(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 436) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à dix heures trente.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Plusieurs adjudicataires et concessionnaires des taxes et des barrières établies dans l’arrondissement d’Audenarde, demandent la révision de la loi du 18 mars 1835 sur les barrières. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Quelques colons de Santo-Thomas de Guatemala prient la chambre de prendre en considération la situation de cette colonie. »
M. Dumortier – Messieurs, cette pétition me paraît avoir un grand caractère de gravité. Des Belges, colons à Guatemala, se plaignent de la ligne de conduite adoptée par un officier de l’armée belge, qui a été envoyé dans cette contrée pour diriger la colonie. Plusieurs d’entre nous, messieurs, connaissent la pétition qui me paraît extrêmement sérieuse ; si les griefs dont se plaignent les colons belges sont exacts, il me semble que les chambres auraient à intervenir au plus tôt auprès du gouvernement, pour les faire cesser. Je demanderai que la pétition soit renvoyée à la commission, avec prière de nous soumettre un prompt rapport.
M. Sigart – Messieurs, la pétition dont il s’agit, renferme des imputations extrêmement graves à l’égard d’un homme qui a toujours passé pour un homme de cœur et d’honneur. Jusqu’à preuve contraire, il doit continuer à être considéré comme un homme de cœur et d’honneur. Cette preuve n’existerait que si l’accusé ne pouvait détruire l’acte d’accusation dirigé contre lui. Or, l’accusé est absent, il est en route pour revenir en Belgique ; je crois donc que la chambre devrait attendre son retour avant de s’occuper de cette pétition.
M. Dumortier – La question que soulève l’honorable député de Mons, ne trouve pas ici sa place ; on pourra l’examiner lorsque le rapport sera fait ; mais l’observation de l’honorable membre ne peut pas retarder la présentation de ce rapport ; le règlement est formel : lorsqu’une pétition nous est adressée, elle doit faire l’objet d’un rapport.
M. Sigart – Je ne m’oppose pas au renvoi en commission, je m’oppose seulement à ce qu’on demande un prompt rapport.
M. Dumortier – Je ferai remarquer d’abord à l’honorable membre que, dans aucun cas, le rapport ne pourra être fait avant la rentrée, c’est-à-dire, d’ici à trois semaines ou un mois. Il me semble que lorsque des Belges élèvent des plaintes aussi graves que celles qui sont articulées dans la pétition, il est indispensable que la chambre s’en occupe dans le plus bref délai. J’insiste donc pour qu’un prompt rapport soit demandé à la commission, d’autant plus que nous aurons bientôt à nous occuper du budget de l’intérieur auquel tout cela se rattache plus ou moins.
M. Rodenbach – Je demande également que le rapport soit fait dans les premiers jours qui suivront la rentrée. Comme le gouvernement fait une enquête sur ce qui se passe à Guatemala, je crois qu’il sera convenable de lui renvoyer la pétition. Il y a à Guatemala 500 Belges, et certes la Chambre doit s’intéresser à ceux de nos concitoyens qui se sont transportés à 2,000 lieues d’ici pour échapper à la misère.
J’appuie la proposition de M. Dumortier.
M. Sigart – Mais, messieurs, veuillez remarquer que celui que l’on accuse n’est plus directeur. Il n’y a donc pas d’urgence. Il serait inouï que l’on jugeât un accusé avant d’avoir pu entendre sa défense.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée.
M. Pirson, au nom de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif au contingent de l’armée, qui a examiné, comme commission, le projet de loi sur l’armée, fait rapport sur ce projet de loi ; il conclut à son adoption, avec la réserve que cette adoption ne préjugera en rien de l’effectif qui servira de base à la loi d’organisation.
La chambre décide qu’il sera procédé au vote immédiatement.
« Art. 1er. Le contingent de l’armée pour 1845 est fixé au maximum de quatre-vingt mille hommes. »
- Adopté
« Art. 2. Le contingent de la levée de 1845 est fixé à un maximum de dix mille hommes, qui sont mis à la disposition du gouvernement. »
- Adopté
(page 437) « Art. 3. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1845. »
- Adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l’ensemble du projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 60 membres présents.
Ce sont : MM. de Theux, de Villegas, d’Huart, Dubus (aîné), A. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, ; Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Lesoinne, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart, Sigart, Simons, Thyrion, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Castiau, Coppieters, d’Anethan, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, Deprey, de Renesse, de Roo, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq et Liedts.
M. de Mérode – Messieurs, avant de nous séparer, je réclamerai de votre bienveillance le vote sur un feuilleton de naturalisations dans lequel est compris un réfugié polonais, dont le fils doit entrer à l’école militaire. Si ce réfugié n’était pas naturalisé avant le 31 décembre, l’entrée de son fils à l’école serait retardée d’une année ; sa carrière pourrait en être manquée.
J’espère que la chambre voudra bien adopter ma proposition. (Appuyé ! appuyé !)
M. le président – Cet objet pourra être tenu en réserve jusqu’à la fin de la séance. Les membres qui désireraient partir, pourront déposer leur bulletin.
M. Devaux – Messieurs, je n’ai aucun désir de prolonger inutilement la discussion. Mais deux circonstances m’engagent surtout à prendre la parole. La première, c’est une doctrine émise à plusieurs reprises par M. le ministre de l'intérieur et qui, si elle était admise par cette chambre sans contestation, pourrait exercer à l’avenir une très-fâcheuse influence sur les rapports des chambres avec le gouvernement en matière de négociations et de traités, et porter des fruits très-funestes sur nos rapports internationaux.
En second lieu, une partie de ce que nous avons à examiner est restée complètement étrangère jusqu’à présent à la discussion. Il y a des faits sur lesquels il est indispensable que la chambre soit éclairée ; faits qui seraient d’une extrême gravité, si les explications du gouvernement ne parvenaient à leur ôter ce caractère.
Messieurs, d’après les paroles de M. le ministre de l'intérieur, la marche que la chambre aurait à suivre lorsqu’elle se trouve en face d’un traité, seraient absolument la même qu’en présence d’un projet de loi ordinaire. J’ai entendu dire à plusieurs reprises par M. le ministre de l'intérieur à ceux qui critiquaient le traité : Vous serez bien inconséquents si vous votez pour ce traité ; si vous le trouvez mauvais, rejetez-le.
Messieurs, à l’égard d’un traité que la constitution soumet à notre approbation, nous avons certainement les mêmes droits que pour un projet de loi ordinaire, c’est-à-dire, que nous sommes parfaitement libres de le rejeter, que nous avons, à cet égard, les droits les plus complets.
Mais si nos droits sont les mêmes, je ne crois pas que nos devoirs le soient. Je ne crois pas qu’en face d’un traité nous devions exercer notre pouvoir avec la même latitude.
Je crois qu’il est de notre devoir de nous imposer beaucoup plus de réserve.
En effet, le rejet d’un projet de loi ordinaire ne compromet rien à l’extérieur, c’est tout au plus une rupture avec le ministère, et il y a, vous le savez, des ministères avec lesquels on ne court pas même ce danger-là ; mais le rejet d’un traité signé par des souverains étrangers, signé par les souverains de 19 ou 20 Etats, peut avoir des conséquences tout autres. Il peut en avoir qu’il ne dépendrait pas de nous de réparer, comme nous le pouvons à l’intérieur.
Un traité peut être blâmable, et cependant une fois qu’il a été signé par les gouvernements, peut être nécessaire. Pourquoi ? Parce que le rejet pourrait entraîner des conséquences plus graves que l’adoption elle-même.
C’est ainsi qu’en juge le parlement anglais. Le parlement anglais, si je ne me trompe pas, ne porte jamais d’obstacle à l’exécution, d’un traité ; mais en toute circonstance, il se réserve entière la faculté d’examiner les actes du ministère, de reconnaître si le gouvernement, dans les négociations, a bien ou mal agi, s’il a bien mérité ou non du pays.
Je crois, messieurs, que, dans l’exercice du pouvoir spécial que la constitution nous défère ici, il doit y avoir quelque chose de semblable ; je crois que le rejet d’un traité déjà conclu et signé par le souverain avec lequel nous traitons, et par notre propre souverain, est une mesure extraordinaire, et que, dans tous les cas, nous ne devons y recourir que lorsque le rejet ne peut avoir des conséquences plus fâcheuses pour le pays que l’adoption elle-même : la doctrine contraire émise par M. le ministre de l'intérieur est une de ces doctrines que nous voyons depuis quelque temps trop souvent professées sur les bancs du ministère, qui sacrifient l’intérêt du pays, l’intérêt gouvernemental à l’intérêt ministériel. Le véritable intérêt du gouvernement dans ses relations avec les puissances étrangères, c’est que les chambres usent avec beaucoup de réserve du droit de rejet ; mais, d’un autre côté, c’est le droit inaliénable, le droit précieux des chambres, de contrôler sévèrement les négociations.
Dans la circonstance actuelle, nous ne pouvons dire quelles seraient les conséquences du rejet du traité ; peut-être ramènerions-nous la situation du mois d’août dernier, situation assurément très-grave, peut-être compromettrions-nous pour longtemps, et dès les premiers pas, nos relations avec une grande partie de l’Europe.
La Belgique est jeune ; elle est entrée depuis peu dans la famille des Etats européens ; il y a contre elle encore malheureusement plus d’une prévention. Il y a donc mille motifs pour nous de porter une grande réserve dans toutes nos négociations ; nous ne pouvons pas même faire aujourd’hui ce que nous pourrions faire plus tard, car plus tard nous ne serons plus nouveaux-venus, comme nous le sommes aujourd’hui ; plus tard notre réputation de nation sera faire au-dehors ; aujourd’hui nous avons à la faire, à la mettre sur un pied respectable.
Pour ma part, je regarde comme un fait heureux, que nous soyons entrés en relation avec la Prusse et le Zollverein ; je regarderai toujours comme un fait heureux que la Belgique donne la main à tous ses voisins, qu’elle ne soit isolée d’aucun d’eux.
Ce n’est pas à dire que j’adopte cette politique incohérente qui s’en va, et parfois par les mêmes organes, crier tantôt dans la capitale française : Réunion douanière avec la France, et quelques mois plus tard s’en va crier sur les bords du Rhin : Politique germanique. La politique de la Belgique doit être plus digne, plus loyale et en même temps plus conséquente avec elle-même. Si je ne pense pas, et mon opinion est assez connue à cet égard, que la politique belge doive être une politique de vassalité envers la France, je ne pense pas non plus qu’elle doive être une politique allemande. Elle doit être exempte d’engouements exclusifs, comme d’arrière-pensée ; l’amitié de l’Est ne doit avoir, sous aucun rapport, un caractère d’hostilité contre le Sud.
Il existe chez nos voisins du Sud des idées que nous devons combattre ; mais il existe aussi des susceptibilités que nous devons ménager. Que notre politique soit franche, prudente qu’elle ne soit point provocatrice. Conservons notre véritable position, restons en bonne, sincère et surtout loyale intelligence avec tous nos voisins ; ne les courtisons pas avec un excès d’humilité l’un après l’autre, ne nous mettons pas aux pieds de l’un, pour nous jeter, s’il nous repousse, aux pieds de l’autre ; restons modestes, mais dignes et bienveillants envers tous, et surtout soyons pour tous loyaux et sans astuce. Il n’y a en politique de résultats durables et féconds que ceux qui reposent sur la franchise et la loyauté. Cela est vrai pour la politique intérieure, nous en faisons la triste expérience depuis quelques années ; cela est vrai aussi à l’extérieur. Les bons et solides rapports diplomatiques, sont des rapports sincères et loyaux.
C’est un mal peut-être de devoir, en matière de traité, se résigner à ce qui est fait, lorsque nous ne l’approuvons pas ; mais ce serait un mal plus grave de vouloir nous mettre à la place des négociateurs. Le moyen d’éviter le premier, c’est de ne soutenir au pouvoir que des hommes capables de défendre avec dignité et avec fermeté nos intérêts à l’extérieur comme à l’intérieur ; c’est de ne soutenir au pouvoir que des hommes qui aient notre confiance.
Si nous en soutenons, si nous en tolérons d’autres, c’est nous qui sommes coupables. Faisons comme le parlement anglais ; ne donnons notre appui qu’à des hommes investis de la confiance de la chambre. En présence d’un traité, ménageons nos relations avec l’extérieur ; mais examinons avec soin la conduite de notre gouvernement ; faisons-lui rendre un compte exact des négociations ; exerçons un contrôle sévère, et si des fautes ont été commises, qu’il en porte la peine morale ; que le contrôle du passé nous garantisse l’avenir. Je crois que ce sont là les principes qui doivent nous guider en matière d’adoption ou de rejet de traités. Je passerai très-rapidement en revue les dispositions douanières du traité.
A mon avis, le traité n’est pas dans ses dispositions ce qu’il pouvait être, parce que le ministère n’était pas en position de négocier avec dignité et fermeté. Le ministère, selon moi, a dû accepter ce qu’on a bien voulu lui donner ; il a dû concéder ce qu’on demandait.
La Prusse désirait depuis longtemps un traité de navigation ; c’était pour elle un très-grand avantage. La Belgique se refusait à traiter isolément sur la négociation ; elle comprenait que l’avantage que la Prusse devait retirer d’un traité de navigation, devait être compensé par des concessions commerciales. Aussi, le gouvernement belge a-t-il voulu réunir les deux matières, rattacher le traité de navigation à un traité de commerce. Pourquoi ? Parce que, je le répète, il fallait que ce traité renfermât en faveur de la Belgique des avantages commerciaux, en retour des avantages de navigation dont devait profiter la Prusse et auxquels elle devait attacher le plus haut prix. Il était donc une très-grande force pour le ministère négociateur ; là, outre les avantages commerciaux, directs, que la navigation de la Prusse allait retirer du traité, on allait donner à cette puissance une arme et contre la Hollande, et contre Hambourg ; une arme pour les négociations avec la Hollande, une arme pour amener l’accession de Hambourg au Zollverein.
La loi des droits différentiels était encore venu augmenter la force du ministère pour mener à bonne fin les négociations. Enfin, la Prusse demandait une chose extraordinaire ; elle demandait l’assimilation des ports qui ne sont pas prussiens à des ports prussiens ; c’est une concession à laquelle elle tenait beaucoup, et qui devait exercer une grande influence, en notre faveur, sur la négociation.
Je viens de parler de l’accession de Hambourg au Zollverein. M. le ministre de l'intérieur nous a exposé son opinion à cet égard ; il nous a dit que ce serait un malheur pour la Belgique ; si cette opinion est vraie, c’est une raison de plus pour exiger d’importantes compensations, puisque nous (page 438) donnions, en quelque sorte, une arme contre nous. Il est vrai que le gouvernement soutient aujourd’hui que cette accession est fort éloignée, qu’elle est peu à craindre. Vous vous rappellerez que son langage était tout opposé, il y a quelques mois, et que, lors de la discussion de la loi des droits différentiels, un des principaux arguments qu’on nous a fait valoir, c’était l’accession de Hambourg au Zollverein, que nous avions à redouter.
« Si Hambourg accède, nous a dit, M. le ministre de l'intérieur, il faudra, j’en conviens, des changements au traité. » Dès lors, ne fallait-il pas prévoir que Hambourg pourrait accéder avant six ans ? Ne fallait-il pas tout au mois, dans l’opinion de M. le ministre de l'intérieur que cette accession nous sera fatale, faire une réserve dans le traité, pour le cas où Hambourg accéderait ?
Nous avions donc une arme puissance dans le désir qu’avait la Prusse de posséder un traité de navigation ; qu’avons-nous obtenu ? Les concessions peuvent se réduire, en réalité, à trois ; car je ne parlerai ni des fromages, ni des moutons ; mais les concessions ayant quelqu’importance, de l’aveu de tous, se réduisent à trois, savoir : le transit, la sortie des laines et le droit différentiel sur l’entrée des fers.
Ces trois points ont tous été accordés avec compensation. Pour chacun nous avons donné des compensations. De plus, chacun de ces trois points était pour ainsi dire concédé à l’avance par la Prusse ; de sorte que, quand la négociation a été reprise au moins d’août dernier, on n’a rien obtenu ; on a pris ce que la Prusse voulait donner.
Pour le transit nous n’obtenons pas même la réciprocité. Remarquez-le bien, le transit, si je ne me trompe pas (et l’erreur serait permise en l’absence de renseignements de la part du gouvernement), si je ne me trompe, nous possédions la partie la plus importante du transit ; car nous transportions les marchandises par le chemin de fer jusqu’au Rhin, précisément avec le même droit de transit que le traité nous accorde, et, une fois arrivé au Rhin, je ne crois pas qu’il existe autre chose à payer que l’octroi du Rhin, que nous payerons après le traité comme auparavant. Ainsi, quant au transit, nous étions déjà en possession de la partie principale de ce que nous obtenons aujourd’hui ; nous avions le transit par le chambre et par le Rhin aux même conditions que par le traité. Nous accordons, de notre côté, à la Prusse une faveur spéciale sur le transit des draps et des casimirs, et nous-mêmes nous supportons une charge spéciale sur le transit des draps et casimirs, c’est-à-dire que non-seulement il n’y a pas réciprocité, mais que là où nous donnons un avantage, nous supportons un désavantage.
Dès 1841, la Prusse allait plus loin qu’elle n’a été dans le traité ; car c’est une remarque que vous pouvez faire, que les négociations ont été en se rétrécissant pour la Belgique, qu’avant la rupture on était, à plusieurs égards, plus avancés qu’au moment de la conclusion du traité, que sur plusieurs points on était disposé à nous concéder davantage.
En 1841, la Prusse paraissait disposée à faire plus pour nous sur le transit qu’elle n’a fait par le traité. La preuve se trouve dans l’un des deux documents auxquels on nous a renvoyés.
