(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 545) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et un quart. La séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Badot, journalier à Thisnes, atteint d’une ophtalmie qui lui a fait perdre un œil et qui menace de le priver entièrement de la vue, prie la chambre de lui accorder une pension. »
« Plusieurs habitants de Cortessem demandent la construction du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres. »
« Même demande des membres des conseils communaux de Canne, Vlytingen et Vroenhoven. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Delehaye – Il y a deux ans que j’ai demandé qu’il fût fait un prompt rapport sur les pétitions des détaillants de Bruxelles, Gand et Anvers, qui demandent des modifications à la loi relative aux ventes à l’encan. Le rapport a été fait. Les pétitions ont été renvoyées au gouvernement. Dans la session dernière, j’ai interpellé M. le ministre des finances pour savoir à quelles modifications il s’était arrêté. Il m’a répondu qu’il s’en occupait. Je demanderai si le gouvernement a terminé l’étude de cette question, et s’il compte faire droit aux réclamations des chambres de commerce d’Anvers et de Gand et du conseil communal de Bruxelles.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il me serait impossible de dire maintenant où en est l’instruction de cette affaire. La loi a donné lieu à des réclamations, sans que la nécessité des modifications demandées ait été reconnue.
Je pourrai dire que dans quelques jours, par exemple dans la discussion du budget de l’intérieur, quand nous en serons à l’article Industrie, où en est l’instruction relative aux modifications demandées à la loi sur les ventes à l’encan.
M. Delehaye – Il n’est pas exact de dire que l’expérience n’a pas été faite.
La loi existe en France ; on y a fait depuis trois ans la rectification que nous sollicitons.
Il est fâcheux que le gouvernement ne soit pas en état de se prononcer sur une réclamation qui date de deux ans.
Au reste, je renouvellerai mon interpellation dans la discussion du budget de l’intérieur.
M. Van Cutsem, au nom de la commission chargée de l’examen du projet de loi tendant à modifier les articles 331 à 335 du Code pénal, dépose le rapport sur ce projet de loi.
La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.
M. de Garcia – Je demande que la chambre ne fixe pas le jour de la discussion de ce projet de loi. Il a un caractère d’urgence, puisque son but est de combler une lacune du Code pénal. Si je vois la possibilité qu’il soit mis à l’ordre du jour dans un intervalle entre les discussions déjà fixées, je me réserve de le demander.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) présente deux projets de loi : le premier tendant à modifier les tarifs en matière civile ; le deuxième tendant à régler la matière des conflits.
La chambre donne acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ces projets de loi, en ordonne l’impression et la distribution.
M. le président – Comment la chambre entend-elle que se fasse l’examen de ces projets de loi ?
M. Rodenbach – Par une commission.
M. de Garcia – Je demande formellement le renvoi aux sections ; car ce sont là des lois d’une haute importance.
- Le renvoi aux sections est ordonné.
M. le président – Le premier projet à l’ordre du jour est celui relatif au bétail
La section centrale propose l’adoption pure et simple du projet du gouvernement.
La discussion générale est ouverte.
M. de Renesse – Messieurs, d’après les renseignements recueillis par le département de l’intérieur, il paraît résulter, d’une expérience de près de neuf années, que l’éducation du bétail a fait des progrès assez rapide en Belgique, depuis que la loi du 31 décembre 1835 a accordé une certaine protection à cette industrie, liée si intimement au bien-être de l’agriculture.
Il est incontestable que l’insuffisance du bétail et le manque d’engrais qui en est la conséquence sont des obstacles les plus réels au développement de l’industrie agricole ; en protégeant l’élève du bétail, en améliorant, en outre, nos différentes espèces d’animaux utiles à l’agriculture, nous augmenterons la richesse nationale, nous provoquerons la meilleure culture des terres, le défrichement d’une grande partie de nos bruyères, et nous parviendrons, en peu d’années, à ne plus rester les tributaires de l’étranger.
Pour connaître les effets et les progrès de l’éducation du bétail, son influence réelle sur l’augmentation des produits de l’agriculture, il faut nécessairement que le gouvernement s’occupe plus activement de recueillir une statistique agricole ; jusqu’ici l’on a rassemblé à grands frais des statistiques industrielles et commerciales, et quant à la statistique de la première de nos industries, de la base de notre richesse nationale, elle semble ne pas mériter une sérieuse attention. Cependant si nous avons recours à nos voisins, nous voyons qu’en France, qu’en Angleterre, les hommes politiques sentent toute l’importance d’une bonne statistique agricole, parce qu’elle révèle les véritables ressources nationales, et qu’elle prouve l’importance qu’il y a d’augmenter la quantité de bétail, afin de pouvoir fournir à l’agriculture une plus grande masse d’engrais ; par conséquent, provoquer une meilleure culture des terres, et une production plus considérable de céréales.
Je crois devoir appeler toute l’attention du gouvernement sur la nécessité de s’occuper activement d’une statistique de l’agriculture et d’en faire surveiller la bonne exécution. Pour prouver que l’augmentation du bétail a une influence très-marquée sur les produits de la terre, je me permettrai de donner à la chambre quelques renseignements statistiques, puisés dans la Sentinelle des campagnes, journal qui défend les véritables intérêts de l’agriculture, avec autant de zèle que de talent, et qui mérite sous ce rapport la sympathie et l’appui de tous ceux qui s’intéressent au bien-être de l’industrie agricole ; car il faut bien le dire à regret, dans un pays aussi adonné à l’agriculture que la Belgique, beaucoup de journaux s’occupent plus spécialement de politique, des intérêts industriels et commerciaux, et l’agriculture n’obtient que rarement leur bienveillant appui.
Voici les renseignements statistiques publiés par la sentinelle des campagnes :
« Les terres en culture en France ont une superficie de 40 millions d’hectares, et occupent 24 millions d’habitants.
« En Angleterre, les terres cultivées ont une superficie de 13 millions d’hectares, et elles occupent 5,200,000 habitants.
« Hectolitres de grains : En France : 153,000,000 ; en Angleterre : 56,000,000
« Chevaux : En France : 40,000 ; en Angleterre : 170,000
« Bœufs : En France : 800,000 ; en Angleterre : 1,250,000
« Moutons : En France : 5,200,000 ; en Angleterre : 10,200,000
« Ce qui fait pour chaque million d’hectares :
« Hectolitres de grains : En France : 3,825,000 ; en Angleterre : 4,307,692
« Chevaux : En France : 1,000 ; en Angleterre : 13,077
« Bœufs : En France : 20,000 ; en Angleterre : 96,154
« Moutons : En France : 130,000 ; en Angleterre : 770,769
« Et pour chaque million d’habitants
« Hectolitres de grains : En France : 6,375,000 ; en Angleterre : 10,769,231
« Chevaux : En France : 1,667 ; en Angleterre : 32,692
« Bœufs : En France : 33,333 ; en Angleterre : 221,154
« Moutons : En France : 216,667 ; en Angleterre : 1,961,538.
« Ces rapprochements démontrent que l’agriculture française produit et entretient infiniment moins de bestiaux que l’agriculture anglaise. Maintenant, voici quelles sont les conséquences de cette différence. Sur 23 millions de terres arables, la France n’en consacre que 14 à la culture des grains, les 9 autres millions, ou restent en jachère, ou sont cultivés en prairies artificielles, en racines, légumes, plantes oléagineuses, plantes textiles, etc. Ces 14 millions d’hectares rendent donc, terme moyen, chacun 11 hectolitres de grains.
« En Angleterre, 2,500,000 hectares de terres arables, seulement, sont consacrés à la culture des grains. Ils produisent donc, terme moyen, chacun 23 hectolitres ; c’est-à-dire plus du double de ce que produit un hectare en France. »
D’après ces renseignements statistiques, il me paraît résulter à l’évidence que nous avons le plus grand intérêt à protéger l’élève du bétail, à faire tous les sacrifices nécessaires pour améliorer nos différentes espèces de bestiaux attachés à l’agriculture, et parvenir, par ce moyen, à l’exemple de l’Angleterre, à augmenter considérablement les produits de nos terres.
Le projet de loi présenté par le gouvernement, tendant à ce but, mérite notre appui et aucune objection sérieuse ne peut lui être opposée ; car les commissions mixtes, chargées par le département de l’intérieur, d’examiner la question du maintien ou de l’extension de la loi (page 545) de 1835 à toutes les frontières, ont reconnu que l’augmentation successivement survenue dans le prix de la viande, ne peut être attribué aux effets de la loi sur le bétail, mais bien à des causes diverses qui ont amené de pareilles augmentations dans le prix de plusieurs denrées, et l’élévation des droits d’octroi des villes ne paraît pas être étrangère à ce renchérissement. Aussi, j’espèce que M. le ministre de l'intérieur voudra examiner sérieusement la question des octrois communaux, et saisir les chambres le plus tôt possible de la révision des lois qui règlent cette matière ; car actuellement les villes, chaque localité où il y a des octrois, établissent de véritables rayons de douane dans l’intérieur du pays, dirigés, en grande partie, contre les produits de l’industrie agricole ou contre tout ce qui en provient.
Je donnerai, en outre, mon assentiment, au projet de loi en discussion parce qu’il assure une certaine protection à la première de toutes nos industries qui y a des droits incontestables ; en froissant l’agriculture, en permettant la concurrence ruineuse du bétail étranger, l’on méconnaîtrait les véritables intérêts du pays, car, si cette industrie est en souffrance toutes les autres s’en ressentent pareillement.
Je voterai surtout pour que le droit soit perçu au poids ; il en résultera que l’on introduira généralement du bétail maigre ; nos distilleries et les engraisseurs de bétail sentiront immédiatement les bons effets de la loi.
Je prendrai la liberté de rappeler à M. le ministre des finances les réclamations adressées, tant à la chambre qu’au gouvernement, par les habitants et cultivateurs du rayon des douanes qui demandent des formalités moins nombreuses, moins vexantes et moins difficiles à exécuter pour les détenteurs de bestiaux ; j’espère que ce formalités pourront être simplifiées et qu’il sera possible d’adoucir le régime rigoureux de la loi du 31 décembre 1835, de manière toutefois que l’administration des douanes puisse continuer d’empêcher la fraude du bétail étranger.
En terminant, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur, par une motion d’ordre, s’il compte proposer un projet de loi modifiant la législation sur les céréales de 1834 ; des modifications à cette loi sont devenues nécessaires, par suite de la baisse continuelle du prix des grains qui, chaque semaine, fait des progrès ; sur plusieurs marchés, le froment ne se vend plus qu’à 15 fr. l’hectolitre, et le seigle que de 9 à 10 fr. ; ces prix sont réellement trop bas pour que les cultivateurs puissent obtenir une rémunération de leurs frais et peines de culture ; il est reconnu, pour que l’agriculteur ait un bénéfice raisonnable, qu’il faut que le prix normal du froment soit de 20 fr. l’hectolitre, et celui du seigle de 13 à 14 fr. il faut donc que nous adoptions, en partie, la législation française, qui accorde déjà à l’industrie agricole une certaine protection, lorsque le prix du froment est à 20 fr. ; tandis que, par notre loi de 1834, à ce taux, l’entrée des grains étrangers est entièrement libre. C’est alors que le commerce inonde le pays des grains venant de l’étranger.
La trop grande quantité de ces céréales, déversées sur nos marchés, depuis une couple d’années, alors que les grains étaient libres à l’entrée, est, probablement, la cause principale de l’avilissement des prix de nos produits agricoles ; nos marchés sont encombrés de grains. Il est de toute nécessité que le gouvernement propose, le plus tôt possible, des mesures législatives, pour empêcher l’entrée des grains étrangers, afin que l’agriculture, la première de toutes nos industries, puisse obtenir une protection réelle, à laquelle elle a droit de prétendre. Vouloir maintenir l’état actuel de souffrance de l’industrie agricole, en permettant la concurrence continuelle et ruineuse des céréales étrangères, ce serait provoquer, sous peu, une crise qui aurait les plus funestes conséquences pour le pays.
J’espère que M. le ministre de l'intérieur aura l’obligeance de répondre à l’interpellation que j’ai l’honneur de lui adresser, en faveur des intérêts de l’agriculture.
Je me réserve, lors de la discussion des articles du budget de l’intérieur, de traiter différentes autres questions relatives à l’industrie agricole et surtout le défrichement de nos bruyères, le rétablissement du fonds d’agriculture ; je prouverai, alors, qu’il faut ou rétablir ce fonds sur de meilleures bases, ou aviser à d’autres moyens, pour qu’en cas d’épizootie, nos propriétaires et cultivateurs puissent obtenir une indemnité immédiate et réelle, pour la perte de leur bétail. J’ai dit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, je crois convenable de répondre à l’interpellation faite par l’honorable préopinant ; nous connaissons les réclamations dont la loi du 31 juillet 1834 est l’objet. Ces réclamations sont de plus d’un genre. Si l’intérêt agricole réclame, il y a d’autres intérêts qui réclament également une révision de cette loi.
Je ne veux rien préjuger aujourd’hui ; mais toujours est-il que c’est une des questions les plus difficiles que nous puissions être appelés à traiter. Le gouvernement ne peut pas dire quand il pourra proposer les modifications à la loi, si ces modifications seront permanentes ou si peut-être elles ne seront que temporaires.
Je relèverai encore un fait. L’honorable préopinant suppose que le pays est en ce moment inondé de grains étrangers. Je ne crois pas qu’il entre beaucoup de grains étrangers en ce moment. Ces grains étrangers ne pourraient entrer qu’en payant le droit de 37 fr. 50 c.
M. de Renesse – J’ai entendu dire le contraire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous avez entendu dire le contraire, mais je dois déclarer que, d’après les renseignements officiels, il n’entre presque pas de grains dans ce moment.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, j’ignore également s’il entre beaucoup de grains étrangers dans ce moment-ci. Cependant si mes renseignements sont exacts, depuis le 1er juillet non-seulement il doit en être entré, mais il doit en avoir été déclaré en consommation.
