(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 198) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Bergé réclame contre l’ordre qui lui a été donné de sortir du royaume. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Babut-Dumarès, ancien receveur des contributions directes à Mons, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le payement de ce qui lui restait dû sur sa pension pendant les années 1836 à 1839. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les aubergistes, cabaretiers et débitants en détail de boissons distillées, à Eghem, demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Il est procédé par la voie du sort au tirage des sections.
MM. Ad. Wahlen et Cie, imprimeurs à Bruxelles, font hommage à la chambre de la « Discussion de la loi des droits différentiels du 21 juillet 1844 », qu’ils ont publiée.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le président – Les sections ayant autorisé la lecture de la proposition déposée sur le bureau par l’honorable M. Verhaegen, il a la parole pour donner cette lecture.
(page 199) « Léopold, Roi des Belges,
A tous présents et à venir, salut.
Vu l’art. 4 de la loi du 22 frimaire an VII, portant établissement d’un droit proportionnel d’enregistrement, entre autres pour toutes transmissions de propriété d’usufruit ou de jouissance de biens meubles et immeubles, soit entre-vifs, soit par décès ;
Vu les art. 14, n°8, et 15, n°7, de ladite loi, déterminant la valeur de la propriété, de l’usufruit et de la jouissance des biens meubles et immeubles pour la liquidation et le payement du droit proportionnel sur les transmissions entre-vifs à titre gratuit et celles qui s’opèrent par décès ;
Vu l’art. 69, §§ 4, 6 et 8 de la même loi qui fixe la quotité de ces droits ;
Vu l’arrêté du 15 brumaire an XII ;
Vu la loi du 7 pluviôse de la même année ;
Vu le décret impérial du 18 février 1809, et celui du 30 octobre de la même année ;
Vu l’art. 17 de la loi du 27 décembre 1817, réglant la quotité du droit de succession sur tout ce qui est acquis ou recueilli en propriété ou en usufruit par les héritiers, légataires ou donataires ;
Considérant qu’il importe aux intérêts du trésor de mettre en harmonie le droit proportionnel d’enregistrement des actes portant transmission de propriété, d’usufruit ou de jouissance entre-vifs à titre gratuit avec celui pour la transmission qui s’opère par décès, et ce en attendant une révision générale de toute la législation sur la matière ;
Attendu, d’ailleurs, qu’il importe de créer des ressources nouvelles au trésor pour arriver ainsi à la possibilité d’abolir ou au moins de diminuer certaines charges qui pèsent sur la classe nécessiteuse ;
Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous décrétons ce qui suit :
Art. 1er. A partir du jour de la promulgation des présents, les droits d’enregistrement sur les donations entre-vifs à titre gratuit de propriété ou d’usufruit de biens meubles ou immeubles, en ligne directe ou collatérale, entre époux et entre personnes non parentes, ainsi que celles faites aux établissements publics, aux corporations et congrégations reconnues par la loi, sous quelque dénomination que ce puisse être, seront perçus selon les quotités déterminées ci-après ;
A. Pour les biens acquis en propriété directe, deux francs par cent francs ;
B. Pour ceux acquis en propriété entre frères et sœurs, quatre francs pour cent francs ;
C. Pour ceux acquis en propriété entre époux, quatre francs pour cent francs ;
D. Pour ceux acquis en propriété entre neveu ou nièce, petit-neveu ou petite-nièce, et oncle ou tante, grand-oncle ou grand’tante, six francs par cent francs ;
E. Pour ceux acquis en propriété entre touts autres parents ou personnes non parentes, et toutes les donations entre-vifs à titre gratuit faites en faveur des établissements publics, corporations ou congrégations reconnues par la loi, dix francs par cent francs.
Sont seules exceptées les donations entre-vifs faites à des bureaux de bienfaisance, hospices ou hôpitaux, qui ne seront soumises qu’à un droit fixe de deux francs, conformément à la législation existante.
Art. 2. Pour les biens acquis en usufruit ou en jouissance par donation entre-vifs, à titre gratuit, il ne sera dû que la moitié des droits ci-dessus cités.
Art. 3. Il ne sera dû que la moitié des droits fixés par les deux articles précédents lorsque les donations entre-vifs, à titre gratuit, son faites par contrat de mariage aux futurs époux.
Art. 4. La valeur de la propriété de l’usufruit et de la jouissance des immeubles est déterminée, pour la liquidation et le payement du droit proportionnel, par une évaluation qui doit être faite en capital, d’après le revenu du cadastre, multiplié par trente-cinq ans, sans distraction des charges.
Art. 5. La valeur de la propriété de l’usufruit et de la jouissance des biens meubles est déterminée, par la liquidation et le payement du droit proportionnel, par une déclaration estimative certifiée par les parties, dans le corps de l’acte, et signée par elles.
Art. 6. Les actes de donation entre-vifs, à titre gratuit, de la propriété de biens immeubles devront être transmis au bureau des hypothèques de leur situation, dans le délai et au droit établi par la loi du 3 janvier 1824.
Art. 7. Aucune autorité publique ne peut accorder de remise ou modération des droits établis par les présentes ni en suspendre ni en faire suspendre le recouvrement.
Art. 8. Toutes les dispositions législatives non contraires à la présente loi sont maintenues. »
M. le président – Il reste à fixer le jour pour les développements de cette proposition. L’auteur sera prêt vendredi.
Plusieurs voix – Après le budget des voies et moyens !
- Les développements de la proposition de M. Verhaegen sont renvoyés après le vote du budget de voies et moyens.
M. le président – L’art. 1er est ainsi conçu :
« Les dispositions de la loi du 29 décembre 1843 (Bulletin officiel, n°928) continueront d’être en vigueur jusqu’au 31 décembre 1846, en ce qui concerne l’orge, et jusqu’au 31 décembre 1845, en ce qui concerne le seigle. »
L’amendement consiste en ce que le terme d’une année a été substitué à celui de deux années en ce qui concerne le seigle.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement de l’honorable M. de Garcia. Peut-être devrai-je entrer dans des considérations générales, mais j’espère que la chambre me le permettra.
Messieurs, la protection que nous devons à l’agriculture est d’une importance telle que je ne puis me dispenser de vous présenter quelques observations rapides sur le projet de loi amendé par la chambre et sur lequel nous allons voter.
Ce n’est pas que j’espère que mes observations auront le résultat que je désire, je suis habitué à voir sacrifier l’agriculture. Mais patience, il se fait dans le pays une réaction agricole qui sera d’autant plus grande que les cultivateurs auront été plus longtemps victimes.
Pour moi, du moins, je n’aurai pas de reproche à me faire. Je ne puis, sans protester, laisser établir une exception contraire à l’esprit de notre Constitution, aussi bien qu’elle est funeste aux intérêts du pays et à ceux du trésor.
Quelques orateurs, dans la séance de samedi, ont soutenu les intérêts agricoles si souvent méconnus. Mais vous le dirai-je, messieurs, ces orateurs ont faiblement insisté sur les conséquences de la loi proposée par le ministère, parce qu’ils avaient la certitude d’échouer, et parce qu’ils étaient en présence d’engagements que je ne veux pas qualifier, contractés par le ministère en faveur de l’étranger et au détriment des cultivateurs nationaux. Le vote de samedi est un vote de blâme, je m’y associe.
Il est un fait constant, et plus d’un orateur l’a reconnu, c’est que les produits du sol sont en baisse. Dans un tel état de choses, le gouvernement, au lieu de demander la prolongation de l’exception de la loi de 1834, aurait dû nous demander de la faire cesser.
Nous sommes peut-être à la veille de la plus désastreuse catastrophe, par suite de la diminution de la valeur des propriétés et de l’avilissement des productions de la terre. Il est du devoir d’un gouvernement sage et prévoyant d’éviter cette catastrophe. Au lieu de cela, il porte une nouvelle atteinte aux intérêts de la classe la plus nombreuse et la plus utile du pays ; il nous demande la ruine du cultivateur et des nombreux ouvriers agricoles, comme si la ruine de cette classe de citoyens ne devait pas réagir sur l’industrie manufacturière et sur le commerce.
C’est une erreur de croire que le bas prix du pain est favorable à l’industrie.
Il ne suffit pas à l’industrie de produire, il faut qu’elle écoule ses produits manufacturés. Eh bien, messieurs, je vous le demande, à qui les vendra-t-elle, si les trois quarts de la nation se trouvent dans l’impossibilité de les acheter ? A l’extérieur, me répondront les partisans exclusifs de l’industrie et du commerce. A ceux-là je réponds que notre premier marché, celui auquel nous devons d’abord notre protection, c’est notre marché intérieur.
La ruine de l’agriculture amène forcement la ruine de l’industrie. N’est-il pas préférable que l’ouvrier de nos manufactures paye le pain quelques centimes de plus que de rester sans travail ? C’est quand le pain est à bas prix que la misère est la plus grande ; mais ce sont là des vérités qu’il n’est plus possible de contester ; nous ne nous y arrêtons pas plus longtemps. Toutefois, voici un raisonnement que je vous prie de méditer.
En supposant le froment à vingt francs, un ménage composé de cinq individus dépensera au plus six francs pour le pain nécessaire à sa famille pendant une semaine. Si le chef de la famille gagne par son travail deux francs par jour, soit douze francs par semaine, il lui restera, outre la dépense pour le pain, six francs pour satisfaire à d’autres exigences.