En 1841, messieurs, la Belgique a présenté des bases générales de négociations, elle y demandait, entre autres concessions, l’abolition absolue ou presque absolue des droits de transit pour les marchandises traversant le territoire de l’association allemande ou celui de la Belgique, venant ou allant vers l’un des deux pays. Et que répondait la Prusse ? Voici la réponse telle qu’elle est rapportée dans son memorandum : « La manière dont le cabinet de Berlin se prononçait sur ces propositions, dans une note du 7 novembre 1841, ne pouvait laisser de doutes au gouvernement belge qu’on ne fût en général disposé à accéder aux bases proposées, quoique, par rapport au second point (le transit), on fût obligé de faire observer qu’il ne serait pas possible d’étendre les concessions, qui seraient peut-être accordées au transit par le territoire du Zollverein entre le Rhin et la frontière belge, indistinctement à toutes les marchandises qui, en venant de la Belgique ou en y allant, passeraient par le territoire de l’union en d’autres directions. »
Ainsi, à cette époque, on ne faisait d’exceptions que pour certaines marchandises dans certaines directions, mais il n’était pas question de faire des zones de transit pour toutes les marchandises. On était disposé à accorder l’abolition absolue ou presque absolue dans toutes les directions, excepté sur certaines marchandises.
Vous voyez donc, messieurs, que les négociations, dès ce moment, devaient porter principalement sur ces exceptions que l’on voulait faire pour certaines marchandises très-importantes, car il s’agit de nos tissus. Sur ces exceptions, rien n’a été obtenu, et pour le transit en général lui-même, nous avons obtenu moins que ce qu’on voulait nous accorder en 1841, puisque le transit est séparé en différentes zones.
Pour la sortie des laines on a obtenu la réduction de moitié des droits de sortie.
Nous avons importé en 1843, 1 millions ½ de kil. de laines d’Allemagne ; nous obtenons une réduction de 8 centimes par kilog., l’importance de cette concession est de 120,000 fr., et remarquez que nous consommons pour 15 ou 16 millions de francs de laines étrangères. Vous voyez donc que cette concession est faible. Elle aura même moins d’importance encore plus tard, attendu que la consommation des laines allemandes diminue en Belgique. Ce qu’on a obtenu, à cet égard, par les négociations récentes, la Prusse nous l’avait déjà offert, elle nous l’offrait depuis le mois d’octobre 1843, et en voici la preuve ; voici comment s’exprime le memorandum prussien, en faisant allusion à cette époque :
« On se décida à offrir au gouvernement belge une réduction de 50 p.c. du droit de sortie sur les laines. »
Ainsi donc, avant les dernières négociations, la Prusse nous a encore offert la réduction de moitié du droit de sortie sur les laines ; ici encore la négociation devait principalement tendre à augmenter cette réduction ou à obtenir la suppression totale du droit ; car cette suppression totale, je suis encore porté à croire qu’on pouvait l’obtenir au moyen de la concession que nous avions accordée pour le transit des draps et casimirs. Cette opinion, je la puise encore dans le memorandum. Voici, en effet, ce que j’y lis ; ces paroles se rapportent à l’année 1842 :
« Une réduction du droit de sortie sur la laine avait déjà entraîné pour le Zollverein de notables sacrifices, tant financiers qu’industriels, à plus forte raison l’abolition de ce droit n’eût point été à justifier, surtout à l’égard d’un Etat qui, des son côté, perçoit, en faveur de ses fabriques, un droit exceptionnel sur le transit des draps et des casimirs. »
Messieurs, je crois que, pour quiconque apprécie les habitudes du langage diplomatique, cela veut dire presque clairement qu’on était peu éloigné, moyennant la concession sur les draps et casimirs, à accorder l’abolition complète du droit de sortie sur les laines.
Ainsi, messieurs, je crois qu’on pouvait obtenir pour les laines plus que ce qu’on a obtenu, et que ce qu’on a obtenu, la Prusse nous l’avait offert antérieurement aux dernières négociations. Un membre du cabinet est venu nous dire, il y a quelque jours, que la veille du traité les concessions qu’on a obtenues paraissaient des rêves à quelques industriels ; il faut que M. le ministre ait eu affaire à des industriels qui n’étaient point au fait des négociations. Il est possible qu’à ces industriels cela ait paru des rêves. Mais ce qui est vrai, c’est qu’à la simple lecture des deux seules pièces qui vous ont été communiquées avant la discussion, on voit que ces rêves étaient extrêmement faciles à réaliser, attendu que ce qu’on a obtenu, nous avait été offert à l’avance.
Pour apprécier, d’ailleurs, à sa juste valeur la concession sur les laines, il faut faire cette observation, que l’Allemagne a intérêt à favoriser l’exportation de ses laines, non-seulement parce que la production augmente chez elle, mais encore parce qu’elle a une grande concurrence à soutenir à l’extérieur, et qu’il est très-probable qu’elle en sera réduite, dans son propre intérêt, à abolir le droit de sortie sur les laines. Ce qui le prouve, c’est qu’en Belgique, par exemple, la consommation des laines étrangères diminue.
En 1839, nous avons importé des laines étrangères pour 10 millions de francs, et sur cette somme 7 millions de laine allemande.
En 1843, nous avons importé 50 p.c. de plus, 15 millions de fr. de laine étrangère, dont seulement 6 millions de laine importée d’Allemagne.
Evidemment, l’Allemagne, si elle veut soutenir la concurrence contre les laines étrangères, sera réduite, dans son propre intérêt, à abolir le droit de sortie sur les laines. Ainsi, dans quelques temps, les circonstances nous auraient procuré peut-être une concession plus grande ou plus forte que celle qui nous a été faite.
Je passe aux fers.
Pour les fers, je dis encore que l’on n’a rien obtenu qui, à l’avance, ne fût offert ; car, depuis 1841, la Prusse n’a cessé de dire que du moment où le Zollverein augmenterait le droit général sur les fers, il n’y aurait pas de difficulté à accorder un droit différentiel à ceux de Belgique. Elle a dit cela en 1841, en 1842, en 1843.
En 1841, voici le langage de la Prusse :
« Dans de telles circonstances, les gouvernements de l’union n’auraient pu aborder la question de la possibilité de favoriser les fers belges qu’autant qu’ils se seraient décidés à augmenter les droits d’entrée sur les fers en général, et qu’en revanche d’une faveur si considérable, ils auraient pu compter, de la part de la Belgique, sur des compensations également considérables au profit de l’une ou de l’autre branche d’industrie du Zollverein. »
Ainsi vous voyez que, dès 1841, du moment où l’hypothèse d’une augmentation de droit général sur les fers se serait réalisée, dès ce moment on offrait en quelque sorte à la Belgique une réduction en sa faveur du droit d’entrée sur les fers.
En octobre 1843, on tenait le même langage :
« Il a déjà été donné à entendre plus haut, dit le memorandum, que l’union ne se trouverait pas dans la possibilité d’accorder quelques avantages aux fers belges que tout au plus si elle augmentait les droits d’entrée sur les fers en général. »
Et enfin, à la fin du memorandum, c’est-à-dire au moment de la rupture, on fait pour ainsi dire encore la même offre ; car le memorandum finit par dire que « la question de l’imposition future des fers à l’entrée du Zollverein, avait été résolue d’une manière qui lui aurait permis d’accorder quelques avantages aux fers belges. »
Ainsi les négociations ne pouvaient porter que sur le quantum de la réduction. Mais quant à la réduction, elle était certaine ; nous pouvions l’obtenir. Quand on a dit sur ce point que les concessions obtenues paraissent des rêves la veille, on a méconnu complètement l’état des négociations antérieures ; car les négociations prouvent qu’il était facile de les obtenir.
Remarquez que, dans les extraits que je viens de lire, on ne parlait pas de l’exception de fers ouvrés, que les termes étaient très-généraux. D’après la publication qui a eu lieu de certaines parties de la correspondance de diplomates étrangers, il est fort à croire que la Prusse était autorisée par le Zollverein à aller beaucoup plus loin qu’elle n’a été dans le traité.
Ce que nous avons obtenu, c’est un privilège relativement aux autres nations ; mais ce privilège ne nous est garanti ni en fait ni en droit. En fait, il ne l’est pas, parce qu’il peut être annulé par la baisse du prix des fers anglais. En droit, il ne l’est pas, parce que si le Zollverein faisait un traité de (page 439) commerce avec l’Angleterre, par exemple, si le Zollverein abaissait dans le traité le droit nouveau au niveau du droit ancien, nous ne jouirions plus de la faveur qu’on nous accorde ; le traité dit expressément que nous nous entendrions pour recevoir en échange d’autres compensations.
De sorte que ni en fait, ni en droit, la protection du droit différentiel ne nous est garantie.
On vous a fait voir combien ce privilège perdrait de son importance (je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été cités à ce sujet) si nos fers étaient exclus de l’entrée par le Rhin.
Le bruit se répand aujourd’hui que le gouvernement prussien consent à cette interprétation. Nous en saurons sans doute quelque chose tout à l’heure.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il n’y a pas de réponse.
M. Devaux – C’est-à-dire qu’il y aura des négociations nouvelles. On obtiendra peut-être la concession ; cela est fort possible ; mais il s’agit de savoir à quel prix on l’obtiendra.
Au commencement de la discussion, j’ai interrompu M. le ministre de l'intérieur, qui disait que l’on avait obtenu tout ce que l’on avait demandé. J’ai parlé de fils de lin, vous avez entendu que les fils de lin avaient tellement été abandonnés dans la négociation, que M. le ministre de l'intérieur ne se rappelait même pas qu’il en eût jamais été question.
Je crois, messieurs, que nos négociations devaient avoir pour but d’obtenir :
1° Le transit libre par toutes les voies (et que les négociations devaient surtout porter sur les exceptions concernant nos tissus).
2° L’abolition complète du droit de sortie sur les laines ;
3° L ’abolition complète du nouveau droit d’entrée, au moins sur quelques classes de fer, et une abolition partielle sur les autres.
Enfin réductions de droit d’entrée sur des articles importants de notre importation en Allemagne, ou le statu quo de ces droits pour d’autres, je citerai nos fils de lin, de coton, nos machines, draps, toiles, bestiaux, cuirs, etc.
Dans les négociations commerciales qu’on ouvre avec les Etats voisins, il faut non-seulement s’attacher à stipuler des réductions de droit, mais le maintien du statu quo, pour tous les articles sur lesquels on a à craindre des élévations de droit. C’est ce que la Prusse a fait dans le traité en ce qui concerne les vins, les soieries et les produits du Luxembourg, qu’on importe dans le pays, d’après la loi de 1839, pour les outils de fer et d’acier, les cotons, etc.
Vous savez ce que nous avons accordé à la Prusse en retour de ces concessions : d’abord le traité de navigation auquel elle attachait un si haut prix, la liberté de transit, étendue du chemin de fer à toutes les voies, pour les draps et les casimirs, la facilité de transit pour les ardoises, une réduction de droit nouveau tout entier sur les tissus de coton, une réduction sur la mercerie de Nuremberg, les modes ; une facilité nouvelle pour le tan ; le statu quo garanti pour les instruments de fer et d’acier ; pour la faveur exceptionnelle dont jouissent les fils de Westphalie ; pour les produits du Luxembourg favorisés par la loi de 1839 ; pour les eaux minérales ; le remboursement du péage sur l’Escaut garanti dorénavant. De plus, nous nous sommes engagés à aider la Prusse à réprimer la fraude. J’oubliais les vins et les soieries de l’Allemagne, auxquels nous garantissons la réduction du droit que les arrêtés avaient établi provisoirement (du moins d’après le texte), réduction que nous avions concédée à la France en retour de la convention du 16 juillet.
On l’a déjà dit : nous avons fait une grande faute d’accorder cette réduction, non pas tant que durera la convention avec la France, mais d’une manière absolue.
Qu’en résulte-t-il ? Que, pour la maintien de la convention du 16 juillet, nous avons affaibli notre position envers la France. Que la France nous menace de retirer la convention du 16 juillet, nous lui répondrons : Nous retirerons l’avantage fait à vos vins, à vos soieries. Mais la France ne soutiendra-t-elle pas aujourd’hui que vous n’avez pas le droit de le retirer, puisque vous l’avez accordé à l’Allemagne ? Elle sait quel moyen la Prusse a employé pour l’obtenir ; les mêmes moyens sont à sa disposition. La Prusse a mis une surtaxe sur nos fontes. La France peut nous menacer de la même mesure. Et puisque nous avons accordé à la Prusse pour la levée de cette surtaxe, une réduction de droits sur les vins et les soieries, la France ne prétendra-t-elle pas y mettre le même prix ?
En résumé, depuis longtemps la politique de la Belgique envers la Prusse avait consisté à exiger que le traité de navigation fût joint au traité de commerce.
Quel était le but sérieux de cette politique ? C’était que les avantages considérables qui devaient revenir à la Prusse d’un traité de navigation valussent à la Belgique des avantages commerciaux. Ces avantages commerciaux, qui devaient être la compensation du traité de navigation, on les a perdus de vue. Il est de fait que toutes les concessions qu’on nous fait trouvent leur compensation dans les mesures douanières du traité même. Pour le transit, nous avons accordé plus que nous n’avons reçu. Pour la réduction de droits à la sortie des laines et la réduction de droits sur les fers, nous avons fait des concessions douanières qui équivalent à ce qu’on nous accorde, c’est-à-dire que le traité de navigation est resté sans influence dans la détermination des concessions commerciales qui ont été stipulées en notre faveur ; et qu’ainsi le fruit de la politique qu’on avait suivie depuis plusieurs années, en se refusant à isoler le traité de navigation, a été perdu.
Messieurs, ce qui est arrivé devait arriver, dans la position où l’on a négocié ; on a dû accepter le traité tel que la Prusse l’a voulu, je dirai presque tel qu’elle l’a dicté. Pourquoi ? Parce que le négociateur prussien était réellement maître du terrain. Le négociateur prussien savait qu’il fallait à tout prix et à bref délai un traité au ministère pour se soutenir ; il savait qu’il était littéralement maître de la négociation et qu’il pouvait mettre au traité à peu près les conditions qu’il voulait. Notre situation intérieure a pesé de tout son poids sur les relations extérieures ; la position du ministère a pesé de tout son poids sur la négociation de nos intérêts internationaux. Les gouvernements étrangers ont le secret des misères de notre politique intérieure ; elles sont si éclatantes, que quiconque en Europe traite avec nous les connaît.
Ainsi, il y a quelques mois, on a vu que le gouvernement avait de très grands projets contre la navigation hollandaise, il les avait consignés dans un projet de loi sans le moindre ménagement ; et on avait vu ce gouvernement ne pas oser aller jusqu’au vote. Pourquoi ? Parce qu’on avait parlé de la crainte qu’inspiraient à la province de Liége les représailles que pourrait prendre la Hollande. On s’était légèrement avancé, et on a reculé peu après. Les gouvernements étrangers savent par quels moyens il faut agir aujourd’hui sur le gouvernement belge. Le gouvernement prussien savait que, par une surtaxe sur nos fers, il amènerait le ministère belge à accepter, pour se sauver d’un nouvel embarras, à peu près toutes les conditions qu’il lui dicterait. Voilà où l’on arrive avec une politique sans dignité. L’exemple de la Prusse ne sera pas perdu pour les autres gouvernements. Il ne serait pas étonnant que la France, tant que le ministère actuel vivra, crût pouvoir arriver au même résultat par les mêmes moyens. Nous sommes, pour ainsi dire, à la merci des gouvernements étrangers.
Je le répète, il fallait au ministère un traité, il le lui fallait avant l’ouverture de la session, dans l’intérêt de sa position personnelle, et le gouvernement prussien connaissait assez bien le ministère belge pour savoir qu’il ne se sacrifierait pas, et que, pour vivre, il se montrerait facile sur les conditions.
Il était déraisonnable, alors qu’on avait maintenu si longtemps l’arrêté sur les vins et les soieries, de le retirer au moment où l’on allait obtenir tout ce qu’on a obtenu depuis. On voulait une concession sur les fers et on retire l’arrêté, on rompt avec la Prusse au moment où allait se réaliser la concession qu’on a obtenue, car le Zollverein avait dit depuis longtemps que, du moment où on augmenterait le droit sur les fers en général, il n’y aurait pas de difficulté à accorder une réduction sur les fers belges en particulier. Et on rompt avec lui au moment où il se décide à augmenter le droit général sur les fers. Je ne sais s’il y a eu exacte simultanéité, peut-être y a-t-il eu quelques jours d’intervalle, ; mais la diplomatie était certainement bien instruite, quelques semaines à l’avance, de ce qui allait se passer. Ainsi on brisait avec le Zollverein, précisément lorsque, d’après son propre dire, il allait nous accorder cette faveur sur les fers, qui est le principal objet du traité pour nous.
Messieurs, on a déjà assez caractérisé certains actes qui se rattachent au traité. Je dirai, comme un honorable orateur l’a dit dans la séance d’hier, que l’accusation écrite dans le memorandum de la Prusse et dirigée contre le ministère belge, accusation si grave à laquelle on a eu le malheur de répondre par une si indigne phrase qui parait dire que les conventions verbales ne sont rien pour notre gouvernement, je dirai que cette accusation a acquis un grand degré de vraisemblance, d’après ce qui s’est passé dans une des dernières séances de la chambre ; car, remarquez-le, le gouvernement prussien reproche au ministère de s’être mis vis-à-vis de lui exactement dans la même position où le ministère s’est placé récemment vis-à-vis de la chambre pour l’affaire du Rhin.
Le ministère m’avait donné la certitude de la prolongation de l’arrêté sur les vins et soieries ; il y avait engagement, dit le gouvernement prussien. Que répond le ministère ? Qu’il n’avait donné qu’un espoir. C’est ce qui arrive pour l’affaire du Rhin. Le ministère avait donné une certitude à la chambre, il avait fait insérer la déclaration au procès-verbal. Aujourd’hui cette certitude n’est plus qu’une espérance, hypothéquée, il est vrai, sur l’existence d’un ou plus membres du cabinet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est dire ce qui s’est passé dans le comité secret.
M. Devaux – Je ne parlerai pas de tout ce qui s’est passé dans le comité secret à propos de la motion de l’honorable M. Delfosse ; mais je n’ai pas renoncé au droit de caractériser un de vos actes, votre déclaration insérée sur votre demande spontanée au procès-verbal, cette déclaration fausse, que vous avez reconnue fausse dans le comité secret, et qui a montré combien le ministère était sincère dans ses rapports avec la chambre.
