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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 11 décembre 1844

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 322) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Plusieurs bourgmestres et conseillers communaux des cantons d’Andenne et de Huy et différents propriétaires et industriels de ces localités et de l’arrondissement de Huy, demandent la construction de la route de Wavre à Huy, avec embranchement sur Andenne. »

M. de Garcia – Messieurs, cette pétition a pour objet de demander quelques communications dans une partie de la province de Namur et de la province de Liége, qui est pour ainsi dire privée de toutes routes pour arriver à la Meuse. Cependant, le pays est généralement doté des voies de communications extrêmement multipliées. Il y aurait injustice à refuser ce qui est demandé par plusieurs communes du canton de Huy et des environs, de canaux, de chemins de fer, etc., etc.

Je demande donc que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport pour que, lors de la discussion du budget des travaux publics, nous puissions apprécier la portée de cette demande et faire auprès du gouvernement les sollicitations nécessaires pour obtenir justice et satisfaire aux besoins des localités qui réclament.

- Le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport, est adopté.


« Les sieurs Regaldin et Halleux, maîtres de poste, présentent des observations contre un mémoire annexé au premier projet de loi sur la poste aux chevaux. »

M. Rodenbach – On a déposé hier une pétition des maîtres de poste de Furnes et de la banlieue. J’entends qu’on fait aujourd’hui l’analyse d’une pétition d’autres maîtres de poste. Je désirerais que ces requêtes fussent renvoyées à la commission des pétitions avec demande d’un très-prompt rapport.

Le prédécesseur de M. le ministre des travaux publics nous avait présenté un projet de loi sur la poste aux chevaux ; mais il paraît que ce projet de loi a été retiré par M. le ministre actuel. Je crois, messieurs, qu’il s’agit d’une fusion entre la poste aux chevaux et la poste aux lettres ; on parle de la présentation d’un projet de loi dans ce sens. La discussion du rapport qui nous sera fait sur les pétitions des maîtres de poste, sera une occasion pour provoquer la présentation de ce projet de loi de la part de M. le ministre des travaux publics.

M. le président – Le projet de loi sur la poste aux chevaux n’a pas été retiré ; il a été remplacé par un autre projet, pour l’examen duquel une commission a été nommée. Comme les pétitions de maîtres de poste se rattachent à ce second projet, ne vaudrait-il pas mieux les renvoyer à la commission chargée de l’examiner ?

M. Rodenbach – J’adhère très-volontiers à ce renvoi.

M. Donny - J’ai demandé la parole pour appuyer la réclamation que vient de faire l’honorable M. Rodenbach. Pour quelques-uns des maîtres de poste, la position actuelle est réellement devenue intolérable.

La chambre a décidé qu’on renverrait à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur les postes, les pétitions de maîtres de poste, qui nous sont arrivées jusqu’à aujourd’hui. Comme je viens d’en recevoir une nouvelle, signée par les maîtres de poste d’Ostende et de Furnes, je demande qu’elle soit également renvoyée à la commission.

- La chambre décide que la pétition dont il a été fait analyse et celle que vient de déposer l’honorable M. Donny seront renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la poste aux chevaux.


« Les médecins et chirurgiens de la ville et de l’arrondissement de Verviers demandent l’abolition du droit de patente auquel sont assujettis ceux qui exercent l’une des branches de l’art de guérir. »

M. Lys – Messieurs, la pétition dont on vient de vous présenter l’analyse est signée par la très-grande majorité des médecins et des chirurgiens du district de Verviers. Ils demandent d’être exemptés du droit de patente comme ceux qui exercent une profession libérale, les avocats, les professeurs, les artistes. Je crois, messieurs, que si ces derniers continuent à être exemptés du droit de patente, les médecins et les chirurgiens doivent jouir de la même faveur.

Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

M. le président – D’autres pétitions du même genre ont été renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur les patentes.

M. Lys – En ce cas, je consens à ce que la pétition dont il vient d’être fait l’analyse soit renvoyée à la même commission

- La pétition est renvoyée à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les patentes.


(page 323) « Le sieur Gaillot, ancien soldat, déchu de la qualité de Belge pour avoir pris du service à l’étranger, demande à être relevé de la déchéance. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Nicolas Pigières demande la mise en liberté du nommé Charles Lignan, détenu au dépôt de mendicité de Rekheim ».

- Même renvoi.


« Par message, en date du 10 décembre, M. le ministre de la justice adresse à la chambre diverses demandes en naturalisation, accompagnées de renseignements relatifs à chacune d’elles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par message, en date du 10 décembre, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi autorisant le gouvernement à faire l’échange, à Londres, des titres de l’emprunt soumis à la conversion. »

- Pris pour notification.


« M. David informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances. »

- Pris pour notification.


« Par lettre, en date du 11 septembre, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre le procès-verbal des opérations qui ont eu lieu, le 10, à Turnhout, pour l’élection d’un membre de la chambre des représentants, en remplacement de M. de Nef. »

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Turnhout

M. le président – Il va être procédé au tirage au sort de la commission chargée de la vérification des pouvoirs de M. Albéric Dubus, nommé en remplacement de M. de Nef.

Cette commission se compose de MM. Wallaert, de Mérode, Pirmez, de Man d’Attenrode, Pirson, Lange, Sigart et Morel-Danheel.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre V. Palais de justice

Article 2

M. de Man d’Attenrode (pour une motion d'ordre) – Messieurs, hier, lorsque la chambre étourdie par les propositions du gouvernement, qui tendent à faire plusieurs millions de dépenses peu urgentes, et augmenter les charges des contribuables, le chiffre de 50,000 fr. proposé en faveur du palais de justice de Gand, nous a, en quelque sorte, échappé, et a passé au nombre des articles adoptés.

Je n’entends pas mettre cet acte en question, tel n’est pas le but de ma motion.

Mais j’ai une interpellation à faire à M. le ministre de la justice.

Comme les conditions nécessaires pour liquider les 50 mille francs votés l’an passé, pour le même objet, n’avaient pas été remplies, M. le ministre ne s’est pas cru fondé à accorder cette somme à la ville de Gand.

J’ai remarqué, dans l’exposé des motifs de la section centrale, la phrase suivante :

« M. le ministre a ajouté qu’il saisira l’occasion de la discussion de cet article du budget, pour connaître les intentions de la chambre relativement aux 50 mille francs votés au budget de 1844. »

Il me semble qu’il serait convenable que l’honorable ministre s’expliquât sur ce chiffre, qu’il nous dise s’il se croit fondé, par le vote d’hier, à l’accorder à la ville de Gand.

Quant à moi, je ne le pense pas, car le vote d’hier concerne l’exercice 1845, et ne peut avoir aucune portée sur l’exercice 1844.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, le chiffre pour le palais de justice de Gand a été voté hier par la chambre, et, comme le dit l’honorable préopinant, il n’y a pas lieu de revenir sur le vote qui a été émis, et qui l’a été après que l’honorable M. Cogels eut pris la parole et fait quelques observations relativement à l’objet en discussion.

Messieurs, le chiffre qui a été voté hier, l’a été sans aucune condition ; il a été voté tel que le gouvernement l’a demandé.

L’art. 2 du chap. 5 est libellé comme suit : « Supplément de subside à verser dans la caisse communale de Gand à cause de la construction du palais de justice : fr. 50,000 »

Il est donc évident, messieurs, que je puis disposer en faveur de la ville de Gand des 50,000 fr. votés hier, et dont l’allocation n’a été subordonnée à aucune condition à remplir par la province.

Il n’en est pas de même, messieurs, du subside de l’année dernière ; l’année dernière, le libellé de l’article portait : « Supplément de subside à verser dans la caisse communale de Gand pour la construction du palais de justice, à charge par la province de fournir une pareille somme. ». Or, messieurs, la province n’a point, jusqu’à présent, rempli cette condition ; la province a résolu de céder à la ville de Gand des bâtiments dans lesquels se trouve maintenant le tribunal de première instance, et je pense, le tribunal de commerce : mais la province n’a pas cédé ces bâtiments purement et simplement, elle y a mis la condition que la législature votât encore pendant trois ans consécutives un subside de 50 mille fr. ; la province n’a donc pas rempli la condition sous laquelle la chambre avait accordé le subside de 50 mille fr. et, par conséquent, je n’ai pas cru qu’il me fût permis de me dessaisir de ces 50 mille fr. Je persiste dans cette opinion et je ne croirai pas pouvoir proposer au Roi d’allouer les 50 mille fr. votés en 1844, si, dans sa prochaine session, le conseil provincial ne revient pas sur la résolution par laquelle il a subordonné la cession des bâtiments dont il s’agit, à la condition que les chambres votassent pendant trois années un subside de 50 mille fr.

Messieurs, dans le rapport de la section centrale sur le budget que nous discutons, il est dit les 50,000 fr. doivent être alloués comme dernier subside ; mais la section centrale n’ayant pas formulé de proposition à cet égard, la chambre n’a voté que sur la proposition du gouvernement. Le rapport de la section centrale ne lie pas la chambre, elle n’a point voté sur ce rapport, mais elle a adopté purement et simplement la proposition du gouvernement. Je crois donc que je pourrai allouer à la ville de Gand les 50,000 votés hier par la chambre ; mais, quant aux 50,000 fr. votés l’année dernière, je devrai attendre, pour m’en dessaisir, que la province remplisse la condition sous laquelle ils ont été accordés par les chambres.

M. Savart-Martel – Messieurs, la section centrale, en proposant l’année dernière 50,000 fr. y avait apposé une condition : que la province fournirait pareille somme. Nous pensons que la somme de 50,000 fr. n’a réellement été allouée que sous cette condition par la loi budgétaire de 1844.

Lorsque cette année on s’occupa du budget de 1845, la section centrale, informée que la province n’avait point rempli la condition, crut d’abord devoir refuser de nouveaux subsides ; mais considérant que la province offre de céder à la ville de Gand un bâtiment destiné à l’école du génie, la section centrale a cru qu’il y avait lieu à faire quelque chose encore ; cependant ne voulant pas obliger l’Etat à fournir encore des subsides par la suite, la section centrale n’a alloué le chiffre de 50,000 fr., que comme dernier subside. Cela est écrit positivement dans le rapport ; on n’a pu s’y tromper.

M. le président – Je dois faire observer qu’il n’y a qu’une seule chose en discussion, relativement aux 50,000 fr. qui ont été votés hier, c’est la motion de M. de Man d’Attenrode tendant à savoir quelle destination le gouvernement entend donner au subside de même somme qui figure au budget de 1844.

M. Vilain XIIII – M. le ministre de la justice vient de dire qu’il ne délivrera pas à la ville de Gand les 50,000 fr. votés l’année dernière, parce que le conseil provincial n’a pas rempli l’obligation qui lui était imposée par la loi du budget ; M. le ministre a fait entendre que la question serait de nouveau soumise au conseil provincial dans la prochaine session ; mais si le conseil provincial ne donnait rien pour l’objet qui nous occupe, M. le ministre se trouverait-il autorisé à délivrer à la ville de Gand les 50,000 fr. portés au budget de l’année 1845 ? (M. le ministre de la justice fait un signe affirmatif.)

Ainsi la chambre doit bien savoir que même dans le cas où la province n’accorderait rien, M. le ministre de la justice n’en délivrera pas moins les 50,000 fr. votés hier, par suite d’une espèce de surprise.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – L’honorable membre dit que la chambre a été surprise. Je ne le pense pas ; mais ce qui est certain, c’est que la chambre a voté le subside ; un orateur a même été entendu, c’est l’honorable M. Cogels, qui a présenté quelques observations relativement à ce subside ; malgré ces observations, le chiffre a été voté. Maintenant, je me demande, si, en présence de ce vote, si en présence du budget qui va devenir une loi, il me sera permis de refuser à la ville de Gand un subside voté par les chambres ? Il me semble que je n’aurais aucun motif pour en agir ainsi ; une loi aura mis les fonds à ma disposition, pourquoi refuserais-je de m’en dessaisir ? L’année dernière le subside n’a été voté qu’à une condition ; cette condition n’a pas été remplie, et je n’ai pas accordé le subside ; maintenant le subside a été voté sans condition et dès lors je n’ai pas le pouvoir d’imposer une condition à la province. Si la ville de Gand venait me demander les 50 mille francs votés, je ne sais réellement pas sur que je me fonderais pour refuser de faire droit à cette demande. Pour que je ne me trouvasse pas obligé d’accorder le subside, il faudrait que le chambre revînt sur son vote d’hier.