Il est démontré que chaque franc de hausse ou de baisse par hectolitre de grain, donne une différence de 60 centièmes de cent. par jour et par chaque ration de pain. Ainsi, lorsque le prix de l’hectolitre de froment descend à 15 fr., ce qui est une perte immense pour le cultivateur, cette dépréciation ne réduit pas la dépense en pain du chef de la famille, composée de 5 individus, que d’un franc par semaine, soit 5 francs au lieu de 6. Mais lorsque le froment descend au prix de 15 fr., tous les fermiers locataires sont en perte ; les ouvriers de la campagne, qu’on paye en nature, sont ruinés, et partant ils ne peuvent acheter de produits manufacturés. Bientôt le travail se ralentit dans les fabriques, on diminue le salaire des ouvriers et ceux qui gagnaient 12 fr. par semaine, n’en reçoivent plus que 6 ou 7. Ainsi l’ouvrier ne peut disposer, par semaine, que d’un francs ou 2 en sus des 5 fr. nécessaires à payer son pain.
Je vous en laisse juges, ne vaut-il pas mieux que l’ouvrier dépense 6 fr., au lieu de 5, puisque, pour cette différence, il s’assure un travail régulier et productif, qui lui permet de nourrir et d’entretenir sa famille ?
Le cultivateur, le fabricant et l’ouvrier industriel n’y sont-ils pas également intéressés ? Le franc d’augmentation que je demande au chef d’une famille composée de cinq individus donne des débouchés à nos fabriques en augmentant le nombre des consommateurs, et il assure au cultivateur la juste rémunération de ses pénibles travaux. C’est chez moi l’objet d’une conviction sincère et profonde que le bas prix du pain est une calamité pour tous.
Je livre ces réflexions à nos adversaires, et je les engage, au nom des intérêts de ceux dont ils se croient les défenseurs, à les méditer sérieusement.
(page 200) La plus petite atteinte portée à l’agriculture, peut avoir des conséquences désastreuses pour les intérêts du trésor.
On peut estimer la valeur de la propriété agricole belge, non compris les terrains boisés et bâtis, à deux milliards au moins.
La baisse du prix des céréales amène forcément la diminution du bétail qui entretient la fécondité du sol. Un sol appauvri diminue de valeur. Eh bien, messieurs, n’apercevez-vous pas quelle influence la diminution du prix des céréales exercera sur les droits d’enregistrement, de succession et d’hypothèques, qui versent annuellement plus de 16 millions au trésor ?
Je n’exagère pas, messieurs, en vous disant qu’en moins de deux ans l’avilissement du prix des grains réduira considérablement la valeur de la propriété agricole de la Belgique. Diminuer cette valeur, c’est ruiner le pays. Voilà où conduit le peu de protection qu’on accorde en Belgique à l’agriculture.
Sans agriculture prospère, la Belgique est impossible.
Avant de terminer, qu’il me soit permis de vous présenter encore quelques observations.
On convient, en Belgique, que le prix normal du froment est de 20 fr. l’hectolitre. Eh bien il se vend aujourd’hui 2 fr. en dessous du prix normal. Le seigle aussi se vend maintenant au moins 2 fr. en dessous du prix rémunérateur. Ainsi, sur 7 millions d’hectolitres livrés à la consommation, le cultivateur belge perd 17 millions.
Si ces 14 millions étaient entrés dans la caisse des cultivateurs plus de 10 millions auraient été employé en faveur de l’industrie, du commerce et de la classe ouvrière.
La perte que font les cultivateurs se fera sentir aux industriels, aux commerçants et aux ouvriers.
Ne perdons pas de vue que la prospérité de la Belgique est inséparable de la prospérité de son agriculture.
En effet, l’agriculture est la poule aux œufs d’or, soignez-la bien si vous voulez qu’elle ponde. Imitons nos voisins, suivons l’exemple de la France, pays agricole comme la Belgique. Protégeons le cultivateur belge comme la France protège le cultivateur français.
Nos populations rurales connaissent la différence de protection dont l’agriculture est l’objet dans les deux pays ; elles n’ont pas manqué, dans les nombreuses réclamations qui ont amené le retrait du projet que M. le ministre de l’intérieur nous avait présenté le 28 novembre 1843, de nous demander à être traités par nous comme les agriculteurs français étaient traités par leurs députés.
Nos cultivateurs connaissent très-bien que dans le moment actuel le gouvernement belge demande que la protection sur l’orge soit de 24 centimes par hectolitre, quand il paye près d’un franc par chaque mesure d’orge qu’il produit en impôt foncier, tandis qu’en France la protection sur l’orge s’élève à deux francs 34 centimes par hectolitre.
Que MM. les ministres ne croient pas que cette différence de protection soit restée inaperçue.
Si le cultivateur est calme et conservateur, s’il craint de susciter des embarras au gouvernement, il ne faut pas qu’on abuse de sa patience et de son amour de l’ordre pour le ruiner… Mais patience ! avant peu les sociétés et les comices agricoles qui existent se multiplieront, comme en France, sur tous les points de la Belgique.
Bientôt tous les cultivateurs comprendront la nécessité de former entre eux une vaste association pour défendre leurs intérêts et leurs droits.
Faut-il autre chose que la conduite du gouvernement envers les cultivateurs pour hâter un résultat que j’appelle de tous mes vœux, par amour pour la prospérité de mon pays ?
Ne pouvant espérer de voir repousser le projet de loi en discussion, et devant choisir entre deux maux, je voterai pour l’amendement de l’honorable M. de Garcia, sauf à voter contre l’ensemble de la loi ou du moins de m’abstenir ; en m’abstenant, je croirai faire une bien grande concession au ministère.
- L’amendement introduit au premier vote dans l’article premier est mis aux voix et définitivement adopté.
« Art. 2. Indépendamment de la quantité de six millions de kilogrammes de céréales, dont l’entrée en permise dans le district de Verviers, par l’art. 8 de la loi du 6 juin 1839, il pourra être importé, au même droit et pour la même destination, jusqu’au 31 décembre 1846, une nouvelle quantité de six millions de kilogrammes.
« Le gouvernement pourra, si les intérêts du pays l’exigent, suspendre, en tout ou en partie, les effets de la présente disposition.
« Cette importation de douze millions s’effectuera à raison d’un million par mois, par les bureaux à désigner par le gouvernement.
« Il sera constaté que les céréales à importer sont originaires du duché de Limbourg ».
M. Cogels – J’avais demandé la parole ; si l’article n’est pas combattu, je m’abstiendrai.
M. de Tornaco – Messieurs, à la fin de la séance de samedi, j’avais demandé la permission d’adresser quelques questions à M. le ministre des finances, mais la discussion ayant été close, je n’ai pas pu le faire. Je vais suppléer à mon silence forcé de samedi. Je désirerais savoir si M. le ministre des finances, qui s’est engagé, à propos de l’amendement de mon honorable ami M. Delfosse, à établir plusieurs bureaux d’importation, a l’intention de faire une répartition entre les divers bureaux, quant à la quantité de kilogrammes à introduire. Pour moi, je désirerais que la concurrence fût entièrement libre et qu’il n’y eût pas de répartition.
Une autre demande que j’adresserai à M. le ministre, est relative à la publication du chiffre des introductions mensuelles. Ne serait-il pas possible de publier ce chiffre soit dans le Moniteur, soit au moyen d’affiches apposées sur les bureaux mêmes d’introduction ? Je demande cette publicité dans l’intérêt du gouvernement lui-même, car le bruit s’est répandu qu’on laissait entrer des quantités de céréales beaucoup plus considérables que celles qui sont autorisées par la loi. Si le gouvernement publiait le chiffre des importations mensuelles, il mettrait un terme à ces bruits qui sont de nature à produire un effet fâcheux.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je n’ai pas encore de résolution arrêtée sur la première question que vient de poser l’honorable membre. Les autorités locales seront consultées sur la question de savoir s’il est préférable de laisser toute liberté quant aux quantités à importer par les divers bureaux qui seront désignés, ou s’il ne conviendrait pas mieux d’attribuer à chacun de ces bureaux une portion des importations à faire. Je ne puis donc faire une réponse formelle à la première question. Quant à la seconde, je reconnais l’utilité de la publicité que demande l’honorable membre ; en effet, on peut s’effrayer à tort des importations qui se feront par suite de la disposition dont il s’agit et en exagérer les quantités ; la publicité qu’il réclame préviendra ces craintes ; elle se fera au moyen d’affiches apposées dans chaque bureau, indiquant l’importation du mois et rappelant les importations précédentes qui auront lieu depuis le 1er janvier de chaque année.
Je pense que cette promesse satisfera l’honorable membre, et je regrette de ne pouvoir lui faire une réponse plus complète quant à l’objet de sa première question.
- Les trois premiers paragraphes sont mis aux voix et adoptés sans discussion.
La chambre passe au § 4.
M. Eloy de Burdinne – Je demanderai à M. le ministre s’il a des moyens de constater que les grains introduits proviennent réellement du Limbourg, parce qu’il me paraît fort difficile, sinon impossible, de constater si les grains du pays ne sont pas mêlés à des grains de Dantzig ou du Danemark. Si M. le ministre avait quelques moyens de constater cela, j’aurais moins d’inquiétude.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – On le constatera autant que possible, on cherchera à savoir quel est l’état des récoltes annuelles dans le duché de Limbourg ; on verra jusqu’à quel point cette récolte annuelle présente l’excédant que suppose la loi. Le duché de Limbourg est lui-même intéressé à ce que les grains importés en Belgique soient originaires du pays. Je conviens, on l’a reconnu dans la discussion, que cette constatation est très-difficile ; on aura égard à un concours de circonstances et particulièrement à l’état des récoltes de l’année dans le Limbourg hollandais.