J’ai dit, en commençant, qu’il restait une partie importante des négociations à examiner, partie qui est restée jusqu’ici étrangère aux débats. Il me paraît même que les faits dont il s’agit sont restés ignorés d’une grande partie de la chambre, grâce à l’espèce d’obscurité dont ils sont restés entourés. Il est indispensable que nous ayons à cet égard des explications.
« Quand le ministère belge prit des mesures de représailles envers le gouvernement prussien, on y a applaudi, a dit le ministre ; on a dû convenir, a-t-il ajouté, que le gouvernement a eu un jour de fermeté. » Il faut que nous sachions, messieurs, quel a été le lendemain.
Quant à moi, en cette circonstance, comme en d’autres semblables, je n’ai pas applaudi à la fermeté de M. le ministre de l'intérieur, précisément parce que j’avais le pressentiment de ce lendemain. Messieurs, veuillez vous rappeler les faits. La Prusse a frappé vos fers, au mois de juillet dernier, d’une surtaxe, surtaxe qui ne frappait les fers d’aucun autre peuple.
Le gouvernement belge a fièrement répondu. Il a pris un arrêté déclarant que des droits extraordinaires de pilotage et de tonnage seraient perçus (page 440) sur les navires prussiens, et que de plus le remboursement du péage sur l’Escaut n’aurait plus lieu pour ces mêmes navires.
Je vous demanderai maintenant, messieurs (car les faits dont je veux parler ne sont ni des allégations vagues, ni des ouï-dire, ce sont des faits qui reposent sur des documents officiels et auxquels je désire que le gouvernement puisse donner une explication honorable) ; je vous demanderai de porter les yeux avec moi sur l’article final du traité, l’art. 30, 2e § voici ce que j’y lis :
« Le gouvernement belge s’engage à user des pouvoirs qu’il possède dès à présent pour mettre à exécution, dans les dix jours de la signature du traité, les dispositions des articles 1er, 3e et 22e. »
Remarquez d’abord la forme insolite et tout à fait extraordinaire de cette disposition. Voici un traité dont un des articles doit être exécuté non pas après la ratification, mais avant la ratification ; dix jours après la signature, non pas dix jours après la ratification. On insère dans un traité destiné à être ratifié par le Roi de Prusse et par le Roi des Belges un article qui sera exécuté avant la ratification du Roi de Prusse et du Roi des Belges et qui l’a été plus d’un mois avant cette ratification.
Mais qu’est-ce que ces articles qu’on doit exécuter avant la ratification du traité ? C’est ici que j’appelle toute votre attention. Qu’est-ce que l’art. 1er, l’art. 3, l’art. 22 ?
L’art. 1er accorde égalité de droits de pilotage et de tonnage aux vaisseaux prussiens avec les vaisseaux belges. L’art. 3 accorde la garantie du remboursement du péage sur l’Escaut. L’article 22 donne à la Prusse la diminution du droit sur les vins et les soieries ; en d’autres termes, messieurs, nous nous sommes engagés par le traité à retirer nos représailles avant que le Roi de Prusse appose sa signature. Nous n’avons obtenu le traité qu’en demandant pardon au roi de Prusse, qu’en faisant réparation. Remarquez-le bien ; il y avait eu des actes posés des deux côtés ; comment la négociation pouvait-elle finir dignement pour les deux parties ? D’une manière très-simple ; elle pouvait finir soit par une disposition du traité même, soit par une convention séparée, par laquelle la Prusse s’engageait à retirer la surtaxe sur les fers, et nous la surtaxe sur le pilotage, et à rétablir le remboursement du péage sur l’Escaut. Mais qu’avons-nous fait ? La Prusse ne s’engage à rien. Nous, avant la ratification du traité, pour obtenir la ratification du roi de Prusse, nous sommes obligés de retirer nos représailles ; nous sommes obligés de nous mettre dans la position la plus humiliante.
Voilà deux adversaires qui en viennent aux voies de fait l’un contre l’autre ; et l’un des deux, celui qui a répondu à l’autre, retire solennellement, par sa signature, l’offense qu’il a commise, et l’autre la maintient. Il dit : Signez cette humiliation ; exécutez-vous, et je verrai dans ma générosité ce qui me restera à faire.
N’est-ce pas là, messieurs, une atteinte profonde à l’honneur national ? Je ne sais si le gouvernement a des explications à nous donner à cet égard ; dans ce cas, qu’il nous les fasse connaître. Mais je n’en ai trouvé nulle part.
Le fait, messieurs, est déplorable et des plus graves. Comment est-il possible que nous ayons pu nous engager par écrit, dans un traité solennel, à retirer nos représailles, alors que la Prusse ne prenait aucun engagement ? Conçoit-on un acte plus humiliant ?
En vérité, messieurs, un ministre belge devrait mieux aimer se laisser couper la main, que d’écrire et de signer une pareille disposition ; au moins nous n’avons pas à la ratifier, car elle a reçu son exécution avant que le traité ait été portée à notre connaissance.
Messieurs, vous concevrez que j’avais quelques raisons d’insister pour avoir la parole, afin de provoquer des éclaircissements sur un pareil fait. Car, bien qu’il soit resté enveloppé dans l’obscurité de la rédaction de l’article 30, il ne pouvait manquer de se faire jour. Il était important, il était indispensable que nous eussions des explications. Il faut savoir si réellement on s’est mis à genoux devant la Prusse. En agissant ainsi, messieurs, ce ne serait pas le ministère seul qui serait humilié, mais avec lui la Belgique, l’honneur de notre jeune nationalité qui débute dans le monde.
Il faut que nous ayons des explications catégoriques sur ce fait. Il n’est pas un membre de cette enceinte qui ne soit ému, qui ne soit indigné à l’idée que nous ayons pu nous engager à retirer des représailles, alors que notre adversaire ne s’engageait à rien.
Messieurs, c’est surtout sur ce point que j’attends des explications. Quant aux autres points de la négociation, j’ai fait suffisamment connaître en quoi je les blâme.
J’adopte donc le traité ; mais il n’en résulte pas que je sois favorable à tout ce qui s’est fait dans les négociations ; je crois que j’ai le droit, qu’il est même de mon devoir d’agir comme je le fais, d’adopter le traité, mais de censurer ce qui m’a paru blâmable dans la conduite du gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, l’honorable préopinant me permettra de lui exprimer à la fois mes remercîments et mes regrets ; mes remercîments, de ce qu’il a placé la discussion sur un terrain que j’accepte avec plaisir ; mes regrets, de ce qu’il se soit trouvé dans la nécessité de prendre la parole si tardivement.
Avant d’aborder le fond même de la discussion, tel qu’il vous l’a présenté aujourd’hui, je dois m’empresser d’éclaircir le fait qu’il vous a signalé avant de terminer ses observations.
Le traité était signé, ou sur le point de l’être, lorsque l’un des négociateurs belge a fait remarquer que la surtaxe sur les fers et les fontes devait cesser le plus tôt possible. Aucune observation n’a été faite, mais il a été entendu que le rescrit du cabinet de Berlin du 21 juin venant à tomber, il fallait en même temps que l’arrêté royal belge du 28 juillet vînt à tomber.
Une seule objection peut nous être faite et la voici : Pourquoi n’a-t-il pas été inséré formellement dans le traité que le rescrit du cabinet de Berlin, du 21 juin, viendrait également à tomber ? La réponse est très-simple : nous avons été obligés d’insérer dans le traité que le statu quo serait rétabli pour la navigation, pour le remboursement du péage de l’Escaut, pour les vins et soieries, parce qu’il était question de ces objets dans le traité. Il n’était nullement question dans le traité de la surtaxe sur les fontes et les fers, résultant du rescrit du 21 juin, du cabinet de Berlin ; il n’y avait donc rien à stipuler à cet égard, dans le traité. En effet, voici comment les choses se sont passées. (Interruption.) Malgré les distances, par une coïncidence qu’aujourd’hui j’appellerai heureuse, les choses se sont passées de cette manière. L’arrêté du 28 juillet a été rapporté par un arrêté royal qui porte la date du 7 septembre et l’ordre d’après lequel le rescrit du cabinet de Berlin devait tomber, cet ordre doit également être du 7 septembre ou à peu près. Dans tous les cas, il est constaté par une lettre que la surtaxe sur les fers est venue à cesser le 9 ; or, l’arrêté royal du 7 n’a dû être exécutoire que vers la même époque. Les actes de représailles ont donc de fait cessé le même jour des deux côtés.
Ainsi, je le répète, la seule objection qu’on puisse nous faire, est celle-ci : Pourquoi n’y a-t-il pas de trace dans le traité de l’engagement pris par le gouvernement prussien, de faire cesser la surtaxe sur les fontes et les fers ? C’est parce qu’il n’y avait pas lieu à mentionner ce fait.
Les mesures ont été prises, et il a eu de fait simultanéité dans le retrait des représailles. D’ailleurs, il est d’usage, quand on fait des traités de ce genre, d’éviter autant que possible d’y mentionner les faits qui perpétueraient la mémoire des représailles prises avant le traité.
M. Devaux – Vous voyez, messieurs, que l’explication de M. le ministre est tout à fait insuffisante. Il est évident qu’il y a eu engagement dans le traité, de la part du gouvernement belge, de retirer les représailles, et qu’un semblable engagement n’a pas été pris par le gouvernement prussien. Le gouvernement prussien ne s’est exécuté que huit jours après que le gouvernement belge se fût solennellement rétracté, eut solennellement donné réparation à la Prusse dans le traité. C’est là, à mon avis, l’humiliation la plus profonde qu’un pays puisse subir, et je fais le vœu que jamais plus le gouvernement n’ait recours à des représailles, si nous devons en sortir par une pareille voie. L’honneur national ne peut pas être, à mon avis, plus profondément blessé ; je doute qu’à moins d’une victoire complète sur une nation, il y ait des exemples d’une pareille humiliation.
Vous parlez de simultanéité ; mais le traité est du 1er septembre ; lorsque le gouvernement prussien a retiré, le 9 septembre, les mesures qu’il avait prises, vous aviez subi l’humiliation depuis huit jours, vous vous étiez mis à genoux. Qu’est-ce que le gouvernement pouvait exiger de plus ? Il était resté libre, lui ; il vous avait dit : Vous vous engagerez, moi je ne m’engagerai pas, je ferai ce que je jugerai convenable. M. le ministre parle d’engagement verbal ; il ne devrait plus parler dans cette enceinte d’engagement verbal ; mais s’il y avait eu engagement verbal, qu’est-ce que cela prouverait ? Cela prouverait que le gouvernement prussien, renouvelant le langage de son plénipotentiaire, vous aurait dit : « Ma parole est sacrée quand je la donne, je n’ai confiance dans la vôtre que quand elle est écrite. »
Vous prétendez qu’on ne pouvait pas stipuler dans le traité le retrait des mesures prises contre nos fers, parce que le traité ne parlait pas de ces mesures, tandis qu’il parlait de la navigation, du péage sur l’Escaut, des vins, des soieries ; mais je le demande, la langage diplomatique n’offrait-il donc aucun moyen d’insérer dans le traité une disposition qui ne fût blessante pour personne, alors qu’il s’agissait d’un fait qui lui-même n’eût été blessant pour personne : le retrait simultané des actes posés de part et d’autre. Ce qui est blessant, ce qui est accablant pour la Belgique, c’est d’avoir la première fois que sa diplomatie a eu recours à des représailles douanières, reculé honteusement à la face de l’Europe entière. Ce fait, il est impossible de l’excuser, il n’en est pas de plus blâmable !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je savais bien, messieurs, que l’honorable préopinant n’accepterait pas mes explications. Je vais les réitérer. En fait, il y a eu simultanéité de révocation des mesures de représailles…
M. Devaux – Les engagements n’ont pas été simultanés.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Les engagements ont été simultanés. Le nôtre a dû être écrit dans le traité, parce qu’il y était fait mention de ces objets. Il y a eu, en fait, révocation simultanée. Ce n’est pas tout : le jour où l’arrêté du 7 septembre a été inséré au Moniteur, on a inséré, à l’article Bruxelles, une explication portant que, par suite de cet arrêté, la surtaxe sur les fers et les fontes introduits par le rescrit du 21 juin, viendrait à tomber. Voilà ce qu’on a inséré au Moniteur.
Une voix – Huit jours après.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le 7 septembre, parce que le 7 septembre, nous savions, par le télégraphe, que le traité serait approuvé par le gouvernement prussien.
(page 441) Du reste, messieurs, si cette humiliation est si profonde, comment se fait-il que toute la Belgique n’ait pas tressailli lorsque le traité a paru ?
M. Devaux – On ne connaissait pas les faits.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Mais on a inséré au Moniteur l’arrêté du 7 septembre portant révocation de l’arrêté du 28 juillet, et on avait annoncé dans le même numéro du Moniteur que le rescrit du cabinet prussien tombait également.
M. Devaux – C’est précisément ce qui a trompé ; on ne savait pas qu’il y avait engagement préalable de votre part.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il y avait engagement préalable des deux parties.
On ne connaissait pas les faits. En vérité, messieurs, je ne conçois pas que l’honorable opinant insiste tant sur la découverte qu’il vient de faire assez inopinément : un affront a été fait au pays et c’est aujourd’hui qu’il le découvre ! (Interruption.) Ces interruptions me forcent à me répéter. Je vais de nouveau rétablir les faits.
D’abord l’honorable M. Devaux, il y a huit jours, a adressé une question au ministère, il a demandé quand la surtaxe sur les fers était venue à cesser. Il a été répondu qu’elle avait cessé le 9 septembre. Je pensais que l’honorable M. Devaux, en faisant cette interpellation au ministère, n’avait d’autre but que de savoir si réellement, comme l’avait annoncé le Moniteur en publiant l’arrêté du 7 septembre, si réellement il y avait eu révocation de la surtaxe. Eh bien, cette simultanéité a été réelle, les deux révocations ont eu lieu de fait en même temps, et, chose singulière, elles ont produit leur effet le même jour. Maintenant il reste une seule question de forme : c’est de savoir pourquoi l’on a mentionné à l’art. 30 le rétablissement du statu quo, en ce qui concernait la navigation, le remboursement du péage sur l’Escaut, les soieries et les vins, et pourquoi l’on a gardé le silence relativement à la surtaxe établie par le rescrit du cabinet de Berlin, du 21 juin. J’ai répondu qu’il n’était nullement nécessaire de parler dans le traité de la révocation du rescrit du 21 juin, parce qu’il n’y était fait nulle mention de ce rescrit. Pourquoi a-t-on révoqué l’arrêté du 28 juillet, dès le 7 septembre, avant toute ratification ? C’est que, dès le 7 septembre, nous savions qu’il y aurait ratification. Nous avions la réponse du cabinet de Berlin, une double réponse qui nous annonçait à la fois qu’il y aurait ratification et qu’il y aurait révocation du rescrit du 21 juin.
Je regarde, messieurs, ces explications comme extrêmement simples. D’ailleurs les faits sont là qui viennent les confirmer.
J’aborde maintenant la discussion au fond, telle qu’elle a été présentée par l’honorable préopinant. Il a supposé d’abord que j’avais énoncé la doctrine absolue, qu’il en était d’un traité comme d’une loi intérieure. Je n’ai pas énoncé cette doctrine. J’ai dit simplement que si le traité était si mauvais, on pouvait le rejeter. Je sais parfaitement bien qu’un traité n’est pas une loi ordinaire, que le rejet d’un traité peut avoir au dehors des conséquences que n’a pas le rejet d’une loi ordinaire. Je ne sais pas pourquoi l’honorable membre m’a attribué une doctrine aussi absolue.
Si, à mon tour, je voulais donner un caractère absolu à sa doctrine (et c’est ce que je ne ferai pas), je réduirais à rien la prérogative parlementaire ; je viendrais à soutenir qu’un traité, presque dans tous les cas, devrait être accepté par les chambres à cause des dangers extérieurs qu’un rejet pourrait entraîner, et que dès lors leur prérogative se bornerait à la mise en accusation du ministère. Eh bien, ce que l’honorable préopinant a fait à mon égard, je ne le ferai pas envers lui. Je crois qu’il y a quelque chose de vrai dans sa doctrine, mais il ne faut pas la pousser trop loin ; si vous la poussez trop loin, vous détruisez d’avance la prérogative parlementaire en ce qui concerne l’approbation des traités ; cette prérogative se réduirait dès lors à la mise en accusation des ministres.
Je sais, messieurs, que c’est la doctrine anglaise ; la doctrine anglaise est celle-ci : Aucun traité n’est directement soumis au parlement ; les traités lui sont communiqués et donnent ensuite lieu le plus souvent, à une motion d’ordre et à des explications de la part du ministère.
C’est ainsi que récemment le traité très-important qui a fixé les limites entre les Etats-Unis et le Canada, traité qu’on qualifie de traité Ashburton, du nom du négociateur, a été purement et simplement déposé sur le bureau ; il a donné ensuite lieu à une motion de blâme de lord Palmerston, motion qui n’a pas été adoptée et qui a été suivie d’une motion de remerciement.
En Angleterre, messieurs, on examine sévèrement la conduite des ministres ; mais ce qu’on y examine aussi, c’est le but qu’il ont voulu atteindre ; ce qu’on y examine, c’est la question de savoir si les actes internationaux que les ministres ont posé, sont réellement utiles au pays, et quand un député vient proclamer, comme vient de le faire l’honorable préopinant, que le résultat est un fait heureux, qu’il s’en félicite, ah ! messieurs, la discussion se présente alors sous un jour bien favorable aux ministres anglais ; là est le point culminant du débat. Le fait est-il heureux ? le résultat est-il national ? et quand on a répondu affirmativement à cette question qui domine toute la discussion, les ministres anglais n’ont pas à redouter un blâme de la part du parlement. Alors, messieurs, on ne se perd pas dans de petites questions de détails, alors on n’accueille pas avec avidité tout ce que la presse a pu hasarder au dehors, on ne se félicite pas avec joie des mérites qui peuvent avoir été relevées par la publication des pièces diplomatiques, on n’accepte pas un acte sans le mettre en rapport avec sa réponse ; on ne croit pas irrévocablement que c’est le gouvernement étranger qui a toujours raison, que c’est le gouvernement du pays qui n’a pas dit la vérité….
