pourrait conduire ce mode de procéder. Il pourrait se faire que l’élu ne réunît pas les conditions d’éligibilité ; et l’élection que vous auriez déclarée valide, vous devriez postérieurement déclarer qu’elle ne l’est pas. La chambre évidemment ne se placera pas dans une position qui serait si peu rationnelle.
- L’ajournement de toute décision jusqu’à ce que l’élu ait justifié de la réunion des conditions d’éligibilité, est prononcé.
M. le président – Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je me rallie à la proposition (page 1238) de la section centrale. Je puis ajouter que, depuis que le rapport est fait, j’ai pris de nouveaux renseignements qui m’ont donné la conviction qu’on peut en toute sécurité adopter le projet.
M. Mast de Vries – Messieurs, la commune que l’on veut ériger va se nommer BEERSEL. Je ferai remarquer qu’à quelque distance, il existe déjà, dans la province d’Anvers, une commune de ce nom. Ne pourrait-on pas, pour éviter de confondre ces deux localités, appeler la commune qu’on veut ériger : New-Beersel ?
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.
« Art. 1er. Les hameaux de Molen Beersel, Groot-Beersel, Manestraet, Winkel, Kessenich-Beersel et la partie détachée de Stamproy, sont érigés en commune distincte sous le nom de Beersel.
Le siège de l’administration est établi à Molen-Beersel. »
M. Mast de Vries propose de substituer le nom de « New-Beersel » à celui de « Beersel ».
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Un point était resté incertain dans l’instruction qui a été faite, c’était de savoir où serait le chef-lieu de la nouvelle commune. Il est dit dans le projet que ce sera à Molen-Beersel. J’ai depuis écrit au gouverneur du Limbourg, et il est de cet avis. La commune se composant de plusieurs villages, il faut bien qu’un de ces villages soit le chef-lieu, ce sera Molen-Beersel ; on pourrait même, pour parer à l’inconvénient indiqué par l’honorable M. Mast de Vries, appeler la nouvelle commune Molen-Beersel.
M. Mast de Vries – Le but que je me proposais étant atteint par l’amendement de Monsieur le ministre de l'intérieur, je m’y rallie.
M. Huveners, rapporteur – Je me rallie à la proposition de Monsieur le ministre de l'intérieur.
L’art. 1er, amendé par Monsieur le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Les hameaux de Kinroy et Hagendoren et de Bomerstraet sont érigés en commune distincte sous le nom de Kinroy ».
- Adopté.
« Art. 3. Les limites séparatives des communes de Kessenich, Ophoven, Molen-Beersel et Kinroy, sont fixées telles qu’elles sont indiquées sur le plan figuratif des lieux annexé à la présente loi. »
- Adopté
« Art. 4. Le cens électoral et le nombre de conseillers à élire dans chacune de ces communes seront déterminés par l’arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »
- Adopté
La chambre, consultée, décide que, nonobstant le changement introduit à l’art. 1er, il sera procédé immédiatement au vote définitif.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 50 membres présents.
Ce sont : MM. Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Huveners, Jadot, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Osy, Pirmez, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, David, de Baillet, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne et de La Coste, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart et Donny.
« Article unique. La partie du territoire de la commune de Wilsele, province de Brabant, indiquée au plan ci-joint par les lettre A, B, C, est réunie au territoire de la ville de Louvain. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 51 membres présents ;
Ce sont : MM. Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Osy, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, David, de Baillet, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne et de La Coste, Delehaye, Delhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart et Donny.
L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Vu la convention du 3 août 1835, entre notre Ministre de l’intérieur, représentant le gouvernement belge, et la direction de la Société générale pour favoriser l’industrie nationale, et relative aux avances faites par ladite société aux concessionnaires de la Sambre canalisée ;
Sur la proposition de nos ministres des travaux publics et des finances,
Nous avons arrêté et arrêtons :
Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté, en notre nom, à la chambre des représentants, par notre Ministre des finances :
« Article unique. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit supplémentaire de quatre millions quatre cent soixante-six mille quatre cent vingt-six francs soixante centimes (fr. 4,466,426 60 c.), pour servir au remboursement des avances faites aux concessionnaires de la Sambre canalisée par la Société générale pour favoriser l’industrie nationale.
« Cette allocation formera l’article 3bis, chap. Il du budget de 1843. »
- La chambre décide que le considérant sera supprimé.
Personne ne demande la parole dans la discussion, elle est déclarée close.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet.
Il est adopté à l’unanimité des 52 membres présents.
Ce sont : MM. Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Osy, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Van Cutsem, Vandeneynde, Van Volxem, Verwilghen, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, d’Anethan, David, de Baillet, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne et de La Coste, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart et Donny.
Personne n’ayant demandé la parole il est procédé, au vote, par appel nominal, sur l’article unique du projet de loi qui est ainsi conçu :
« Article unique Il est ouvert à notre ministre des finances, comme supplément à l’article 24, chapitre Ier, du budget de la dette publique, exercice 1843, un crédit de soixante et quinze mille six cent quatre-vingt-un francs onze centimes, pour intérêts du 3 août au 5 décembre 1843, à payer à la Société générale pour favoriser l’industrie nationale, en exécution de la transaction avec les anciens concessionnaires de la sabre canalisée, autorisée par la loi du 26 septembre 1835. »
Ce projet est adopté à l’unanimité par les 49 membres présents.
La section centrale a proposé l’adoption du projet du gouvernement avec une réduction de 3,000 fr. à l’art. 2.
M. le ministre des finances (M. Mercier) déclare se rallier à cette réduction.
Les divers articles du projets sont successivement adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus.
« Art. 1. Il est ouvert au département des finances un crédit supplémentaire de deux cent soixante-neuf mille quatre cent neuf francs dix-neuf centimes (fr. 269,409 19 c.), destiné à la liquidation des dépenses arriérées sur les exercices 1838 et antérieurs à 1843 inclusivement en ce qui concerne l’administration de l’enregistrement, des domaines, et des eaux et forêts.
« Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit supplémentaire de cent quinze mille quarante-sept francs soixante et treize centimes (fr. 115,047 73 c.), pour liquider des dépenses arriérées sur les exercices 1842 et antérieurs, relative à l’administration des contributions directes, cadastre, douanes et accises.
« Art. 3. Il est ouvert au même département (budget des remboursements et non-valeurs) un crédit supplémentaire de neuf cent soixante mille neuf cent soixante et dix-sept francs quarante-huit centimes (fr. 960,977 48 c.), pour régulariser des dépenses arriérées appartenant au budget prémentionné.
« Ces trois allocations formeront respectivement le chap. VIII et le chap. IX du budget du département des finances pour 1843, et le chap. IV du budget des remboursements et non-valeurs pour le même exercice. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet qui est adopté à l’unanimité par les 49 membres présents.
Personne ne demande la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet de loi qui est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au département des finances un crédit de soixante et dix-sept mille vingt-quatre francs trente-quatre centimes (fr. 77,024-34), destiné spécialement au payement des sommes qui restent dues à d’anciens employés du cadastre rentrés en Hollande, du chef de travaux exécutés par eux dans les provinces belges avant les événements politiques de 1830.
« Cette somme formera l’article unique du chap. X du budget de 1843 du ministère des finances. »
Ce projet est adopté à l’unanimité par les 51 membres présents.
L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Il est alloué au département des finances un crédit supplémentaire de fr. 39,402 65, destiné à acquérir, pour être réunis au domaine de Tervueren, les biens désignés ci-après :
« 1° Une maison dite le Miroir, située sur la place de tervueren ;
« 2° Un jardin longeant l’ancienne route audit lieu ;
« 3° Deux parties de terre dites Lokkaert veld
« 4° 2/14 de la partie de terre nommée le Cauter, sise à Vossem. »
(page 1239) Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi qui est adopté à l’unanimité des 52 membres présents.
Ce sont : MM. Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Osy, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, d’Anethan, David, de Baillet, Dechamps, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne et de La Coste, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart et Donny.
La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi.
M. Osy – Je vois, dans le rapport de la section centrale, qu’on ne comprend pas dans ce projet de loi les parcelles de bois qui sont dans les Flandres. Il n’y a presque pas de bois dans ces provinces ; l’administration en est fort chère ; il est réellement nécessaire de les vendre. M. le ministre dit que ces bois gagneront de la valeur, parce qu’on y fera des routes, mais les acquéreurs le savent, et le prix s’élèvera en conséquence. J’insiste sur la nécessité d’aliéner la forêt d’Hout-Hulst ; les plantations ne datent que de 8 ans. S’il faut attendre qu’elles produisent, ce sera fort long. Je demande s’il ne serait pas possible de comprendre cette forêt dans le projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Vous vous rappelez, messieurs, que, chaque année, le gouvernement doit présenter un projet de loi portant aliénation de biens domaniaux pour une somme d’un million, jusqu’à concurrence de dix millions. Lorsque je m’occuperai du premier projet de loi qui sera présenté, j’examinerai de nouveau s’il convient, dans l’intérêt du trésor, de vendre les parcelles de bois domaniaux dont vient de parler l’honorable préopinant, et notamment la forêt d’Hout-Hulst. Je ne pense pas que ce soit tellement urgent qu’il faille modifier le projet de loi en discussion, puisque bientôt le gouvernement aura à soumettre un deuxième projet de loi à vos délibérations.
M. Osy – La loi qui a décidé l’aliénation de 10 millions de biens domaniaux a été votée au commencement de 1843, c’est-à-dire depuis deux ans. Il n’a rien été vendu en 1844. On pourrait donc bien augmenter de 100,000 fr. la somme des biens domaniaux que l’on vendrait en 1845. Je crois donc que l’on pourrait ajouter dans le tableau des biens à aliéner la forêt d’Hout-Hulst qui a beaucoup de valeur, rapporte fort peu, et donne lieu à des frais considérables d’administration.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il y aurait véritablement du danger à improviser ainsi un amendement. Si la section centrale avait insisté sur l’aliénation de la forêt d’Hout-Hulst, j’aurais recueilli de nouveaux renseignements. Quant à présent, je ne puis consentir à l’introduction de cet amendement. Il n’y a pas péril en la demeure. Comme un deuxième projet sera présenté à l’ouverture de la session, l’aliénation de cette forêt, s’il y a lieu, pourra se faire au commencement de l’année prochaine.
M. d’Hoffschmidt – La section centrale avait appelé l’attention du ministre sur la possibilité d’aliéner la forêt d’Hout-Hulst. C’est par suite des observations qu’a faites à la section centrale M. le ministre des finances que cette forêt ne figure pas dans ce projet de loi. En effet, M. le ministre a fait observer que « l’Etat a grand intérêt à en retarder la vente de quelques années, afin de profiter des travaux d’amélioration en cours d’exécution et des plantations considérables opérées depuis huit ans. »
S’il en est ainsi, il ne convient pas de hâter la vente de cette forêt et de faire perdre ainsi à l’Etat le bénéfice qu’il pourra réaliser d’ici quelques années.
D’ailleurs, je trouve aussi qu’il n’y a pas péril en la demeure, que nous pouvons attendre jusqu’à l’année prochaine pour la vente de cette forêt.
- La discussion générale est close.
La chambre passe au vote des articles.
