(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 726) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners fait connaître l’analyse des pétitions suivantes :
« Les sieurs Pirquin, Watelet, Bouchot, Seresia et Lebrun, fermiers de barrières sur la route de Namur à Dinant, demandent de pouvoir cesser leurs baux au 1er avril prochain. »
M. de Garcia – Vous voyez, messieurs, que cette pétition émane de plusieurs fermiers de barrières qui demandent la résiliation de leurs baux. Cette demande est motivée par le changement introduit dans le tarif du chemin de fer en ce qui concerne le transport des écorces et du sel brut, changement qui a diminué singulièrement le produit des barrières dont il s’agit. Je demanderai que cette requête soit envoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un rapport avant la discussion du budget des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
« Les membres du conseil de fabrique de l’église de St-Jacques à Anvers réclament l’intervention de la chambre pour obtenir les arriérés et les intérêts des obligations que possède cette église à charge de divers établissements autrichiens. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La veuve Dubois, garde-couches à Enghien, demande que son fils unique Nicolas-Joseph, soit exempté du service militaire. »
- Même renvoi.
« Par deux messages en date du 7 février, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi de péréquation générale de la contribution foncière et le projet de loi sur le bétail. »
Pris pour notification.
M. Mast de Vries – Messieurs, vous avez renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics quelques pétitions sur lesquelles je vais avoir l’honneur de vous faire rapport.
« La commission instituée pour le dessèchement de la vallée du Démer dite Schuelens-Brock et les conseils communaux et propriétaires de Spalbeek, Berbrack, Donck, Kermpt, Weyer, Lumoren, Herck-la-Ville, Meldere et Schuelen, demandent a ce que l’on prenne des mesures pour empêcher l’inondation de leurs propriétés qui se trouvent dans la vallée du Demer et de ses affluents, en portant au budget des travaux publics un crédit pour exécuter ces travaux. Cette demande est trop juste, les sinistres ont été si multipliés pendant le courant de l’année qui vient de s’écouler, que la section centrale ne peut que la recommander à la sollicitude du gouvernement. Elle a la confiance qu’au moyen des crédits qui sont réclamés au budget du département des travaux publics, on pourra faire droit, en grande partie, aux réclamations des intéressés.
« Ces pétitions devront rester déposées au bureau pendant la discussion, et renvoyées ensuite à M. le ministre des travaux publics. »
- Ces conclusions sont adoptées.
« La députation provinciale du Limbourg demande qu’un nouveau crédit soit porté au budget, pour l’achèvement des travaux de défense et d’amélioration à la Meuse.
« Cette allocation est réclamée par le gouvernement. La pétition sera (page 727) déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics. »
- Ces conclusions ont adoptées.
« Le conseil provincial du Hainaut demande que l’excédant du produit du canal de Mons à Condé soit appliqué à l’extension et à l’amélioration des voies de communications provinciales, et prie la chambre de hâter la discussion de la loi sur la classification des routes.
« Comme question de principes, la demande du conseil provincial du Hainaut est d’une grande importance, elle ne tend à rien moins qu’à changer complètement la législation qui existe aujourd’hui et à exclure toute idée d’amélioration pour les provinces qui n’auraient point d’excédant sur les produits des voies de navigation. La section centrale ne peut donner son adhésion à cette partie de la réclamation ; quant à ce qui est demandé pour la classification, elle vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics. »
- Ces conclusions sont adoptées.
« Plusieurs négociants de Bruxelles demandent un droit uniforme pour le port des lettres.
« Cette demande consiste à fixer à 10 centimes le port des lettres dans la même province, à 20 centimes celui du transport de province à province, et la suppression du décime rural.
« La section centrale a déjà dit quelques mots sur cette question, ne possédant aucun renseignement officiel, elle ne peut que se renfermer dans les observations faites au rapport du budget des travaux publics de cette année, en demandant le renvoi aux ministres des travaux publics et des finances pour que des explications complètes soient données à la chambre. »
M. Rodenbach – Avant la discussion du budget des travaux publics. (Assentiment.)
M. Mast de Vries – On avait renvoyé à la section centrale un grand nombre de documents qui doivent être déposés sur le bureau. J’ai l’honneur de déposer ces documents pour l’instruction des membres de la chambre.
La discussion continue sur l’art. 1er du chapitre V : « Encouragement divers pour l’amélioration de la voirie vicinale : fr. 2000 »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, quelques membres de la chambre ont exprimé le désir d’avoir des renseignements sur les centimes additionnels ordinaires et extraordinaires perçus par les provinces. Je vais donner ces renseignements. Je dois prévenir un malentendu qui pourrait résulter des explications que j’ai données hier à la fin de la séance.
Je m’occuperai d’abord des centimes additionnels perçus par les provinces.
Dans les budgets de 1845, qui ont été insérés au Moniteur en octobre dernier, les provinces ont porté des centimes additionnels, dits ordinaires, et d’autres dits extraordinaires. J’ai sous les yeux le tableau de ces centimes additionnels ordinaires te extraordinaires et des produits de chaque catégorie de centimes.
- M. le ministre de l'intérieur expose à la chambre les principaux détails résultant du tableau suivant :
Comptabilité provinciale : Centimes additionnels votés pour l’exercice 1845.
1) Province d’Anvers :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 142,539
Centimes extraordinaires : nombre : 3 ; Produits : fr. 71,269
2) Province du Brabant :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 277,191
Centimes extraordinaires : nombre : 7 ; Produits : fr. 323,390
3) Province de Flandre occidentale :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 205,707
Centimes extraordinaires : nombre : 3 ; Produits : fr. 102,854
4) Province de Flandre orientale :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 148,537
Centimes extraordinaires : nombre : 4 ; Produits : fr. 104,375
5) Province du Hainaut :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 220,716
Centimes extraordinaires : nombre : 1 ; Produits : fr. 36,786
6) Province de Liège :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 132,704
Centimes extraordinaires : nombre : 5 ; Produits : fr. 125,135
7) Province de Limbourg :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 39,356
Centimes extraordinaires : nombre : 7 ; Produits : fr. 45,915
8) Province de Luxembourg :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 31,800
Centimes extraordinaires : nombre : 23 ; Produits : fr. 137,500
9) Province de Namur :
Centimes ordinaires : nombre : 6 ; Produits : fr. 75,411
Centimes extraordinaires : nombre : 7 ; Produits : fr. 96,259
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je fais connaître ces chiffres pour que l’on sache que les provinces font de grands efforts. Je vais même jusqu’à dire que je regarde les provinces comme arrivées au maximum, quant aux centimes additionnels. La question est maintenant de savoir si, en dehors de ces centimes, on peut découvrir de nouvelles matières imposables au profit des communes. (Interruption.)
Il faudrait qu’on fît cette découverte, sinon nous devons dire que les provinces sont arrivées, dans leur budget, à peu près au maximum des efforts qu’on peut leur demander.
Vous avez vu que le produit pour le Limbourg n’est pas très-considérable.
M. Savart-Martel – Tout est relatif.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est très-vrai. Toujours est-il que le Limbourg s’impose 6 c. ordinaires et 7 c. extraordinaires, et le Luxembourg 6 c. ordinaires et 23 c. extraordinaires.
Il y aurait, pour ces deux provinces, une augmentation de revenu, par suite de l’augmentation de l’impôt foncier en vertu de la dernière loi ; mais ce ne sera pas extrêmement considérable.
Je dis donc qu’il est voté 6 c. ordinaires dans toutes les provinces et, de plus, dans les provinces de : Anvers, 3 centimes extraordinaires ; Brabant, 7 ; Flandre occidentale, 3 ; Flandre occidentale : 4 ; Hainaut : 0 ; Liége : 5 ; Limbourg, 7.
Les centimes extraordinaires ont pour objet le remboursement d’emprunts.
Six de ces centimes extraordinaires sont affectés à l’amortissement d’un emprunt.
Le produit des centimes extraordinaires est affecté au remboursement d’un emprunt éventuel ou à la construction de grandes voies de communication (Grande voirie.)
Deux de ces centimes additionnels extraordinaires sont destinés aux dépenses de l’enseignement primaire.
2 ½ centimes extraordinaires sont affectés à l’amortissement d’un emprunt.
1 centime est affecté à la voirie vicinale.
1 ½ à l’enseignement primaire.
3 centimes extraordinaires sont affectés à l’établissement de grandes communications (Grande voirie)
15 ½ centimes extraordinaires sont affectés aux travaux de routes et à couvrir des dépenses extraordinaires.
Les 7 centimes extraordinaires sont affectés à l’amortissement d’un emprunt ou à des constructions de grandes routes.
Luxembourg, 23 centimes additionnels ; Namur, 7.
Dans toutes ces provinces, on se fait illusion, on espère qu’un jour ces centimes extraordinaires viendront à disparaître. J’en doute, parce que, dans beaucoup de provinces, on n’a pas même satisfait à la loi sur l’enseignement primaire, qui exige la perception de 2 c. extraordinaires, quand les communes ne peuvent suffire à cette dépense.
Je dois en second lieu, messieurs, aller au-devant d’un malentendu que pourraient faire naître les explications données hier.
Il y a une distinction à faire pour les chemins vicinaux ; il y a les chemins vicinaux de grande communication et les chemins vicinaux ordinaires.
Le gouvernement n’intervient que dans certains chemins vicinaux de grande communication. Je vais vous donne lecture de la loi ; voici ce que porte l’article 24 :
« Lorsqu’un chemin vicinal intéressera plusieurs communes, la députation permanente du conseil provincial, après avoir pris l’avis des conseils communaux, pourra le déclarer chemin vicinal de grande communication. Elle pourra prescrire soit l’empierrement, soit le pavement en tout ou en partie, ou toute autre dépense extraordinaire, et régler le mode d’exécution et de surveillance.
« La députation permanente désigne les communes qui devront contribuer à ces dépenses, ainsi qu’aux dépenses d’entretien, et fixera la proportion dans laquelle chacun d’elles devra y contribuer, sauf recours au Roi de la part des communes intéressées, ou de la part du gouverneur de la province.
« Sauf les cas extraordinaires, aucune commune ne devra contribuer (page 728) à l’entretien ou à l’amélioration des chemins traversant le territoire d’une autre commune. »
C’est donc la députation qui déclare quel chemin vicinal est un chemin vicinal de grande communication. Le gouvernement fait un choix parmi ces chemins vicinaux de grande communication et dit qu’il interviendra pour tel et tel d’entre eux. Alors le concours s’établir entre les communes, les provinces et l’Etat. C’est ainsi que la loi a été exécutée.
Mais des explications que j’ai données hier, il ne faut pas conclure d’une manière absolue que les provinces ne se sont pas occupées d’autres chemins vicinaux que ceux pour lesquels l’Etat a accordé son concours. Ce serait une erreur.
J’ai fait un relevé des sommes portées aux budgets provinciaux, toujours pour 1845, pour les chemins vicinaux, et vous verrez que trois provinces surtout se sont occupées de chemins vicinaux autres que ceux de grande communication, ou du moins autres que ceux de grande communication pour lesquels le gouvernement accorde son concours.
Voirie vicinale. Crédits ouverts aux budgets provinciaux de l’exercice 1845.
Province d’Anvers : Crédit : fr. 9,500. En outre, une somme de 4,800 fr. est allouée pour huit inspecteurs des chemins vicinaux ;
Province de Brabant : fr. 130,000. Cette somme se compose : 1° Du produit de la taxe provinciale sur les chiens, évaluée à 80,000 fr ; 2° D’une somme de 40,000 fr. prélevée sur les fonds généraux de la province ; 3° D’une somme de 10,000 fr. qui doit être également prélevée sur les recettes générales de la province. De ces trois sommes, les deux premières sont réparties entre les communes qui s’imposent des centimes additionnels extraordinaires pour l’amélioration de la petite voirie. Ces ressources sont placées par les communes à la caisse d’épargne ou au mont-de-piété, et s’y accumulent jusqu’à ce qu’elles suffisent pour faire paver ou empierrer une certaine étendue de chemin. La troisième somme, celle de 10,000 fr., est destinée à être employée immédiatement et doit être affectée à l’amélioration immédiate de certains chemins de grande communication.
Province de Flandre occidentale : fr. 10,000. Pour ensablement et amélioration des chemins vicinaux.
Province de Flandre orientale : fr. 30,000
Province de Hainaut : fr. 100,000. Ce crédit se compose du produit de la taxe provinciale sur les chiens, lequel est évalué à 50,000 fr. et d’un prélèvement de 50,000 fr. sur les autres revenus de la province. En outre, la députation a été autorisée par le conseil à reporter sur le même article à peu près 100,000 fr. des 432,000 fr. figurant au même budget pour les routes provinciales.
Province de Liège : fr. 32,857. De plus, 29,000 fr. sont affectés au traitement des commissaires-voyers. Ce crédit se compose : 1° Du produit net d’un centime additionnel extraordinaire sur les contributions directes ; 2° Du quart du produit net de la taxe sur les chiens, lequel quart revient aux communes, à charge de l’affecter à l’entretien des chemins vicinaux. En outre, la province alloue 17,200 fr. pour les commissaires-voyers et les surveillants des travaux.
Province du Limbourg : fr. 5,000. En outre, une somme de 10,000 fr. est votée pour les commissaires-voyers.
Province de Luxembourg : fr. 28,000 : En outre, la province alloue un somme de 9,000 fr. pour les commissaires-voyers, et pour étude de travaux.
Province de Namur : fr. 10,000. En outre, il existe au budget de la province de Namur un crédit extraordinaire de 261,000 fr., provenant d’un emprunt provincial qui avait été contracté en vue de construire des routes provinciales, mais dont le conseil a résolu de distraire la somme sus indiquée, pour l’affecter à l’amélioration de chemins vicinaux de grande communication.
Vous voyez donc que plusieurs provinces vont beaucoup plus loin que l’Etat. Chacun doit avoir son point de vue ; les provinces ont leur point de vue qui n’est pas celui de l’Etat. L’Etat s’occupe des chemins vicinaux de grande communication ; la province est moins rigoureuse ; son point de vue, et je demande pardon de l’expression, est peut-être moins élevé, et elle s’occupe de presque tous les chemins vicinaux indistinctement.
Voilà la position respective de l’Etat et des provinces. Cependant il est à remarquer qu’il n’y a guère que trois provinces qui s’occupent de la question des chemins vicinaux d’une manière très-générale ; en dédaignant les allocations considérables et extraordinaires votées par les provinces de Brabant, du Hainaut et de Namur, il ne resterait guère au-delà de 150,000 francs pour les six autres provinces et pour tous les chemins vicinaux quelconques.
Le gouvernement s’occupe des chemins vicinaux de grande communication ; il fait un choix parmi ces chemins vicinaux de grande communication ; tout doit se faire, messieurs, successivement graduellement ; on a donc dû avoir certaines préférences, on a dû accorder la priorité à certains chemins vicinaux de grande communication ; pour les chemins vicinaux de grande communication auxquels il a cru devoir donner la préférence, le gouvernement intervient pour une somme à peu près égale à celle que fournissaient les provinces pour le même objet. Le gouvernement pourra être plus large et pousser plus loin ce système de préférence ou de priorité, si le subside est porté à 200,000 fr. Si la somme était portée à 500,00 fr., je crois que les provinces et les communes auraient de la peine à suivre l’Etat, à moins qu’on ne rompît les proportions auxquelles on s’est conformé jusqu’ici.
Messieurs, nos idées ont fait de grands progrès, en ce qui concerne les voies de communication. Quel a été notre point de départ, il y a quinze ans. Il y a quinze ans, on disait : l’Etat ne doit s’occuper que de grandes routes ayant un caractère éminemment national, de grandes routes dites de première classe. C’était le système de l’empire ; c’était aussi celui du royaume des Pays-Bas. Cela était notre point de départ. Nous avons trouvé que nous pouvions aller plus loin ; nous sommes descendus et nous avons dit que l’Etat devait s’occuper même des route de 2e classe, des routes qu’on considérait autrefois comme routes provinciales. Le gouvernement est dès lors intervenu dans les constructions, et même s’est chargé de la construction de routes autres que celles qu’on qualifiait autrefois de routes de 1er classe ou de routes ayant un caractère national, général.