M. le président – Qu’il me soit permis de répéter ce que j’ai dit hier ; il y a eu discussion et vote. (Adhésion.)

M. d’Huart – Je pense que M. le ministre de la justice pourrait très-bien, s’il le voulait, imposer des conditions convenables pour la garantie du bon emploi de cette somme

Mais, puisque M. le ministre se croit lié par le vote de la chambre, il nous reste un moyen : c’est d’adopter une disposition additionnelle, qui explique à quelles conditions ce subside est alloué. Je suis disposé à proposer, au 2e vote, une rédaction dans ce sens, car je ne crois pas que nous puissions nous engager en aveugles à allouer pendant six ans, peut-être, un subside de 50,000 fr., et, en effet, messieurs, si le conseil provincial de la Flandre orientale, se refusait à accorder le subside de 150,000 fr. qui lui est demandé, nous serions forcés d’allouer tous les ans 50,000 fr. pour parfaire, à la place de la province, une dépense à laquelle nous avons contribué déjà pour 300,000 fr. Car il avait été entendu que l’Etat, la province et la ville contribueraient chacun pour cette somme à la dépense qui ne devait s’élever qu’à 900,000 fr., d’après les devis. Maintenant la dépense va s’élever au double, et si nous n’y prenons garde nous allons être entraînés dans une charge énorme à laquelle je ne crois pas que nous puissions consentir ainsi.

Le chiffre est voté, ainsi que l’a dit M. le président ; tout s’est passé régulièrement ; il est vrai que les membres de la chambre étant encore émus par suite du projet de loi que venait de présenter M. le ministre des travaux publics, n’ont pas fait la même attention que de coutume à l’objet en discussion. Mais, je le répète, il y a eu vote ; M. le président en a proclamé le résultat avec cette régularité avec laquelle il proclame toutes les décisions de la chambre. Il n’y a donc pas à y revenir ; mais nous sommes libres d’adopter une disposition pour l’expliquer, et je me propose d’en présenter une en ce sens.

M. le président – S’il s’agissait de savoir si l’amendement est recevable, cette discussion serait prématurée ; elle viendra au 2e vote.

M. Fallon – Je voulais présenter à la chambre les observations que vient de faire l’honorable M. d’Huart. Il sera facile de mettre M. le ministre (page 324) à l’aise et de satisfaire la chambre au moyen d’une disposition additionnelle qui expliquerait notre vote. Mais je crois que c’est avant le second vote qu’il faut proposer cette disposition additionnelle qui serait insérée soit comme note au tableau du budget, soit dans le texte de la loi du budget. Tout le monde ainsi sera satisfait, et nous n’aurons pas au 2e vote discussion sur la question de savoir si l’amendement serait encore recevable.

M. Fleussu – Je voulais faire l’observation qu’a présentée l’honorable M. d’Huart. Mais il me semble qu’il est de l’intérêt du gouvernement de savoir pour quelle somme concourront à la dépense la province et la ville de Gand.

Après que 300,000 fr. ont été votés par les chambres pour le palais de justice de Gand, on réclame du gouvernement une somme à peu près pareille que l’on voudrait échelonner sur plusieurs années. L’année passée, vous avez voté 50,000 fr. sans condition : le gouvernement pourra donc faire emploi de cette somme ; mais il est évident que si l’on s’en tient ainsi rigoureusement au vote de la chambre, l’année prochaine on mettre au subside la condition qu’on y a mise l’an dernier. Ainsi le gouvernement, qui a besoin de 250,000 fr., ne pourra disposer que de 50,000 fr. Il faut donc qu’il y ait une disposition explicative du vote d’hier. Dans l’intérêt du gouvernement, c’est nécessaire. J’appuierai donc la disposition annoncée par l’honorable M. d’Huart.

M. de Saegher – J’avais demandé la parole pour répondre quelques mots à l’observation faite par l’honorable M. d’Huart. Cet honorable membre a l’intention de présenter une disposition additionnelle parce que, dit-il, à la manière dont nous procédons, on pourrait peut-être pendant cinq ou six ans encore, venir demander une somme de 50 mille francs à titre de subside.

Vous savez, messieurs, que tel n’est pas l’état de la question.

L’année dernière, la ville de Gand s’est adressée à la chambre ; elle exposait que, dans le devis des architectes, il y avait une erreur de 600 mille francs ; que, d’après les considérations qu’elle a fait valoir dans sa requête, elle demandait, sur les bases de la convention et d’après les intentions qui avaient présidé à la rédaction de cette convention, que le gouvernement contribuât pour un tiers ou à peu près, au définit constaté ; ainsi, non pas pour une somme de 400 mille à 600 mille francs, mais pour une somme ronde de 200 mille francs seulement.

La section centrale de l’année dernière vous a clairement expliqué que telle était la demande de la ville de Gand. La section centrale a déclaré que, dans son opinion, la demande de la ville de Gand était fondée non pas en strict droit, mais en équité. Par conséquent, elle vous a proposé de voter 50,000 fr. à compte sur 200,000 fr. pétitionnés par la ville de Gand.

M. le président – C’est le fond.

M. de Saegher – J’en conviens, M. le président ; mais déjà cinq ou six orateurs ont parlé dans un sens qui me paraît contraire aux intérêts et aux droits de la ville de Gand ; ils veulent modifier la décision de la chambre. J’ai cru devoir donner quelques explications, afin de ne pas laisser la chambre sous l’impression de leurs observations défavorables ; je veux bien ajourner ces observations. Je me propose d’y revenir.

M. Desmaisières – Je vous avoue que j’ai été extrêmement étonné hier et aujourd’hui d’entendre plusieurs honorables membres de cette chambre nous dire qu’il y avait eu en quelque sorte surprise quant au vote d’hier ; car tout le monde a pu remarquer que lorsque M. le président a mis en discussion le crédit pour construction des palais de justice, il a commencé par l’art. 1er qui n’est pas relatif au palais de justice de Gand ; cet article a été adopté ; et si, à la vérité, avant ce vote M. le président a frappé plusieurs fois sur son bureau pour obtenir du silence dans la chambre, il est vrai de dire aussi que la chambre a satisfait à l’observation de M. le président. Lorsque l’art. 2 a été ensuite mis en discussion, déjà le silence était rétabli, tellement que l’honorable M. Cogels a demandé la parole, et que M. le président la lui a accordée.

L’honorable M. Rodenbach a demandé après cela aussi la parole pour répondre à M. Cogels ; elle lui a été accordée, et il s’est fait, comme M. Cogels, parfaitement entendre.

J’ai donc été fort étonné, lorsque l’on est arrivé au chapitre suivant, d’entendre quelques membres qui n’avaient pas fait attention à ce qui s’était passé, demander si l’article relatif au palais de justice de Gand était voté, d’autant plus qu’il paraît que ces honorables membres sont opposés au crédit qui a été voté.

Je ne crois pas que, parce qu’il y a inattention, parce que quelques membres n’ont pas rempli leur devoir de député, et n’ont pas satisfait aux injonctions de M. le président, il faille revenir sur le vote d’hier ; or, attacher maintenant des conditions à l’allocation, c’est revenir sur ce vote, c’est annuler une décision qui a été prise hier par la chambre en pleine connaissance de cause.

M. le président – Le bureau n’est saisi d’aucune proposition.

M. d’Huart – Si la chambre le désire, je déposerai dès maintenant ma proposition sur le bureau. Je croyais devoir attendre le second vote.

M. le président – Voici la disposition proposée par M. d’Huart, et qui serait portée en regard du chiffre dans le tableau :

« Il ne sera fait emploi de cette somme qu’aux mêmes conditions adoptées au budget de 1844. »

- La chambre, consulté, décide qu’elle discutera immédiatement cette proposition.

M. Mast de Vries (pour une motion d’ordre) – Je voterai pour l’amendement de l’honorable M. d’Huart ; on a parlé de surprise ; eh bien, il faut qu’il n’y ait surprise pour personne. Les honorables députés de Gand se sont rendus hier à la chambre pour prendre part au vote du subside de 50,000 fr. ; ils ne pouvaient pas s’attendre à ce qu’on reviendrait aujourd’hui sur ce vote ; il faut donc leur laisser le temps de participer à ce second vote.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je ne m’oppose pas à l’amendement de l’honorable M. d’Huart, qui n’est que la reproduction de la disposition qui a été votée par la chambre dans le budget de 1844. Mais, messieurs, la province a annoncé l’intention, non de verser la somme qui lui est demandée, mais de donner un bâtiment équivalent en valeur à cette somme. Je désire qu’il soit bien entendu que la chambre considère la cession de ce bâtiment comme l’accomplissement de la condition imposée par la législature. Le bâtiment en question a été expertisé, et si je me le rappelle bien, la valeur du bâtiment a été estimée à 170 mille francs.

M. Mast de Vries déclare retirer sa motion d’ordre.

M. d’Huart – Messieurs, lorsque la loi dit que la province fournira un subside égal à celui qui est donné par l’Etat, il est bien clair que cette condition sera remplie, si la province, au lieu de s’exécuter en écus, cède un bâtiment dont la valeur, après une expertise convenable, sera reconnue équivalente à la somme exigée. L’honorable M. Mast de Vries se trompe lorsqu’il pense que nous voulons proposer la suppression du chiffre de 50,000 fr. il n’en est rien ; nous appuyons, au contraire, le chiffre : nous voulons seulement pour le subside de 1845 le maintien des conditions qui ont été mises à l’allocation du subside de l’année 1844, c’est-à-dire que la province s’impose, pour le palais de justice de Gand, les mêmes sacrifices que ceux faits par l’Etat.

M. de Saegher – La motion de l’honorable M. d’Huart tend à ce qu’au vote du subside de 50,000 francs, on ajoute la même condition que celle qui a été imposée l’année dernière.

Voici, messieurs, quelle est la position de la ville de Gand dans cette circonstance :

La ville de Gand a traité, en effet, à forfait, pour la construction d’un palais de justice, d’après un devis fourni par un architecte désigné par les trois parties qui devaient contribuer dans les dépenses de cette construction. Les dépenses faites jusqu’à ce jour excèdent de beaucoup le chiffre de 900,000 francs, montant du devis primitif ; elles s’élèvent déjà, si je ne me trompe, à 1,300,000 fr.

La ville de Gand s’est donc adressée à la législature, à l’effet d’obtenir un supplément de subside, pour couvrir une partie du déficit. L’année dernière, un subside de 50,000 francs a été accordé, à une condition qui n’a pas été remplie jusqu’ici : c’est ce qui fait que le payement de ce subside n’a pas encore été effectué. Cependant les dépenses sont faites en grande partie, la plupart des sommes dues sont déjà payées ; maintenant on voudrait attacher la même condition au subside de 1845, dont le payement par suite serait également ajourné.

Cela est-il juste ? Je pense que non, parce que déjà l’année dernière, et les discussions en font foi, la chambre avait reconnu qu’en équité, il fallait venir au secours de la ville de Gand, pour le payement de l’excédant des dépenses sur le devis primitif, qui avait été adopté. D’ailleurs, je crois que nous ne pouvons plus revenir sur le vote d’hier ; car la somme de 50,0000 fr. a été votée purement et simplement.

M. d’Elhoungne – Messieurs, je ne sais si je me trompe sur la portée de l’amendement de l’honorable M. d’Huart, mais il me paraît qu’il ne remet nullement en question le chiffre qui a été voté (Non ! non !) ; dès lors, il ne s’oppose pas non plus à ce que M. le ministre de la justice fasse payer le subside de 50,000 fr. à la ville de Gand aussitôt qu’il sera justifié que la ville et la province ont satisfait à leurs obligations. L’honorable M. d’Huart a même déclaré qu’il considérerait la province comme entièrement libérée de ses obligations, si, au lieu de s’exécuter en écus, elle cédait un bâtiment dont, après expertise, la valeur serait reconnue équivalente. Si l’on est d’accord là-dessus, je n’ai aucune opposition à faire à l’amendement de l’honorable M. d’Huart.

J’ai maintenant une autre observation à faire ; c’est qu’il n’est pas indifférent qu’en cette circonstance la province satisfasse à ses obligations, en cédant des bâtiments, au lieu de fournir de l’argent. Cette cession offre bien plus d’avantages à l’Etat. En effet, le bâtiment qu’on cède à la ville de Gand est un bâtiment très-remarquable dont l’Etat va profiter lui-même, puisqu’il en aura l’usage pour l’école du génie civil annexée à l’université de Gan, école qui n’est pas une institution gantoise, mais une institution nationale ; il résultera de là une véritable économie pour le gouvernement, car s’il n’avait pas ce nouveau bâtiment pour cette destination, il devrait demander des fonds pour procurer l’école du génie civil un nouveau local, moins insalubre et moins insuffisant que le local actuel.

M. de Saegher – Ainsi pour qu’on ne se trompe pas une seconde fois, il est bien entendu que, puisque la province a cédé à l’Etat le bâtiment du tribunal civil, il sera permis au gouvernement d’allouer les 50,000 fr. qui ont été votés (Réclamations.)