« Art. 1 Le gouvernement est autorisé à aliéner, par voie d’adjudication publique, dans le cours de l’année 1845, les biens domaniaux désignés dans l’état annexé à la présenté loi. »
- Adopté
« Art. 2. le produit de la vente de ces biens sera affecté à l’amortissement de la dette flottante. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi. IL est adopté à l’unanimité des 54 membres présents.
Ce sont : MM. Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Nothomb, Osy, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Van Cutsem, Van den Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, d’Anethan, David, de Baillet, Dechamps, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart et Donny.
(page 1240) M. de Man d’Attenrode – Messieurs, je profite de la présence de M. le ministre de la justice pour lui adresser une interpellation.
Lors de la discussion des traitements des membres de l’ordre judiciaire, de concert avec mes honorables amis MM. de La Coste et Van den Eynde, j’ai appelé l’attention du gouvernement sur l’arriéré des affaires déférées au tribunal civil de Louvain, arriéré si considérable, qu’il constitue un véritable déni de justice pour les habitants de cet arrondissement.
Nous attribué cette situation anormale à l’insuffisance du personnel, et nous avons en conséquence engagé M. le ministre de la justice à proposer l’augmentation de ce personnel en le prévenant que, si aucune proposition n’émanait du gouvernement, nous nous verrions obligés d’user de notre initiative.
Quelle a été la réponse de M. le ministre ?
Il nous a priés, si je ne me trompe, d’ajourner toute discussion sur cet objet, parce qu’il était sur le point de publier des états statistiques sur les travaux des tribunaux, qui seraient de nature à fixer notre opinion concernant les réclamations relatives à l’augmentation du personnel. Cette déclaration du gouvernement a mis obstacle à toute proposition de notre part ; force nous a été d’attendre la publication des états statistiques qui nous avaient été promis. Mais ces états n’ont pas encore paru ; l’objet de ma motion est de prier M. le ministre de hâter leur publication, et de nous en dire l’époque, s’il est possible.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, les états statistiques dont parle l’honorable M. de Man seront publiés d’ici à huit ou dix jours. L’impression est presque terminée.
M. le président – Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Oui, M. le président.
M. le président – En ce cas, la discussion s’établira sur la rédaction de la section centrale.
La discussion générale est ouverte.
M. de Garcia – Messieurs, le projet de loi soumis à nos discussions présente des questions du plus haut intérêt ; des questions de progrès et d’améliorations dignes de toute l’attention de la législature. Il s’agit de réorganiser la poste aux chevaux qui n’existe réellement plus aujourd’hui, et de conférer à cette administration le transport des marchandises sur des routes qui doivent faire en quelque sorte le prolongement des chemins de fer.
Le projet qui nous est soumis, messieurs, a été, à mon grand regret et malgré mes réclamations à ce sujet, renvoyé à une commission spéciale. Par ce mode de procéder, beaucoup de membres de cette assemblée n’ont pu prendre qu’une connaissance incomplète du projet de loi actuel, ou au moins n’ont pu se faire, à l’occasion de ce projet, les observations qu’ils avaient individuellement à présenter. Cette circonstance, selon moi, laisse beaucoup à désirer dans la loi qui nous est soumise.
Dans cette situation, je me vois obligé, et la chambre me permettra d’adresser à M. le ministre des travaux publics quelques demandes indispensables pour éclairer ma religion et déterminer le vote que je devrai émettre sur quelques-uns des articles de cette loi.
Sans doute, elle contient des principes généraux d’améliorations dont on ne peut contester l’évidence ; mais d’un autre côté, elle donne au gouvernement un pouvoir aussi considérable que peu déterminé. Je désire laisser à ce dernier tout ce qui lui appartient ; mais je désire aussi que la législature et le pays sachent bien à quoi ils s’engagent en adoptant une mesure législative aussi vague et aussi absolue.
D’après le projet de loi, toutes les indemnités qui seront accordées aux maîtres de postes seront réglées par le gouvernement et fixées par arrêté royal. Il n’est rien dit, dans le projet, de la base qui servira à établir cette indemnité ; il n’est rien dit du minimum ni du maximum auquel elles pourront atteindre. On ne nous dit pas si ces indemnités seront accordées à raison du nombre des chevaux existants dans une poste aux chevaux, ou bien si elles seront données à raison de l’importance des bureaux ou de toute autre circonstance. Jusqu’à ce moment nulle espèce de renseignement ne nous est fournie à ce sujet. Le gouvernement ne nous donne ni maximum ni minimum, de sorte que le gouvernement sera maître d’établir telles indemnités qu’il jugera convenir.
Il est vrai que le rapport nous annonce que, lorsqu’il s’agira du budget, si le chiffre ne convient pas, la chambre pourra le rejeter. Ce point est incontestable. Mais outre que ce mode de procéder n’est guère dans les allures de la chambre, il est toujours désagréable d’en venir à une mesure semblable. Je préférerais que le gouvernement déduisît d’une manière précise et claire le maximum de l’indemnité qu’il prétend accorder, et la base qu’il adoptera pour fixer cette indemnité. Je demanderai donc des éclaircissements sur ce point à M. le ministre des travaux publics.
J’ai lieu de croire qu’il entre dans les intentions de M. le ministre des travaux publics d’établir trois classes de maîtres de poste pour déterminer l’indemnité. S’il peut en être ainsi, je combattrai ce système. Je ne conçois pas, quant à moi, pourquoi on établirait trois classes. Déjà nous avons senti, à l’occasion de la discussion de plusieurs lois, les inconvénients qui résultent d’un classement multiplié, qui souvent établit une injustice évidente qui devient très-difficile à réparer. Ces inconvénients se sont surtout manifestés lors de la discussion du traitement de l’ordre judiciaire et du classement des tribunaux de première instance. Comme le disait très-judicieusement l’honorable M. de la Coste, lorsqu’il a traité cette question, en réalité il n’y a dans les tribunaux de première instance, qu’une seule classe, puisqu’ils sont, à l’exception des tribunaux de chefs-lieux de province, investis des mêmes attributions, et s’il y a une différence de traitements, c’est par suite de circonstances particulières, qui doivent être fort restreintes, et ne peuvent amener de grandes différences dans les traitements.
M. de la Coste avait raison, selon moi, et nous devons craindre qu’on ne tombe ici dans l’inconvénient auquel on n’a pu porter remède.
Je crois, messieurs, que si l’on établissait deux catégorie d’indemnités pour les maîtres de poste, cela suffirait. Je demande donc à M. le ministre des travaux publics le nombre de catégories qu’il entend établir pour fixer l’indemnité.
J’ai encore une autre demande à lui faire.
Jusqu’aujourd’hui il n’y a pas eu de système pour établir quelles routes seront lignes de poste. Quand le gouvernement juge convenable de décréter une route ligne de poste, il le fait. Mais qu’en résulte-t-il ? C’est que les localités les moins bien dotées du pays, celles qui sont le plus éloignées des chemins de fer, des canaux, des routes de grande communication sont aujourd’hui exclusivement soumises aux droits de postes établis par la loi du 15 ventôse an XIII. Ajoutez à ce droit extraordinaire les frais de barrières ; et vous verrez que les localités les moins bien dotées du pays, les localités les plus éloignées du centre des affaires et des grandes populations sont les plus mal traitées et doivent payer 50 et 60 centimes par lieue pour arriver aux grandes artères du royaume. L’on parle sans cesse de répandre le commerce et l’industrie sur les localités les plus abandonnées, si l’on veut une civilisation générale, mais on pose des principes qui doivent conduire à un but tout opposé. Pour être conséquent, il faut changer le système existant, il faut anéantir le principe de la loi du 15 ventôse an XIII, pris dans des circonstances où ne se trouve plus le pays.
En France, un savant économiste, le marquis d’Audiffret, a soutenu depuis longtemps que le droit de poste, établi par la loi du 15 nivôse an XIII consacre un système injuste.
Aujourd’hui que la Belgique est dotée de chemins de fer dans ses principales localités, et qu’il en sera construit d’autres encore, comment expliquer les 25 centimes que l’on demande pour droit de poste, aux localités qui sont privées des chemins de fer, sur lesquels on transporte, à vil prix les personnes et les choses, et à la construction desquels ils ont concouru avec tout le pays.
Un système semblable est non-seulement injuste, mais il contrarie le développement de la richesse et de la prospérité que nous devons chercher à répandre sur toute les parties du territoire.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il n’entre pas dans ses intentions de supprimer le droit de poste qui existe maintenant ? Au surplus, je me réserve de présenter un amendement à cet égard. J’attendrai ses explications sur cet objet comme sur les autres que j’ai signalés antérieurement.
M. Osy – Je conviens que, depuis la construction de notre chemin de fer, il est nécessaire d’améliorer la position des maîtres de poste, mais je ne puis consentir à ce que le gouvernement se fasse entrepreneur de messageries, et entrepreneur de bateaux à vapeur. Je veux abandonner cela à l’industrie particulière qui ne se fera pas défaut, soyez-en assurés, là où elle pourra s’exercer avec les conditions ordinaires de la concurrence. Ainsi, là où le besoin se fera sentir, le gouvernement trouvera des messageries. Il en est de même des bateaux à vapeur. Nous avons déjà fait une expérience assez fâcheuse, en ce qui concerne les bateaux à vapeur ; évitons de tomber dans la même faute.
Je demanderai, à cet occasion à M. le ministre des finances si bientôt on mettra en adjudication la « British-Queen », qui encombre inutilement notre bassin à Anvers.
Je demanderai également à M. le ministre des travaux publics s’il n’y aurait pas eu moyen d’augmenter la taxe qui frappe les voitures appartenant à des voyageurs, et transportés par le chemin de fer. On ferait, des fonds provenant de cette augmentation, un fonds spécial destiné à indemniser les maîtres de poste.
Mais le moyen qui est proposé par le projet de loi actuellement en discussion ne peut obtenir mon assentiment, et si M. le ministre des travaux publics ne trouve pas un autre moyen, je serai forcé de voter contre la loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le bâtiment dont vient de parler l’honorable préopinant a été mis entre les mains du domaine qui doit effectuer la vente. Le gouvernement n’a rien négligé pour en tirer le meilleur parti possible ; si la vente a éprouvé quelque retard, c’est précisément parce que la gouvernement désire obtenir un prix plus favorable. Dans ce moment, une négociation est ouverte, et sous peu de jours nous recevrons une réponse.
M. Malou – Messieurs, je voterai contre le projet de loi, et je demande à la chambre la permission d’expliquer brièvement le motif de ce vote.
Je désire, autant que personne, que le gouvernement ait, dans la sphère publique et administrative, la plus grande part, la part la plus légitime d’action. Mais je ne crois pas que, dans la sphère des intérêts qui peuvent être exploités par les particuliers, il convienne d’étendre les droits du gouvernement, s’il n’y a pas une nécessité évidente.
Déjà, depuis 1830, bien des propositions ont été faites, pour étendre l’action du gouvernement dans les matières qui appartiennent naturellement (page 1241) à l’intérêt privé. Si ces propositions avaient été admises, demandons-nous où nous en serions ? Le gouvernement exploite le chemin de fer. D’après une proposition qui vous a été soumise dans le temps, il aurait été exploitant des houillères ; depuis, une autre idée a surgi : l’exploitation des assurances par le gouvernement. D’après une quatrième idée, le gouvernement aurait les caisses d’épargne. Je n’entends pas discuter toutes ces questions, mais je crois, messieurs, qu’il faut qu’on prouve l’évidente nécessité de l’intervention du gouvernement, pour que cette intervention soit admise.