En portant au budget de 1841 une allocation qui a été reproduite depuis, et que nous doublons aujourd’hui, nous faisons encore un pas de plus, nous descendons encore d’un cran, si je puis parler ainsi : l’Etat intervient dans l’amélioration des chemins vicinaux de grande communication. Voulez-vous maintenant aller encore plus loin ? Je crois qu’il faut y réfléchir. Je ne puis pas dire que le chiffre de 200,000 fr. soit le chiffre maximum à porter au budget de l’Etat : c’est une question à examiner ; mais je crois que, dans ce moment, c’et déjà beaucoup faire que de doubler le chiffre ; je pense que nous pouvons le doubler, sans détruire le système d’intervention que nous avons adopté à l’égard des chemins vicinaux.
M. de Garcia – Messieurs, mon intention n’est pas d’anticiper sur la question agricole, à propos des chemins vicinaux. Cependant, je saisis cette occasion pour remercier l’honorable M. Eloy de Burdinne, de nous avoir présenté hier des observations extrêmement lumineuses et d’une haute portée, dans l’intérêt de cette industrie. J’aborde maintenant la question soumise à nos débats ; c’est le besoin d’améliorer la viabilité des chemins vicinaux. Il est un fait incontestable et qu’on doit reconnaître : la petite voirie en Belgique est encore dans un état peu satisfaisant et qui laisse beaucoup à désirer ; un devoir est imposé à la législature, c’est de trouver les moyens de porter dans cette branche du service public les améliorations dont il est susceptible.
Nous avons fait en 1841 une loi pour atteindre le but que tout le monde avait en vue : une bonne viabilité des chemins vicinaux ; en vertu de cette loi, les communes sont appelées à concourir aux réparations des chemins vicinaux, jusqu’à concurrence de 10 centimes additionnels sur toutes les contributions directes, la province et l’Etat sont également appelés à ce concours.
L’honorable ministre de l’intérieur a dit, dans la séance d’hier, qu’on ne pourrait adopter l’amendement de l’honorable M. de Burdinne qu’en renversant en quelque sorte le système existant.
J’avoue que je ne comprends guère cette argumentation. La loi de 1841 met, à la vérité, à la charge des communes la principale dépense de l’entretien des chemins vicinaux. Mais serait-ce rompre le système que de faire concourir le gouvernement à cet entretien, pour une somme plus considérable que celle qui a été vote depuis 1841 jusqu’aujourd’hui ? Quant à moi, je le déclare, je ne puis concevoir que l’augmentation proposée désorganise le système. Incontestablement les communes resteront toujours chargées principalement de la dépense dont il s’agit.
Le gouvernement veut bien faire voter 200 mille francs pour cette année, ce qui doublerait l’allocation portée dans les budgets des années précédentes. L’honorable M. de Burdinne présente un amendement par lequel il propose une somme de 500,000 fr. La première proposition pas plus que la seconde ne peut désorganiser le système. Le seul point à examiner est une question d’utilité, et, à ce point de vue, je crois que nous devons appuyer la proposition de M. de Burdinne. Je me fonde sur cette circonstance que malgré les ressources que les communes consacrent à l’entretien des chemins vicinaux, jointes aux subsides de l’Etat et de la province, la petite voirie est encore dans un état déplorable ; j’en appelle à tous les députés qui ont parcouru les chemins vicinaux. Cependant, je doute qu’en présence des dépenses de toute espèce que doivent faire les communes, surtout les (page 729) communes peu riches, ces dernières puissent faire, en faveur de la petite voirie, des sacrifices plus considérables que ceux auxquels elles se sont soumises.
Serait-ce renverser le système existant que de rompre les proportions du concours à l’entretien des chemins vicinaux ? Je ne le conçois pas. En votant hier un subside pour l’augmentation des traitements des commissaires de district, l’on a prétendu qu’il ne s’agissait nullement de toucher à l’organisation actuelle, que cette organisation restait entière. Je crois qu’on peut retourner l’argument, quant aux chemins vicinaux : si vous faites concourir l’Etat pour une part plus forte, vous ne rompez pas l’organisation existante ; vous ne faites qu’une chose, vous faites intervenir l’Etat pour des sommes plus considérables dans les améliorations à porter dans les petites villes. Cette mesure est-elle utile ? Voilà tout ce que nous avons à voir. Et si la nécessité l’exige, il me semble que l’Etat ne peut se refuser à augmenter sa quote-part.
Grand nombre de communes se sont imposé 10 centimes additionnels sur toutes les contributions directes, pour l’entretien des chemins vicinaux. Il en est beaucoup qui ont dépassé ce chiffre. Cependant, on doit le reconnaître, la plupart d’entre elles sont dans l’impossibilité de s’imposer des sacrifices plus considérables pour cet objet ; dans cet état, force est donc de venir au secours des communes qui font tout ce qu’elles peuvent pour arriver à un état de choses qui est loin d’être atteint.
M. le ministre de l'intérieur vient de vous faire observer que l’intervention pécuniaire de la plupart des provinces, en cette matière, a atteint son maximum. Dès lors, l’Etat ne doit-il pas augmenter son concours ? Quant à moi, je considère la petite voirie comme appartenant au domaine public ; en France, on la qualifie de domaine public municipal. Si c’est la propriété de la commune, c’est surtout à raison de l’entretien qui lui incombe ; mais en réalité, les chemins vicinaux font partie du domaine public ; tous les habitants du pays peuvent et doivent pouvoir se servir de ces voies de communication. Donc l’entretien des chemins vicinaux devrait être une charge de l’Etat comme une charge des communes.
Je considère comme très-utile la mesure proposée, et qui tend à faire contribuer l’Etat dans l’entretien des chemins vicinaux. Les communes font des sacrifices considérables pour cet objet. L’Etat pourrait prendre ces sacrifices pour bases des subsides qu’il accorderait ; l’Etat deviendrait en quelque sorte le stimulateur des travaux à exécuter, le compensateur des dépenses que les communes doivent s’imposer dans l’intérêt de la petite voirie…
M. de Brouckere – Je demande la parole.
M. de Garcia – N’est-il pas juste, en effet que la commune qui s’impose 20 centimes, par exemple, pour les chemins vicinaux, obtienne un subside plus considérable sur les fonds de l’Etat que la commune qui ne s’impose que 10 centimes ?
J’ai dit que les dépenses faites à cet égard par les communes sont considérables ; en supposant 10 centimes additionnels sur toutes les contributions directes pour chaque commune, cela ferait, d’après le budget des voies et moyens, 3 millions. (Interruption.) Ce fait est incontestable, puisque les contributions directes dépassent trente millions, et que le dixième de cette somme se trouve de 3 millions. Si les villes ne concouraient pas jusqu’à concurrence de ce dixième, aux charges de l’entretien de la petite voirie, évidemment elles ne devraient pas participer à ce subside qui, je le répète, doit être stimulateur des améliorations et modérateur des dépenses.
Il y a une amélioration en ce qui concerne les villes : celles-ci sont traversées généralement par des routes de l’Etat et de la province : et en quelque sorte, les villes sont dispensées de l’entretien des chemins vicinaux ; au lieu de cela, elles ont d’excellentes routes.. ;
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Elles ont des rues latérales.
M. de Garcia – Soit, et il n’est nullement dans ma pensée de dire que le gouvernement ne doive pas accorder des subsides aux villes, s’il est établi qu’elles consacrent dix pour cent de leurs contributions directes à l’entretien de leurs rues et des communications de petite voirie.
D’après ces considérations, j’appuierai la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. le ministre de l'intérieur a dit que, sous l’empire et le royaume des Pays-Bas, on n’avait pas adopté le système de faire concourir l’Etat à l’entretien de la petite voirie. Cette réflexion est parfaitement juste. Mais que doit-on en déduire ? ce qui s’est passé prouve que le système suivi alors n’était pas bon, car la petite voirie était restée dans un état déplorable. Cela prouverait qu’on devrait faire aujourd’hui ce qu’on n’a pas fait dans ces temps-là, en un mot, faire concourir l’Etat aux améliorations des communications vicinales.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je suis loin de contester l’utilité des améliorations à apporter à la voirie vicinale ; je m’associe, au contraire, à ceux qui la proclament.
M. le ministre de l'intérieur vous a exposé le système suivi jusqu’à présent, et comment ce système pourrait être altéré, si une somme trop forte était affectée à ce service ; j’appellerai, de mon côté, votre attention sur l’équilibre de nos budgets. Cet équilibre existe, bien qu’il ait été contesté par plusieurs honorables membres ; mais, dans plusieurs circonstances, j’ai démontré que nous n’avions, jusqu’à présent, qu’un équilibre rigoureux, ; que nous n’avions pas, à proprement parler, d’excédant de recettes sur les dépenses. L’équilibre serait donc dérangé, si la chambre se laissait entraîner à de nouvelles dépenses d’une certaine importance ; pour concilier tous les intérêts, le gouvernement a consenti à doubler l’allocation qui avait été affectée jusqu’à présent à la voirie vicinale.
Le gouvernement se rallie à la proposition qui tend à porter l’allocation de 100 à 200 mille francs. Aller plus loin serait nous exposer à porter atteinte à l’équilibre de nos finances. Qu’on n’oublie pas que notre budget des dépenses impose au pays de grands sacrifices pour les voies de communication. Dans une circonstance récente, on a allégué que l’équilibre auquel nous sommes parvenus était dû à l’augmentation des produits du chemin de fer. Je feria observer que, malgré l’accroissement des recettes du chemin de fer, le budget comprend encore, par suite des frais de construction de cette voie, un excédant de dépenses sur les revenus de plus de 4 millions. Je comprends dans cette somme l’amortissement des emprunts consacrés à cette destination.
J’ajouterai que depuis 1830 beaucoup de dépenses ont été faites pour construction de routes et canaux. J’engage la chambre a y réfléchir et à ne pas se laisser entraîner dans des dépenses trop considérables auxquelles vos ressources actuelles ne pourraient plus faire face, sans vous exposer à de nouveaux déficits.
La gouvernement montre toute la sollicitude pour l’amélioration de la voirie vicinale en consentant à doubler la dépense faite jusqu’à présent pour cet objet.
M. Kervyn – Messieurs, je ne pourrai voter pour la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Quoique je reconnaisse avec lui que le secours le plus efficace que le gouvernement puisse accorder à l’agriculture est l’amélioration de la voirie vicinale, et que nonobstant tout ce qui a été fait en, Belgique, sous ce rapport, il reste beaucoup à faire dans l’intérêt de la production agricole, l’état de nos finances ne nous permet pas d’y consacrer une somme aussi considérable avant qu’on ait réalisé les économies ou qu’on ait créé les ressources nouvelles dont a parlé l’honorable membre.
Et lors même que le trésor pût se dessaisir sans inconvénient d’une somme d’un demi-million, je ne consentirais pas à le mettre à la disposition du ministère de l’intérieur, par le motif que le bon emploi de cette somme ne m’est pas garanti.
Je préférerais majorer d’autant l’excédant du fonds des barrières qui figure au budget des travaux publics. Car accorder un crédit à l’intérieur pour la construction de chemins vicinaux qui ne sont même pas de grande communication, me semble une véritable anomalie.
Cela se concevrait si le département des travaux publics laissait en dehors de ses soins la voirie vicinale, si le fonds des barrières n’était consacré qu’à construire des routes de l’Etat, et que le département de l’intérieur se trouvât chargé de l’amélioration et de l’extension de nos routes secondaires. Alors, il faudrait allouer à ce dernier département, non pas 100,000 fr., comme on l’a fait jusqu’ici, mais le demi-million demandé par l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Mais il n’en est pas ainsi. Le département des travaux publics ne se contente pas de construire des routes de l’Etat ; il accorde en outre des subsides considérables aux provinces, aux communes et aux associations de particuliers qui veulent construire des routes. Ce sont trois catégories de concessionnaires qui sont subventionnés par l’Etat.
Et quel est en général le but de ces concessions ? C’est de paver et d’empierrer des chemins vicinaux.
De sorte qu’on est dans l’erreur lorsqu’on suppose que tout ce que l’Etat fait pour les chemins vicinaux, branche si essentielle et pourtant si longtemps négligée de la voirie générale, se borne à y consacrer annuellement une somme de 100,000 fr.
De sorte encore que nous avons deux départements ministériels qui ont à leur disposition des sommes pour la voirie vicinale. Ce qui, dans mon opinion, est une véritable anomalie.
La distinction entre chemins vicinaux de grande et de petite communication me paraît extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible.
J’ai dit que quel que fût l’état de nos finances, je n’accorderais pas au ministère de l’intérieur le demi-million qu’on vous demande, parce que je ne suis pas assuré que l’emploi en sera toujours judicieux et le plus utile possible.
En effet, le ministère de l’intérieur n’a pas le concours des agents des ponts et chaussées qui ont des vues d’ensemble dont, en général, les communes ne s’inquiètent pas.
Il arrive donc qu’une commune obtient un subside du gouvernement pour payer deux ou trois kilomètres d’un chemin vicinal, et que l’année d’après une ou plusieurs communes voisines, frappées de l’avantage que la première a retiré de ses travaux, s’imposent les mêmes sacrifices pour obtenir le même résultat.
Croyez-vous que des bouts de routes construits à des époques différentes, par plusieurs intéressés sans concert préalable, sans plans arrêtés par les agents des ponts et chaussées, forment toujours un ensemble convenable, suivent toujours le tracé le plus utile ?
Il ne peut en être ainsi, messieurs ; il y a beaucoup d’exemple du contraire.
Aussi, dans la province de Luxembourg, la députation permanente, frappée des inconvénients dont je viens de parler, a ordonné de fixer et d’étudier les tracés les plus convenables pour la voirie vicinale, quelle qu’elle soit, préalablement à tout subside.
En cet état de choses, messieurs, je ne pourrais consentir à mettre à la disposition du ministère de l’intérieur la somme considérable qu’on vous demande.
Cependant, eu égard aux avantages que l’amélioration des chemins vicinaux produit pour l’agriculture, je doublerai le subside accordé les années précédentes, en faisant des vœux pour que ce soit la dernière fois que ce subside figure au budget de l’intérieur.
(page 730) M. d’Huart – Je pense que M. le ministre de l'intérieur a eu parfaitement raison quand il vous a dit que si l’allocation des sommes les plus élevées destinées à l’amélioration des chemins vicinaux étaient portées au budget de l’Etat, ce serait une modification au système qui nous régit actuellement. En effet, voyez l’économie de la loi de 1841 relative aux chemins vicinaux, vous trouverez à l’article 13 qu’il est formellement établi que les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes. Voyez ensuite l’article 26, vous trouverez qu’on a simplement permis aux provinces d’intervenir dans des cas déterminés pour les chemins de grande communication dont on a parlé et qui sont tout autre chose que les chemins vicinaux ordinaires. Ce qu’a voulu le législateur de 1841, et nous sommes encore assez rapprochés de cette époque, ç’a été de considérer les chemins vicinaux comme une charge des communes ; que seulement on a permis aux provinces d’intervenir. On a fait un pas de plus, par le budget de 1842, on a donné au gouvernement 100,000 francs pour intervenir dans les dépenses de construction de ces chemins, mais simplement à titre d’encouragement, de stimulant, ce qui est différent de ce qu’on a dit tantôt, qu’il faudrait que cela devînt une charge de l’Etat et que les provinces et les communes fussent appelées à intervenir par forme de subsides. Si l’on parvenait à intervertir ainsi les rôles, ce ne serait pas seulement 500,000 fr. qu’il faudrait voter, mais plusieurs millions, car les dépenses auxquelles déjà maintenant les communes pourvoient, sont très-considérables. Quant on vous fournira les tableaux de toutes les prestations communales effectuées annuellement, vous verrez que les dépenses normales auxquelles les communes sont astreintes pour les chemins vicinaux sont très-élevées.
On a tort de reprocher au gouvernement de n’avoir rien fait pour les chemins vicinaux, car il a été au-delà des intentions primitives du législateur de 1841, et il témoigne à nouveau de ses bonnes dispositions, puisqu’il consent à doubler la somme allouée précédemment.
