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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 30 mars 1844

(Moniteur belge, n°92, du 1er avril 1844)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à dix heures un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier dont la rédaction est approuvée. Il présente ensuite l’analyse des pièces suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Léonard-Joseph Peiffer, garde-forestier à Membach, demande que la chambre, en statuant sur sa demande en naturalisation, l’exempte du droit d’enregistrement. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


Par message du 29 mars, M. le ministre des finances adresse à la chambre les renseignements demandés sur la pétition d’anciens militaires qui ont servi aux Indes sous le gouvernement précédent.


Par message du 26 mars, M. le ministre des finances transmet des explications concernant la plainte d’un fabricant de faïence au sujet de l’inexécution de l’art. 4 de l’arrêté du 22 mars 1829. »

- La chambre ordonne le dépôt de ces deux messages au bureau des renseignements.

Projet de loi établissant un mode définitif de nomination du jury d'examen universitaire

Discussion sur le caractère définitif ou provisoire de la loi

M. le président. - A la séance d’hier, la chambre a clos la discussion générale. Nous sommes en présence de plusieurs propositions ; nous avons les amendements de MM. Donny et Desmaisières qui supposent l’adoption du projet de la section centrale. Ce n’est pas le moment de s’en occuper. Nous avons ensuite trois propositions : l’amendement de M. Delehaye, le projet de la section centrale et le projet primitif du gouvernement. Enfin, nous avons la proposition de M. Cogels, tendant à rendre la loi provisoire. De quelle manière l’assemblée veut-elle que la discussion ait lieu ? Entend-elle donner la priorité à la proposition de M. Cogels ?

M. Delfosse. - Avant de s’occuper de la position de la question, il faudrait discuter les articles.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois de mon devoir de présenter quelques observations, sur la position de la question.

Peut-on faire de la proposition de l’honorable M. Cogels une question préjudicielle, une question préalable ? Hier deux orateurs se sont expliqués sur la portée de cette proposition, dans deux sens différents.

Comme je veux que cette discussion soit vraie, je viens vous dire quelle peut être la portée de la proposition.

L’honorable M. Rogier, dans le discours par lequel il a terminé la séance d’hier, a pensé que cette proposition de provisoire pouvait s’appliquer aux deux systèmes, à la nomination par le Roi, et à l’autre mode de nomination.

L’honorable M. Devaux, au contraire, a pensé que l’adoption du provisoire serait, je ne dirai pas le retrait, mais le rejet du projet du gouvernement. Je suis de l’avis de l’honorable M. Devaux sans que je me serve de la même expression. Ce serait le retrait du projet, si avant le vote le gouvernement retirait son projet. Mais un gouvernement qui présente un projet de loi à une chambre, accepte le vote de cette chambre, s’expose au vote de cette chambre.

Le provisoire peut-il donc s’appliquer au système du gouvernement ? J’en doute ; et je vais dire pourquoi.

Voici mes appréhensions.

Si la chambre attribue au pouvoir royal pour quatre ans la nomination des jurys d’examen, y aura-t-il impossibilité pour un ministère quelconque de ne pas conserver cette prérogative à la couronne, et pour la conserver, ce ministère ne devra-t-il épuiser tous 1es moyens constitutionnels à sa disposition, même les plus extrêmes ? Le gouvernement, une fois investi d’une prérogative semblable, pourrait-il consentir à la perdre ? Il ne faut pas se faire illusion, donner au Roi, pour trois ou quatre ans, la nomination du jury, ce serait poser à ce terme de quatre ans une question de cabinet.

M. Orts. - Quel mal y aurait-il à cela ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce sont des embarras que vous voulez ; nous ne voulons pas d’embarras ; n’est-il pas de notre devoir de ne pas créer d’embarras à la couronne, même après nous ?

Je demande un vote de principe et non pas un vote sur une question donc la portée ne serait pas parfaitement saisie par tout le monde.

Vous voyez quel embarras éprouve le gouvernement pour demander à la chambre qu’elle renonce à l’une de ses attributions ; l’embarras serait bien plus grand, lorsque le gouvernement se présenterait devant la chambre pour dire : « J’entends conserver la prérogative que j’exerce depuis 4 ans. » Je dis que c’est le langage que devrait tenir le cabinet quand le terme serait expiré.

Ainsi l’adoption du provisoire, comme question préalable, peut être considérée comme le rejet du projet du gouvernement.

M. Devaux. - Vous plaidez pour le rejet du projet du gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Point du tout.

J’examine des doutes et je veux éviter toute déception.

Je demande qu’on statue de préférence sur une question de principe. Je suis loin de plaider le rejet. Je dis au contraire à la chambre que je désire qu’on procède par une question de principe.

La question peut être posée de deux manières :

La nomination appartiendra-t-elle au Roi exclusivement ?

Ou bien :

Maintiendra-t-on l’intervention du gouvernement et des chambres ?

Je demande que l’on commence par l’une ou l’autre de ces questions.

M. Devaux. - Par laquelle ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je vois par les interruptions qu’on veut mettre en doute ma loyauté, ma persévérance. Rien n’autorise ces soupçons. Si l’on pose d’abord la question de l’intervention des chambres, je répondrai : Non.

M. Cogels. - La proposition que j’ai eu l’honneur de vous faire a été votée en 1835, comme question préalable ; on lui a accordé la priorité. Je viens réclamer, en faveur de ma proposition, la même priorité.

Cette proposition n’a pas été bien comprise ; on a été jusqu’à la traiter de bizarre, d’illogique. Je crois pouvoir démontrer facilement qu’elle n’est entachée d’aucun de ces défauts. Peut-être ne l’ai-je pas assez développée. Peut-être ai-je eu le tort d’aborder dès le premier jour, sans préparation suffisante, une question qui ne rentre pas dans mon domaine habituel. Mais la chambre a pu voir que j’étais moins préoccupé de la question en elle-même que des graves intérêts qui s’y rattachent.

J’ai déclaré que j’adopterais de préférence le projet du gouvernement comme définitif. J’ai cru inutile dès lors d’ajouter que je l’adopterais également comme provisoire.

Je n’ai pas demandé que mon amendement portât de préférence sur le projet de la section centrale.

J’ai voulu qu’on décidât d’abord la question du provisoire, et qu’on pût décider ensuite à quel système on appliquerait le provisoire. Je donnerai encore ma préférence, en cette circonstance, au projet du gouvernement, comme je la lui aurais donnée s’il s’était agi de voter définitivement, et qu’il n’eût pas été question du provisoire.

Je ne voulais pas du projet de la section centrale comme définitif, mais je l’accepterai au besoin comme nouvel essai, et quel que soit le système adopte par la majorité, il suffira pour moi que le projet de loi n’ait qu’un caractère provisoire, pour que je ne croie pas devoir lui refuser mon vote.

Voila le véritable sens de mon amendement.

Ainsi l’honorable M. Verhaegen m’a bien compris, lorsqu’il a dit que mon amendement laissait la question intacte. Mais il n’en a pas été de même lorsqu’il a pensé que je voudrais écarter le provisoire du projet du gouvernement, pour faire porter l’essai exclusivement sur le projet de la section centrale.

Mais je ne crois pas que rien puisse s’opposer à ce qu’on décide comme préalable la question du provisoire ; car dans tous les cas, c’est une première question à examiner ; la solution de cette question doit exercer une grande influence sur le vote de tous les honorables membres.