Cette nécessité existe-t-elle en ce qui concerne les transports ? Mais, messieurs, ces entreprises n’exigent pas un développement tel, des capitaux tellement considérables que l’intérêt privé ne puisse les exploiter et qu’il ne les exploite en effet. Partout où il y a une ligne productive ou seulement semi-productive, souvent même sur des lignes qui ne sont pas viables, vous voyez se former des entreprises particulières, et une concurrence très-active s’établit.
Le principe n’est pas seulement mauvais en lui-même, mais il est mauvais dans son application. Si, en effet, vous analysez le projet de loi qui vous est soumis, vous verrez, messieurs, que c’est une industrie qu’on frappe pour en indemniser une autre : c’est la quintessence du projet. Vous ferez payer l’industrie des entrepreneurs de messageries pour faire subsister l’industrie des maîtres de poste. Eh bien, c’est là une injustice au point de vue de l’intérêt général.
Le gouvernement va se faire entrepreneur de messageries, camionneur. Mais qu’en adviendra-t-il pour le gouvernement et l’intérêt privé ? Pouvez-vous donner une semblable action au gouvernement, sans qu’elle devienne nécessairement un monopole entre ses mains ? Comment voulez-vous que celui qui a derrière lui le fonds spécial du budget ne soit pas monopoleur en très-peu de temps, au détriment des entreprises particulières qui seront écrasées ? Il est dans la force des choses qu’une entreprise d’intérêt privé, abandonnée au gouvernement ; devienne bientôt un monopole entre ses mains. On n’attendra pas même que la force de choses ait agit ; car il est dans le projet lui-même une disposition qui conférera immédiatement le monopole au gouvernement, et cette disposition est celle qui exempte les messageries du gouvernement de l’indemnité due aux maîtres de poste. C’est le second paragraphe de l’art. 6.
Si vous voulez que le gouvernement se fasse entrepreneur de messageries, qu’il fasse concurrence à l’industrie privée, rendez au moins égales les conditions de la concurrence, et ne faites pas au gouvernement, dès l’origine, une position privilégiée qui lui donne d’emblée le monopole de ces transports.
Quant aux communications par bateaux à vapeur, je ferai une simple observation. Hier on nous disait que cette entreprise devait produire 15 pour cent de bénéfice. Mais concevrait-on qu’une entreprise qui n’exige qu’un capital d’un million fût restée sans entrepreneurs pendant un grand nombre d’années, alors qu’on avait à espérer un bénéfice de 15 p.c. ? Si je ne me trompe, il y a eu à Anvers une entreprise de bateaux à vapeur belge, qui a été subsidiée pour soutenir la concurrence d’une société anglaise, concurrence qu’il lui a été impossible de soutenir, malgré les subsides du gouvernement. Ce qui est arrivé pour cette entreprise arrivera pour celle du gouvernement ; elle ne produira pas 15 p.c. ; elle ne produira pas un pour cent, où vous devrez augmenter dans une très-forte proportion le fonds spécial qui est puisé dans le budget de l’Etat. Par ces diverses considérations, sur lesquelles je crois inutile d’insister davantage, je voterai contre le projet de loi comme contenant la mauvaise application d’un mauvais principe.
(page 1255) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, le projet de loi qui vous est soumis comprend des objets différents, mais tous se dirigeant vers un but commun : l’amélioration des services de transport en dehors du chemin de fer. L’objet principal du projet est le maintien et la réorganisation de la poste aux chevaux. Non-seulement, il s’agit de maintenir cette institution qui périclite parce que l’établissement des chemins de fer a fait déserter les grandes lignes de postes, mais il faut encore la réorganiser sur des bases nouvelles, afin de transformer un service exceptionnel à l’usage des classes riches en un mode de transport, plus populaire, qui soit accessible à la classe moyenne, et d’un emploi général. Il a été constatée en France comme en Belgique que le maintien de la poste aux chevaux à côté des chemins de fer est impossible sans l’intervention financière de l’Etat. En effet, depuis la création des chemins de fer, le nombre de voyageurs en poste a considérablement diminué. D’un autre côté, les messageries qui exploitaient les routes parallèles ayant cessé d’exister, l’indemnité de 25 centimes établie par la loi du 15 ventôse an XIII, produit de moins en moins, et les revenus des maîtres de poste a diminué à tel point que leur existence devient impossible. La conservation de cette institution soulève de nombreuses difficultés. En France la question est agitée depuis 1831. Alors, M. Human, qui depuis fut ministre des finances, avait proposé un système ingénieux. Il voulait adjuger les relais aux enchères, afin que les lignes productives pussent couvrir les déficits que présenterait l’entretien des lignes onéreuses. Le gouvernement devait à cet effet racheter tous les brevets des maîtres de poste, ce qui exigeait une dépense énorme. Ce système a été reconnu impraticable, parce que les relais productifs n’étaient pas assez nombreux pour couvrir les déficits des relais improductifs. Si cette objection a pu être faite en France, elle a bien plus de force en Belgique où les chemins de fer sont beaucoup plus développés et les relais productifs très peu nombreux. Le système des adjudications ne produirait donc aucun résultat.
Un deuxième système fut présenté par M. Jouhaud, le défenseur des maîtres de poste en France. Il consistait à imposer les transports par le chemin de fer, les bateaux à vapeur, pour fournir le moyen de subventionner les relais. Ce projet, qui offrait certains avantages, n’a pas été adopté par le gouvernement français, sans doute parce qu’il a paru injuste (et c’est le reproche que l’honorable M. Malou faisait tout à l’heure au projet qui vous est soumis) de prélever sur les services publics les moyens d’indemniser les maîtres de poste. Ici, comme, d’après moi, le gouvernement doit se préoccuper de réorganiser non seulement les transports par la poste, mais encore ceux par les messageries, qui sont également souffrantes, le gouvernement n’a pas cru devoir se rallier à ce système, parce que maintenant que les grands services de messageries sur les lignes étendues n’existent plus et que les petits services leur ont été substitués, ce serait compromettre ceux qui sont d’une utilité plus générale pour assurer la conservation d’une institution destinée plus spécialement aux classes aisées de la société.
En France, en 1842, le gouvernement n’avait pas encore arrêté un système, et il avait proposé des crédits s’élevant à 321 mille francs au budget de deux exercices pour indemniser les maîtres de poste sur les routes de : Paris à Orléans, Paris à Rouen, Strasbourg à Bâle, Lyon à St-Etienne.
C’est-à-dire sur celles qui se trouvent en concurrence avec les lignes de chemin de fer. La chambre n’a pas admis cette proposition, parce qu’elle tendait à mettre à la charge du trésor public les frais de l’entretien de la poste aux chevaux. C’était de plus un précédent dangereux, parce qu’à mesure de l’extension qu’auraient pris les chemins de fer, la subvention aurait dû s’élever et serait arrivée à une somme énorme. Ce rejet a laissé la question irrésolue jusqu’aujourd’hui et rien n’a été décidé pour assurer l’existence des maîtres de poste et le maintien d’une institution d’intérêt général.
Le projet de loi qui vous est soumis consacre un système qui n’exige ni subvention du trésor public, ni l’établissement d’un impôt sur les transports, tant par le chemin de fer que sur les autres voies de communication. C’est la constitution d’un fonds spécial dans lequel le gouvernement trouvera largement le moyen de subvenir au maintien de la poste aux chevaux.
J’ai dit que le chemin de fer avait désorganisé, non-seulement la poste aux chevaux, mais les services de transport en dehors du chemin de fer, les messageries. En effet, sur toutes les grandes distances, les services ont disparu les uns après les autres. Comme les messageries ne peuvent prospérer sans relations étendues, le peu de services qui restent se trouve concentré maintenant dans une seule main. Le monopole dont on a parlé existe, non dans la main du gouvernement, mais dans une main particulière. Quant aux petits services, comme ils n’ont pas de correspondances, ils se détruisent les uns les autres par la concurrence qu’ils se font. Toutes les membres de la chambre qui ont été à même de faire usage de ceux de ces services qui aboutissent aux chemins de fer, ont pu voir combien peu ils présentent de sécurité, de vitesse et de confort. Aussi le pitoyable état dans lequel ils sont tombés a-t-il fait naître un grand nombre de plaintes.
Il y a une question qui, aux yeux du gouvernement, domine le débat ; c’est l’intérêt de l’exploitation dont il est chargé ; les transports par le chemin de fer se trouvent circonscrits entre les stations et ne peuvent les dépasser. Les transports de stations à stations sont faciles, économiques et rapides, pour les voyageurs et pour les marchandises, mais au-delà tous les rapports sont interrompus pour toutes les localités qui ne sont pas en contact avec le chemin de fer. Il n’y a peut-être pas de pays au monde plus mal desservi que la Belgique, à cause de la révolution qui s’est faite dans le système général des transports. Ce qu’il faut créer, ce sont des correspondances, des affluents au chemin de fer. On s’est étonné de voir des entreprises de messageries établir des fourgons pour les marchandises et faire concurrence au chemin de fer. On s’est demandé comment il était possible que de semblables entreprises puissent produire des bénéfices, mais c’est uniquement parce qu’elles ont des correspondances étendues. Les maisons de roulage acceptent des paquets pour toute destination, tandis que le chemin de fer ne peut en accepter que pour les stations ou pour les localités desservies par le camionnage et au-delà desquelles son action cesse complètement.
Je crois que dans l’intérêt du trésor public et dans l’intérêt des localités non desservies par le railway, il faut rattacher ces dernières aux stations par des services de correspondances pour les voyageurs et les marchandises. J’ai la conviction que, quand cela sera fait, le mouvement du chemin de fer doublera et que ses revenues s’accroitront en proportion.
L’honorable M. Malou craint que ce système ne devienne dans les mains du gouvernement un véritable monopole. D’abord, il n’y a pas de monopole en principe, puisque la concurrence est toujours admise mais l’intention du gouvernement, comme je l’ai déclaré dans l’exposé des motifs, n’est pas de froisser les intérêts particuliers, en établissant une concurrence fâcheuse, mais bien de suppléer à l’insuffisance de l’industrie privée, là où cette insuffisance est reconnue, ainsi que, comme je l’ai démontré, cela est constaté pour une partie du pays. L’honorable membre a raisonné comme si le gouvernement ne s’était pas rallié à une modification importante introduite par la section centrale. Le gouvernement avait demandé l’autorisation d’établir des transports en dehors du chemin de fer partout où il le jugerait utile. Mais la section centrale a cru devoir imposer des limites à cette faculté.
En vertu de l’amendement qu’elle a rédigé et auquel je me suis rallié, le gouvernement ne peut établir des services pour les dépêches, les voyageurs et les marchandises légères que là où ils seront immédiatement en correspondance avec les convois du chemin de fer. C’est le principe de camionnage développé dans un rayon plus étendu afin d’atteindre toutes les localités qui peuvent faire usage du chemin de fer.