Lorsque j’avais demandé la parole, je désirais particulièrement savoir si l’augmentation de 100,000 francs consentie par le gouvernement pouvait être adoptée avec la certitude de ne pas déranger l’équilibre des budgets généraux de l’Etat ; M. le ministre des finances vient de nous donner l’assurance qu’on ne dérangeait pas cet équilibre, mais que, quant à l’augmentation de 400,000 fr., on ne pouvait l’admettre sans compromettre cet équilibre ; dès lors, et puisque nous représentons la nation, nous devons nous placer au point de vue des finances de l’Etat et réserver pour elle, dans l’intérêt général du pays, une sollicitude que l’intérêt provincial et commercial ne doit jamais aborder à lui seul.
On a dit que la petite voirie était un domaine public, un objet d’intérêt général. Oui, sans doute ; mais avec une certaine restriction, jusqu’à certain point, car qui profite spécialement et immédiatement des chemins vicinaux ? Ce n’est pas d’une manière absolue la généralité des habitants, mais, avant tout, et principalement, les habitants respectifs des communes. On comprend, dès lors, que la charge spéciale de ces chemins doive incomber en première ligne aux communes. Sans doute, les chemins vicinaux sont très-utiles à l’agriculture, leur amélioration intéresse fortement l’agriculture, et nous ne pouvons qu’applaudir au désir de l’honorable député de Waremme, d’obtenir ces améliorations dans le moindre délai possible. Mais nous devons tenir compte des charges de l’Etat, et ne consentir à voter que les dépenses auxquelles il peut faire face avec les ressources dont il dispose.
Et d’ailleurs, qui payerait, en dernière analyse, les impôts provinciaux à l’Etat, s’il fallait en créer pour les chemins vicinaux ? sans doute, ce seraient les habitants des communes.
On ne ferait donc que déplacer l’action, centraliser l’exécution, mais on ne changerait pas la charge des habitants. Je me trompe, on l’augmenterait probablement, car il y aurait peut-être moins d’économie dans l’application des fonds.
Un honorable membre, qui vient de parler avant moi, vous a dit qu’il trouvait une grande anomalie à ce qu’on laissât figurer au budget de l’intérieur le crédit pour les chemins vicinaux, et qu’il espérait bien ne plus l’y voir à l’avenir, qu’il devait être porté au budget des travaux publics, afin d’être employé par les soins des ingénieurs des ponts et chaussées.
Pour moi, messieurs, je suis d’une opinion contraire, c’est, selon moi, au budget de l’intérieur que ce crédit doit se trouver. En effet, dans les attributions de quel ministre sont les administrations communales ? Dans celles du ministre de l’intérieur ; or, il est bien évident que les chemins vicinaux sont avant d’intérêt communal.
Mais il semblerait, à entendre l’honorable M. Kervyn que les sommes allouées pour les chemins vicinaux sont données au hasard, dépensées sans avant-projet, sans plan, sans discernement. Mais la voirie vicinale a, pour le bon emploi des fonds, un personnel tout organisé ; il existe des commissaires-voyers qui étudient le terrain, qui dressent préalablement les plans et qui ont toutes les connaissances spéciales nécessaires pour la bonne exécution des travaux. Je ne vois pas pourquoi on reporterait l’allocation au budget des travaux publics.
Une somme de 100 ou 200 mille fr. pour chemins vicinaux est de trop peu d’importance pour figurer aux travaux publics où l’on est habitué à dépenser par million. Cette somme n’est pas digne d’attirer la surveillance du corps des ponts et chaussées, et ne faudrait-il pas craindre qu’au surplus cette surveillance ne dût absorber une trop forte part du subside ?
Les routes provinciales, dit-on, ressemblent tout à fait, par leur nature, aux chemins vicinaux. Il y a, me semble-t-il, une grande différence entre ces communications : la construction est différente, les chemins vicinaux, même ceux de grande communication, sont loin de remplir les conditions d’art qu’on doit exiger des routes provinciales. Pour les routes provinciales, les communes ne payent pas, c’est la province et l’Etat qui fournissent exclusivement les fonds, tandis que ce sont les communes qui pourvoient principalement à la construction des chemins vicinaux, et ce avec l’économie que commandent leurs ressources restreintes. Ainsi, la similitude qu’on voudrait établir entre ces deux choses n’existe pas réellement.
Pour moi, je trouve dans l’état actuel des choses un vice différent de celui qui a été signalé par l’honorable préopinant. Sans doute, la loi de 1841 a apporté des améliorations, quant à la surveillance et à l’action de l’autorité supérieure et quant à différentes moyens d’exécution, pour les expropriations, etc. ; tout cela est parfaitement établi dans la loi de 1841 ; mais elle renferme un vice radical qui empêchera d’atteindre assez promptement le but qu’on s’est proposé. Ce vice réside dans le 7e paragraphe de l’article 14 de la loi sur les chemins vicinaux. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 14. En cas d’insuffisance des revenus ordinaires de la commune, il est pourvu, chaque année, aux dépenses des chemins vicinaux, au moyen :
1° D’une prestation d’une journée de travail à fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement qui ne paye pas 3 fr. de contributions directes, pour autant qu’il ne soient pas indigents ;
« 2° D’une prestation de deux journées de travail à fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement payant au moins 3 fr. de contributions directes ;
« 3° D’une prestation de deux journées de chaque cheval, bête de somme, de trait ou de selle, au service des familles ou des établissements dans la commune, à fournir avec conducteurs et moyens de transport par les propriétaires, usufruitiers et détenteurs ;
« 4° Des centimes spéciaux en addition au principe des contributions payées dans la commune patentes comprises.
« Ces centimes spéciaux contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations imposées d’après les trois premières bases excède les deux autres tiers, elles pourront être réduites proportionnellement à cette quotité.
« Ne sont comprises, sous la dénomination de revenus ordinaires de la commune, ni les répartitions personnelles sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur affouage.
« Le produit total de ces diverses bases ne pourra, qu’en vertu d’un arrêté royal, excédé le dixième du montant en principal de toutes les contributions directes de la commune. »
Or, c’est dans ce dernier paragraphe qu’est le vice fondamental, parce que ce paragraphe annule en fait dans l’exécution une partie essentielle des trois premières bases de contribution établies dans ce même article pour parer aux frais des chemins vicinaux. Cette disposition restrictive a été adoptée par amendement lors de la discussion de la loi, elle en a fortement altéré l’économie sous le rapport financier, et je pense qu’on n’en avait pas calculé alors toute la portée.
Je crois, messieurs, qu’on a voulu dire que les centimes additionnels ne devraient jamais s’élever au-delà du dixième du montant des contributions directes. Au lieu de cela, on a réuni toutes les bases et on a dit que le total de ces bases réunies ne pourrait pas excéder le dixième ; de sorte que ces bases, vous ne les obtenez pas ; on les réduit afin que le tout n’excède pas un dixième.
Les inconvénients de cet état de choses ont été tellement sentis dans la province de Namur, que des réclamations ont été adressées de toutes les parties de cette province. Un grand nombre d’administrations communales ont réclamé ; l’administration provinciale a également réclamé. Je crois que des réclamations on été faites par différentes autres provinces.
Quoiqu’il faille un arrêté royal, quoiqu’il faille faire une foule de démarches, presque toutes les communes de la province de Namur ont demandé pendant deux années de suite à pouvoir dépasser la proportion d’un dixième. C’a été un grand effort de la part de ces communes, et certes elles ne feraient pas cet effort s’il n’y avait pas une impérieuse nécessité ; mais les administrateurs finiront pas reculer devant l’espèce d’odieux qu’il y a, près de leurs administrés, à demander toujours d’office la faculté de dépasser la limite normale des prestations. Je crois que, sous ce rapport, il faudrait leur laisser plus de latitude. Si l’on tient à ce que les centimes spéciaux ne puissent pas excéder le dixième des contributions directes, je le veux bien, mais se trouver forcé de réduire quelquefois à un tiers les ressources que promettait la loi, c’est agir contre le but que l’on s’est proposé. Si l’on ne modifie pas la loi sous ce rapport, les chemins vicinaux resteront peut-être encore pendant 10 ans sans être convenablement réparés, tandis que si on laissait plus de latitude aux administrations communales, avant six ans les chemins vicinaux se trouveraient en très-bon état, même dans les provinces où ils sont aujourd’hui le plus mauvais.
Voilà, messieurs, ce que je désirerais voir changer à l’état actuel des choses ; cela vaudrait mieux que de rejeter à la charge de l’Etat une dépense qui doit rester principalement une charge communale. On donnerait ainsi aux communes le moyen de parvenir à l’amélioration de leurs chemins vicinaux dans un temps beaucoup plus court que celui qui sera nécessaire si l’art. 14 reste tel qu’il est aujourd’hui, et cela sans recourir à des augmentations d’impôts en faveur du trésor, indispensables si l’on voulait mettre à sa charge la majeure partie des dépenses pour les chemins vicinaux.
M. Pirmez – J’ai demande la parole, messieurs, pour faire remarquer qu’il y a de plus en plus parmi nous une tendance à faire absorber par le gouvernement tous les intérêts de la société, et cela, chose étrange, malgré le gouvernement lui-même. M. le ministre de l'intérieur vient encore de faire ressortir les inconvénients qu’il y aurait à mettre les frais d’amélioration des chemins vicinaux à la charge de l’Etat ; il vous a indiqué tous les progrès que nous avons faits depuis quinze ans dans ce système. Voyez aussi combien, depuis lors, vous avez abandonné d’intérêts au pouvoir du gouvernement. (page 731) Réfléchissez dons, messieurs, aux inconvénients de ce système. Rappelez-vous tous les reproches qui ont été adressés au gouvernement dans la discussion générale du budget de l’intérieur ; on a même prononcé le mot de corruption. Eh bien, messieurs, quels que soient les hommes au pouvoir, il y aura toujours de la corruption en proportion de l’étendue des objets à l’aide desquels la corruption pourra s’exercer ; si vous livrez tout au gouvernement, vous aurez nécessairement la corruption sur une échelle immense.
Dans notre pays, nous avons livré à l’Etat des intérêts sociaux qui ne lui sont abandonnés chez aucune autre nation. Force nous sera de revenir de ce système. Voyez combien de sollicitations vous assiègent. Si vous ne vous arrêtez pas, bientôt, vous aurez des armées de solliciteurs.
Voilà, messieurs, une des faces de la question, lorsque vous abandonnez de nouveaux intérêts à la merci du gouvernement. Savez-vous jusqu’où vous pourrez être entraînés en mettant les frais d’amélioration des chemins vicinaux à la charge de l’Etat ? Mais si vous deviez empierrer ou payer tous les chemins vicinaux, il vous faudrait des centaines de millions. Voyez quelle immense influence il en résulterait pour le gouvernement, quelle énorme quantité d’intérêts on remettrait entre les mains de l’Etat.
On a dit que les communes et les provinces ne pouvaient pas supporter cette dépenses. Mais, messieurs, si c’est l’Etat qui la paye, n’est-ce pas la même chose que si elle était payée par les provinces et les communes. Qu’importe au contribuable qu’il verse les impôts dans une caisse communale ou dans la caisse de l’Etat. Que la dépense soit supportée par les communes, les provinces ou par l’Etat, elle sera toujours, en définitive, payée par la propriété foncière, qui, ainsi que l’a dit l’honorable auteur de la proposition, fournit presque tous les revenus de l’Etat.
J’insiste, messieurs, sur cette considération, que nous avons infiniment trop abandonné au gouvernement ; si nous lui livrons encore d’autres intérêts sociaux, nous finirons pas être tous des solliciteurs. Nous serons forcés, malgré nous, à le devenir.
M. de Brouckere – Il est incontestable, messieurs, que la proposition faite par l’honorable M. de Burdinne peut être appuyée par d’excellentes raisons car ils sont certes de nature à être pris en sérieuse considération. Je les ai mûrement pesés, et je déclare que je serais assez, quant à moi, tenté de voter pour cette proposition, si l’on pouvait me démontrer qu’en quintuplant la somme qui a figuré jusqu’ici au budget, l’amélioration des chemins vicinaux progresserait dans la même proportion, c’est-à-dire qu’elle irait cinq fois plus vite aussi. Malheureusement, messieurs, il n’en serait absolument rien. En effet, d’après le système en vigueur, et que, moi je crois excellent, les chemins vicinaux doivent être entretenus et améliorés par les communes, moyennant des subsides à fournir, dans une certaine proportion, par l’Etat et les provinces. Or, messieurs, toutes les provinces ont arrêté leur budget pour 1845, et, par conséquent, elles ne pourront pas disposer dans cet exercice d’une somme beaucoup plus forte que celle qu’elles comptaient dépenser lorsqu’elles croyaient que l’Etat aurait seulement 100,000 fr. à sa disposition. Il en est de même des communes. Personne ici n’oserait soutenir que les communes pourraient faire des sacrifices quintuples de ceux qu’elles ont faits jusqu’à présent. Il me semble donc, messieurs, qu’il est démontré à toute évidence qu’en votant 500,000 fr. au lieu de 100,000 vous n’accélérerez pas dans la même proportion l’amélioration des chemins vicinaux.
On a dit que les chemins vicinaux sont toujours dans un état déplorable. Je dois reconnaître qu’ils laissent encore beaucoup à désirer, mais il faut cependant convenir aussi que, depuis quatre ans, ils ont été considérablement améliorés. Cette amélioration a été produite par le subside de 100,000 francs porté au budget ; et croyez-vous, messieurs, que si d’une année à l’autre on double ce subside, ce n’est pas déjà faire beaucoup ? N’est-il pas infiniment plus sage de marcher progressivement, que d’aller tout d’un coup voter une somme quintuple de celle qui a été accordée précédemment, et s’exposer ainsi à changer un système généralement reconnu bon ? Votons cette année 200,000 fr., et nous verrons, l’année prochaine, ce qu’auront fait les provinces et les communes par suite de cette augmentation, et s’il y a lieu d’augmenter la somme de 200,000 fr.
Les chemins vicinaux sont, comme l’a dit l’honorable M. de Garcia, une propriété municipale, et ils doivent rester une propriété municipale. Ce sont les communes qui doivent veiller à la construction, à l’amélioration de ces chemins. L’Etat ne doit procéder que par subsides.
Quand les communes ont empierré des chemins vicinaux qui ont une certaine longueur, elles demandent à placer des barrières ; on leur accorde cette faculté, et le produit des barrières est versé à la caisse communale ; il est employé non-seulement à l’entretien de ces chemins, mais encore à l’amélioration d’autres voies vicinales. Je connais des communes rurales où l’on a demandé l’autorisation de placer jusqu’à cinq barrières.
Mais, dit-on, vous devez faire beaucoup pour les campagnes, parce que les villes n’ont aucun frais ou du moins beaucoup mois de frais à faire que les communes rurales pour l’entretien de leur voirie. C’est une erreur : les villes ont de très-grands frais à faire pour l’entretien de leur voirie. D’abord elles doivent paver seules toutes les rues qui ne sont pas des voies de grande communication, et une partie de ces rues, quand elles ont plus que la largeur de grandes routes. Alors, l’Etat fait le milieu, une certaine largueur ; et la ville fait paver à ses frais les accotements.
En troisième lieu, toutes les villes, sauf Bruxelles seul, ont des hameaux en dehors de leur centre de population ; il y a là des chemins vicinaux à soigner, et même ces chemins exigent plus de frais que ceux des communes rurales éloignées des villes.
Le système qu’on a suivi depuis 1841 a produit les meilleurs résultats qui partout ont été constatés. Je crois qu’il ne faut pas en détruire l’économie et en en rendre la continuation impossible par un vote qui pourrait produire certain bien, mais qui n’est nullement nécessaire et qui pourrait donner lieu plus tard à beaucoup d’inconvénients. Car si vous votez 500,000 fr. après avoir voté 100,000 fr. depuis 4 ans, rien n’empêche que, l’an prochain, on ne demande un million. Je ne crains pas de dire qu’il y aura d’aussi bonnes raisons à donner, l’an prochain, pour obtenir un million que celles qu’on a pu donner, cette année, pour obtenir 500,000 fr.
Je demanderai à la chambre la permission de l’entretenir un moment d’un objet étranger à l’objet en discussion, mais plein d’actualité et très-urgent. Je profite de la présence de M. le ministre des travaux publics pour en dire quelques mots à la chambre ; je l’aurais fait plus tôt, mais il était absent lors des séances précédentes.