M. de Garcia – Il faut en convenir avec franchise, on n’a aucune espèce de moyen de constater l’origine des grains importés ; pût-il en être autrement, ce que je dénie formellement, le Limbourg pourra nous faire passer son grain et manger les grains du Nord ou de la Prusse.
La mesure adoptée, il faut le dire franchement, se trouve sans moyens assurés d’exécution, et cette mesure ne peut porter qu’un grave préjudice à l’agriculture du pays, sans servir en rien à l’avantage de nos anciens frères.
M. Desmet – Il est très-vrai que la constatation dont il s’agit est très-difficile, mais l’importation qu’on permet a un autre inconvénient ; c’est qu’on introduit des froments très-mauvais et qui peuvent même occasionner beaucoup de maladies.
J’engagerai le gouvernement à prendre des mesures dans l’intérêt de la chose publique pour empêcher l’entrée des froments gâtés. C’est principalement pour cela que j’ai demandé la parole, parce qu’il est à ma connaissance qu’on nous introduit des froments d’Egypte tellement mauvais qu’ils engendrent des maladies.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je viens appuyer l’observation de l’honorable M. Desmet, et pour recommander tout particulièrement au gouvernement de s’assurer si les grains qu’on introduit ne sont pas gâtés. Cela est arrivé ; je sais qu’il y a trois ans des grains gâtés, entrés par Anvers, s’y vendaient 14 fr., tandis que le nôtre en valait 24. Ces grains ont été jusqu’à Mons. Les boulangers les mêlaient avec de bons grains, et ce mélange était de nature à faire naître des maladies.
- Le 4e § est mis aux voix et adopté.
Il est procédé ensuite au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
72 membres répondent à l’appel.
66 membres disent oui ;
3 disent non ;
3 s’abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Se sont abstenus : MM. de Garcia, Desmet et Eloy de Burdinne.
Ont répondu non : MM. Thienpont, de Roo et Pirson.
Ont répondu oui : MM. Simons, Smits, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Castiau, Cogels, Coghen, d’Anethan, David, de Brouckere, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Delvaux, d’Hoffschmidt, Dolez, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, (page 201) Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Savart-Martel, Sigart et Liedts.
M. de Garcia – Une seule disposition de la loi pouvait présenter un caractère d’utilité, c’est celle concernant l’orge. Quant au surplus de la loi, je le regarde comme funeste à l’intérêt général de l’agriculture du pays, voilà pourquoi je me suis abstenu.
M. Desmet – J’ai voté la disposition relative à l’orge. Je la considère comme nécessaire, parce que la production de l’orge est insuffisante. Mais je ne pouvais admettre un privilège pour l’introduction des autres céréales.
M. Eloy de Burdinne – J’aurais certainement voté contre la loi s’il n’y avait pas une question qui peut intéresser les Flandres et l’industrie linière. Je n’ai pas voulu donner un vote approbatif à une loi qui nous entraîne de plus en plus vers la ruine, je ne dirai pas de l’agriculture, mais du pays tout entier, de son industrie et de son commerce.
M. Lys – Des négociants d’Eupen, ville voisine du chemin de fer, se plaignent du retard apporté au transport des leurs marchandises du bureau de Verviers au bureau de Herbestal, tellement qu’ils sont décidés à revenir à leur ancien mode de transport. Ils citent un fait très-grave, c’est qu’on aurait fait déposer au bureau de Verviers, le 14 de ce mois, 1,700,000 kil. de marchandises qui s’y trouvaient encore le 19 du même mois.
Je remarque aussi, dans les journaux de Liége, que les négociants de cette ville se plaignent des retards du transport des marchandises de Verviers à la frontière de Prusse.
Je demanderai à ce sujet des explications à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Effectivement j’ai reçu, il y a quelques jours, des plaintes relatives au retard du transport du chemin de fer entre Verviers et Herbestal. J’ai fait demander des renseignements ; je ne les ai pas encore obtenus. Dès que je les aurai reçus, je pourrai en entretenir la chambre.
M. le président – La discussion est ouverte sur l’ensemble du budget. La parole est à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – La section centrale ayant proposé à la chambre l’adoption du budget des voies et moyens, sauf un seul amendement auquel je me suis rallié, je n’ai pas de considérations nouvelles à présenter à la chambre à ce sujet.
Je rencontrerai surtout une observation de la section centrale, qui a fait remarquer que cette année encore on a porté au budget des voies et moyens, comme revenu, quelques capitaux provenant de la vente des biens domaniaux. Il est vrai que ces capitaux figurent au budget des voies et moyens, mais avec cette différence qu’ils ne sont plus, comme les années précédentes, destinés à faire face aux dépenses ordinaires ; non-seulement les recettes présentent un excédant de 1,200,000 fr. sur les dépenses, mais parmi ces dernières, comme l’a très-bien fait ressortir la section centrale, est comprise une somme de 440,000 fr., complément de la rente rachetée des Pays-Bas ; tandis qu’au même budget des dépenses figure l’intégralité de la rente du nouveau fonds de 4 ½ p.c. qui a été créé. C’est donc une dépense extraordinaire de 440,000 fr. qui est portée au budget de cette année, bien qu’elle soit compensée par une partie du bénéfice fait sur le taux d’émission de l’emprunt. Le bénéfice total résultant du taux d’émission serait de 1,313,463 fr. Cette déduction ne devait pas être opérée. J’aurais pu faire figurer ce bénéfice au budget des voies et moyens de 1845 ; je ne l’ai pas voulu, dans la crainte qu’au premier aperçu de la balance des recettes et des dépenses, on ne se fit une idée trop favorable de notre situation financière ; ainsi, j’ai préféré comprendre cette ressource dans le balance des budgets de 1844.
J’ai présenté ces observations à la chambre pour qu’elle soit convaincue qu’au budget de 1845 les capitaux cessent d’être destinés à faire face aux dépenses ordinaires.
J’ajouterai une seule observation sur un vœu émis par la section centrale et par les sections relativement à la loi sur la contribution personnelle, dont on désire la révision. C’est un objet dont je m’occupe activement. Une enquête a été faite dans les diverses provinces sur l’application de la loi actuelle. Le travail est fort avancé. J’espère que le moment n’est pas éloigné où je pourrai soumettre à la chambre des propositions sur cette législation.
M. Eloy de Burdinne – Le gouvernement vous propose d’augmenter le principal de la contribution foncière : D’une somme de 340,895 fr. provenant de l’opération cadastrale dans le Limbourg et dans le Luxembourg, où il a été reconnu que ces deux provinces payent un contingent inférieur aux autres provinces, entre lesquelles la péréquation a eu lieu en 1833, et comparée au revenu cadastral ;
D’une somme de 184,609 fr. provenant du montant de l’impôt à frapper les propriétés bâties depuis huit années et appelées à être imposées aujourd’hui.
Ensemble, l’impôt foncier est augmenté de 589,923 fr.
Vu les besoins du trésor, je consentirai, quoiqu’à regret, à souscrire à l’augmentation du contingent provenant de l’impôt sur les constructions nouvelles, mais je refuse mon approbation à l’augmentation demandée résultant de l’augmentation de la valeur imposable reconnue exister dans le Limbourg et dans le Luxembourg, comparativement aux autres provinces. Lors de la péréquation entre les sept provinces, en 1835, avons-nous opéré de la même manière ? Non, certainement ; nous avons réparti le contingent entre les sept provinces, d’après le revenu imposable fixé par le cadastre de chacune d’elles.
Pourquoi dévier aujourd’hui du principe suivi en 1835 ?
On me répondra, et je m’y attends, que le trésor ayant besoin de ressources, nous en trouvons au moyen de l’augmentation de l’impôt foncier, et, selon nos précédents, nous chargeons la propriété de nouveaux sacrifices.
La propriété, messieurs, ne vous a jamais fait défaut ; elle fut, depuis la révolution et sous le gouvernement précédent, la bête de somme ; elle a toujours supporté les charges les plus lourdes.
Au commencement de la révolution, elle a supporté un emprunt de 12 millions de florins, dont la plus grande partie fut négociée à 50 p.c. de perte. Les petits cultivateurs ne pouvaient attendre ; les financiers ont profité de la détresse des cultivateurs. Peu après, on a ajouté au principal 40 centimes additionnels.
Au moyen de centimes additionnels, vous avez toujours trouvé le moyen d’augmenter les impôts sur la propriété. Il est donc inutile de grossir le contingent, il est surtout impolitique et même injuste de frapper d’augmentation la propriété dans le moment où tout fait prévoir une catastrophe par suite de la baisse des produits de la terre. Prenez-y garde, messieurs, ne perdez pas de vue que la propriété est votre seule ressource, qu’elle fournit, tant directement qu’indirectement, 13 seizième des impôts, et que, dans un temps très rapproché, si vous ne la ménagez et si vous ne la soutenez, vous serez appelés à venir à son secours, mais vous serez dans l’impossibilité de satisfaire à ses justes réclamations.
Ah ! messieurs, croyez-moi ; changez de système, cessez de prendre des mesures législatives et douanières qui nuisent à l’agriculture en même temps qu’au trésor de l’Etat.