Voulez-vous apprécier en chiffres quel serait l’effet de ce prétendu monopole ? Il y a en Belgique 418 voitures publiques ; 311 desservent des localités, et 77 services seulement sont en correspondance avec les stations du chemin de fer. Et vous savez dans quel état sont ces derniers. Exploités au moyen de voitures délabrées, d’attelages incomplets, ils ne satisfont aucune des conditions de sécurité, d’économies, de vitesse. Elle n’aurait d’autre effet que de créer partout des correspondances suffisantes et de substituer de bons services, à des entreprises qui menacent la sécurité publique. Aussi ce monopole dont on a parlé, est un mot dont vous ne devez pas vous effrayer. Il n’existera pas, en réalité, de concurrence pour les bonnes entreprises. Mais l’intérêt public, celui du chemin de fer et des localités qui ne sont pas desservies directement par le chemin de fer exigent, (page 1256) que le gouvernement se substitue à l’intérêt privé, là où elle est inactive ou insuffisante.
S’il est un pays où l’on devrait moins s’effrayer que dans aucun autre de l’intervention du gouvernement dans les transports publics, c’est assurément la Belgique. Ici, le gouvernement a non-seulement le monopole du transport des correspondances jusque dans le dernier hameau du pays, ce qui nécessite une immense administration ; mais il a fait ce que, dans aucun autre pays, l’on n’a osé faire ; il s’est chargé du monopole des transports par chemin de fer.
Ainsi le gouvernement est à la tête d’une entreprise de transports de voyageurs, de petites marchandises, de roulage sur toutes les grandes lignes, transports qui ont une importance dix fois plus grande que tous les services actuels de messageries. Le gouvernement belge a pris à cet égard une initiative qui probablement sera imitée dans d’autres pays. Il n’a pas reculé devant cette grande intervention dans les transports publics, dont il exploite maintenant les cinq sixièmes ; et l’on reculerait devant l’application du même système, quand il s’agit d’établir les relations des localités qui sont dans le rayon des stations, en créant de bons services là où ils font défaut !
En Allemagne, où le gouvernement n’a pas encore osé s’emparer de la direction des chemins de fer, il exploite depuis longtemps les services en dehors du chemin de fer. Le gouvernement belge ne demande pas cela ; il ne demande pas l’adoption du système prussien dans toute son étendue ; mais il demande l’autorisation de prolonger un camionnage bien organisé, en dehors du chemin de fer. L’intérêt du trésor exige qu’il en soit ainsi. A défaut de correspondances et d’affluents, nous ne pouvons avoir que les transports de station à station ou à destination des localités desservies par le chemin de fer. Or, il faudrait pouvoir accepter des marchandises, non-seulement pour les stations, mais pour tout le pays. C’est dans ce but qu’il est nécessaire de créer des services qui forment des affluents et soient en correspondance avec les convois.
Mais s’il était vrai que la réalisation de ce projet fût, comme on le croit, menaçante pour de nombreux intérêts privés, est-ce que les chambres, le gouvernement ne seraient pas assaillis de plaintes ? Vous savez combien l’intérêt privé est attentif, combien il s’exagère les dangers qui le menacent. Si aucune plainte n’a été formulée par les intérêts qu’on dit menacés, c’est que réellement ils ne le sont pas ; c’est que l’industrie au nom de qui on parle, sait que l’intervention du gouvernement, loin de lui être hostile, est toute paternelle.
Le mobile du gouvernement est l’intérêt public ; le désir de faire participer indirectement toutes les localités du pays aux avantages du chambre, voilà le but du projet de loi.
L’idée du monopole doit s’évanouir en présence des chiffres et des faits que j’ai exposés, et qui doivent faire disparaître complètement toute espèce de crainte.
Un troisième point important du projet de loi, c’est l’établissement d’un service de bateaux à vapeur, destiné à relier nos chemins de fer à ceux d’Angleterre. Une commission a été nommée pour examiner les conditions d’existence de ce service ; son rapport vous est connu. Il est de l’intérêt de notre chemin de fer, qui est à proximité de tous les chemins de fer européens, de France, d’Angleterre et d’Allemagne, de se joindre avec eux de la manière la plus complète. Le gouvernement belge est tellement convaincu de cette nécessité qu’il a concouru par une dépense considérable à assurer la jonction de notre chemin de fer à celui de l’Allemagne ; il a consenti à prendre pour 4 millions d’actions dans le chemin de fer rhénan, afin que le railway belge soit prolongé jusqu’au Rhin. Nous avons un intérêt analogue à établir un bon service de paquebots-malles entre les chemins de fer anglais et le nôtre.
En effet, Ostende et Anvers se trouvent, à l’égard de l’Angleterre, sur la ligne de communication la plus directe avec l’Allemagne, la Suisse et l’Europe centrale. Mais pour que nous puissions recueillir tous les avantages de cette position, il faut un service régulier de bateaux à vapeur. Le gouvernement français a demandé cette année, aux chambres, un crédit considérable pour réorganiser convenablement le service des bateaux à vapeur entre Douvres et Calais.
Si le gouvernement belge ne prend pas une position analogue, le transport des voyageurs à destination de l’Allemagne nous échappera, lorsque le chemin de fer de Calais à Lille sera achevé.
L’honorable M. Osy et, après lui, l’honorable M. Malou ont craint que ce service ne constituât le gouvernement en perte ; ils ont cité pour exemple l’entreprise anversoise des bateaux à vapeur, qui existe encore, mais qui est exposée à une concurrence redoutable de la part des compagnies anglaises. Mais si les honorables membres avaient lu attentivement le rapport de la commission qui a examiné cette question, ils auraient vu que le gouvernement est dans une position tout autre qu’une administration particulière. Ainsi les bâtiments du gouvernement sont considérés comme bâtiments de guerre et dispensés de tous les frais de pilotage et de port. C’est un avantage immense dont une entreprise privée ne jouit pas. Cette exemption fait que les dépenses d’exploitation, qui ne sont pour le gouvernement que de 300,000 fr., s’élèvent pour une compagnie à 522,000 fr. Le gouvernement se trouve donc dans une position telle que l’industrie privée ne peut lui faire concurrence.
Lors de la présentation du projet de loi, le gouvernement avait établi ses calculs d’après le nombre des voyageurs en 1843, tout en admettant les dépenses pour trois paquebots. Ces calculs portent les frais à 221,000 fr., et les produits à 362,000 fr., ce qui laisse un bénéfice de 141,000 fr. Mais pour arriver à ce résultat, on n’avait cru pouvoir compter que sur 20 voyageurs, terme moyen, par voyage. Depuis lors, la compagnie du chemin de fer de Douvres a établi, avec l’aide du gouvernement belge, un service provisoire entre Douvres et Ostende qui n’a lieu que deux fois par semaine ; quand le service sera quotidien, le nombre des voyageurs s’élèvera encore ; mais déjà, d’après les relevés dont vous avez pu prendre connaissance dans le compte rendu du chemin de fer, quoique les mois d’hiver n’aient rien produit, il y a en moyenne, au lieu de 20, 50 voyageurs par traversée, et dans les mois d’août et de septembre, le nombre s’est élevé jusqu’à 120 par voyage. Il ne faut pas vous étonner de ce résultat, car le service entre Boulogne et Folkstone, établi par la même compagnie, a eu pour effet de quintupler le nombre de voyageurs.
Si je prends pour base de l’évaluation des produits du service à créer, le nombre moyen de voyageurs obtenu par le nouveau paquebot établi entre Ostende et Douvres, j’arrive à ce résultat que le service qui coûtera 303,000 fr. rapporterait 724,862 fr., c’est-à-dire un bénéfice annuel de plus de 420,000 fr. Je crois que cette évaluation n’est pas exagérée ; car, comme je viens de le faire remarquer, lorsque le service sera quotidien le nombre des voyageurs et par conséquent les revenus augmenteront dans une forte proportion.
Ainsi, messieurs, je me résume.
Le projet de loi comprend deux objets. Il a d’abord un but d’utilité générale, d’utilité d’intérêt public : c’est la création de ce service de bateaux à vapeur qui est destinée à amener un grand nombre de voyageurs sur notre chemin de fer, et que nous perdrions si un service quotidien et bien organisé n’était pas établi. Le second but, c’est, dans les limites restreintes proposées par la section centrale, de réorganiser le service des transports en dehors du chemin de fer, en rapport avec les stations, avec les convois au départ et à l’arrivée, et de faire participer ainsi les localités du pays que le chemin de fer ne dessert pas aux bienfaits de cette grande voie de communication.
M. Lys – Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – En troisième lieu, il a pour but la réorganisation de la poste aux chevaux, réorganisation dont la nécessité n’est contestée par personne.
M. Meeus – Je demande la parole.
M. d’Elhoungne – Je la demande aussi.
M. d’Hoffschmidt – Et moi aussi.
M. Eloy de Burdinne – Et moi aussi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Et je trouve, dans le fonds spécial créé par ces diverses exploitations, le moyen de maintenir et de réorganiser la poste aux chevaux sans subvention du trésor public, sans impôts nouveaux à faire peser sur aucune industrie, quelle qu’elle soit.
Ce qu’on a cherché en France, messieurs, je pense que le gouvernement belge l’a trouvé. La réorganisation de la poste aux chevaux se fera sans subvention sur le trésor public, sans avoir recours au système impossible de l’adjudication des relais et sans imposer les transports publics en dehors du chemin de fer.
Si la chambre n’accueillait pas ce système qui forme un tout complet, qui correspond à un grand intérêt général et qui donne au gouvernement le moyen de maintenir la poste aux chevaux, je crois que la réorganisation de cette institution serait impossible, à moins que le trésor public n’en fît tous les frais.
L’honorable baron Osy a parlé d’un moyen : ce serait d’augmenter le prix du transport des voitures sur le chemin de fer. D’abord, messieurs, vous le savez, beaucoup de plaintes se sont élevées sur le prix déjà fort élevé du tarif belge pour les voitures. Ainsi ce prix est presque double de celui qui est payé sur les bateaux à vapeur. Mais en supposant qu’il soit possible de l’augmenter un peu, je ferai remarquer que la recette sur les voitures s’est élevée en 1844 à la somme de 206,000 fr. En élevant quelque peu le tarif, je ne crois pas que vous amèneriez un beaucoup plus grand nombre de voitures sur le chemin de fer. Le nombre ne variera guère. Vous retirerez donc peut-être quelque dix mille francs de cette augmentation qui majorerait encore un prix fort élevé déjà. De sorte qu’on n’obtiendrait là qu’une somme tout à fait insuffisante et une ressource illusoire.
Je crois, messieurs, avoir justifié les bases du projet de loi. Mais, je le répète (j’ai mûrement étudié cette question), si la chambre n’acceptait pas ce projet, je ne connais aucun autre système pour maintenir les relais de poste sans grever le trésor public d’une somme considérable.
(page 1241) M. Lys – Messieurs, il paraît que nous sommes tous d’accord qu’il est de toute nécessité de venir au secours des maîtres de poste dès qu’on veut maintenir cette institution. Mais je crois que nous ne sommes guère d’accord sur le moyen d’y parvenir.
Il me semble que nous devons atteindre ce but sans nuire à l’industrie particulière.