M. Devaux – Le gouvernement belge n’a pas osé démentir les assertions du gouvernement prussien.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il les a suffisamment démenties, et, je le dis ici, il les a démenties dans une forme qui doit lui mériter des éloges ; il n’a pas voulu susciter des questions de personnes, il a bien fait de ne pas susciter des questions de personnes, il n’a pas voulu entraver une négociation à la réussite de laquelle mes collègues et moi avons toujours cru ; il n’a pas voulu l’entraver par des questions malencontreuses de personnes et si un sel mot pouvait nous justifier, au détriment du pays, ce mot, nous ne le prononcerions jamais !
Ainsi, pardonnez-moi, messieurs, si hautement je prends acte de cette déclaration : « Le fait est heureux, d’après l’honorable préopinant ; le fait est utile au pays ; mais vous n’étiez pas, ajoute l’honorable préopinant, dans une position assez digne pour négocier ; vous n’avez pas obtenu ce que d’autres auraient peut-être obtenu. »
L’honorable préopinant approuve le plan de négociation, car il y a deux choses : le plan et les détails. Le plan était tout nouveau, il appartient principalement au ministère actuel. Nous avons dit : « Nous ne ferons pas avec la Prusse un traité de navigation, comme nous en avons fait avec d’autres Etat maritimes ; nous ne voulons plus d’une simple réciprocité de droit, nous voulons des compensations de fait. » Et quand nous avons osé, dans la séance du 20 mai dernier, proclamer cette doctrine, elle a été accueillie avec incrédulité, elle n’a pas obtenu, de la part de l’honorable préopinant, l’assentiment qu’il lui accorde aujourd’hui. Un de ses amis, absent en ce moment pour des motifs que je déplore ; un de ses amis a même annoncé ce jour-là, que la Prusse ne se laisserait certainement pas imposer un plan de négociations de ce genre. Nous avons donc eu le courage de mettre cette doctrine en exécution, et nous avons dit : Voici notre plan de négociations ; nous garantirons, à la Prusse, par des stipulations internationales, les avantages de navigation, y compris le remboursement du péage de l’Escaut ; mais nous ne nous contenterons plus d’une simple réciprocité de droit, réciprocité qui est à peu près illusoire ; nous demanderons que, dans le même acte, on insère les stipulations commerciales et les stipulations de transit.
Ce plan, messieurs, l’honorable préopinant l’approuve aujourd’hui, je l’en remercie ; mais j’exprimerai de nouveau mes regrets de ce que ce plan n’ait pas obtenu plus tôt son approbation. Du reste, il n’était pas tenu d’annoncer son adhésion plus tôt, mais cependant son adhésion nous eût été bien plus précieuse, et elle aurait été d’un grand poids dans les décisions à prendre. Je me serais estimé heureux si, dans la séance du 20 mai, l’honorable préopinant m’avait répondu : « Vous êtes dans le vrai ; les traités que nous avons faits avec certains Etats maritimes, et dans lesquels nous avons accordé la remise de toutes les surtaxes de navigation et le remboursement du péage de l’Escaut, ces traités sont des marchés de dupes ; il faut renfermer ces stipulations dans des traités de commerce et de transit ; il faut trouver dans des stipulations de transit, de douane, les compensations de fait auxquelles nous avons droit. »
Le gouvernement prussien n’avait jamais voulu de ce plan ; dans les derniers temps, il avait semblé l’accepter, mais avec les plus grandes répugnances ; et en y mettant des restrictions ; j’indiquerai tout à l’heure ces restrictions ; mais avant d’aller plus loin, rectifions un fait important.
« La Prusse, dit l’honorable préopinant, voulait un traité de navigation ; vous le saviez, dès lors vous aviez une grande action sur elle. »
Mais rendons-nous compte des faits. La Prusse jouissait des avantages de navigation, y compris le remboursement de l’Escaut ; la Prusse ne demandait pas nécessairement un traité de navigation ; elle demandait qu’on laissât subsister purement et simplement le statu quo, tel qu’il existe encore aujourd’hui à l’égard du Mecklembourg, de la Suède et même de la Russie.
Je dois supposer qu’un passage extrêmement important du rapport de la section centrale n’a pas attitré l’attention de l’honorable préopinant. On y énumère les avantages dont la Prusse jouissait de fait, il y a un an ; et ces avantages dont elle jouissait de fait, qui constituaient le statu quo, elle semblait les considérer comme un droit acquis.
1° La Prusse jouissait de fait, depuis 1830, de toutes les avantages de navigation, et aucun ministère n’avait encore supposé la possibilité de lui retirer ces avantages.
2° Elle jouissait, depuis la loi du 6 juin 1839, du remboursement du péage de l’Escaut, et elle se prévalait de la doctrine si souvent énoncée dans cette chambre, qu’il fallait accorder le remboursement du péage de l’Escaut, sans stipuler aucune compensation, doctrine que j’ai toujours combattue.
3° Nous avons, en vertu de la loi du 18 juin 1842, à tort ou à raison, aboli les droits et simplifié les formalités de transit sur le chemin de fer, sans nous enquérir à l’avance des compensations.
4° Nous avons admis, par la loi du 25 février 1842, l’introduction de 250,000 kilog. de fils de Westphalie, toujours sans compter sur une compensation, et même après avoir promis aux représentants de certaines localités que cette exception durerait indéfiniment ; espoir dont s’est encore prévalu le gouvernement prussien.
5° Le gouvernement prussien a maintenu la loi du 6 juin 1839, après avoir toutefois annoncé bien souvent dans cette chambre que cette loi pouvait être révoquée ; mais cette espèce de menace était venue à être singulièrement atténuée par les réclamations venues du Limbourg, et surtout du Luxembourg belge.
Vous voyez donc, messieurs, que la Prusse était en possession de tous (page 442) les avantages du traité de navigation qu’elle sollicitait, dit l’honorable préopinant ; elle avait de fait ce traité. La Prusse se bornait à dire : « Je jouis depuis 1830, de tous les avantages de navigation comme en jouit le Mecklembourg, la Suède, comme en jouit même la Russie, et je ne vois pas pourquoi vous feriez cesser ce statu quo. Ce serait un acte d’hostilité. »
Cette position, je l’ai déjà dit et je le répète aujourd’hui, cette position était fâcheuse ; vous avez, je le sais, une position du même genre à l’égard d’autres Etats ; j’ignore ce qui en adviendra dans l’avenir ; je n’ai pas à examiner cette question pour le moment ; mais, ce qui est incontestable, c’est que vous êtes dans une position très-fâcheuse, lorsque vous négociez avec un pays à qui vous n’avez à offrir que l’achat d’un statu quo que vous lui avez concédé, d’un statu quo qui dure depuis quinze années, d’un statu quo qui lui donne à l’avance tout ce qu’il peut demander.
Qu’avons-nous ajouté au maintien des avantages qui existaient avant l’arrêté du 28 juillet 1844, avant l’adoption des mesures de représailles ? Nous avons ajouté l’assimilation de ce qu’on appelle les avant-ports prussiens aux ports prussiens proprement dits. Mais est-ce là une stipulation si nouvelle ? Mais cette stipulation se trouve déjà dans plusieurs traités dont le dernier a été conclu avec le Portugal. Et, en outre, la même stipulation n’a de véritable valeur que depuis l’adoption de la loi des droits différentiels.
« Nous avons, en second lieu, dot l’honorable préopinant, fait en faveur de la Prusse une exception à la loi des droits différentiels. » Mais la Prusse a-t-elle obtenu une réparation complète par la loi des droits différentiels. Ce qui était à craindre, c’est que la Prusse vînt dire : « Je demande à être rétablie dans le statu quo où j’étais antérieurement à la loi des droits différentiels. » On nous avait prédit dans cette chambre que, dès que nous voudrions négocier avec un Etat maritime, ce qu’on nous demanderait serait le rétablissement du statu quo antérieur à la loi des droits différentiels ; on nous annonçait que la loi des droits différentiels y passerait tout entière.
Il ne serait donc pas même exact de dire que la Prusse a obtenu, par le traité du 1er septembre, le rétablissement du 1er septembre, le rétablissement du statu quo en tout point ; elle a obtenu le rétablissement du statu quo relativement aux avantages de navigation et au remboursement du péage de l’Escaut ; mais en ce qui concerne la loi des droits différentiels, elle n’a obtenu qu’une exception, et, messieurs, le traité du 1er septembre offre sous ce rapport un résultat que j’appellerai politique ; c’est l’adhésion d’un Etat maritime à cette loi des droits différentiels.
Il s’est trouvé un Etat qui, le lendemain du vote de cette loi, alors qu’on annonçait qu’elle allait amener des représailles de tous cotés, il s’est trouvé un Etat, un puissant Etat, qui a bien voulu négocier avec nous sur la base de cette loi. C’est, à mes yeux, une adhésion à cette grande loi que j’appellerai nationale, c’est une sanction donnée à cette loi par une des grandes nations de l’Europe. De quel droit d’autres nations refuseraient-elles de traiter avec nous à cause de l’adoption de cette loi ? Nous pourrions répondre que cette loi des droits différentiels a déjà obtenu l’adhésion de l’association allemande, et qu’on n’y a fait d’exception au profit de cette association, que moyennant des compensations. Ainsi, cette loi de droits différentiels entre pour ainsi dire, par le traité du 1er septembre, dans le droit public européen.
Après avoir examiné les concessions que nous avons faites à la Prusse, l’honorable membre a examiné celle que la Prusse nous fait. Il a d’abord supposé que, depuis longtemps, nous pouvions compter, de la part de la Prusse, sur toutes les concessions que nous obtenions.
C’est là, messieurs, une erreur de fait, et, pour la rectifier, il suffit de lire les pièces.
Il y a un an, et même plus longtemps, nous aurions pu conclure avec la Prusse un traité stipulant : 1° le maintien du statu quo pour les droits de navigation, le remboursement du péage sur l’Escaut ; 2° la remise de 10 p.c. indistinctement, en matière de douane ; 3° la conservation de la loi du 6 juin ; en compensation, on eût accordé, indépendamment de la réciprocité, le transit garanti jusqu’au Rhin, quelques réductions de transit au-delà du Rhin ; une réduction sur le droit à la sortie des laines ; mais la question des fers était restée intacte ; elle a été examinée, mais elle n’a pas été résolue au point que le suppose le préopinant. Pour vous en donner la preuve, je vais vous lire quelques extraits très-importants du memorandum prussien, page 29 :
« Dès le commencement de la négociation, le gouvernement belge avait donné à entendre qu’il s’agirait surtout de savoir quelles étaient les dispositions du Zollverein au sujet de la réduction des droits d’entrée sur les fers et des droits de sortie sur les laines. Mais on avait cru que les difficultés que les réclamations des industriels belges faisaient éprouver à ce gouvernement, à faire au Zollverein de notables concessions de tarif, l’engageraient à ne pas revenir sur ces deux points. Quant au premier, il était impossible de le concéder ou de promettre seulement pour l’avenir à la Belgique, des avantages pour l’importation de ses fers, supposé même qu’elle répondît par des facilités analogues à une si importante concession. Car l’état de souffrance de l’industrie des forges dans l’union allant toujours croissant, la demande d’une imposition plus forte des fers étrangers réclamait un examen consciencieux, et formait justement l’objet de séreuses délibérations entre les gouvernements associés. La Prusse se refusa toujours à croire que le gouvernement belge pût voir dans l’impossibilité d’obtenir des concessions pour des fers, un motif pour ne point conclure avec l’union allemande, un traité qui, quoique sur une base moins large, devait assurer au commerce belge de notables avantages, tandis que les Etats de l’union s’abstenaient de toute prétention qui aurait causé au cabinet de Bruxelles de sérieuses difficultés, et se bornaient à demander principalement le maintien du statu quo déjà établi par quelques dispositions favorables de la législation belge. Un office du plénipotentiaire belge en date du 29 juin 1843, fit cesser toute illusion à cet égard. On y donna à entendre que le gouvernement belge considérait les concessions qu’il demandait « comme devant faire la compensation du maintien des avantages de commerce et de navigation dont profitait déjà le Zollverein, et des concessions nouvelles qui auraient pu y être ajoutées. » On y déclara « qu’il n’était pas possible à ce gouvernement d’admettre la discussion sur des les bases proposées, et qu’il s’agirait, afin de pouvoir reprendre la négociation, de rechercher de commun accord les conditions nouvelles qui pourraient faire la matière d’un arrangement autre que celui primitivement conçu. »
« Cette déclaration aurait pu être regardée comme équivalant à une rupture ouverte de la négociation. »
Le gouvernement belge a insisté ; nous savons que le tarif des fers et des fontes allait être augmenté ; si nous avions manqué de prévoyance, nous n’aurions traité que sur les bases de la navigation et du transit, et quelque temps après le tarif des fontes et des fers se serait trouvé augmenté en Allemagne, sans que nous eussions aucun moyen d’action sur le gouvernement prussien, moyen d’action que nous trouvions précisément dans l’état précaire où nous tenions la Prusse depuis 1830. Nous conservions notre moyen d’action en maintenant cet état précaire, parce qu’il était plus que probable que les droits sur les fers et les fontes seraient augmentés et que ce jour-là nous pourrions négocier. Ce n’est pas tout ; c’est cette persistance que nous avons mise à vouloir attendre le jour où le tarif sur les fontes et les fers serait augmenté ; c’est cette persistance qui a été cause de la rupture des négociations. Je vais lire un passage qui énonce cela de la manière la plus formelle :
« Il a déjà été donné à entendre plus haut, que l’union ne se trouverait dans la possibilité d’accorder quelques avantages aux fers belges, que tout au plus si elle se décidait à augmenter les droits d’entrée sur les fers étrangers en général. Quoique même dans ce cas, il n’eût jamais été admissible d’exempter entièrement les fers belges d’une telle mesure générale, on aurait peut-être pu, dans certaines limites, les frapper d’une augmentation moins forte des droits d’entrée. Le congrès douanier de l’année passée s’était non-seulement occupé de la question principale, mais aussi des modalités d’une mesure éventuelle en faveur de la Belgique, et des équivalents que celle-ci devrait accorder. Mais la question principale n’avait point été décidée, et ne peut pas même être résolue pendant les premiers mois de l’année courante. Le Prusse persistait à supposer au gouvernement belge des dispositions assez conciliantes pour que, voyant l’impossibilité où se trouvait le Zollverein de lui faire des concessions pour les fers, il ne ferait plus de ces dernières une condition sine qua non de la négociation. Néanmoins, il semblait nécessaire d’éclaircir définitivement la question de savoir si la conclusion d’un traité de commerce et de navigation entre l’union douanière et la Belgique était encore possible. A cet effet, le baron d’Arnim s’adressa de nouveau au comte Goblet, sous la date du 4 mars dernier, et l’invita itérativement à rouvrir la négociation. Dans sa réponse du 18 du même mois, le plénipotentiaire belge déclara : « Que le cabinet de Bruxelles ne pourrait s’engager dans cette voie, qu’autant qu’il aurait au préalable reçu l’assurance que rien ne s’opposait à ce que le traité éventuel à conclure contînt la garantie que les fontes et les fers belges seraient exceptés, pendant la durée du traité, de tout droit nouveau ou de toute élévation des droits existants qui pourraient être établis à l’entrée des Etats du Zollverein. »
« Cette déclaration a dû mettre un terme à tous les efforts que, jusque-là, le gouvernement prussien avait faits, au nom des autres membres de l’union. A la vérité, la question de l’imposition future des fers à l’entrée du Zollverein, avait été, dans l’intervalle, résolue d’une manière qui lui aurait permis d’accorder quelques avantages aux fers belges. Mais la condition énoncée dans l’office du 18 mars est tellement exorbitante, que même les compensations les plus importantes ne pourraient jamais décider les gouvernements de l’union à l’admettre. En effet, le gouvernement belge qui protège lui-même ses fers aussi à l’égard de l’Allemagne, par un droit d’entrée de 5 fr. par 100 kil. sur les fontes, répond bien peu à l’équité et aux égards auxquels on aurait dû s’attendre de sa part pour plusieurs Etats du Zollverein qui, par rapport au triste état de leurs forges, se trouvent dans une situation analogue à la sienne, en demandant au Zollverein de laisser entrer les fontes belges sans aucun droit de douane, et de ne pas augmenter pour son fer en barres un impôt qui dépasse à peine la moitié de celui de 12 francs 70 cent. dont cet article est grevé en Belgique. »
« Le gouvernement prussien et les autres Etats de l’union doivent donc considérer la négociation comme épuisée. »
Dans notre réponse nous montrons qu’il y a malentendu ; nous avions demandé le plus ; nous avions demandé l’exemption complète du nouveau droit, mais éventuellement nous étions décidés à nous contenter d’une réduction seulement sur le nouveau droit. Vous voyez que dans cette grande négociation, qui a duré plus de sept ans, il y a eu deux phases. Dans la première, le gouvernement prussien voulait un simple traité de navigation avec remise des 10 p.c. des droits de douanes ; il accordait simplement la réciprocité, sans vouloir examiner ce que cette réciprocité pouvait nous valoir réellement. Dans la deuxième phase, le gouvernement prussien a semblé admettre qu’il fallait aux stipulations concernant la navigation, ajouter des stipulations sur le transit. C’est là la seconde phase des négociations. C’est pendant cette seconde phase que le gouvernement belge a annoncé la prétention tout nouvelle, dans laquelle il a persisté, de procurer une position privilégiée sur le marché allemand à une grande industrie belge, l’industrie métallurgique. Cette prétention, de laquelle il n’a pas (page 443) voulu dévier, est citée comme un des motifs qui ont amené la rupture des négociations.
Je ne discuterai plus la valeur de toutes les concessions en elles-mêmes, ces détails ont été examinés. Je viens moins justifier le traité contre lequel le préopinant ne votera pas, que justifier la marche qui a été suivie. Vous êtes dans une fausse position depuis longtemps vis-à-vis de beaucoup de puissances ; vous leur avez concédé tout ce que vous avez leur donner, vous leur demandez qu’elles payent le statu quo dont elles sont en possession. Une fois seulement, et c’est cependant cet acte qu’on incrimine, on a accordé un avantage à la Prusse en stipulant des conditions et un terme ; je veux parler de l’arrêté du 28 août 1842. C’est la première fois que le gouvernement belge disait à la Prusse : Je vous concède ces avantages provisoirement, temporairement, dans l’attente du résultat des négociations.