Ne perdez pas de vue que l’impôt foncier pèse principalement sur la classe moyenne, je dirai même sur la classe qui est près de la pauvreté. La propriété, en Belgique, est fort divisée, la classe en dessous même de la moyenne en possède une grande partie ; et quant à l’autre partie quoiqu’appartenant à la classe aisée, par suite d’un usage établi en Belgique, l’impôt foncier est supporté par les locataires ; et quoi que vous fassiez il en sera toujours ainsi : le repreneur fait peu d’attention à cette charge, il est guidé par l’espoir de voir réduire l’impôt foncier au lieu de le voir augmenter, et par le désir d’être agriculteur. Une autre considération qui vient à l’appui de mon opinion, c’est la conduite de nos voisins en ce qui concerne l’agriculture ; nous devons éviter que les trois quarts de la population, intéressée à la prospérité de cette industrie, ne comparent la conduite de la France avec ce qui se fait en Belgique ; cette comparaison a déjà été signalée, conduisons-nous de manière à la faire oublier plutôt qu’à la rappeler, si nous ne voulons ruiner les trois quarts de nos populations.
En temps de paix vous voulez augmenter l’impôt foncier, quand déjà il supporte 18 centimes additionnels, tandis que l’impôt personnel ne paye que 10 centimes !
C’est l’inverse qui devrait avoir lieu. En temps de paix, un gouvernement prévoyant ménage la propriété, pour se réserver des ressources en temps de guerre et autres circonstances majeures.
D’après ces considérations et bien d’autres trop longues à détailler, je voterai contre l’augmentation résultant de l’opération cadastrale du Limbourg et du Luxembourg.
En France, l’impôt sur le sucre produit 1 fr. 50 c. par habitant. En Belgique, il donne au plus 75 c. Voilà les objets de luxe que vous pouvez atteindre. Mais imposer davantage la contribution foncière, c’est ruiner l’agriculture, l’Etat, l’industrie et le commerce !
M. le ministre des finances, dans son exposé des motifs, fonde sa proposition d’augmentation de la contribution foncier sur ce que, depuis un demi-siècle, elle n’aurait pas été augmentée.
Mais aviez-vous besoin de l’augmenter ? Immédiatement après la révolution, n’avez-vous pas établi sur cette contribution 40 centimes additionnels ?
Prenez-y garde, ne ruinez pas les campagnes ; ce sont elles qui alimentent l’armée et le trésor. Lorsque vous les aurez épuisées, vous vous trouverez dans la position la plus déplorable, sans pouvoir faire face à vos obligations, sans pouvoir compenser la diminution des impôts, qui sont le résultat de la prospérité de l’agriculture,et que l’agriculteur paye indirectement.
Si nous n’avions pas d’autres moyens de faire face à nos dépenses, je me verrais forcé de voter le budget, mais nous avons d’autres ressources. Le sucre peut produire 6 millions au lieu de 3 millions.
Je me réserve mon vote sur l’ensemble du budget.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je reconnais avec l’honorable préopinant que l’intérêt agricole est digne de la plus vive sollicitude du gouvernement. Aussi ne demandons-nous pas une augmentation dans la proportion de l’impôt foncier.
L’honorable préopinant n’était pas tout à fait dans la vérité, lorsqu’il disait que nous voulions charger l’agriculture de nouveaux sacrifices. Nous demandons à la chambre le maintien de la proportion de la péréquation cadastrale, arrêtée par la loi de 1835 ; nous ne réclamons aucune augmentation dans la quotité du droit.
Déjà, dans le rapport que j’ai fait à la section centrale et dans mon exposé des motifs, j’ai fait remarquer à la chambre que dans le Limbourg et le Luxembourg il y avait de grandes quantités de terres qui avaient jusqu’ici été soustraites à l’impôt et qui y seront soumises à l’avenir ; que c’était de là que provenait l’accroissement, non de la proportion, mais du produit de l’impôt.
En effet, dans le Luxembourg, il n’y avait d’imposé que 310,000 hectares, (page 202), c’est-à-dire que, dans la première répartition, on n’avait constaté que 310,000 hectares ; or, pour l’arpentage on en a constaté 441,000 ; il y a don un excédant de 131,000.
Dans cet excédant sont compris des biens domaniaux aliénés, qui sont devenus imposables sans avoir donné lieu à un accroissement de la contribution foncière ; la quantité de ces biens domaniaux est de 23,000 hectares. A cause de ces terrains non déclarés, non soumis à l’impôt, il existe des disproportions extraordinaires dans les différentes quotités de l’impôt des diverses localités ; il est des cantons où la proportion de la contribution n’est que de 3 p.c., tandis que dans d’autres cette proportion est de 16 p.c. ; cela provient de ce que, dans certains cantons, on a agi avec plus de bonne foi ; qu’on fait des déclarations se rapprochant de l’exactitude, tandis que dans d’autres on est parvenu à soustraire à la contribution foncière une grande étendue de terrains.
Ainsi, messieurs, je viens simplement demander à la chambre de conserver la proportion arrêtée en 1835. cette proportion donnera pour résultat une nouvelle ressource au trésor ; mais personne n’aura à s’en plaindre, parce que personne ne supportera un accroissement de charges. Ceux-là seulement qui ont éludé la contribution pendant un certain nombre d’années en souffriront ; mais ce sera une répartition qu’ils doivent à l’Etat. Déjà trop longtemps ils se sont soustraits à des charges qui ont pesé sur leurs concitoyens.
Je ne puis assez insister sur cette observation, qu’il n’y aura pas accroissement d’impôt.
M. Savart-Martel – Je prie M. le ministre des finances de dire s’il ne serait point possible, en ce qui concerne la contribution foncière, qu’au dos de l’avertissement adressé au contribuable, on mentionnât l’extrait de la matrice du rôle, afin que le contribuable soit à même de vérifier de suite s’il n’est imposé que pour les propriétés qui lui appartiennent, surtout qu’en cas d’erreur, le citoyen cotisé ne peut réclamer que dans un court délai.
Les choses se passent ainsi, au moins dans le département du Nord, et l’on s’en trouve bien. Les erreurs sont faciles à vérifier et à réparer.
M. de Theux – Je prierai M. le ministre des finances de bien vouloir nous dire si, en ce qui concerne le Limbourg, les propriétés qui, jusqu’à présent, n’ont pas payé l’impôt, ne sont pas en majeure partie d’anciennes bruyères livrées à la culture depuis un certain nombre d’années. Je désirerais savoir quelle est la quantité de ces terrains et à partir de quelle date ces terres ont été livrées à la culture, soient qu’elles aient été converties en bois, soit qu’elles aient été ensemencées.
Je désirerais aussi savoir quelle est la quantité de terrains anciennement cultivées, qui était sujette à la contribution et qui en aurait été exemptée.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, quand j’ai cité tout à l’heure des chiffres pour la province de Luxembourg, je me suis abstenu d’entrer dans les mêmes détails en ce qui concerne la province du Limbourg, parce que je craignais d’abuser des moments de la chambre.
La contenance déclarée dans la partie du Limbourg qui reste à la Belgique était de 163,000 hectares, et l’on en a constaté aujourd’hui 241,000 ; la différence est donc de 78,000 hectares.
L’honorable préopinant me demande si cet excédant ne provient pas en grande partie de terrains qui, à une certaine époque, ne consistaient qu’en bruyères.
La chose est possible, elle est même probable ; mais je dois déclarer que l’on n’impose comme terres arables que les terrains convertis en terres cultivées avant les opérations de l’arpentage, c’est-à-dire avant 1830, et qu’en outre les exceptions temporaires accordées par la loi aux nouvelles cultures, sont maintenues partout où elles ont été déclarées lors de l’arpentage ou de l’expertise.
M. de Theux – Je prierai M. le ministre des finances de nous donner, lorsque nous en viendrons à l’article, des renseignements exacts. Il est intéressant de savoir quelle a été la quantité de bruyères défrichée depuis quelques temps, quelle a pu avoir été la quantité de terres soustraite à l’impôt et depuis combien d’années ces terrains doivent avoir été cultivés pour être soumis à l’impôt.
M. Mast de Vries – Je regrette vivement que le gouvernement se trouve dans la nécessité de venir nous demander de nouvelles ressources sur l’impôt foncier. Je ferai remarquer que cette contribution se trouve encore frappée de 3 centimes additionnels ; il me paraît que l’on aurait dû saisir cette occasion pour supprimer ces 3 centimes additionnels et les remplacer par le revenu que produira l’impôt sur les terrains qui en ont été exempts jusqu’ici dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg.
Remarquez, messieurs, que ce que le gouvernement propose, c’est la continuation, pour l’éternité pour ainsi dire de ces 3 centimes additionnels ; l’augmentation dont il est question aujourd’hui était la seule occasion d’en obtenir la suppression. Il est d’autant plus regrettable que nous ne puissions arriver à cette suppression, que l’observation de M. le ministre des finances, que l’on conserve l’évaluation du cadastre de 1835, ne trouverait peut-être pas une application aussi facile aujourd’hui qu’en 1835.
La situation de la propriété foncière, à cette époque, était prospère et avait une marche ascendante, tandis qu’il en est tout autrement dans le moment actuel, surtout pour les bois.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je regrette, comme l’honorable membre, de ne pouvoir apporter de réduction, non-seulement à la contribution foncière, mais encore à d’autres impôts. La situation de nos finances ne le permet pas. Si d’autres ressources avaient pu être créées, quelques impôts existants pourraient être diminués ; mais telle n’est pas notre situation pour l’avenir. La question reste entière à l’égard de l’impôt foncier comme en ce qui concerne tous les autres impôts.