Je dois faire remarquer que, comme l’a déjà dit un honorable collègue, le projet de loi laisse tout l’avantage à la partie du pays qui jouit du chemin de fer, et tout l’onéreux à la partie du pays qui ne jouit pas de cette voie de communication. En effet, les sommes qui seront payées au gouvernement, au lieu de l’être aux maîtres de poste, seront à charge des contrées qui n’ont pas de chemin de fer.
Voilà donc un premier et très-grand défaut que je reproche au projet de loi.
On veut réorganiser la poste aux chevaux, et, pour y parvenir, on choisit précisément le moyen qui amène la ruine d’une industrie existante. En effet, réorganisez la poste aux chevaux, vous établissez un véritable monopole au profit du gouvernement. Car tel est le résultat positif de la loi. L’article 2 combiné avec l’article 6 ne laisse aucun doute à cet égard. Il est certain que quand le gouvernement ne payera aucun droit sur ses transports et établira un droit sur les transports particuliers, il créera un véritable monopole en sa faveur.
Remarquez encore que le gouvernement peut étendre ce genre de monopole à sa volonté. Le projet de loi ne pose aucune restriction. Le gouvernement pourra faire comme les grandes compagnies anglaises, il pourra transporter à perte pour détruire l’industrie particulière, et lorsque celle-ci sera anéantie, il relèvera probablement ses prix.
Ainsi, messieurs, pour venir au secours des maîtres de poste, vous détruisez l’industrie des messageries. Ce n’est là que déplacer le mal.
M. le ministre des travaux publics nous a dit que la section centrale avait restreint le projet du gouvernement. Mais je ne comprends pas comment. Voici la disposition qu’a ajoutée la section centrale : « Toutefois, il ne pourra créer de nouveaux services que pour autant que chacun d’eux corresponde avec une station du chemin de fer et soit en coïncidence avec un convoi au départ et à l’arrivée. »
Mais à quelle distance s’étendra ce service ? Quel est sera le rayon ? C’est ce qu’on ne nous dit pas.
Je vais prendre un exemple. Je suppose la station de Pepinster, près de Verviers ; d’après l’article 2 du projet, le gouvernement pourra établir des services qui correspondent avec cette station. Mais jusqu’où iront ces services ? S’étendront-ils jusqu’à Theux ou jusqu’à Spa ou jusqu’à Stavelot ? Ce sera probablement jusqu’à Stavelot. Mais alors ils comprendront toute la localité jusqu’à la frontière.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’ai posé des chiffres auxquels vous ne répondrez pas.
M. Lys – Il me semble que la chose est très-claire. Vous détruisez complètement l’industrie particulière. Elle en peut plus exister ; car vous allez partout ; vous ne vous arrêtez nulle part.
Vous voyez que vous ne faites que déplacer le mal. Vous venez aux secours des maîtres de poste ; mais vous détruisez une autre industrie. Et tout en détruisant cette industrie, croyez-vous qu’il ne coûtera pas considérablement à l’Etat ? Mais vous ferez une dépense considérable.
Je prends encore cet article 2 : « Le gouvernement est autorisé à établir des services pour le transport des voyageurs, des dépêches et des marchandises légères, ou bien à accorder des subventions à de semblables services. »
Mais croyez-vous que lorsqu’un service de transports est avantageux, il ne se trouve pas des particuliers pour l’entreprendre ? Ne savez-vous pas que là au contraire il y a concurrence, qu’on n’y rencontre pas les mauvais transports dont on a parlé ? Ne savez-vous pas que là où il y a quelque chose à gagner, il se rencontre dix personnes pour une ? A quoi devra donc se borner le gouvernement ? A établir des services où il y a à perdre.
Je crois donc que cet article 2 du projet entraînera une charge pour l’Etat, et une charge qui deviendra très-onéreuse, tout en détruisant une industrie existante, et je déclare que s’il est maintenu te qu’il est rédigé, je ne pourrai donner mon assentiment à la loi.
M. Meeus – Messieurs, je ne refuserai jamais mon concours aux propositions du gouvernement lorsque ces propositions me paraîtront réellement utiles et de nature à obtenir un but que l’industrie particulière ne peut atteindre.
Mais, messieurs, il n’en est pas ainsi dans le cas présent ; il s’agit de toutes entreprises dont les particuliers peuvent tout aussi bien se charger que le gouvernement.
Je me demande, messieurs, pourquoi le gouvernement veut étendre aujourd’hui son exploitation au-delà des lignes du chemin de fer. Je m’en rend bien compte ; c’est que le gouvernement, étant devenu industriel, subit la loi commune à tous les industriels, c’est de vouloir toujours agrandir le cercle de son industrie, de vouloir toujours aller au-delà de ce qu’il lui est donné d’exploiter , de faire pour le moment. Pour arrêter les industriels, il n’y a jamais eu, à quelques exceptions près, que le manque de fonds ; et le gouvernement pouvant facilement parer à ce grand inconvénient, peut précisément aller bien au-delà des limites des industries ordinaires.
Pour ma part, messieurs, je ne donnerai pas mon assentiment à ce que le gouvernement devienne plus industriel qu’il n’est. Il me semble qu’il a déjà fait une expérience qui, acquise aujourd’hui, ne nous démontre pas que l’on n’aurait pas pu adopter un mode meilleur d’exploitation de nos chemins de fer que celui qui a été admis. Cependant, messieurs, j’y consens : respectons ce qui existe, mais convenons en même temps que l’exploitation du chemin de fer, celle qui est faite par le gouvernement, seraient faites par des compagnies et par des particuliers à des conditions bien autrement favorables quant à la dépense.
L’honorable ministre des travaux publics, en terminant, vous a fort bien dit qu’il y a dans le projet trois objets principaux : c’est, d’abord, le service des paquebots ; c’est, en second lieu, le transport des voyageurs et des marchandises au-delà du chemin de fer ; c’est, enfin, la reconstitution ou la réorganisation de la poste aux chevaux.
Messieurs, sur le premier point, je ne saurais admettre l’argument de l’honorable ministre des travaux publics. Il vous a dit : Il est essentiel que le gouvernement crée lui-même ce service de paquebots ; car bientôt, lorsque les chemins de fer seront faits en France, les voyageurs seront attirés vers Calais. Messieurs, ils ne seront attirés vers Calais qu’à une condition ; c’est qu’il ne se trouve pas de moyens de transport en Belgique ou qu’il y ait quelque intérêt que nous ne comprenons pas pour le moment, qui attire plutôt les voyageurs vers Calais. Ce ne sera certainement pas, à raison du manque de paquebots de l’industrie particulière ; car, s’il y a moyen de trouver l’intérêt des capitaux, on fera des paquebots et on fera le service pour lequel M. le ministre des travaux publics vient nous demander des subsides.
Ou bien M. le ministre des travaux publics vient nous dire qu’il ne pourra obtenir la préférence pour la voie de Calais qu’au moyen de grands sacrifices, c’est-à-dire que le gouvernement transporterait presque gratuitement de Londres à Anvers les voyageurs et les marchandises. Ah ! si c’est là qu’on veut arriver, je vous avoue franchement, messieurs, que la question mérite un examen, mais un examen en temps utile. Quand le chemin de fer de Paris à Calais sera entièrement achevé, si alors, dans l’intérêt du chemin de fer, le gouvernement veut faire un sacrifice pour amener les (page 1242) marchandises et les voyageurs vers la Belgique, eh bien, nous discuterons le sacrifice qu’il importe de faire subir au trésor pour avoir cette amélioration : mais aujourd’hui, restant dans les termes ordinaires, je ne vois pas pourquoi nous devons supposer que l’industrie particulière sera insuffisante pour fournir les moyens de transports nécessaires.
Le deuxième point, messieurs, est le transport des marchandises et des voyageurs en dehors de la ligne des chemins de fer. M. le ministre des travaux publics vous a dit qu’il manque des affluents au chemin de fer. Messieurs, il n’y a des affluents au chemin de fer qu’à une condition, c’est qu’il y ait intérêt à affluer vers le chemin de fer. Si cet intérêt existe, comment supposer que l’industrie particulière ne viendra pas y pourvoir ? Avons-nous vu qu’avant l’établissement du chemin de fer, les diligences vinssent à manquer, que les moyens de transport fissent défaut ? Bien certainement non. Eh bien, aujourd’hui, je suis convaincu qu’il y a et qu’il y aura de plus en plus ce qui est nécessaire au transport des personnes et des marchandises.
Lorsque dans cette enceinte nous discutions la question de l’exploitation des chemins de fer par l’Etat, voici les prédictions qu’on a faites, on a dit : « Le gouvernement ne sera pas plus tôt maître de l’exploitation des chemins de fer, il n’aura pas plus tôt ce monopole qu’il voudra l’étendre à beaucoup d’autre services. »
Eh bien, messieurs, l’expérience a été faite, comme je l’ai dit tout à l’heure ; quelle soit bonne, qu’elle soit mauvaise, je ne veux pas discuter ce point maintenant ; je respecte ce qui est ; tant d’intérêts se rattachent aujourd’hui à ce qui est que moi, qui ai combattu dans le temps l’exploitation du chemin de fer par le gouvernement, j’hésiterais, et j’hésiterais longtemps avant de donner mon assentiment à ce que cette exploitation sortît des mains du gouvernement. Mais c’est bien assez qu’il ait l’exploitation du chemin de fer ; et venir aujourd’hui s’emparer des routes ordinaires des diligences, se faire, en un mot, entrepreneur de transports de tout genre, c’est ce que, pour mon compte, je ne lui permettrai pas de faire, c’est ce à quoi je ne consentirai jamais.
Pour ne pas vous fatiguer trop longtemps, je passe, messieurs, au troisième point, à l’organisation de la poste aux chevaux.
Ici, messieurs, une distinction est nécessaire ; s’il s’agit de réorganiser la poste aux chevaux sur les lignes qui ne sont pas desservies par le chemin de fer, j’y consens volontiers, car jamais la poste n’a été bien organisée ; mais s’il s’agit d’organiser la poste parallèlement au chemin de fer, alors, messieurs, je ne saurais consentir à donner un centime pour ce service, attendu qu’il est parfaitement inutile. S’il est un pays au monde où l’on ne doit pas songer à avoir une communication particulière en dehors du chemin de fer par la poste, c’est bien certainement la Belgique, où les villes se touchent, où au moyen des voitures de louage, on peut se transporter de ville en ville dans le cas où un accident bien improbable d’ailleurs, viendrait interrompre le service du chemin de fer. Je dis que cela est improbable ; quel accident voulez-vous, en effet, qu’il arrive au chemin de fer ? Il peut arrivent un accident qui intercepte les communications pour 24 heures au plus, comme l’éboulement du tunnel de Cumptich, mais je ne pense pas qu’une plus longue interruption du service puisse avoir lieu.
Je ne vois pas pour quel motif on organiserait la poste aux chevaux sur les lignes parallèles au chemin de fer. L’industrie privée se chargera parfaitement de servir les intérêts particuliers qui voudront user d’un autre moyen de transport que le chemin de fer. Si quelqu’un d’entre nous voulait tout à l’heure aller à Anvers autrement que par le chemin de fer, mais au moyen de chevaux de louage il pourrait s’y transporter en 4 heures et demie. Et parce qu’une semblable fantaisie pourrait venir à l’imagination de quelque individu, faudrait-il pour cela établir et maintenir une ligne de chevaux de poste sur la route d’Anvers ? En vérité, messieurs, je ne saurais comprendre une semblable organisation de la poste.