Je suis charmé de me trouver d’accord avec l’honorable M. d’Elhoungne que j’ai entendu hier, avec le plus grand intérêt. Cet honorable membre a dit qu’il était temps de faire trêve aux questions politiques, pour nous occuper des questions matérielles dont l’intérêt du pays exige impérieusement la solution. Le caractère provisoire que vous donneriez à la loi en écarterait au moins pour le moment la question de parti, le caractère politique que vous lui donneriez si vous l’admettez comme définitive.

Il y a plus, c’est que le caractère provisoire de la loi vous serait, pendant les quatre années que nous allons parcourir, la garantie d’une exécution satisfaisante ; car, avec ce caractère, quel que soit le pouvoir chargé de faire les choix, tout le monde aura intérêt à faire un choix impartial, à justifier le vote de la majorité.

Il ne faut pas se le dissimuler, l’essai que nous avons fait n’a pas été complet. On s’est endormi sur la question pendant 5 ans ; j’en appelle au souvenir des honorables membres. Pendant 4 ans que j’ai eu l’honneur de siéger dans la chambre, la prorogation de la loi a presque toujours été votée sans opposition, sans débat ; les nominations se sont faites avec une certaine insouciance, à tel point que la chambre n’a jamais été très nombreuse pour ces nominations et que les membres qui ne pouvaient voir triompher leurs candidats, se sont contentés d’opposer à la majorité une force d’inertie c’est-à-dire de voter par billets blancs.

D’après ce que j’ai eu l’honneur de dire, je crois que la question que j’ai posée doit être discutée, comme question préalable. Je viens de nouveau réclamer, pour cette question, la priorité.

M. Orts. - Pour qui n’est pas initié dans les combinaisons souvent finassières d’un cabinet....

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’expression combinaisons finassières n’est pas parlementaire ; si elle s’applique à moi, je ne l’accepte pas.

M. le président. - Je suis persuadé que l’honorable M. Orts n’a pas voulu inculper les intentions, car le règlement l’interdit. Mais je dois lui faire observer que l’expression combinaisons finassières ne peut être maintenue. Je l’engage à expliquer sa pensée.

M. Orts. - Je dis que pour celui qui n’est pas initié dans les combinaisons souvent très fines et très subtiles d’un cabinet, pour celui qui ne peut pas dire d’un cabinet ce qu’on a dit des cours : « Nourri dans le palais, j’en connais les détours. » ; pour celui-là, dis-je, la proposition de l’honorable ministre de l’intérieur qui consiste à dire qu’il ne veut pas du provisoire pour le projet du gouvernement, est inintelligible, insaisissable. Pour expliquer ma pensée, je n’aurais recours qu’aux règles du plus simple bon sens ; je comparerai l’état actuel avec l’état réclamé par le projet ministériel ; dans l’état provisoire où nous nous trouvons, nous avons le double concours des chambres et du pouvoir royal. Le système du ministre attribue la nomination au Roi seul.

Quel est le système de la section centrale ? Voyons de quel système il se rapproche le plus, du projet du gouvernement ou de l’état actuel.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais quelle marche propose l’honorable membre ? Il en faut une.

M. Orts. - Je propose que le ministère ne renonce pas au provisoire de 4 ans pour le projet du gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce n’est pas une marche.

M. Orts. - Vous avez déclaré vous-même que vous ne vouliez pas du provisoire pour le projet du gouvernement, Croyez-vous que nous ne devinons pas qu’après cette déclaration votre projet n’a d’autre chance que d’être retiré par vous ou d’être rejeté par la chambre ; ce qui nous restera, ce sera la proposition de la section centrale, avec un provisoire de 4 ans.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande la parole.

M. Orts. - Si nous abondions dans le sens du ministère, si nous déclarions qu’il n’est pas possible que le projet du gouvernement soit adopté pour 4 ans, il ne resterait autre chose à faire que d’adopter la proposition de la section centrale, pour 4 ans.

Or, je dis que l’état provisoire actuel est mille fois préférable, selon moi, à la proposition de la section centrale.

Il est vraiment malheureux qu’un ministère…

M. le président. - Je ferai remarquer à l’honorable membre que ceci est le fonds...

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il faut indiquer la marche à suivre.

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur demande qu’on vote d’abord sur la proposition du gouvernement.

M. Orts. - Je parlerai sur la position de la question.

M. le président. - La parole est continuée à M. Orts.

M. Orts. - Je parle sur la marche que propose l’honorable ministre de l’intérieur.

Je ne suis pas ministre ; je n’ai pas la prétention de tracer la marche à suivre. Je maintiens que la marche que vous proposez ne vaut rien. C’est pour le dire que j’ai demandé la parole.

Je dis que, pour substituer un état de choses plus mauvais que le provisoire actuel au projet du gouvernement, qui, dans sa pensée comme dans la nôtre, constituait une amélioration réelle, il ne valait pas la peine de présenter ce projet, que tous nous avons soutenu franchement et loyalement ; il ne valait pas la peine de distraire la chambre et le pays des grandes questions à l’ordre du jour, des questions financières, des questions qui intéressent le commerce et l’industrie. Il ne valait pas la peine de mettre en jeu la prérogative royale, pour ne pas même proposer d’adopter pour quatre ans, le projet que vous nous aviez présenté comme le meilleur, et que j’avais cru, comme vous, le meilleur.

Il est rationnel, il est logique d’adopter, provisoirement et à titre d’essai, quelque chose de neuf ; mais on ne fait pas l’essai de quelque chose d’usé, et démontré mauvais !

Il y a deux systèmes et non pas trois. Il y a l’intervention des chambres, concurremment avec le gouvernement ; c’est le système actuel ; c’est le même système avec quelques modifications insignifiantes que propose la section centrale. Il y a ensuite le système du gouvernement, qui est tout neuf, et qui substitue le gouvernement seul au concours des chambres et du pouvoir exécutif pour la nomination des jurys. Entre ces deux systèmes il faudra nécessairement se prononcer.

Je ne conçois pas que le gouvernement renonce au provisoire pour le projet du gouvernement, à moins qu’il n’ait une arrière-pensée....

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable membre n’a pas le droit de nous supposer des arrière-pensées.

M. Orts. - Je dis qu’il est irrationnel de proposer l’essai pendant 4 ans d’un système qui est le même que celui qui existe.

Je vais indiquer la marche à suivre : je pense qu’il faudrait voter le projet du gouvernement comme permanent, et dans tous les cas, ne pas répudier, faute de mieux, un essai de ce projet pendant le terme du quatre ans.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est précisément ce que j’ai demandé.

L’honorable préopinant s’est permis à mon égard des insinuations qui ne sont nullement parlementaire ; mais que j’avais prévues, si j’avais adopté de prime abord la marche que plusieurs membres veulent suivre. Cette marche consisterait à voter d’abord sur la proposition de l’honorable M. Cogels. La loi sera-t-elle provisoire ou non ? Vous devez admettre que l’on pourra répondre de deux manières différentes. Je suppose qu’on repousse le système du provisoire et qu’on décide que la loi sera définitive : dans cette hypothèse nous voterons successivement comme définitive sur l’une et sur l’autre proposition.