Je veux parler des travaux qui se font au tunnel de Cumptich. Ces travaux, vous ne l’ignorez pas, préoccupent tous les esprits. Ils sont de toutes parts, il faut bien le reconnaître, l’objet de critiques que je ne veux pas prétendre être fondées, mais sur lesquelles je demanderai que M. le ministre veuille bien s’expliquer. En provoquant ses explications sur ce point, j’ai la conviction que je rends un véritable service à l’administration des travaux publics.
Tous ceux qui passent sur le chemin de fer entre Tirlemont et Louvain ont pu remarquer qu’on y fait des travaux considérables de déblaiement, en ce moment, qui entraîneront après eux de très-grandes dépenses. Si ces dépenses devaient nécessairement produire un bon résultat, on les supporterait sans se plaindre, sans réclamer, parce qu’elles seraient le résultat d’une force majeure
Mais généralement on doute dans le pays que ces travaux produisent jamais le résultat qu’on en attend ; voici pourquoi : Dans ce moment on déblaie, on enlève toutes les terres au-dessus du tunnel, à l’endroit où l’éboulement a eu lieu. Il y aura une partie du tunnel à ciel ouvert ; le tunnel restera divisé en deux. Ces deux tunnels présenteront une longueur de 6 à 7 cents mètres. Le tunnel actuel a une longueur de 900 mètres.
Par suite de ce qui s’est passé, des bruits qui se sont répandus, que je ne veux pas répéter, mais dont quelques-uns sont fondés, quoi qu’on fasse, il restera de vives inquiétudes à tout le monde, chaque fois qu’on passera le tunnel. Il y a plus, c’est que beaucoup de personnes sont bien décidées à n’y plus passer.
Je sais que ces inquiétudes sont souvent l’affaire du temps, que quelques mois feront beaucoup pour les dissiper J’admets qu’au bout de quelques mois ces inquiétudes seront beaucoup moins vives, que les personnes qui ont maintenant une répugnance invincible à passer le tunnel, parce qu’elles trouvent qu’il n’offre pas de garanties de solidité, consentiront à y passer.
Mais je le demande à M. le ministre des travaux publics lui-même, ne suffira-t-il pas d’un seul article de journal, de quelques propos imprudents pour faire renaître de nouveau toutes les inquiétudes ; car, messieurs, M. le ministre des travaux publics le sait, il y a très-longtemps que les journaux avaient annoncé que le tunnel ne présentait pas la solidité qu’un tel travail doit présenter. Les ingénieurs se sont rendus sur les lieux ; ils ont réfuté les bruits qui ont circulé. Quelques temps après, on a vu que les bruits étaient fondés.
Que faut-il faire ? me direz-vous. Je ne suis pas homme de l’art ; je n’entends pas indiquer à M. le ministre des travaux publics ou à l’administration ce qu’il faut faire. Mais il me semble qu’il n’y aurait pas impossibilité d’abandonner complètement le tunnel et de faire une voie latérale.
Je sais que la question a été examinée dans le conseil des ponts et chaussées, et qu’elle a été résolue négativement. Mais je ne sais s’il ne serait pas temps de revenir sur cette décision, si le moyen dont je parle et que je ne prétends pas avoir imaginé, était reconnu le meilleur.
On ne dira pas qu’il y a impossibilité, puisqu’il a suffi de 3 ou 4 jours pour établir un chemin de fer pour le transport des marchandises.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est très-imparfait.
M. de Brouckere – Sans doute, il faut 40 ou 50 chevaux pour remorquer quelques waggons.
Ce chemin de fer a été fait sans remblai ; on a mis seulement des billots et des rails. Mais avec quelques travaux qui, je crois, n’entraîneraient pas de très-grandes dépenses, je ne pense pas qu’il serait impossible de faire une voie latérale. Ce serait un petit détour ; il faudrait faire quelques coudes mais je demanderai à ceux qui parcourent souvent ce chemin de fer, s’il n’aimeraient pas mieux faire un détour d’une minute peut-être, voir ralentir un peu la marche en cet endroit, que de passer fréquemment sous un tunnel qui va inspirer de si vives inquiétudes.
Du reste, tout ce que je désire, c’est que M. le ministre des travaux publics veuille bien donner à la chambre quelques indications. Ces indications rassureraient peut-être un peu le public, qui aujourd’hui est extrêmement inquiet sur les travaux que l’on exécute à Cumptich.
M. Dumortier – Messieurs, j’appuie de tous mes moyens les observations qui vous ont été présentées par l’honorable M. de Brouckere, et en cette occasion, je désire appeler l’attention de la chambre qui s’occupe en sections de l’examen d’un projet de loi relatif à de nouvelles constructions pour le chemin de fer, ainsi que celle de M. le ministre des travaux publics sur un point qui n’est pas sans importance
Dans le projet dont je viens de vous parler et qui est relatif à des augmentations de dépenses à faire pour des travaux publics, on vous demande une somme de 350,000 fr., pour la création d’un second tunnel à Braine-le-Comte. Or, les observations que vient de faire l’honorable M. de Brouckere, (page 732) me mènent à appeler l’attention de la chambre et celle du gouvernement sur cette dépense.
Je crois, messieurs, qu’il serait extrêmement facile, et les honorables députés de Mons et de Soignies appuieront cette opinion, d’éviter cette dépense, ou tout au moins de faire une économie de deux cent mille fr. En effet, messieurs, à une portée de fusil environ du tunnel de Braine-le-Comte, à droite en venant de Mons, on voit la vallée que l’on pouvait traverser sans faire de tunnel. Aussi j’ai souvent entendu dire par les personnes de la localité qu’un tunnel avait été fait dans cette direction, uniquement pour prouver que l’on savait faire des tunnels. (On rit.)
M. de Mérode – C’est ce que j’ai aussi entendu dire souvent.
M. Dumortier – L’honorable comte de Mérode nous dit qu’il a entendu souvent exprimer la même opinion. Comme il fait souvent cette route, il doit en savoir quelque chose.
Je ne me porte pas garant de ce fait, mais ce que je puis dire, c’est qu’un de mes honorables collègues que je vois à ma droite, m’a montré le passage par la vallée et je crois qu’on aurait pu, au moyen d’un léger détour, y faire passer le chemin de fer.
Dès lors, messieurs, au lieu de faire aujourd’hui un second tunnel, ne vaudrait-il pas mieux faire passer la seconde voie par la vallée ? Bien qu’il faudrait procéder à l’expropriation de quelques terrains, on n’en ferait pas moins une économie considérable, en même temps qu’on éviterait l’inconvénient qui vient d’arriver à Cumptich.
Je suis heureux de pouvoir présenter cette observation à la chambre ; car elle n’est pas sans importance, puisqu’on peut réaliser en même temps une amélioration et une économie.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je demanderai à la chambre la permission de ne pas lui donner aujourd’hui des explications aussi complètes que le désire l’honorable M. de Brouckere, et je vais lui en dire la raison.
Messieurs, depuis l’accident qui est arrivé, je me suis occupé, de concert avec le conseil des ponts et chaussées et avec les ingénieurs du chemin de fer, de la solution la meilleure à donner à cette question, l’une des plus graves, je dois le dire, qui se soit présentée depuis la construction de nos chemins de fer. Hier encore je me suis rendu sur les lieux, accompagné par les fonctionnaires supérieurs de mon département.
J’ai convoqué à cette conférence en même temps un honorable membre du sénat, le président de la chambre de commerce d’Anvers, qui est en même temps président de la société Belge-rhénane instituée en vue du chemin de fer, les bourgmestres de Tirlemont et de Louvain et le commissaire d’arrondissement de Louvain. J’ai examiné attentivement les lieux, j’ai présidé une espèce d’enquête qui a été faite très-soigneusement sur les causes de l’accident et sur les moyens d’y remédier. Demain le conseil des ingénieurs s’assemble sous ma présidence pour fournir les éléments d’une solution définitive.
Je pourrais, messieurs, vous donner, dès aujourd’hui, une opinion provisoire sur cette solution,. (Non, non !). Mais ce ne serait qu’une opinion appuyée sur des renseignements insuffisants, et qu’un examen ultérieur pourrait peut-être modifier.
Mais je prends l’engagement d’adopter une décision immédiate. Je comprends la nécessité de ne pas ajourner plus longtemps la solution de cette question. Du reste, d’ici à quelques temps, je pourra fournir des renseignements plus complets, et qui seront de nature à dissiper les craintes que cet accident a dû naturellement faire naître.
M. de Brouckere – Mon intention n’est nullement d’insister sur les renseignements que j’ai demandés ; j’approuve même entièrement la réserve de M. le ministre des travaux publics. Mais je tiens à ce qu’on ne se trompe pas sur mes intentions. Je dirai à la chambre que je suis allé aujourd’hui matin au ministère des travaux publics pour qu’on prévînt M. le ministre de mes intentions ; je me suis même entretenu avec M. le directeur des chemins de fer en exploitation et avec M. le secrétaire général. Ce n’est donc pas pour causer de l’embarras à M. le ministre que je lui ai demandé des explications. Mais j’ai cru qu’il était de la dernière urgence de lui adresser une interpellation à cet égard.
D’après ce qu’il vient de nous dire, nous attendrons jusqu’à la semaine prochaine pour obtenir ces explications.
M. le président – Nous reprenons la suite de la discussion sur les chemins vicinaux.
M. de Saegher – Messieurs, je voterai également en faveur de l’augmentation proposée par la section centrale, parce que je pense que cette augmentation doit contribuer et grandement contribuer à l’amélioration de la voirie vicinale.
Cependant, messieurs, je ne suis pas entièrement rassuré relativement à la répartition qui sera faite de cette somme. M. le ministre de l'intérieur, dans les explications qu’il a données au commencement de la séance, a fait une distinction que je n’ai pas trop bien saisie, et sur laquelle je prendrai la liberté de lui demander des explications.
Jusqu’ici, messieurs, les chemins étaient divisés en grandes routes de l’Etat, en routes provinciales, dans lesquelles vous comprenez les routes faites par les provinces et les routes concédées, et en chemins vicinaux. Aujourd’hui, messieurs, il paraît que l’on a fait une nouvelle distinction, qu’on divise les chemins vicinaux en chemins vicinaux de grande communication et en chemins vicinaux proprement dits, et que ce ne serait qu’aux chemins vicinaux de grande communication que le subside serait accordé. Mais qu’est-ce qu’un chemin vicinal de grande communication ? Voilà ce qui devrait être clairement établi, afin que nous ne courions pas risque d’aller à l’aventure. Pour ce qui est des localités que je connais, je ne puis saisir la distinction entre ces deux catégories de chemins vicinaux. Appelle-t-on chemins vicinaux de grande communication ceux qui conduisent d’une localité à l’autre ? Eh bien vous trouvez dans les chemins provinciaux le même caractère : on a fait des chemins provinciaux qui conduisent seulement de commune à commune. C’est ainsi que, dans la Flandre orientale, on a construit depuis 6 ans, depuis 1838, pour 2,200,000 fr. de chemins pavés qui, à la rigueur, pourraient être considérés comme des chemins vicinaux. C’étaient même auparavant des chemins vicinaux ; ils ne sont devenus chemins provinciaux que par suite du pavage qui a été fait aux frais de la province.
Maintenant, messieurs, comment voudra-t-on répartir les subsides que l’on accorderait ? C’est à cet égard que je désirerais avoir quelques explications
L’honorable M. Kervyn vous a fait, messieurs, quelques observations pour vous prouver que ce subside devrait figurer au budget des travaux publics. L’honorable M. d’Huart a répondu à cette observation, et, quant à moi, c’est un point que je n’examinerai pas ; mais je ne sais pas trop si l’honorable M. Kervyn n’a pas raison ; tout ce que je puis dire, c’est que beaucoup de localités reçoivent des subsides du département de l’intérieur pour des chemins de la même nature que ceux pour lesquels des fonds sont alloués par le département des travaux publics.
J’arrive, messieurs, à l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Je ne puis pas non plus adopter cet amendement. En effet, comme on vous l’a déjà dit, il s’agit simplement ici d’encourager l’amélioration des chemins vicinaux par les communes et par les provinces. Les dépenses des chemins vicinaux sont une charge communale et provinciale ; ils ne sont nullement une charge de l’Etat.
Si l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne était adopté, il est évident qu’on changerait le système qui a été suivi jusqu’ici. Quel a été, en effet, le but de l’allocation faire en 1841 ? L’honorable ministre de l’intérieur nous l’a dit alors en termes exprès ; c’était d’encourager l’amélioration de la voie vicinale, c’était de produire au moyen de 100,000 fr. des travaux pour 5 à 700,000 fr. Si vous allez adopter un chiffre d’un demi-million pour la part de l’Etat dans les frais d’amélioration des chemins vicinaux, il est impossible que les communes et les provinces contribuent dans la même proportion ; dès lors, nous entrons dans une voie entièrement nouvelle, et qui serait, je pense, extrêmement dangereuse.
D’après ces considérations, messieurs, je voterai contre l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Avant de présenter d’autres observations, j’attendrai les explications que j’ai demandées à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’explication que l’honorable membre me demande, se trouve dans la loi sur les chemins vicinaux elle-même. On entend par chemins vicinaux de grande communication les chemins vicinaux qui intéressent plusieurs communes. Il faut, sous ce rapport, combiner l’art. 24 avec l’art. 26. La députation du conseil provincial statue sur cette question ; elle déclare que tel chemin vicinal n’étant pas seulement un chemin de vidange pour une vidange, mais intéressant plusieurs communes, doit être considéré comme chemin vicinal de grande communication. Je reconnais, avec l’honorable préopinant, que quelquefois la ligne de démarcation est très-difficile à saisir ; il y a ici quelque chose d’arbitraire que l’on doit abandonner aux circonstances.
Comme l’a fait remarquer l’honorable M. d’Huart, les provinces n’ont, à la rigueur, le droit d’intervenir que dans les chemins de grande communication. Il est évident que l’Etat ne peut pas aller plus loin que les provinces ; au contraire, l’Etat ne doit intervenir que dans les chemins vicinaux de grande communication d’un certain genre ; il doit encore se montrer plus rigoureux que les provinces. C’est là le système qui a toujours été suivi, et qui est parfaitement en harmonie avec les art. 24 et 26 de la loi.
Je saisirai cette occasion pour dire que l’honorable M. d’Huart a fait ressorti avec raison les vices de l’art. 14 de la loi. Ces vices ont été signalés très-souvent, et si le gouvernement n’a pas saisi les chambres d’une proposition, c’est parce qu’il lui a semblé qu’il ne fallait pas touché si vite à une loi aussi récente.
Je ne terminerai pas sans revenir sur une considération générale que j’ai déjà présentée à la chambre. On peut dire qu’il y a trois genres de routes ou de communications ; les communications nationales, les communications provinciales et les communications communales. Autrefois l’Etat n’intervenait que dans les communications nationales, et encore il n’intervenait que dans celles de ces communications qui avaient un caractère international, c’est-à-dire qui ont pour but de rattacher le pays à un pays voisin, notamment les routes de première classe qui sont censées passer par la capitale. L’Etat s’est chargé plus tard de toutes les communications dites nationales, qu’elles eussent un caractère international, ou non, qu’elles passassent par la capitale, ou non ; ensuite, il est intervenu dans la construction des routes provinciales ; enfin, en 1841, il a fait un pas de plus, il est intervenu dans les communications communales, mais dans celles de ces communications qui ont un caractère « intercommunal », passez-moi cette expression, c’est-à-dire qui ont pour but de relier entre elles plusieurs communes. Je crois qu’il faut nous arrêter là et ne pas nous engager davantage sans bien y réfléchir.
M. Eloy de Burdinne – Je commencerai, messieurs, par répondre à quelques orateurs que vous avez entendus aujourd’hui, et je donnerai la préférence à l’honorable M. d’Huart, qui a pensé que vous dérangeriez l’équilibre financier si vous adoptiez ma proposition. (Interruption.) L’honorable M. d’Huart dit qu’il a une croyance entière aux paroles de M. le (page 733) ministre des finances. Sans doute, si MM. les ministres tiennent à maintenir toutes les allocations qu’ils proposent au budget, il est positif qu’alors l’équilibre soit dérangé ; je veux bien m’en rapporter aussi, à cet égard, à M. le ministre des finances, qui connaît mieux la position du trésor que moi et que nous tous. Je crois même que si toutes les dépenses portées au budget étaient votées, nous serions loin d’avoir un équilibre parfait, et s’il s’agissait de couvrir, au moyen de nouveaux impôts, les 300,000 fr. d’augmentation que je demande, je vous déclare, messieurs, que j’y renoncerais ; les charges publiques ne sont déjà que trop fortes ; mais je crois qu’en examinant attentivement le budget de l’intérieur, ainsi que le budget des travaux publics, nous reconnaîtrons que nous pouvons très-bien ajourner ou même repousser définitivement plusieurs des dépenses qui figurent à ces budgets ; je crois que, de cette manière, il nous sera très-facile de trouver les 300,000 fr ; que je propose d’ajouter aux 200,000 qui sont alloués par la section centrale.