Ah, si vous voulez parler de la poste en dehors du rayon du chemin de fer, dans le Luxembourg, par exemple, et dans d’autres parties du pays où le chemin de fer n’existe pas et où il y a un service de la poste, alors je suis parfaitement d’accord, que là il faut maintenir ce service et l’organiser mieux qu’il ne l’est maintenant. Les fonds que le gouvernement demandera dans ce but, je serai prêt à les accorder.
En résumé donc, messieurs, la loi ne me satisfait en aucun point. Je ne veux pas, pour le moment, un service de paquebots à vapeur aux frais du gouvernement ; je ne veux pas non plus que le gouvernement se charge du transport des marchandises et des voyageurs sur les routes ordinaires, et je ne veux l’organisation de la poste que là où le chemin de fer ne fait pas le transport des hommes et des choses.
M. d’Elhoungne – Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis en ce moment ne me satisfait pas plus qu’il ne satisfait l’honorable préopinant mais il y a cette différence entre l’honorable orateur et moi que ma réprobation ne s’étend pas à tous les chapitres de la loi. Il y a aussi une grande différence entre la proposition que fait M. le ministre des travaux publics d’organiser un service de paquebots entre Ostende et Douvres, et la proposition qu’il fait relativement à l’organisation de messageries aux frais du gouvernement et touchant la réorganisation de la poste aux chevaux.
L’organisation d’un service de bateaux à vapeur est une continuation du système déjà existant chez nous, du transport des dépêches par le gouvernement. C’est la continuation du service de la poste aux lettres, dont le gouvernement a le monopole et qu’il reprendra à Ostende pour le continuer jusqu’en Angleterre. Il n’y a là, messieurs, aucun principe inappliqué, aucune innovation dont nous ne puissions calculer et la portée et les conséquences.
Il y a, messieurs, une utilité très-grande pour le gouvernement à donner cette nouvelle application au système déjà existant pour le transport des lettres. Ce sera pour lui un moyen d’utiliser la marine de l’Etat que nous payons actuellement sans pouvoir en retirer les services qu’elle est susceptible de rendre. En organisant ce service, le gouvernement offrira aux voyageurs toutes les facilités possibles pour les visites de douane, ce qui est certainement l’attrait le plus puissant pour attirer les voyageurs plutôt à travers notre pays que par tout autre. Cette mesure permettra en outre au gouvernement d’utiliser le personnel qu’il a déjà à Ostende à la station du chemin de fer. Elle remplacera par un service quotidien un service qui ne l’est pas aujourd’hui, et elle donnera l’occasion, je l’espère, à l’industrie métallurgique de montrer à l’Europe qu’en fait de construction de bateaux à vapeur, elle n’est pas au-dessous de l’industrie anglaise.
J’admettrai donc, messieurs, l’article de la loi qui consacre l’établissement d’un service de bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres.
Quant au deuxième point, messieurs, dont s’occupe le projet de loi quant à la question de savoir s’il faut maintenir et réorganiser la poste aux chevaux, je n’admettrai, comme l’honorable préopinant, la nécessité de maintenir la poste aux chevaux et de la réorganiser, que là où le service du chemin de fer ne vient pas satisfaire à tous les besoins de la circulation des voyageurs et des marchandises, et surtout, messieurs, je repousse énergiquement la base même de la loi qu’on nous propose ; j’en répudie le principe qui est un principe éminemment injuste, bien qu’il soit consacré par la loi du 15 ventôse an XIII. Messieurs, on veut réorganiser la poste aux chevaux en procurant au gouvernement les ressources financières nécessaires au moyen de l’indemnité consacrée par la loi de ventôse. Mais cette indemnité est la plus révoltante des injustices ! Par ce système, vous auriez la poste aux chevaux payée par ceux qui ne s’en servent pas, au profit de ceux qui s’en servent ! Vous auriez, de plus, les messageries desservies aux frais de l’Etat qui ne payeraient pas l’indemnité, et cela au détriment de ceux qui ne se servent ni de la poste aux chevaux ni des messageries de l’Etat.
M. le ministre des travaux publics, dans son exposé des motifs et dans les considérations qu’il nous a soumises tout à l’heure, nous a présenté un tableau extrêmement tentant de ce que seront le messageries que le gouvernement projette. Eh bien, ce seraient précisément ceux qui ne pourront pas jouir de ces messageries gouvernementales si attrayantes, si confortables, qui devront payer l’indemnité. Je dis que ce serait l’injustice flagrante.
Il ne faut pas perdre de vue qu’à l’époque où la loi de ventôse a été faite, tous les services de transports, presque tous les moyens de transport étaient anéantis. C’est surtout dans un intérêt gouvernemental et administratif, pour assurer le service des dépêches et des agents du pouvoir exécutif, que l’on a organisé la poste aux chevaux. Les ressources financières se trouvant à cette époque singulièrement restreintes, il était naturel et il n’était pas injuste d’assurer l’existence et le service de la poste aux chevaux à l’aide d’une taxe imposée aux voyageurs usant des messageries ordinaires, jointe aux bénéfices que les maîtres de poste pourraient réaliser sur le transport des voyageurs riches. Mais les circonstances dans lesquelles la loi de ventôse a été portée n’existent plus. Tout est changé, bien changé. Aujourd’hui, si la poste aux chevaux doit être maintenue et réorganisée, d’abord elle ne doit l’être que dans les parties du pays où le chemin de fer ne s’étend pas, et ensuite elle ne peut l’être que comme service public.
Or, comme tel, ce service doit être payé comme on paye tous les autres services publics ; mais il faut rejeter bien loin, il faut proscrire l’indemnité consacrée par la loi de ventôse, qui est évidemment injuste, évidemment abusive. Quoi ! messieurs, les parties du pays qui ont payé le chemin de fer et qui n’en profitent pas ; des parties du pays qui contribueraient à payer les messageries nouvelles du gouvernement et qui n’en useraient pas ; ce seraient elles qui payeraient exclusivement l’indemnité ! Nous ne pouvons sanctionner un pareil système.
Faut-il, en troisième lieu, investir le gouvernement du droit qu’il vient demander, d’établir des messageries pour compte de l’Etat ? Je vous avoue, messieurs, que je trouve cette question pleine de difficultés et de dangers. Déjà plusieurs orateurs ont démontré que, par la combinaison des différents articles du projet de loi, il s’agit d’accorder au gouvernement un véritable monopole. Et le gouvernement sait si bien que ce doit être un monopole ; et c’est tellement cette pensée à laquelle il obéit, involontairement peut-être, qu’il considère le nouveau système comme devant servir de dédommagement aux maîtres de poste dont l’industrie, dit-on, est aujourd’hui périclitante.
Mais d’abord, messieurs, entendons-nous bien. Si l’on ne considère les maîtres de poste qu’au point de vue de l’industrie, je demanderai si vous allez décréter le principe de l’indemnité pour toutes les industries qui ont souffert par suite de l’établissement du chemin de fer. Car ce ne sont pas seulement les maîtres de poste dont les intérêts se trouvent lésés par l’établissement du chemin de fer : il y a des localités toutes entières qui sont en quelque sorte mises en dehors du mouvement des affaires, en dehors de la vie industrielle et commerciale du pays, par l’établissement du chemin de fer.
Irez-vous également les indemniser avec toutes leurs ressources neutralisées, avec tous leurs intérêts compromis ? Messieurs, c’est là une question considérable qu’on ne peut pas résoudre ici incidemment, par un article de deux lignes.
M. le ministre dira : « Un motif financier milite en faveur de l’établissement d’un service de messageries aux frais de l’Etat, parce qu’il faut au chemin de fer des affluents ; or, le service des messageries, qui forment aujourd’hui des affluents, est très-mauvais. »
(page 1243) Mais savez-vous quelle est la principale cause du délabrement des services de messageries sur les routes qui sont en communication directe avec le chemin de fer ? C’est précisément l’indemnité postale qui pèse sur ces services : voilà pourquoi les affluents sont pitoyablement desservis et peu nombreux ; voilà pourquoi les entreprises y viennent échouer les unes après les autres.
Le gouvernement veut maintenir le principe de l’indemnité, le principe de destruction ; et tout en face il veut poser le principe facilement victorieux de messageries établies aux frais de l’Etat. N’est-ce pas aller inévitablement au monopole ? N’est-ce pas décréter le monopole sous un voile trop transparent pour qu’on s’y trompe ?
M. le ministre a objecté que si véritablement l’industrie privée se trouvait mise en danger, nous serions assaillis de réclamations. Mais ce principe a été en quelque sorte faufilé dans le projet de loi ; on ne l’a peut-être ni suffisamment aperçu, ni suffisamment sondé. D’ailleurs on ne l’a pas vu en action. Attendez que l’Etat ait institué ses messageries qui viendront déposséder les entreprises existantes, et des plaintes surgiront de toutes parts, et cette enceinte en retentira.
Messieurs, de quelque façon qu’on envisage la loi, il est impossible d’imaginer une loi plus mal digérée, pardonnez moi cette expression. Déjà la loi de ventôse demandait à être refondue. Elle donne lieu à des difficultés nombreuses, à des procès incessants, à des vexations de tous genres. Avant de réorganiser la poste, il faudrait revoir la loi qui a institué ce service ; or, le projet en discussion laisse tout dans l’état où il se trouve. Je me trompe, messieurs ; le projet laissant debout tous les abus, tous les inconvénients, tous les griefs, vient consacrer la plus dangereuse des innovations, à savoir, l’attribution au gouvernement des pouvoirs les plus étendus. Il donne au gouvernement le droit d’organiser des services de messageries comme il l’entendra et où il l’entendra ; il lui permet de réorganiser comme il voudra et sur toutes les lignes qu’il choisira, le service de la poste aux chevaux ; il lui accorde enfin la faculté illimitée d’accorder des subventions aux maîtres de poste, sans déterminer d’après quelles règles, dans quels cas, dans quelles proportions et sous quelles garanties !
Messieurs, je suis disposé, je le répète, à voter la première partie de la loi. Quant aux autres dispositions du projet, elles ne pourront obtenir mon assentiment, à moins qu’elles ne soient complètement modifiées.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, le projet de loi qui vous est soumis a soulevé de nombreuses objections de la part des orateurs qui m’ont précédé. Comme je lui ai donné mon approbation dans le sein de la section centrale, je tiens à faire connaître les considérations qui m’ont dirigé.
Je commencerai par m’occuper des art. 1er et 2 du projet qui ont été le plus vivement combattus. On ne veut pas, dit-on, que le gouvernement devienne entrepreneur d’industrie.
En règle générale, le gouvernement ne doit pas se faire entrepreneur d’industrie ; je suis aussi d’avis que ce principe, défendu par tous les économistes, ne doit pas être trop facilement violé. Mais cette règle générale, on doit le reconnaître, subit partout de nombreuses exceptions. Dans tous les Etats, le gouvernement est entrepreneur de certaines industries. En France, par exemple, le gouvernement est entreteneur de l’industrie de la porcelaine dite de Sèvres, de celle des tapis des Gobelins ; il a le monopole de la fabrication du tabac, des cartes à jouer, de la poudre. En Autriche, en Prusse, le gouvernement est aussi à la tête de différents établissements modèles ; en Prusse même, comme le fait observer l’honorable M. Rogier, il exploite toutes les messageries.