M. d’Huart – Je le répète : si, après une expertise sérieuse, réelle, exacte, telle que M. le ministre de la justice ne peut manquer de la faire faire, il est établi que le prix de l’immeuble cédé par la province équivaut aux 100,000 francs que l’Etat aura donnés, en usant des crédits de 1844 et 1845, la province sera libérée de l’obligation qui lui aura été imposée par rapport à ces deux allocations.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan)– Si la province avait donné purement et simplement le bâtiment, il est évident que je pourrais dès à présent (page 325) donner les 100 mille francs ; mais la province n’a donné cet immeuble qu’à la condition que la législature vote encore pendant trois années un subside de 50 mile francs ; de manière que la condition imposée n’est pas remplie.

M. Savart-Martel, rapporteur – Je pense qu’on ne s’entend point encore.

Sans doute le bâtiment que la province cède à la ville de Gand, vaut au-delà de 50 mille francs, mais la cession n’est elle-même que conditionnelle. Cette condition tend à lier la chambre pour trois années encore.

Or, la chambre entend-t-elle se lier ainsi ? j’en doute. Il est à prévoir que la cession proposée n’aura pas lieu.

Si la chambre entend se lier, comme l’exige la province, il convient de le dire ; il ne faut laisser aucun doute. Quant à moi, je maintiens la proposition de la section centrale. Ce n’est qu’ainsi que devrait être entendu le vote donné hier. J’appuierai toutes explications dans ce sens.

M. Lys – Messieurs, je voulais faire aussi l’observation que M. le ministre de la justice a présentée. Il est à remarquer que le conseil provincial de la Flandre orientale ne consent à la cession du bâtiment qu’à la condition formelle que l’Etat s’engagera à allouer encore un subside de 50,000 fr. pendant trois années consécutives. Il est à remarquer, d’ailleurs, que le conseil provincial cède le bâtiment à la ville de Gand ; quand il s’agira d’en faire la cession à l’Etat, pensez-vous que la ville de Gand le cédera gratuitement ?

M. Desmaisières – Messieurs, j’avais demandé la parole, parce qu’il me paraissait qu’effectivement, il y avait un malentendu dans la chambre. Qu’est-il arrivé l’année dernière ? A l’occasion du déficit relatif à la construction du palais de justice de Gand, la ville de Gand s’est adressée au gouvernement et à la province, c’est-à-dire aux deux grandes autres parties intéressées à cette construction, pour en obtenir qu’elles vinssent l’aider à combler le déficit dans la proportion pour laquelle elles étaient entrées dans le contrat primitif de construction. Je dois encore le faire remarquer, ce contrat est d’une date postérieure au vote de la législature relatif aux trois cent mille francs qu’elle accorde pour la construction du palais de justice de Gand.

Quand la législature a accordé ces 300,000 fr., il n’était pas décidé que ce serait la ville de Gand qui se chargerait à forfait de l’entreprise de cette construction. C’est postérieurement au vote des 300,000 fr. par la législature et par suite de négociations qui ont eu lieu entre la province et la ville de Gand, que la ville de Gand a été constituée en quelque sorte entrepreneur de la construction, moyennant un subside de 300,000 fr. de l’Etat et d’un subside égal de la province. Mais cette entreprise, la ville de Gand ne l’a faite qu’en calculant que le coût dépasserait de 80 mille fr. le devis primitif qui avait été admis par la commission des monuments, commission gouvernementale, établie auprès du ministre de l’intérieur. Maintenant il s’est trouvé que la commission des monuments a commis une très-grande erreur, en supposant que les modifications qu’elle avait ordonnées au plan n’augmenteraient pas la dépense du devis primitif qui s’élevait à 820 mille fr. La ville de Gand a dû dire nécessairement : « Je ne puis pas être victime d’une erreur et surtout d’une erreur commise par le gouvernement. J’ai entrepris la construction pour 900,000 fr. quand le gouvernement admettait le chiffre de 820,000 fr., je crois avoir agi prudemment en majorant comme je l’ai fait cette estimation du gouvernement ; je ne puis donc être victime de mon entreprise, alors que ce sont l’Etat et la province qui sont mes tuteurs et qui, par conséquent, n’auraient pas dû me laisser engager dans une entreprise où je devais éprouver des pertes considérables. »

Quand la question s’est présentée l’année dernière à la chambre, la demande de la ville de Gand était de 230 mille francs pour le tiers à supporter par l’Etat dans le déficit. Les chambres ont accordé un subside de 50 mille francs au budget de 1844. Mais l’amendement qu’avait proposé l’honorable M. Malou, et qui tendait à rendre ce subside unique, a été rejeté par la chambre. Comme l’a fort bien expliqué l’honorable auteur de l’amendement dans ses développements, il en est résulté une espèce de préjugé en faveur de nouveaux subsides à allouer lors du vote des budgets des exercices suivants. Mais la chambre a en outre mis la condition à la délivrance du premier subside à la ville de Gand, que la province interviendrait pour une somme égale. Ainsi, la législature a cru non-seulement qu’il incombait à l’Etat de fournir une portion du déficit, mais qu’il y avait obligation pour la province d’en faire autant que l’Etat. Quand la question est venue au conseil provincial de la Flandre orientale, le conseil a d’abord été saisi d’une proposition d’accorder comme subside la donation des bâtiments actuellement occupés par le tribunal de 1er instance ; mais dans cette proposition, il y avait plusieurs conditions attachées à cette donation ; la condition principale était que la ville s’obligeait, en acceptant cette donation, d’approprier à ses frais ces bâtiments pour le service de l’université de l’école du génie civil de l’Etat. Sur cette proposition, l’ordre du jour a été proposé, et le conseil provincial l’a rejeté par 32 voix contre 30.

Mais après on a attaché à cette proposition, avant de la voter, une nouvelle condition qui est celle dont il est parlé dans le rapport de la section centrale, celle que l’Etat devait fournir encore 150,000 fr. en trois années ; et moyennant cette addition à la proposition, elle a été acceptée par la conseil provincial à l’unanimité. Je dis ceci, messieurs, parce qu’il y a plusieurs membres de cette chambre qui m’ont fait cette objection, qu’au conseil provincial on avait trouvé que la demande du nouveau subside dans le déficit de la construction était tellement peu fondée, que la proposition n’avait été votée qu’à deux voix de majorité. Il y a eu unanimité pour voter le subside avec la condition que l’Etat interviendrait encore pour 150,000 fr. Ainsi des deux côtés, du côté de l’Etat comme du côté de la province, on a trouvé juste que l’Etat et la province intervinssent ; et chacun a voulu que l’autre intervînt pour la même somme. C’est la condition que chacune des deux parties a mise à son vote. Il serait donc malheureux que la ville de Gand, alors que ses deux tuteurs ont reconnu qu’il y avait justice et équité pour eux de venir combler le déficit, il serait malheureux, dis-je, qu’elle ne pût toucher les sommes qui ont été votées.

Maintenant, je dois encore faire une observation ; c’est que, si on ne peut pas délivrer à la ville de Gand, dans un temps assez court, les cent mille francs actuellement votés, il en résultera que le palais de justice ne pourra pas peut-être s’achever de suite, et que la cour d’appel, qui a le plus grand besoin de s’y loger, ne pourra pas y entrer.

Les choses sont arrivées à ce point qu’il me paraît que la législature peut ordonner la délivrance des cent mille francs accordés, sans rien préjuger sur ce qu’elle fera à l’avenir. De cette manière, le palais pourra s’achever, et la cour d’appel s’y loger. Vous n’ignorez pas que les locaux actuellement occupés par la cour d’appel ne sont pas convenables, et qu’ils sont fournis gratuitement par la ville de Gand, à la décharge de l’Etat, depuis que la cour est instituée, c’est-à-dire depuis 14 ans, et que la ville de Gand n’a jamais demandé un centime d’indemnité pour ces locaux. C’est là, je crois, encore un motif de plus pour l’Etat et la province, ses tuteurs, de ne pas rendre la ville de Gand victime d’une entreprise à forfait basée sur une erreur commise par une commission du gouvernement, et dans laquelle elle a été entraînée par la province et le gouvernement, ses tuteurs légaux.

M. d’Elhoungne – L’honorable M. Lys ayant révoqué en doute que les bâtiments cédés par la province dussent être appropriés aux besoins de l’université et que leur usage dût être cédé gratuitement à l’Etat, je ferai remarquer que cela se trouve dans les termes mêmes de la cession, de sorte qu’il ne peut y avoir de doute à cet égard.

- L’amendement proposé par M. d’Huart est mis aux voix et adopté. Il sera inséré en marge de l’art 2 du chapitre V.

M. le président – nous en étions restés au chapitre IX.

Chapitre IX. Etablissements de bienfaisance

Article premier

« Art. 1er. Frais d’entretien et de transport de mendiants et insensés, dont le domicile de secours est inconnu : fr. 20,000 »

M. Osy – Je demanderai à M. le ministre si nous pouvons espérer devoir bientôt présenter le projet de loi qu’il nous a annoncé sur les aliénés. M. le ministre doit savoir que dans une province voisine on s’est beaucoup occupé de cet objet, qu’il y a un établissement qui a besoin d’une grande réforme. On a nommé une commission qui est arrêtée dans son travail par l’attente du projet de loi annoncé ; et je suis chargé de demander à M. le ministre si ce projet sera présenté prochainement, parce que, s’il n’était pas présenté, on serait obligé d’aller en avant et on s’exposerait à faire de l’ouvrage incomplet.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Le projet de loi que j’ai annoncé est terminé ; mais avant de le présenter à la chambre, j’ai prié une commission composée de personnes qui se sont occupées spécialement de cet objet, de vouloir bien revoir ce travail. Cette commission va s’assembler incessamment, et bien certainement dans les premiers jours de janvier le projet de loi sera présenté. Il n’y a plus, si je puis m’exprimer ainsi, qu’à y mettre la dernière main.

M. Rodenbach – Messieurs, l’année dernière, lors de la discussion du budget de la justice, j’ai proposé la révision de la loi sur les dépôts de mendicité. M. le ministre de la justice m’a répondu alors que la loi n’était pas vicieuse, que c’étaient les règlements qui étaient mauvais. Il s’était empressé aussi, nous a-t-il dit, d’envoyer un règlement modèle dans les diverses provinces. Cependant, jusqu’à présent je n’ai pas appris qu’on ait rectifié ces règlements, car tous les abus que j’ai signalés existent encore. Il me semble qu’il ne faut pas une année pour faire disparaître des vices administratifs.

Messieurs, il est certain que les abus dans les dépôts de mendicité sont considérables. Comme je l’ai dit, ces dépôts sont pour les communes une charge exorbitante, ils en ruinent plusieurs dans ma province.

Le budget de la misère publique en Belgique est d’environ 800,000 individus. C’est à peu près un sur cinq. Mais dans ce nombre, il y a une foule de fainéants, une foule de gens qui ne devraient pas être protégés par le gouvernement, ni par les communes qu’ils ruinent. La population de mendicité de la Cambre augmente d’année en année ; elle est, au moment où je parle, de 1,800 personnes, au nombre desquelles, il y a au moins 1,200 individus valides. Aussi, outre les immenses sacrifices que font les bureaux de bienfaisance ainsi que les hospices de Bruxelles, la capitale doit payer l’énorme somme de 250,000 fr., et cela pour subvenir aux besoins de 1,200 fainéants, de 1,200 hommes valides, qui devaient travailler pour vivre et ne pas manger le pain des pauvres.

Voilà un an que j’ai signalé ces abus à M. le ministre, et rien n’a été fait jusqu’aujourd’hui.

Dans ma province, messieurs, il se trouve au dépôt de mendicité 850 individus, qui coûtent à la ville de Bruges seule 26,000 fr. Il a fallu agrandir les bâtiments. Sur ces 850 individus, il y en a 600 valides. Voilà donc encore 600 fainéants que les communes doivent entretenir. Il est temps qu’on fasse cesser un pareil état de choses.

Dans d’autres pays, messieurs, on s’occupe de la formation d’établissement agricoles, où l’on envoie les délinquants. Il y a au pénitentiaire de St-Hubert cent hectares de terre qu’on pourrait cultiver. On se plaint qu’il n’y a pas suffisamment de population dans cette partie du pays. On nous a (page 326) dit plusieurs fois que la santé des enfants qui se trouvent dans les dépôts de mendicité, et notamment dans le dépôt de la Cambre, est bientôt délabrée par suite du mauvais air qu’ils y respirent. Pourquoi donc ne pas former de ces établissements agricoles où l’on pourrait les envoyer et les occuper utilement ?