Messieurs, j’espère pouvoir satisfaire à la demande que m’a faite l’honorable M. Savart, et qui consiste à porter sur les avertissements de la contribution foncière le revenu imposable en même temps que la proportion et la cotisation. Je donnerai des instructions dans ce sens, pour que ces indications soient portées sur les avertissements dans les localités où elles peuvent avoir été omises.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, pour expliquer l’augmentation que M. le ministre des finances nous propose sur l’impôt foncier, il nous a dit qu’elle provenait de ce qu’il avait été reconnu que, dans le Limbourg et le Luxembourg, un grand nombre de terres n’avaient pas payé jusqu’aujourd’hui cet impôt. Mais, messieurs, lorsque nous avons fait la péréquation entre les provinces, qu’avons-nous décidé ? Nous avons dit que la contribution foncière était un impôt dont la somme serait fixe et nous avons fixe à part ce que devrait supporter chacune des sept provinces où les opérations cadastrales étaient achevées. S’il est aujourd’hui reconnu qu’il existait dans le Limbourg et dans le Luxembourg beaucoup de terres soustraites à l’impôt, nous devons en conclure que les sept autres provinces ont payé un impôt qui ne leur incombait pas. Pourquoi alors ne pas les dégrever, au lieu d’augmenter l’impôt en faveur du trésor ?
M. le ministre des finances nous dit : Cela ne nuira à personne ; on ne payera pas plus ; personne n’aura à se plaindre. Mais, messieurs, nous avons payé trop jusqu’aujourd’hui ; nous devrions donc être dégrevés, et l’on se plaindra de ce qu’ayant droit à une réduction, on ne l’obtient pas.
L’honorable M. Mast de Vries vous a proposé de donner à la propriété une fiche de consolation qui consisterait dans la suppression des 67,000 fr., produit des trois centimes additionnels.
M. Mast de Vries – 534,000 fr.
M. Eloy de Burdinne – J’avais compris qu’il s’agissait de l’augmentation votée il y a trois ans. Mais, lors même qu’il s’agirait de la somme qu’on vient de nous dire, je m’opposerais à ce qu’on la supprimât et à ce qu’on grevât le principal de pareille somme, par le motif que les trois centimes additionnels disparaissant aujourd’hui, peut-être dans un an ou deux ans, on voudra les rétablir.
Cependant, non, messieurs, nous ne devons pas nous attendre à cela parce que d’ici deux ans, non-seulement les centimes additionnels disparaîtront, mais il faudra faire plus, il faudra réduire le principal de la contribution foncière.
Pour me résumer, messieurs, je ne puis donner mon assentiment à cette augmentation du contingent en principal de la contribution foncière, en premier lieu, parce que je regarde cette augmentation comme inopportune et ensuite parce que la chambre, lorsqu’elle veut demander de nouvelles ressources à cet impôt, peut toujours le faire en frappant de nouveaux centimes additionnels.
M. Castiau – Il me semble, messieurs, que nous ne pouvons laisser tomber après quelques rapides explications, une discussion aussi importante que la discussion générale sur le budget des voies et moyens. Je viens donc vous demander la permission de continuer le débat, et j’espère que pour demain, les orateurs, et surtout les orateurs de l’opposition, ne me feront pas défaut et soutiendront vigoureusement la lutte.
Il y a quinze ans, messieurs, que l’on nous a solennellement promis la révision de notre système financier. Il y a quinze ans que chaque année, périodiquement à la même époque, on vient démontrer devant vous les vices de ce système ; il y a 15 ans aussi que des vues de progrès et d’amélioration de toutes espèces sont produites dans cette enceinte, et depuis quinze ans aussi, messieurs, même impassibilité de la part de tous les ministres des finances qui se sont succédé ; même oubli des promesses faites ; même répulsion pour toute idée de progrès et d’amélioration.
Cette année encore le budget n’est que la reproduction textuelle, le calque servile, en quelque sorte, du budget de l’année dernière, qui a été l’objet de tant de critiques. Cependant, messieurs, vous avez vu M. le ministre des finances, lorsqu’il nous a présenté le budget, vous l’avez vu monter à cette tribune pour y chanter (qu’il me permette cette expression), pour y chanter les louanges et presque la gloire de son administration et de ses fonctionnaires. Il a déroulé devant nous la série des immenses services rendus au pays par l’administration des finances ; j’ai vu le moment où, dans son enthousiasme pour l’administration qu’il dirige, il allait réclamer en sa faveur l’honneur, le mérite d’avoir inventé le cadastre. Je n’ai, messieurs, qu’un seul mot à répondre à tous ces éloges et à ce brillant panégyrique.
C’est que toutes ces mesures, si vantées par M. le ministre, ont été introduites non pas pour améliorer la position des contribuables et les dégrever des impôts qui les écrasent ; mais, au contraire, pour augmenter les ressources du trésor. Ces mesures ne sont donc pas, comme on l’a prétendu, des mesures progressives, ce sont des mesures purement fiscales.
M. le ministre ne s’est pas arrête à ces brillants éloges de son administration ; il a voulu nous prouver en quelque sorte que nous étions dans le meilleur des mondes possibles, et que sans doute aussi, le ministère était le premier, le meilleur de tous les ministères. Il a eu recours, dans cette occasion, à un moyen assez usé, mais qui cependant produit toujours assez d’effet sur les esprits superficiels ; il a eu recours à la statistique comparée ; il a été prendre la moyenne des impôts dans trois autres pays seulement, et il est venu vous dire avec un accent triomphal :
« Voyez, le contribuable ne paye en Belgique que 19 fr., la moyenne de toutes les contributions, n’est, en Belgique, que de 19 fr. !... en France, elle (page 203) est de 30 fr. 60 c. ; elle est, en Hollande, de 39 fr. 63 c. ; enfin, en Angleterre, elle n’est pas moindre de 56 fr. »
Déjà, messieurs, on a fait justice de cet échafaudage de chiffres par un seul mot ; on a fait observer que les calculs de M. le ministre des finances étaient incomplets ; et, en effet, c’est qu’il n’a compris dans le relevé des taxes que les taxes de l’Etat ; mais, ainsi qu’on le lui a rappelé, à côté des taxes de l’Etat se trouvent les taxes provinciales, les taxes communales, et ces charges individuelles si lourdes, on vous l’a dit, dans certaines parties du pays.
J’ajouterai, messieurs, que M. le ministre des finances a eu un autre tort : celui de ne pas prendre en considération, dans ses évaluations, la valeur relative du numéraire dans les divers pays qu’il a cités. Si M. le ministre avait tenu compte de cette différence, il aurait vu que la moyenne des impôts en Angleterre, par exemple, qu’il mettait en parallèle avec la moyenne des impôts en Belgique, pour faire ressortir la modération de notre système d’impôts, il aurait vu que la moyenne des impôts en Angleterre est, à très-peu de choses près, la même que la moyenne des impôts en Belgique.
Il ne suffisait pas, du reste, de s’en tenir à un travail purement matériel il ne suffisait pas de venir placer sous nos yeux quelques chiffres, d’établir je ne sais quelle moyenne ; il fallait pousser plus loin l’examen ; il fallait surtout comparer les systèmes financiers, il fallait examiner si le système financier des autres pays était ou n’était pas supérieur au nôtre, car on se plaint moins encore de l’exagération des taxes que de leur mauvaise répartition ; si M. le ministre des finances des finances s’était occupé de ce travail d’analyse ; s’il avait examiné les bases de ces impôts, s’il avait étudié, par exemple, le système financier de l’Angleterre, où il prétend que le contribuable était le plus fortement grevé, il aurait vu que si la moyenne des impôts en Angleterre s’élève à un chiffre double de celui de la moyenne des impôts en Angleterre, plusieurs de ces impôts sont cependant répartis d’une manière plus équitable en Angleterre qu’en Belgique. Ainsi il aurait trouvé en Angleterre cette taxe sur les revenus qui ne produit pas moins de 105 millions par an et qui pèse presque exclusivement sur la richesse, car on en exempte toutes les fortunes qui n’atteignent pas quatre mille francs de rente. Il y aurait encore trouvé le principe de l’impôt progressif appliqué à de nombreuses taxes ; il y aurait trouvé enfin des taxes sur le luxe, sur les chevaux, sur les voitures, sur les armoiries, qui s’élèvent à plus de 26 millions. Si M. le ministre, je le répète, avait comparé le système financier de l’Angleterre et le système financier de la Belgique, tout en reconnaissant que la moyenne des contributions est plus élevée en Angleterre qu’en Belgique, il sont répartis d’une manière plus équitable qu’en Belgique, il aurait reconnu qu’en Angleterre on tend maintenant à faire retomber les nouveaux impôts sur les classes riches, sur celles qui, dans tous les pays, devraient en supporter la plus large part.
Cette observation, messieurs, ne s’applique pas seulement aux contributions directes, elle s’applique aussi aux impôts de consommation, aux contributions indirectes. M. le ministre s’est également prévalu de l’élévation du chiffre des impôts indirectes en Angleterre, il a prétendu que la moyenne des impôts indirects en Angleterre ne s’élève pas à moins de 36 fr., tandis qu’en Belgique elle n’est que de 18 fr. Eh bien, ici encore M. le ministre des finances aurait dû avoir la loyauté de dire en quoi consistaient ces impôts de consommation en Angleterre ; s’il avait consulté le budget anglais, il aurait vu que les impôts de consommation en Angleterre, se composent, pour les trois quarts, de droits de douanes.
Je sais bien que, dans certains cas, les droits de douanes pèsent aussi sur les classes ouvrières et sur les classes pauvres, mais il faut reconnaître qu’en définitive ils sont plus équitablement répartis que la plupart des autres impôts de consommation. L’Angleterre a des droits de douanes élevés, mais du moins elle a eu l’équité de supprimer l’odieux impôt qui grevait la consommation du sel. Voilà ce que M. le ministre aurait dû nous dire et ce qu’il devrait imiter. Ce n’était donc pas un travail mécanique, un travail d’expéditionnaire qu’il fallait faire, c’était un travail loyal, un travail raisonné et intelligent, et alors M. le ministre aurait été obligé d’avouer lui-même l’infériorité de notre système financier, et de reconnaître que le système financier des autres nations établissait souvent un répartition plus équitable des charges publiques entre les diverses classes des contribuables.