M. le ministre nous dit que nous avons une protection de 37 fr. 50. c’est vrai ; mais ces 37 fr. 50 c. portent sur 13 hectolitres de froment, parce que toujours on a calculé que l’hectolitre de froment pesait 80 kilog., ce qui est inexact.
L’hectolitre de froment ne pèse que 76 kil., il est ainsi établi en France. Messieurs, si nous comparons la protection établie en Belgique avec celle établie en France, nous verrons qu’ici elle est de 6 p.c. inférieure sous le rapport du poids de l’hectolitre, à celle établie en France, en supposant que la protection soit la même en Belgique qu’en France. Mais il n’en est pas ainsi. Lorsqu’on perçoit en Belgique 3 francs sur l’hectolitre de grain étranger, en France on perçoit 10 fr. Aussi l’étranger qui a un excédant de grains ne le conduira pas en France, il le conduira en Belgique.
Et souvent, messieurs, quelle espèce de grain nous apporte-t-on ? Des grains gâtés et de nature à perpétuer les fièvres typhoïdes qui règnent dans le pays ; car en se nourrissant de matières à moitié gâtées, on s’expose à ces maladies. Depuis longtemps, messieurs, j’ai signalé ces inconvénients au gouvernement.
Il y a deux ans, si ma mémoire est fidèle, un honorable député d’Anvers m’a fait connaître qu’il était arrivé à Anvers une masse de grains étrangers qui étaient dans un état pitoyable et de nature à engendre des maladies ; ce grain était tellement mauvais qu’il se vendait à 14 francs, tandis que le bon grain était à 22, 23 et 24 francs. Aujourd’hui encore, messieurs, nous avons vu qu’on vendait à Anvers du grain à 9 francs, tandis que le grain de bon qualité coûtait 18 francs. Il faut que ce grain soit réellement à moitié gâté, pour qu’on le donne à si vil prix.
Au surplus, messieurs, je reviendrai sur cet objet dans la discussion du budget de l’intérieur ; j’aurai alors beaucoup d’autres considérations à présenter.
M. Lesoinne – Je désire aussi, messieurs, qu’on protège l’agriculture et qu’on la protège d’une manière efficace, mais généralement on ne voit la protection que dans les droits élevés, il en est de même pour les autres industries ; lorsqu’on est parvenu à obtenir un tarif élevé, on croit avoir tout ce qu’on peut demander. La véritable protection que le gouvernement peut accorder à l’agriculture, ce sont des voies de communication qui permettent au cultivateur de transporter en tout temps en toute saison, ses produits au marché. Aujourd’hui, malheureusement, il n’en est pas ainsi dans beaucoup de localités ; dans la Hesbaye, par exemple, pendant une grande partie de l’année, il est impossible au cultivateur de sortir avec une charge de la localité qu’il habite.
Il faut, messieurs, diviser l’agriculture en trois classes : il y a les propriétaires, les cultivateurs locataires et les ouvriers qui vivent de leur salaire. Eh bien, messieurs, à laquelle de ces classes profitent ordinairement les tarifs élevés ? Jusqu’ici ces tarifs ont eu pour résultat l’élévation des baux. C’est là un fait qu’on ne peut nier ; dans beaucoup de provinces, les baux ont doublé. Qui est-ce qui profite de cette élévation ? Certes, ce ne sont pas les cultivateurs locataires ; ce sont les propriétaires.
On tend sans cesse à élever le prix des denrées alimentaires. Cependant les denrées alimentaires ne sont pas comme les produits industriels dont vous pouvez augmenter en quelque sorte à volonté la production. Vous pouvez forcer la production des objets manufacturés ; mais vous ne pouvez pas forcer la production des fruits de la terre. Vous ne pouvez pas faire porter à la terre plus qu’elle ne peut produire. Quant aux objets manufacturés, on n’est pas obligé, non plus, à en acheter exclusivement de telle ou telle qualité ; on a un grand choix ; pour les denrées alimentaires, vous n’avez aucune espèce de choix ; elles sont toutes indispensables, vous ne pouvez pas vous dispenser d’acheter du pain, de la viande. Eh bien, messieurs, la viande est aujourd’hui à un prix tel qu’elle n’est plus accessible aux classes laborieuses. J’engagerai donc la chambre à être modérée dans la fixation du tarif sur l’entrée du bétail étranger. Il me semble que le droit qui existait sur la frontière prussienne est suffisant pour protéger nos éleveurs de bétail, et je demanderai que la chambre se borne à établir ce droit sur toutes les frontières.
M. Desmet – J’ai demandé la parole pour répondre un mot à l’honorable M. Lesoinne. Je suis de son avis lorsqu’il demande qu’on améliore les chemins vicinaux ; j’aimerais mieux voir dépenser certaines sommes pour l’amélioration des chemins que de voir consacrer des capitaux si considérables à la construction de railways. Toutefois, messieurs, il ne suffit pas, pour protéger l’agriculture de faire de bons chemins vicinaux ; ces chemins serviraient aussi bien au transport des céréales étrangères et du bétail étranger qu’au transport des produits de notre propre agriculture.
L’honorable M. Lesoinne dit que les droits destinés à protéger l’agriculture n’ont d’autre effet que d’élever le prix des baux ; je reconnais, messieurs, que sous ce rapport, il existe par-ci par là un abus ; il y a quelquefois des propriétaires inhumains qui écrasent leurs fermiers ; mais ce n’est pas là la règle ; la règle c’est que les baux restent à un certain taux et que lorsque le prix des denrées s’élève, c’est le travailleur qui en profite.
L’honorable député de Liége pense aussi qu’on ne peut pas faire produire à la terre plus qu’elle ne produit. C’est là une erreur : lorsque les denrées se vendent bien, le cultivateur peut faire plus de dépenses pour améliorer ses terres, et de cette manière il augmente considérablement la production. C’est ce qui est arrivé dans plusieurs parties de notre pays, où la culture a été portée à un tel degré de perfection, qu’elle ne craint, pour ainsi dire plus les saisons défavorables.
Quant à la question de savoir s’il faut favoriser l’importation du bétail maigre, je crains qu’une semblable mesure ne favorise la fraude. Du reste le bétail que l’on engraisse dans les distilleries vient bien plutôt de l’intérieur que de l’étranger. Ce que nous tirons surtout de la Hollande ce sont des vaches ou des génisses destinées à la culture. Ensuite, messieurs, si (page 547) vous adoptez le droit au poids, vous favorisez nécessairement l’importation du bétail maigre, et je crois que la faveur qui résulte de l’adoption du droit au poids est suffisante. D’ailleurs il serait fort difficile de déterminer ce qu’on entendra pas bêtes maigres et bêtes grasses ; si cette distinction pouvait être établie je ne m’y opposerai pas ; mais je crois qu’elle est impossible et que si l’on prenait une mesure en faveur du bétail maigre il en résulterait de grandes facilités pour la fraude.
M. Eloy de Burdinne – A entendre l’honorable M. Lesoinne, on dirait qu’il n’existe en Belgique que de grands propriétaires, auxquels il paraît s’intéresser fort peu. Ce n’est pas non plus l’intérêt des grands propriétaires que je défends, mais il y a dans notre pays un nombre considérable de petits propriétaires dont la position devient de jour en jour plus défavorable. L’honorable M. Lesoinne veut que le grain soit à bon marché ; c’est ce que je veux également, mais pour l’obtenir il faut assurer le marché intérieur aux produits de notre agriculture. Lorsque le cultivateur indigène sera suffisamment protégé contre la concurrence étrangère, il pourra faire des dépenses considérables pour faire produire ses terres ; il aura l’espoir de retirer un intérêt convenable des capitaux qu’il emploiera à cet effet ; alors l’agriculture se perfectionnera de plus en plus, et la terre produira beaucoup plus que ce qui est nécessaire à la consommation du pays. C’est là, messieurs, une vérité comprise par tout le monde, c’est une vérité qui court les rues et j’espère bien qu’on ne la contestera pas ; si on la contestait je citerais l’exemple des pays voisins, je citerais la France ; autrefois l’agriculture en France était loin de pourvoir aux besoins de ce pays ; aujourd’hui la production y est tellement élevée que la France exporte beaucoup de céréales, la production est en quelque sorte doublée en France. Eh bien, messieurs, comment ce résultat a-t-il été obtenu ? Il est dû aux mesures protectrices que la France a prises en faveur de son agriculture, mesures qui équivalent à peu près à la prohibition, (erratum, p. 565 :) quand le froment est descendu de 14 à 15 fr. Voilà ce qu’il faut faire lorsqu’on veut obtenir le grain à bon marché ; il faut mettre les cultivateurs à même de faire les dépenses nécessaires pour améliorer le sol.
(Erratum, p. 565 :) Que faisons-nous, au contraire, nous avons un tarif stationnaire, les prix tant de 15 à 20 francs.
Qu’en résulte-t-il ? C’est que l’étranger nos importe son trop plein, non pas lorsque le grain est cher, mais au moment où il est à bon marché. Hier un honorable député d’Anvers a paru s’étonner de cette assertion, mais j’ai sous les yeux un rapport que M. le ministre des finances a bien voulu me communiquer et dont il résulte que dans le premier semestre de 1844 il n’est entrée que 3,783,000 kilog. de froment, tandis que pendant le deuxième semestre, où les prix ont été plus bas, il en est entrée 13,748,000 kilog. On dira peut-être que c’est peu de chose, mais je ferai remarquer que lorsque déjà il y a trop plein, la moindre quantité qu’on y ajoute suffit pour avilir considérablement les prix. Vous voyez, donc, messieurs, que c’est une erreur de croire que les céréales étrangères n’entrent dans le pays que quand le grain est cher ; vous voyez qu’elles entrent surtout lorsque les prix sont bas.
Au surplus, messieurs, cette discussion trouvera mieux sa place dans un autre moment et j’y reviendrai.
Ce que j’ai dit des céréales, je le dis du bétail. On a parlé de favoriser l’importation du bétail maigre ; eh bien, si vous voulez avoir du bétail à engraisser, garantissez votre marché aux éleveurs ; alors vous ne manquerez pas de bétail maigre, c’est le seul moyen d’en avoir en grande quantité.
Mais si l’étranger en envoie beaucoup, l’éleveur en élèvera fort peu.
On dit que la viande est très-chère ; cela est vrai pour les villes. Mais savez-vous ce que coûte la viande de porc dans les campagnes, dans les Flandres comme ailleurs ? 25 c. (erratum, p. 565 : ) le ½ kilogramme. Cela vous étonne, vous qui, dans les villes, la payer jusqu’à un franc ? Mais à qui la faute ? Aux octrois, et à la rapacité de l’industrie.
M. de Theux – Je remarque que dans cette chambre on professe des principes contradictoires en ce qui concerne la protection.
Ainsi un honorable député de Liége n’est pas partisan de la protection accordée à l’agriculture ; mais je lui demanderai s’il serait partisan de l’abolition des droits sur les houilles et sur les fontes. Je pense que non. Cependant la houille est un objet de première nécessité pour le consommateur. C’est aussi un objet de première nécessité pour l’industrie. Cependant qu’a-t-on fait ? Quoique la moitié du pays n’en produise pas, on a adopté un tarif très-protecteur et en quelque sorte prohibitif, et cela au profit de deux provinces ou plutôt de deux parties de province, qui seules produisent la houille.
Pour moi, je crois que l’on a bien fait en établissant un droit élevé sur les houilles étrangères. On a favorisé ainsi l’exportation de nos mines. Par suite des travaux qui ont été faits, le pays entier peut être approvisionné à des prix raisonnables.
Il en est de même pour les fontes. Le pays en général et l’agriculture se sont trouvés lésés pendant longtemps par les droits protecteurs. Mais ces droits ont donné naissance à une grande quantité d’établissements métallurgiques, moyennant des dépenses énormes. Ainsi le pays entier peut être approvisionné à des prix qui nous permettent de nous passer de l’étranger.
Ce que l’on a fait pour ces deux industries, nous le demandons dans des limites moindres pour l’agriculture. Nous ne demandons pas pour l’agriculture une protection aussi élevée que celle qui a été accordée aux houilles et aux fontes.
J’ai été étonné d’entendre dire que l’agriculture n’était pas susceptible de nouveaux progrès.
Mais la province de Liége a donné l’exemple de progrès frappants dans l’agriculture. Consultez les principaux agronomes de cette province, ils vous dirons que depuis un demi-siècle, l’agriculture y a fait des progrès immenses.
D’ailleurs, nous avons dans le pays une quantité de landes, de terrains de qualités inférieures, qui peuvent être libérés à l’agriculture. Nous avons vu, dans plusieurs provinces, des terrains qui, en apparence, n’étaient pas susceptibles d’être fertilisés, convertis en terres productives. Il en sera de même pour les terres qui restent à cultiver, à améliorer.
Le meilleur moyen de tourner les capitaux vers les défrichements, c’est le prix élevé des terres. En effet, lorsque les terres sont à un prix élevé, on cherche à devenir propriétaire dans les provinces qui contiennent une grande quantité de terrains incultes ou d’un sol médiocre. Ainsi vous assurerez au pays la production des denrées alimentaires dont il a besoin.
Il n’est pas douteux que l’agriculture n’ait encore de grands progrès à faire et que, par la création des engrais et par l’apport de la chaux et de la marne des endroits éloignés, le cultivateur ne puisse se procurer des récoltes beaucoup plus abondantes. Pour cela, il faut que les denrées agricoles soient à un prix raisonnable.
Je terminerai par une considération relative au bétail.
Il est certain que l’un des éléments de la prospérité de l’agriculture c’est la quantité du bétail. Or, pour déterminer le cultivateur à élever une plus grande quantité de bétail, il faut que celui-ci trouve une indemnité dans le prix du bétail et dans le prix des céréales dont le produit augmente avec la quantité d’engrais que donne le bétail.