D’après le règlement, nous sommes tenus d’accorder la priorité à la proposition de la section centrale, comme amendement, à moins que la chambre ne décide le contraire, autre hypothèse que je dois également prévoir.

La chambre décidant qu’il n’y aura qu’un système provisoire, il se présentera la question de savoir à quel système s’appliquera ce provisoire. La priorité étant due au projet de la section centrale, voyez ce qui adviendrait : on n’aurait pas même voté sur le projet du gouvernement. C’est là ce que j’ai voulu éviter.

Je dis que j’agis loyalement. Jamais accusation n’a été plus déplacée que la vôtre.

Plusieurs membres. - Cela est vrai.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Hier, quand j’ai quitté la chambre, plusieurs membres m’ont dit : Que pensez-vous de l’idée de M. Rogier ? J’ai répondu : Il faut agir franchement. Si le système du gouvernement est adopté, je dis que la chambre doit regarder cette loi comme définitive ; il ne se trouvera pas un ministère qui puisse renoncer à cette attribution une fois accordée.

On dit à la chambre que le ministère, en n’adoptant pas la proposition de M. Cogels, retire son projet ; je soutiens tout le contraire, je veux un vote de principe.

Quelle autre marche veut-on suivre ? Qu’on l’indique.

Je veux franchement et sincèrement l’adoption du projet du gouvernement.

M. Orts (pour un fait personnel). - L’honorable ministre de l’intérieur vient de donner des explications ; je regrette qu’il ne les ait pas données avant que j’aie pris la parole.

Par ce qu’il avait dit en premier lieu, j’avais compris qu’il repoussait le provisoire pour le projet du gouvernement ; que ce projet ne pourrait être adopté même pour quatre ans.

C’est par là que vous aviez commencé. C’est contre cette idée j’ai protesté.

Je regrette que M. le ministre de l’intérieur ne se soit pas expliqué dès le début de son discours comme il vient de le faire ; je n’aurais pas, en ce cas, demandé la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande qu’on mette aux voix une question de principe. La question de principe peut être posée de deux manières ; Maintiendra-t-on l’intervention des chambres ? ou bien la nomination appartiendra-t-elle au Roi exclusivement ? Du reste le résultat est le même dans l’une et l’autre hypothèse.

M. de Theux. - La marche à mon avis la plus rationnelle est celle qui permet que le vote ait lieu en parfaite connaissance de cause. Il est des membres qui veulent le système du gouvernement comme provisoire. Il en est d’autres qui veulent le système de la section centrale, ou le mode actuellement en vigueur, comme provisoire. Dès lors pour faciliter l’émission de tous les votes, je crois que la première question à résoudre est celle-ci : Y aura-t-il un mode définitif de nomination, ou le mode de nomination ne sera-t-il que provisoire ? Lorsque vous aurez résolu cette question, chacun connaîtra la portée de son vote.

Si l’on adopte le mode de nomination provisoire, on saura que tout reste en suspens.

Si, au contraire, on rejette la proposition de l’honorable M. Cogels, alors on saura que la décision est définitive : les uns sauront qu’ils appuient définitivement l’intervention de la chambre, les autres qu’ils abandonnent définitivement la nomination exclusive par le gouvernement.

Par ces motifs et pour faciliter l’émission des votes en connaissance de cause, je crois qu’il convient de mettre aux voix la proposition de l’honorable M. Cogels.

M. Devaux. - Quand j’ai interrompu par quelques mots M. le ministre de l’intérieur, c’est que je lui ai entendu dire qu’il ne voulait pas comme provisoire le projet du gouvernement. C’est contre cette opinion que je me suis élevé, parce que M. le ministre de l’intérieur doit savoir qu’il y a des membres qui acceptent le projet du gouvernement comme provisoire, et qui le rejettent comme définitif. D’après cela, j’avais raison de dire que M. le ministre de l’intérieur plaidait contre l’adoption du projet du gouvernement.

Je ne dirai pas encore toute ma pensée, tous mes pressentiments. Mais le moment viendra peut-être où j’aurai à m’expliquer sur la conduite du cabinet tout entier dans cette discussion, conduite qui dure depuis plusieurs séances. Je désire que la dernière séance soit, sous ce rapport, meilleure que les autres.

On croit que la question du provisoire sera mise aux voix la première, malgré l’opposition du ministère, et qu’elle sera tranchée en faveur du provisoire.

Qu’arriverait-il ensuite ? Le gouvernement viendrait vous dire ! Je ne veux pas du provisoire pour mon projet. Par conséquent je ne voterai pas pour mon projet.

Voilà donc ce dénouement qui était dans les nuages, que tout le monde attend depuis quelque temps avec une certaine anxiété.

Maintenant j’ai deux questions à faire au gouvernement et je le prie d’y répondre d’une manière précise, sans les éluder. Si l’on accepte le provisoire, se regarde-t-il comme dégagé de son projet ? En second lieu, si l’on accepte le provisoire, se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je sais que l’honorable M. Devaux a l’habitude de juger de toute sa hauteur le gouvernement et même la chambre. Je me résigne donc d’avance à son jugement quel qu’il puisse être et je l’attends sans la moindre crainte.

Ce qui doit m’étonner c’est le changement de langage de l’honorable préopinant : hier il vous disait que poser la question du provisoire, c’était retirer le projet du gouvernement.

M. Devaux. - Sur le projet de la section centrale.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous parliez de la motion de M. Cogels ; admettre cette motion c’était selon vous retirer le projet.

M. Devaux. - Je vous demande bien pardon.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si vous me demandez pardon, expliquez vos paroles d’hier et je verrai alors comment je dois expliquer mes paroles d’aujourd’hui.

Ainsi, messieurs, quelle sera la conséquence du vote sur la proposition de M. Cogels, considérée comme question préalable ? Voilà, messieurs, ce que nous avons à examiner. Hier l’honorable membre a semblé croire que poser la question du provisoire, c’était au fond retirer le projet du gouvernement, et pourquoi ? Parce que, selon moi, l’adoption à titre provisoire du système du gouvernement peut préparer à l’avenir de graves difficultés. J’ai indiqué ces difficultés. Néanmoins, si l’on me prouve que ces dangers n’existent point, je ne suis pas tellement absolu que je ne puisse reconnaître que je les ai peut-être exagérés.

Maintenant voici la question que pose l’honorable préopinant : « Si la chambre décide que la loi sera provisoire, que ferez-vous ? » Je réponds : Nous verrons quelles seront les questions que l’on posera.

On posera probablement ensuite la question de savoir si l’on maintiendra l’intervention des chambres, eh bien à cette question je répondrai : Non (interruption, marques d’étonnement) ; réellement je ne sais plus quel système de suspicion l’on veut adopter à l’égard du ministère.

Enfin, messieurs, quelle marche veut-on suivre ? La marche que j’ai indiquée me semble être un excès de loyauté de la part du ministère. Cette marche, on n’en veut pas, probablement parce que c’est le ministère qui l’a proposée. Mais, alors, qu’on en indique une autre.