Remarquer toutefois, messieurs, que je n’entends pas parler d’établissements agricoles comme ceux qui avaient été fondés sous le gouvernement hollandais, et dans lequel les frais immenses d’administration absorbaient les ¾ des fonds qu’on leur accordait ; ce ne sont pas de pareilles institutions qu’il nous faut. Il y a, messieurs, dans ma province, des établissements ruraux de bienfaisance, et vous allez voir avec quelle économie ils sont administrés. J’engage même M. le ministre de la justice, lorsqu’il viendra dans les Flandres, à visiter ces institutions ; elles peuvent réellement servir de modèle. A la vérité, elles ne sont établies que sur une petite échelle ; mais on pourrait en former de semblables sur un plan vaste plan. A Rumbeke, district de Roulers, il y a un hospice de vieillards des deux sexes où 80 malheureux trouvent un asile. Savez-vous à combien se monte l’entretien de ces vieillards ? A 13 centimes par jour. J’en appelle ici à M. le gouverneur de la Flandre occidentale ; il pourra vous certifier que cela est exact.

Cependant, messieurs, ces malheureux sous très-bien nourris et bien vêtus. Savez-vous comme cela se fait ? L’hospice, grâce à la bienfaisance d’une personne charitable, est propriétaire d’une maison et de quelques pièces de terre ; il en loue quelques autres, et ceux qui y trouvent un refuge, et qui pour la plupart des ouvriers de ferme et des cultivateurs, que l’âge et la misère y a amenés, travaillent eux-mêmes la terre, récoltent leur grain et leurs pommes de terre, entretiennent du bétail. C’est ainsi que l’établissement parvient à couvrir ses frais au moyen de 13 centimes par jour et par personne.

Voilà, messieurs, un véritable établissement modèle ; je pourrai en citer plusieurs du même genre dans mon district.

Messieurs, à un article du chapitre en discussion, on nous demande une somme de 30,000 fr. pour le patronage des condamnés libérés et aussi pour former des sujets destinés à se consacrer au service des prisons et des établissements de bienfaisance.

Messieurs, je ne conteste pas ce chiffre, bien qu’il me paraisse un peu élevé. Je reconnais qu’en général les malheureux qui sortent des prisons sont repoussés par la société, que personne ne veut leur donner de l’ouvrage, et que dès lors le patronage est une institution que nous ferons bien d’adopter. Mais quant à la formation de sujets pour le service des prisons, je crois avoir dit l’année dernière à M. le ministre de la justice, que ces sujets étaient tout trouvés, qu’on avait les frères de la charité ; mais qu’il y aurait lieu, pour en avoir en plus grand nombre, de les exempter du service de la milice. M. le ministre de la justice m’avait promis d’en conférer avec M. le ministre de la guerre ; mais rien n’a été fait.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je demande la parole.

M. Rodenbach – Au moins je n’ai pas appris que l’on ait pris une mesure pour accorder cette exemption aux frères de la charité, et si elle a été prise, on ne lui a pas donné assez de publicité. Mais on peut avoir de ces frères, pour le service des prisons, on n’a qu’à s’adresser à un respectable chanoine de Malines.

Messieurs, puisque nous nous occupons d’établissements de bienfaisance, il est encore une institution dont je demanderai la révision. Je veux parler des monts-de-piété. Je sais bien que ces établissements sont sous le contrôle des communes ; mais le gouvernement pourrait provoquer des changements dans les règlements ou dans la loi.

Messieurs, on appelle fort improprement aujourd’hui ces établissements des monts-de-piété, ce sont des monts d’usure, puisque l’intérêt qu’ils prélèvent va de 6 à 15 p.c. Lorsque les monts-de-piété ont été établis, grand nombre prêtaient gratuitement sur nantissement. Il existe encore à Gand un établissement de ce genre, mais qui, malheureusement ne prête sur nantissement que pour des sommes très-minimes. Je regrette que l’honorable M. Dedecker ne soit pas ici ; il a fait un ouvrage très-remarquable sur les monts de piété, il aurait pu nous donner de judicieux renseignements. Plusieurs des hommes qui ont étudié la question, trouvent que, dans l’état actuel, ces établissements sont inutiles, qu’ils ne rendent aucune service ; qu’au contraire ils sont encore un refuge pour les fainéants ; car les hommes qui y déposent sont en général sans ordre, sans conduite, sans moralité, sans crédit dans leur quartier. Je dirai même que c’est le refuge des voleurs, car c’est souvent là qu’ils vont porter le produit de leurs rapines.

Je pense donc qu’au lieu de protéger ces institutions, on devrait les supprimer. Il en est d’elles comme des tours. Il fut aussi un temps où l’on prétendait que les tours étaient nécessaires. Eh bien, il paraît qu’on les supprime en France dans un très-grand nombre de départements. Mais savez-vous ce que l’on fait ? On donner aux mères l’argent qui était consacré dans les hospices à l’entretien des enfants abandonnés, et il y a beaucoup moins d’infanticides que précédemment. C’est encore une question à examiner. Peut-être faudra-t-il faire pour les monts-de-piété ce que l’on a déjà fait pour les tours dans quelques provinces belges et dans plusieurs départements français.

Le temps décidera cette question qui, j’en conviens, est grave et demande d’être mûrement examinée.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je répondrai quelques mots à ce que vient de dire l’honorable M. Rodenbach, qui a passé en revue les différents articles du budget relatif aux établissements de bienfaisance.

L’honorable membre s’est occupé d’abord des dépôts de mendicité. Ces dépôts ont été créés par un décret de 1808 ; ils ont été organisés définitivement dans les Pays-Bas par un arrêté de 1825. Les dernières dispositions relatives à cet objet sont la loi d’août 1833 et un arrêté postérieur de quelques jours à la promulgation de cette loi.

J’ai reconnu, l’année dernière, qu’il y avait des changements à faire dans les dépôts de mendicité, des modifications à introduire ; j’ai dit qu’il fallait rendre le régime de ces dépôts tel que les individus que la misère y entraîne, ne fussent pas dans une position moins bonne que les individus détenus en prison par suite de crimes ou délits.

Une enquête a été faite pour rechercher le remède aux inconvénients existants, et les moyens les plus propres pour atteindre le plus tôt possible le but proposé. Cette enquête est terminée. D’ici à peu de temps, je serai à même d’arrêter les modifications nécessaires, soit qu’une loi doive régler cet objet, soit que le gouvernement trouve dans les dispositions existantes des pouvoirs suffisants pour changer et améliorer l’état de choses actuel.

Dans tous les cas, je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. Rodenbach, sur les avantages que présenteraient des établissements agricoles pour y recueillir les malheureux. Les mendiants valides, les enfants surtout seraient évidemment bien mieux placés dans des colonies agricoles que dans des dépôts de mendicité, où l’encombrement est souvent considérable, et où, par suite de cet encombrement même, les mœurs et la santé s’altèrent.

Sans pouvoir l’affirmer d’une manière positive, j’ai l’espoir qu’il me sera possible dans peu de temps d’organiser une colonie, dans le genre de celle dont vient de parler l’honorable M. Rodenbach.

Une première question relative aux dépôts de mendicité, est celle de savoir si ces dépôts resteront des établissements provinciaux, ou s’ils seront soumis à l’action plus directe du gouvernement. Quant à moi, j’adopte cette dernière opinion, je pense que l’action du gouvernement fournit seule les moyens d’établir, dans les dépôts de mendicité, un régime uniforme pour les mêmes catégories de mendiants, et de classer les différentes catégories d’une manière convenable.

Certes, il ne faut pas confondre le vieillard indigent et infirme, avec le mendiant valide, dont la paresse ou l’inconduite a peut-être causé la misère. Des divisions sont donc nécessaires. C’est, du reste, une question que j’examine ; je me borne maintenant à présenter quelques considérations générales à ce sujet.

L’honorable M. Rodenbach a cité des hospices qui, tout en remplissant leur mission d’humanité, observent en même temps les règles d’une sévère économie. Je me ferai certes un devoir, quand mes occupations me le permettront, d’aller visiter ces hospices, d’y recueillir d’utiles renseignements, et de conseiller ailleurs l’application de ce qui se pratique avec avantage, dans les établissements que m’a cités l’honorable membre.

L’honorable M. Rodenbach m’a rappelé les règlements dont j’avais parlé l’année dernière, et qui devaient organiser des secours publics et s’occuper des bureaux de bienfaisance. Messieurs, ce que j’ai annoncé l’année dernière a été fait : des projets de règlement sur ces matières ont été rédigés ; le premier a été communiqué d’abord à l’administration communale de Bruxelles, qui l’a transmis à l’administration des hospices ; une correspondance s’est engagée entre ces deux administrations, et d’après ce qui m’a été dit par M. le bourgmestre de Bruxelles, il me sera fait prochainement un rapport qui contiendra les observations des deux administrations. Ce projet de règlement a été ensuite envoyé à tous les gouverneurs pour être adressé aux administrations communales et obtenir leur adhésion ou leurs observations.

Il serait trop long, messieurs, de vous lire ce règlement , mais j’en donnerai volontiers communication aux personnes qui désireraient le connaître. Si les bases de ce projet étaient adoptées, il en résulterait d’immenses avantages ; la classe indigente en ressentirait les plus heureux effets ; les secours seraient distribués de manière à les faire servir à soulager, d’une manière morale et efficace, la véritable infortune.

L’autre projet de règlement, relatif aux bureaux de bienfaisance dans les communes rurales, a également été envoyé dans toutes les provinces ; il contient les bases suivantes : (M. le ministre donne lecture de ces bases.)

Ce projet, messieurs, a été distribué dans toutes les communes, afin d’engager les bureaux de bienfaisance à l’adopter et à procurer ainsi aux indigents les avantages que nous sommes en droit d’en attendre. Ce règlement rappelle toutes les dispositions existantes, il les coordonne, il en contient aussi de nouvelles ; il assure, en un mot, la bonne comptabilité des bureaux de bienfaisance et une distribution convenable des secours. Ce projet est également à la disposition des membres de la chambre qui désireraient en prendre communication.

Après avoir traité ces objets, M. Rodenbach a parlé des monts-de-piété. Messieurs, les monts-de-piété on également appelé ma sérieuse attention. Je ne partage pas, relativement à cette institution, l’opinion de l’honorable M. Rodenbach ; certainement les monts-de-piété ne sont pas organisés aujourd’hui comme ils devraient l’être ; plusieurs monts-de-piété demandent peut-être un intérêt trop élevé, mais, détruire ces établissements, serait une chose fort nuisible ; je pense, au contraire, qu’il faut les maintenir en les organisant de manière à ce qu’ils puissent rendre les services qu’ils sont destinés à rendre aux classes nécessiteuses.

Tous les monts-de-piété du pays ont été visités par un fonctionnaire des plus capables qui a fait une étude spéciale de la question ; ce fonctionnaire m’a fait un rapport très-circonstancié sur ce qu’il a remarqué dans les différents monts-de-piété, après avoir réuni tous les renseignements nécessaires pour pouvoir apprécier complètement l’état de choses actuel ; ce fonctionnaire (page 327), au zèle duquel je dois ce rapport important, s’occupe d’un projet de loi qui mettra les monts-de-piété dans une condition telle qu’ils atteindront, je l’espère, le but d’utilité pour lequel ils ont été créés.

Messieurs, à cette question s’en rattache une autre : c’est la question des caisses de prévoyance. Cette question sera traitée en même temps que celle des monts-de-piété, et continuant en quelque sorte ce qui avait été projeté par un de mes prédécesseurs, l’honorable M. Ernst, qui avait déjà en 1835, émis l’idée qu’il était nécessaire de réunir aux monts-de-piété des caisses de prévoyance, en exécutant, dis-je, ce qui avait été projeté depuis longtemps, je ferai, je pense, une chose fort utile pour les classes malheureuses de la société.

Enfin, messieurs, l’honorable M. Rodenbach a parlé du patronage des condamnés libérés ; l’honorable membre n’a pas désapprouvé ce patronage, il y a, au contraire, donné son assentiment ; seulement il a pensé que le chiffre de 30,000 fr. était peut-être un peu élevé. Que l’honorable membre se détrompe, ce chiffre est loin d’être trop élevé, et il est beaucoup trop au-dessous de ce qui sera nécessaire lorsque le patronage sera organisé comme il doit l’être. Jusqu’à présent, messieurs, il n’existe que deux maisons de refuge où l’on reçoit les condamnés libérés ; ces maisons se trouvent à Namur et à Liége ; comme elles ont très-peu de ressources, il est nécessaire de leur donner un subside, et c’est en partie pour cet objet qu’une somme de 30,000 fr. est demandée au budget.

Il s’agira bientôt d’organiser le patronage sur une échelle plus large ; il ne s’exerce que pour les femmes, et il faudra nécessairement l’exercer aussi pour les hommes ; cependant il ne faut pas se le dissimuler, l’organisation du patronage pour les hommes sera fort difficile, aussi longtemps qu’on n’aura pas amélioré le régime des pensions ; le patronage est le complément nécessaire du système pénitentiaire ; il faut que ce système soit établi pour pouvoir espérer de bons effets du patronage, et pour pouvoir même trouver des patrons, qui veulent bien se charger de cette mission.