L’honorable M. de Brouckere nous a dit, messieurs, qu’il voterait le subside, s’il était convaincu que l’amélioration des chemins vicinaux serait accélérée dans la proportion de l’augmentation que je réclame. Je voudrais (et ce principe a été suivi assez généralement par M. le ministre de l'intérieur), je voudrais que les subsides ne fussent accordés qu’aux communes qui font elles-mêmes des dépenses convenables pour améliorer leurs chemins vicinaux. Eh bien, messieurs, si, en suivant ce principe, on a obtenu avec 100 mille francs, pour 3, 4 ou peut-être même 700 mille francs de travaux, je demanderai si avec 500 mille francs on n’en obtiendra pas pour environ 1,500,00 francs.
Ne croyez pas, messieurs, que le gouvernement va jeter, pour ainsi dire, les subsides à la tête du premier venu ; j’ai assez de confiance en lui pour être persuadé qu’il n’accordera des fonds qu’aux communes qui feront elles-mêmes des sacrifices, et des sacrifices convenables.
L’honorable M. de Brouckere a dit encore qu’il fallait marcher en progressant. Nous sommes en effet, dans le siècle du progrès : j’aime à faire jouir le pays des avantages qu’il a droit de réclamer, je dirai même qu’il a droit d’exiger.
Mais messieurs, quand il s’agit de construire des chemins de fer, on a été aussi en progressant, on a débuté, il est vrai, par voter un grand nombre de millions.
On a dit que nous dérangerions l’équilibre dans nos finances. Mais quand il s’agit du commerce et de l’industrie, on ne s’inquiète pas si les finances sont en équilibre, on a toujours le grand moyen de l’émission des bons du trésor.
L’honorable M. de Brouckere a dit aussi que le subside de 100,000 fr., qui avait été voté depuis 1841, avait produit d’heureux résultats ; mais si 100,000 fr. produisent d’heureux résultats, à plus forte raison 500,000 en produiront-ils. Un honorable député d’Anvers me dit : « Vous allez ruiner les provinces et les communes. » Comment ! nous allons ruiner les communes et les provinces, parce que nous demandons 500 mille francs pour doter, en définitive, tout le pays de bons chemins vicinaux.
Il est fort malheureux, sans doute, que pour toutes les communes du pays, on vote 500 mille francs, tandis qu’on n’a voté que 800 mille francs pour rembourser le péage de l’Escaut aux navires qui arrivent à Anvers. Il est vrai que la question que je soutiens intéresse l’agriculture, et que l’agriculture ne rencontre pas la sympathie de la majorité dans cette enceinte.
Il est une chose qui doit étonner, c’est le peu d’accueil fait à ma proposition ; mais s’il était question de 5, 10, 15 ou 20 millions en faveur du commerce et de l’industrie, le vote de ces sommes rencontrerait ici autant de partisans que ma proposition rencontre de contradicteurs.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit hier qu’il sera impossible que les provinces concourent pour une somme égale à celle que l’Etat donnerait, c’est-à-dire que les provinces ne donneront pas 500,000 fr. pour les chemins vicinaux.
Je fera observer que les provinces tirent leurs centimes additionnels principalement de la propriété ; que si les provinces ont des ressources, c’est par suite des centimes additionnels qu’elles s’imposent. Or, que ce soit la province qui vous donne un subside égal à celui que vous lui donner, ou que ce soit les communes elles-mêmes, n’est-ce pas la même chose ? Je suis plus exigeant que M. le ministre de l'intérieur : ce n’est pas une somme égale que je réclame, c’est une somme double, triple même ; cette somme ne serait-elle pas appliquée dans l’intérêt général, plus particulièrement , il est vrai, dans l’intérêt de l’agriculture, mais aussi dans l’intérêt du commerce et de l’industrie.
Un honorable collègue m’a fait le reproche de me trouver en contradiction, parce que je me suis opposé à l’augmentation du traitement pour les commissaires de district, telle qu’elle était réclamée par le gouvernement. Soixante-dix à soixante-quinze mille francs, dépensés annuellement pour augmenter le traitement des commissaires d’arrondissement, ne donnent aucun avantage à la généralité, tandis que la restauration des chemins vicinaux sera avantageuse à la généralité, à l’agriculture, au commerce et à l’industrie.
S’il s’agissait d’augmenter les impôts, je ne serais pas porté à le faire ; mais il y aura moyen, j’en suis persuadé, de restreindre quelques dépenses jusqu’à concurrence de 300,000 francs. Je ne demande encore rien de ce chef, si ce n’est l’emploi d’une partie du capital dont vous avez augmenté la contribution foncière. Vous venez d’ajouter à la contribution foncière plus de 500,000 fr. Faut-il encore engloutir cette somme pour favoriser l’industrie et le commerce ? Vous dépensez, chaque année, 4 à 5 millions pour favoriser le commerce et l’industrie. Je ne sais si cet argent est bien employé, mais ce qu’il y a de certain, c’est que cette dépense a porté fort peu de fruits. Eh ! messieurs, n’est-il pas vraiment déplorable de voir dépenser une somme aussi considérable en faveur de l’industrie et du commerce, qui ne versent au plus que 10 millions dans les caisses de l’Etat, tandis que la propriété y verse plus de 60 millions ? et on lui refuse 500,000 francs pour améliorer les chemins vicinaux ! On ne lésine pas autant quand il s’agit de puiser dans le trésor en faveur de l’industrie et du commerce. Le chemin de fer, construit en faveur de l’industrie et du commerce, nous a coûté plus de 200 millions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’agriculture y a gagné aussi.
Un grand nombre de membres – Certainement.
M. Eloy de Burdinne – L’agriculture a obtenu des avantages ! Quels sont-ils ? L’agriculture, au contraire, y a perdu. Comme l’agriculture paye les 13/16 des impôts, le déficit de 4 à 5 millions, sur le chemin de fer, a été supporté par l’agriculture, à raison des 13/16 ; combattez, si vous pouvez ce chiffre, et alors nous verrons de quel côté est l’exactitude.
Un honorable collègue me fait remarquer que le chemin de fer n’a coûté que 160 millions ; mais si mon honorable voisin ne perdait pas de vue qu’on a donné 100 fr. pour obtenir 90, qu’on a donné des commissions, etc. etc., il reconnaîtrait bien vite avec moi que la construction des chemins de fer nous a coûté 200 et des millions.
Je désire qu’on établisse des communications faciles, mais il ne faut pas négliger les communes rurales ; il ne faut pas croire qu’en construisant de bons chemins de ville à ville, on donne satisfaction aux besoins de la majorité de la population belge.
C’est partout qu’il faut des chemins. Messieurs, ce qu’il y a d’étonnant encore, c’est que, dans le moment actuel, M. le ministre des finances se plaigne qu’on va déranger l’équilibre de nos finances. J’aurai l’honneur de lui faire remarquer qu’on ne craint pas de déranger cet équilibre quand il s’agit de demander des augmentations considérables de dépenses pour élever des traitements ou pour faire des embellissements au chemin de fer. Alors aussi on a objecté qu’on allait déranger l’équilibre du trésor ; il a été répondu qu’on le rétablirait en émettant des bons du trésor.
Messieurs, il est facile de trouver le moyen de faire face à la dépense que j’ai eu l’honneur de vous proposer. Quand nous discuterons les articles postérieurs du budget, nous en trouverons sur lesquels nous pourrons faire des économiques, où nous pourrons ajourner des dépenses de moyenne importance.
Quant aux dépenses urgentes, on doit les faire ; mais quant à celle qui peuvent être ajournées, notre position n’est pas telle que nous ne puissions les faire ; nous devons faire ce qui est nécessaire, mais laisser de côté ce qui est d’utilité secondaire.
Je proposerai aux chapitre 7, 11, 19 et 20 des réductions. Remarquez qu’au chapitre 20, on demande 500 mille francs pour les lettres, sciences, beaux-arts, archives. Si nous pouvions, au lieu de 500 mille francs pour cet objet, n’en dépenser que 400 mille, nous aurions 100 mille fr. que nous pourrions appliquer aux chemins vicinaux.
M. de Mérode – Voulez-vous tuer les beaux-arts ?
M. Eloy de Burdinne – Je suis loin de vouloir tuer les beaux-arts ; je veux seulement leur faire faire un peu carême, c’est très-bon pour la santé. Vous voyez que, loin de vouloir les tuer, je cherche à prolonger leurs jours. Au surplus, quand nous en serons à ces articles, nous les discuterons
Il y a quelque chose d’autre à dire, c’est que, pour avoir une double voie et un tunnel qui n’a pas cinq minutes de longueur, on vous demande 350 mille fr. On ne craint pas de déranger l’équilibre de nos finances, quand il s’agit d’une dépense de 350 mille fr. pour un bout de route qui n’a pas cinq minutes de longueur !
L’honorable préopinant a dit aussi qu’il sera impossible que les provinces et les communes subviennent aux dépenses qui seront à leur charge ; mais si les communes ne veulent pas ou ne peuvent pas faire de sacrifices pour leurs chemins vicinaux, le ministre ne leur accordera pas de subsides ; je l’engage à n’en accorder qu’à celles qui feront au moins les deux tiers des dépenses. Si les communes ne se présentent pas et si elles sont dans l’impossibilité de faire ces dépenses, elles ne se présenteront pas, la somme entière restera au trésor. Mais de toutes parts on fait des demandes de subsides ; j’en ai remis, pour ma part, une masse au gouvernement ; j’en ai demandé pour une commune, entre autres, qui fera une dépenses de 13 mille francs pour aller rejoindre une route de l’Etat. Si cette commune obtient un subside de 3 ou 4 mille francs, elle fera le surplus. Elle a vendu des terrains communaux et elle s’impose, depuis plusieurs années, pour construire cette route. Ce n’est pas avec 200 mille francs qu’on pourrait parvenir à donner partout des subsides convenables. Je connais une autre commune qui, avec un subside de quelques mille francs, a construit un chemin vicinal de plus de trois cents mètres, convenablement empierré, qui aboutit à une route.
Je bornerai là mes observations ; j’en avais encore à présenter sur le chapitre XI ; mais je crois que je ferai mieux d’attendre que nous en soyons arrivés à cet article.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je prends la parole pour répondre à l’espèce de reproche que m’a adressé l’honorable préopinant. Je ferai observer de nouveau que le gouvernement, loin de se refuser à toute dépense pour l’amélioration des chemins vicinaux, a déjà consenti, sur la proposition de la section centrale, à doubler l’allocation portée aux précédents budgets, qui était de 100 mille francs, à la porter à 200 mille fr.
L’honorable membre nous a parlé de l’augmentation de certains traitements, pour laquelle, dit-il, on a bien su trouver des fonds. C’est probablement aux traitements des membres de l’ordre judiciaire qu’il a fait allusion, (page 734) car c’est la seule augmentation de quelque importance que la chambre ait votée. Je rappellerai que cette augmentation était prévue depuis plusieurs années. En effet, depuis quatre ou cinq ans, pas une seule situation financière n’a été présentée à la chambre sans que l’on y ait fait mention de cette dépense ; il semblait convenu entre les membres de la chambre que cette augmentation devait avoir lieu aussitôt que l’état du trésor le permettrait. C’était donc une dépense à laquelle on s’attendait depuis longtemps ; elle figurait d’avance dans les différents exposés qui vous ont été faits de notre situation financière ; elle a même toujours été portée en ligne de compte et admise comme une nécessité généralement connue dans les prévisions des ressources à créer pour équilibrer les budgets des recettes et des dépenses.
L’honorable membre a allégué qu’on demandait des allocations pour embellissements au chemin de fer. Bien que ce ne soit pas à moi à répondre à ce reproche, je n’hésite pas à dire que jamais on n’a demandé de sommes pour de simples embellissements au chemin de fer. Si des fonds sont réclamés pour construire des stations, c’est que ces stations ont été reconnues nécessaires ; si on a proposé l’établissement d’une double voie dans plusieurs sections, c’est que cette double voie a été trouvé indispensable dans l’intérêt de l’exploitation et du produit du chemin de fer. Il en est de même du tunnel dont a parlé l’honorable membre. Il ne faut pas examiner ces dépenses isolément, mais les rattacher à l’économie de toute notre voie ferrée.
M. de Muelenaere – Je félicite l’honorable membre de la persistance qu’il met à défendre une opinion qu’il croit favorable aux intérêts agricoles. Je suis entièrement d’accord avec lui que l’amélioration de la voirie vicinale exige encore chez nous de grands efforts, de grandes dépenses et que, sous ce rapport, il reste beaucoup à faire. Je crois même qu’une somme de 500,000 fr. destinée à être répartie à titre de subside entre toutes les parties du royaume, ne serait pas trop élevée, eu égard à l’importance de l’objet. Mais je me permettrai de soumettre à l’honorable membre quelques observations pratiques.
Je crois qu’on ne parviendra jamais à faire des travaux réellement utiles sans la condition du concours des provinces et des communes ; je crois que ce concours est indispensable. Le gouvernement doit intervenir à titre d’encouragement. Si nous sommes d’accord sur ce point, nous allons examiner le côté entièrement pratique de la question. Jusqu’à présent, et depuis quelques années seulement, vous avez voté au budget une somme de 100 mille francs. Cette somme a été distribuée entre les diverses provinces et les communes des provinces qui se sont imposé le plus de sacrifices.
Il en est résulté que les communes, les provinces et l’Etat ont fait annuellement une dépense de 500 mille francs, de manière que l’Etat n’est intervenu que jusqu’à concurrence d’un cinquième dans les dépenses faites pour l’amélioration de la voirie vicinale. Sans m’expliquer sur la quote-part des communes, je dirai qu’il est de toute nécessité qu’elles continuent à intervenir, et même à intervenir pour une part assez forte. Il doit en être ainsi, indépendamment des dispositions légales, car les dispositions légales pourraient être modifiées. Mais si une nouvelle loi était faite, il faudrait encore y poser en principe que les communes doivent intervenir dans la grande voirie vicinale pour une somme assez forte. S’il n’en était pas ainsi, vous vous priveriez du plus sûr moyen de vous assurer du bon emploi des subsides accordés par l’Etat ; car le seul moyen, pour la législature, de s’assurer que les fonds qu’elle alloue sont efficacement employés, c’est de faire concourir les communes et la province dans une certaine proportion. Indépendamment de cette considération, qui est très-grave, il en est une autre qu’il ne faut pas perdre de vue : c’est que si les communes n’étaient pas obligées d’intervenir dans les dépenses de la grande voirie vicinale et dans une proportion assez forte, vous sentez que les prétentions des communes n’auraient plus de limites ; elles iraient chaque année en augmentant ; au bout de quelques années, ce n’est pas 500,000 fr., mais 10 millions, mais 20 millions qu’on demanderait pour l’amélioration des chemins vicinaux. C’est ce qu’il faut éviter.
Cependant, je le répète, la somme de 500,000 fr ; ne me paraîtrait pas très-considérable, eu égard à l’importance des chemins vicinaux et aux chemins à faire, si on pouvait l’employer utilement dans l’exercice 1845. Mais je ne suis pas convaincu que cet emploi puisse avoir lieu utilement. Je crois, au contraire, qu’il ne pourra avoir lieu utilement ; je vais en dire la raison.
Les communes, les provinces ont compté sur le subside accordé l’année précédente ; on a pu espérer quelque augmentation, parce qu’il a eu des réclamations de ce chef ; mais personne n’a pu penser que le crédit serait porté tout d’un coup de 100,000 à 500,000 fr.