M. Rogier. - Messieurs, dans la séance d’hier j’ai indiqué l’idée plutôt que je n’ai proposé de donner à la loi proposée par le gouvernement un caractère provisoire. Pourquoi, messieurs, ai-je donné cette indication ? Parce que j’espérais par là rendre le projet plus acceptable pour plusieurs honorables membres, parce que j’espérais voir se réunir autour du projet un plus grand nombre de voix. Je devais m’attendre à ce que M. le ministre de l’intérieur, qui doit aussi désirer le succès de son projet, se ralliât à cette proposition. Mais, je vois avec peine que, dans toute cette discussion, l’honorable ministre de l’intérieur s’est attaché plus à combattre ceux qui le soutenaient que ceux qui l’attaquaient. Nous lui demandons qu’il marche au moins d’accord avec nous dans cette circonstance ; ce n’est pas être trop exigeants.

M. Cogels. - Messieurs, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire, la question du provisoire a été posée en 1835, comme question préalable ; elle a même été décidée alors sans aucune espèce de discussion. Tout le monde a reconnu l’utilité de cette marche.

J’ai cru remarquer, messieurs, que pendant ce long débat, plusieurs opinions se sont modifiées et qu’un grand nombre de membres de la chambre se sont ralliés au provisoire, en ont senti toute l’utilité ; dès lors il me paraît tout à fait nécessaire de décider la question du provisoire avant toute autre question.

Je ne sais, messieurs, quelle sera la marche que suivront la plupart de mes honorables collègues ; mais, quant à moi, je déclare (et je fais cette déclaration pour qu’on ne puisse pas m’accuser ensuite d’inconséquence), je déclare, dis-je, que si la question provisoire n’est pas décidée comme question préalable je m’abstiendrai sur les questions de principe que l’on posera et je voterai ensuite contre la loi, quel que soit le système qu’on adopte, si ce système doit être définitif, tout comme je voterai pour la loi, quel que soit le système qu’on adopté, si ce système n’est que provisoire. Je ne pense pas que, dans l’état actuel de la question, nous puissions la résoudre définitivement.

M. Lebeau. - Messieurs, si la question préjudicielle, c’est-à-dire la question du provisoire, laisse intacte toutes les questions de principe, je crois que sur aucun banc de cette chambre il n’y aura beaucoup d’opposition à ce que cette question préjudicielle soit décidée d’abord. Sous ce rapport je serais assez de l’avis des honorables MM. de Theux et Cogels. Ce qui avait donné à la question préjudicielle un caractère fort grave, c’est que M. le ministre de l’intérieur avait déclaré (au moins nous l’avions entendu ainsi sur ces bancs) que si cette question était décidée affirmativement, il croirait que, du même coup, on aurait frappé le projet du gouvernement....

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - M. Devaux me paraît l’avoir dit hier.

M. Lebeau. - Et qu’il ne pourrait pas, sans manquer à ses devoirs, sans manquer de respect pour la prérogative royale, dont il se considère comme le défenseur naturel, accepter ensuite la mise aux voix du projet du gouvernement. Mais si la solution, quelle qu’elle soit, affirmative ou négative, mais surtout affirmative de la question du provisoire, laisse intactes toutes les questions de principe, alors, messieurs, il n’y a presque plus d’intérêt à s’y opposer.

Si des scrupules venaient à s’élever, messieurs, sur l’admissibilité du provisoire appliqué à un projet émané de la couronne, je me demanderais comment il se fait que ces scrupules auraient vu le jour pour la première fois aujourd’hui. Mais le provisoire, messieurs, est le caractère de plusieurs lois émanées de l’initiative du gouvernement lui-même. Ainsi la loi des étrangers, la loi sur les expulsions, loi présentée par le gouvernement, est une loi provisoire ; la loi relative aux concessions de routes, aux concessions des canaux, est une loi provisoire ; la loi sur les péages des canaux est une loi provisoire ; la loi relative aux tarifs des chemins de fer est une loi provisoire. Est-il résulté du provisoire attaché à ces propositions émanées du gouvernement un caractère injurieux pour la couronne ? Non, messieurs, ni les ministres, ni un seul membre de cette chambre, j’en suis persuadé, n’auraient consenti à mettre ainsi la couronne en suspicion.

Le caractère des lois provisoires ne blesse en aucune façon, ni les prérogatives, ni la dignité de la couronne. J’en atteste tous vos antécédents. Ce n’est qu’un appel à l’expérience ; il ne blesse pas plus la couronne que les chambres.

Il n’y a donc aucune espèce de scrupule qui puisse s’élever soit du banc ministériel, soit de tout autre banc pour empêcher qu’on ne pose comme question préalable, le provisoire, avec cette conséquence qu’il laisse complètement intactes les questions de fonds.

M. d’Huart. - Après ce que vient de dire l’honorable M. Lebeau, je renonce à la parole. Je voulais aussi demander que l’on mît d’abord aux voix la question du provisoire.

M. Devaux. - M. le ministre de l’intérieur soutient que j’aurais dit hier que l’amendement de l’honorable M. Cogels, s’il était adopté et appliqué au système du gouvernement, serait le retrait du projet du gouvernement. M. le ministre de l’intérieur s’est trompé, je n’ai pas prononcé ces paroles et je vais vous le prouver.

Le discours que j’ai prononcé hier ne se trouve pas dans le Moniteur d’aujourd’hui. Je me suis rendu hier soir au bureau du il, parce que MM. les sténographes m’avaient prié de revoir une partie de mon discours qu’ils n’avaient pu saisir tout entier ; on m’a déclaré qu’il ne pourrait entrer dans le journal de ce jour. Je l’ai reçu ce matin seulement ; la partie qui concerne l’amendement de l’honorable M. Cogels est intacte ; je ne l’ai pas encore revue. La voici tout entière de la main du sténographe, je n’y ai pas changé un mot :

« Un honorable membre, messieurs, vous a proposé un amendement consistant à rendre provisoire le système de la section centrale. Au moins c’est ainsi qu’une grande partie de l’assemblée a compris la portée de l’amendement de l’honorable M. Cogels. Peut-être des explications ultérieures feront-elles mieux connaître son opinion.

« Je pense, messieurs, qu’il n’y a pas lieu d’accepter le provisoire des conclusions de la section centrale. Lorsque pendant trois ans on a mis à essai un système, lorsqu’ensuite pendant cinq ans on en a obtenu la continuation, je demande si ce n’est pas faire une chose dérisoire que de vouloir encore un nouvel essai pour quatre ans, essai qui se fera dans les mêmes conditions de partialité et d’inconstitutionnalité.