Je demanderai, à mon tour, à M. le ministre des finances pourquoi il s’est ainsi arrêté dans la voie où il était entré, pourquoi il s’est borné à nous citer trois pays seulement dans sa statistique comparative ? la France, la Hollande et l’Angleterre. Pourquoi n’a-t-il donc pas poussé plus loin ses investigations ? Pourquoi n’a-t-il pas consulté les annales financières des autres pays ? Pourquoi ? C’est que ce travail nous aurait fourni des armes contre lui ; c‘est qu’il aurait prouvé que les taxes étaient moins élevées dans ces pays qu’en Belgique ; c’est qu’il serait résulté que la Belgique occupe la quatrième place parmi les nations qu’écrase le plus fortement la fiscalité. Ainsi nous avons non-seulement un système financier détestable, mais nous sommes encore au nombre des peuples les plus imposés.
Et si nous occupons aujourd’hui la quatrième place de l’échelle comparative des impôts dans les divers pays, à la marche que suit l’administration des finances, il est facile de prédire dès aujourd’hui que la Belgique finira par arriver au premier rang.
Que voyons-nous, en effet, chaque année ? des augmentations successives d’impôts. On ne sait vraiment plus qu’imaginer pour trouver des matières imposables. Ainsi l’on a augmenté l’impôt sur le sucre et le café, on a élevé les droits sur le tabac ; on a augmenté l’impôt sur les boissons ; on a augmenté les droits de greffe ; on a successivement élevé la contribution foncière, dont d’honorables membres vous parlaient tout à l’heure, et aujourd’hui l’on veut l’augmenter encore, puisque le contingent provincial perdra le bénéfice qu’il retirait de l’accroissement des propriétés imposables.
Il y aura progression dans l’impôt foncier par cela même que la tendance actuelle de la contribution foncière est une tendance décroissante et que maintenant, par le système qui vous est proposé, vous allez enlever aux provinces le bénéfice dont elles ont joui jusqu’ici et donner à l’impôt un caractère constamment ascensionnel.
Ce n’est pas seulement la contribution foncière, messieurs, que l’on vous propose d’augmenter par des voies indirectes ; on veut encore aggraver la contribution indirecte la plus impopulaire qui existe : l’impôt sur le sel.
Autant que je me le rappelle, en effet, l’impôt sur le seul figurait au dernier budget pour une somme de 4 millions de francs seulement ; eh bien, dans le budget qui nous est présenté, cet impôt figure pour 4,600,000fr. Peu m’importe comment les 600,000 fr. sont obtenus ; toujours est-il que c’est une nouvelle charge imposée aux contribuables, et cela à l’occasion d’un impôt que nous ne nous lasserons pas de flétrir dans cette enceinte, parce qu’en définitive, c’est l’impôt le plus inique de tous les impôts de consommation. On ne saurait assez le répéter, l’impôt sur le sel est le plus inique des impôts, car il représente quatre fois la valeur d’un produit imposé ; est-ce qu’un impôt qui arrive à cet état d’exagération n’est pas un impôt spoliateur ? Que dirait-on si l’on appliquait une telle progression à la contribution personnelle, à la contribution foncière ? Que dirait-on si le fisc enlevait quatre fois la valeur des objets sur lesquels frappent ces contributions ? Est-ce que le pays tout entier ne se soulèverait pas contre de telles spoliations ? Cependant, c’est ce que l’on fait pour l’impôt sur le sel, et cette exagération fiscale est d’autant plus odieuse qu’elle frappe surtout les classes populaires ; car un ménage pauvre, chacun le sait, consomme bien plus de sel qu’une famille riche. Je dirai et je répéterai donc à satiété que c’est là un impôt inique, un impôt pour la réprobation duquel je ne saurais trouver des paroles assez énergiques.
Et ce n’est pas seulement, messieurs, dans l’intérêt de la justice et des classes populaires que la suppression de cet impôt est demandée, on vous l’a demandée souvent dans l’intérêt de l’agriculture qui a besoin de sel pour ses engrais, pour ses bestiaux, pour ses produits ; l’industrie, à son tour, a réclamé vingt fois la suppression de cet impôt ; car vous savez tous que le sel est une matière première pour une foule d’industries. Eh bien, malgré toutes ces réclamations présentées au nom de l’humanité, au nom de la morale, au nom du commerce, au nom de l’agriculture, au nom de l’industrie, M. le ministre des finances, au lieu de dégrever le sel, a constamment travaillé à accroître le produit de cette taxe déplorable.
Et cependant, messieurs, avec un peu de bon vouloir de la part de M. le ministre, il lui serait bien facile aujourd’hui d’arriver à la suppression de cet impôt inique et impopulaire ; il lui serait facile d’y arriver ; car déjà l’année dernière on avait annoncé une loi pour empêcher les fraudes qui se commettent dans les déclarations relatives aux successions mobilières. Cette loi était de nature à faire rentrer au trésor, sur l’un des impôts les plus équitables, quelques millions qui en sont aujourd’hui détournés par la fraude. Qu’est devenu ce projet de loi aussi juste que moral ? On n’en parle plus.
Le premier soin de M. le ministre des finances ne devrait-il pas être de faire justice à la fraude et de faire rentrer dans les caisses du trésor les sommes que la fraude parvient à lui soustraire ?
Il en est de même de la contribution personnelle.
J’ai entendu, avec plaisir, M. le ministre de finances déclarer, il y a un instant, au début de la discussion qu’on s’occupait de la révision de certaines bases de la contribution personnelle. Là aussi des fraudes nombreuses se commettent, et ces fraudes portent principalement sur les bases qui offrent les plus fortes présomptions de richesse. Ce sont les bases relatives aux chevaux et aux domestiques de luxe, qui donnent lieu au plus grand nombre de fraudes.
En réprimant ces fraudes, l’administration des finances arriverait peut-être facilement à trouver les quatre millions que rapporte maintenant l’impôt sur le sel ; mais, en supposant que la répression des fraudes commises en matière de succession et de contributions personnelles ne fût pas suffisantes pour produire ces quatre millions, serait-il donc si difficile de trouver d’autres matières imposables sur lesquelles la fiscalité pût opérer sans inconvénients ? J’ai parlé tout à l’heure de la taxe sur les domestiques mâles et sur les chevaux de luxe ; eh bien, voilà deux bases auxquelles l’administration des finances devrait s’attacher principalement, parce que ces taxes s’adressent aux jouissances du luxe et de l’opulence, et que c’est là surtout que doivent porter les exigences de la fiscalité. Pourquoi donc n’élèverait-on pas au besoin ces taxes ? Pourquoi surtout ne les élèverait-on pas d’une manière progressive ? Ne pourrait-on pas exiger un doit double, triple ou quadruple, selon le nombre de domestiques mâles et des chevaux de luxe ?
Ces idées, qui jusqu’à un certain point paraissent empreinte de radicalisme, ne reçoivent-elles pas la sanction de l’expérience dans les pays les plus aristocratiques ? cette règle de progression contre laquelle on s’élève, et dont on a fait un épouvantail, n’est-elle pas appliquée en Angleterre à une foule de taxes ? C’est l’idée la plus simple, la plus usuelle et en même temps la plus juste. L’administration des finances ne sentira-t-elle pas qu’il est temps d’entrer dans cette voie d’équité et de raison ? Supprimons donc enfin, supprimons successivement nos taxes les plus impopulaires ; imposons le luxe et la richesse, et au besoin introduisons aussi en Belgique cette taxe sur le revenu qui existe déjà en Angleterre et dans d’autres pays.
Voilà les questions que j’aurais voulu voir étudier et résoudre par l’administration (page 204) des finances, au lieu de chercher à justifier son système d’impôts, en nous apportant des moyennes et des chiffres qui ne prouvent rien.
Si l’étranger nous présente des système d’impôts plus justes, plus moraux et plus loyaux que la plupart de nos taxes, pourquoi ne chercherait-on pas à les appliquer en Belgique ? Nous ne demandons pas des innovations ridicules et de brusques changements, nous demandons simplement que vous vouliez introduire en Belgique les institutions financières des autres pays plus parfaites que les nôtres.
Eh bien, aussi longtemps que M. le ministre des finances se renfermera dans la même immobilité, aussi longtemps qui se fera l’apologiste de tous les vices de notre système financier, aussi longtemps qu’il refusera de les faire disparaître, aussi longtemps qu’il ne proposera pas quelques taxes qui auront pour effet de faire retomber les charges publiques sur les classes de la société qui devraient en supporter la plus forte part, jusque-là, dis-je, je voterai, à mon grand regret, contre le budget des voies et moyens. Je ne veux pas être le complice des iniquités qu’il renferme.
Je repousserai donc, et c’est surtout pour expliquer ce vote négatif que j’ai pris la parole, je repousserai donc le budget des voies et moyens ; je le repousserai à cause des considérations financières dans lesquelles je viens d’entrer et que je regrette de n’avoir pu développer avec plus d’ordre et de préparation. Je le repousserai encore par des considérations tirées de la politique du cabinet, car c’est un grand acte politique que le vote du budget des voies et moyens. Le vote du budget des voies et moyens est, avant tout, un vote de confiance en faveur du ministère. Eh bien, avant de lui livrer le trésor de l’Etat et l’argent des contribuables, il faut savoir si le ministère mérite ou non la confiance de la chambre et la confiance du pays.