Voilà, en deux mots, les vrais principes économiques en matière d’agriculture.
En suivant cette marche, on arrive au résultat désiré : la prospérité du pays et l’alimentation facile de toute la population, sans avoir besoin de l’étranger.
Mais, je le répète, je ne demande pas une protection exagérée, je demande seulement une protection raisonnable.
M. Rodenbach – La loi de 1835 a été très-avantageuse à l’agriculture du royaume. En 1835, l’exportation du bétail n’était que d’environ 4,000 têtes. Depuis 9 ans, elle s’est élevée à 10,000 têtes. Voilà, une augmentation considérable, et qui prouve que la tarification au poids a été éminemment utile à l’agriculture.
L’honorable député d’Alost a expliqué que le droit sur le bétail maigre ne doit pas être trop élevé. Il a parfaitement raison. Nous manquons de bétail maigre ; nous en recevons de la Hollande une assez grande quantité.
C’est un motif de plus pour adopter la tarification au poids (10 cent. par kil.) Ainsi les bêtes maigres payeront moins que les grasses.
Je donnerai donc mon approbation au projet de loi.
D’honorables collègues ont parlé des céréales ; ils se sont plaints de ce que des céréales avariées ont été introduites dans le pays. Il est vrai que cela est arrivé, il y a deux ans. On en a importé dans mon district qui venait d’Anvers ou d’Ostende. On s’en est plaint dans les campagnes, où l’on mêlait ce mauvais grain à de bon grain pour le vendre à vil prix au détriment de la santé publique et de l’agriculture du pays.
On a aussi parlé de la cherté de la viande ; je crois que c’est l’honorable député de Liége qui a fait des observations à cet égard. Messieurs, en réalité, la viande n’est pas chère en Belgique. Ce qui le prouve, c’est que dans les adjudications publiques faites par des hospices, par des hôpitaux, pour la viande dont ils avaient besoin, on a obtenu 30, 40 et même 50 p.c. de rabais sur le prix ordinaire de la viande. Ceci vous prouve que le bétail n’est pas cher en Belgique, peut-être même est-il à trop bas prix dans l’intérêt des éleveurs.
Comme on vous l’a dit, messieurs, le vice existe dans les octrois municipaux, qui sont la lèpre du pays. Aussi, M. le ministre de l'intérieur nous a promis de présenter une loi sur cette matière ; il nous a promis qui réviserait les octrois municipaux.
Ces observations, messieurs, ne s’appliquent pas seulement à la viande, elles s’appliquent aussi au poisson. Comme je l’ai dit, à Bruxelles les droits d’octroi, de minque et autres sur le poisson frais, s’élèvent à 18 ou 20 p.c.
Le poisson n’est pas trop cher à Anvers et à Ostende ; ce sont encore les droits exorbitants d’octroi qui en élèvent le prix.
On sera aussi forcé de revenir plus tard sur la tarification du pain dans les grandes villes. Cette ratification est vicieuse ; car le prix du pain varie de 10 à 12 et même 15 p.c. d’une ville à l’autre, tandis qu’on est loin de remarquer une aussi grande différence dans les mercuriales.
Messieurs, un abus qui existe encore dans certaines de nos grandes villes, c’est le maintien de l’exécrable droit sur la mouture. A Gand, ce droit odieux existe encore ; je crois qu’il existe encore dans d’autres villes, et entre autres à Mons ; je n’en suis cependant pas certain. Il me paraît que, dans un pays qui a mis au nombre de ses griefs contre le précédent gouvernement, l’établissement de ce droit, il ne devrait pas être maintenu par certaines grandes villes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Longtemps, messieurs, la loi du 31 juillet 834 avait été considérée comme un grand succès pour l’agriculture ; cette loi venant à être attaquée, les défenseurs de l’agriculture prenaient la parole pour en demander le maintien. Les temps ont marché et aujourd’hui il parait que l’opinion s’accrédite que la loi du 31 juillet 1834 est insuffisante. Je fais cette observation pour qu’on se rende bien compte de l’espèce de revirement qui semble d’opérer : ce sera un véritable revirement ; car je ne serai pas étonner de voir les défenseurs de ceux qu’on appelle les consommateurs, qui auparavant attaquaient la loi du 31 juillet 1834, en prendre maintenant la défense, puisque nous (page 548) en sommes arrivés au moment où l’on paraît demander le renforcement de cette loi.
Cette position, messieurs, peut devenir assez difficile, et le gouvernement aura à examiner quel genre de modifications, soit permanentes, soit provisoires, il y aurait lieu de proposer. Mais toujours est-il qu’il y a ici un véritable revirement ; c’est l’agriculture qui autrefois avait accepté et défendait la loi de 1834, et qui semble aujourd’hui la regarder comme insuffisante.
Le gouvernement doit voir avec satisfaction l’importance que l’on accorde aux intérêts agricoles. On nous annonce une discussion ; nous ferons notre possible pour être prêt lors de cette discussion et entre autres nous serons muni des états des importations en 1844. En 1843 il y a eu beaucoup d’importations : c’était le résultat d’une manœuvre que vous connaissez ; mais je ne pense pas qu’en 1844 les importations aient été bien considérables. Il y en a eu, mais elles ont été loin d’égaler les importations des années précédentes.
On a aussi, messieurs, de nouveau parlé de la question des octrois. On vous a dit, et avec raison, que les tarifs des octrois conduisent au renchérissement de toutes les substances alimentaires dans l’intérieur des villes. Mais c’est que malheureusement le système d’octroi a pour base l’imposition de certaines substances alimentaires.
M. Rodenbach – Les Anglais n’ont pas d’octroi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je félicite les Anglais de ne pas avoir d’octrois ; mais il y a dans votre pays des octrois municipaux ; ces octrois municipaux ont entre autres pour base l’imposition de certaines substances alimentaires.
Vous avez accordé de grandes prérogatives à vos villes. Vos grandes communes ont des monuments, ont des établissements ; elles ont contracté des emprunts ; en un mot elles ont des dépenses de tout genre auxquelles elles doivent pourvoir. Elles y pourvoient au moyen des octrois municipaux.
Ce n’est pas, messieurs, une question aussi simple qu’on pourrait le supposer, qu’une loi nouvelle organique des octrois municipaux. Mais j’ai déjà eu l’honneur de le dire à la chambre, au point où en sont arrivés nos affaires, il serait peut-être difficile de soulever à l’intérieur une question plus importante, une question plus grave.
M. de La Coste – Je demande la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je n’ai pas voulu que ni le gouvernement ni les chambres s’aventurassent dans cette question. J’en ai fait une étude approfondie et j’ai commencé par recueillir tous les matériaux. Ces matériaux, à l’heure qu’il est, sont recueillis. J’ai réuni tous les documents relatifs aux 60 villes où existent des octrois municipaux. Le travail est fait province par province, ville par ville, avec tous les documents et j’espère pouvoir déposer dans la huitaine ce travail sur le bureau. J’en demanderai l’impression. Chacun de nous verra alors quelle est l’étendue et quelle est la gravité de cette question. Vous étudierez ces matériaux ; le gouvernement lui-même continuera cette étude et verra quelles sont les propositions à vous soumettre.
Mais je dois prémunir chacun de vous ; c’est une question extrêmement grave, et je n’hésite pas à le dire, vous touchez en quelque sorte à l’existence des grandes communes de votre pays. Il n’y a pas de questions qui puissent remuer plus d’intérêts dans vos grandes villes.
M. Lesoinne – Je n’ai pas été très-bien compris par l’honorable M. de Theux, quand il a prétendu que j’avais dit que l’agriculture n’était pas susceptible d’améliorations. Je ne suis pas capable de dire une pareille chose ; mais j’ai dit que les tarifs n’exerçaient pas sur la prospérité de l’agriculture l’importance qu’on y attachait.
M. Osy – Je demande la parole.
M. Lesoinne – L’honorable M. Eloy de Burdinne est venu nous parler des petits propriétaires. Il vous a dit qu’avec le temps, quand on aurait encouragé l’agriculture comme elle l’est en France, par exemple, les grains tomberaient à un prix beaucoup plus bas que celui auquel ils sont aujourd’hui.
C’est je pense, ce que soutient l’honorable M. Eloy de Burdinne, à savoir que les grains arriveraient à un prix beaucoup plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui.
En France, le prix n’est pas plus élevé qu’il ne l’est en Belgique ; si l’on fait consister la prospérité de l’agriculture dans le prix élevé des céréales, il est certain que le système protecteur dont l’agriculture jouit en France, n’y produit pas les effets qu’on en attend ici.
Quelle sera la position du petit propriétaire, quand il produira à un prix modéré ? Il se trouvera dans la même position qu’aujourd’hui.
Je vous présente ces observations pour vous faire voir que le tarif n’a pas toute l’influence qu’on lui attribue généralement sur l’agriculture ; mais cette influence est bien plus réelle, bien plus salutaire, lorsqu’elle est la conséquence de bonnes voies de communication. Voilà ce que je réclame pour l’agriculture, dont je soutiens aussi les intérêts, parce qu’à mes yeux ils se lient étroitement aux autres intérêts du pays.
L’honorable M. de Theux a parlé de la protection dont jouissent les charbons. Je dirai que, quand on a fondé les établissements charbonniers, dans notre pays, on jouissait déjà de la protection qui existe encore aujourd’hui ; on avait donc à invoquer une espèce de droit acquis. Cependant, si l’on proposait aujourd’hui un système tendant à diminuer les impôts graduellement, pendant 20 ou 30 ans par exemple, de manière à n’avoir plus de droits de douanes au bout de ce temps, je souscrirais volontiers à ce système, je croirais l’industrie de la Belgique, dans les conditions les plus favorables pour lutter contre l’industrie étrangère ; la Belgique, même entourée de douanes étrangères, serait dans la position la plus favorable pour porter ses produits en concurrence avec les produits étrangers ; elles serait dans la même position que la Suisse. La Suisse ne soutient-elle pas la concurrence contre les cotons anglais, malgré la position géographique défavorable qu’elle occupe ?
L’honorable M. Eloy de Burdinne a parlé de différentes espèces de viande dont le prix est beaucoup diminué. Mais est-ce à l’introduction du bétail étranger que cette circonstance est due ? je ne le crois pas ; le bas prix de ces viandes tient à une circonstance purement locale, intérieure. L’honorable M. Rodenbach lui-même a reconnu qu’on avait besoin du bétail étranger ; que le bétail du pays ne suffisait pas pour l’élève du bétail en Belgique.
Je bornerai là mes observations ; je sais que, d’après la manière de voir actuelle de la chambre, elles ont peu de chances de succès ; mais j’ai cru en conscience devoir les lui présenter.
M. de Renesse – Messieurs, lors de la discussion du budget de l’intérieur, je me réserve de traiter les questions qui ont plus particulièrement rapport à la loi des céréales ; je prouverai alors que, lorsque le froment est à 20 francs, l’on peut déverser une masse de grains étrangers sur nos marchés. C’est à cette masse de grains étrangers qui arrive dans le pays, que doit être attribuée la baisse continuelle des prix de nos céréales. Il faudra nécessairement que le gouvernement propose de nouvelles mesures, s’il ne veut pas que bientôt la Belgique soit affligée d’une crise agricole.
Le froment est déjà au prix de 15 et 16 fr. sur la plupart de nos marchés. Si cela continue, et les prix régulateurs qui constatent une baisse de 40 à 50 c. par hectolitre nous autorisent à croire qu’il en sera ainsi, le froment sera peut-être dans quinze jour à 14 francs. Ce n’est pas dans un prix aussi minime que le cultivateur peut trouver les ressources nécessaires pour payer son fermage, pour nourrir sa famille, et pour faire face à toutes les dépenses que nécessité la culture de la terre.
Lors de la discussion du budget de l’intérieur, je prouverai qu’il faut nécessairement changer plusieurs dispositions de la loi de 1834, je prouverai qu’il faut que l’on adopte un droit protecteur, comme en France, où l’agriculture obtient une protection réelle ; je prouverai qu’il est nécessaire d’étendre les marchés régulateurs, qu’il ne suffit pas d’avoir dix marchés régulateurs, qu’il en faut une vingtaine. Car, actuellement, par des spéculations de commerce, l’on parvient trop facilement à faire hausser ou baisser les prix des grains. C’est alors que les commerçants profitent du moment où le froment est environ au prix de 20 francs, pour le faire hausser jusqu’à ce taux et pouvoir le déverser sur les marchés du pays sans payement d’aucun droit. Ceci aurait encore eu lieu cette année, si le prix du froment n’avait pas continué à baisser successivement.
Voilà les motifs pour lesquels je demande que le gouvernement examine sérieusement cette question. Il est du plus haut intérêt pour le pays que l’on mette un terme à toutes ces opérations qui ferait le plus grand tort à la première industrie de la Belgique à celle qui supporte en définitive toutes les charges du pays.
(page 565) M. de Garcia – Messieurs, mon intention n’est pas d’entrer dans le fond des questions qu’on a soulevées incidemment ; je me bornerai à présenter quelques réflexions sur les considérations émises par plusieurs honorables membres.
M. le ministre de l'intérieur a fait remarquer que la loi de 1834 avait été considérée dans le principe comme un bienfait pour l’agriculture, comme contenant une protection satisfaisante ; mais que, par un revirement assez singulier, cette loi était aujourd’hui considérée comme ne donnant pas à l’agriculture une protection suffisante. A divers points de vue, ce revirement ne doit pas surprendre M. le ministre de l'intérieur. Plus que personne, il doit connaître les causes de ce changement dans les idées.
Si l’on a considéré cette loi comme un bienfait en 1834, c’est qu’à cette époque l’agriculture n’était nullement protégée et que, sous ce premier rapport, elle constituait dans son ensemble une véritable protection.