Il ne faut pas perdre de vue que le budget des provinces pour l’exercice 1845 a été définitivement arrêté et voté en juillet 1844, que les budgets communaux pour 1845 ont été définitivement arrêtés et votés en septembre et octobre 1844. Dans ces budgets provinciaux, d’une part ; dans ces budgets communaux, d’autre part, toutes les sommes disponibles ont reçu une affectation utile et spéciale. Je ne vois pas qu’on puisse, dans le cours de l’exercice 1845, revenir sur l’affectation donnée aux sommes disponibles des provinces et des communes, et surtout des communes ; car vous savez que la situation financière des communes n’est pas en général satisfaisante, qu’elles ont de la peine à faire face aux dépenses les plus urgentes. Dès lors, de deux choses l’une : ou le gouvernement sera obligé de changer entièrement le mode de répartition qui a été suivi jusqu’à présent, ou bien une grande partie des 500,000 fr. restera disponible, et ne pourra être utilement employé dans le courant de l’exercice 1845.
Dans une pareille position, et d’après les considérations présentées par M. le ministre des finances, je dis qu’il ne faut pas grever de 300,000 fr. de plus le budget de 1845.
La somme de 100,000 fr. , votée précédemment, est doublée, elle est portée à 200,000 fr. par la section centrale, d’accord avec le projet du gouvernement. Je crois qu’ainsi l’on a déjà beaucoup fait pour l’exercice 1845.
Maintenant, par la discussion qui a eu lieu, les communes et les provinces seront averties qu’il y a à espérer, pour elles, d’obtenir peut-être une augmentation au budget de 1846. Vous verrez, par le vote des budgets communaux et provinciaux, si les provinces et les communes sont disposées à répondre aux intentions bienveillantes du gouvernement et de la législature ; vous examinerez ce qui vous restera à faire au budget de 1846.
En terminant, je dois faire observer à la chambre que je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M. d’Huart sur l’immense danger qu’il y aurait à confier l’administration ou la surveillance des chemins vicinaux à l’administration des ponts et chaussées. Je pense qu’il ne peut être question d’une pareille mesure ; ce serait entraîner les communes dans des dépenses énormes, les exposer à faire des dépenses sans utilité réelle.
Je recommande aussi à l’honorable M. d’Huart, à l’attention toute particulière du gouvernement et surtout à M. le ministre des finances, la disposition fiscale de l’art. 14 de la loi sur les chemins vicinaux. Je crois qu’il est important d’apporter une modification à cette disposition de la loi. Les motifs en ont été si lucidement exposés par l’honorable M. d’Huart que je ne crois pas devoir insister sur ce point.
Je me bornerai à dire que cette disposition ne répond pas à la pensée du législateur ; elle a été introduite dans la loi par un amendement, qui, sans doute, n’avait pas été convenablement mûri.
M. Dumont – Je crois qu’à propos d’une allocation au budget il est bon de voir quel usage le gouvernement en a fait les années précédentes.
Je n’ai pas bien compris les explications qui ont été données par M. le ministre de l'intérieur : il a semblé, d’une part, reconnaître le principe que les fonds étaient destinés à encourager les efforts des communes pour l’amélioration de la voirie vicinale. J’en conclus que la répartition doit être proportionnée aux efforts des communes et des provinces. Cependant, si nous jetons les yeux sur le tableau joint au rapport de la section centrale, nous voyons que la province de Hainaut, qui a consacré 100,000 francs à cet objet, n’a reçu qu’un subside de 8,000 fr.
Je suis fâché de parler de ma province. J’aime à ne parler que des intérêts généraux. Mais chaque fois qu’une localité n’est pas traitée avec justice, il est de notre devoir de la signaler. D’autres provinces qui n’ont affecté à ces dépenses que 9 ou 10 mille fr., ont reçu à ce titre 14 ou 15 mille francs, c’est-à-dire plus qu’elles n’ont dépensé.
J’espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien nous donner des explications à cet égard, nous dire si son intention est de continuer à faire la répartition de la même manière, ou de ne prendre pour base que les efforts des communes et des provinces. Ce qui est, je pense, le vœu de la loi.
Puisque j’ai la parole, je soumettrai à la chambre quelques observations sur ce qu’a dit l’honorable comte de Muelenaere.
Cet honorable membre pense qu’il serait inutile d’élever le crédit jusqu’à 300,000 fr.et même jusqu’à 200,000 fr. ; car les raisons sont les mêmes dans un cas comme dans l’autre. Cette inutilité, il en trouve le motif dans la circonstance que les budgets des provinces et des commune sont arrêtés pour 1845.
A cet égard, je ferai observer que, lorsque les communes veulent améliorer notablement les chemins vicinaux, soit, en les empierrant, soit en les pavant, ce n’est pas avec les ressources ordinaires ; mais elles se créent des ressources extraordinaires. Au besoin, elles font des emprunts. Il est à ma connaissance que beaucoup de communes ont fait des emprunts pour pourvoir à ces dépenses. Les budgets arrêtés n’empêchent pas les communes de voter un emprunt pour l’amélioration des chemins vicinaux.
Ensuite, en votant ces allocations, on n’impose pas au gouvernement l’obligation de dépenser la somme ; ce n’est qu’un crédit. Si les communes et les provinces ne contribuent pas la dépense, la somme ne sera pas dépensée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – En réponse à la première observation faite par l’honorable membre, je dirai que, sur les 4 années, chaque province a reçu à peu près la même chose. Mais il est vrai de dire que le gouvernement n’a pu accorder des subsides en rapport avec la somme générale que certaines provinces ont votée. Cette somme générale est votée pour les chemins vicinaux de grande communication et même pour d’autres chemins vicinaux ; car, en vertu de l’art. 26 de la loi, il est permis aux provinces d’accorder des subsides non-seulement pour les chemins vicinaux de grande communication, mais encore, dans les cas extraordinaires, pour les autres chemins vicinaux.
Le gouvernement a été plus rigoureux ; on l’a dit à plusieurs reprises : il n’est intervenu que dans l’amélioration de certains chemins vicinaux de grande communication. Il faut que ces chemins présentent un caractère particulier d’utilité. C’est ainsi que le gouvernement a procédé. Cependant, la somme étant doublée, le gouvernement pourra être plus généreux envers les provinces qui feront de grands sacrifices ; toutefois, le gouvernement ne devra intervenir que pour les communications qui présentent un caractère d’utilité publique. Tel est l’esprit de la loi.
En terminant, l’honorable membre a fait observer que l’on pourrait porter la somme au budget, et que cette somme pourrait rester intacte. En effet, j’ai dit hier, j’ai répété aujourd’hui, et plusieurs membres ont fait observer avec moi, qu’il ne fallait pas altérer le système d’intervention du gouvernement.
(page 735) Le gouvernement est intervenu pour 10,000 fr. ; son intervention n’a eu pour objet que des chemins vicinaux de grande communication, ayant un caractère d’utilité publique. Les provinces sont également intervenues dans cette catégorie de chaussées pour 100,000 fr. Les communes sont intervenues pour une somme beaucoup plus forte et qui dépasse par an un demi-million. Nous ne voulons pas altérer le système. Les provinces interviendront pour une somme égale à l’intervention du gouvernement, c’est-à-dire que l’Etat intervenant pour 500,000 fr., les provinces interviendraient pour 500,000 fr.
Je n’hésite pas à dire que c’est impossible.
M. Eloy de Burdinne – 500,000 fr. à charge des provinces et des communes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nullement ; d’après l’honorable membre qui m’interrompt (j’ai pris note de ses paroles), l’Etat et la province interviendraient pour un tiers, les communes interviendraient pour les deux autres tiers. Ainsi l’Etat interviendrait pour 500,000 fr., les provinces pour 500,000 fr. Nous arrivons à un million. Ce serait le tiers à la charge de l’Etat et des provinces. Les deux autres tiers, deux millions, seraient à la charge des communes.
Nous allons donc faire, en 1845, à une époque où les budgets communaux sont arrêtés depuis longtemps, ainsi que tous les budgets provinciaux, nous allons en reprendre l’amélioration des chemins vicinaux pour 3 millions. Eh bien, je dis que c’est vouloir l’impossible. C’est ce que j’ai déjà déclaré hier. (Interruption.)
Messieurs, nous sommes en février 1845 ; les budgets communaux sont arrêtés depuis le mois d’octobre dernier ; les budgets provinciaux sont arrêtés depuis le mois de juillet dernier ; il est évident qu’aujourd’hui il est impossible d’entreprendre l’amélioration des chemins vicinaux, à raison d’une dépense de 3 millions.
Vous pouvez mettre à la disposition du gouvernement 200,000 fr ; au lieu de 100,000 fr. Ce n’est pas tenter l’impossible. Cependant, je dois dire que, pour l’année 1845, certaines provinces n’élèveront pas leur contingent au niveau du contingent de l’Etat. C’est impossible. Les communes faisant des dépenses très-considérables, on pourra se montrer plus généreux ; mais, mettre à la disposition du gouvernement 500,000 fr., c’est le placer dans la position que vous a très-bien indiquée l’honorable M. ; de Muelenaere ; c’est le mettre dans cette alternative-ci : Ou le gouvernement ne dépensera pas cette somme, ou il la dépensera en changeant complètement le système d’intervention suivi jusqu’à présent.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je désire rectifier un fait. Je voudrais savoir si M. le ministre de l'intérieur m’a, oui ou non, compris ; car il dénature complètement mes paroles.
Voici ce que j’ai dit relativement aux provinces : J’ai dit que les provinces tiraient des subsides des communes, et que ce qu’elles donnaient, elles ne donnaient avec l’argent des communes ; que dès lors vous ne deviez pas seulement prendre en considération les sacrifices des provinces, mais particulièrement les sacrifices faits par les communes.
Ou je me suis mal expliqué, ou M. le ministre de l'intérieur a fait de la diplomatie.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne crois pas avoir dénaturé les observations de l’honorable M. Eloy de Burdinne. J’ai dit hier, et j’ai répété aujourd’hui, qu’il fallait maintenir le système d’intervention, tel qu’il a été consacré jusqu’à présent, c’est-à-dire, la triple intervention des communes, des provinces et de l’Etat, et que l’intervention de l’Etat doit être une intervention secondaire.
Or, si vous voulez maintenir ce système, il faudra que les provinces et que les communes élèvent leur contingent au niveau de la dépense nouvelle de 500,000 fr. Eh bien, je dis que si vous exigez de nouveau que les communes et les provinces élèvent leurs dépenses, ne fût-ce que dans la proportion de la moitié du contingent, vous voulez déjà l’impossible.
M. de Garcia – Messieurs, j’ai présenté quelques considérations à l’appui de la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Elles ont été combattues par ce que j’appellerai des raisons au fond et par des raisons accessoires que j’avais prévues : celles du trésor.
Quant à moi, messieurs, je pense que le subside de 500 mille francs pour amélioration de la voirie vicinale ne serait pas trop considérable. Lorsqu’il s’est agi d’un premier subside, et lorsque la loi sur les chemins vicinaux a été portée, j’ai déjà déclaré que, selon moi, il faudrait donner à l’Etat un demi-million pour stimuler les communes à améliorer et à réparer leur voirie vicinale. Je persiste dans cette pensée. Mais l’état de nos finances est une considération qui m’empêchera peut-être de pouvoir voter l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne ; je crains que, dans la situation actuelle du trésor, il soit impossible de faire les sacrifices qu’entraîne cette proposition ; à cet égard, j’attendrai des développements ultérieurs. Mais je dois quelques mots de réponses aux observations qui ont été faites sur le fond de la proposition.
On vous a dit : L’esprit, le système de la loi de 1841 est de mettre à la charge des communes la réparation des chemins vicinaux.
Messieurs, je sais bien que tel est le principe fondamental de la loi ; mais je dis qu’il n’est pas exclusif de subsides qu’accorderaient les provinces et l’Etat, et que la loi, dans ses articles 24 et 26, consacre entièrement la pensée que j’exprime ici. A la vérité, la loi ne fait pas aux provinces et à l’Etat une obligation d’intervenir dans les dépenses ; mais elle supporte cette intervention, et cela suffit. Dès lors le seul point de vue que nous ayons à examiner est de savoir s’il est de l’intérêt de la petite voirie que l’Etat intervienne dans son extension ? Je crois, messieurs, qu’on ne peut contester ce principe. J’ai dit que l’Etat, par son intervention, viendrait comme stimulateur et comme modérateur. Il viendra comme stimulateur, en ce qu’il engagera les communes, pour les subsides qu’il leur accorderait, à faire tous les sacrifices possibles pour améliorer leur voirie . Il viendra comme modérateur en ce qu’il soulagera les communes qui auraient épuisé toutes leurs ressources pour ces améliorations.
Messieurs, il est juste que l’Etat intervienne dans cette dépense, il est juste que ces charges soient supportées en partie par tous les citoyens. En effet, les habitants de ces localités, qui ont des chemins vicinaux en mauvais état ont concouru pour leur part à la construction des canaux, des chemin de fer ; ils n’en retirent directement aucun avantage ; si donc vous voulez être justes, l’Etat, la société entière doit venir à leur secours pour améliorer leurs voies de communication et leur permettre d’arriver aux chemins de fer, aux canaux et à toutes les grandes artères du royaume.
A cet égard, je dois répondre à une objection qui nous a été faite. On a dit : soit que l’Etat, soit que les communes supportent la dépense, ce sera la même chose ; car ce sont les communes qui payent à l’Etat les revenus. Il y a dans ce raisonnement une appréciation fausse et inexacte des choses, ce raisonnement serait vrai si les charges de la petite voirie étaient les mêmes dans toutes les communes.
Mais cela n’existe pas ; dans telle commune on paie 10 centimes additionnels, dans d’autres on en paie 5 ; dans d’autres on en paie 15 et 20. Or, je le demande, est-il juste de faire supporter si inégalement les charges de réparations qui sont utiles à tout le monde ? Je ne le pense pas, et je ferai tout ce qui sera en moi pour combattre un système aussi inique.
Messieurs, j’ai aussi un mot à dire sur une critique assez sévère qui a été faite de l’article 14 de la loi de 1841, en ce que cet article limite la dépense que doivent faire les communes à un dixième de tous leurs revenus directs. On a dit que cette disposition avait été introduite dans la loi avec légèreté.
Messieurs, je maintiens qui, si cet amendement est inexécutable au point de vue administratif, il est bon, en principe, et que si la loi était encore à faire, il faudrait l’y introduire.
Je m’explique :
Au point de vue administratif, l’article 14 contient différentes bases d’impôt pour concourir à l’amélioration des chemins vicinaux, et dans le dernier paragraphe, il est dit que les centimes additionnels sur les contributions devront au moins former le tiers du produit des autres bases. Or, quand vous voulez mettre en harmonie toutes ces bases, et ne pas dépasser 10 centimes additionnels, administrativement cela devient impraticable.
Messieurs, je suis l’auteur de cet amendement. Je persiste à croire qu’il est nécessaire dans la loi, en ce qu’il limite les charges qui seront imposées aux communes pour concourir à la réparation des chemins vicinaux. Je dis plus : Je suis convaincu que, sans cet amendement, la loi n’eût pas été adoptée telle qu’elle était. Je suis convaincu, entre autres, que l’art. 22, qui se lie avec l’article 14, n’aurait pas été admis. Cet article 22 autorise la députation à forcer les communes à s’imposer ; mais la députation se trouve limitée par l’article 14, qui veut que les communes ne soient point imposées au-delà du dixième des contributions directes.
Je le répète donc, je suis convaincu que, sans cette restriction, la loi n’aurait pas été adoptée.
Sans doute, cet article 14 peut, et je dirai plus, doit être modifié quant à la forme ; mais quant au fond et au principe il doit être maintenu. Comme auteur de la proposition, je dois déclarer que, lorsqu’on a dit que le produit des diverses bases ne pourrait excéder le dixième du montant de toutes les contributions directes, je n’ai pas entendu que cela se rattachait exclusivement au § 4 où il est dit que les centimes additionnels contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; et si l’on me disait aujourd’hui, qu’outre les charges imposées par les trois premières bases, on pourrait encore imposer un dixième de tous les revenus directs pour l’entretien des chemins vicinaux, je repousserais de toutes mes forces une semblable disposition. Avec ce système, dans bien des communes, ce ne serait point une charge d’un dixième de toutes les contributions directes que devrait supporter pour réparation de la voirie vicinale, mais un cinquième des contributions foncières, personnelles et des patentes.