Le ministère peut-il compter en ce moment sur l’appui de la majorité de la chambre ? Je l’ignore, j’en doute ; les leçons qu’il a reçues, les échecs humiliants qu’il vient d’éprouver, doivent lui faire comprendre que la majorité est près de lui échapper ; mais en supposant qu’il parvienne encore à se la rendre favorable, jamais il ne pourra reconquérir la confiance du pays au sein duquel il sème chaque jour l’irritation et le mécontentement. Sa politique, aussi bien sa politique extérieure que sa politique intérieure, est toujours aussi fatale au pays ; après avoir attaqué nos droits et nos libertés, il en est maintenant à compromettre chaque jour nos relations internationales et tous les intérêts du pays. Cette politique, j’éprouve le besoin de la flétrir, je ne trouve pas de moyen plus efficace et plus énergique que le refus du budget.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je ne suis pas monté à la tribune, comme l’a dit avec peu de bienveillance l’honorable préopinant pour faire l’éloge de mon administration. Dans un passage du discours que j’ai prononcé à l’occasion de la présentation des budgets, j’ai repoussé les attaques qui ont été dirigées contre l’administration des finances, surtout par l’honorable préopinant.
J’ai rappelé les diverses améliorations qui ont été introduites depuis 1830 dans notre système des finances ; je ne me suis pas attribué ces améliorations ; je dois déclarer, au contraire, que beaucoup d’entre elles sont dues à mes honorables prédécesseurs. Quant aux opérations cadastrales, nous ne revendiquons certes par l’honneur d’avoir inventé le cadastre, mais ce qu’on peut revendiquer, non pas pour le ministère, mais pour le pays, c’est l’avantage d’avoir un cadastre mieux faire qu’en aucun pays de l’Europe, à l’exception des Pays-Bas où les mêmes errements ont été suivis. Pour l’honorable préopinant, ce n’est rien peut-être ; cependant, nous avons acquis par là l’égalité proportionnelle dans les charges qui pèsent sur la propriété foncière, et, à mes yeux, c’est beaucoup.
L’honorable préopinant a critiqué les comparaisons que j’ai faite, dit-il, avec légèreté. Il a indiqué d’autres termes de comparaison qui viendraient renverser mes conclusions ; mais si ces autres termes de comparaison renforçaient, au contraire, mes arguments, où serait la légèreté ?
Messieurs, il est vrai que les impôts en Belgique sont moins lourds qu’ils ne le sont dans beaucoup d’autres pays ; il est vrai que la richesse publique n’est pas moindre en Belgique que dans d’autres contrées que j’ai citées ; il est vrai enfin que la proportion des exportations des produits de nos industries ou de notre sol, eu égard à la population, est plus forte pour la Belgique qu’elle ne l’est pour la plupart des autres nations. Je réponds ici à un reproche d’impuissance, articulé contre le gouvernement belge ; sans doute, nous devons sans relâche continuer à chercher de nouveaux débouchés pour nos produits, mais les faits sont là, qui prouvent l’exactitude de mon assertion.
Imitez, dit l’honorable préopinant, le système des finances qui est suivi par les autres peuples, et notamment, par l’Angleterre. Notre système des finances est loin d’être à l’abri de tout reproche ; il nous reste beaucoup à faire encore ; mais je le dis avec conviction, nous n’avons à envier le système financier d’aucun autre peuple.
L’honorable préopinant voudrait-il, par hasard, qu’on imposât en Belgique comme en Angleterre, la bière à 10 fr. l’hectolitre, tandis qu’elle n’est frappée que de 1 fr. 50 chez nous ? Voudrait-on que le tabac fût soumis, comme en Angleterre, à un droit de 827 fr les 100 kilogrammes, lui qui a qualifié de spoliation une taxe de 25 à 30 fr. les 100 kilogrammes sur cette même denrée ? Demandera-t-on un droit de 184 fr. sur le café, alors que l’on voterait peut-être contre un droit de 12 fr ? Consentira-t-il à un droit de 155 fr. sur le sucre ? Il est trop facile, messieurs, de blâmer en réclamant des innovations, alors que, méritant peut-être le reproche qu’on adresse à d’autres, on n’a fait soi-même qu’un examen superficiel de la question.
Mais, ajoute l’honorable préopinant, le principal revenu de la Grande-Bretagne, provient des droits de douane. Qu’est-ce à dire ? Que signifie cette distinction ? Des droits de douane n’ont-ils pas le même effet que des droits d’accises sur le prix des choses ? qu’importe le nom ? L’honorable membre n’ignore sans doute pas qu’ils frappent des objets de consommation générale. Je ne vois pas, je l’avoue, qu’il y aurait amélioration à introduire de pareils droits dans notre légalisation financière.
L’honorable préopinant me reproche de n’avoir pas eu égard à la valeur relative du numéraire. Mais je demanderai à l’honorable membre quelle est la cause essentielle de la différence qui existe dans la valeur relative du numéraire ? je demanderai si cette cause ne gît pas principalement dans la différence des impôts de consommation.
Pourquoi, en Angleterre, faut-il donner plus de numéraire qu’en Belgique pour obtenir une même quantité de pain ? N’est-ce pas précisément parce qu’en Angleterre, où la production des céréales est insuffisante, le tarif sur l’entrée du blé étranger est beaucoup plus élevé que le nôtre ? Si les principaux objets de consommation, tels que le pain, la bière, les boissons en général, le tabac, le sucre, le café, n’étaient pas frappés en Angleterre de plus hauts droits que chez nous, le numéraire ne paraîtrait pas avoir dans ce pays une valeur relative moins forte qu’en Belgique, ou du moins la disproportion venant d’autres causes serait insignifiante. La plupart des produits de l’industrie qui ne sont pas soumis à des droits, se vendent en Angleterre à des prix équivalant ou même inférieurs aux nôtres. Il serait donc oiseux de s’occuper dans cette question de la valeur relative du numéraire ?
Je dirai peu de mots des octrois : qui ne connaît les taxes de toutes espèce qui sont perçues dans le pays que l’honorable membre a citées, sous le nom de taxes locales, provinciales, paroissiales, municipales, etc. qui sont les plus fortes de nos impositions communales ?
L’honorable membre est venu préconiser l’établissement d’un impôt sur le revenu comme un grand progrès financier dont il loue le gouvernement anglais. Oublie-t-il en Angleterre même on n’a établi cet impôt que comme une charge temporaire, et que cette condition est maintenue pour son renouvellement ? Bien loin de faire l’éloge de cet impôt, l’income-tax est destinée à disparaître avant qu’on songe à supprimer d’autres taxes anciennes. Pour se soustraire à un pareil impôt, la Hollande s’est résignée à de grands sacrifices ; guidés par un noble patriotisme, des citoyens ont préféré souscrire un emprunt émis à un intérêt très-peu élevé plutôt que de voir leur pays soumis à un impôt sur le revenu ; le projet de cet impôt a été aussi vanté comme un progrès, dans notre dernière session, par l’honorable membre auquel je réponds.
Du reste, nous avons chez nous une taxe assise sur le revenu, qui est assez considérable, c’est l’impôt foncier.
D’autres impôts sur le revenu ne manqueraient pas de rencontrer de graves objections, il serait bien difficile de les justifier.
Les conséquences en seraient-elles bien favorables au développement de l’industrie, par exemple ? De tels impôts seraient-ils justes dans leur principe ? Je me permets d’en douter. Prenons pour exemple un impôt sur les fonds publics. Le gouvernement qui emprunte à un intérêt déterminé viendrait retrancher sur cette rente une quotité, après avoir contracté à un taux convenu entre parties ; l’honorable préopinant ne serait-il pas alors le premier à qualifier peut-être ce fait de banqueroute déguisée ?
En effet, cet impôt serait une véritable réduction de la rente ; ce ne serait pas une conversion, comme le pense un honorable membre qui m’interrompt ; car on n’aurait pas laissé l’option du remboursement du capital. Nous admettons pour un instant qu’un pareil impôt ne soit pas considéré comme une violation d’un contrat et soit envisagé comme juste dans son principe du moins en ce qui concerne les régnicoles, comment le percevriez-vous ? Nous avons peu de rentes inscrites ; beaucoup d’obligations de nos emprunts se trouvent en pays étrangers ; frapperiez-vous aussi l’étranger ? Cette mesure provoquerait les réclamations les plus vives et les plus fondées ; si cependant, vous ne frappez pas l’étranger, le Belge lui-même ne sera pas atteint, car il éludera l’impôt en faisant toucher ses coupons par les étrangers.
Voulez-vous frapper les rentes ? Mais qui supportera cette charge ? Sera-ce l’emprunteur ou le prêteur ? Si c’est l’emprunteur, comme on doit l’admettre, ne sera-ce pas atteindre la plupart du temps les fonds destinés au commerce et à l’industrie ?
Je puis me tromper, mais l’honorable membre ne doit pas supposer que ces questions n’ont pas été examinées. Je le répète, je suis loin de soutenir que notre système financier soit parfait. Il y a des améliorations à y introduire ; elles sont l’objet d’études incessantes de ma part.
L’honorable membre recommande les impôts sur le luxe comme une innovation ; mais ce n’est pas là un nouveau principe à introduire dans notre législation ; nous avons des impôts sur le luxe, nous en avons sur les chevaux, sur le mobilier, sur les domestiques, je ferai même observer que ce dernier est progressif de même que le droit sur les foyers.
La seule question à examiner est celle de savoir s’il faut aller plus loin dans cette voie qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.