« L’amendement de l’honorable M. Cogels, en tant qu’il s’applique au système de la section centrale, savez-vous ce que c’est ? C’est le retrait du projet de loi. Si le gouvernement retirait le projet de loi, qu’arriverait-il ? Il arriverait que nous nous retrouverions dans le provisoire, que nous aurions à renouveler chaque année le provisoire qui dure depuis huit ans. L’adoption de l’amendement de l’honorable M. Cogels, c’est donc le retrait du projet de loi. Je me trompe, c’est quelque chose de plus humiliant encore pour le pouvoir que le retrait de sa proposition ; c’est l’engagement pris par le gouvernement de ne pas revenir avant 1848 sur une question qu’il pourrait reproduire dans un an, s’il retirait purement et simplement son projet. »

Ainsi, messieurs, vous voyez que, quand j’ai critiqué le provisoire, c’est bien évidemment le provisoire appliqué au système de la section centrale, provisoire qui nous mettait dans les mêmes conditions de partialité et d’inconstitutionnalité, à mon avis, que la loi, qui existe aujourd’hui. Je n’ai donc pas été en contradiction avec moi-même, et j’étais, d’ailleurs, en droit de poser à M. le ministre de l’intérieur les deux questions auxquelles il n’a pas répondu, à savoir, d’abord, si le provisoire étant accepté en thèse générale, il abandonnerait son projet ; en second lieu, si le provisoire étant accepté, il se ralliait aux propositions de la section centrale,

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, d’abord je remercie l’honorable préopinant d’avoir donné une nouvelle lecture d’un passage du discours qu’il a prononcé dans la séance d’hier ; moi, j’avais compris la proposition de l’honorable M. Cogels de la manière dont la proposition est rédigée ; j’avais pris les termes comme ils sont. Je ne me croyais pas le droit d’en agit autrement. L’honorable M. Cogels déclare que l’objet de sa proposition tend à rendre provisoire le nouveau mode de nomination qui sera adopté, et quel qu’il soit. C’est donc une disposition générale (c’est clair) : la formule de l’honorable membre s’applique à tous les systèmes, même à celui de l’honorable M. Delehaye.

J’étais donc préoccupé de la proposition de l’honorable M. Cogels, et dès lors, je n’ai pas assez remarqué que l’honorable M. Devaux avait restreint cette proposition, malgré les termes formels dont s’est servi l’honorable M. Cogels ; je n’avais pas le discours de l’honorable membre sous les yeux ; mes collègues, membres du cabinet, ont cru se rappeler que l’honorable M. Devaux avait parlé en termes généraux ; je me suis défié de ma mémoire, et j’ai consulté mes collègues. Quoi qu’il en soit, nous avons maintenant une explication de la pensée de l’honorable M. Devaux, par la nouvelle lecture qu’il vient de faire d’un passage de son discours. Le provisoire peut donc s’appliquer à tous les systèmes ; s’appliquant à tous les systèmes, il laisse, me dit-on de toutes parts, tous les principes intacts. Cela nous suffit. Dès lors, les craintes que j’avais exprimées, viennent à tomber, et je me rallie dans ce sens aux observations qui ont été faites par l’honorable M. Lebeau.

L’honorable M. Devaux me reproche de n’avoir pas répondu à deux questions qu’il m’a posées. La première est celle-ci : Adopterez-vous l’idée du provisoire ? Il me semble que l’honorable membre adopte lui-même l’idée du provisoire. Eh bien, moyennant les explications données, je suis de son avis. Cependant je dirai à l’honorable M. Devaux, si l’on adopte le provisoire pour le système du gouvernement, ce n’est certes pas le repousser d’une manière absolue, mais ce système, déclaré provisoire, peut présenter certains inconvénients dans l’avenir, certains dangers.

Une voix. - On peut les braver.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je sais bien qu’on peut braver ces dangers, et il est en quelque sorte de ma loyauté pour les ministres futurs de déclarer qu’on a prévu ces embarras.

La deuxième question qui m’a été posée par l’honorable préopinant est celle-ci : Si le provisoire est adopté, comment voterez-vous ? Je demanderai à mon tour quelle proposition sera mise d’abord aux voix ; si c’est la proposition de la section centrale, je voterai contre ; si c’est la proposition du gouvernement, je voterai pour. Il me semble qu’on ne peut pas être plus positif, plus net ; mais nous n’irons pas au-delà.

- La clôture sur l’incident est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - On a fait la proposition de mettre en discussion cette question-ci : le mode de nomination qui sera arrêté par la chambre sera-t-il provisoire et pour quatre ans ? C’est la proposition de M. Cogels.

M. Delfosse. - Je demande qu’il y ait une discussion simultanée sur l’article 1er et les divers amendements.

- La chambre consultée décide qu’elle s’occupera d’abord spécialement de la discussion de la proposition de M. Cogels.

M. le président. - La parole est à M. Pirmez.

M. Pirmez. - Messieurs, il me paraît qu’il n’y a aucune difficulté à adopter provisoirement le projet du gouvernement. Les objections qu’a faites dans le principe l’honorable ministre de l’intérieur contre cette disposition ne me paraissent pas fondées. Prétendre que lorsqu’on cède quelque chose provisoirement au gouvernement, il doit toujours le garder, ce serait mettre la chambre dans une grande défiance, ce serait lui dire : n’essayez jamais de céder au gouvernement une prérogative quelconque ; car, quand vous lui abandonneriez, même à titre d’essai, la moindre de vos prérogatives, il cherchera à la garder, et pour la garder, il aura recours à toutes les voies constitutionnelles, y compris la dissolution.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix cette question-ci :

« Le mode de nomination qui sera arrêté par la chambre, sera-t-il provisoire et pour quatre ans ? »

On réclame l’appel nominal.

Il y est procédé.

Voici le résultat du vote.

88 membres ont répondu à l’appel.

86 ont répondu oui.

1 (M. Osy) a répondu non.

1 (M. Castiau) s’est abstenu.

En conséquence la chambre décide que le mode de nomination du jury d’examen qui sera arrêté par elle, sera provisoire et pour 4 ans.

Ont répondu oui : MM. de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts. Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont. Thyrion. Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, d’Anethan, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, De la Coste, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Nef et de Renesse.

M. Castiau, qui s’est abstenu, est invité à énoncer les motifs de son abstention.

M. Castiau. - Je regrette de ne pouvoir prendre part à des votes relatifs à l’organisation des jurys d’examen. Je le regrette vivement, quoique la question ait singulièrement perdu de son importance, maintenant qu’il vient d’être convenu de ne donner à la solution, quelle qu’elle soit, qu’un caractère provisoire.

J’ai dû m’abstenir, même sur cette première question, pour rester fidèle à d’anciennes convictions que j’avais émises et livrées à la publicité, il y a plusieurs années déjà.

M. le ministre de l’intérieur, au début de la discussion, et M. Dechamps, dans son discours d’hier, ont cru devoir faire allusion à ces opinions. Certes, mon intention n’était pas de les désavouer.

A la suite de la discussion de la loi de 1835, en présence des inextricables conflits d’opinions et d’amendements qu’elle avait provoqués, en voyant surtout le législateur obligé en quelque sorte d’abdiquer sa souveraineté pour faire une loi à titre d’essai et qui s’abrogeait elle-même, j’ai été amené à conclure qu’en réalité la question était insoluble.

J’ai pensé qu’il ne pouvait constituer un jury, alors qu’il n’existe plus d’infaillibilité scientifique, j’ai pensé qu’un jury chargé d’examiner, c’est-à-dire de juger non seulement des opinions scientifiques, mais encore des opinions morales, philosophiques et politiques même, était incompatible et avec la liberté d’enseignement et avec l’indépendance de la pensée et avec la libre manifestation des opinions garanties formellement par la constitution. J’ai donc attaqué l’institution des jurys, de quelque manière qu’elle fût organisée, je l’ai attaquée au point de vue constitutionnel et au point de vue scientifique.

Or, après avoir attaqué l’inconstitutionnalité même des jurys universitaires, je ne pourrais aujourd’hui, sans inconséquence et sans trahir mes convictions, prendre part à des votes relatifs à l’organisation de cette institution.

Je me trouvais donc placé dans l’alternative ou de repousser systématiquement tous les projets présentés, même celui de M. Delehaye, qui se rapprochait le plus de mes opinions ou de me renfermer dans une abstention absolue.