Or, vous ne l’ignorez pas, les communes supportent un grand nombre de centimes additionnels, les uns pour l’instruction, les autres pour les presbytères, d’autres pour les chemins vicinaux ; aujourd’hui, et de ces divers chefs, la plupart des communes rurales supportent 30, 40 et 50 centimes additionnels ; c’est-à-dire que les accessoires de toutes les contributions directes font presque la moitié du fonds de ces diverses contributions. Au surplus, j’attendrais les propositions à cet égard, mais d’avance je déclare que je combattrais toute proposition du gouvernement qui tendrait à détruire notablement les principes consacrés dans la loi de 1841.
Messieurs, je me réserve de faire valoir d’autres considérations lorsque l’occasion s’en présentera. Pour le moment, je bornerai là mes observations.
M. Dumortier – Messieurs, je pense que l’article qui nous occupe mérite une très-sérieuse attention de la part de la chambre.
Nous avons, messieurs, très-peu d’occasions de faire quelque chose pour l’agriculture. Nous ne pouvons lui rendre de services sérieux et efficaces qui se répandent sur tout le territoire que par deux moyens ; par la loi sur les céréales et par les améliorations de la voirie vicinale. Hors de là nous ferons des améliorations locales, mais nous ne ferons rien pour le bien-être général.
A ce point de vue, messieurs, je pense que le crédit proposé par l’honorable M. Eloy de Burdinne pourrait et devrait être voté par la chambre. Car il est certain que rien ne contribue plus à améliorer l’agriculture que la facilité des communications.
(page 736) J’ajouterai que la dépense que vous faites pour améliorer la voirie vicinale n’est pas exclusivement dans l’intérêt des villages, mais qu’elle est aussi dans l’intérêt des villes. Car, lorsque vous améliorez les voies de circulation, quand vous facilitez les moyens d’arriver aux villes, vous ouvrez, en quelque sorte, de nouveaux débouchés pour les produits des fabriques. De sorte qu’en faisant chose avantageuse à l’agriculture, vous faites en même temps chose avantageuse à l’industrie. Il serait donc impossible de faire une dépense plus utile.
Il est bien entendu, messieurs, qu’en matière d’améliorations des chemins vicinaux, le gouvernement ne doit employer ces fonds qu’en construction de pavés ou de routes empierrées, et, à ce point de vue, je dois regretter que la dépense qui nous occupe en ce moment ne soit point portée au budget des travaux publics. Je ne voudrais certainement pas que les ingénieurs des ponts et chaussées fussent chargés de la surveillance des chemins vicinaux. Mais autre chose est de charger les ingénieurs de cette surveillance, et autre chose est de faire figurer la dépense de pavage et d’empierrement dans le budget où elle doit se trouver. Car, n’est-il pas quelque peu ridicule que vous ayez un ministre des travaux publics, dont l’unique charge est de veiller à la construction de vos routes et de vos canaux, et que vous distrayiez de ses attributions une des parties les plus essentielles de cette charge. Il me semble que cela serait beaucoup mieux attribué au ministère des travaux publics, c’est d’autant plus nécessaire qu’il peut se faire que telle commune obtienne à la fois un subside sur le budget de l’intérieur, et un autre subside sur le budget des travaux publics. Cela peut très-bien se faire, car chez nous chaque ministre est un petit roi qui se tient dans un état d’indépendance à l’égard de ses voisins.
Je ne veux pas, messieurs, non plus que les honorables MM. d’Huart et de Muelenaere, mettre les chemins vicinaux entre les mains du corps des ponts et chaussées ; mais il ne s’agit nullement de cela, il s’agit simplement de subsides à accorder. Or, chaque fois qu’un subside est sollicité, il y a une instruction faite par l’administration des ponts et chaussées, et ce sont ainsi les agents du département des travaux publics qui fournissent à M. le ministre de l'intérieur les renseignements dont il a besoin. Ne serait-il pas bien plus naturel de mettre les chemins vicinaux à côté des routes de grande et de moyenne communication ; en un mot, de faire figurer au budget des travaux publics tout ce qui concerne les travaux publics. Au reste, nous n’avons pas à nous occuper d’un semblable transfert ; mais s’il était demandé, je crois qu’il serait d’une bonne administration de l’accorder.
M. le ministre de l'intérieur a répondu tout à l’heure quelques mots à l’honorable M. Dumont. Je voulais faire aussi les observations qui ont été présentées par cet honorable membre. Il serait bien à désirer qu’il y eût un peu de justice distributive dans la répartition du subside qui nous occupe. Or, la province qui fait les plus grands efforts pour l’amélioration des chemins vicinaux est précisément celle qui obtient la moindre part dans le subside de l’Etat. Mon honorable collègue, M. Dumont, a dit tout à l’heure que la province du Hainaut consacre annuellement 100,000 fr. aux chemins vicinaux ; je crois que c’est une erreur, que c’est 200,000 fr. qu’il fallait dire. Eh bien, messieurs, l’année dernière, la province du Hainaut a obtenu du gouvernement 8,000 fr., et en 1843 elle avait obtenu 9,000 fr. ; cela n’est-il pas déplorable ? Généralement, les provinces qui font le moins de sacrifices obtiennent la plus forte part dans le subside porté au budget de l’Etat. Je pourrais citer une province, par exemple, qui n’accorde, chaque année, que 5,000 fr. pour les chemins vicinaux et qui obtient du gouvernement un subside de 10,000 fr. pour ces voies de communication.
Un membre – Quelle est cette province ?
M. Dumortier – Le Limbourg.
M. de Brouckere – Elle est si pauvre.
M. Dumortier – Tout cela est relatif. Je dis qu’il est déplorable de voir accorder 8 ou 9,000 fr. à une province qui consacre annuellement 200,000 fr. à l’amélioration des chemins vicinaux, alors qu’on donne 10,000 fr. à une province qui ne porte elle-même à son budget que 5,000 fr. M. le ministre de l'intérieur nous parle toujours de la triple intervention de l’Etat, des provinces et des communes, mais qu’il organise donc cette triple intervention et qu’il accorde à chaque province des subsides proportionnés aux sacrifices qu’elle s’impose.
Un membre – Il ne fait pas que ce soient toujours les riches qui reçoivent.
M. Dumortier – Ce ne sont pas les riches qui reçoivent ; ce sont les riches qui paient. C’est ainsi que les deux Flandres et le Hainaut paient beaucoup plus et obtiennent moins que les autres provinces.
M. Mast de Vries – C’est pour cela qu’on demande un nouveau chemin de fer pour le Hainaut.
M. Dumortier – Nous demandons un chemin de fer qui rapportera des bénéfices considérables au trésor. Quand on voudra faire dans la province de l’honorable interrupteur un chemin de fer à ces conditions, je suis persuadé que tous les membres de la chambre s’empresseront d’adopter une semblable proposition.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit, messieurs, que si nous adoptions l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, ce serait forcer les choses, que d’ailleurs les budgets des provinces et des communes sont arrêtés, et que dès lors le subside ne pourrait pas être employé. Je n’ai qu’un mot à répondre à cette observation : c’est que comme nous faisons tous les ans le budget de l’intérieur plusieurs mois après les autres budgets, l’objection de M. le ministre de l'intérieur pourra toujours nous être opposée et qu’ainsi nous n’arriverons jamais à l’amélioration des chemins vicinaux. Il faut commencer par voter un chiffre convenable, et si le crédit ne peut pas être dépensé la première année, au moins pour l’année suivante les communes et les provinces seront averties ; elles sauront quelle est la somme mise à la disposition du gouvernement, et elles pourront régler leur budget en conséquence.
Je pense donc, messieurs, que nous ferions très-bien de voter la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Un membre – Et l’équilibre financier ?
M. Dumortier – Il y a deux moyens de maintenir l’équilibre dans les finances. Le premier, c’est de ne pas voter toujours des augmentations de traitements. J’aimerais beaucoup mieux voir faire quelque chose pour l’agriculture, et notamment pour l’amélioration des chemins vicinaux, que de voir accorder continuellement une des augmentations de traitements qui ne profitent qu’à quelques fonctionnaires. L’autre moyen, c’est de voter des réductions sur le chapitre des sciences, des lettres et des arts ; mais ce moyen-là, qui a été proposé par l’honorable M. Eloy de Burdinne, je vous déclare, messieurs, que je ne pourrais pas y consentir. Ne sont-ce pas les sciences, les lettres et les arts qui font la gloire de la Belgique ? Une nation, messieurs, ne vit pas seulement de pain ; il lui faut aussi une nourriture intellectuelle. Je pense que les nations ne peuvent pas faire un meilleur emploi de leur argent que de le consacrer au développement des travaux de l’intelligence. Les encouragements que nous avons donnés jusqu’ici aux sciences, aux lettres et aux arts ont déjà contribué puissamment à répandre un grand lustre sur la Belgique. Je ne consentirai donc en aucune manière aux réductions dont a parlé l’honorable M. Eloy de Burdinne, et je pense que bien peu de membres le suivront dans cette voie.
Messieurs, je crois que l’équilibre financier est assuré. Vous savez tous que les recettes du chemin de fer présentent une excédant de 2 millions sur les produits de l’exercice précédent. Cet excédant va très-probablement s’augmenter encore.
Un membre – Et Cumptich ?
M. Dumortier – L’événement de Cumptich est un événement déplorable Je désire pour mon compte, qu’on puisse à l’avenir se passer de tunnels en Belgique, afin d’éviter de pareils accidents. Mais il faut convenir que l’événement de Cumptich aura une très-faible influence sur les revenus du chemin de fer ; les marchandises ne s’en transportent pas moins, et je pense que bien peu de personnes s’abstiendront de voyager, à cause de cet accident. D’ailleurs, il n’y a pas qu’un Cumptich en Belgique, et le pays est coupé dans tous les sens par des chemins de fer.
Nous avons donc lieu d’espérer que les revenus du chemin de fer continueront à s’accroître ; c’est, du reste, ce qui est arrivé dans tous les pays. Partout, les produits des chemins de fer ont été progressivement, en augmentant. Je suis intimement convaincu que, cette année encore, nous aurons à constater un excédant considérable dans les revenus du chemin de fer.
Eh bien, messieurs, n’est-il pas juste de donner une partie de cet excédant de revenus à l’agriculture ? Qui est-ce qui a payé les sommes considérables que le chemin de fer a coûtées ? N’est-ce pas l’agriculture ? il faut donc bien faire aussi quelque chose pour elle. Comme l’a fort bien dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, quand il s’agit de commerce et d’industrie, on n’est pas si difficile ; alors, on vote non pas deux ou trois cent mille francs, mais plusieurs millions ; c’est ainsi que l’industrie du sucre exotique nous a coûté pendant longtemps 4 millions par an, et lorsqu’on a voulu lui retirer une partie de cette somme, elle a fait entendre les plaintes les plus vives. Eh bien ! messieurs, lorsqu’on fait de pareils sacrifices pour l’industrie, comment refuserait-on à l’agriculture quelques centaines de mille francs dont elle doit retirer les plus grandes avantages ? Je suis convaincu qu’avec une somme suffisamment élevée et bien répartie vous arriveriez à ce résultat, qu’avant peu d’années toutes les communes de la Belgique seraient reliées par de bons chemins aux principaux centres de population. Ce serait certainement là un bien beau résultat, la civilisation y gagnerait, l’agriculture y gagnerait, les villes mêmes y gagneraient.
Je pense donc, messieurs, que nous ne pouvons pas repousser l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, nous ne repoussons pas d’une manière absolue la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne ; mais nous disons que, pour cette année, c’est assez faire que de doubler la somme qui a été porté au budget les années précédentes. Nous verrons s’il fait faire davantage l’année prochaine en maintenant le système d’intervention consacré jusqu’à, présent. Les provinces et les communes sont maintenant prévenues ; nous verrons quels sont les sacrifices qu’elles peuvent faire encore, et nous jugerons d’après l’étendue de ces sacrifices quelle est la proposition que le gouvernement devra faire pour l’exercice de 1846. Quant à l’exercice de 1845, je dis que c’est assez faire que de doubler la somme.
Vous voyez, donc, messieurs, que nous proposons plutôt un ajournement qu’un rejet absolu. Personne ne demande un rejet absolu.
M. de Theux – Tout le monde est d’accord pour porter, cette année, au double de la somme allouée précédemment pour les chemins vicinaux, mais faut-il la porter au quintuple ? voilà la question qui se présente d’une manière incidente, et je dois le dire, quoique je sois extrêmement porté à faire tout ce qui est possible pour l’amélioration des chemins vicinaux, je ne trouve point dans la discussion assez d’éclaircissements pour adopter immédiatement la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Je voudrais avant de rien décider sur ce point, que M. le ministre de l'intérieur pût communiquer à la chambre un rapport sur les résultats déjà obtenus par la loi sur les chemins vicinaux, surtout en ce qui concerne les chemins de grande communication.
Je voudrais que ce rapport indiquât aussi l’ensemble des chemins vicinaux de grande communication qui doivent encore être mis en état d’entretien, et, en même temps, les ressources que les provinces, les communes et les particuliers peuvent consacrer à l’amélioration de ces chemins ; (page 737) quand nous serons munis de ce rapport, quand nous aurons aussi en quelque sorte le tableau des routes que le gouvernement compte encore construire, nous pourrons prendre une résolution en pleine connaissance de cause, sur les encouragements qu’il convient d’adopter pour l’amélioration des chemins vicinaux de grande communication, car je crois qu’il ne s’agit que de ceux-là en ce qui concerne l’intervention de l’Etat.
Je désirerais aussi que le rapport indiquât jusqu’à quel point les chemins vicinaux ont été mis en bon état au moyen des sommes allouées jusqu’ici, jusqu’à quel point ces chemins ont été convenablement pavés ou empierrés, ceci est très-important pour apprécier l’opinion de ceux qui pensent que les chemins vicinaux, pavés ou empierrés, devraient rentrer dans les attributions de l’administration des ponts et chaussées. Cette opinion serait fondée si les travaux exécutés avaient été faits en pure perte, s’ils n’avaient pas été faits avec toute la solidité désirable ; mais si, au contraire, ces chemins vicinaux ont été bien construits, s’ils sont bien entretenus, pour moi, je suis d’avis de ne pas distraire les chemins vicinaux de l’administration du département de l’intérieur. C’est un moyen plus certain de déterminer les sacrifices des communes et des provinces, et je crois aussi que ce mode d’administration est beaucoup plus économique.
En ce qui concerne la répartition des subsides, il ne faut pas voir d’une manière absolue les sacrifices que font les provinces et les communes, il faut encore avoir égard aux ressources des communes et des provinces et aux besoins des diverses localités. S’il en était autrement, les provinces adopteraient nécessairement le même principe, et il s’ensuivrait que les communes les plus pauvres resteraient à jamais dans l’isolement. Or, cela ne serait pas assurément dans l’intérêt du pays. Je conviens que ces localités ne peuvent pas avoir autant d’avantages que les grands centres de population ; mais qu’au moins on ne réduise pas ces communes à un état d’ilotisme.
Je crois qu’il est inutile d’insister sur ce principe. Le gouvernement et les chambres ont maintes fois manifesté l’intention de mettre les différentes parties du royaume dans un état aussi prospère que les circonstances et les localités le permettront.
M. Eloy de Burdinne – Je propose à la chambre de ne voter que sur mon amendement qu’après qu’elle aura discuté tous les articles du budget de l’intérieur.
M. Rogier – Messieurs, parmi les encouragements destinés à l’agriculture, il faut faire figurer en premier lieu ceux que l’on accorde à la voirie vicinale et la chambre eût donc bien fait hier d’ajourner la discussion du chapitre V jusqu’à celle du chapitre XI relatif à l’agriculture. La discussion eût été la mieux à sa place et aurait peut-être porté de meilleurs fruits ; je viens donc appuyer la motion d’ordre de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Je ne doute pas qu’en examinant l’ensemble des subsides à voter en faveur de l’agriculture, on ne soit amené à reconnaître que la meilleure protection à lui donner aujourd’hui consiste dans l’amélioration de la voirie vicinale. Il est possible alors qu’on réduise d’autres subsides moins urgents affectés à l’agriculture ou à d’autres parties du service public ; bien entendu que je ne comprends pas dans les dépenses susceptibles de réduction les lettres, les sciences et les arts, qui n’ont pas moins droit que l’agriculture à la sympathie de la chambre.