Vous voyez donc que ce principe qu’on craint de voir violer dans cette circonstance subit partout de nombreuses exceptions.
Mais le pays où il subit l’exception la plus prononcée, c’est évidemment la Belgique. Là, on n’a pas craint, et je crois qu’il est peu de personnes tentées de revenir sur cette grande décision, on n’a pas craint d’accorder au gouvernement l’exploitation entière des chemin de fer, du transport, sur la plus vaste échelle des hommes et des choses. Or, messieurs, la proposition qui vous est faite en ce moment n’est, en quelque sorte, q’un corollaire de cette importante résolution.
Si l’Etat vient à établir de nouveaux chemin de fer, vous n’hésiterez pas plus que la première fois, à en confier l’exploitation au gouvernement ; bientôt il faudra réclamer, par exemple, l’exploitation du chemin de fer de Jurbise. Eh bien, je pense que si le projet de loi présenté à cet égard, est combattu, l’opposition qu’on lui fera, ne portera nullement sur la faculté demandée par le gouvernement quant à l’exploitation, mais bien sur l’intervention d’une compagnie dans la construction.
Ah ! si, comme semblait le désirer tout à l’heure un honorable préopinant, nous n’avions pas accordé à l’Etat l’exploitation du chemin de fer, si cette exploitation appartenait à une compagnie, on serait, je l’avoue, mal fondé à venir nous proposer d’autoriser le gouvernement, non pas à se créer un monopole, mais à établir des messageries, là où l’insuffisance de l’industrie privée sera évidemment démontrée. Mais vous avez permis à votre gouvernement d’effectuer le transport de 3 ou 4 millions de voyageurs par année, et maintenant vous trouvez étrange, exorbitante, la demande qu’il faut d’être autorisé à en transporter 50 ou 100 mille de plus ? Peut-on douter de l’insuffisance de l’industrie privée, en ce qui concerne les messageries sur les routes qui affluent au chemin de fer et dans les provinces qui en sont éloignées ; cette insuffisance, n’est-elle pas démontrée de la manière la plus complète dans l’exposé des motifs du projet ? Je puis y joindre le témoignage de mon expérience personnelle. Oui, les services des messageries sur la plupart des routes affluentes au chemin de fer sont, comme le dit le gouvernement, des services délabrés, sans fixité, ne coïncidant en aucune manière avec les arrivées et les départs des convois du chemin de fer ; il y a donc là nécessité d’y porter remède.
Du reste, le gouvernement veut-il le monopole ? Non. Le gouvernement laissera subsister les services qui répondent à toutes les exigences. D’après la déclaration qui est consignée dans l’exposé des motifs, le gouvernement ne demandera pas mieux que de maintenir de pareils services, de les aider au besoin, par des subventions. Ainsi la disposition qu’il s’agit de voter, s ‘applique uniquement aux cas où il y aurait insuffisance de la part de l’industrie privée. Or, il faut convenir que ce serait réellement pousser trop loin le principe de la non-intervention du gouvernement, que de vouloir que, même dans ces circonstances, l’administration ne vînt pas en aide, là où il y a nécessité de le faire et dans l’intérêt du chemin de fer et dans l’intérêt des populations.
Il ne s’agit donc nullement ici de détruire l’industrie privée ; il s’agit simplement de lui substituer le gouvernement là où l’insuffisance de celui-ci sera évidente ; il s’agit surtout d’augmenter les revenus du chemin de fer, les revenus du trésor public. D’ailleurs, comme l’a dit M. le ministre des travaux publics, l’industrie privée n’a pas réclamé contre les propositions qui vous sont faites ; c’est une preuve évidente qu’elle ne s’en est pas effrayée ; cependant vous savez qu’il n’est presque pas de projet de loi touchant à des intérêts particuliers qui ne provoquent de nombreuses pétitions. Ici pas une seule réclamation n’a été produite.
Nous avons aussi une garantie que le gouvernement n’abusera pas des dispositions qu’il demande ; c’est qu’il devra rendre un compte annuel aux chambres. Chaque année il portera au budget les sommes qui lui seront nécessaires, et là, naturellement, on aura le droit de contrôler la manière dont il applique la loi.
L’honorable M. Lys a prétendu que le projet de loi serait plutôt contraire que favorable aux contrées qui n’ont pas de chemin de fer. J’avoue que si je croyais que le projet a cette portée, je ne le défendrais pas, car il serait injuste, selon moi, d’aggraver encore la situation des parties du pays qui ne jouissent pas du bienfait du chemin de fer. Mais, messieurs, le projet de loi aura, au contraire, pour résultat de relier ces contrées à notre chemin de fer, à cette grande artère du pays. C’est là un des avantages résultant de l’art. 2 du projet. S’il n’était pas appliqué dans ce sens, il me semble que le gouvernement manquerait à ce qu’il doit à ces parties du pays. Je serais charmé cependant d’avoir à cet égard une explication de M. le ministre des travaux publics.
On a aussi critiqué beaucoup l’art. 1er du projet, c’est-à-dire celui qui autorise le gouvernement à établir un service de paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres. Là, dit-on aussi, s’il y a des bénéfices à obtenir, l’industrie privée s’empressera de les recueillir, et la correspondance que vous désirez établir ne manquera pas d’être établie par des sociétés. Eh bien, jusqu’à présent cependant on n’a pas obtenu un service de paquebots régulier entre Ostende et Douvres, ce passage si essentiel pour la Belgique, depuis la construction de son chemin de fer. La compagnie qui exploite actuellement ce service, ne fait que deux voyages par semaine ; le service de l’office britannique n’est organisé que pour le transport de la pêche.
Quant à l’utilité de ces bâtiments, il me semble qu’il est impossible de révoquer en doute. Un service régulièrement établi, partant à heures fixes, correspondant d’une part avec notre chemin de fer, d’autre part avec celui de Douvres à Londres, doit naturellement attirer les voyageurs qui se rendent d’Angleterre vers le centre de l’Allemagne.
L’influence de cet établissement sur les transports du chemin de fer sera donc considérable ; elle lui assurera le transit des nombreux voyageurs anglais qui se rendent vers le centre de l’Allemagne et réciproquement. Or, on sait que les voyageurs de long cours et de 1er classe sont ceux qui présentent le plus d’avantages pour les produits du chemin de fer. D’un autre côté, comme le reconnaissait l’honorable M. d’Elhoungne, qui n’est cependant pas favorable au projet de loi, la construction de plusieurs bateaux à vapeur par notre industrie métallurgique sera avantageuse et une démonstration évidente et victorieuse de ce qu’elle peut faire dans ce genre de construction. Veuillez remarquer ensuite, messieurs, que ce n’est pas une innovation qu’on vous propose. En effet, en France, il existe de nombreux services de paquebots à vapeur, exploités par le gouvernement. Depuis près de dix ans, le gouvernement français a établi, pour le transport des voyageurs, des services bien autrement importants que celui qu’on vous propose. Ces services parcourent en tous sens la Méditerranée, en mettant Marseille en rapport avec les ports de l’Italie et du Levant. Le gouvernement français s’en trouve très-bien et songe maintenant à établir un service de paquebots entre Calais et Douvres. C’est encore là, messieurs, une considération qui doit nous engager à nous montrer favorables au projet de loi.
Quant à la question des dépenses, et au résultat financier de l’entreprise, des honorables membres ont pris, je le suppose, connaissance d’un rapport qui figure après l’exposé des motifs du projet de loi. Dans ce rapport, d’après des calculs, qui sont si peu exagérés que tout à l’heure M. le ministre a cru pouvoir les quadrupler, le bénéfice de l’entreprise serait très-considérable et dépasserait 15 p.c.. D’après ce rapport, à la page 45 de l’exposé des motifs, la dépense annuelle serait de 221,320 fr., et la recette de 362,300 fr., excédant 141 mille francs. Ce résultat est calculé d’après un nombre de voyageurs de 14,600 par année, ce qui est évidemment au-dessous de la réalité, puisqu’en 1843, alors qu’il n’y avait pas de service régulier, le nombre de voyageurs entre Douvres et Calais a été de 16,700 et qu’en 1844, il a été de 32,000. En France, à Boulogne, depuis qu’il y a un service de paquebots réguliers entre ce port en l’Angleterre, le nombre des voyageurs s’est élevé à plus de 60,000 annuellement.
(page 1244) Dès lors, on peut considérer les calculs du rapport comme trop modérés et compter que les revenus de l’entreprise seront plus considérables qu’on ne le prévoit dans l’exposé des motifs.
Quant à l’établissement des messageries, envisagé du point de vue financier, d’après les calculs qu’on vous a donnés, cet établissement serait également avantageux. D’après le gouvernement, la dépense serait de 360,000 francs, et la recette de 530,000 fr., différence en plus 170,000 fr. Ces calculs, je les trouve dans les pièces jointes à l’exposé des motifs. Nous n’avons eu, à la section centrale, aucune donnée pour en apprécier la justesse, mais ils sont faits sur une moyenne de cinq voyageurs par voyage de diligence, et ce nombre ne me paraît pas non plus exagéré.
Le projet de loi a pour but d’établir un fonds spécial.
M. le ministre des travaux publics nous a dit tout à l’heure que ce système était celui qui lui paraissait préférable pour obtenir la réorganisation de la poste aux chevaux, que sans cela le sacrifice deviendrait beaucoup trop considérable pour l’Etat.
Or, quant à ce qui concerne la conservation de l’institution de la poste aux chevaux, je pense qu’on doit être d’accord sur ce point, qu’elle est indispensable. Aussi, dans la section centrale ne s’est-il élevé aucune objection à cet égard. Le rapport sur le premier projet qui a été présenté sur cet objet, rapport qui a été fait par notre honorable président, démontre à l’évidence toute l’utilité de cette institution.
Il est vrai que l’honorable M. Meeus nous a dit que, quant à lui, il envisageait cette institution comme complètement inutile sur les grandes lignes parallèles au chemin de fer. Je pense, quant à moi, que si on veut que la poste aux chevaux ait toute l’utilité dont elle est susceptible, il faut la maintenir sur toutes les routes principales du pays, sauf à la réduire au strict nécessaire sur certaines lignes. Les convois du chemin de fer qui circulent entre les villes ne partent que trois ou quatre fois par jour. Dans l’intervalle, on se trouverait sans moyens rapides de transport. Les convois ne partent pas non plus dans la nuit ; on ne trouverait donc pas alors non plus de moyen facile de communication entre les différentes parties du royaume. C’est là, notez-le bien, un grave inconvénient, car une voiture particulière ne peut pas avoir la même rapidité que les relais de la poste. Par exemple il n’y a pas longtemps une personne apprit dans la soirée que son père se trouvait à toute extrémité à Malines ; sans la poste aux chevaux, cette personne aurait dû peut-être attendre au lendemain, ou bien s’acheminer fort lentement vers Malines.
Or, cet exemple pourrait s’appliquer à des villes plus éloignées, entre elles ; alors les voitures particulières ne peuvent nullement remplacer pour la célérité les relais de postes.