Depuis lors, l’état primitif des choses a bien changé ; il y a plus : l’expérience a démontré que cette loi pouvait être éludée par l’agiotage. C’est ce qui a été signalé par M. le ministre lui-même, qui vous a cité une circonstance dans laquelle, pour obtenir l’introduction des céréales étrangères, l’on avait provoqué une hausse factice sur les céréales indigènes. Ce seul fait prouve que la loi est incomplète et insuffisante pour avoir une protection efficace, et contient à lui seul un motif puissant de le réviser.
D’autres considérations, messieurs, rendent nécessaires la révision de la loi de 1834, et ces considérations ne peuvent sans doute être méconnues de M. le ministre de l'intérieur ; c’est que depuis 1834, et ceci a été bien des fois répété dans cette enceinte, l’on a porté plusieurs brèches et de larges brèches à la loi de 1834. Depuis lors, on vous a présenté des lois transitoires qui permettent l’entrée du seigle et de l’orge ; l’on vous a présenté des conventions avec la Hollande et l’Allemagne, qui portent aussi de graves atteintes à la loi de 1834.
Les réclamations qui surgissent dans cette enceinte et dans tout le pays pour demander la révision de la loi de 1834, proviennent donc en quelque sorte du fait même du gouvernement, puisqu’il est venu successivement proposer des lois qui ont démoli la protection qu’elle créait en faveur de l’industrie agricole.
J’ai déjà qualifié et je continue de qualifier de loi de « sensiblerie » une loi qui sacrifie les intérêts nationaux aux intérêts d’anciens frères que nous avons perdus. Je regrette sincèrement ce sacrifice, mais ils jouissent actuellement d’un marché beaucoup plus considérable que nous pour l’écoulement de leurs produits, et l’on pouvait mettre fin à cette loi ; quant à moi, je regrette que le traité conclu avec le Zollverein nous ait obligé de la confirmer.
Je n’ai plus qu’une observation à présenter, en réponse à ce qui a été avancé par l’honorable M. Lesoinne.
Cet honorable membre a dit que, pour protéger l’industrie agricole les voies de communication étaient surtout utiles. Je partage sa manière de voir ; mais je ne m’associe pas, sous d’autres rapports, aux idées de l’honorable membre. Il prétend qu’un tarif protecteur n’est pas de nature à améliorer la position de cette industrie. Il m’est difficile de m’expliquer cette manière de voir. Quand on voit toutes les autres industries demander des droits protecteurs, pourquoi l’agriculture seule n’en aurait-elle pas besoin ? Pour soutenir cette thèse, l’honorable membre dit qu’à la différence des autres industries, l’on ne peut faire produire à la terre plus qu’elle ne produit.
Cette assertion n’est pas exacte ; depuis la protection accordée par la loi de 1834, on peut affirmer, sans exagération, que l’industrie agricole produit un quart de plus qu’elle ne produisait avant cette époque. Ce fait prouve que la protection accordée par le tarif peut concourir à la richesse d’une industrie quelconque.
L’honorable M. Lesoinne, continuant sa comparaison, s’est demandé : « Qu’arrivera-t-il, par un tarif protecteur que vous établiriez sur les céréales ? » S’emparant de ce qu’avait dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui avait prétendu que cela ferait baisser les prix de nos grains, il a conclu que nous ne gagneriez rien.
Je trouve encore que cette conclusion n’est pas exacte et je le prouve. Je suppose que tel hectare produise seulement dix mesures de froment ; si je jouis d’une protection et si par suite, je puis opérer des améliorations agricoles, je pourrais doubler la production ; j’aurai vingt mesures de froment au lieu de dix, et en supposant une réduction de moitié dans les prix, j’obtiendrai toujours le même revenu. Ainsi donc, avec une protection sage, avec des prix modérés, vous pouvez conserver toute votre richesse nationale et la production indigène ; vous conservez surtout, chose essentielle dans tout pays, vous conservez le travail et les moyens d’existence du peuple.
D’après ces considérations, je ne puis m’associer à l’opinion de quelques membres qui pensent qu’il est inutile de protéger l’industrie agricole.
(page 566) L’on confond toujours dans cette matière des choses bien distinctes, au bout des questions agricoles, l’on veut sans cesse voir les grands propriétaires.
Cela n’est pas encore exact le propriétaire ne peut à lui seul faire le prix des loyers de ses terres ; ce prix ne peut se former que de concert avec le cultivateur ou le locataire, et en ôtant une protection sage à l’agriculture ; c’est ce dernier qui est au moins la première victime.
Il est une autre considération que je rappellerai : c’est la division incessante des propriétés. Aujourd’hui la moitié de votre sol appartient aux petits propriétaires.
Il est maintenant très-peu de grandes propriétés, et elles marchent incessamment vers la division ; elles doivent se morceler autant par la force des choses que par nos principes politiques.
Quant à moi, je n’hésite pas à attribuer à cette division incessante, la grande valeur qu’ont acquise dans notre pays les propriétés foncières. C’est cette division, c’est l’amour de la propriété et du travail qui a donné au sol un prix tel qu’il produit au possesseur à peine un revenu de 2 p.c. En présence de ces faits, il est difficile de refuser une protection modérée à une industrie aussi intéressante. Au surplus, je terminerai ici mes observations sur cette question incidente, me réservant d’y revenir en temps utile.
(page 548) M. de La Coste – Peut-être y a-t-il quelque inconvénient à traiter incidemment de questions aussi graves que celles qui viennent d’être soulevées et sur lesquelles nous ne sommes pas préparés. Aussi me bornerai-je à faire quelques réserves.
M. le ministre de l'intérieur a parlé d’un revirement qui se manifeste relativement à la loi de 1834. Il me semble qu’il en a donné lui-même l’explication en faisant mention des manœuvres auxquelles la loi de 1834 a donné lieu. Une loi éludée par des manœuvres appelle par là même un remaniement. Le commerce lui-même, le commerce loyal doit désirer que ces manœuvres ne soient pas possibles.
D’un autre côté, dans la situation où nous sommes, une loi qui, semblable à celle que M. le ministre avait présentée, paraissait tendre à diminuer les garanties données à l’agriculture par la loi de 1834, une telle loi, certes, ne serait pas adoptée par la chambre. Je dois donc regretter, non pas que cette loi ne soit pas en discussion telle qu’elle a été présentée, mais que des propositions plus conformes aux nécessités du temps n’aient pas donné lieu à une discussion régulière sur cet objet.
Une autre question qui a été traitée incidemment, c’est celle des octrois. C’est encore un point sur lequel je me bornerai à faire quelques réserves. Cette question a deux aspects. M. le ministre de l'intérieur ne parait avoir considérée que la question du maintien des octrois et de leur élévation, que j’appellerai leur taux absolu. A cet égard, il y aurait aussi beaucoup à dire.
Ce n’est pas seulement pour entretenir et élever des monuments que les villes sont surchargées, ces charges sont la conséquence d’un système dont il est, je l’avoue, difficile de revenir brusquement, par lequel on a reporté sur les communes beaucoup de dépenses qu’il y aurait eu plus d’avantage, sous tous les rapports, de laisser à la charge de l’Etat.
Quoi qu’il en soit, à côté de la question du taux absolu des droits se place celle du taux relatif, sur laquelle j’ai souvent appelé l’attention de la chambre, je veux parler de la différence que les communes mettent dans les charges qu’elles imposent à leurs industries et à celles des autres communes. Voilà un question indépendante de l’élévation des octrois. A la vérité, si l’on arrivait à faire disparaître ceux-ci, ce qui serait à désirer, si l’état des finances communales le permettait, toute cette protection, ces lignes de douane tomberaient.
Ce serait là un état normal ; ce n’est pas cependant pour le troubler que (page 549) les octrois sont établis, c’est pour mettre les communes à même de pourvoir à leurs dépenses.
C’est donc là une question indépendante du taux de l’octroi, une question qui exige sans doute des ménagements et à laquelle se rattachent des considérations qu’on ne doit jamais perdre de vue, mais qui en principe me paraît jugée d’avance.
Je remercie M. le ministre de l'intérieur des soins qu’il a mis à recueillir les renseignements propres à éclairer la question, mais j’espère qu’il ne se bornera pas à recueillir des matériaux et qu’il nous proposera une solution.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant veut bien reconnaître qu’il fallait commencer par recueillir des matériaux. C’est par là qu’il faut débuter quand on veut étudier mûrement une question. Il a dit avec raison qu’il y avait dans la question des octrois autre chose qu’une question financière, qu’il y avait aussi une question que j’appellerai industrielle, car on a véritablement établi dans les communes une ligne de douane au profit des industries qui s’exercent intra muros contre celles qui s’exercent extra muros. Vous verrez comment on est arrivé à cette conséquence, qu’on a quelquefois exagéré.
Je vais prendre un exemple.
Je suppose qu’on impose dans une ville le bois d’ébénisterie. Il est évident qu’il faut mettre un droit sur l’entrée des meubles fabriqués extra muros. Je vous rends compte ici de l’étude que j’ai dû faire moi-même. Cela m’a extrêmement frappé et quand j’en ai fait l’observation, on m’a répondu. C’est tout naturel ; en imposant le bois d’ébénisterie à l’entrée en ville, on fait renchérir les meubles fabriquer intra muros ; si vous ne rétablissez pas l’équilibre entre les meubles confectionnés extra muros, dans les faubourgs, où l’on ne paye pas de droits sur les bois d’ébénisterie et les meubles confectionnés intra muros, il est évident que vous anéantirez la fabrication dans l’intérieur de la ville. C’est ainsi qu’on est arrivé, par une conséquence nécessaire, à imposer les meubles venant du dehors, par cela même qu’on impose le bois d’ébénisterie destiné à être travaillé dans l’intérieur de la ville.
On me dit avec raison. Il faut qu’il y ait un juste équilibre, qu’on maintienne la proportion ; cela est très-vrai.
Aussi, dans les matériaux que j’ai recueillis, ai-je eu soin de ne pas comprendre seulement les tarifs ; car ce serait un examen superficiel que celui qui se bornerait à la question financière ; j’ai compris les règlements de nos principales villes. Ce sont des règlements qui créent la question industrielle.
Je pense que dans quelques jours je pourrai déposer sur le bureau les documents recueillis ; vous y trouverez une notice sur l’octroi de chacune des villes, de plus les modifications successives qu’ont subies les octrois, leur importance, leur rapport annuel ; les textes les plus essentiels y sont joints ; tantôt on se borne à donner les tarifs, tantôt on y joint les règlements. Je pense qu’il ne faudra pas s’arrêter là, qu’il faudra étudier la question, et le gouvernement pourra présenter une loi organique. Mais l’application de cette loi ne pourrait se faire que successivement, car il faudrait laisser aux villes le temps de substituer aux ressources qui viendront à tomber des ressources nouvelles, sans cela il y aurait déficit dans les finances de nos villes.
M. Osy – Je ne pensais pas que l’on se serait si longuement étendu sur la question des céréales. J’ai entendu M. le ministre de l'intérieur dire qu’il avait un revirement relativement à la loi de 1834. Il oublie sans doute qu’en 1843 il avait proposé un projet de révision de cette loi. La section centrale s’en était occupée à plusieurs reprises, deux systèmes s’y trouvaient en présence appuyés l’un et l’autre par trois membres. Les uns voulaient se rapprocher du système de la France, les autres voulaient un maximum et un minimum. Voilà qu’ensuite M. le ministre nous a annoncé que le projet était retiré ; nous devions nous attendre à la présentation d’un nouveau projet ; je ne parlerai pas du système qu’on aurait dû, selon moi, proposer, ce serait sortir de l’objet en discussion ; je me bornerai à engager le gouvernement à nous présenter au plus tôt un projet de loi, mais un projet bien mûri, pour ne pas être exposés à le voir retirer après sa présentation, comme cela arrive trop souvent.
Quant au bétail, j’ai demandé l’établissement d’un droit uniforme. Le gouvernement y consent ; il présente un projet de loi ayant pour objet de faire payer au bétail entrant par l’Est le même droit qu’à celui qui entre par le Nord, ce que nous demandions depuis longtemps. L’ancien tarif des Pays-Bas est maintenu, je le trouve assez élevé ; je ne pourrais pas consentir à aller au-delà. Il est tellement urgent de faire une loi que depuis la paix avec la Hollande, le bétail étranger ne vient plus en Belgique par la Nord, mais par le Limbourg et le pays de Liége. Les éleveurs de Hall même qui pouvaient recevoir leur bétail à meilleur marché par la province de Liége, le faisaient venir par la province de Liége et le Limbourg. Dans l’intérêt du trésor et de l’agriculture, il est temps de mettre un droit uniforme sur toutes les frontières. Par ces raisons, je donnerai mon vote à la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je demande pardon à l’honorable préopinant si je prends la parole pour rectifier un fait. Généralement, on dit que les importations de bétail se font par la frontière de l’Est. C’est une erreur. Je vais citer un exemple. J’ai sous les yeux la statistique commerciale de 1843 ; j’y trouve, quant aux taureaux, vaches, taurillons et bouvillons, qu’il en est entré pour la consommation belge, par la frontière des Pays-Bas, 7,605 têtes ; par la frontière de l’Est, il n’en est entré que 54 têtes. Cependant, cette loi, je la regarde comme nécessaire, comme convenable. Il faut une uniformité de droits sur toutes nos frontières. Il n’est donc pas exact de dire que les importations se font par la frontière de l’Est, où existe le moindre droit ; elles ont lieu par la frontière des Pays-Bas ; ce sont les plus considérables ; je le dis pour qu’on ne se trompe pas sur la portée de la loi qui n’en est pas moindre nécessaire.
M. Delehaye – Nous nous trouvons effectivement en présence des exigences de l’agriculture d’une part et, d’autre part, de celles du travail national. Il a donc fallu que le gouvernement cherchât à concilier ces deux exigences. Je suis heureux que cette fois il a assez bien réussi.