La question de la voirie vicinale mérite toute la bienveillance et toute l’attention de l’assemblée. Nous avons réglé par une loi ce grand intérêt des campagnes ; mais, pour que cette loi porte ses fruits, il faut que des ressources suffisantes existent. Au budget de 1841, l’honorable président de la chambre, alors ministre de l’intérieur, proposa un subside de 100,000 fr. Cette première somme ne fut pas votée sans hésitation, sans quelqu’opposition ; la chambre se le rappellera. Le ministère soutenait alors que ce premier pas, fait en faveur de l’agriculture, serait suivi d’autres encouragements. Je vois avec plaisir que tout le monde est aujourd’hui d’accord sur la convenance du crédit, et qu’on ne diffère plus que relativement à l’élévation du subside.
Quant à moi, je me suis senti très-disposé à appuyer l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Si l’on veut donner un encouragement efficace à l’agriculture, si l’on veut que la voirie vicinale fasse les mêmes progrès que la voirie de l’Etat, que la voirie provinciale, un subside de 100,000 fr. par an ne suffit pas ; il ne suffit pas surtout pour les communes pauvres. Or, c’est vers ces communes principalement qu’il faut que les secours de l’Etat se portent. Il ne s’agit pas ici d’une répartition proportionnelle. Sous ce rapport, je ne saurais partager l’opinion de ceux qui regardent comme une chose injuste que telle commune, telle province riche, lorsqu’elle a beaucoup dépensé, ne reçoive pas plus que telle province pauvre, telle commune pauvre. Les fonds de l’Etat ne doivent-ils pas surtout être consacrés à secourir les provinces et les communes qui sont les moins bien partagées du côté de la fortune ?
Un des principaux arguments qu’on a fait valoir contre la proportion des 500,000 francs était que, pour l’année 1845, les budgets des provinces et des communes sont arrêtés. Si les communes et les provinces ne peuvent pas changer, attendu que leurs budgets sont déjà réglés, la proportion dans laquelle elles ont contribué jusqu’ici dans la dépense de l’entretien des chemins vicinaux, cette impossibilité n’existe pas moins pour les 100,000 frs. d’augmentation qu’on adopte que pour les 400,000 frs. proposés. Donc cet argument pêche entièrement par sa base, ou, s’il a quelque valeur, il ne faudrait admettre aucune augmentation.
Messieurs, les subsides accordés par l’Etat à l’amélioration de la voirie vicinale ne sont pas même, au point de vue fiscal, des dépenses improductives. Un bon système de voirie vicinale accroîtrait les ressources du trésor public. Plus on arrivera facilement aux routes de l’Etat et aux chemins de fer, plus le produit des barrières et des péages du chemin de fer s’améliorera.
Je n’insisterai pas sur ces observations qui ne se rattachent pas directement à la motion d’ordre. J’ai voulu seulement rendre la chambre attentive à l’importance de la question, en obtenir d’elle qu’elle ajourne une décision définitive, jusqu’au vote sur le chapitre de l’agriculture.
M. le président – Je consulterai d’abord la chambre sur la motion de M. Eloy de Burdinne.
M. Dumortier – Pour le cas où la chambre écarterait la motion d’ordre de l’honorable M. Eloy de Burdinne, et déciderait de voter immédiatement sur le chiffre, je proposerais subsidiairement une somme de 300,000 fr. pour les chemins vicinaux.
M. de Mérode – J’appuie la motion d’ordre de l’honorable M. Eloy de Burdinne ; je suis favorable à l’ajournement qu’il demande ; parce que je désire savoir sur quoi nous prendrons l’augmentation des 300,000 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il y aurait peut-être autre chose à faire que de postposer la discussion de l’art. 5, ce serait d’aborder immédiatement la discussion des chapitres X et XI. Nous ne passerons pas, de cette manière, à un autre ordre d’idées, et dès aujourd’hui, je donnerai des explications sur le fonds d’agriculture. Je suis préparé sur cette question.
M. d’Huart – Ceux qui se sont opposés au chiffre de 500,000 fr. l’ont fait, parce qu’ils ont craint que l’équilibre du budget de l’Etat ne fût dérangé ; moi, qui désire beaucoup de voir porter au moins à 200,000 fr. le chiffre pour la voirie vicinale, je crains de postposer le vote ; car il est probable que lors de la discussion des autres articles, on viendra demander des augmentations ; ce qui pourrait nuire à la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne. D’un autre côté, nous avons discuté maintenant une question, et je ne pense pas qu’il faille la compliquer d’une discussion sur le fonds d’agriculture, sur l’école vétérinaire ; dans tous les cas, si on propose la question, la chambre devrait clore la discussion et décider que le vote du chiffre aurait lieu ultérieurement.
M. de Brouckere – Je croyais franchement que la discussion était arrivée à son terme, et que rien n’empêcherait de la clore.
Mais enfin je n’insiste pas pour qu’on se décide à clore, mais pour qu’on adopte la proposition de M. le ministre de l'intérieur, et qu’au lieu de nous occuper de milice et de fêtes nationales, pour revenir ensuite à l’agriculture, nous abordions les chapitres X et XI qui ont une certaine corrélation avec l’objet dont nous nous occupons, sinon, quand nous reprendrons ces articles, nous aurons perdu de vue ce qu’on a dit aujourd’hui, et tous les arguments qu’on a fait valoir seront reproduits.
M. Dumont – Je ne puis partager l’opinion de M. Eloy de Burdinne. La proposition d’ajournement semble faire dépendre l’allocation proposée pour les chemins vicinaux des diminutions qu’on pourrait obtenir sur d’autres chapitres. Je ne puis admettre cela. Je ne veux pas non plus rompre l’équilibre de nos finances ; mais je pense que dans l’état actuel de notre agriculture, nous ne pouvons pas nous dispenser de faire quelque chose en sa faveur. Tout le monde sait qu’elle est dans un grand état de souffrance. Prouvons que nous nous en occupons, en faisant quelque chose dans son intérêt. Je ne puis pas vouloir faire dépendre l’adoption de la proposition de M. Dumortier, qui réduit la somme proposée à 300 mille francs ; je ne puis pas en subordonner le vote à l’équilibre du budget. Si cet équilibre n’est rompu que sous ce rapport, ce ne sera pas un très-grand mal. Je demande qu’on continue la discussion et qu’on vote sur la proposition de M. Dumortier indépendamment de ce qui pourra être fait plus tard relativement au fonds d’agriculture.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant ne demande qu’une manifestation en faveur de l’agriculture. Je pense qu’il est prudent d’attendre la discussion sur l’agriculture en général ; une occasion se présentera alors de faire cette manifestation ; c’est précisément pour cela que je crois nécessaire qu’on entende les explications que j’ai à donner, notamment sur le fonds d’agriculture.
M. Meeus – M. le ministre est très pressé de donner des explications sur le fonds d’agriculture ; je suis, de mon côté, très pressé de les entendre. Mais pour bien traiter les questions, il ne faut pas les confondre. Hier, on avait fait la motion d’ajourner la discussion ; tout le monde s’est trouvé d’accord pour aborder la question actuelle, et aujourd’hui que la discussion est avancée et que la solution est près d’avoir lieu, on veut de nouveau confondre cette question avec une autre question. Quand même la question des chemins vicinaux se rattacherait à l’agriculture, je ne vois pas pourquoi, maintenant qu’on l’a traitée à fond, on ne viderait pas cette question.
Les chemins vicinaux n’intéressent pas seulement l’agriculture, ils intéressent également l’industrie et d’autres branches de la richesse publique. C’est une question d’une immense importance pour le pays. Nous avons établi un magnifique réseau de chemins de fer qui couver la surface de la Belgique, mais nous avons oublié l’intérieur du pays ; il est temps de s’en occuper. J’avais demandé la parole dans la discussion de la question qui vous occupe, pour exprimer le désir que j’avais de voir adopter la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne, parce qu’il faut que le pays sache, que les communes sachent qu’on veut enfin s’occuper d’elles.
L’objection de l’honorable M. de Muelenaere n’en est pas une pour moi. Il vous a dit : les budgets des provinces sont faits, par conséquent cette année les communes ne pourront pas profiter de l’allocation. Mais il en sera de même l’année prochaine, et ainsi d’année en année ; il en résulterait (page 738) qu’on n’accorderait rien, nous ferions mieux de créer un fonds dont nous ne disposerions que l’année prochaine ; ainsi les communes et les provinces pourront régler leur budget de manière à profiter du subside du gouvernement.
M. Eloy de Burdinne – Ce qui m’a déterminé à faire ma motion d’ordre, c’est que beaucoup de membres voudraient, avant de voter l’augmentation que je propose, voir s’il n’y a pas moyen de réduire quelques autres dépenses du budget de l’intérieur. Voilà ce qui m’a porté à faire ma proposition. Il ne faut pas seulement discuter le chapitre XI conjointement avec le chapitre V, mais voir si, sur d’autres allocations demandées, il n’y a pas moyen de faire quelques réductions. Je pourrais en signaler dès aujourd’hui, mais il faudrait pour cela entrer dans de longs développements que l’heure avancée ne me permet pas de présenter à cette séance. Si vous adoptez la proposition de M. le ministre de l'intérieur, nous entrerons dans une discussion interminable qui ne nous conduira à rien.
M. de Garcia – Je suis heureux, messieurs, de voir ce qui se passe dans le moment actuel à propos de la motion d’ordre, car tout le monde, le gouvernement lui-même, semble au fond disposé à accédé à la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne. En effet, que dit-on pour faire ajourner cette proposition ? Rien autre, si ce n’est qu’on doit voir si l’on pourra faire des économies sur d’autres articles dont on veut faire marcher la discussion avec celle-ci ; dès lors, je dois supposer qu’on renonce à toutes les objections opposées au fond de la proposition ; au surplus, je consens volontiers à ce qu’on diffère le vote sur cet article pourvu qu’on considère comme close la discussion actuelle.
M. de Brouckere – Pour moi, et, je puis dire, pour beaucoup d’autres membres, la question dont il s’agit n’est pas seulement une question d’argent, mais une question d’administration, une question de système. Je persiste à croire qu’on fera bien de n’allouer cette année, que 200,000 fr., alors qu’on aurait plus de fonds disponibles. Si j’ai appuyé la proposition de M. le ministre de l'intérieur et si M. le ministre lui-même l’a faite, c’est par suite de la motion qu’avait faite M. Eloy de Burdinne. Je désirerais qu’on votât immédiatement sur les chemins vicinaux ; mais si on veut ajourner le vote, je pense qu’il vaut mieux passer à la discussion des chapitres X et XI, qui se rattachent à l’article en question, que d’intercaler une discussion sur la milice, pour revenir ensuite aux chemins vicinaux. Mais, quant à moi, je persiste dans l’opinion que j’ai émise, qu’on fera bien pour cette année de ne voter que 200 mille fr. quand on aurait plus de fonds disponibles. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président – Deux propositions sont faites ; je vais consulter la chambre.
Plusieurs voix – L’ordre du jour ! l’ordre du jour !
- La chambre, consultée, passe à l’ordre du jour.
En conséquence la discussion continue sur le fond.
M. de Mérode – On a eu raison de dire pendant la discussion que les chemins vicinaux méritaient toute l’attention de la chambre et que l’on ne devait pas regretter le temps qu’elle absorbe.
J’ai vu, messieurs, des communes possédant des biens communaux, par conséquent ayant des revenus assez considérables, où pendant bien longtemps, on ne s’est nullement occupé des chemins ; je ne sais ce qu’on faisait des revenus ; mais aujourd’hui, les choses sont totalement changées : on s’occupe des chemins ; on y emploie presque tout le revenu des communes. Non-seulement on y fait des chemins de village à village, mais on fait des chemins pour les exploitations rurales. Je connais aujourd’hui une commune qui, au moyen d’une dépense de 80 mille fr., a augmenté de 4 à 500 mille fr. la valeur de ses propriétés. Si un pareil avantage pouvait être obtenu dans beaucoup de localités du pays, on voit à quelle plus-value on arriverait.
Nous avons, contre l’allocation que l’on demande, la crainte de certains embarras financiers. Je dirai, au risque d’être accusé d’hostilité à l’égard du chemin de fer, qu’on pourrait facilement obtenir du chemin de fer les 500 mille fr. dont il est question. Quand on se rend à Mons en voiture de première classe, on vous rend un demi-franc sur les 5 fr. que vous donnez. Ce demi-franc est une bien faible diminution pour le voyageur qui va à Mons. Je suis sûr que si, au lieu de rendre ce demi-franc, on le conservait pour le trésor public, on n’aurait pas un voyageur de moins. Cependant, sur la recette totale, on obtiendrait des sommes considérables.
Sur le chemin de fer d’Orléans à Paris on paie un quart de plus que sur les chemins de fer belges ; cependant tout le monde est enchanté de se servir de cette voie de communication. Auparavant on passait une nuit entière sur la route de Paris à Orléans ; aujourd’hui on y va en 3 heures et demie et à meilleur compte qu’en passant la nuit.
Je ne puis donc concevoir que chez nous on ne cherche pas à faire produire à cette voie rapide et économique un peu plus d’argent qu’on emploierait dans un but plus utile que celui de faire voyager à un peu meilleur compte sur le chemin de fer.
Il est certain que le fumier est la plus profitable des marchandises. Avec la facilité de transporter des engrais, on double, on triple souvent la valeur des terres. Il y a des parties du pays, par exemple, celle qu’habite l’honorable M. Eloy de Burdinne (je ne m’étonne pas qu’il soit si zélé pour la création des chemins vicinaux), où l’on ne peut pas aller pendant six mois de l’année. Vous avez la commune de Gasbeke, où il est impossible d’aller en ce moment ; aucune voiture ne peut y aller.
Tandis qu’on ne peut passer dans les communes les plus voisines de la capitale, on transporte par le chemin de fer avec un rabais extraordinaire.
Je demande qu’on ne s’arrête pas seulement au budget de l’intérieur, mais qu’on examine ce que l’on peut examiner sur le budget des travaux publics, et qu’on applique à l’agriculture les sommes qu’on pourra obtenir sur le budget des travaux publics.
- La chambre continue la discussion à lundi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) présente un projet de loi tendant à modifier comme suit l’art. 3 du projet de loi présenté le 10 décembre dernier.
« Le gouvernement est autorisé à accorder à la compagnie Richards la concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse et des embranchements, d’après les bases posées dans les conventions des 26 juin 1844 et 1er février 1845, entre le ministre des travaux publics et cette compagnie. » (La convention du 1er février 1845 est relative à la renonciation, de la part de la compagnie, à la garantie d’un minimum d’intérêt, et la renonciation, de la part du gouvernement, à reprendre le chemin de fer.)
La chambre donne acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l’impression et la distribution, et le renvoie à l’examen des sections qui ont examiné le projet de loi primitif, lesquelles seront convoquées à cet effet dans le courant de la semaine prochaine.
M. Rodenbach – Lorsque j’ai soutenu la compagnie Taylor dans cette enceinte, mon principal but était de faire disparaître un principe fatal et peut-être ruineux pour la Belgique, le minimum d’intérêt.
Je me plais à croire que désormais on ne cherchera plus à faire prévaloir ce principe ; vous le voyez, la concurrence de la compagnie Taylor a fait changé l’opinion de la compagnie avec laquelle l’Etat a fait une convention. Sur 15 millions, une réduction de 3.p. est un bénéfice assez considérable. Cela prouve que le système de minimum d’intérêt serait fatal au pays. (Dénégation de la part de plusieurs membres.)
C’est mon opinion ; j’ai le droit de l’exprimer.
On a parlé de la société Taylor ; l’envie a fait circuler des bruits. Quoi qu’il en soit, il y avait pour 3 millions de signatures belges très-valides.
Nous verrons plus tard ce qui adviendra de cette demande de concession. Il n’en est pas moins vrai que la compagnie Taylor a rendu un immense service, que sans elle les concessionnaires n’auraient pas renoncé à la garantie d’un minimum d’intérêt de 3 p.c.
M. Huveners, secrétaire – Par dépêche de ce jour, le sénat renvoie le projet de loi sur les mesures tendant à prévenir les épizooties, amendé par lui.
- Renvoi à la commission qui a examiné le projet de loi.
La séance est levée à 4 heures un quart.