C’est à dernier parti que je me suis arrêté. Mon abstention ne se bornera donc pas seulement au vote que la chambre vient d’émettre, elle s’étendra à tous les projets et à tous les amendements qui se rattachent à l’organisation d’une institution que j’ai combattue.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Maintenant la discussion porte sur l’article 1er et toutes les propositions qui s’y rattachent.

M. de Mérode vient d’en déposer une nouvelle ainsi conçue :

« Le sénat et la chambre des représentants nommeront chacun un délégué chargé de composer concurremment avec le gouvernement les jurys d’examen.

« Lorsque les délégués susdits et le ministre compétent ne se mettront pas d’accord sur un choix d’ensemble des jurés, le délégué de la chambre des représentants nommera deux membres du jury, le délégué du sénat deux membres et le ministre compétent les trois autres membres du même jury. »

M. de Mérode a la parole pour développer son amendement.

M. de Mérode. - Messieurs, je n’ai adopté que provisoirement le système de la participation des chambres à la nomination des jurys d’examen, parce que je suis loin d’y trouver un système vraiment satisfaisant. Si des objections contre la nomination exclusive par un ministre subsistent, et si beaucoup d’esprits se sont, en outre, exagéré la valeur de ces objections, d’autre part, l’intervention des chambres a rencontré des adversaires dont la logique était pressante, et qui certes n’apportaient point des sophismes à l’appui de leurs critiques. J’avoue que ce qui me répugne le plus aujourd’hui à l’égard d’une nomination permanente, c’est un caractère trop peu relevé donné à un jury sur lequel repose en grande partie la précieuse liberté de l’enseignement, et qu’il me soit permis, en passant, de remercier les honorables membres partisans du choix ministériel exclusif des jurys, et notamment M. d’Elhoungne, pour les franches déclarations qu’ils ont faites à l’égard de cette liberté. On ne peut nier que le mode mystérieux appliqué à l’exercice du droit de nomination attribué aux chambres ne soit un grave inconvénient. On ne peut nier que l’absence de simultanéité, l’absence d’entente mutuelle préalable entre les pouvoirs qui concourent à la formation du jury, ne soient un très grand mal. Les observations présentées dans les mémoires des universités de l’Etat le démontrent évidemment.

Ces inconvénients disparaîtraient pour la plupart si les chambres exerçaient leur droit par des délégués, et je réduis ceux-ci au plus petit nombre possible : à un seul pour chaque chambre, parce que je suis persuadé qu’à l’aide de cette restriction numérique, le bon accord s’établirait facilement avec le ministre compétent, et que le jury serait formé d’un seul jet. En effet, messieurs il faut ici de la largeur d’idées, il ne faut pas de lutte mesquine, il ne faut pas chercher la pierre philosophale. A force de raffiner sur la liberté d’enseignement, nous en arriverions, comme disait M. Lebeau, à ne plus vouloir supporter d’autre juge, pour la régler, que la Providence, et comme elle laisse l’homme se gouverner, en ce monde, il faut bien nous résoudre à subir les chances de toute institution humaine pour l’enseignement comme pour autre chose. Que les délégués soient pris dans la majorité, dans la minorité, peu importe ; ils seront d’abord, selon le texte et l’esprit de mon amendement, en rapport direct avec le ministre qui leur présentera non pas une liste entière d’examinateurs, mais la liste de ceux qui devront, selon lui, remplacer les membres sortants.

Cette liste étant soumise aux délégués, ils en référeront ensemble selon leur convenance, puis ensuite, réunis au ministre lui-même, et je ne doute pas que l’accord ne résulte presque toujours de ces conférences ; car, je le répète, la trop grande défiance envers le gouvernement ne doit pas ici prévaloir, il faut sacrifier quelque chose au pouvoir, lorsqu’on a, comme chez nous, beaucoup d’acquis certainement à la liberté. C’était mon principe dans la loi communale, c’est encore mon principe à propos de l’objet qui nous occupe, bien qu’à un moindre degré ; parce qu’il ne s’agit pas ici d’acte administratif pur, mais d’un acte scientifiquement judiciaire.

Moi, messieurs, je tiens beaucoup à suivre l’avis donné par l’honorable M. Lebeau à la fin de son discours :

« Songez-y bien, nous a-t-il dit, une grande et sainte solidarité lie les catholiques de la Belgique aux catholiques d’autres pays. Les enseignements qui viennent d’ici peuvent porter de bons ou de mauvais fruits pour vos coreligionnaires, selon que vous aurez été prudents ou imprudents. Prenez garde qu’on ne dise à ceux qui font entendre ce cri : nous voulons la liberté comme en Belgique ; la liberté que vous voulez, ce n’est pas la liberté, c’est la domination. » Or, nous avons eu jusqu’ici la majorité parlementaire du côté où je siège, la nomination au scrutin secret ne nous impose pas assez de gêne, elle n’entraîne point de responsabilité morale pour personne. Il en serait autrement des délégués, et d’ailleurs ceux-ci peuvent s’éclairer bien mieux que nous. Qu’on se garde de dire qu’on ne trouvera point d’acceptant, pour cette fonction que je considère, après tout plutôt comme une fonction de surveillance que comme une fonction très active. Certains membres, auxquels on accorde confiance, font les billets des autres. Ils doivent être assez hardis pour se charger de la responsabilité de leurs combinaisons. S’ils ne le sont pas, alors à mes yeux la participation des chambres à l’élection des jurys, deviendra tôt ou tard un abus, parce que nous vivons sous un régime de responsabilité, de publicité.

Messieurs, après les explications qui accompagnent mon amendement, vous voyez que la tâche des délégués ne sera pas trop difficile, à moins que vous ne supposiez au ministère des hommes éloignés de tout esprit de conciliation, à moins que les chambres se plaisent à choisir aussi des délégués inflexibles. Eh bien ! on ne peut faire raisonnablement ces suppositions, ou le gouvernement constitutionnel, qui exige constamment des transactions entre le pouvoir exécutif et le pouvoir parlementaire, deviendrait lui-même impraticable. Du reste, je ne prétends pas que mon système, soit une providence, mais je crois sincèrement qu’il vaut mieux que les autres, surtout provisoirement.

M. de Corswarem. - Je renonce à la parole.

M. Delfosse. - Je ne veux dire que quelques mots pour expliquer mon vote.

Lorsque le projet de loi a été examiné en sections, je me suis abstenu. Je l’avouerai franchement ; mes premières impressions ne lui étaient pas favorables ; mais avant de me séparer de mes amis politiques, qui l’ont presque tous accueilli avec enthousiasme, je me suis dit qu’il était prudent d’attendre la discussion publique qui pourrait m’éclairer.

J’ai écouté la discussion avec une attention religieuse. Elle m’a donné cette conviction que la vérité et l’erreur se trouvent mêlées à doses à peu près égales dans les deux opinions qui divisent la chambre.

Les partisans de la nomination par le roi ont très bien prouvé les inconvénients de l’intervention des chambres, mais ils ont été moins heureux à démontrer les avantages de la nomination par le roi.

Les partisans de l’intervention des chambres ont très bien prouvé les inconvénients de la nomination par le roi, mais ils ont été moins heureux à démontrer les avantages de l’intervention des chambres.