La protection accordée à l’agriculture n’est pas trop élevée.
J’aurais voulu qu’une espèce de bétail fût exemptée de tout droit, je veux parler des animaux qui n’ont pas atteint un an. Je pense que ce serait avantageux pour le travail national et pour l’agriculture.
Il est de fait que la Belgique pourrait s’emparer de la partie principale du marché français, si elle élevait un nombre de têtes de bétail suffisant ; c’est à défaut de bétail qu’elle se voit repoussée en partie d’un si riche marché. Cependant il est certain qu’elle pourrait nourrir une plus grande quantité de bétail que celle qu’elle nourrit aujourd’hui. Le bétail maigre devrait donc être envisagé comme une matière première à laquelle l’industrie belge pourrait donner une valeur plus considérable.
Ainsi je donnerai mon assentiment à la loi, quoique, d’après moi, il dépendît du gouvernement de la rendre meilleure.
Lorsque j’ai demandé la parole, c’était pour répondre à l’honorable député de Liége, qui croit que nous pouvons supprimer toutes les barrières élevées jusqu’ici contre l’industrie étrangère, et cela sans le moindre danger pour nous.
Je suis d’autant plus surpris d’entendre ce langage dans la bouche d’un honorable député de Liége, que toutes les industries de cette province ne prospèrent, vous le savez, qu’à l’ombre de la protection la plus forte. Ainsi l’industrie métallurgique est protégée par un droit équivalant à sa valeur. Lorsque nous avons discuté le traité avec le Zollverein, la crainte des honorables députés de Liége était que le droit sur les fontes (que, du reste, moi-même je ne trouve pas assez élevé) ne fût pas suffisant.
L’industrie de la houille ne prospère également que grâce à un tarif élevé. Que serait cette industrie sans la protection du tarif ? Croyez-vous que les habitants des Flandres s’approvisionneraient de charbon du pays, alors qu’ils pourraient s’approvisionner de houille anglaise à un moindre prix ? Nous faisons ce sacrifice avec plaisir, parce que nous voulons une protection pour toutes les industries du pays.
Je ne conçois pas le raisonnement que fait l’honorable député de Liége, lorsqu’il dit qu’une industrie qui exporte a le marché intérieur. Je dis, au contraire, qu’une industrie qui a le marché intérieur exporte. La faculté d’exporter naît de la possession du marché intérieur.
Que l’honorable membre me cite une seule industrie qui exporte, sans être en possession du marché intérieur. Il me citera les armes. Mais elles ne rencontrent pas, sur le marché intérieur, la concurrence étrangère. Si elles ne trouvaient pas de placement sur ce marché, c’est que les besoins du pays ne les réclameraient pas. Mais je dis que pour toutes les industries dont les produits sont réclamés par les besoins du pays, il n’y a pas d’exportation possible, sans la puissance du marché intérieur.
Nous n’exportons pas, parce que notre marché est encombré par les produits similaires étrangers. Si nous avions notre marché, nous réaliserions ainsi un bénéfice, et nous pourrions courir la chance des exportations et soutenir la concurrence sur le marché étranger.
C’est ce système qu’appliquent l’Angleterre, lorsqu’elle n’admet la concurrence d’aucune industrie étrangère, et la France qui pour ses objets de luxe et de mode n’admet pas non plus cette concurrence.
Pour toutes les branches d’industrie si l’on veut qu’elles prospèrent, il faut qu’elles commencent par s’emparer du marché intérieur. Sans cela, jamais elles n’auront le marché étranger.
Cela est tellement vrai que je défie l’honorable membre de citer un produit qui, repoussé sur son propre marché, lutte contre les produits étrangers sur le marché étranger.
Je le répète, le projet de loi aura mon assentiment. J’aurais voulu qu’il fût meilleur. Je pense que le gouvernement pourrait admettre les modifications que j’ai indiquées.
On a parlé du prix élevé de la viande ; ce qu’on a dit à cet égard est vrai ; mais à quoi cela tient-il ? Ce n’est pas l’éleveur de bétail, c’est celui qui vend la viande en détail qui réalise le bénéfice. Depuis vingt ans, le prix de la viande a toujours été à peu près le même. Il y a deux ans, le bétail se vendait plus cher qu’aujourd’hui. Cependant le prix de la viande était le même.
Il en sera toujours ainsi, et la viande restera, par son prix, inaccessible à la classe ouvrière, si l’on ne fait pas pour la viande ce qu’on fait pour le pain, si l’on n’établit pas un maximum, comme il est question de le faire à Bruges, et pour ma part je ne trouve à ce projet rien d’inexécutable. Alors seulement la classe ouvrière pourra espérer se procurer à un prix raisonnable la viande nécessaire à ses besoins.
Le gouvernement, en examinant cette question pourra rendre un très-grand service à la classe ouvrière.
M. Sigart – Je n’ai demandé la parole que pour relever une assertion de l’honorable M. Rodenbach relativement à un droit de mouture qui existerait dans quelques villes de la Belgique. Je n’ai pas voulu m’en rapporter à ma mémoire. Je viens de faire descendre de la bibliothèque et j’ai sous les yeux un document officiel sur les octrois, publiée en 1839, par M. de Theux, alors ministre de l’intérieur. Il porte sur les années 1828 et 1829, 1837 et 1838. J’y trouve que dans aucune de ces années, même avant la révolution, il n’existait de droit additionnel à l’impôt-mouture au profit ni de Mons, ni d’aucune ville du Hainaut. A l’époque de 1829 je vois (page 550) trois villes seulement soumises à un droit de mouture : Bruges, Lierre et Nieuport. En 1838 aucune ville n’y est plus soumise. La statistique, à la vérité, ne va pas au-delà de cette année 1838, mais l’impôt dont il s’agit est assez impopulaire pour qu’il soit peu probable qu’on l’ait introduit depuis la chute du gouvernement hollandais.
M. Delfosse – Ce n’est pas pour combattre le projet de loi, au point de vue de l’économie politique, que j’ai demandé la parole. La chambre est entrée, pour l’industrie et pour l’agriculture, dans un système de protection qui me semble exagérée, mais que j’essayerais en vain de combattre. Un jour viendra, peut-être, où la cause des consommateurs rencontrera plus de sympathie dans cette enceinte ; mais ce jour est encore éloigné.
Je reconnais, avec l’honorable M. de Theux, qu’il faut protéger l’agriculture lorsqu’on protège l’industrie, et mon honorable ami, M. Lesoinne, n’a pas dit autre chose. Mais on conviendra aussi que des droits élevés présentent moins d’inconvénients pour les produits industriels que pour les produits agricoles. Nous ne nions pas les progrès que l’agriculture peut faire ; mais, quoique l’on fasse, il y aura toujours plus de limites à la production agricole qu’à la production industrielle. Voyez ce qui se passe en ce moment ; le pays ne produit pas des céréales en quantité suffisante pour sa consommation, ses produits industriels, dépassent, au contraire, de beaucoup, les besoins de la consommation intérieure ; on en exporte des quantités considérables. Il est donc dans la nature des choses que la concurrence s’établisse plus facilement, à l’intérieur, pour les produits industriels que pour les produits agricoles.
Je le répète, du reste, l’agriculture a droit à une protection analogue à celle que l’industrie obtient ; mais, d’accord sur le principe, on peut varier sur l’application. L’honorable M. de Theux a cité les droits d’entrée sur les fontes et sur les houilles. Je lui répondrai que nous ne serions pas éloignés de consentir à une réduction de ces droits d’entrée sur les autres droits d’entrée étaient également réduits.
Je n’ai demandé la parole que pour présenter une observation qui concerne nos relations diplomatiques. Il paraît que le gouvernement hollandais s’est plaint du régime exceptionnel sous lequel le bétail hollandais se trouve placé et il a eu raison. Il n’est pas juste, il n’est pas tolérable, aujourd’hui que les hostilités ont cessé, que l’on paye un droit d’entrée plus élevé à la frontière hollandaise qu’à toute autre frontière ; il faut un régime uniforme pour toutes les frontières ; mais il y avait deux manières de rétablir l’uniformité ; on pouvait adopter pour toutes les frontières le régime de la loi de 1835 ; ou bien le régime plus favorable de l’arrêté du gouvernement provisoire ; c’est le régime de la loi de 1835 que le gouvernement nous propose. Eh bien, ce changement sera préjudiciable à la Hollande. Il y a eu dans les derniers temps beaucoup de bétail introduit par la frontière prussienne ; au lieu d’introduire ce bétail par la frontière du Limbourg, on faisait un léger détour et on l’introduisait par le bureau de Henri-Chapelle. Il y avait donc, pour la Hollande, un moyen d’échapper aux droits élevés de la loi de 1835 ; aujourd’hui, ce moyen va lui échapper, elle sera partout soumise au régime de cette loi. Je crains bien, messieurs, qu’un changement provoqué par le gouvernement hollandais et proposé en partie dans le but de lui donner une satisfaction, n’ait au contraire pour résultat de le mécontenter. Si l’on voulait réellement donner une satisfaction au gouvernement hollandais, c’est le régime de l’arrêté du gouvernement provisoire qu’il aurait fallu remettre partout en vigueur ; nous devons, du reste, nous en rapporter sur ce point à la prudence du gouvernement ; c’est à lui à savoir jusqu’où il peut aller sans compromettre nos rapports de bon voisinage avec la Hollande.
M. Rodenbach – Lorsque j’ai dit que je supposais que le droit de mouture existait à Mons, je ne me suis exprimé que d’une manière dubitative. Je me suis trompé à cet égard. Mais je ne me suis nullement trompé, lorsque j’ai cité la ville de Gand.
L’honorable M. Delfosse vient de dire que la loi était au détriment de la Hollande, quoiqu’elle ait sollicité le projet de loi dont nous nous occupons. Je lui répondrai que l’importation par le bureau d’Henri-Chapelle se réduit à rien du tout, soit à 100 têtes de bétail sur 7 ou 8 mille que la Hollande nous importe annuellement. La statistique prouve que tout ce bétail nous vient directement de Hollande.
M. de Garcia – Messieurs, je suis du nombre de ceux qui ont demandé une protection pour l’industrie agricole. D’autres membres ont appuyé ma pensée ou j’ai appuyé la leur. L’honorable M. Delfosse, dans les observations qu’il vous a présentées, a commencé par dire qu’il y avait de l’exagération dans nos prétentions. J’avoue que je ne puis m’expliquer ce langage ni ce reproche qui ne repose sur rien, et qui ne tend qu’à se mettre sur un terrain avantageux pour combattre une opinion qui n’a pas été émise. Qu’est-ce que c’est que l’exagération en fait de tarifs ? Incontestablement, ce ne peut être qu’un chiffre trop élevé de protection pour une industrie quelconque. Or, ni moi, ni aucun de mes honorables collègues n’avons mis aucun chiffre en avant à l’égard de l’industrie agricole. Nous voulons une protection efficace, voilà tout. Je le demande encore : peut-on nous taxer d’exagération lorsque nous n’avons pas dit un mot sur le chiffre de protection ? Quant à moi, messieurs, je dois repousser de toutes mes forces la supposition que je voudrais une protection exagérée. Cela n’entre aucunement dans mes idées, et je crois que cela n’entre dans la pensée d’aucun des membres qui ont demandé une protection pour l’industrie agricole.
Nous voulons que la loi de 1834 reçoive des modifications ; mais nous n’avons pas été jusqu’à l’exagération. Nous avons dit qu’avec la législation actuelle on échappait à la loi, et qu’ainsi l’agriculture n’avait plus cette protection modérée qu’on avait voulu lui accorder. Est-ce donc être exagéré que de demander de la loi les effets qu’on en attendait ?
L’honorable M. Delfosse a dit que dans le moment actuel la chambre adopterait une loi exagérée. Quant à moi, je déclare de nouveau que je n’adopterais pas une pareille loi. Partant de la même supposition d’exagération, il dit que cet ordre de choses doit amener à la représentation nationale de nouveaux éléments ! Certainement si le pays pouvait prévoir que la chambre actuelle accueillît des droits protecteurs exagérés en faveur de l’agriculture et au détriment du consommateur, les prévisions de l’honorable M. Delfosse pourraient se réaliser dans peu de temps, et beaucoup plus tôt qu’il ne le pense.
Si le pays pouvait croire qu’il serait mis par la représentation nationale, telle qu’elle se compose aujourd’hui, à la merci des propriétaires et des cultivateurs, il ferait bien de la modifier. Mais telle n’est pas ma pensée ; je ne veux pas mettre le consommateur dans une positon difficile et intolérable ; mais, d’un autre côté, je veux environner l’industrie agricole d’une protections sage et modérée, telle que celle dont jouissent toutes les autres industries nationales ; je le veux d’autant plus que cette protection est appelée à donner du travail aux bras des habitants malheureux et peu aisés des campagnes, qui ne refluent dans nos grandes villes qu’à défaut d’ouvrage et d’occupation.
M. Delfosse – L’honorable M. de Garcia vient de m’attribuer une pensée qui n’est pas la mienne. Je suis loin de désirer l’exclusion de cette chambre des honorables membres qui défendent les intérêts agricoles ; je désire, au contraire, que tous les intérêts importants, et ceux de l’agriculture sont en première ligne, soient représentés et défendus dans cette enceinte. Mes observations, sur l’exagération des droits d’entrée, portaient sur les produits industriels, tout comme les produits agricoles
L’honorable M. de Garcia nie qu’il y ait de l’exagération dans les droits établis ; cela dépend du point de vue auquel on se place. Un droit de 10 p.c. au kilog. peut ne pas paraître exagéré à l’honorable membre, mais s’il veut bien réfléchir que le droit est perçu sur le poids brut de l’animal, s’il veut bien réfléchir aussi que dans certaines villes, le droit d’entrée, combiné avec le droit d’octroi, s’élève à 34 cent. par kilog. de viande, déduction faite de la peau et des os, il devra reconnaître que ce n’est pas sans motif que j’ai parlé d’exagération. Avec de tels droits, la viande cesse d’être à la portée des classes ouvrières.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Sans doute, comme vous l’a dit l’honorable M. Delfosse, le gouvernement des Pays-Bas aurait vu avec beaucoup plus de satisfaction adopter en Belgique le petit droit comme droit uniforme au lieu du droit élevé. Aussi ce n’est pas pour protester contre cette supposition que je prends la parole, mais pour réitérer ce que j’ai dit en réponse à l’honorable M. Osy. C’est une erreur de croire que les importations sont font principalement par la frontière allemande. Consultez la statistique de 1843, la chose n’est vraie que pour les agneaux, et pour les porcs ; ici, le nombre de têtes introduites par la frontière allemande, est beaucoup plus considérable que le nombre de têtes introduites par la frontière hollando-belge. Mais pour toutes les autres espèces de bétail, les introductions se font principalement et directement par la frontière hollando-belge.