L’idée du patronage a été déposée dans un arrêté de 1835 ou de 1836 ; mais alors on pensait qu’on pourrait organiser le patronage à l’aide des membres seuls des commissions administratives des prisons ; il est maintenant reconnu que cette organisation ne peut pas suffire ; il faut que les membres des commissions administratives s’adjoignent d’autres personnes qui, par charité, par dévouement, voudront bien accepter la charge de venir au secours des libérés, de les protéger, et de les maintenir dans la voie du bien. Des comités devront donc s’établir ; ces comités devront avoir des sous-comités dans les localités moins importantes, et les uns et les autres appelleront le concours des institutions religieuses, des institutions de charité, dont les membres ne font jamais défaut quand il y a une bonne œuvre à accomplir.

Des essais, messieurs, sont déjà tentés pour parvenir à l’organisation de ces comités ; mais, je dois le dire, on trouve assez peu de personnes disposées à vouloir se charger de cette mission. Néanmoins je ne désespère pas de parvenir à en décider quelques-unes. Dès l’instant que nous aurons un comité bien organisé, que nous pourrons juger des bons effets qu’il produit, j’espère que l’exemple gagnera et que nous pourrons en organiser dans tout le pays.

Les 30,000 fr. que j’ai demandés sont donc en partie destinés à ce qu’il sera nécessaire de donner à ces comités qui devront nécessairement avoir une somme disponible pour pouvoir faire travailler les individus qui, sortant des prisons, n’ont pas d’ouvrage.

Cette somme est aussi destinée à encourager les institutions religieuses dans lesquelles on forme des frères pour le service des prisons.

L’honorable M. Rodenbach m’a dit que, l’année passée, il avait déjà appelé sur ce point mon attention, et que, jusqu’à présent, on n’avait rien fait. Il a ajouté que les frères de la charité ne manquaient pas, que l’on pouvait en trouver tant que l’on voudrait, qu’il s’agissait seulement de les exempter du service militaire pour les engager à embrasser cette vie d’abnégation. Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de le dire l’année dernière, et je l’ai répété au sénat, je me suis entendu avec M. le ministre de la guerre et des dispenses ou plutôt des congés sont accordés à tous les individus qui veulent se consacrer au service des prisons, et ils ne sont dès lors astreints à aucune obligation sous le rapport de la milice. Ainsi il a été satisfait au désir manifesté par l’honorable M. Rodenbach.

M. Rodenbach – Cela n’est pas connu.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je ferai observer à l’honorable M. Rodenbach que cela est très-connu, ou du moins que cela est connu des personnes qui doivent réellement le connaître, c’est-à-dire de l’abbé Glorieux et du chanoine Scheppers, les seuls qui soient à la tête d’institutions de cette nature.

Je ferai également observer à l’honorable M. Rodenbach, qu’il est dans une complète erreur, quand il pense que l’on peut avoir des frères en nombre suffisant. Au contraire, il manque considérablement de ces frères, à tel point que nous ne pouvons en avoir que pour les infirmeries ; et comme je l’ai déjà dit, je pense qu’il est nécessaire d’en avoir non-seulement pour les infirmeries, mais aussi pour la surveillance des prisons. Je me suis adressé à tous les évêques du pays pour leur demander s’il n’existait pas dans leur diocèse des corporations religieuses qui voulussent se vouer à cette œuvre si éminemment utile, et MM. les évêques m’ont répondu qu’il n’existait dans leur diocèse aucune corporation de cette nature ; par conséquent, je ne puis compter que sur les frères de la Miséricorde qui sont de l’institution du chanoine Scheppers, et sur les frères des Bonnes Œuvres qui sont sous le patronage de l’abbé Glorieux.

Je désire, messieurs, comme l’honorable M. Rodenbach, qu’il soit possible d’augmenter le nombre de ces frères, et c’est pour arriver à ce but que je demande à la chambre des subsides, que je puisse en partie distribuer au chanoine Scheppers et à l’abbé Glorieux, pour mettre ces respectables ecclésiastiques à même de continuer et de faire prospérer l’œuvre si morale et si utile qu’ils ont entreprise.

M. Desmet – Messieurs, selon moi, les améliorations que l’on voudrait apporter dans les dépôts de mendicité ne sont pas un moyen suffisant pour remédier au mal du paupérisme, ou plutôt au mal de la mendicité. Ce qu’il y a à regretter, messieurs, c’est que la somme portée au budget pour venir au secours des bureaux de bienfaisance est insuffisante. Comme le pays serait heureux si l’on pouvait ajouter à cette somme le demi-million qui a été voté, il y a quelques temps, pour l’augmentation des traitements de quelques fonctionnaires ! Alors évidemment on ferait un grand bien à la classe indigente.

Messieurs, j’appelle l’attention du gouvernement et de la chambre sur la mendicité ; elle augmente tous les jours en Belgique et surtout dans les contrées flamandes. Selon moi, il serait possible d’arrêter les progrès de la mendicité ; nous avons les moyens suffisants pour qu’il n’y ait plus de mendiants dans le pays.

Messieurs, les dépôts de mendicité, au lieu d’être avantageux aux indigents, leur sont, au contraire, surtout dans le plat pays, très nuisibles ; ces dépôts sont la lèpre des bureaux de bienfaisance ; ils sont cause que souvent une foule de malheureux ne peuvent être secourus, parce qu’ils absorbent très-souvent une grande partie des revenus des bureaux de bienfaisance.

Je viens vous dire qu’il serait possible d’arrêter la mendicité dans le pays. Un des principaux moyens pour y parvenir, serait de forcer les indigents à rester chacun dans leur commune ; vous n’auriez plus alors cette foule de fainéants qui viennent demander du pain dont souvent ils n’ont pas besoin ; vous ne verriez plus ces pillages de pommes de terre que viennent commettre les gens des villes au détriment des pauvres du plat pays.

M. le ministre de la justice nous a communiqué tout à l’heure un règlement pour introduire le travail dans les communes ; mais, selon moi, un règlement est insuffisant ; il faudrait une loi en vertu de laquelle on pourrait introduire le travail dans les communes, mais en même temps réprimer, extirper la mendicité. D’ailleurs, messieurs, cette loi existe ; elle n’est pas nouvelle, elle date de la république française. C’est la loi de vendémiaire an II. Cette loi est très-bien faite ; elle indique de bons moyens ; c’est-à-dire qu’avant d’arrêter les mendiants, il faut qu’il y ait du travail à leur donner. Mais vouloir extirper la mendicité sans avoir du travail à donner à ceux qui s’y livrent, est, selon moi, chose impossible ; c’est ce que la loi française a bien prévu ; je désire que M. le ministre l’examine et qu’il ne tarde pas à proposer des mesures pour extirper la mendicité. La mesure est possible, j’en suis sûr. Tout ce qu’il faut faire, c’est de songer à procurer du travail.

Messieurs, je remarque que dans les communes où la charité individuelle forme des établissements de travail, il n’y a pas de mendiants. Le gouvernement ne pourrait-il donc pas multiplier ces sortes d’établissements ? Dans la Flandre orientale, on voit partout des établissements de bienfaisance, des hôpitaux, des écoles pour les pauvres. Eh bien, les mendiants y sont rares. De ce chef la Belgique est très-heureuse ; on en saurait calculer les services que rendent à l’humanité, et à la société, ces congrégations religieuses de charité.

Une mesure très-utile qui a été récemment prise par le département de la guerre, c’est de ne plus employer autant de tissus de lin fabriqués dans les prisons ; si l’on prenait aux comités de travail qui s’établissent dan les provinces toutes les toiles dont a besoin l’armée, ce serait un puissant moyen de venir au secours de l’indigence. Que le gouvernement en fasse l’essai, il verra bientôt que bien-être il en résultera pour la classe indigente.

Messieurs, je crois qu’il est temps d’arrêter la lèpre de la mendicité en Belgique, et je crois qu’on peut le faire. J’insiste encore pour que M. le ministre de la justice examine la loi de vendémiaire an II ; je demande aussi que le subside que l’on vote annuellement pour venir au secours des indigents, soit augmenté. Par ces moyens, on pourra certainement extirper la mendicité dans le plat pays, et je déclare, en finissant, que l’objet le plus pressant pour l’administration, c’est le secours à donner aux indigents et les mesures à prendre pour extirper la mendicité.

M. de Muelenaere – M. le ministre de la justice a répondu d’avance à quelques observations que je me proposais de produire. Je me bornerai donc à vous dire quelques mots.

Je conviens que la question est extrêmement délicate, que les plaintes sont devenues tellement générales aujourd’hui que je crois qu’il est indispensable de modifier dans un bref délai les dispositions qui concernent les admissions et les sorties des personnes détenues dans les dépôts de mendicité. Il est généralement reconnu que la facilité des admissions lèse d’une manière essentielle les intérêts des communes ; d’un autre côté, messieurs, la facilité des sorties empêche les administrations d’organiser le travail dans ces dépôts. Il me semble que les dispositions qui existent aujourd’hui devraient être nécessairement modifiées.

Je vois, dans le rapport de la section centrale, que cette section a exprimé le vœu que la direction et l’administration des dépôts de mendicité fussent centralisées ; le rapport nous apprend également que telle est l’intention de M. le ministre de la justice. Je ne sais si cette centralisation se fera par un règlement d’administration publique, ou si elle deviendra l’objet d’un projet de loi ; dans ce dernier cas, nous aurions à examiner la question ultérieurement. Quant à moi, je ne suis pas opposé à cette centralisation et je donnerai volontiers mon assentiment à tout ce qui sera de nature à améliorer l’état actuel des dépôts de mendicité ; mais je désirerais beaucoup que M. le ministre ne perdît pas de vue la question d’économie ; cette (page 328) question domine essentiellement l’organisation des dépôts de mendicité. Je crains, messieurs, que la centralisation n’ait pour conséquence d’augmenter outre mesure les dépenses des dépôts de mendicité ; je crains beaucoup qu’il n’en résulte des charges considérables pour les provinces, pour les communes et pour le gouvernement lui-même. Or, tout le monde sait que la plupart des provinces et que presque toutes les communes sont aujourd’hui dans une position telle, qu’elles peuvent à peine couvrir leurs dépenses les plus urgentes.

D’ailleurs, messieurs, si jusqu’à présent les dépôts de mendicité n’ont pas répondu d’une manière complète au but de leur institution, je crois qu’il faut l’attribuer, en grande partie, à l’élévation du prix de la journée d’entretien. Ce prix est tel que les communes reculent devant l’arrestation des mendiants, par la crainte de la dépense que le séjour de ces mendiants dans les dépôts de mendicité doit leur occasionner. Si, par une meilleure organisation du travail dans les dépôts de mendicité, on parvenait à y diminuer le prix de la journée d’entretien, il est évident qu’on atteindrait beaucoup mieux le but dans lequel ces établissements ont été créés ; car alors les communes n’auraient plus le même intérêt à ne pas faire arrêter les mendiants.

Je le répète donc, messieurs, selon moi la question d’économie domine entièrement l’organisation des dépôts de mendicité. Il importe très-peu que l’administration et la direction en soient ou n’en soient pas centralisées, pourvu qu’il n’en résulte pas une augmentation de dépenses ; mais je crains que le gouvernement, en centralisant l’administration de ces dépôts, ne soit entraîné à des frais qui tôt ou tard retomberaient de nouveaux sur les provinces et les communes et qui éloigneraient de plus en plus les dépôts de mendicité du véritable but de leur institution.

Je désirerais savoir si la réorganisation des dépôts de mendicité se fera par une loi ou par un acte du pouvoir exécutif ; je crois qu’elle pourrait se faire par un simple règlement d’administration publique ; mais si M. le ministre de la justice est dans l’intention de suivre cette voie, je lui recommanderai de ne pas perdre de vue que le principal but du gouvernement, dans cette réorganisation, doit être de diminuer les dépenses qui pèsent actuellement sur les dépôts de mendicité. Si la centralisation devait amener un accroissement de dépenses, il est évident que les dépôts de mendicité donneraient lieu à des plaintes qui deviendraient de plus en plus générales.

M. de Theux – Messieurs, j’appuie entièrement les observations de l’honorable préopinant, ainsi que celles qui ont été présentées par l’honorable M. Desmet. Dans toutes les mesures que prendra le gouvernement pour soulager les classes indigentes, il doit surtout avoir en vue l’économie ; car, du moment où les ressources des communes et des bureaux de bienfaisance sont épuisées par l’entretien des mendiants dans les dépôts de mendicité, il est évident que c’est autant d’enlevé aux secours à domicile, qui sont cependant de la plus grande efficacité ; en effet, messieurs, très-souvent un léger secours donné à propos à une famille malheureuse empêche cette famille de tomber dans un état de misère qui la forcerait à se livrer, malgré elle, à la mendicité. C’est pour cela que j’ai toujours attaché le plus grand prix aux secours à domicile. J’ai entendu avec grand plaisir les vues énoncées à cet égard par M. le ministre de la justice, en ce qu’il embrasse non-seulement les villes, les grands centres de population, mais aussi les communes rurales ; mais, messieurs, à côté de tous les efforts que fera le département de la justice pour améliorer le sort des classes indigentes, doivent se placer aussi les efforts de M. le ministre de l'intérieur pour donner une bonne éducation au peuple. Car, messieurs, veuillez le remarquer, la misère ne provient pas seulement d’une famille trop nombreuse, du manque de travail, elle provient aussi dans beaucoup de circonstances de l’inconduite ; elle provient aussi du manque de cette considération personnelle qui engage tout homme à pourvoir à son existence au moyen de son propre travail plutôt que d’aller demander à autrui ce dont il a besoin de vivre. C’est donc, messieurs, par de bonnes écoles, non-seulement pour l’enfance, mais encore pour les adultes, que l’on peut aider puissamment à extirper la mendicité.