Quoi qu’il en soit, la question de la conservation de la poste aux chevaux se résume en un sacrifice d’argent. Il s’agit de savoir si le pays veut faire le sacrifice nécessaire pour jouir des avantages d’une semblable institution, ou veut la laisser périr. En France, cette question est discutée aussi, et jusqu’à présent on n’a pas un instant révoqué en doute qu’il faille conserver la poste aux chevaux. D’après le projet qui vous est présenté, le sacrifice d’argent ne sera pas considérable pour l’Etat. Et je ne parle pas même du fonds spécial, mais des articles qui se rapportent exclusivement à la poste. Si, d’un côté, l’Etat doit accorder des subventions aux maîtres de poste ; d’un autre côté, il percevra l’indemnité de 25 centimes.
Les maîtres de poste, dans un mémoire qu’ils ont présenté au ministre des travaux publics, disent qu’avec 288 mille francs l’Etat pourrait subvenir à la subvention qu’ils réclament. Le gouvernement réduit cette somme à 250 mille francs. En compensation, il percevra donc l’indemnité de 25 centimes qui depuis l’an XIII a été perçue par les maîtres de postes. Cette indemnité montait autrefois à 330,000 fr. En 1842, elle est descendue à 265,000 fr. En 1843, elle n’était plus que de 210 mille fr. Les maîtres de postes dans leur mémoire disent qu’elle descendra à 180 mille francs ; le gouvernement pense qu’elle atteindra encore 200,000 fr.
Je suis porté à croire que cette somme est trop élevée ; d’autant plus qu’on songe à établir des lignes de chemin de fer dans beaucoup de directions nouvelles.
Mais en réduisant la recette à 150 mille fr., le sacrifice pour l’Etat ne serait plus que de 100,000 fr. Au reste, quand nous serons arrivés à l’article relatif à l’indemnité de 25 centimes, nous pourrons examiner, si, comme le proposent plusieurs orateurs, la chambre veut priver le trésor de cette ressource au moment où il s’agit de faire un sacrifice de plusieurs centaines de mille francs.
Ce serait là, du reste, un nouvel argument en faveur du fonds spécial. Mais en compensation de ce sacrifice de 100,000 fr. que j’ai indiqué, vous allez assurer des moyens rapides de communication entre toutes les parties du pays ; la poste aux chevaux va être réorganisée et mise à la portée de la classe moyenne, tandis que jusqu’ici, à cause de ses prix élevés, elle n’a été qu’une institution purement aristocratique. Elle sera encore un utile auxiliaire pour le transport des lettres et du chemin de fer.
En résumé, le projet de loi qui vous est soumis, me semble avantageux pour les intérêts matériels du pays. Au lieu d’être onéreux pour le trésor, il créera de nouvelles ressources puisque, d’après les calculs qui ont été présentés et auxquels je croirai, aussi longtemps qu’ils n’auront pas été réfutés, le bénéfice sur l’ensemble des services à établir sera de 200 mille fr. non compris les avantages indirects qu’il procurera. J’espère donc que ce projet obtiendra l’assentiment de la chambre.
M. Eloy de Burdinne – J’ai eu l’honneur aussi de faire partie de la commission chargée d’examiner le projet de loi. Je n’y ai pas donné mon assentiment, comme l’a fait l’honorable préopinant, parce que j’ai cru ne pouvoir imposer des charges à des localités pour en favoriser d’autres. Je trouve injuste de frapper les voyageurs des routes empierrées pour indemniser une industrie qui, si elle doit être maintenue, devrait l’être par ceux qui ont créé sa gêne, qui l’on déplacée. Je crois (j’ai toujours été de cette opinion) que celui qui nuit à autrui doit réparer le mal qu’il fait. Or qui a anéanti la position des maîtres de poste des lignes parallèles au chemin de fer ? C’est la concurrence du chemin de fer. Si, pour les indemniser, vous augmenteriez le prix des places sur le chemin de fer d’un centime par kilomètres pour les voyageurs des diligences et des chars à bancs (j’excepte les waggons), je crois que cela suffirait, et personne n’aurait l’idée de se plaindre.
Je partage l’opinion des honorables MM. Meeus, Lys et d’Elhoungne, en ce qui concerne l’établissement d’une correspondance à vapeur entre Ostende et Douvres. Comme l’a dit l’honorable M. d’Elhoungne, c’est un moyen de prolonger notre chemin de fer. Mais en adoptant ce point de départ, il n’y a pas de raison pour qu’on s’arrête. Quand nous aurons prolongé notre chemin de fer d’Ostende à Douvres, on viendra vous proposer de le prolonger de la même manière vers l’Allemagne, vers l’Amérique, vers Guatemala. Et quelle gloire pour la Belgique d’avoir prolongé son chemin de fer jusqu’à Guatemala ! (On rit.)
Je crois pouvoir me dispenser de réfuter l’honorable ministre des travaux publics, qui a cherché à prouver qu’il était indispensable d’avoir des correspondances avec les stations au moyen de voitures confortables. Mais soyez-en persuadés, l’industrie, s’il y avait quelque chose à gagner, ne se ferait pas faute de voitures très-confortables ; mais on n’a à transporter que des voyageurs qui payent une bagatelle ; souvent les voitures sont vides ; les bénéfices sont bien modestes. Heureux quand il n’y a pas de perte ! Car ces entreprises qui desservent les stations ont souvent à lutter contre une concurrence, et elle font très-peu d’affaires. Si maintenant vous faites payer 25 c. par individu, ce sera le moyen d’avoir le monopole de ces transports mais à quel prix ? M. le ministre transportera les voyageurs à perte ; il fera supporter la perte par le contribuable, par celui même qui ne voyage pas.
A la vérité, M. le ministre des travaux publics nous a fait un tableau enchanteur, entraînant, lorsqu’il a dit que, pour un million de dépenses en bateaux à vapeur, nous aurions un produit de 400,000 fr. mais ne fut-il que de 200,000 fr., que dis-je, ne fût-il que de 100,000 fr., l’industrie du pays ne manquerait pas d’établir cette correspondance. Comment, 400,000 fr ? Mais c’est de l’argent à 40 p.c. Or à 10 p.c. même, je crois que l’industrie ne manquerait pas de faire ces bateaux à vapeur.
M. de Mérode – Elle aurait des droits de ports à payer ; les bâtiments de l’Etat en sont exempts.
M. Eloy de Burdinne – Je les évalue à 100,000 fr. reste un produit de 30p.c. ; ce qui est sans doute bon à prendre.
Les calculs de nos hommes d’Etat ressemblent un peu, il faut en convenir, aux rêves de la laitière de Lafontaine.
On a dit que nous avons bien accordé au gouvernement l’exploitation de nos chemins de fer. Cela est vrai. Mais avons-nous bien fait ? Sous certains rapports, je réponds : Oui ; sous d’autres, je réponds : Non. Comment ! le gouvernement dépense pour l’exploitation 50 p.c. de son revenu, quand une société exploite en ne dépendant que 30 p.c. Voilà donc 20 p.c. que le gouvernement dépense inutilement.
Croyez-moi, un gouvernement prudent ne se charge pas d’industrie. Laissez l’industrie aux industriels ; car tout ce que fait un gouvernement, il le fait à grands frais.
Dans le premier projet de loi que nous avons examiné, il y a longtemps, on avait voulu grever d’un impôt les voitures qui desservent les stations.
Depuis lors, on a trouvé bon de décharger les habitants des villes pour faire payer ceux des campagnes. C’est assez l’ordinaire. C’est toujours sur eux que l’on frappe. Mais quand il s’agit de faire quelque chose à leur avantage, alors il n’y a plus personne au logis.
A cet égard j’ai une interpellation à faire à M. le ministre des travaux publics. Il a dit qu’il faut augmenter les affluents des stations du chemin de fer. Je suis de son avis. C’est le moyen de lui donner plus de vie ; comme il est très-malade, c’est assez nécessaire. Mais comment, convaincu de cette nécessité, laisse-t-il depuis cinq ans dans les cartons les études d’un chemin décrété de Hannut à la station de Landen ?
Par le motifs que je viens d’indiquer ici, comme dans le sein de la commission, je voterai contre le projet de loi.
M. Malou – Je ne reviendrai pas sur tout cette discussion. Mon intention est seulement d’ajouter deux ou trois observations qui m’avaient échappé tout à l’heure.
D’abord, quant à la réorganisation de la poste aux chevaux, ou elle se fera de manière à maintenir les relais de poste où ils sont utiles, ou elle se fera de manière à maintenir les relais de poste où ils sont inutiles et où ils sont inutiles à cause des chemins de fer. Dans ce dernier cas, il est évident que vous créez un impôt, une rétribution indirecte sur une bonne affaire pour venir au secours d’une mauvaise. Si, au contraire, vous maintenez la poste où elle est nécessaire, si vous la supprimez où elle est inutile, je demande pourquoi on s’ingénierait à trouver des moyens pour faire durer la poste ; elle durera par elle-même, puisqu’elle existera seulement où elle sera utile.
Quant à l’intervention du gouvernement dans les messageries, je ferai une observation analogue : le gouvernement exploitera les bonnes lignes ou les mauvaises lignes. S’il exploite les bonnes, il est évident qu’il se substitue à une industrie sérieuse, viable, qui fait concurrence à des services utiles. Si, au contraire, il supplée à l’industrie particulière, s’il ne prend que les mauvaises lignes, je me demande comment l’affaire pourra être bonne pour lui.
(page 1245) En réalité, il s’agit de donner au gouvernement le droit de remplacer partout l’industrie des transports qui existe aujourd’hui. On a démontré à satiété, que par cela seul qu’il a ce pouvoir, le gouvernement doit dans un bref délai, arriver au monopole des transports.
On fait des calculs très-séduisants sur les bénéfices à faire ; on a été jusqu’à 40 p.c.. Quand le trésor a besoin d’argent, il crée des impôts ; c’est pour lui la seule manière d’avoir de l’argent. Ici on établir un impôt sur une industrie au profit d’une autre, sans que le gouvernement puisse réaliser un bénéfice. On constitue un fonds spécial ; mais le gouvernement prend toutes les mauvaises chances : plus vous gagnerez de l’argent, plus vous en aurez à distribuer aux maîtres de poste ; vous serez complètement désintéressé s’il y a bénéfice ; vos intérêts seront complètement compromis s’il n’y en a pas.
J’ai peu de foi (je ne veux pas invoquer les précédents) dans ces beaux calculs de bénéfices. Le bénéfice ne fût-il que de moitié, que certainement il aurait déjà été réalisé par l’industrie particulière.
M. le ministre me fait observer que sur ce point il a répondu. Mais est-il quelqu’un qui puisse admettre que la différence qui existera pour le gouvernement sera de 4 à 40 p.c. d’intérêt ?
Je disais que j’ai peu confiance dans ces calculs ; que, si le principe du projet était admis, je demanderais qu’il fût stipulé que le fonds spécial dût se suffire à lui-même. Sinon, malgré tous les bénéfices annoncés, on viendra demander que le fonds spécial soit subsidié par le budget. Si le principe doit passer, je demande au moins que le budget soit rendu indemne de toutes les chances qui pourraient en résulter.
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