J’ai cité tout à l’heure la première catégorie, celle des taureaux, bœufs, vaches, taurillons et bouvillons. Les introductions par la frontière de Prusse ont été de 54 têtes, tandis que celles par la frontière hollandaise ont été de 7,605 têtes.
Pour les génisses, les introductions par la frontière prussienne ont été de 31 têtes, et celles par la frontière hollandaise de 5,073 têtes.
Pour les vaches d’un an, les introductions par la frontière de Prusse ont été d’une tête (On rit) et par la frontière des Pays-bas, de 798 têtes.
Pour les vaches de moins d’un an, les introductions par la frontière de Prusse ont été de 105 têtes, et par la frontière des Pays-bas de 835 têtes.
Enfin pour les moutons (et on pourrait supposer qu’il est très-facile de faire faire aux moutons le circuit pour entrer par la frontière où le droit est le moins élevé), les introductions par la frontière de Prusse ont été de 250 têtes, et celles par la frontière des Pays-Bas, de 37,982 têtes.
Vous voyez donc que les faits sont là pour détruire ce que j’oserai appeler une simple supposition. Les introductions se font principalement par la frontière des Pays-Bas, et la loi que vous êtes appelés à voter, n’a pas la grande portée qu’on paraît lui supposer, ni quant aux Pays-Bas, ni quant à l’Allemagne.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. La loi du 31 décembre 1835, sur le bétail (Bulletin officiel, n°866) est rendue applicable à toutes les frontières du royaume. »
- Adopté
« Art. 2. le gouvernement pourra modifier, soit uniformément pour toutes les provinces, soit partiellement pour certains points des frontières, les dispositions réglementaires des articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la loi précitée. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet.
66 membres répondent à l’appel.
61 votent l’adoption.
5 votent le rejet.
En conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. Van Cutsem, Van den Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, David, de Baillet, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Man d’Attenrode, (p. 551) de Meer de Moorsel, de Mester, de Mérode, de Naeyer, de Prey, de Renesse, de Roo, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), A. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huverners, Jadot, Kervyn, Lange, Maertens, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thyrion,.
Ont voté le rejet: MM. Delfosse, Fleussu, Lesoinne, Pirmez et Sigart.
M. le président – Le second objet à l’ordre du jour est le projet de loi sur les mesures à prendre pour empêcher l’invasion des maladies contagieuses parmi les bestiaux.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il se rallie aux propositions de la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – M. le président, je crois devoir maintenir la rédaction de l’art. 4, telle que je l’ai proposée, sauf un changement qui consisterait à terminer ainsi cet article : « Suivant la gravité des faits, à un emprisonnement, qui ne pourra excéder cinq ans et une amende de 100 fr. à 2,000 fr. « ; c’est-à-dire qu’on effacerait le minimum d’un mois.
La deuxième modification, proposée par la section centrale, tend à rendre la loi temporaire. Je ne crois pas devoir m’opposer à cette disposition.
Quand nous en viendrons à l’art. 4, j’expliquerai pourquoi je crois qu’il faut maintenir la rédaction primitive du gouvernement, sauf le changement que je l’indique.
- M. Vilain XIIII remplace M. d’Hoffschmidt au fauteuil de la présidence.
M. le président – M. le ministre ne se ralliant pas aux propositions de la section centrale, la discussion s’établira sur le projet du gouvernement.
La discussion générale est ouverte.
M. Rodenbach – M. le ministre vient de dire qu’il présenterait ses observations lorsque nous serions à l’art. 4. Cependant je ne crois pas inopportun de faire dès maintenant une question sur cet article.
On dit que celui qui introduira frauduleusement du bétail qui est malade, pourra être condamné à un emprisonnement d’un mois à cinq ans. Mais je suppose que cette peine ne sera infligée qu’en cas d’introduction d’animaux atteints du typhus contagieux. Par exemple, on nous introduit souvent de Hollande du bétail atteint d’épizooties. Mais ce n’est pas là le typhus contagieux qui est incurable ; au moins jusqu’à présent la médecine n’est pas parvenue à le guérir. Eh bien, lorsqu’on aura importé, soit de la Prusse, soit de la Hollande, un animal atteint d’une épizootie, est-ce qu’alors celui qui aura fait cette importation pourra être condamné aux peines qu’il s’agit de comminer ? Je comprends que celui qui introduirait du bétail atteint de la maladie qui règne maintenant en Pologne, et qui est considérablement diminuée, qui ne s’est pas même propagée en Allemagne ; je conçois que celui qui importerait frauduleusement du bétail atteint de cette maladie, de ce typhus contagieux, qui est une espèce de peste, et dont l’introduction pourrait jeter la perturbation dans notre immense industrie agricole, je conçois que celui-là fût condamné à un emprisonnement d’un mois à cinq ans ; mais je ne pense pas que cette peine pût être appliquée lorsqu’il s’agirait d’une épizootie ordinaire. Je demande une explication à cet égard à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cette observation porte sur l’art. 4. je crois qu’il vaudra mieux y répondre lorsque nous serons arrivé à cet article, le seul, probablement, qui donnera lieu à des objections. (Assentiment.)
La chambre passe à l’examen des articles.
« Art. 1. Le Roi règle par des arrêtés les mesures que la crainte de l’invasion ou l’existence d’une maladie épizootique ou réputée contagieuse rend nécessaires, tant à l’égard des provenances en destination de la Belgique, que sur les frontières de terre et de mer ou dans l’intérieur du pays. »
- Adopté.
« Art. 2. Les dispositions prises en vertu de l’article précédent sont publiées et affichées dans les communes auxquelles elles sont applicables ; elles ne seront obligatoires qu’après leur insertion au Moniteur, et dans le délai à déterminer par ces arrêtés. »
- Adopté
« Art. 3. Le gouvernement fixe le chiffre de l’indemnité à accorder, suivant les circonstances, aux détenteurs des animaux malades ou suspects, qui sont abattus, par suite des dispositions arrêtés en vertu de l’art. 1er. Il n’y a pas lieu à indemnité en cas de contravention aux règlements en vigueur. »
- Adopté.
« Art. 4. Dans les cas non prévus par les lois actuellement existantes, les contrevenants aux dispositions auxquelles donnera lieu la présente loi, seront condamnés, soit cumulativement, soit séparément, suivant la gravité des faits, à un emprisonnement d’un mois à 5 ans et une amende de fr. 100 à 2,000. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Pourquoi le gouvernement ne s’est-il pas borné à se référer à la loi du 6 mars 1818, qui autorise le Roi, dans certains cas, à comminer des peines ? C’est parce que les peines comminées en vertu de la loi du 6 mars 1818 n’eussent pas été en harmonie avec les peines comminées par le Code pénal. Le Code pénal, législation ordinaire, n’a pas entièrement passé sous silence les cas dont nous nous occupons maintenant ; les articles 459 et suivants du Code pénal sont relatifs à ces cas et ils établissent des pénalités qui peuvent aller jusqu’à 5 ans de prison et 2,000 fr. d’amende. Il fallait dès lors, messieurs, que les arrêtés royaux qui seront pris en vertu de la loi dont nous nous occupons puissent, dans leur application, se coordonner, quant au système de pénalités, avec les art. 459 et suivants du Code pénal ; il fallait éviter cette bizarre position qu’on eût été moins puni pour un cas très-grave, en vertu des arrêtés royaux à prendre, d’après la loi en discussion, qu’on eût été moins puni qu’on ne l’est pour des cas beaucoup moins graves, en vertu des art. 459 et suivants du Code pénal.
Si donc, nous ne nous bornons pas à nous référer à la loi du 6 mars 1818, c’est parce que cette loi est tout à fait en dehors du système de pénalités qui résulte des art. 459 et suivants du Code pénal ; il faut que les peine que les tribunaux pourront prononcer en vertu de la loi nouvelle rentrent dans le système de pénalités du Code pénal que je viens de citer. Il n’y a pas même ici délégation donnée au gouvernement ; ce sont les tribunaux qui, dans les cas non prévus par le Code pénal, appliqueront les peines d’après l’échelle indiquée dans le projet, en tenant compte des circonstances et en rentrant autant que possible, autant que la justice l’exigera, dans le système de pénalités du Code pénal.
Voilà, messieurs, les explications que je crois devoir donner à l’appui du maintien de l’art. 4, tel que je propose de le rédiger.
M. Delehaye – Je conviens aussi, messieurs, que la maladie dont le bétail se trouve menacé en ce moment est excessivement grave et pourrait entraîner, pour la Belgique, des pertes incalculables ; mais la peine que le gouvernement propose d’établir est-elle réellement en rapport avec les faits qu’elle tend à réprimer ? Le gouvernement demande que les tribunaux puissent infliger un emprisonnement de cinq ans à celui qui contreviendra à quoi ? un fait déterminé par la loi ? Non ; à des dispositions que le gouvernement prendra à lui seul et que nous ne connaissons pas ! Mais, messieurs, adopter une semblable disposition, ce serait donner au gouvernement un pouvoir excessivement étendu.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La section centrale va plus loin.
M. Delehaye – Je le sais, aussi je combats également la proposition de la section centrale.
Si le gouvernement nous avait soumis les dispositions qu’il se propose de prendre, nous aurions pu examiner quelles peines il convenait de comminer contre ceux qui contreviendraient à ces dispositions ; mais, je le répète, il s’agit de punir de 5 années d’emprisonnement et d’une amende de deux mille francs des contraventions à des dispositions qui nous sont inconnues.
Je suppose qu’un cultivateur ait acheté un animal malade, dans un marché public, presque sous les yeux des employés de l’administration ; il vient chez lui et place dans son étable cet animal atteint de la maladie, sans que le cultivateur dont il s’agit s’en doute le moins du monde ; eh bien, ce cultivateur pourra être condamné à un emprisonnement de 5 ans…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ou d’un mois.
M. Delehaye – Mais qui vous garantit que, dans ce cas, le tribunal prononcera le minimum de la peine ? Il pourra tout aussi bien prononcer le maximum. Je dis que si la proposition du gouvernement ou celle de la section centrale est adoptée, les tribunaux pourront condamner à une peine exorbitante des campagnards qui auront agi avec ignorance et de bonne foi ; car, messieurs, dans nos campagnes, la bonne foi n’est pas encore bannie des transactions commerciales.
D’ailleurs, messieurs, le gouvernement ne prendra pas lui-même les dispositions dont il s’agit dans le projet ; il pourra très-bien arriver qu’il s’en rapporte à un agent subalterne qui croira avoir beaucoup fait dans l’intérêt général en multipliant peut-être d’une manière ridicule les exigences. Le gouvernement donnera son assentiment à des dispositions rédigées de cette manière, et vous aurez d’avance permis aux tribunaux de condamner à cinq ans d’emprisonnement et à 2,000 fr. d’amende ceux qui auront contrevenu à l’une ou l’autre de ces dispositions ; il m’est impossible, messieurs, d’admettre une semblable proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, il ne faut pas confondre le projet du gouvernement tel que j’en ai modifie la rédaction, avec le projet de la section centrale. D’après le projet de la section centrale, c’est le gouvernement qui, dans les arrêtés royaux qui seront pris, indiquerait les peines ; d’après le projet primitif, ce sont les tribunaux qui, pour les cas non prévus, prononceront les peines. Ces peines pourront être les suivantes : un emprisonnement qui ne peut excéder 5 ans et une amende de 100 à 2,000 fr., cumulativement ou séparément.
Voyons, messieurs, qu’y a-t-il d’effrayant dans cette disposition, telle que je l’ai modifiée ? L’honorable M. Delehaye vient de nous citer un cas, celui d’un villageois qui a acheté un animal malade et qui pourra, dit l’honorable membre, être condamné pour ce fait à un emprisonnement d’un mois à cinq ans et à une amende de 100 à 2,000 fr. ; l’honorable membre suppose d’abord que la peine de l’emprisonnement sera nécessairement prononcée et qu’elle sera prononcée pour un mois au mois ; c’est là une erreur ; le tribunal pourra condamner à un jour de prison ; il pourra même ne pas prononcer d’emprisonnement et se borner à condamner le prévenu à une amende de 100 fr.
M. Delehaye – Il peut aussi condamner à cinq ans d’emprisonnement et à 2,000 fr. d’amende.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je vous avoue que je ne comprends pas cette défiance excessive des tribunaux ; pourquoi les tribunaux ne feraient-ils pas une application équitable de la loi ? D’ailleurs, l’échelle que nous proposons n’est pas plus considérable que celle qui est établie par le Code pénal ; la critique de l’honorable membre tombe sur le Code (page 552) pénal, art. 459 et suivants ; les peines comminées par ces articles ne sont pas plus graduées, pas plus limitées que celles dont il s’agit dans l’article en discussion.
M. Dubus (aîné) – Pour apprécier l’article qui a été présenté par la commission, il importe de se fixer d’abord sur la portée de l’article 4, tel qu’il a été proposé par la gouvernement.