Je me bornerai, messieurs, à ces courtes observations, parce que l’attention du gouvernement et de la chambre est suffisamment appelée sur ces questions, qui sont de la plus haute importance pour l’avenir du pays.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Articles 2 à 4

« Art. 2. Subsides à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d’aliénés : fr. 120,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnées, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 175,000 »

- Adopté.


Art. 4. Subsides : 1° pour l’organisation du patronage pour les condamnés libérés ; 2° pour l’établissement et le soutien des maisons de refuge destinées aux condamnés libérés et aux personnes qui veulent abandonner la voie du vice et de l’immoralité ; 3° pour venir en aide aux institutions qui forment des sujets propres au service des prisons, des dépôts de mendicité et d’autres établissements de bienfaisance : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Prisons

Section I. Service domestique
Article premier

« Art. 1er. frais d’entretien et d’habillement, de couchage, et de nourriture des détenus, frais d’habillement et de couchage des gardiens et gratifications aux détenus : fr. 1,135,000 »

- La discussion générale sur cet article est ouverte.

M. Osy – M. le ministre de la justice demande une augmentation de 80,000 fr. pour constructions nouvelles. Je conçois que M. le ministre de la justice puisse faire des constructions nouvelles dans les prisons existantes ; mais je trouve, dans une note annexée au budget, que c’est pour de nouvelles prisons que l’augmentation est réclamée. Or, je ne comprends pas que M. le ministre de la justice puisse faire construire de nouvelles prisons sans l’autorisation de la chambre. Je suis d’autant plus amené à faire cette observation, que nous avons appris à regret, que l’intention du gouvernement est de supprimer la prison de St-Bernard.

Déjà au mois de juillet dernier, le conseil provincial d’Anvers s’est occupé de cette question, et dans un mémoire détaillé, il a fait comprendre que les raisons qu’on mettait en avant pour la suppression de cette prison n’étaient pas fondées.

Avant la suppression des couvents, St-Bernard était occupé par 200 religieux, depuis des siècles, et jamais on ne s’était plaint de l’insalubrité de l’endroit. Sous l’empire, St-Bernard servait d’hôpital pour la marine ; depuis 25 ans, on y a établi une prison correctionnelle. Jamais on n’a dit, comme on le dit maintenant, que la prison fût insalubre.

Je crois que M. le ministre de la justice ne pourrait, sans une loi, supprimer une prison, pour en faire une nouvelle ; car, si je suis bien informé, l’intention du gouvernement est de supprimer la prison de St-Bernard et de construire une nouvelle prison à Louvain. Les dépenses monteraient à des centaines de mille francs. L’honorable M. de Brouckere, qui a été gouverneur de la province d’Anvers, en a parlé la semaine dernière dans le même sens que moi, et il est à même de bien connaître l’état des choses. D’après mes données, les cas de maladies et de mortalité sont moindres à St-Bernard que dans toute autre prison de l’Etat. Pourquoi, dès lors, transférer la prison dans une autre localité ?

Mais ce qui m’étonne le plus, c’est que la commission d’enquête, nommée par le gouvernement pour constater l’état de salubrité de la prison, soit uniquement composée d’employés du gouvernement. On aurait dû, au moins, appeler dans la commission des membres de la commission médicale provinciale d’Anvers ; et les personnes qui ont, depuis nombre d’années, administré gratuitement la prison, auraient pu donner tous les renseignements désirables.

Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien nous dire sur quoi il fonde son opinion favorable à la suppression de la prison de St-Bernard.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je demande cette année une augmentation de 80,000 fr. pour constructions et réparation à faire dans les prisons. Toutes les personnes qui ont visité les prisons de notre pays savent dans quel état de délabrement se trouvent la plupart de ces bâtiments. Dans plusieurs localités, il est indispensable de construire des prisons nouvelles ; il ne serait pas raisonnable, en effet, de faire des travaux de réparation aux prisons qui ne sont, vu leur état, guère susceptibles d’être réparées ; ce serait de l’argent perdu, comme le fait observer l’honorable M. de Villegas. Or, du moment où il est constaté qu’une prison n’est pas susceptible de réparation, le gouvernement a bien le droit, au moyen des subsides qui lui sont accordés, d’en faire construire une nouvelle. Je ne pense pas qu’on veuille exiger qu’une commission de la chambre, aille visiter toutes les prisons, et décide celles qu’il faut maintenir ou supprimer, et celles qu’il faut reconstruire, etc., etc.

Ce sont là toutes questions administratives dans lesquelles la chambre ne doit pas entrer.

Au reste, ce que dit maintenant l’honorable M. Osy est tout à fait en opposition avec ce qui a été voté l’année dernière ; car l’année dernière des fonds ont été alloués pour construire deux prisons nouvelles, l’une à Liége et l’autre à Verviers. Des difficultés se sont élevées, relativement à la construction de la prison de Liége. Deux terrains avaient été indiqués. Quant à l’un de ces terrains, l’on craignait le manque d’eau, tandis que dans l’autre terrain on était menacé d’inondation. Il a donc fallu choisir un autre terrain, et d’après ce que m’a appris, il y a peu de jours, M. le gouverneur de la province de Liége, je ne tarderai pas à recevoir un rapport dans lequel sera indiqué l’emplacement définitif de la prison nouvelle ; les plans en sont déjà arrêtés.

La prison de Verviers sera également mise incessamment en adjudication. Cette prison doit être construite, si je ne me trompe, au dessus du chemin de fer. Le département des travaux publics avait à faire une voûte à cet endroit ; cette voûte est maintenant terminée ; mais on a demandé d’ajourner la construction de la prison nouvelle, jusqu’à ce que la voûte fût bien assise.

la justification du chiffre que je demande se trouve dans l’énumération des travaux qu’il est nécessaire d’exécuter. Il y a des travaux à faire dans les prisons d’Anvers, de Bruxelles, de Vilvorde, de Nivelles, de Bruges, de Gand, d’Alost, de Charleroy, etc. ; la somme nécessaire pour ces travaux est de 650,000 fr.

L’honorable M. Osy me demande de quel droit je voudrais supprimer la prison de Saint-Bernard. Cette prison a été établie dans cette localité par arrêté royal, et un autre arrêté royal, je pense, peut supprimer cette prison et la placer ailleurs.

L’honorable M. Osy va plus loin : il ne conçoit même pas comment il peut venir à l’esprit de qui que ce soit de supprimer la prison de St-Bernard.

Pour mon compte, je concevrais difficilement comment cette idée ne serait pas venue au gouvernement, car depuis longtemps des plaintes très-vives sont faites relativement à l’état sanitaire de St-Bernard. Eh bien, malgré (page 329) les rapports nombreux et concluants qui existent au département de la justice, je n’ai pas encore voulu me décider. J’ai nommé une commission chargée d’émettre un avis sur la question de savoir s’il y a lieu, oui on non, à maintenir la prison de St-Bernard. Dans tous les cas, si la prison de St-Bernard est maintenue, il est impossible de conserver dans cette prison le nombre des individus qui y sont actuellement détenus, car les personnes mêmes qui ont jugé que la prison de St-Bernard n’était pas insalubre, ont reconnu que l’encombrement considérable des détenus nuisait à leur santé. C’est même à cause de cet encombrement qu’on a été obligés de transférer à Vilvorde certains individus qui avaient été condamnés correctionnellement. C’est le fait dont l’honorable M. de Brouckere a entretenu dernièrement les chambres.

Ainsi, que la prison de St-Bernard soit ou ne soit pas maintenue, toujours est-il qu’il sera nécessaire de construire une prison nouvelle. Mais évidemment, avant de faire construire une prison centrale nouvelle, maintenant que la chambre est saisie d’un projet de loi sur le régime des prisons, j’attendrai que la chambre ait décidé quel régime sera appliqué aux individus qui subiront des peines correctionnelles ou criminelles. Je ne fais pas la même réserve, quant aux maisons d’arrêts, car pour ces prisons il ne peut y avoir le moindre doute.

L’honorable M. Osy s’est plaint encore de la composition de la commission que j’ai nommée. Cette commission est formée des médecins les plus capables, et je ne pense pas que la qualité de médecin du gouvernement doive être un motif de défiance aux yeux de la chambre. Pourquoi faudrait-il proscrire les médecins du gouvernement qui visitent les prisons, qui s’occupent spécialement de l’état sanitaire de ces établissements ? Devais-je, par exemple, exclure de la commission l’inspection-générale du service de santé qui inspecte toutes les prisons, qui reçoit les rapports des médecins attachés à ces maisons, et qui doit savoir mieux que personne les causes de la mortalité qui peut y régner ? Je ne pense pas que les défiances de l’honorable préopinant seront partagées par la chambre.

Messieurs, l’honorable préopinant a dit, je ne sais, du reste, dans quelle intention, que j’étais disposé à supprimer la prison de Saint-Bernard, pour la fixer à Louvain. Cette ville serait, sans doute, un excellent emplacement pour une prison de ce genre, mais je dirai à l’honorable M. Osy que rien n’est encore décidé à cet égard.

M. Lys – Mon intention était de demander des renseignements à M. le ministre sur la construction de la prison à Verviers. M. le ministre m’a déjà satisfait en grande partie. Je dirai cependant que la voûte dont il parle est construite depuis près d’un an et demi et sert au chemin de fer qui passe dessous et aux communications qui passent dessus. Si les plans et les devis sont faits, je ne vois rien qui s’oppose à ce qu’on mette les travaux en adjudication, de manière à pouvoir les commencer l’année prochaine, sinon les achever. Depuis que je siège dans cette chambre, des crédits ont été votés chaque année, mais jamais aucun n’a été employé.

M. Osy – Je conçois que la chambre ne peut pas se constituer en commission pour examiner si des prisons doivent être changées. Mais quand le gouvernement a l’intention de faire de nouvelles prisons, on devrait en parler dans le budget. Mais le budget n’en dit rien et il n’en est pas davantage fait mention dans le rapport de la section centrale. L’art. 5 parle bien de constructions nouvelles, réparations, etc. mais cela ne veut pas dire qu’on fera des prisons nouvelles, car on les aurait spécifiées ; on ne peut entendre par là que des constructions nouvelles dans les prisons actuelles. L’année dernière on avait désigné les prisons nouvelles qu’il s’agissait de faire, on connaissait les intentions du gouvernement. Mais cette année on ne sait rien. Le gouvernement doit nous faire connaître les constructions qu’il se propose de faire. Il ne peut pas dépendre de lui de supprimer une prison pour en construire une nouvelle, et de nous entraîner ainsi dans des dépenses considérables.

M. le ministre nous a dit que des renseignements nombreux lui avaient donné la certitude que la prison de St-Bernard est insalubre. Eh bien moi j’ai eu ce matin la visite d’un administrateur de la prison, d’un philanthrope qui m’a dit que jamais la commission n’a eu à se plaindre de l’insalubrité de la prison ; les renseignements de M. le ministre ne peuvent venir que d’administrateurs salariés et non philanthropes.

Je n’ai pas critiqué les personnes appelées à faire partie de la commission instituée par M. le ministre ; mais j’ai blâmé M. le ministre de n’avoir pas appelé dans cette commission des médecins de la localité qui sont mieux à même de la connaître qu’un docteur de la province de Namur ; par exemple, le médecin principal de la maison pénitentiaire des femmes à Namur.

Je crois que les médecins de la localité auraient été plus compétentes. La commission est composée de cinq membres ; je prie M. le ministre d’y adjoindre quelques personnes de la province d’Anvers pour pouvoir faire une enquête contradictoire. Je lui demanderai de nous dire si telle est son intention.

M. Fallon – L’honorable M. Osy critique la composition de la commission nommée par M. le ministre de la justice pour examiner l’état de la prison de St-Bernard, parce qu’un docteur de Namur a été appelé à en faire partie. Je ferai observer que ce docteur est attaché à un établissement fort important, la maison pénitentiaire de Namur, et qu’il doit avoir toutes les connaissances nécessaires pour apprécier les questions soumises à son examen.