Mais tôt ou tard, qu’on ne se fasse pas illusion là-dessus, il était impossible qu’au risque d’un conflit international, le gouvernement ne fût pas obligé de faire cesser ces avantages accumulés pendant quinze ans et concédés gratuitement. Cette crise, je ne l’ai ni provoquée ni désirée ; tous mes collègues, comme moi, ont vu cette éventualité avec regret et anxiété, mais dès que le moment est arrivé, nous n’avons pas reculé. C’était une épreuve nécessaire que nous acceptions.
Le gouvernement prussien, par le rescrit du 21 juin, a frappé nos fontes et nos fers d’une surtaxe ; nous nous sommes crus autorisés à révoquer une partie des avantages accordés à la Prusse. La position a été changée du tout au tout. Nous avons pu utilement négocier ; le statu quo une fois détruit, son rétablissement devenait un véritable élément de négociation.
J’ai déjà dit dans une séance précédente que pour obtenir des avantages de douane, nous n’avions d’autres moyens que de faire cesser les faveurs de navigation et le remboursement du péage sur l’Escaut. Il est plus que probable que vous n’obtiendrez des avantages de douanes d’autres nations, que si vous ne redoutez pas une crise du même genre. Il faut que ces nations sachent que du jour au lendemain, quand les circonstances le permettront, nous pourrons faire cesser les avantages dont elles jouissent, y compris le remboursement du péage sur l’Escaut. Je ne peux pas indiquer les pays à l’égard desquels cela pourrait avoir lieu, parce que je ne veux pas avoir l’air de faire des menaces. D’ailleurs, vous connaissez les faits.
Je me résume donc ; car, à mon tour, je ne veux pas trop abuser de votre attention.
L’honorable préopinant approuve le plan de la négociation. Ce plan, nouveau programme du gouvernement belge, est un progrès. Le gouvernement prussien l’a accepté ; et c’est un succès. Le gouvernement prussien, en l’acceptant par le traité du 1er septembre, pose avec nous, et à notre profit, un précédent d’une haute importance.
C’est ce même plan que nous chercherons à faire prévaloir dans les négociations futures avec d’autres nations.
L’honorable préopinant paraît avoir perdu de vue un fait incontestable, c’est que les concessions de navigation que la Prusse sollicitait, selon lui, avec tant d’ardeur, existaient de fait. C’est le statu quo depuis 1830.
M. Devaux – Et les 10 pour cent ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’en conviens, la Prusse ne les avait pas. Mais c’était une faveur assez insignifiante. Néanmoins, dans toutes les négociations, elle avait insisté pour les obtenir ; dans des pièces très-anciennes, la remise des 10 p.c. lui était à peu près concédée.
Puisque l’honorable préopinant m’interrompt dans mon résumé, je suis forcé de lui répéter que la Prusse n’a pas obtenir le statu quo antérieur à la loi des droits différentiels. C’est ce qui aurait pu arriver ; on nous l’avait même prédit dans cette chambre ; on nous avait annoncé qu’aux premières négociations que nous ouvririons avec une puissance maritime, cette puissance ne manquerait pas de nous demander l’abrogation de la loi des droits différentiels et le retour au statu quo. C’est ce qui n’est pas arrivé. Le gouvernement prussien a adopté, comme base de la négociation, le loi des droits différentiels. Comme je le disais, cette loi, par le même traité du 1er septembre, est pour ainsi dire passée dans le droit public européen Nul n’est désormais recevable à s’élever contre une loi, sur la base de laquelle une grande puissance a traité avec nous.
C’est encore ce que j’appellerai un succès.
Plusieurs membres – La clôture.
M. d’Elhoungne – C’est à la justice de la chambre que je fais appel en quelque sorte pour m’opposer à la clôture.
Dans la discussion d’hier, il a été prononcé des discours contenant des paroles peu bienveillantes pour moi ; je n’y répondrai pas, mais j’ai trouvé insérée dans le Moniteur une phrase que je n’ai pas entendue hier et contre laquelle je dois m’élever. Si la chambre le permet, je donnerai cette explication. (Parlez ! parlez !)
Voici ce qui se trouve dans le discours prononcé dans la séance d’hier par l’honorable M. Dedecker :
« Ainsi le traité,dans ma pensée, n’est pas du tout antifrançais. Je serais désolé qu’il fût tel, même paraître tel ; s’il l’était, je le regretterais tout le premier ; mais le traité est belge. Il ne peut contrarier (j’insiste une dernière fois sur ce point, parce que je ne veux pas qu’on se méprenne sur le fond de ma pensée, toute personnelle d’ailleurs,) que ceux qui, en France ou en Belgique, n’ont pas foi en l’avenir de la nationalité belge ; il ne peut contrarier que ceux qui ne respectent pas cette nationalité. »
Or, j’ai combattu le traité ; je l’ai loyalement combattu, parce que, dans ma conviction, ce traité n’accorde pas assez aux intérêts belges, et qu’il favorise exclusivement les intérêts allemands. Mais, de là, conclure que je ne crois pas à notre nationalité, que je ne la respecte pas, que je trahis mes devoirs de députés et mes devoirs de citoyen belge, c’est, ou plutôt ce serait là (car j’ai peine à croire que ce soit la pensée de l’honorable M. Dedecker), une calomnie, à laquelle je ne répondrais que par un démenti formel.
M. Dedecker, rapporteur, – Je suis étonné et peiné à la fois d’entendre cette protestation de la part de l’honorablet M. d'Elhoungne. Je ne conçois pas qu’il ait pu prendre pour lui des observations qui avaient un caractère général, et qui ne s’appliquaient nullement à un membre de cette assemblée, à un collègue.
L’honorablet M. d'Elhoungne sait que depuis longtemps j’ai le bonheur de le connaître. Il sait que personne plus que moi n’aime à rendre hommage à son magnifique talent et à son caractère, que j’ai depuis longtemps apprécié. Ce n’est pas de la part d’un ancien condisciple, que je pouvais m’attendre à ce qu’on m’attribuât une calomnie.
M. Verhaegen – Je n’ai pas pris la parole jusqu’à présent sur le mérite du traité. Je me suis cependant fait inscrire dès le commencement de la discussion et cela pour démontrer à la chambre qu’un des articles de la convention du 1er septembre traite mieux le pavillon du Zollverein que le pavillon belge. Cette question n’a pas été agitée, jusqu’à présent, dans cette enceinte ; elle se rattache à l’article 6 du traité. Comme la discussion général aborde la discussion des articles, si vous alliez, messieurs, clore sans m’entendre, vous vous prononceriez sur un traité dont vous ne connaissez pas tous les défauts.
Je le répète, je veux démontrer que le pavillon belge est moins bine traité que le pavillon du Zollverein. Pour cela je ne demande que cinq minutes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le gouvernement connaît cette objection ; il s’en est occupé ; il y sera fait droit.
M. Verhaegen – Tout cela est fort bien. Mais je vous défie de répondre à l’objection.
M. Eloy de Burdinne – Je sens combien la chambre est fatiguée de cette longue discussion. Mais comme je l’ai dit hier, je crois devoir répondre à la partie du discours d’un honorable membre qui concerne les intérêts agricoles. Je me bornerai à faire ressortir ce qui concerne ces intérêts et les bois, renvoyant, à cause de la fatigue de la chambre, mes développements sur les autres points à une autre occasion.
M. Dumortier – Pour justifier mon opposition à la clôture, je me bornerai à invoquer les paroles de M. le ministre de l'intérieur. Il annonce qu’il sera fait droit à une objection qui est annoncée. Mais il importe que nous connaissions cette objection. Nous ne pouvons émettre un vote en aveugles ; nous devons savoir à quoi nous nous engageons. Le traité a assez de gravité pour mériter une discussion. Pour moi, je n’ai pas encore parlé dans la discussion. Je suis inscrit depuis longtemps. Dès l’ouverture de la discussion, j’ai eu l’honneur de dire que je voterais pour le traité et que je blâmerais les négociations.
L’honorable M. Devaux a présenté une partie des observations que je comptais faire. Mais la question d’honneur n’est pas épuisée. J’ai à demander au gouvernement de claires et catégoriques explications sur ce point.
Je demande la continuation de la discussion.
Il serait sans exemple que la chambre prononçât la clôture après la séance d’hier, où les ministres seuls ont parlé, après celle d’aujourd’hui, où le ministre de l’intérieur a parlé le dernier.
M. Verhaegen – Vous venez de l’entendre, le gouvernement vous a dit qu’il connaissait mon objection ; mais je ne l’ai pas fait connaître, et personne n’en a parlé. C’est une objection qui se rattache à l’art. 6. Je veux prouver que, par cet article, le pavillon belge est sacrifié à celui du Zollverein, que toute loi des droits différentiels s’écroule, que votre cabotage est sacrifié.
Le gouvernement vous dit qu’il fera droit à l’objection, c’est-à-dire qu’il négociera. Vous vous prononcerez donc sur le traité sans savoir à quoi vous vous engagez.
J’insiste pour que la discussion continue.
M. de Garcia – Je suis au nombre de ceux qui avaient demandé la clôture, mais, d’après les observations qui viennent d’être présentées, je demande que la discussion continue.
Je désirerais alors que la chambre ne se séparât pas aujourd’hui ; car ce serait réellement bâcler des lois, que voter dans cette séance les projets de loi nombreux (dont plusieurs sont importants) qui sont à notre ordre du jour.
- La clôture est mise aux voix. L’épreuve est douteuse ; en conséquence, la discussion continue.
M. Eloy de Burdinne – J’ai demandé la parole pour répondre à une hérésie avancée par un honorable représentant de la province d’Anvers. Cette hérésie concerne l’intérêt agricole.
Comme je l’ai démontré, dans une séance précédente, le traité est nuisible à cette industrie ; je ne puis laisser les observations qui vous ont été faites sans réponse parce que ces observations pourraient faire croire au gouvernement que l’agriculture est parfaitement satisfaite du traité, tandis qu’il lui est nuisible.
(page 444) Oui, messieurs, cette protection est considérable, lorsque les cultivateurs ne peuvent que difficilement couvrir leurs frais de culture. Savez-vous, messieurs, quelle faveur vous faites avec ces 30 c. par hectolitre, aux grains étrangers qui viennent faire concurrence aux nôtres ? C’est une faveur de deux millions et plus que vous enlevez à l’industrie agricole. L’agriculture fournit 7 millions d’hectolitres de grains à la consommation.
Je vous le demande, si un traité enlevait le quart de cette somme à une autre industrie, ou au commerce d’Anvers, vous auriez tous les commerçants de cette ville en députation et chez le Roi et chez les ministres ; vous n’auriez pas une pétition signée par 1,400 ouvriers du port et des raffineries, vous auriez des pétitions couvertes de milliers de signatures sans y compter des masses de croix comme il s’en trouve sur la pétition qui réclame la révision de la loi des sucres.
Messieurs, je crois devoir vous donner quelques éclaircissements sur la position actuelle de l’agriculture. Un prix actuel des céréales, l’hectare de bonne terre ne donne en revenu net que 19 fr. ; je vous demande, si c’est là le produit que vous devriez attendre d’un hectare de terre ? lorsque cet hectare se vend à raison de 2 à 3,000 fr. ; 19 fr. est le produit net ; si on veut bien accorder 10 p.c. d’intérêt du capital exposé dans cette industrie comme on l’accorde en commerce à d’autres industries, en réduisant l’intérêt du capital exposé pour la culture à raison de 5 p.c. l’hectare de terre produit, au taux actuel des céréales, 31 fr. 50 cent. Je vous demande, si un commerçant, si un industrie exposerait 3,000 fr. pour obtenir 31 fr. 50 c. de revenu !
Comme la chambre, messieurs, a hâte de terminer cette discussion, je me réserverai de répondre aux autres arguments de l’honorable député d’Anvers dans une prochaine séance, et je ferai ressortir les vices de son opinion. Je sais, messieurs, que les défenseurs du commerce voudraient voir le pays s’approvisionner à l’étranger de tout ce dont il a besoin. Qu’est-ce que le commerçant et l’industriel ? La majeure partie, j’en excepte l’industrie métallurgique, sont des cosmopolites qui ne tiennent nullement au sol. Leur patrie est là où il y a de l’argent à gagner. Lorsqu’ils n’en ont plus à gagner dans un pays, il vont s’établir ailleurs. Le propriétaire est le véritable national ; il reste là où il possède une partie du sol ; c’est cette classe qui a le plus de droit à la protection du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le traité assimile dans certains cas le pavillon du Zollverein au pavillon belge. D’après les termes de l’art. 6, on pourrait supposer que dans certaines circonstances le pavillon du Zollverein aurait plus d’avantage que le pavillon belge. Or, messieurs, telle n’a pu être l’intention ni des Etats du Zollverein ni du gouvernement belge. Du reste, pour lever tout doute, l’arrêté d’exécution du traité comprendra une disposition conçue en ces termes :
« Dans le cas prévu par l’art. 6 du traité, le pavillon belge sera assimilé au pavillon du Zollverein pour l’introduction des produits du Zollverein en Belgique. »Je le répète, il n’a pas été dans l’intention des négociateurs de mettre dans aucun cas le pavillon belge dans une position moins favorable que le pavillon allemand ; c’est une supposition qu’on ne peut même pas faire sérieusement ; nous pouvons donc avec confiance, et sans craindre aucune observation, insérer cette disposition dans l’arrêté d’exécution, disposition conforme à l’esprit général du traité.
M. Verhaegen – Je demande qu’il soit bien entendu que je pourrai développer mon système nonobstant les explications de M. le ministre des finances. (Oui ! oui !)
M. Dumortier – Messieurs, j’aurais de longues observations à présenter à la chambre ; mais, en présence de son désir d’en finir, je dois les abréger autant que possible.
Dès l’origine de la discussion, j’ai annoncé, messieurs, l’intention où j’étais quant au vote que j’allais émettre. Je lui au fait connaître que mon vote serait favorable au traité, mais que je ne pouvais approuver la marche suivie dans les négociations.
C’est, messieurs, afin de justifier cette manière de voir, qui est aussi celle d’un très-grand nombre de mes collègues, que je tiens à pouvoir vous présenter quelques observations.
Je dis que c’est l’opinion de la grande majorité de mes collègues, parce que je n’ai pas encore entendu un membre de la chambre qui approuvât le traité dans son entier. Au contraire, dans les conversations que nous avons chaque jour entre nous, j’ai vu tout le monde reconnaître que les intérêts de la Belgique n’ont pas été sauvegardés dans le traité.
Cependant nous voterons pour ce traité, parce que c’est un traité international, qui nous associe de plus en plus à la grande famille européenne, parce que la Belgique sent de plus en plus le besoin d’entrer dans la voie des négociations commerciales qui ont elles-mêmes une réaction dans l’alliance de nations politiques.
C’est donc au point de vue politique que mon vote sera favorable au traité. Mais si j’avais à examiner ce traité seul, au point de vue de notre commerce, je n’hésite pas à la déclarer, je lui donnerais un vote défavorable, et éminemment défavorable.
Faut-il que nous votions pour le traité, que nous approuvions les négociations ? Evidemment nous ne pouvons les approuver, surtout lorsqu’il est démontré que, dans le cours de ces négociations, il s’est passé des choses que la Belgique entière doit désapprouver.
Si j’examine, messieurs, le traité, je vois de prime abord qu’il consacre des dispositions de deux sortes : les unes sont relatives à des objets en quelque sorte similaires, les autres sont relatives à des objets différentiels. Sommes nous bien traités pour ces objets ? Voilà ce que je veux examiner d’une manière sommaire.
D’abord, messieurs, en matière d’objets similaires, je trouve la navigation, le transit et les patentes.
Dans la question de navigation, la preuve est évidente que la Belgique est maltraitée, ce sont les paroles que M. le ministre de l'intérieur lui-même a prononcées dans la discussion du mois de mai dernier, lorsqu’il disait que la réciprocité absolue en matière de droits de navigation avec le Zollverein causerait un préjudice énorme à la Belgique. Et pourquoi ? Parce que, disait-il, la Belgique n’a qu’une marine de cent navires de commerce, tandis que la Prusse a une marine de huit cents navires de commerce, huit fois plus forte, par conséquent, que la nôtre, en sorte que l’assimilation est pour nous un préjudice réel. C’est là un argument qui reste encore dans toute sa vérité. Aussi, au point de vue de la navigation, l’avantage n’est pas de notre côté ; il est tout entier pour l’Allemagne.
Au point de vue du traité, il y a encore désavantage pour la Belgique, parce que, de notre côté, nous accordons le transit libre, sans droit aucun, tandis que le Zollverein perçoit des droits qui, précisément, portent sur les marchandises que nous avons le plus d’intérêt à faire transiter par son territoire, les produits de l’industrie drapière. Cette industrie a le plus grand intérêt à transiter à des conditions favorables par le Zollverein, parce qu’elle exporte ses produits en Suisse et en Italie, et elle n’a pas obtenu par le traité la faveur à laquelle elle avait droit. Ainsi, pour cet objet similaire, la Belgique est encore moins bien traitée que l’Allemagne.
Dans la question des patentes, il y a encore, en apparence similitude. Mais, vous les avez, le pays entier est couvert de commis-voyageurs venant de nations allemandes. La Belgique, au contraire, n’envoie presque pas de voyageurs de commerce en Allemagne ; il n’y a donc pas parité. Ainsi, sous tous ces points de vue, l’avantage est du côté du Zollverein, le désavantage de notre côté.