« Art. 4. Dans les cas non prévus par les lois actuellement existantes, les contrevenants aux dispositions auxquelles donnera lieu la présente loi, seront condamnés, soit cumulativement, soit séparément, suivant la gravité des faits, à un emprisonnement d’un mois à 5 ans et une amende de fr. 100 à 2,000. ».
Ainsi, par cet article, des peines très-graves étaient portées d’avance contre toute contravention quelconque à des dispositions que nous ne connaissons pas, et cela à perpétuité, car la loi était perpétuelle jusqu’à révocation.
Il nous a semblé que nous ne pouvions pas adopter une pareille disposition et qu’elle présentait plusieurs inconvénients. L’un de ces inconvénients, était la perpétuité de la loi. Nous avons cru d’abord bien faire, en ne proposant la délégation qui résulte de la loi proposée que pour un délai pendant lequel le gouvernement serait mis à même, par l’expérience qu’il aurait acquise, de nous présenter un projet de loi définitif ; mais nous ne voulions pas d’une loi perpétuelle.
Nous avons donc proposé un article 5, aux termes duquel la loi cessera ses effets au 1er janvier 1847.
M. le ministre de l'intérieur, qui trouve que la commission a été plus loin que le gouvernement, conviendra au moins que ce n’est pas en ce point, et que nous avons été beaucoup moins loin sous ce rapport, par cela seul que nous avons rendu la loi temporaire, de perpétuelle qu’elle était proposée ; mais, par cela même encore que nous avons rendu la loi temporaire, nous pouvons plus facilement entrer dans le système que la commission a adopté à l’art. 4. Pour le démontrer, je ferai ressortir quelques autres inconvénients que nous paraissait offrir l’art. 4 du projet du gouvernement.
Cet article obligeait d’abord le juge à prononcer une peine d’un mois d’emprisonnement, au minimum, et d’une amende de 100 fr., également au minimum, pour toute contravention quelconque à des dispositions que nous ne connaissons pas. Or, il peut y avoir de ces contraventions qui soient tout à fait insignifiantes, qui soient sans aucune portée, qui soient des contraventions à la lettre, bien plus qu’à l’esprit des dispositions de la loi ; qui soient, enfin, des contraventions qui résultent bien plus de la forme de la phrase que du fond même de la disposition à observer ; c’est ce qu’on rencontre à chaque pas, quand on a l’habitude de l’application des lois. Eh bien, dans tous ces cas, il faudra condamner, il faudra frapper, alors même qu’au fond de sa conscience le juge reconnaîtrait qu’il est équitable d’absoudre. Nous n’avons pas voulu d’une pareille législation, et pour en sortir, que fallait-il faire ?
Au lieu de punir toute contravention quelconque, il fallait obliger le gouvernement, lorsqu’il fera usage des pouvoirs que nous allons lui donner, de préciser toutes les contraventions qu’il sera nécessaire de punir, et d’appliquer à chacune une peine proportionnée. C’est ce qui nous a fait entrer dans le système que nous avons proposé. Le gouvernement, faisant usage, pendant le court espace dont la fixation fait l’objet de l’art. 5, des pouvoirs qui lui sont accordés, arrêtera un règlement sur la matière. Ce règlement contiendra un grand nombre de prescriptions ; puis pour sanction, le gouvernement déterminera les contraventions qu’il veut punir et la peine dont il veut frapper chaque contravention. Si ces contraventions sont de nature à être plus ou moins graves, selon les circonstances, le gouvernement déterminera lui-même une échelle précise prise dans les limites que la loi aura fixées, pour que le juge puisse faire la part des circonstances. Dans ce système, il ne pourra pas être vrai de dire que la loi a menacé d’un emprisonnement de cinq ans celui qui ne méritait qu’une amende de quelques francs, tandis que cela arriverait, si l’on adoptait le système que M. le ministre de l'intérieur veut maintenir.
Un autre inconvénient que la commission avait reconnu, consistait dans l’établissement d’un minimum des peines. Le minimum, quant à l’emprisonnement, était d’un mois. Un emprisonnement d’un mois est une peine déjà fort grave. Le minimum, quant à l’amende, était de cent francs. Vous concevez d’avance que bien des contraventions légères ne méritent pas une amende de cent francs.
Nous avons donc retranché le minimum ; nous n’avons fait que poser un maximum d’emprisonnement et un minimum d’amende, en laissant le soin au gouvernement, je le répète, de déterminer la peine qu’il faudra qu’on applique à chaque contravention, selon l’importance de cette contravention. De cette manière, ceux qui se rendront contrevenants à la loi, seront avertis avec plus de précision de la peine qu’ils auront encourue, tandis que le vague de l’art. 4 proposé par le gouvernement, ne les avertit réellement pas, ne les met pas à même d’apprécier la gravité de leurs contraventions.
Messieurs, il faut qu’en vertu des pouvoirs que nous déléguons au gouvernement, le règlement qu’il arrêtera puisse remplacer la loi que nous ferions. Or, si nous faisions une loi sur la matière, est-ce que nous nous contenterions, après avoir porté toutes les prescriptions que réclame une loi de cette nature, prescriptions si diverses et d’une importance également si différente ; est-ce que nous nous contenterions, dis-je, pour toute disposition pénale, d’un article analogie à l’art. 4 du projet du gouvernement ? Si nous faisions une pareille loi, ne s’écrierait-on pas que cette loi est vicieuse ; qu’il ne suffit pas d’annoncer à ceux qui doivent se conformer à la loi que, pour toute contravention quelconque, ils sont exposés à des peines qui varient d’un jour à 5 ans d’emprisonnement, et d’un francs à 2,000 francs d’amende ? Nous nous croirions obligés de déterminer les différentes contraventions et d’y appliquer des peines, selon l’importance. Or, ce que nous nous croirions obligés de faire en ce cas, nous voulons que le gouvernement le fasse dans le règlement qui, pendant deux ans, tiendra lieu de la loi. Nous désirons que ce règlement soit tel qu’à l’expiration du terme, le gouvernement puisse le proposer comme loi définitive.
Voilà les motifs qui ont dicté la résolution de votre commission.
M. Fleussu – Messieurs, je donnerai la préférence à la rédaction du gouvernement tout en faisant mes réserves, quant à l’élévation des peines, peines que je trouve réellement disproportionnées dans l’espèce surtout si on les combine avec les dispositions du Code pénal dont a parle M. le ministre de l'intérieur.
Le projet du gouvernement a été amendé dans la séance d’aujourd’hui par M. le ministre de l'intérieur, et l’amendement qu’il a déposé, fait disparaître la plupart des observations qui viennent d’être présentées par l’honorable M. Dubus.
Je donnerai la préférence au projet du gouvernement, parce que, dans ce projet, la chambre fixe elle-même les peines qu’encourront les contrevenants aux dispositions à prendre par le gouvernement, tandis que, dans sa rédaction, la commission semble déléguer au gouvernement le pouvoir législatif pour la fixation des peines. En effet, elle dit : « Le gouvernement pourra comminer des peines pour contravention aux dispositions portées en vertu de la présente loi. »
C’est bien là déléguer au gouvernement le pouvoir législatif, quant à la fixation des peines relatives à cette loi, c’est-à-dire qu’il devra déterminer la peine qui sera appliquée à telle ou telle contravention. Vous ne savez même pas les dispositions que le gouvernement prendra, et vous vous abandonnez avec confiance au gouvernement ; non-seulement, vous vous abandonnez à lui, pour arrêter des dispositions, mais vous lui laissez encore le soin de garantir l’exécution de ces dispositions, en l’armant du droit de prendre telles mesures comminatoires qu’il jugera convenables. Or, je ne sais jusqu’à quel point il convient que nous abdiquions nos pouvoirs, pour les déléguer au gouvernement.
Cette considération me détermine à donner la préférence au projet du gouvernement, parce que, dans ce projet, c’est la chambre elle-même qui fixe les peines.
Maintenant ces peines ne sont-elles pas hors de proportion avec les contraventions ? Evidemment oui : les peines que le gouvernement réclame, sont des peines qui s’appliquent à des délits et même en quelque sorte à des crimes.
Une loi de 1818 a autorisé le roi Guillaume à prendre des arrêtés d’administration générale. Cette loi existe encore ; on l’applique encore tous les jours. Savez-vous jusqu’où allaient les peines que le roi Guillaume pouvait prononcer, pour assurer l’exécution de ses règlements ? C’était une amende de 10 à 100 florins, et un emprisonnement d’un jour au moins et de 14 jours au plus. Maintenant, d’un seul bond, on accorderait au pouvoir exécutif le droit de prononcer des peines qui iraient jusqu’à 5 ans d’emprisonnement !
On a souvent reproché au Code pénal d’être trop sévère. Or, rapprochez les dispositions du Code pénal, de la disposition de l’art. 4 du projet de loi, et vous verrez que vous ne tenez aucun compte, même de l’esprit des dispositions du Code pénal. Il s’agit d’empêcher que des animaux atteints de maladies contagieuses n’entrent dans le pays. Le gouvernement est autorisé à prendre les mesures nécessaires pour mettre obstacle à cette entrée ; il demande à pouvoir comminer cumulativement contre les contrevenants des peines qui peuvent aller quant à l’emprisonnement, d’un mois à cinq années, et quant à l’amende ; de 10 fr. à 2,000 fr. Eh bien, le Code pénal a prévu des cas à peu près identiques, et savez-vous quelles peines il prononce ? Lorsque, par exemple, le gardien d’un troupeau infesté ne le renferme pas, alors même qu’il n’a pas encore reçu l’injonction du bourgmestre, il est puni d’un emprisonnement de six jours à deux mois.
Ainsi, pour le cas que je vous pose, où un troupeau est infesté, mais que l’ordre de le tenir enfermé n’a pas encore été donnée par le bourgmestre, la peine est de 6 jours à 2 mois d’emprisonnement. Que demande le ministre ? Il veut que, pour avoir introduit une seule tête de bétail infesté, la peine puisse être portée jusqu’à 5 années d’emprisonnement ! Vous avouerez que c’est tout à fait sortir de l’esprit du Code pénal. En effet, voici une autre de ses dispositions : Quand le bourgmestre a ordonné qu’un troupeau infesté soit tenu enfermé, si on contrevient à cette ordonnance de l’autorité locale, le contrevenant est puni de 2 à 6 mois d’emprisonnement.
Voilà une infraction à une mesure préservatrice prescrite par un magistrat que le Code pénal, réputé si sévère, ne punit que de 2 à 6 mois d’emprisonnement. Que demande le ministre ? il demande que, dans ce cas, les tribunaux puissent infliger une peine de 5 années d’emprisonnement. Il est vrai qu’il y a une disposition dans le Code pénal qui commine une peine de 5 années, mais c’est pour le cas où il y a eu contagion, quand la maladie a été communiquée. Ici, sans savoir quelle conséquence à eu la contravention, on veut punir aussi sévèrement que quand il y a eu communication de la maladie. Dans la perspective de la révision du Code pénal, à côté des dispositions existantes, si on établissait une peine d’une année au plus d’emprisonnement, ce serait assez sévère et j’y donnerai mon assentiment, parce que la loi est temporaire. Je bornerai là mes observations.
M. Delehaye – M. le ministre de l'intérieur, répondant à mes observations, m’a accusé d’avoir manifesté de la méfiance à l’égard de la magistrature.
Messieurs, la magistrature est l’objet de toute ma confiance ; aussi la méfiance que j’ai manifestée ne porte-t-elle pas sur les tribunaux, mais sur le (page 553) gouvernement, car ce ne seraient pas les tribunaux qui appliqueraient seuls la loi, ce serait le gouvernement qui indiquerait les faits pour lesquels la peine serait encourue. C’est contre cette dernière partie de la disposition que je me suis élevé ; je ne veux pas que le gouvernement puisse indiquer aux tribunaux le fait qui peut donner lieu à une peine de 5 années d’emprisonnement. C’est exclusivement contre cet arbitraire qu’on laisserait au gouvernement, que j’ai protesté.
M. Savart-Martel – Messieurs, je ne puis accepter l’art. 4, et je vois avec peine que cette fois encore, nous allons innover au Code pénal. Mieux aurait valu le refondre d’un seul trait.
Je ne vais pas jusqu’à méconnaître que le gouvernement puisse faire des règlements sur cette matière et appliquer des peines pour infraction ; mais à cet égard se trouve dans l’arsenal de nos lois la loi de 1818, qui me paraît suffisante.
Au surplus, il ne peut s’agit ici que d’une loi temporaire, d’une loi due aux circonstances actuelles. Et telle que puisse être la disposition de la chambre, je tiens à ce qu’on y inscrive que l’art. 463 du Code pénal y sera applicable.
On a parlé du cas où quelqu’un aurait rompu audacieusement le cordon sanitaire ; mais il est possible qu’après cette infraction le contrevenant se ravise, évite même la contagion ; il serait juste de lui tenir compte de cette circonstance.
M. le président – M. Fleussu a déposé un amendement par lequel il propose de substituer une année d’emprisonnement à cinq.
M. Desmet – Si tout le monde appréciait la gravité du fait dont il s’agit, on parlerait autrement qu’on ne le fait. On ne peut trouver nulle part des dispositions plus complètes, plus détaillées sur les invasions des épizooties que dans nos anciens édits. On a critiqué ce que propose la section centrale, de remettre au gouvernement le soin de faire un règlement où seraient indiqués les cas spéciaux pour l’application des peines. Cependant on doit reconnaître que les mesures à prendre sont des mesures de police, et par conséquence qu’elles rentrent plutôt dans les attributions de l’administration que dans celles des tribunaux. La section centrale, selon moi, a bien fait de modifier l’art. 4 comme elle l’a fait en demandant que le gouvernement déterminât les cas punissables et les peines qui y seraient attachées.