M. Cogels – Je crois que l’honorable M. Osy n’a pas eu l’intention de contester les connaissance ni l’impartialité du médecin attaché à la maison pénitentiaire de Namur. Mais il a craint qu’il ne fût dominé par le préjugé des habitants des pays montagneux contre les bords de l’Escaut. En effet quelques parties de l’Escaut sont insalubres, on est sujet à s’y contracter des fièvres ; mais c’est dans la partie des poldres, tandis que celle où est située St-Bernard, est une côté assez élevée ; des maisons de campagne sont établies à proximité de la prison ; et on conçoit que des particuliers n’iraient pas faire de grands frais pour élever de beaux châteaux dans des endroits tout à fait insalubres.

- La discussion est close.

« Art. 1er. frais d’entretien et d’habillement, de couchage, et de nourriture des détenus, frais d’habillement et de couchage des gardiens et gratifications aux détenus : fr. 1,135,000 »

- Adopté.

Articles 2 à 5

Art. 2. Traitements des employés attachés au service domestique : fr. 364,325

- Adopté


Art. 3. Récompenses aux employés pour conduite exemplaire et actes de dévouement : fr. 3,000

- Adopté.


Art. 4. Frais d’impression et de bureau : fr. 23,000

- Adopté.


Art. 5. Constructions nouvelles, réparations, entretien des bâtiments et du mobilier.

Le gouvernement avait demandé 650,000 fr.

La section centrale, d’accord avec le gouvernement, propose de réduire ce chiffre à 644,000 fr., et de porter au budget des travaux publics les 6,000 fr. qui font la différence.

L’art. 5 est adopté avec le chiffre de 644,000 fr.

Section II. Service des travaux
Articles 6 à 9

« Art. 6. Achats de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 700,000 »

- Adopté.


« Art. 7. Gratifications aux détenus : fr. 170,000 »

- Adopté.


« Art. 8. Frais d’impression et de bureau : fr. 8,000 »

- Adopté.


« Art. 9. Traitements et tantièmes des employés : fr. 85,500 »

- Adopté.

Chapitre XI. Frais de police

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Service des passeports : fr. 20,000 »

- Adopté.


« Art. 2. Autres mesures de sûreté publique : fr. 48,000 »

- Adopté.

Chapitre XII. Dépenses imprévues

Article unique

« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 5,000 »

M. Mast de Vries – Messieurs, l’année dernière ce chiffre a été augmenté de 1,500 fr. sur la proposition d’un honorable collègue. Cette somme était destinée à donner quelques secours à Geens et à Bonné père et fils, dont il est inutile de rappeler la triste histoire. Je demanderai qu’on leur accorde encore cette année la même somme, car leur position est tellement malheureuse que si vous refusiez de leur venir en aide, ces infortunés, après avoir été conduits à l’échafaud pour un fait qui ne leur était pas le leur et privés par suite de leurs moyens d’existence, seraient réduits à aller mendier. Je m’adresse à votre justice, je ne veux pas m’adresser à votre pitié ; car j’aurais trop à dire. Les maladies que ces deux malheureux ont contractés en prison les ont mis dans l’état le plus déplorable.

Je demande que la somme de 1,500 fr. soit, comme l’année dernière, ajoutée au chiffre de l’article des dépenses imprévues, afin de venir au secours de Geens et de Bonné père et fils.

M. Rodenbach – Je conçois que c’est un insigne malheur pour ces personnes dont on vient de parler, d’avoir été condamnées ; mais en supposant qu’elles ne l’eussent pas été, ces personnes, avec leur métier de colporteurs, ne pouvaient jamais gagner 1,500 fr. par an. Je trouve la somme qu’on veut leur accorder très-forte ; peut-être l’an prochain vous en demandera-t-on encore autant. Ne pourrait-on pas réduire la somme à mille fr. au lieu de 1,500 ? Nous avons d’autres malheureux dans le pays.

M. de Garcia - L’année dernière, lors de la discussion du budget de la justice, je m’étais opposé à l’augmentation proposée pour donner des indemnités à des victimes d’erreurs judiciaires. Je pensais que si on voulait réparer les erreurs que peut commettre la justice, il fallait proposer une loi à cet égard. Je taxai le mode de réparation qu’on vous propose d’être irrégulier et incomplet. Les victimes d’erreurs judiciaires ne se rencontrent pas seulement dans des condamnations définitives, elles peuvent se rencontrer à chaque pas que fait la justice, soit dans des arrestations préventives soit dans des condamnations en premier ressort. Si vous portez incidemment une somme au budget pour réparer une de ces erreurs, et cela sans aucuns principes reconnus ni posés, vous ouvrez la porte à des abus de toute espèce. S’il nous était présenté une loi sur cette matière, je porterais la plus grande sollicitude à son examen. En Angleterre, je crois qu’il existe des lois en vertu desquelles des indemnités sont données à ceux qui sont victimes d’erreurs judiciaires mais je trouve irrégulier de faire cela incidemment ; c’est pour cela que je m’y oppose. S’il y a lieu d’accorder des réparations civiles pour les erreurs judiciaires, il faut porter une loi qui pose des principes généraux, non-seulement pour consacrer le principe, mais encore pour tracer les règles pour fixer l’indemnité.

(page 330) Qui empêchera que, l’année prochaine, on ne vienne faire encore la même proposition ? De telle sorte que vous réduirez la question qui nous occupe à accorder une pension, et ce par privilège, car vous n’avez pas de principe, à quelques victimes de la justice. Occupons-nous de poser des règles, à cet égard, si on le veut ; mais gardons-nous de poser des faits et des antécédents, qui peuvent offrir de graves inconvénients. La proposition actuelle en est une preuve, elle repose sur l’antécédent posé l’an dernier. Si l’on veut réparer les préjudices que les erreurs judiciaires peuvent causer à des citoyens, il faut une loi générale et, à toutes fins. Il faut qu’on répare le préjudice causé soit par une arrestation préventive, soit par une condamnation en première ressort. Je connais des individus qui ont été arrachés à leurs affaires, mis au secret, retenus plusieurs mois en prison et reconnus ensuite innocents ; évidemment ces actes ont été des plus préjudiciables à leurs intérêts personnels et matériels. Ceux qui avaient un commerce ont pu le voir anéanti. Je pourrais citer des faits. Cependant on n’a pas proposé de subside pour les indemniser. Dès lors que ce qu’on propose est irrégulier, aussi longtemps qu’une loi n’aura pas déterminé les cas qui pourraient donner lieu à une indemnité.

M. Mast de Vries – Le fait dont Geens et Bonné père et fils ont été victimes est extrêmement déplorable ; aussi je ne pense pas que de mémoire d’homme un pareil fait soit arrivé. Ici il ne s’agit pas d’une erreur judiciaire.

M. de Garcia – C’est cependant par l’effet d’une erreur judiciaire qu’ils ont été condamnés.

M. Mast de Vries – Il ne s’agit pas d’une erreur judiciaire comme celle que vous avez citées, d’une arrestation préventive plus ou moins longue, ce qui est sans doute très-fâcheux, mais d’individus qui sont dans la position la plus malheureuse, qui ont été condamnés à mort, dont un jugement a reconnu ensuite l’innocence, et on viendra dire qu’il faut les mettre dans la position qu’ils avaient antérieurement !

Les malheureux dont je parle ont souffert pour la société ; car l’exposition est une peine que l’on subit dans l’intérêt de la société.

Vous me citez un fait ; j’en citerai un autre. Un comptable avait été condamné en Algérie par un tribunal français à la dégradation ; un jugement a proclamé son innocence ; on lui a accordé une somme de 120,000 fr. parce que le gouvernement a reconnu qu’on lui avait enlevé l’honneur par une erreur judiciaire.

On parle de présenter une loi. Je ne m’y oppose pas. Mais en attendant la présentation du projet de loi, que l’on accorde au moins le même subside que l’année dernière, car vous ne pouvez contraindre à la mendicité ceux qui ont été à l’échafaud de la manière la plus malheureuse dans l’intérêt de la société. Ce serait une honte que ces hommes puissent dire : « Nous avons perdu, pour la société, tout ce qu’on peut perdre, et nous sommes obligés de demander l’aumône. »

M. de Garcia – Pour combattre les principes que j’ai développés, l’honorable M. Mast de Vries m’a fait dire des choses que je n’ai nullement soutenues, ni avancées. Il croit que je conteste le principe d’une réparation pour ceux qui sont victimes d’une erreur judiciaire. Je n’ai rien dit de semblable, et je déclare que je ne conteste en rien, dans certains cas, la justesse du principe. Mais je dis qu’il est irrégulier de porter des subsides au budget pour réparer des erreurs judiciaires. Je dis qu’il est irrégulier de porter aux dépenses imprévues une indemnité qui n’est basée sur aucune appréciation, et qui ne repose sur aucun principe consacré par la législation.

L’honorable membre dit qu’il ne s’agit pas, dans le cas actuel, de la réparation d’un préjudice causé par une erreur judiciaire, et, pour soutenir ce système, l’honorable membre dit que l’exposition qu’ont subie les malheureux dont s’agit, il l’ont subie dans l’intérêt de la société. Ceci est une grave erreur ; jamais l’état social n’est intéressé à ce qu’un innocent subisse aucune peine. Il faut le dire franchement, la peine subie par Bonné et Geens n’est et ne peut être que le résultat d’une erreur judiciaire. Or, le préjudice qui peut résulter d’erreur judiciaire, n’a pas son terme dans les condamnations graves et définitives.

Quand un citoyen est arrêté et détenu préventivement, condamné même par le premier degré de juridiction, et reconnu ensuite être innocent, pouvez-vous contester qu’il y ait là erreur judiciaire, et aussi bien que dans le cas actuel, lieu à une réparation envers la victime ? Quant à moi, je le déclare, je ne puis voir de différence dans ces erreurs judiciaires que sur la quotité de l’indemnité à accorder.

En principe, je ne m’oppose pas à ce que l’on répare tous les préjudices causés par des erreurs judiciaires ; mais je m’oppose au mode que l’on veut suivre. Un système, sagement combiné à cet égard, préviendrait peut-être les inconvénients qu’on signalait il y a quelques jours à propos des arrestations préventives.

L’honorable membre fait remarquer qu’il s’agit ici d’un cas spécial, parce que l’erreur a été plus grande ; cet argument ne repose sur aucun principe. La grandeur de l’erreur commise n’est pas un motif pour adopter un mode irrégulier de la réparer. La grandeur de l’erreur ne peut entrer en considération que pour allouer une indemnité plus considérable.

Un individu arrêté, mis au secret, arraché à ses affaires pendant 2,4 ou 6 mois, et reconnu ensuite innocent, en principe, doit avoir droit à une indemnité aussi bien que les victimes dont il s’agit. En adoptant la proposition qui vous est faite, c’est ouvrir la porte à toutes les réparations de cette nature. Si vous voulez rester dans les termes de la justice, vous devez réparer tous les préjudices causés par les erreurs judiciaires, ou n’en réparer aucun.

La présentation d’un projet de loi à cet égard est le seul moyen de régulariser la matière. Dans l’état actuel de la législation, je m’oppose au mode irrégulier qui est proposé.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Heureusement les cas d’erreur judiciaire sont fort rares. Comme je le disais l’année dernière, c’est la première erreur judiciaire constatée en Belgique depuis la mise en vigueur du code de 1810. En France, si mes souvenirs sont fidèles, il n’y en a eu que deux. Je pense donc qu’il n’est pas nécessaire de faire une loi spéciale.

L’année dernière, j’ai reconnu avec l’honorable M. de Garcia qu’il n’était pas très-régulier d’augmenter le chapitre des dépenses imprévues pour secourir des infortunes qui étaient connues au moment du vote du budget. On a fait observer que, la chambre votant la somme avec cette intention, la cour des comptes ne ferait aucune difficulté ; la dépense a en effet été liquidée.

Lorsque, l’année dernière, j’ai pris la parole sur cette demande de secours, j’ai dit qu’il ne fallait pas que cette loi, votée une année, dégénérât en pension ; j’ai dit que la position où ces malheureux se trouvaient était sans doute déplorable, mais qu’en fait le préjudice pécuniaire et matériel dont ils avaient souffert était réparé par un secours de 1,500 fr. J’ai donc dit qu’il ne devait pas considérer mon adhésion à cette allocation comme un engagement de ne pas m’opposer à la continuation de ce subside.

Néanmoins, en présence de ce que vient de dire l’honorable M. Mast de Vries, en présence des besoins qu’éprouvent encore ces malheureux, Bonné et Geens, en présence de leur position qui n’est pas changée, je n’aurai pas le courage de m’opposer à la demande de l’honorable membre.

Je ne m’oppose pas à ce qu’une somme de 1,500 fr. soit accordée à ces malheureux. Mais je pense qu’il doit être entendu que ce sera le dernier secours. (Adhésion.)