Le vice fondamental des deux systèmes, vice qu’aucun discours n’a effacé dans mon esprit, c’est que ni l’un ni l’autre ne place la science en dehors de la politique. C’est que dans l’un comme dans l’autre la politique joue un trop grand rôle dans la composition du jury.

Mon honorable ami M. Delehaye a présenté un amendement qui n’est pas entaché de ce vice, mais cet amendement a d’autres défauts graves qui ont été signalés par divers orateurs ; quelques-uns l’ont loué, mais nul n’en a propose l’adoption.

L’amendement de mon estimable ami ressemble un peu à ces jeunes filles dont on fait l’éloge pour plaire aux parents mais que personne ne demande en mariage. (Hilarité générale.)

L’honorable M. Dechamps qui n’est pas le grand maître des universités de l’Etat, mais qui, grâce à une retraite, que quelques-uns pourront croire savante, pourrait bien devenir le chef réel du cabinet, l’honorable M. Dechamps a émis une idée qui se rapproche plus qu’on ne pense de l’opinion que mon honorable ami M. Castiau a développée dans sa brochure.

L’honorable M. Dechamps n’a pas formulé de proposition, mais il a soumis à nos méditations cette idée que les diverses universités seraient investies du droit de conférer elles-mêmes les grades académiques.

Messieurs, si chaque université avait le droit de conférer les grades académiques, elle serait inévitablement amenées, par le désir d’attirer les élèves, de les enlever à ses rivales, elle serait amenée à se montrer extrêmement indulgente envers ses élèves.

D’une trop grande facilité dans la collation des grades académiques à la suppression de ces grades, il n’y a qu’un pas.

L’honorable M. Castiau a présenté, dans sa brochure, la suppression des grades académiques comme la conséquence logique, rigoureuse, du principe absolu de la liberté d’enseignement déposé dans la constitution ; on pourrait y voir, et je me hâte de le dire, que cela n’est pas dans les intentions de l’auteur, on pourrait y voir la critique déguisée de ce même principe.

En effet, messieurs, si vous disiez à l’honorable M. Castiau : « Quoi ! vous n’exigeriez pas de diplôme, pas de garanties pour l’exercice des professions de médecin, d’avocat ? Quoi ! vous livreriez la vie et la fortune de vos concitoyens au charlatanisme du premier venu ! » L’honorable M. Castiau pourrait vous répondre : Quoi ! vous exigez un diplôme, des garanties pour les professions de médecin, d’avocat, et vous n’en exigez pas pour celle d’instituteur ! vous avez donc moins de souci de la vie morale, de la vie intellectuelle de vos concitoyens, que de leur vie matérielle, que de leurs intérêts pécuniaires !

Messieurs, l’idée des honorables MM. Castiau et Dechamps me paraît trop hardie, dangereuse même, je ne saurais l’adopter. Je me trouve en présence de divers systèmes que je trouve défectueux et je serais dans une grande perplexité, si je devais me prononcer pour un projet définitif.

La chambre vient heureusement de décider que la loi ne sera que temporaire. Mes répugnances qui eussent été très vives s’il s’était agi d’engager l’avenir, le sont beaucoup moins ; elles se taisent même aussitôt qu’il ne s’agit que d’un essai, aussitôt qu’il ne s’agit pas de poser un obstacle permanent aux améliorations qui pourraient apparaître à la suite de l’expérience.

Mais je demanderai que l’essai, au lieu de porter sur le système de la section centrale, qui n’est, à peu de changements près, que la continuation du régime de 1835, porte sur le système du gouvernement qui n’a pas encore été essayé.

Un mot, maintenant, messieurs, sur les causes qui ont engagé M. le ministre de l'intérieur à présenter son projet. On a parlé d’une influence extérieure, je ne veux pas y croire et j’absous volontiers M. le ministre de l'intérieur de ce reproche. Selon moi, ce qui a engagé M. le ministre de l’intérieur a présenter son projet, c’est qu’il s’est cru maître de la situation, il a cru qu’il pourrait porter la majorité partout où il lui conviendrait de se placer, soit à droite, soit à gauche. Dominer, à l’aide de quelques voix flottantes et qu’il appelait modérées, la gauche par la droite et la droite par la gauche, tel était le beau idéal imaginé par M. le ministre de l'intérieur ; le voie qui se prépare va probablement dissiper ce rêve.

Si, comme je le suppose, M. le ministre de l’intérieur ne vient à nous qu’isolé, cela pourra s’expliquer de deux manières ; ou bien M. le ministre de l'intérieur, effrayé des menaces d’un parti puissant, aura reculé devant son œuvre, il aura dit à ses amis, si toutefois il a des amis : « Ne me suivez pas » ; ou bien la main puissance qui l’a élevé et qui le soutenait se retire de lui.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je me borne à protester contre ces suppositions. L’occasion se présentera peut-être avant la fin de cette discussion, de revenir sur ces observations ; si je me tais, c’est pour ne pas diminuer les chances d’adoption du projet du gouvernement.

M. le président. - Je rappelle que la discussion porte sur l’article 1er, ainsi que sur les amendements y relatifs.

M. Rogier. - Sans vouloir donner à cette discussion des proportions qu’elle ne comporte pas, il ne m’a jamais été possible cependant d’envisager la proposition qui nous a été faite au point de vue étroit et restreint dans lequel quelques honorables membres ont voulu la circonscrire.

S’il ne s’agissait que de chercher les moyens de substituer à un jury permanent, immobile, un jury composé d’éléments variables et mobiles ; s’il ne s’agissait que de cela, je ferais un grave reproche au gouvernement d’être venu lancer au sein de cette chambre ce nouvel embarras à la marche de ses travaux, je lui ferais un reproche, à lui qui s’était annoncé comme un ministère de conciliation et d’affaires, d’être venu exciter les partis et interrompre les affaires dans l’intérêt d’une question aussi secondaire.

Mais là n’est pas le caractère, ni la portée de la loi. MM. les ministres ont fait un appel aux intelligences ; je crois trop à leur intelligence pour penser qu’ils n’ont eu en vue, par leur projet de loi, qu’un simple changement, en quelque sorte mécanique, dans la formation du jury.

Ce que MM. les ministres ont voulu, ce que quelques-uns au moins ont voulu, et, au besoin, je pourrais invoquer leur témoignage, ce qu’ils ont voulu, je vais vous le dire : ils ont voulu rompre avec un passé qu’ils ont condamné par leur entrée au pouvoir ; ils ont voulu donner satisfaction à l’opinion qui siège sur ces bancs : (l’orateur désigne les bancs de la gauche). Voilà pourquoi le projet a été accueilli, je ne dirai pas comme l’honorable préopinant, avec enthousiasme, mais avec une faveur marquée par la presqu’unanimité des membres qui siègent sur ces bancs. En donnant cette satisfaction à une opinion qui trop longtemps avant été méconnue, les ministres, je le présume, n’ont pas entendu porter atteinte à l’opinion contraire. Je crois qu’ils ont cherche à poser un acte de conciliation, un acte de réconciliation. C’est à ce point de vue que, dès le principe, je me suis plu à envisager la loi. C’est pour cela que j’admets le projet ministériel tel qu’il est proposé ; car, s’il s’agissait de discuter seulement d’un mode à suivre pour éviter la permanence du jury, s’il ne s’agissait que de cela, je le déclare, je ne verrais pas grand inconvénient à adopter la proposition même de la section centrale.