M. Fleussu trouve que la peine de cinq années est trop sévère. Messieurs, quand on considère les conséquences des invasions d’épizooties, on trouve que la peine de mort elle-même ne serait pas trop sévère. En 1783 ou 1784, l’introduction d’une grosse génisse infectée dans le Luxembourg a entraîné la perte de 300 mille bêtes à cornes. J’en appelle au témoignage des députés de cette province.
On s’étonne que pour l’introduction d’une seule bête, la loi commine une peine de 5 années d’emprisonnement. Les anciens règlements des Flandres punissaient ce fait de la flagellation et la récidive de la déportation.
On a critiqué aussi la grande latitude laissée au gouvernement. Ce n’est pas seulement pour la pénalité, mais pour l’abattage qu’on lui donne une grande latitude, car vous l’autorisez à faire abattre toutes les bêtes suspectes d’infection. Ce pouvoir est bien plus grand que celui relatif à la peine, car vous devrez indemniser pour le bétail abattu. Mais c’est qu’il y a extrême urgence, et qu’il ne faut reculer devant aucune mesure pour empêcher l’invasion de la maladie.
Des gouvernements étrangers ont pris déjà des mesures et des informations pour savoir à quel point en était cette maladie, dans quel pays elle s’était étendue ; je demanderai à M. le ministre si le gouvernement belge a pris les mêmes mesures, les mêmes précautions. Le danger est très-grand. En 1770, quand la maladie se manifestait quelque part, on ne se bornait pas à abattre la bête infecte, mais tout le bétail qui avait pu se trouver en communication, les chiens non attachés et jusqu’aux lapins, parce que ces animaux pouvaient introduire l’épizootie dans une ferme. Vous vous étonnez qu’on donne un si grand pouvoir au gouvernement. Mais rappelez-vous donc ce que faisaient vos pères : ils n’abandonnaient pas au pouvoir seul l’exécution des mesures de préservation, ils nommaient une junte composée non d’employés, de buralistes, mais de trois conseillers des Flandres et des états généraux, et cette junte restait en permanence tant que la maladie n’avait pas disparu.
Indépendamment de cela il y avait une sous-commission dans chaque district atteint.
Je crois que nous ne devons pas craindre de faire une loi trop sévère.
Il devrait y avoir une espèce de conseil pour que la loi fût complètement exécutée.
M. Dubus (aîné) – L’honorable député de Liége a combattu à la fois l’article du gouvernement et celui de la section centrale. Il ne s’est opposé à l’article de la section centrale, que parce que cet article délègue au gouvernement le droit de porter des peines ; ce qui ne lui paraît pas en harmonie avec notre Constitution.
A l’article du gouvernement et à celui de la section centrale il a opposé que le maximum de cinq années d’emprisonnement est trop élevé ; il a même proposé de le réduire à une année.
Enfin à l’article du gouvernement il a opposé que le minimum de 100 fr. était trop élevé. Je pense avoir compris qu’il s’est rallié à la proposition de la section centrale, en tant qu’elle supprime ce minimum (M. Fleussu fait un signe affirmatif).
D’abord est-il vrai que vous ne puissiez déléguer au pouvoir exécutif, dans des circonstances telles que celles-ci, le droit de porter des peines. Aucun article de la Constitution n’y met obstacle. Et même des délégations spéciales ont déjà été faites par plusieurs de nos lois.
Selon l’art. 9 de la Constitution « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi. » Dès qu’il y a une loi qui autorise le gouvernement à établir des peines, il est satisfait au prescrit de l’art. 9.
Au reste déjà, je le répète, il a été porté des lois qui ont délégué au pouvoir exécutif le pouvoir d’établir des peines ; mais toujours dans de certaines limites. Ainsi la loi provinciale a autorisé les conseils provinciaux à faire des règlements ; mais elle ajoute qu’ils ne peuvent établir pour leur exécution que des peines qui n’excédent pas huit jours d’emprisonnement et 200 fr. d’amende. C’est une disposition de l’art. 85 de la loi provinciale. Elles semble avoir servi de type à la disposition de l’art. 4 que propose la section centrale.
On n’a pas dit dans la loi provinciale que toutes les contraventions à des règlements provinciaux qu’on ne connaissait pas seraient punies d’une peine de tel chiffre à tel chiffre ; on s’est borné à établir un maximum d’emprisonnement et d’amende, et à autoriser les conseils provinciaux à établir des peines qui n’excédassent pas ce maximum.
Voilà ce qui a été fait par la loi provinciale. C’est ce que nous vous proposons par l’art. 4. Ces deux dispositions sont faites dans un même esprit. On voit à l’évidence que l’on a voulu parer au même inconvénient.On n’a pas établi de maximum, parce qu’il peut se présenter telle circonstance où il convient que l’on puisse appliquer la peine la plus faible possible. Il peut y avoir des contraventions insignifiantes et sans portée. Quand on rédigera le règlement, on ne portera pas de peine contre ces contraventions.
D’un autre côté, il ne faut pas que la loi commine les mêmes peines contre les délits les plus graves et contre les contraventions les plus insignifiantes. On critiquerait, à juste titre, la loi qui, au lieu d’appliquer aux délits et aux contraventions des peines proportionnelles, se bornerait à dire que toutes les contraventions à la loi seront punies de 16 fr. d’amende à 5 années d’emprisonnement. On trouverait cette législation tout à fait vicieuse. C’est une législation semblable qui résulterait de l’art. 4 du projet du gouvernement.
D’ailleurs, comment pourrait-on dire, en présence des articles 1, 2 et 3 de la loi qui viennent d’être adoptés, et de l’article auquel on consent pour remplacer l’art. 4 que vous ne pouvez déléguer au gouvernement le droit de déclarer que tel fait est un délit, vous lui donnez le droit de porter des peines. Si vous ne pouvez pas déléguer ce droit, vous ne pouvez faire la loi proposée.
Je crois donc que cette première objection, qui était spécieuse, n’a aucun fondement. Ou bien, il faudrait aller jusqu’à repousser toute la loi ; car encore une fois si vous autorisez le gouvernement à déclarer ce qui sera un délit, c’est comme si vous lui donniez le droit de porter des peines.
En deuxième, on a trouvé que le maximum de cinq années d’emprisonnement était exorbitant, qu’il fallait le réduire à une année.
Il importe de considérer que nous n’avons pas devant de fait précis dont nous puissions apprécier la gravité, que cette gravité ne pourra être appréciée, que quand nous aurons sous les yeux le règlement que le gouvernement sera autorisé à faire.
Il s’agit de déterminer les limites dans lesquelles les peines seront établies. Il faut que les peines soient proportionnées aux délits.
Sur ce point une disposition qui n’a pas été critiquée, c’est elle qui renvoie aux lois existantes pour les cas prévus par ces lois. Dès lors ne convient-il pas que le gouvernement puisse proportionner de la même manière les peines qu’il portera contre les autres délits ? Ne convient-il pas qu’il puisse punir d’une manière égale des délits également graves.
Si l’on adoptait l’amendement de l’honorable M. Fleussu, qu’arriverait-il ? Il arriverait que celui dont tout le délit consisterait en une négligence, celui qui aurait laissé ses bestiaux infestés communiquer avec d’autres, si de cette communication il était résulté une contagion parmi les autres animaux, encourrait, aux termes de l’art. 461 du Code pénal, un emprisonnement qui ne pourrait être moindre de 2 ans ; et celui qui, par fraude ou par violence, aurait introduit des bestiaux infestés dans le pays ne pourrait être puni que d’une année d’emprisonnement.
Je vous demande si la peine serait proportionnée au délit. Le minimum, dans le premier cas qui est le moins grave, serait plus élevé que la maximum dans le deuxième cas, qui est beaucoup plus grave.
Vous voyez que l’on ne peut admettre cet amendement, qui n’est pas en harmonie avec la législation existante.
Si on l’admettait, ce ne pourrait être qu’à la condition de modifier à l’instant même la législation existante.
En troisième lieu, l’honorable député de Liége a pensé, comme la section centrale, que le minimum de 100 fr. d’amende était trop élevé. C’est surtout trop dans le système du projet du gouvernement. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord avec lui. Nous nous trouvons en harmonie avec les actes antérieurs du pouvoir législatif, avec les lois communales et provinciales qui ont établi des maxima et pas de minimum, lorsque nous proposons de déléguer au gouvernement le pouvoir de déterminer les contraventions et d’établir des peines proportionnelles à ces contraventions. C’est dans ce but que l’art. 85 de la loi provinciale a été rédigé comme il l’est.
Maintenant j’ajouterai que je reconnaît, avec un préopinant, l’honorable M. Savart, qu’il serait désirable que l’on appliquât au cas actuel l’art. 463 de Code pénal qui tempère les pénalités établies par les art. 459 à 462, qui autorise le juge, lorsque les circonstances paraissent atténuantes à réduire la condamnation à des peines de simple police
(page 554) Je crois qu’il serait tout à fait convenable que l’art. 463 du Code pénal s’appliquât à toutes les dispositions pénales que le gouvernement portera et qui, je le répète, ne seront qu’un complément du Code pénal.
Si cette opinion n’est pas combattue, je déposerai un amendement dans ce sens.
M. Orts – Messieurs, j’avais demandé la parole pour présenter l’amendement que l’honorable M. Dubus va déposer et qui tendrait à déclarer applicable l’art. 463 du Code pénal parce que, sans cela, d’après la jurisprudence, il ne pourrait être appliqué, attendu qu’il s’agit d’une loi spéciale.
Je ne dirai que quelques mots, messieurs, pour énoncer les motifs qui me porteront à voter pour le projet du gouvernement plutôt que pour celui de la commission.
Faut-il, messieurs, investir le gouvernement, comme le propose la commission, du pouvoir de déterminer par arrêtés royaux les peines applicables aux contraventions qu’il aura formulées, ou ne vaut-il pas mieux que la chambre elle-même établisse aujourd’hui l’échelle des peines, sauf aux tribunaux à en faire l’application ?
Messieurs, je ne nierai pas que l’art. 9 de la Constitution vous permet d’établir des peines et par conséquent de déléguer ce pouvoir. Je ferai seulement une observation. L’honorable M. Dubus vous disait tout à l’heure : Vous pouvez déléguer au gouvernement le pouvoir d’établir que tels faits constituent un délit ; donc, à plus forte raison, vous pouvez investir le gouvernement du droit de comminer des peines. Mais, messieurs, je ferai remarquer que, d’après notre législation, c’est la peine qui détermine le délit. Car nous avons trois échelles en matière pénale : la contravention, le délit, le crime. Le Code pénal vous dit : Lorsqu’il s’agit d’un fait punissable d’une peine de simple police, c’est une contravention. Lorsqu’il s’agit d’un fait punissable d’une peine correctionnelle, c’est un délit. Lorsqu’il s’agit d’une fait punissable d’une peine afflictive et infamante, c’est un crime ; de manière que, comme je le disais tout à l’heure, c’est la peine qui caractérise le délit.
Cependant voici pourquoi je préfère le projet présenté par le gouvernement à celui de la commission.
Messieurs, les ravages du typhus contagieux qui désolent en ce moment une partie des contrées orientales et septentrionales de l’Europe, ont pris la législature, en quelque sorte, à l’improviste, et quoique le projet de loi ne nomme point cette maladie, on voit bien que c’est la crainte de l’approche de cette contagion, qui a excité les justes sollicitations du gouvernement ; et sous ce rapport, je rends hommage à ses intentions.
Maintenant le gouvernement fera des règlements. C’est à lui que cette tâche incombe ; car il faudra qu’il agisse d’après les événements qui ont surgi, d’après la propagation de cette contagion, si, ce qu’à Dieu ne plaise, elle devait s’étendre davantage.
Le gouvernement devra donc formuler les différents faits qui constitueront des contraventions. Mais est-ce à dire qu’il faut qu’il se réserve d’établir aussi les peines ? Non ; je m’en référerais plutôt, sous ce rapport, aux tribunaux. Les tribunaux, qui pourront appliquer les peines depuis le maximum jusqu’au minimum, jugeront eux-mêmes du fait avec toute la latitude possible ; et n’ayons, messieurs, aucune crainte de l’espèce de pouvoir discrétionnaire que nous leur laissons quant à l’application des peines établies par la loi.
Les circonstances varient à l’infini ; il peut y avoir d’abord une simple imprudence ; il peut y avoir une véritable fraude ; il peut même y avoir des cas de récidive ; et dans ce cas la loi statue ordinairement que le maximum de la peine sera appliqué. Eh bien, il me paraît que les tribunaux qui seront saisis du fait au moment où il aura été perpétré jugeront beaucoup mieux s’il faut appliquer le maximum ou le minimum, que ne pourra le faire le gouvernement lorsqu’il voudra prendre un arrêté réglementaire pour prévoir les divers cas qui pourront se présenter.
La mission d’évaluer la gradation de la peine me paraît plus convenablement attribuée aux tribunaux qu’au gouvernement. Le gouvernement fera aujourd’hui un règlement ; mais la peine pourra n’être appliquée que dans cinq ou six mois. Elle sera peut-être appliquée dans un moment où le typhus contagieux sera devenu tellement violent qu’il faudra prendre contre cette maladie des mesures semblables à celles qu’on emploie contre la peste et les autres contagions qui affligent les populations. Evidemment, pour des cas semblables, il vaut mieux laisser aux tribunaux toute latitude pour la gradation de la peine. C’est ce que vous propose le gouvernement.
Je suis convaincu que le maximum de cinq années ne sera jamais appliqué que dans le cas où un individu serait convaincu d’avoir introduit frauduleusement et méchamment dans le pays des animaux atteints de contagion. De manière que, tout en appuyant l’art. 4 sous le rapport de la délégation de la peine, je m’en tiendrai à la fixation de la pénalité telle que le gouvernement l’a établie, avec d’autant plus de raison, que d’après l’amendement de l’honorable M. Dubus, l’art. 463 du Code pénal serait applicable à la matière.
- La suite de la discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.