Voyons maintenant les objets différentiels. Dans les objets différentiels, la Belgique obtient des faveurs sur quatre articles principaux : la laine, les moutons, les fromages et les fers. La Prusse obtient des avantages sur les vins, sur les soieries, sur les écorces, sur les ouvrages de Nuremberg, sur les fils de Westphalie, sur les articles du grand-duché concernant les fers et les fontes travaillées au bois et au marteau, les faïences, les tissus de laine et les draps, jusqu’à concurrence du prix de 450 mille fr., les fruits, le charbon de bois, la chaux, les céréales, les outils en fer, les eaux minérales, les tissons de coton, et par-dessus tout cela, le remboursement du péage sur l’Escaut et la suppression des droits différentiels sur les produits de son sol
Vous voyez, messieurs, la différence. Nous n’obtenons des avantages que sur quatre articles, et l’Allemagne en obtient sur 18 articles, non compris la disposition relative aux droits différentiels. Je vous le demande, n’est-il pas évident, à ce simple aperçu, que les intérêts belges n’on pas été sauvegardés ? Car, remarquez-le bien, dans les articles que je viens d’énumérer, il en est d’aussi importants pour l’Allemagne que peuvent l’être les fers pour la Belgique. Mais, dit M. le ministre de l’intérieur, ces concessions étaient faites lors du traité ; par conséquent, vous n’accordez, en réalité, rien à la Prusse.
Je dis, messieurs, que lorsqu’on négocie, rien n’est accordé ; que ce qui existe n’est que du provisoire, et il me serait facile de démontrer que la politique commerciale que nous fait le traité est beaucoup moins favorable que ne l’était la position de la Belgique avant la guerre des tarifs, dans laquelle le gouvernement est entré.
Nous avons un avantage pour les laines ; mais consultez les industriels de Verviers, ils vous diront que cet avantage vaut tout au plus 100 à 125 mille francs. D’ailleurs, cet avantage, nous l’avons en entier par le traité ; mais un article additionnel est venu nous enlever la plus grande partie, et je ne puis concevoir comment le gouvernement a consenti à ôter ainsi à un article du traité toute son importance.
La question des fromages ? Eh ! messieurs, je hausse les épaules quand j’entends parler de cette question, lorsqu’il s’agit d’intérêts aussi graves. Comment une industrie qui exporte pour 16,000 fr. par an, on viendra la mettre en balance avec les grandes industries du pays ! Certainement toutes les industries sont respectables, toutes méritent notre sollicitude, mais il est pitoyable de venir parler d’une industrie aussi peu importante, lorsqu’il s’agit des principales industries de la Belgique.
Reste donc la question des fers. Eh bien, messieurs, c’est un fait bien remarquable que les fers belges payent aujourd’hui plus de droit d’entrée en Allemagne qu’ils n’en payaient avant la guerre de tarifs.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Ce n’est pas là la question.
M. Dumortier – Si, c’est la question, car le traité n’a point stipulé des garanties qu’on ne puisse nous enlever du jour au lendemain le droit différentiel qu’il nous accorde. La Prusse en a agi autrement en ce qui concerne les soieries et les vins. Voici ce que le traité porté à cet égard ; elle a inséré dans le traité une clause en vertu de laquelle il est entendu que les vins et les tissus de soie de toute autre origine que ceux provenant du Zollverein, ne pourront être soumis, en Belgique, à des droits quelconques, plus favorables que ceux appliqués respectivement aux vins et aux tissus de soie originaires du Zollverein.
Eh bien, messieurs, avons-nous stipulé la même chose pour les fers ? Avons-nous dit que, en cas de convention avec d’autres puissances, la Belgique serait traitée sur le pied des nations les plus favorisées ? Que demain le Zollverein fasse un traité avec l’Angleterre, par lequel il accorde à cette puissance une réduction de 75 p.c. sur la surtaxe au lieu de celle de 50 p.c., que nous avons obtenue (et rien dans le traité ne s’y oppose), je le demande, messieurs, que deviendraient nos fers ?
(page 445) D’ailleurs, messieurs, les écorces et les fers sont des matières premières dont l’Allemagne ne peut se passer, et au moyen desquelles elle nous fait concurrence ; les avantages qu’elle nous fait sur ces articles, elle se les fait donc à elle-même. M. le ministre vient de nous dire qu’auparavant nous faisions les affaires de l’Allemagne, mais le traité a-t-il donc fait autre chose ? On a dit encore que si la Belgique avait accordé des faveurs aux fils de Westphalie, elle ne l’aurait fait que dans son propre intérêt. Eh bien, c’est ce que l’Allemagne a fait pour les fers. Lorsque l’Allemagne a frappé d’un droit plus élevé les fers du bassin de Liége, elle a frappé sa propre industrie, et il était de son propre intérêt que cet état de choses cessât au plus tôt.
En ce qui concerne la navigation, messieurs, je dois dire que j’ai vu avec un excessif regret le sacrifice que nous avons fait de la loi des droits différentiels, le sacrifice que nous avons fait du cabotage. Jamais une nation maritime n’a sacrifié son cabotage ; le cabotage, n’est-ce point l’aliment nécessaire à la grande navigation ? Lorsque nous n’aurez plus de cabotage, comment pourrez-vous avoir une grande navigation ?
Eh bien, nous admettons le cabotage allemand sur le même pied que le cabotage belge ; voilà une réciprocité apparence, mais qui, en réalité, est nuisible à la Belgique ; nous allons même plus loin, nous traitons les navires du Zollverein plus avantageusement que nos propres navires.
Pour les fers, au contraire, l’Allemagne ne nous donne qu’une réduction de la moitié de la surtaxe.
Voilà des faits, messieurs, qui me paraissent démontrer à toute évidence que les intérêts de la Belgique ne sont point avantageusement traités qu’on l’a dit dans les séances précédentes.
Je ne veux point, messieurs, vous entretenir de l’art. 6 ; j’anticiperais sur ce que mon honorable collègue, M. Verhaegen va vous dire ; mais il me paraît démontré que par l’art. 6 le cabotage de la Belgique est complètement sacrifié.
Il est donc clair que notre position est moins favorable qu’elle n’était avant la guerre de tarifs dans laquelle nous nous sommes si imprudemment lancés. Notre position est moins favorable, parce que nous payons des droits plus élevés sur les fers, et que rien ne nous garantit que, pendant le cours du traité, nous conserverons le droit différentiel que le traité nous accorde. Que le Zollverein fasse un traité avec l’Angleterre, et à l’instant même la stipulation relative aux fers pour lesquels le traité est fait, à l’instant même cette stipulation devient illusoire.
La Belgique n’a donc rien gagné à la guerre de tarifs que nous avons si imprudemment engagée avec l’Allemagne ; cette guerre de tarifs a été pour nous une source de malheurs ; car elle a amené des conditions éminemment défavorables, et de plus, elle nous a attiré de cruelles humiliations. Je veux parler ici du fait auquel l’honorable M. Devaux a fait allusion, et c’est pratiquement sous ce point de vue que je dois blâmer les négociations.
Nous avions, messieurs, pris des représailles pour les vins, les soieries, la navigation, les remboursements du péage de l’Escaut ; la Prusse, de son côté, en avait pris contre nos fers ; et hier, ainsi que l’a dit l’honorable M. Devaux, en vertu de l’article 30 du traité, la Belgique a dû commencer par s’exécuter avant de pouvoir obtenir la ratification du traité. A cela que vient répondre M. le ministre de l'intérieur ? Il vient vous dire que le retrait du rescrit du 21 juin n’a pas été stipulé dans le traité, parce qu’il se trouvait implicitement compris dans l’art. 19 ; il ajoute qu’en fait il y a eu simultanéité de révocation, que les révocations ont eu lieu le même jour. Il ne reste donc plus, suivant lui, qu’une seule question de forme ; cette question de forme, M. le ministre y répond de la manière suivante : « Il était inutile de demander que la révocation du rescrit du 21 juin fût stipulée dans le traité, puisqu’il n’en était pas fait mention dans le traité.» Mais je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il est davantage fait mention dans le traité de l’arrêté qui supprimait les faveurs accordées à l’Allemagne pour les vins et les soieries, qui enlevait à la Prusse le remboursement du péage de l’Escaut, les avantages de navigation dont elle jouissait ? Pourquoi donc avez-vous stipulé le retrait de cet arrêté, alors que vous ne stipuliez pas le retrait du rescrit du 21 juin ? Pourquoi stipulez-vous conter la Belgique, lorsque vous ne stipulez point contre l’étranger ? Est-ce que l’intérêt de notre pays vous est moins cher que l’intérêt de l’étranger ?
Ainsi, messieurs, l’argument de M. le ministre de l'intérieur n’a nulle signification, c’est un faux fuyant, c’est même une mystification vis-à-vis de la représentation nationale.
Messieurs, je suis profondément sensible à tout ce qui touche à l’honneur national ; aussi suis-je profondément affligé de l’humiliation que nous avons subie en cette circonstance, quand le gouvernement est venu ainsi demander pardon à l’Allemagne des actes qu’il avait posés et qu’il a dû retirer sans que l’Allemagne s’engageât à rien de semblable. Et puis vous direz que vous avez montré un jour du courage ! Oui, mais ce courage n’a duré qu’un jour et il a fini par une honteuse palinodie, par un acte profondément blessant pour tout ami du pays.
Oui, il m’est douloureux de voir qu’à l’occasion d’une guerre de tarifs, excitée dans l’intérêt d’une position ministérielle, à l’occasion d’un acte de mauvais procédé vis-à-vis d’un allié, on n’ait pas reculé devant une telle conduite en stipulant le retrait de l’arrêté du 28 juillet sans stipuler en même temps le retrait du rescrit du 21 juin. Je désavoue hautement une pareille conduite que blesse profondément l’honneur national et mérite le blâme de la chambre. Comment ! vous voulez que la Belgique s’exécute en vertu d’un acte international, lorsque la Prusse ne s’exécute pas…
Un ministre – Elle s’est exécutée.
M. Dumortier – Elle ne s’est point exécutée en vertu du traité, et si elle s’est exécutée en vertu d’autres stipulations, qu’on nous les communique et que nous examinions les motifs d’une telle conduite. Du reste, je ferai une proposition à cet égard. Il faut que nous sachions jusqu’à quel point les engagements ont été réciproques.
Si la Belgique seule a pris un engagement, je dis que cet engagement est humiliant. Il importe que nous sachions ce qui en est ; car, encore une fois, en votant le traité, je n’entends en aucune manière m’associer au § 2 de l’art. 30. Ce retrait d’arrêtés royaux, opéré d’une manière si humiliante, c’est là une chose qui m’afflige profondément, et je blâme de toutes les forces, de toute la puissance de mon âme, la conduite que le gouvernement a tenue dans cette circonstance.
Voilà , messieurs, la proposition que je vais avoir l’honneur de déposer sur le bureau :
« Je demande que la chambre ordonne le dépôt des notes relatives au 2° § de l’art. 30 du traité. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Il y a une lettre du plénipotentiaire prussien qui annonce qu’à partir du 9 on ne percevra plus la surtaxe sur les fers à la frontière de Prusse.
M. Dumortier – Quelle est la date de cette lettre ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Elle est du 8.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, j’ai entendu tout à l’heure l’objection que la disposition dont j’ai donné lecture, aurait pu se trouver dans le traité. Je ne partage pas cette opinion ; la disposition dont il s’agit ne pouvait pas se trouver dans le traité, car elle ne concerne aucunement le Zollverein. Du reste, il faut consulter ici l’esprit du traité ; il est évident pour tous qu’on ne peut avoir voulu donner à un pavillon étranger des avantages que n’aurait pas le pavillon belge. Si la disposition dont j’ai donné lecture dérogeait à quelque chose, ce ne serait pas au traité, ce serait à la loi des droits différentiels.
Nous sommes libres de donner à notre navigation tels avantages que nous jugerons convenables du moment où le pavillon du Zollverein lui reste assimilé dans les cas prévus. Je crois que la disposition ne déroge pas non plus à la loi des droits différentiels, en ce sens qu’elle rentre dans l’esprit général du traité et que dès lors nous pouvons la comprendre dans l’arrêté d’exécution ; cela sera peut-être contesté ; on soutiendra peut-être qu’elle doit faire l’objet d’une loi ; et bien si, après un examen approfondi, cette opinion prévaut, une loi pourra être proposée, mais cette loi, je le répète, ne dérogera pas au traité ; elle fera exception à la loi des droits différentiels. Je prie la chambre de faire attention à cette distinction. Au résumé, nous pensons qu’une loi n’est pas nécessaire ; mais nous ne nous refusons pas à examiner ultérieurement la question ; j’insiste encore sur cette observation que la mesure à prendre est d’administration intérieure et ne regarde aucunement ni le Zollverein ni le traité.
M. Verhaegen – Vous venez, messieurs, de vous convaincre, d’abord, qu’au moyen de la clôture qu’on a provoquée à plusieurs reprises, on a voulu m’empêcher de parler, ensuite qu’en désespoir de cause, lorsque la parole allait m’être accordée, on a cherché à amortir d’avance l’effet de mon discours. C’est M. Mercier qui s’est chargé de cette tâche, mais il est bien loin d’avoir atteint son but.
Puisqu’en il m’est permis de m’expliquer, il m’importe de motiver, en peu de mots, le vote que je me propose d’émettre.
Au début de la discussion, j’hésitais sur le parti que j’avais à prendre, j’étais même assez disposé à voter pour le traité, car je dois le dire avec plusieurs de mes honorables amis, c’est une mesure excessivement grave, celle de refuser son assentiment à une convention internationale.
Mais, messieurs, tout ce que j’ai entendu dans cette discussion déjà très-longue, tout ce qui s’est passé dans le comité secret, et surtout la conduite, sans exemple dans les fastes parlementaires, tenue par le gouvernement belge, me forcent à refuser mon assentiment au traité ; et, en agissant ainsi, je ne m’expose pas même a reproche d’inconséquence qu’un honorable député d’Anvers a osé adresser à ceux qui adoptent le traité tout en blâmant les négociations ; d’ailleurs, quand je pose un fait, je suis dans l’habitude d’en supporter les conséquences.
Messieurs, le discours plein de faits et de raisonnements de l’honorablet M. d'Elhoungne est resté debout ; on n’y a répondu que par des généralités, et on a cherché ainsi à distraire la chambre du véritable état de la question.
L’honorablet M. d'Elhoungne a démontré, à l’évidence, que le traité nous était défavorable au point de vue maritime, agricole, commercial, industriel et politique. Son discours m’a donné une conviction si profonde que je croirais manquer à mon devoir si je votais en faveur du traité.
D’un autre côté, par qui donc le traité a-t-il été défendu ? A l’exception de M. Cogels, les honorables membres qui d’ordinaire appuient le gouvernement, l’ont combattu en cette occurrence et ont désapprouvé en termes énergiques les négociations. Et l’honorable M. Dedecker lui-même, l’ami politique de M. Dechamps et le rapporteur de la section centrale, au lieu de se poser franchement le défenseur du cabinet, s’est borné à faire valoir en sa faveur des circonstances atténuantes ; or, messieurs, dans mon opinion, des circonstances atténuantes ne sont pas des motifs pour sacrifier les intérêts du pays à un intérêt étranger.
Messieurs, deux points principaux vous ont occupé depuis plusieurs jours : d’un côté le transport de nos fers aux conditions stipulées et par le Rhin, et de l’autre, les avantages de toute espèce que nous accordons au Zollverein, et qui ont été longuement énumérés.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit à cet égard ; mais à tous les avantages concédés au Zollverein et qui ont été signalés, il faut en ajouter (page 446) encore un autre qui résulte de l’art. 6, et d’avance je défie le ministère de répondre aux observations que je vais soumettre à la chambre.
M. le ministre des finances vient de présenter un singulier système ; je ne sais si ce système est aussi celui de M. le ministre de l'intérieur et des autres membres du cabinet ; quoi qu’il en soit, M. le ministre des finances vient de vous signaler une nouvelle imprévoyance à joindre à toutes les fautes, à toutes les imprudences et imprévoyances que le ministère a été obligé d’avouer à la face du pays et en présence de la diplomatie étrangère. En effet, ce que M. Mercier allègue pour la justification du gouvernement, prouve précisément que le gouvernement, en donnant son assentiment à l’art. 6, n’en a pas compris la portée ; et ici la faute est impardonnable.
D’après une première assertion de M. Mercier, il y aurait eu moyen de réparer la faute commise, par un simple arrêté royal, assimilant le pavillon belge au pavillon du Zollverein ; mais, bientôt éclairé par une observation d’un de ses collègues, il a abandonné cette thèse, à tous égards insoutenable, pour dire que le gouvernement proposerait immédiatement un projet de loi à l’effet d’abroger certaines dispositions de la loi des droits différentiels. Ainsi, à peine la loi des droits différentiels a-t-elle été votée, qu’il faudra la changer pour sortir de l’impasse où nous a entraînés le ministère par le traité du 1er septembre !
Mais une loi est un futur contingent. Et puis une des deux parties contractantes peut-elle, par une loi à laquelle l’autre ne donne pas son adhésion, changer les stipulations du traité ?
Voyez, messieurs, ce qui peut arriver et ce qui arrivera probablement si le ministère parvient même à obtenir immédiatement de la chambre des modifications à la loi des droits différentiels. Le Zollverein réclamera contre ces modifications ; il viendra vous dire qu’il était convenu qu’on prendrait pour base de la convention la loi des droits différentiels, il invoquera même le dernier paragraphe de l’art. 5 du traité, qui défend, au moins jusqu’en 1848, de changer la législation existante ; il dira qu’il a calculé sur les avantages qui résulteront pour son pavillon de l’art. 6 du traité, abstraction de toute ajoute, de toute explication. Quelle sera alors la conduite du gouvernement belge ? Comme toujours, il reculera devant ce qu’il appelle des faits accomplis.
Voici maintenant la question nettement posée :
L’art. 6 du traité fait jouir le pavillon du Zollverein des avantages attachés et au pavillon belge et à l’origine, alors même qu’il décharge tout ou partie de ses cargaisons dans des ports intermédiaires, c’est-à-dire qu’il fasse usage des entrepôts, tandis qu’aux termes de la loi des droits différentiels, le pavillon belge ne jouit de ces mêmes avantages que pour autant qu’il importe directement des lieux de provenance.
L’art. 6 du traité stipule un avantage pour le pavillon du Zollverein qu’il ne stipule pas pour le pavillon belge ; pour que le pavillon belge fût mis sur la même ligne que le pavillon du Zollverein, il aurait fallu qu’il y eût une dérogation à la loi des droits différentiels avant la conclusion même du traité et que le traité en fît mention.