M. de Haerne – Je crois avec l’honorable ministre de la justice que les cas d’erreur judiciaire sont très-rares, que, par conséquent, il ne faudrait pas porter une loi de ce chef. Cependant je dois signaler un cas semblable dans la Flandre occidentale. Un malheureux a été condamné à mort ; sa peine a été commuée en celle de réclusion perpétuelle. Il a passé plusieurs années en prison. Maintenant le véritable auteur vient de se faire connaître ; il avait ménagé toutes les circonstances de manière à faire peser des soupçons sur celui qui a été condamné.

Je ne m’oppose pas à l’amendement de l’honorable M. Mast de Vries, mais je réclamerai la même faveur pour le malheureux dont je viens de parler, lorsque son innocence aura été judiciairement constatée ; car les deux cas sont identiques.

- Le chapitre « Dépense imprévues » est adopté avec le chiffre de 6,500 fr. proposé par M. Mast de Vries.

Chapitre XIII. Dépenses arriérées

Article unique

« Article unique. Dépenses d’exercices clos, 20,000 fr. »

- Adopté.

Vote des articles

La chambre passe au texte du budget

« Art. 1er. Le budget du département de la justice pour l’exercice 1845 est fixé à la somme de 11,139,111 fr. 66 c. conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1845. »

- Adopté.

La chambre renvoie à une prochaine séance le vote définitif de ce budget.

Rapports sur des pétitions

L’ordre du jour appelle en second lieu un rapport de pétitions.

M. Henot, rapporteur. - « Par pétition datée de Liége, le 22 novembre 1843, le sieur Denis Delsemme, ancien officier, demande qu’on lui accorde la croix de fer et les arriérés de la pension qui y est attachée. »

Le sieur Delsemme a joint à sa requête copie de différentes pièces, desquelles il résulte qu’il a servi dans l’armée française depuis 1784 jusqu’en 1812 ; qu’il est chevalier de la Légion d’honneur ; qu’il s’est toujours comporté en brave et loyal militaire et qu’il s’est acquitté fidèlement des fonctions de concierge de la prison militaire de Wezel.

Aucune de ces pièces ne peut établir les droits que le pétitionnaire réclame ; la seule qui est relative à sa demande est une copie d’un certificat délivré, le 2 juillet 1831, par M. Vercken aîné, commandant général de la garde urbaine liégeoise, qui constate qu’il a montré, dès les premiers jours de la révolution, le zèle le plus louable pour la cause populaire, et qu’il s’est fidèlement acquitté de la mission périlleuse de conduire un convoi de poudre au premier détachement liégeois parti pour Bruxelles.

Quoi qu’il en soit, la demande du pétitionnaire n’est plus recevable ; la commission qui a été chargée dans le temps de l’examen des demandes en obtention de la croix de fer, reconnaissant que les difficultés augmentaient à mesure que l’on s‘éloignait de l’époque où les faits invoqués par les pétitionnaires s’étaient passés, et qu’il devenait impossible d’accueillir de nouvelles demandes sans s’exposer à donner la croix à des personnes qui ne l’avait pas méritée, a déclaré dans sa délibération du 20 février 1836 qu’elle considérait sa mission comme terminée, et cette délibération a été approuvée par décision de M. le ministre de l'intérieur, en date du 4 juin suivant.

Il est à remarquer, au reste, que ces décisions avaient été précédées d’un avis en date du 10 novembre 1833, inséré au Moniteur du 12 du même mois, par lequel tous les intéressés étaient invités à présenter leurs demandes avant le 1er janvier 1834, pour tout délai, en y joignant toutes les pièces propres à prouver leurs droits, de sorte que si le pétitionnaire n’a pas été compris dans les nominations, il ne peut l’attribuer ni au gouvernement ni à la commission mais uniquement à sa propre négligence.

(page 331) En conséquence de ce qui précède, la commission a l’honneur de proposer l’ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


« Par requête datée de Gand le 12 novembre 1843, le sieur Félix Haestier, qui a perdu son emploi de greffier de la justice de paix du canton de Termonde, par suite des événements de 1830, demande une pension de retraite. »

Le gouvernement ayant, à la séance du 19 janvier dernier, présenté un projet de loi tendant à accorder une pension aux fonctionnaires belges qui se trouvaient dans la position du pétitionnaire, la commission a l’honneur de proposer le dépôt de la requête sur le bureau, pendant la discussion du projet.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « La députation permanente du conseil provincial du Hainaut transmet à la chambre un arrêté par lequel ce conseil émet le voeu que des mesures soient adoptées pour améliorer le sort des victimes de l’ophtalmie militaire. »

Le rapport de la commission du conseil provincial du Hainaut sur lequel cet arrêté a été rendu, fait un tableau effrayant des ravages que l’ophtalmie militaire a faits dans la province, et M. le procureur du Roi a déclaré que ce tableau n’était pas exagéré ; ce haut fonctionnaire a ajouté qu’il avait sollicité plus d’une fois M. le ministre de la guerre de ne plus permettre qu’on renvoyât dans leurs foyers les miliciens qui étaient atteints de ce fléau, et que ces vœux avaient été exaucés ; la commission du conseil ayant toutefois soutenu que la mesure adoptée par M. le ministre de la guerre était illusoire, parce que la maladie se développant lentement, et ne se déclarant qu’après qu’un milicien a quitté le service, le conseil provincial engage le gouvernement et la législature à prendre spécialement en considération :

1° Les miliciens qui, après avoir fini leur terme, sont renvoyés en congé définitif et qui, sans être aveugles, emportent avec eux le germe de l’ophtalmie militaire qui se développe quand ils sont rentrés dans leurs foyers ;

2° Ceux qui ont quitté le service, atteints de l’ophtalmie, et ont reçu des pensions provisoires dont ils ont été privés par suite des rapports des commissions qui ont jugé leur état amélioré, et ont néanmoins postérieurement perdu la vue ;

3° Les familles de militaires qui ont rapporté la contagion dans leurs foyers, et qui sont elles-mêmes victimes de ce fléau.

La commission s’associant au vœu émis par le conseil provincial du Hainaut a l’honneur de proposer le renvoi de son arrêté aux départements de l’intérieur et de la guerre.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par pétition sans date, Ferdinand Pernod, ancien militaire, réclame l’intervention de la chambre pour que le gouvernement capitalise la pension qui lui a été accordée du chef de ses services militaires. »

Le pétitionnaire expose qu’il compte 18 années de service et sept campagnes ; et que la pension qui lui est accordée du chef de ses services est insuffisante à sa subsistance si le gouvernement n’accepte pas la capitalisation qu’il demande.

Les pensions n’étant pas susceptibles d’être capitalisées, la commission a l’honneur de proposer l’ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par requête datée d’Anvers le 6 avril 1843, le sieur Dillewyns, batelier, prie la chambre d’accorder un secours pécuniaire aux enfants mineurs de feu son frère, dont le navire a péri en 1830. »

Le sieur Dillewyns expose que son frère se trouvant inscrit à la société générale des assurances maritimes d’Amsterdam, afin d’assurer son navire et son chargement ; que ce navire périt quelques jours après, et que, lui, pétitionnaire, s’étant rendu à Amsterdam pour toucher le montant de la valeur assurée, on lui répondit qu’on n’avait donné aucune suite à la demande d’assurance, attendu qu’une révolution avait éclaté en Belgique.

Comme il n’existe dans aucun budget des sommes destinées à faire face aux dépenses de la nature de celle qui fait l’objet de la réclamation du sieur Dillewyns, et que ce dernier n’ignore pas cette circonstance que M. le ministre de l'intérieur, auquel il s’était adressé, a portée à sa connaissance, la commission propose à la chambre d’ordonner le dépôt de la requête au bureau des renseignements.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par pétition en date du 20 novembre 1842, le sieur Scheys prie la chambre de prendre une décision sur la requête qu’il a présentée, de concert avec le sieur Verheyden, pour obtenir une indemnité du chef de dépenses faites dans la recherche de mines de fer. »

La décision que le pétitionnaire provoque existe depuis l’année dernière car, comme il le dit lui-même, l’enquête a été déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics pour l’exercice de 1843, et ensuite déposée au bureau des renseignements, et c’est pour ces motifs que la commission propose de passer à l’ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


« Par pétition datée de Diepenbeeck le 9 novembre 1843, Jean Faster, ancien garde forestier, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir une indemnité. »

Le pétitionnaire expose qu’il a été chargé de la surveillance du bois domanial nommé Molenbosh, à Diepenbeeck ; qu’un accident, arrivé dans l’exercice de ses fonctions, à l’index de la main gauche, le prive de l’usage de cette main, et que c’est sur cet accident qu’il fonde sa demande d’indemnité.

La commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par requête sans date, le sieur Jean-Baptiste de Graeve, charcutier à Gand, membre de la Légion d’honneur, réclame les arriérés de sa pension en qualité de légionnaire, et demande que cette pension lui soit à l’avenir payée par trimestre. »

Les pièces jointes à la requête établissent que le pétitionnaire a été créé chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur par arrêté du 15 octobre 1817, et ce à dater du 8 janvier 1809, et, d’après ladite requête, il aurait reçu jusqu’en 1813 la pension de 250 fr. attachée à cette qualité.

La commission a l’honneur de proposer le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet présenté à la chambre.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par pétition datée de Souvret, le 25 février 1843, le sieur Delbecque, ancien militaire, réclame le payement de sa dotation sur l’octroi du Rhin. »

Le pétitionnaire expose qu’il a reçu à la bataille de Wagram une balle au genou, et que cet événement le força à se servir d’une jambe de bois ; il ajoute que le gouvernement français le dota d’une pension annuelle de 500 fr. sur l’octroi du Rhin, et qu’il a réclamé en vain la continuation de cette pension ; il est à remarquer que le sieur Delbecque, qui n’a joint à sa requête aucune pièce qui constaterait la véracité de ses allégations, assure que les réclamations qu’il a faites antérieurement ont été rejetées parce qu’elles avaient été tardivement faites, et, s’il en est ainsi celle qu’il adresse à la chambre est entachée du même vice. Il est conséquemment à supposer que les réclamations du pétition auront été postérieures au 31 décembre 1817, et qu’elles auront été conséquemment frappées de la déchéance que le gouvernement des Pays-Bas avait attachée à toutes les réclamations de la nature de celle qui nous occupe, qui n’auraient pas été faites avant cette époque.

En conséquence de ce qui précède, votre commission a l’honneur de proposer l’ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruges, le 17 février 1843, les sieurs Jean Torreborre-Bogaert, François Moerloose et Pierre Torreborre-Janssens, directeurs du service des barques d’Ostende à Bruges, et de Bruges à Gand, et vice-versâ, demandent une indemnité pour les pertes qu’ils ont essuyées par suite de l’établissement du chemin de fer. »

La chambre voudra bien se rappeler qu’elle a été appelée plus d’une fois à s’occuper de la réclamation que le sieur Torreborre-Bogaert et compagnie ont cru convenable de renouveler, de sorte que les différentes décisions qu’elle a prises, ne les ont pas rebutés ; les directeurs des barques de Bruges, après avoir succombé dans les demandes en indemnité qu’ils avaient formées individuellement, n’ont pas craint de présenter cette fois leur demande collectivement, dans l’espoir, sans doute, qu’ils seraient plus heureux.

Le sieur Torreborre-Janssens ayant, par sa requête du 7 mars 1842, réclamé l’indemnité qu’il réclame derechef aujourd’hui, la chambre ordonna, dans la séance du 21 mai suivant, le dépôt de sa requête au bureau des renseignements.

Le sieur Moerloose ayant formé la même demande par sa requête en date du 4 avril 1842, la chambre ordonna également le 21 mai suivant le dépôt de cette pièce au bureau des renseignements.

Le sieur Toreborre, enfin, s’étant également adressé à la chambre afin d’obtenir une indemnité, sa requête fût renvoyée à la commission des finances, et sur le rapport que fît l’honorable M. Mast de Vries, au nom de cette commission, la chambre finit par adopter l’ordre du jour dans sa séance du 31 mai 1842.

Ce que la chambre a fait le 31 mai 1842, elle le fera encore aujourd’hui ; elle a reconnu alors que la responsabilité de l’Etat n’aurait pas de bornes, si les pertes essuyées par les directeurs des barques de Bruges devaient être bonifiées par lui, et la commission à conséquemment l’honorable de proposer à la chambre de passer à l’ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Henot, rapporteur. - « Par pétition signée à Bruges le 30 septembre 1843, le sieur Dewaele, ancien directeur des barques entre Bruges et Gand, demande une indemnité pour les pertes qu’il a essuyées par l’établissement du chemin de fer. »

Le pétitionnaire se trouve dans le même cas que les sieurs Torreborre-Bogaert et autres ; la chambre ayant passé à l’ordre du jour sur leur requête, la commission propose d’en faire de même sur la réclamation du sieur Dewaele.

- Ces conclusions sont adoptées.

La séance est levée à 4 heures et quart.