Messieurs, je crois avoir répondu aux principales observations de l’honorable préopinant. Qu’on ne pense pas que je repousse toute idée d’amélioration financière ! Nous ne devons pas rester stationnaires ; je poursuivrai avec zèle la tâche que je me suis imposée de marcher constamment vers un but de prospérité financière ; si je l’atteins, avec votre concours, je croirai n’avoir rempli que mon devoir ; je ne viendrai pas réclamer des éloges, mais (page 205) il m’est bien permis, messieurs, de repousser des attaques dirigées, non-seulement contre moi, qui ne suis pas depuis longtemps aux affaires, mais contre tout ce qui s’est fait depuis 1830.
Quand la Constitution a prescrit de réviser notre système financier, elle n’a pas voulu qu’on renversât tous les impôts existants pour les remplacer par de nouvelles taxes ; elle a voulu que des améliorations y fussent successivement introduites avec prudence. Une réforme radicale dans les impôts serait un grand mal, elle occasionnerait une grande perturbation. En fait, comme on l’a souvent dit dans cette chambre, les impôts les plus anciens sont en général les meilleurs parce qu’on est habitué à les supporter et qu’ils ont été pris en considération dans une foule de transactions ; ce n’est que progressivement et sans secousse que notre système financier doit être modifié.
M. Pirmez – Messieurs, j’ai demandé la parole pour parler sur l’impôt foncier. Je ferai observer que si dans la réalité on a découvert une grande quantité de terrains qui jusqu’ici échappaient à l’impôt, sous ce rapport l’augmentation du chiffre de l’impôt foncier peut être considéré comme légitime ; mais la manière dont cette augmentation est présentée, ne l’est pas. En faisant entrer dans le budget des voies et moyens cette augmentation sans la demander par une loi spéciale, vous changez la nature de l’impôt foncier. Vous aviez autrefois une somme moindre qu’aujourd’hui répartie entre les provinces. Toutes les découvertes de terrains non imposés que vous pouvez faire dans une province devraient venir en réduction de l’impôt, car les autres terres qui étaient soumises à l’impôt payaient à la décharge de celles-là.
Vous ne pouvez pas dire ; J’ai découvert tant de terres non imposées dans cette province, je vais les imposer dans la proportion des autres et augmenter la somme de l’impôt. Une pareille mesure ne peut se légitimer par un chiffre introduit dans un budget des voies et moyens. Il faudrait présenter une nouvelle loi dans laquelle on exposerait qu’on a découvert tant de terrains que l’impôt n’atteignait pas et on proposerait de les imposer dans la même proportion que les autres terres de même nature, et d’augmenter d’autant le chiffre total de l’impôt foncier ! Mais venir accidentellement, à propos du budget, sans spécifier ni détails, ni raisons, proposer une augmentation du chiffre de l’impôt foncier, vous devez sentir que c’est changer entièrement la nature de l’impôt.
J’ai commencé par déclarer que si réellement on a découvert des terrains qui jusqu’ici s’étaient soustraits à l’impôt, l’augmentation pouvait être considérée comme légitime. J’ai fait mon observation parce que l’impôt doit avoir une base fixe, afin qu’on ne puisse pas, à chaque besoin nouveau du trésor, demander de nouveaux subsides à l’impôt foncier, à qui on s’adressera toujours de préférence, parce que c’est le plus facile à prendre ; au moyen de considérations vagues et nullement prouvées, on pourrait, à chaque budget, comme aujourd’hui, augmenter cet impôt.
Vous avez eu des augmentations de l’impôt foncier, vous les avez votées par une loi ; mais en procédant ainsi qu’on le propose, si vous laissez introduire dans le budget des augmentations de l’impôt foncier, non votées par une loi spéciale, vous vous exposez à voir absorber par des augmentations successives toute la rente de la terre. Cela ne se fera pas en un jour, mais on finira par y arriver. Car si vous considérez la puissance des forces qui veulent prendre dans le trésor et la faiblesse de la résistance qui y est opposée, et la facilité d’imposer la terre qui est à jour, et par conséquent ne peut se cacher, vous verrez que vous arriverez à chaque budget, sous divers prétextes, à augmenter l’impôt comme on vous propose de le faire aujourd’hui.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je ne sais si j’ai bien compris l’honorable préopinant. Croit-il qu’il y ait augmentation dans la quotité de la contribution foncière ? Si telle est sa pensée, il se trompe, car la proportion sera toujours celle adoptée dans la loi de péréquation de 1835. Il se trouve qu’on a opéré le cadastre dans deux provinces où ce travail avait été retardé et qu’on y a constaté qu’une quantité de terrains n’avaient pas été jusqu’ici soumis à la contribution. En imposant ces provinces dans la même proportion que les autres, nous faisons observer que ces deux provinces n’auront pas lieu de se plaindre, parce que cette augmentation de contingent frappera les terrains qui avaient échappé à l’impôt.
Quant à la question de quotité ou de répartition, je la considère comme une véritable dispute de mots. Voulez-vous qu’il existe des disproportion entre les provinces ? Par exemple, si l’Etat vend dans une province dix mille hectares de biens domaniaux, faut-il que le contingent général reste invariable ? Vous ne pouvez pas vouloir cela. Il suffit, pour que personne ne soit lésé, de maintenir la proportion ; alors le raisonnement de l’honorable membre, qui dit que peu à peu on absorbera tout le revenu de la terre, tombe à faux, car nous maintenons la proportion de l’impôt au revenu ; nous n’augmentons le produit de l’impôt qu’en l’appliquant aux nouveaux bâtiments, aux biens domaniaux aliénés et aux biens qui y ont été soustraits à tort ; remarquez bien que nous ne demandons pas d’imposer l’amélioration apportée à la terre ; cette amélioration ne sera atteinte que quand vous aurez décrété une révision des opérations cadastrales ; ce n’est pas de cela qu’il s’agit en ce moment.
Mais, dit-on, pourquoi ne pas appliquer cette augmentation de produit au dégrèvement des autres provinces ? Les besoins du trésor ne le permettent pas. En 1831 et 1832 nous avons dégrevé le contingent général d’une somme plus forte que l’augmentation qui résulte des opérations cadastrales du Limbourg et du Luxembourg. Telles sont, messieurs, les considérations qui militent en faveur des propositions qui vous sont faites.
Tout à l’heure, en répondant à l’honorable M. Castiau, j’ai omis de lui faire remarquer que nous n’avions pas augmenté de 600,000 fr. l’impôt sur le sel. L’année dernière, les timbres de quittance figuraient séparément au budget, aujourd’hui ils se trouvent confondus avec l’impôt lui-même. L’augmentation du produit n’est que d’environ 250,000 fr. ; elle résulte non de l’élévation de l’impôt, mais de la suppression d’exemption diverses du droit dont on a frappé l’eau de mer et d’une légère fraction dont on a augmenté la quotité du droit pour former une somme ronde. Voilà les trois raisons qui ont amené une augmentation de 250,000 fr.
Ce qui a trompé l’honorable membre, c’est, je le répète, qu’on a réuni en un seul article le timbre des quittances et le droit qui, auparavant, faisaient deux articles au budget.
M. de Mérode – Il me semble que si on ne court de danger de voir augmenter l’impôt foncier que par des découvertes de la nature de celles dont il s’agit, nous devons être tranquilles. Si on augmentait cet impôt au moyen de centimes additionnels, on pourrait craindre de voir enlever à la fin tout le revenu, car les centimes additionnels sont un moyen fort simple d’augmenter le revenu du trésor public. Mais ici c’est d’un avantage fortuit qu’il s’agit ; des terres qui jusqu’ici n’étaient pas imposées, le seront à l’avenir ; payerons-nous un centime de plus qu’auparavant ? Non ; mais le trésor public recevra davantage, et ceux qui ne payent rien payeront quelque chose. De tous les moyens de remplir le trésor, il n’en est pas de plus bénin. Je voudrais que nous trouvassions ainsi des millions.
On a opté pour l’ordre judiciaire une augmentation de dépense évaluée à 5 ou 6 cent mille fr. j’ai reconnu moi-même qu’il y avait à cette augmentation une sorte de convenance. Mais je me suis abstenu, parce que je n’ai pas vu dans le budget des voies et moyens un accroissement assez certain pour oser augmenter la dépense.
Nous avons maintenant une ressource de 5 ou 6 cent mille francs sans frapper personne d’aucune contribution ; et nous refuserions cette somme et nous voudrions répartir cela sur les contribuables, leur faire gagner quelques malheureux centimes dont ils ne s’apercevraient pas ; et cela pour nous lancer dans le système des déficits ! Je considère ce système comme le plus funeste pour les contribuables ; c’est le seul qui m’inquiète.
Avec des ressources comme celles-là, nous ne ferons jamais aucun tort aux contribuables. J’appuie donc la demande de M. le ministre des finances. Je désire que l’on vote sa proposition.
M. Castiau – Ma pensée a été mal saisie par M. le ministre des finances ; je n’ai jamais prétendu présenter l’apologie absolue et complète de l’Angleterre et de son système financier ; et je n’ai pas mérité l’accusation que m’a adressée avec tant de légèreté M. le ministre des finances. Je n’ai pas dit que le système financier de l’Angleterre fût un système modèle ; je sais qu’il y a dans ce pays des impôts désastreux, comme ceux qu’a rappelés M. le ministre des finances. Mais j’ai engagé uniquement M. le ministre a importer d’Angleterre et des autres pays non pas des taxes aussi abusives que celles dont nous nous plaignons, mais celles de ces taxes qui ont un caractère d’équité et de raison, et qui auraient surtout pour effet de dégrever les classes ouvrières.
- La séance est levée à 4 ½ heures.