L’art. 6 du traité est ainsi conçu : (L’orateur donne lecture de cet article.)
Quant à la réciprocité accordée au pavillon belge pour les importations dan le Zollverein, cette réciprocité ne signifie rien, car le Zollverein n’a pas de loi de droits différentiels. Il reste donc vrai que le pavillon du Zollverein jouit d’un avantage dont ne jouit pas le pavillon belge. Et voulez-vous, messieurs, savoir quelles sont les conséquences de cet avantage ? C’est que pour le bois en grume, par exemple, le pavillon belge payera 5 fr. pour les importations indirectes, alors que le pavillon du Zollverein ne payera que 2 fr. ; c’est que, pour les bois sciés, le pavillon belge payera 11 fr. et le pavillon du Zollverein seulement 9 ; pour le chanvre et le lin, le Zollverein ne payera que 50 centimes alors que nous payerons trois francs ; il en sera de même pour les cuirs ; pour les graines de lin nos importations seront frappées de dix francs, alors que le Zollverein ne payera que dix centimes ; pour les graisses, le Zollverein ne payera que 50 centimes, alors que nous payerons 3 francs 50 centimes : tout cela est extrait de la loi des droits différentiels, et si je n’avais pu prendre la parole, tout cela serait passé inaperçu.
Un ministre, qui aurait mis de la bonne foi, de la loyauté, dans cette discussion, serait venu vous dire :
« Le traité laisse ouverte une question importante quant aux importations indirectes par pavillon belge ; il faudra, quoique vous soyez encore très près du jour où vous avez adopté la loi des droits différentiels, la remanier, immédiatement la changer. » Mais non, le ministre voulait taire cette difficulté, et, au moyen de la clôture, il espérait parvenir à me fermer la bouche. Voilà la conduite du gouvernement ; certes, personne n’oserait dire qu’elle est franche et loyale.
Quand enfin je suis parvenu à parler, on a osé répondre par la promesse d’un arrêté royal interprétatif de l’art. 6 ; maintenant ce n’est plus cela.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne recule pas.
M. Verhaegen – Vous dites maintenant qu’il faudra une loi, et il n’y a qu’un instant vous parliez d’arrêté royal.
Encore une fois, mettons de côté ce misérable échappatoire, et voyons quelle est la dernière ressource du ministère ? Il ne lui reste, en définitive, d’autre moyen que d’avouer sa faute, son imprudence, son imprévoyance, et, lâchons le mot, son ineptie ; c’est, en d’autres termes, de faire son mea culpa, comme il l’a fait dans le comité secret, relativement à un autre point non moins important.
Nous allons changer la loi des droits différentiels, s’écrie M. Mercier, et alors le pavillon belge sera traité sur le même pied que le pavillon du Zollverein !!! Vous savez tous, messieurs, combien de temps nous a pris la discussion de la loi des droits différentiels ; c’est une loi à laquelle, d’après le système du gouvernement, il ne fallait pas toucher de longtemps ; et cependant, nous sommes entraînés, par une faute dont le gouvernement se reconnaît coupable, dans la nécessité de la modifier immédiatement. Nous sommes tombés si bas que nous voilà obligés de venir défaire ce qui a été fait laborieusement et solennellement, il y a à peine quelques semaines, et cela pour que notre pavillon puisse éventuellement jouir des avantages accordés au pavillon étranger.
Et vous, mes honorables collègues, qui allez voter le traité, ne perdez pas de vue que ce que l’on vous promet par une loi nouvelle n’est que très-éventuel, car la loi, fût-elle même acceptée par les chambres, pourrait fort bien être repoussée par le Zollverein comme contraire à l’art. 6 du traité qui trouve sa base dans la loi des droits différentiels telle qu’elle existe aujourd’hui. La parole du gouvernement, quant à la présentation d’un projet de loi, est donc insignifiante, et puis qu’est-ce que la parole du gouvernement ?
Vous avez une déclaration de M. le ministre des finances, c’est vrai ; on en demandait même tout à l’heure l’insertion au procès-verbal, mais n’est-ce pas la parodie de ce qui s’est passé le 13 décembre.
M. le ministre de l'intérieur avait aussi fait une déclaration, quant au transport des fontes par le Rhin, et cette déclaration avait été insérée également au procès-verbal du jour. Nous avons vu la conduite de ses collègues à cette occasion ; il était édifiant le rôle que jouait chacun des membres du cabinet, croyant son portefeuille en danger par les mots qui étaient sortis de la bouche de M. Nothomb, leur chef de file ; il était curieux d’entendre les protestations individuelles, les explications entortillées des intéressés. Eh bien, la déclaration de M. Mercier pourrait fort bien un jour avoir le sort qu’a eu la déclaration de M. Nothomb, et celui-ci pourrait fort bien prendre une revanche à l’égard de son collègue des finances ; nous devons l’avouer, elle serait juste et bien méritée ; ce serait au plus fin…
Mais tout cela ne sauve pas les intérêts du pays, et il faut bien qu’avant le vote on sache à quoi s’en tenir sur les allégations du ministère. Il existe une déclaration solennelle et officielle du gouvernement relativement à l’assurance donnée que les fontes belges pourront être transportées par la Meuse et par le Rhin ; cette déclaration faite, il est vrai, par la bouche de M. Nothomb, chef ostensible du cabinet, mais sans contradiction aucune de ses collègues, est-elle aujourd’hui avouée ou désavouée par ces mêmes collègues.
Il faut à cet égard une réponse catégorique. Il ne peut pas être permis aux membres d’un cabinet, qui s’est toujours dit homogène, de se séparer sur une question si grave et si importante. Divers bruits circulent : d’après les journaux allemands arrivés ce matin, l’interprétation favorable au transport par le Rhin, ne pourrait être admise que moyennant de nouveaux sacrifices que s’imposerait la Belgique. Si la déclaration officielle consignée au procès-verbal du 13 décembre n’engageait que la seule position politique de M. le ministre de l'intérieur, l’hypothèque, il faut bien le dire, serait loin d’être rassurante ? Car nous avons vu que les collègues de M. Nothomb, et surtout M. Mercier, s’inquiètent fort peu de celui qui jusqu’à présent a tenu les rênes du gouvernement, et sans lequel cependant ils ne seraient rien. Que ces messieurs débattent leurs intérêts individuels, qu’ils défendent leurs portefeuilles en jouant au plus fin ; mais qu’au moins le pays cesse d’être dupe, et que ceux de nos honorables collègues qui pensent devoir voter pour le traité, sachent à quoi s’en tenir. On ne peut pas se le dissimuler, la responsabilité de chacun de nous est grande et cette responsabilité ne doit être prise qu’en pleine connaissance de cause.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je regrette que l’honorable préopinant soit entré dans les secrets du comité général. Je ne le suivrai pas sur ce terrain ; je ne veux pas compromettre les intérêts publics. J’ai vu, avec regret, l’honorable membre supposer qu’on aurait le droit d’exiger des compensations nouvelles. Je m’attacherai à la question dont il a parlé. Comme il nous a accusé de réticence, je dirai que le préopinant m’a prévenu qu’il avait l’intention d’appeler l’attention de la chambre sur un article spécial du traité. Vainement l’ai-je sollicité de me le faire connaître ; il voulait ménager une surprise à la chambre et au gouvernement. Il usait, à la rigueur, de son droit ; mais j’aurais voulu qu’il suivit la marche adoptée dans d’autres pays constitutionnels, où l’on prévient les ministres des interpellations qu’on veut leur adresser. Ici, on suit une tout autre marche : on réserve les interpellations pour le dernier moment. (Interruption.)
Est-ce que vous n’êtes pas en mesure de répondre sur le sens d’un article ? me dit l’honorable membre. Nous ne serions peut-être pas en état de répondre sur toutes les interpellations possibles que peuvent soulever les articles du traité.
M. Delehaye – Vous l’avez négocié !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Est-ce que, dans un acte quelconque, on a épuisé toutes les hypothèses que peut soulever l’exécution ? Il ne faut pas exiger du gouvernement une prévoyance surhumaine. L’expérience révélera probablement des difficultés nouvelles. Comment ai-je pu deviner l’objection que voulait faire le préopinant ? Il a dit enfin aujourd’hui, en demandant la parole, qu’elle porterait sur l’art. 6. Je me suis empressé de répondre que l’objection avait été signalée au gouvernement, qu’il y sera fait droit. Je n’en étais occupé, parce que l’objection avait été faite. Si l’honorable préopinant m’avait prévenu hier, je l’aurais su encore mieux. Quoi qu’il en soit, je voulais constater cette marche qu’on adopte de ne vouloir communiquer les interpellations qu’on se propose de faire, qu’au dernier moment.
Cette question est-elle autre chose qu’une question intérieure ? Mais ce (page 447) n’est pas autre chose, ce n’est pas une question internationale. Peut-être est-il dans les convenances d’en donner communication à l’autre partie avec laquelle on a ratifié ? Cela se fait par convenance, mais la question est purement de droit intérieur.
M. d’Elhoungne – Et la fin de l’art. 5 ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il paraît qu’on arrive à une autre question.
M. d’Elhoungne – C’est la même !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce n’est qu’une question de dérogation au droit intérieur. Fixons bien l’état de la question ; il est dit dans l’art. 6, que ce qu’on appelle les avant-ports sont assimilés pour les importations aux ports prussiens. Il est évident que cette assimilation doit exister en faveur du pavillon belge. La réciprocité n’avait pas besoin d’être écrite dans le traité. Un grand principe qui domine dans tous les traités, c’est que la partie qui traite ne peut aspirer à des avantages allant au-delà de ceux du pavillon national.
C’est là un principe qui domine toutes les conventions internationales en matière de commerce. (Interruption.) Je n’hésite pas à le dire : consultez tous les ouvrages constatant les applications de traités de commerce, vous reconnaîtrez qu’il n’y a pas de doute sur la question extérieure. Le doute n’est possible que sur un point de légalité. Le gouvernement peut-il déclarer, par arrêté royal, que la loi des droits différentiels sera appliquée en ce sens au pavillon belge ? Ou bien faut-il une loi ? C’est ce qu’on examinera.
S’il faut une loi, elle sera présentée.
M. Verhaegen – On ose m’accusé de surprise, de dissimulation, que sais-je… Je demande à mes collègues, si j’ai jamais mérité ce reproche. J’ai mérité peut-être le reproche contraire, celui d’être trop franc, et de ne pas savoir dissimuler même à l’égard de ceux qui ne vivent que de duplicité !
Je reconnais qu’il m’est arrivé quelquefois d’avoir eu des conversations particulières avec M. le ministre de l'intérieur, comme il m’arrive souvent de causer avec les adversaires politiques en général, car je n’ai jamais pensé que mes adversaires politiques fussent mes ennemis personnels. Mais, d’après ce qui vient de se passer, je devrai désormais m’abstenir de toute conversation avec M. Nothomb : j’avais pensé que ce qui fait l’objet d’une conversation particulière ne pouvait jamais servir d’aliment à une discussion publique ; il semble que je me suis trompé.
M. le ministre de l'intérieur, au sortir de la séance d’hier, me demandait quelle était l’objection nouvelle que je voulais faire contre le traité, et moi de lui répondre, en riant, qu’il la connaissait aussi bien que moi ; en effet, pouvais-je supposer que le ministère avait consenti à signer un traité sans en avoir pesé tous les termes, sans en avoir calculé toutes les suites ? et cependant M. Nothomb est venu m’accuser de surprise parce que je lui aurais refusé prétendument de lui faire connaître la portée de mon objection !!!
Au reste, un des collègues de M. le ministre de l'intérieur vient de lui donner un démenti ; car ce collègue a prétendu que, lui, il connaissait l’objection.
Puisque j’ai la parole, j’ajouterai que la fin de l’art. 5 du traité défend au gouvernement, au moins jusqu’en 1848, d’apporter aucun changement à la législation existante. Nous sommes donc liés contractuellement à conserver le statu quo. Ainsi, le ministère, en promettant de changer la législation sur les droits différentiels, a fait une promesse qu’il ne pourra pas tenir.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Lorsque hier l’honorable membre a déclaré qu’il avait une objection à faire contre un article du traité, je me suis approché de son banc, et je lui ai demandé de me faire connaître cet article. Vous voyez qu’il ne s’agit pas là de conversation particulière.
L’art. 5 ne renferme pas une interdiction telle que vient de le dire l’honorable membre. Il suffit de le lire pour s’en convaincre.
Plusieurs membres – La clôture !
M. d’Huart – Je ne m’oppose pas précisément à la clôture. Mais avant de voter pour le traité, j’aurais désiré m’expliquer en peu de mots sur sa portée politique. (Parlez ! parlez !)
Ainsi que l’a dit un honorable membre, au commencement de cette séance, le rejet d’un traité serait un fait extrêmement grave. Il faudrait, pour cela, que les concessions faites à l’Etat avec lesquels on a traité, fussent évidemment au-dessus des concessions qu’on en aurait obtenues, qu’il en résultât un préjudice notable pour les intérêts généraux du pays. Je ne crois pas qu’il en soit ainsi dans le traité qui nous occupe. J’aurais désiré que ce traité contînt des stipulations plus favorables à la Belgique, et il est certaines dispositions que je regrette d’y voir insérées. Mais, d’un autre côté il contient des dispositions évidemment favorables à la Belgique.
Il faut bien se rendre compte de ceci : c’est qu’un gouvernement ne traite pas seul, mais avec un autre pays, qui a sa volonté, ses intérêts à mettre dans la balance.
Je voterai donc pour le traité ; mais il est une condition que je mets personnellement à son approbation.
Si ce traité devait avoir la portée politique que plusieurs orateurs ont semblé vouloir lui donner, s’il devait avoir pour résultat de nous lancer dans une alliance intime avec l’Allemagne, et de nous brouiller avec la France, à de telles conditions, je ne voterais pas pour le traité.
Aussi, je reconnais avec empressement que telle n’est pas l’intention du gouvernement.
Je suis convaincu que nous devons chercher à avoir de bonnes relations avec la France, à les étendre autant que possible. Je ne veux pas d’obstacles à ces bonnes relations. Mais je ne pense pas que le traité en soit un. Dès lors, par les considérations que j’ai brièvement indiquées, je voterai en faveur du traité.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant nous a rendu justice en supposant que nous nous étions d’avance associés à la déclaration qu’il vient de faire.
Nous souhaitons que personne ne puisse prendre le change sur les paroles qui ont été prononcées dans cette discussion assez longue et souvent animée. Hier, j’ai exprimé des regrets et des craintes ; je serais désolé que les honorables membres à qui je m’adressais trouvassent quoi que ce fût de blessant dans mes observations.
Mais qu’il me soit encore permis d’expliquer une assertion souvent émise.
Beaucoup d’orateurs ont supposé que la France avait défait pièce par pièce la convention du 16 juillet, l’avait mise en lambeaux. Ce sont des figures de rhétorique. La convention du 16 juillet n’a pas été mise en lambeaux pièce par pièce ; elle est restée intacte. Mais il y a un fait que j’ai déjà éclairci, et que je veux expliquer de nouveau.
Le gouvernement français, depuis la convention du 16 juillet, a rendu une ordonnance relative à la fourniture des toiles destinés à l’armée. Mais, avant la convention du 16 juillet, il avait été admis dans ses cahiers des charges que les toiles françaises seraient seules admises à l’approvisionnement de l’armée. Les entrepreneurs fraudaient. C’est pour se prémunir contre cette fraude que le maréchal, président du conseil, ministre de la guerre, a soumis au roi des Français, une ordonnance portant qu’à l’avenir les toiles destinées à l’approvisionnement de l’armée porteraient une raie en coton rouge. Pourquoi ? Parce que le coton est prohibé à l’entrée, et que dès lors toute toile portant une raie de coton rouge serait refusée à l’entrée.
C’est donc une précaution nouvelle que le gouvernement français a prise depuis la convention du 16 juillet. Mais il est vrai de dire qu’auparavant tous les cahiers des charges portaient que les toiles françaises étaient seules admises pour l’approvisionnement de l’armée.
La France a déclaré qu’elle n’avait entendu, par la convention du 16 juillet, nous donner que le statu quo. Voilà l’explication que je tenais à donner, parce que vous savez que ce qui se dit ici est entendu ailleurs.
Plusieurs membres – La clôture.
M. Verhaegen – Je demande la parole contre la clôture, pour que le ministère réponde à mon interpellation. Je voudrais savoir si les collègues de M. le ministre de l'intérieur, approuvent, oui ou non, sa déclaration du 13 décembre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous nous sommes expliqués suffisamment dans deux séances sur tous ces faits.
Une responsabilité pèse sur nous. Pour qu’elle soit intacte, nous demandons qu’on ne porte pas à la connaissance du public ce qui doit rester secret. S’il en est ainsi, nous acceptons toutes les chances de l’avenir. S’il en est autrement, nous responsabilité n’est plus entière.
Plusieurs membres – Aux voix ! aux voix !
M. d’Elhoungne – Je demande à la chambre la permission de certifier un fait relatif à la convention du 16 juillet 1842. Cela peut avoir quelque gravité. (Parlez !parlez !)
M. le ministre a dit que la convention du 16 juillet a été exécutée dans toutes ses parties par la France. Il y a ajouté que, postérieurement à la convention du 16 juillet, il a été rendu, sur la proposition du maréchal Soult, une ordonnance portant que les toiles pour l’approvisionnement de l’armée et de la marine doivent avoir une raie de coton rouge.
Cette ordonnance, il ne faut pas le perdre de vue, est la conséquence de la loi du 6 mai 1841, relative au tarif ; car immédiatement après l’amendement de Lespaul, on a inséré un article portant que les toiles marquées d’un fil de coton seraient frappées d’une surtaxe.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. Dumortier – J’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau une proposition ayant pour objet d’obtenir communication des notes relatives aux engagements pris au sujet du retrait par la Belgique de l’arrêté royal sur les droits de navigation et le remboursement du droit de navigation sur l’Escaut.
M. le ministre des affaires étrangères a répondu qu’il y avait une lettre du 7 septembre. Je ferai remarquer que le traité avait été signé le 1er septembre, que, par conséquent, la lettre était postérieure de sept jours.
Quoi qu’il en soit, puisque la chambre paraît si pressée d’en finir, je crois devoir ajourner ma proposition, me réservant de provoquer à ce sujet la discussion à notre rentrée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – M. le ministre des affaires étrangères vous a dit que c’est une lettre du 7 septembre qui annonçait que le 9 la surtaxe viendrait à tomber. J’ai exprimé mes regrets tout à l’heure de ce que nous n’ayons pas pu être prévenus de toutes les interpellations ; nos réponses seraient beaucoup plus précises…
Plusieurs membres – Il y a clôture ! Aux voix !
M. Devaux – Cela s’adresse à moi ; je demande à répondre.
Je ne croyais pas que je fusse tenu à informer M. le ministre de l'intérieur que je l’interrogerais sur le sens d’un article formel du traité, article où l’honneur national est le plus intimement engagé ; les explications de M. le ministre sont restées sans valeur aucune. Car qu’ai-je dit ? la Belgique s’est humiliée ; elle s’est engagée solennellement par le traité du 1er septembre à retirer ses représailles. Que répond-on ? Il y a une lettre du 7 septembre qui annonce le retrait du rescrit prussien. Mais l’humiliation précisément est dans la non simultanéité du retrait des mesures qui avaient été prises de part et d’autre. C’est que vous vous êtes engagés solennellement par le traité à retirer les représailles avant que la Prusse ait rien promis ; qu’elle a (page 448) semblé nous dire : Quand vous m’aurez fait réparation complète, je verrai ce que j’ai à faire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’engagement de la Prusse était même antérieur au traité. Il était dit dans le rescrit du cabinet de Berlin du 21 juin que la surtaxe sur les fers viendrait à tomber, dès que le gouvernement de la Belgique aurait rétabli le statu quo. (La clôture ! la clôture !)
M. le président – La chambre a prononcé la clôture. Je ne puis laisser continuer cette discussion.
M. Devaux – Je demande à rectifier un fait. (La clôture ! la clôture !) Je le demande au nom de l’honneur national !
M. le président – M. Devaux, je vous ai laissé répondre à M. le ministre de l'intérieur qui avait dit quelques mots. Lorsque M. le ministre a voulu répliquer, je l’ai interrompu.
Les antécédents de la chambre sont ceux-ci :
Lorsqu’un projet de loi ne contient qu’un seul article, la discussion générale comprend la discussion sur l’article, et on vote aussitôt par appel nominal sur l’ensemble du projet. J’aurais donc dû m’opposer à ce que personne prît la parole après que la clôture a été prononcée.
Je demande que la chambre en revienne à ses antécédents. Si je vous accorde la parole, je devrai laisser répondre M. le ministre et d’autres membres.
M. Devaux – M. le président, M. le ministre vient de parler, et il est dans les précédents de la chambre de toujours laisser répondre à un ministre.
Du reste, je ne veux pas rentrer dans la discussion. Je veux vous donner lecture d’un texte de quatre lignes.
M. le président – Permettez que je consulte l’assemblée.
- L’épreuve étant douteuse, la parole est accordée à M. Devaux.
M. Devaux – M. le ministre de l'intérieur vient de vous dire que la Prusse ne devait pas s’engager dans le traité à retirer les représailles, parce que le rescrit du cabinet prussien, qui ordonnait ces représailles, déclarait qu’elles viendraient à cesser en même temps que les mesures qui les avaient amenées.
Eh bien, l’arrêté qu’avait pris le gouvernement belge portait aussi que les représailles cesseraient lorsqu’il y aurait une convention avec la Prusse. Si donc c’était là une raison pour que la Prusse ne dût pas stipuler avec nous le retrait de la mesure qu’elle avait prise contre nous, c’en était une aussi pour que nous ne stipulassions pas avec elle le retrait de celle par laquelle nous lui avions riposté.
Voilà l’arrêté de représailles du gouvernement belge :
« Art. 1er. les navires prussiens seront soumis dans les ports belges aux droits de tonnage et de pilotage dont sont passibles, aux termes des lois et règlements en vigueur, les navires étrangers non favorisés.
« Le remboursement du péage de l’Escaut est suspendu à l’égard des navires prussiens.
« Art. 2. Les dispositions qui précèdent cesseront leur effet le jour où il interviendra un arrangement entre la Belgique et la Prusse. »
Vous voyez que si la Prusse n’avait pas besoin de retirer, par une stipulation expresse, son rescrit, il n’était pas plus besoin de cette stipulation pour la Belgique, et que, par conséquent, l’humiliation a été aussi gratuite que profonde.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La question est celle-ci : il y avait engagement de la part du cabinet prussien de faire tomber la surtaxe aussitôt que la Belgique rétablirait le statu quo ; et cet engagement était pris dans le rescrit du 21 juin portant : « Cette dernière disposition cessera d’être en vigueur, si celle qui y a donné lieu de la part du gouvernement de Belgique vient à tomber. »
Vous voyez donc que l’engagement était préexistant de la part du gouvernement prussien. Pourquoi n’a-t-on pas également mentionné dans le traité du 1er septembre cette disposition ? Je viens de vous donner cette explication. Ce n’est qu’une question de forme.
- La discussion est close.
L’article unique du projet est mis aux voix par appel nominal.
83 membres prennent part au vote.
76 votent l’adoption.
7 votent le rejet.
En conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pison, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Cogels, Coghen, Coppieters, de Baillet, de Brouckère, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, Deprey, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, Desmaisières, de Terbecq et Liedts.
On voté le rejet : MM. Manilius, Savart, Verhaegen, Castiau, Delehaye, d’Elhoungne et Desmet.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je viens un peu tardivement, peut-être, présenter à la chambre un projet de loi tendant à accorder au département des travaux publics, des crédits provisoires jusqu’à concurrence de 2,023,000 francs.
Je demanderai à la chambre de bien vouloir discuter ce projet de loi dans la séance de ce jour.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. Il est renvoyé à l’examen de la section centrale pour le budget des travaux publics.
Cette section se retire immédiatement dans le bureau de la présidence.
M. le président – Je dois maintenant consulter la chambre sur l’ordre dans lequel elle veut mettre en discussion les différents projets de loi qui se trouvent à son ordre du jour.
M. Fallon – Je propose à la chambre de s’occuper d’abord du projet de loi accordant un crédit provisoire au département de la guerre.
- Cette proposition est adoptée.
Le projet de loi est ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit provisoire de sept millions de francs (fr. 7,000,000), à valoir sur le budget des dépenses de l’exercice 1845, dudit département.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
Personne ne demandant la parole, ces deux articles sont mis successivement aux voix et adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 67 membres présents.
M. de Brouckere – Je crois, messieurs, qu’il nous est impossible de voter, avant notre séparation, d’autres projets que ceux qui sont réellement urgents et qui ne doivent pas donner lieu à discussion. Or, je crois qu’on ne peut pas ranger dans cette classe le projet relatif à la promulgation des lois, car je suis persuadé qu’il donnera lieu à une discussion plus ou moins longue ; le budget de la marine nous prendrait également assez de temps ; il en est de même du projet de loi concernant les étrangers, qui n’est d’ailleurs pas très-urgent. (Interruption.) Je dis que cette loi n’a pas un très-grand caractère d’urgence ; la loi qu’il s’agit de proroger est en vigueur jusqu’au 17 janvier…
Des membres – Jusqu’au 1er janvier.
M. de Brouckere – Eh bien, alors même que vous resteriez quelques jours sans pouvoir expulser des étrangers, le pays ne serait pas en danger. Les deux lois les plus urgentes sont celle qui est relative aux péages sur les canaux et rivières, et celle qui concerne le transit. Je demanderai donc que l’on commence par là, sauf à voter ensuite la loi sur les étrangers, si nous en avons le temps.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je regretterais vivement que la chambre ne voulût pas discuter, avant de se séparer, la loi relative à la promulgation des lois et arrêtés ; cette loi est importante, à la vérité, mais je ne pense pas qu’elle donne lieu à une longue discussion.
Des membres – Si ! si !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Il serait d’autant plus fâcheux que cette loi ne pût être votée, que les contrats pour l’impression du Moniteur et du Bulletin officiel n’ont pas été renouvelés pour un an, et que si on les renouvelait pour un an, l’exécution de la loi projetée se trouverait retardée pour longtemps.
Je considérerais cet ajournement comme un très-grand mal ; je crois que le projet soumis à la chambre est très-utile, et peut seul donner à la publication des lois et arrêtés une célérité et une régularité convenables.
Je demande également que la chambre veuille bien voter la loi relative aux étrangers, cette loi ne donnera également lieu à aucune discussion, car la section centrale propose de proroger la loi, purement et simplement pour trois mois seulement, et je me suis rallié à l’amendement de la section centrale.
Il y a encore deux projets dont je demande que la chambre s’occupe maintenant, ce sont ceux qui tendent à accorder des crédits supplémentaires au département de la justice. L’un de ces projets n’a pour objet qu’une régularisation ; mais il importe de la faire avant la fin de l’année, parce qu’il s’agit de l’exercice de 1842 qui sera clos au 31 décembre.
M. de Brouckere – Je propose de commencer par les projets relatifs aux péages et au transit, de voter ensuite la loi relative aux étrangers, et enfin les crédits pour le département de la justice.
M. le président – Nous aurions déjà voté deux de ces lois sans la discussion qui vient d’avoir lieu.
Plusieurs membres – C’est très-vrai.
M. de Man d’Attenrode – Je demande qu’il y ait une séance ce soir afin que nous puissions terminer les objets à l’ordre du jour.
- Cette proposition est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
La chambre passe à la discussion du projet de loi relatif aux péages sur les canaux et rivières. L’article unique de ce projet est ainsi conçu :
(page 449) « La loi du 30 juin 1842 (Bulletin officiel, n°51) est prorogée jusqu’au 31 décembre 1845, inclusivement. »
M. Pirmez – Je n’ai qu’une seule observation à faire. Je dois engager le gouvernement, comme le fait la section centrale, à réduire les droits sur les fers et à faire cesser les exceptions qui existent sur certaines voies navigables, relativement aux engrais. Sur les routes et sur certaines voies navigables, les engrais sont exempts de droits ; sur d’autres, ils ne jouissent d’aucune exemption. Il serait désirable que le gouvernement pût prendre un mesure générale à cet égard et qui fût favorable à l’agriculture.
M. Osy, rapporteur – Messieurs, la section centrale s’est occupée de deux demandes : l’une relative aux fers, l’autre concernant les engrais ; elle a exprimé le voeu que le gouvernement examinât s’il ne serait pas possible d’accorder une réduction aux fers destinés à l’exportation. En ce qui concerne les engrais, nous avons pris des renseignements dont il résulte que, sur quelques canaux, les engrais payent encore un droit de transport ; je demande que le gouvernement examine s’il n’est pas juste de mettre toutes les localités sur le même pied.
Il me reste une observation à faire. Nous n’avons pas eu le temps d’examiner avec attention la note que le gouvernement nous a fournie, relativement à la sortie de la houille. Je crois qu’il ne faut pas attacher trop de prix aux renseignements que renferme cette note, car le gouvernement nous a dit lui-même qu’il ne pouvait pas répondre de l’exactitude des calculs qui ont servi de base à la rédaction de cette note. J’engage le gouvernement à examiner de nouveau les renseignements qu’il a fournis à cet égard à la section centrale. Je recommande aussi à M. le ministre de l'intérieur la question des fers et des engrais.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet qui est adopté à l’unanimité par les 71 membres présents.
L’article unique de ce projet est ainsi conçu :
« Le terme de la loi du 18 juin 1842 (Bulletin officiel, n°400), qui autorise le gouvernement à modifier le régime d’importation en transit direct et en transit par entrepôt, est prorogé du 31 décembre 1844 au 31 décembre 1845. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Conformément au vœu exprimé par la section centrale, je présenterai un projet définitif.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet qui est adopté à l’unanimité par les 71 membres présents.
Il est procédé à l’appel nominal pour le vote sur l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 71 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.
Ce projet est ainsi conçu :
« Art. 1er. Un crédit supplémentaire de quatre-vingt-six mille francs (fr. 86,000) est ouvert au chap. IV, art 1er (frais de justice) du budget au département de la justice, pour l’exercice 1842. »
« Art. 2. Un crédit supplémentaire de trente-cinq mille deux cents francs (fr. 35,200) est ouvert au même budget, chapitre X, art. 1er (frais d’entretien des détenus). »
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles qui sont l’un et l’autre adoptés successivement sans discussion.
On procède à l’appel nominal.
La loi est adoptée à l’unanimité des 70 membres qui ont pris part au vote ; elle sera transmise au sénat.
La section centrale propose d’adopter une loi temporaire en ces termes :
« Article unique. La loi du 25 décembre 1841 concernant les étrangers résidant en Belgique, est prorogée jusqu’au 1er avril 1845. »
Le gouvernement déclarer se rallier à cette proposition.
Personne ne demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal pour le vote sur l’ensemble de la loi.
La loi est adoptée par 63 voix contre 3 (celles de MM. Delfosse, Lesoinne et Verhaegen). Elle sera transmise au sénat.
M. Mast de Vries, rapporteur – Messieurs, la section centrale a examiné la proposition qui a été faite par le gouvernement, et tendant à obtenir un crédit provisoire pour le service du département des travaux publics. La section centrale vous propose, messieurs, d’allouer ce crédit, puisqu’il n’est pas possible de voter le budget du département des travaux publics avant le 1er janvier ; toutefois elle propose d’allouer globalement le crédit sans établir une division par articles. Le projet serait dès lors ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics un crédit provisoire de deux millions vingt-trois mille deux cent trente-neuf francs (2,023,239 fr.) pour faire face aux dépenses des deux premiers mois de l’exercice 1845. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1845. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le gouvernement se rallie à la proposition de la section centrale.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je n’ai pas d’observations à faire sur le projet de loi ; mais j’ai demandé la parole pour faire connaître à la chambre que la section centrale chargée de l’examen du budget du ministère des travaux publics a presque entièrement terminé ses travaux, et que, dans les premiers jours après la rentrée, le rapport sur ce budget pourra être déposé.
- Personne ne demandant plus la parole, les deux articles du projet de loi sont successivement mis aux voix et adoptés.
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
Le projet est adopté à l’unanimité des 63 membres qui ont répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
Plusieurs membres – Il faudrait maintenant fixer le jour auquel la chambre veut s’ajourner.
M. le président – Nous avons encore un projet de loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La chambre est dans l’habitude, à cette époque de s’ajourner à trois semaines environ, ce serait au 14 janvier. La chambre peut d’autant plus agir ainsi cette année, que l’ouverture de la session a été anticipée de trois semaines.
Je propose l’ajournement au 14 janvier.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président – La convocation aura lieu pour le 14 janvier à l’heure fixée par le règlement.
L’ordre du jour sera le budget de la marine et les autres projets de loi.
Il reste plusieurs objets à voter ; d’abord le crédit de 18 mille francs demandé pour le département de la justice.
La section centrale qui a examiné le projet, n’a pas fait d’amendement, comme vous avez pu le voir par ce rapport.
L’article unique est ainsi conçu :
« L’art. 3 du chap. 1er (matériel de l’administration centrale) du budget du ministère de la justice est augmenté de 18 mille francs, et sera ainsi porté pour le même exercice à 38 mille fr. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet.
Il est adopté à l’unanimité des 60 membres qui ont répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
M. le président – Nous avons un feuilleton de demandes en naturalisation sur lesquelles il y a urgence de prendre une décision.
Il est procédé à l’appel nominal sur ces demandes en naturalisation.
En voici le résultat :
Bulletins trouvés dans l’urne 54.
Majorité, 28.
Corneille-Fridses Gaukema, capitaine de navire, né à Oldehove (Pays-Bas), le 4 août 1790, a obtenu 54 voix.
Etienne-François Charvet, maréchal-des-logis au 2e régiment de lanciers, né à La Clayette (France), le 7 vendémiaire an VIII, a obtenu 50 voix.
Guillaume Smulders, marchand de bestiaux, né à Tilburg (Pays-Bas), le 22 octobre 1812, a obtenu 48 voix.
Rodolphe Werder, caporal-tambour au 7e régiment d’infanterie, né à Lupfick (Suisse), le 10 janvier 1798, a obtenu 49 voix.
Joseph Classen, sergent au 3e régiment de chasseurs à pied, né à Heinsberg (Prusse), le 6 janvier 1806, a obtenu 48 voix.
Vincent Tyszkiewicz, réfugié polonais, né à Rol (Pologne), en 1795, a obtenu 53 voix.
Antoine-Charles Gauchin, major au 5e régiment d’infanterie, né à Paris, le 21 frimaire an X, a obtenu 51 voix.
Albert Feidel, sous-lieutenant au 2e régiment des chasseurs à pied, né à Hesse-Cassel, le 25 octobre 1806, a obtenu 51 voix.
Jacques-Guillaume Echardt, capitaine au 9e régiment d’infanterie, né au cap de Bonne-Espérance, en décembre 1799, a obtenu 51 voix.
Joseph Fixe, sous-lieutenant au 5e régiment de ligne, né à Bourbonne (France), le 3 germinal an XII, a obtenu 51 voix.
Albert-Charles Denu, lieutenant-colonel commandant de place, né à Caplè (Hanovre), le 3 janvier 1796, a obtenu 52 voix.
Joseph-Barthelemy Caprès, sous-brigadier des douanes, né à Ditzum (Pays-Bas), le 7 juin 1811, a obtenu 50 voix.
Etienne Goubeau, brigadier garde-champêtre, né à Uzès (France), le 17 août 1777, a obtenu 50 voix.
Tous les demandeurs ayant réuni plus de la majorité des suffrages, leurs demandes sont prises en considération. Elles seront transmises au sénat.
M. le président – Il va être procédé au tirage au sort de la grande députation chargée de complimenter LL. MM. le Roi et la Reine, à l’occasion du jour de l’an.
Les membres désignés par le sort sont MM. de Terbecq, Vilain XIIII, d’Hoffschmidt, de Theux, de Florisone, Desmet, de Baillet, Sigart, Jadot, de la Coste et Eloy de Burdinne.
- La séance est levée à 3 heures et demie.