Eh bien, ce que les ministres ont tenté, c’est à l’ancienne majorité à l’achever.

Un honorable membre du congrès, qui n’a pas dormi pendant dix ans, mais qui paraît ne pas s’être associé à ceux qui ont oublié les principes généraux de l’union, a fait un appel à cette ancienne union. Cet appel, nous l’avons entendu ; cet appel, nous n’éprouvons aucune difficulté à y répondre : nous sommes toujours restés de bons et fidèles unionistes ; et nous ne nous refusons pas à marcher avec vous sous le drapeau de l’union, aussi longtemps que vous voudrez comme nous, les principes qui lui ont servi de base, la liberté de conscience, la liberté de la presse, la liberté d’enseignement, la liberté d’association, toutes les grandes libertés de notre pacte fondamental. (Approbation).

Non, cet honorable membre n’a pas dormi depuis le congrès ; mais, si je l’ai bien compris, il a condamné ceux qui ont méconnu ces grands principes de l’union ; il ne s’associe pas, il ne s’est pas associé aux mesures réactionnaires, qu’on a vu surgir contre la liberté d’association, contre la liberté de la presse, contre la liberté d’enseignement. Les principes de l’union, tels que nous les entendions à cette époque glorieuse de 1829, où nous faisions ensemble une guerre si juste au pouvoir, les principes de l’union, il ne s’agissait pas seulement alors de les écrire dans une constitution ; il s’agissait de les pratiquer loyalement, équitablement, on ne songeait pas alors à condamner, dans des mandements épiscopaux, la liberté de la presse ; alors la liberté de la presse, on la voulait pour tout le monde ; ce n’est pas la nuance libérale de l’union qui a failli à ces principes ; elle et restée fidèle, elle restera fidèle à tous les principes constitutifs de notre nationalité.

Et, quant à la liberté d’enseignement, je le déclare, si je la voyais le moins du monde menacée par le projet en discussion, je le repousserais avec plus d’énergie peut-être que vous tous.

Plusieurs membres. - Très bien !

M. Rogier. - La liberté d’enseignement ! Mais nous en avons besoin autant que vous ; la liberté d’enseignement, mais elle nous est précieuse comme à vous ; mais nous en usons comme vous. Nous demandons seulement à en user à armes égales ; nous demandons que, lorsque des établissements sont créés non par l’opinion irréligieuse (il n’y a pas d’opinion irréligieuse en Belgique), mais par l’opinion libérale, nous demandons que ces établissements ne soient pas traités comme des repaires d’impiété et d’immoralité.

Ah ! si les principes de l’union, ces beaux principes qui font envie à un pays voisin qui se donne volontiers pour la terre classique de la liberté, si ces principes avaient continué à être loyalement pratiqués par tout le monde, l’honorable abbé de Haerne ne serait pas venu faire entendre des paroles de regret sur la dissolution de l’union ; l’union régnerait encore pour l’honneur et le bonheur de notre Belgique ; car c’est dans les grands principes de l’union que résideront toujours la force vitale du pays, et son caractère propre et sa véritable indépendance. Eh bien, l’occasion unique peut-être, unique, songez-y bien, se présente pour vous de chercher à rétablir parmi les anciens unionistes ces principes de confiance réciproque que vous n’auriez jamais dû abandonner.

M. Dumortier et M. de Garcia. - Nous ne les avons pas abandonnés.

M. Rogier. - Je ne sais si l’honorable M. de Garcia, qui m’interrompt, a jamais fait partie de l’union.

M. de Garcia. - J’en ai toujours fait partie.

M. Rogier. - Je l’en félicite ; s’il n’a pas abandonné les principes de l’union, je l’en félicite encore.

Je n’accuse pas tels ou tels membres de cette chambre. Je n’attaque personne dans cette chambre.

On a parlé d’influences étrangères. Plût à Dieu, que l’influence des pays étrangers ne fût pas venu pervertir l’esprit de quelques membres du clergé ; car les principes de l’ancien carlisme qui ont perdu le gouvernement de Charles X, n’ont fait que trop d’invasion dans notre pays. N’avons-nous pas vu des journaux catholiques déclarer la guerre aux institutions constitutionnelles de la Belgique, et conseiller des mesures réactionnaires ? Ces inspirations n’étaient pas belges, il fallait les repousser, ces conseils étrangers, comme nous repousserions aujourd’hui les conseils qui pourraient nous venir du dehors contre la liberté d’enseignement.

Oui, une occasion se présente de tenter cette réconciliation des partis qu’on nous prêche depuis quelque temps.

Et pour cela quel sacrifice vous demandons-nous ? Où vont nos exigences ?

Nous demandons ce qu’un honorable ministre qui vous a été si dévoué pendant trois ans, demande, pour qui ? pour nous, ou pour vous ? Car, enfin, quand nous donnons, dans cette circonstance, notre confiance au ministère, savez-vous à qui nous la donnons ? Nous la donnons à un homme d’Etat qui depuis trois ans a pris pour système de contrecarrer en tout point l’opinion libérale, un homme qui s’est livré à la majorité d’hier (je ne dis pas la majorité d’aujourd’hui), avec une abnégation qui peut faire honneur à son habilité, mais qui n’a pas toujours (je voudrais ne pas le dire) fait honneur à son caractère ; et c’est de nous que lui viennent aujourd’hui les adhésions ; sans stipuler au profit de qui il sera fait usage de cette prérogative. Mais, ne doutez-vous, le lendemain même du vote, le ministère ne se fera-t-il pas un devoir de vous donner satisfaction dans la nomination des jurys ; ou du moins, ne tâchera-t-il pas de faire oublier par des actes tout à fait bienveillants, le tort qu’il a pu avoir à vos yeux de se séparer de vous aujourd’hui ? et cette confiance que nous vous demandons pour lui, nous ne la demandons pas d’une manière définitive, accordez-lui pour 4 ans. Vous qui étiez au pouvoir hier, qui pouvez être au pouvoir demain, n’ayez donc pas cette défiance de la prérogative royale. Vous savez quel usage vous en avez fait ; j’ai confiance dans l’usage que vous en ferez encore.

Comment ! Quelle intervention de rôles ! L’opinion qu’on accuse dans quelques-uns de ses éléments de désirer l’anarchie, de ne vouloir que catastrophes, crises, renversements ministériels, irritation des partis, cette opinion marche d’accord avec un ministère qui, jusqu’ici, n’a pas fait grand’chose pour gagner sa confiance. Et l’opinion, soi-disant conservatrice, maintenant l’opinion ministérielle, transformée en opposition, n’a plus la moindre confiance, je ne dirai pas dans le ministère, mais dans la prérogative royale, alors qu’il y a à peine deux ans elle la proclamait dans cette enceinte inbelible, impectable, seule sauvegarde de l’ordre et de la liberté !

Ainsi, voici la voie ouverte à une conciliation ; car la conciliation, si on la veut de bonne foi (et je crois qu’on la désire de bonne foi), doit se produire par quelques actes. Voici un terrain neutre où les hommes de bonne foi des deux partis peuvent se réunir ; on vous demande de renoncer pendant quatre ans à une prérogative qui, vous le reconnaissez, a été transformée en abus politique par cette chambre ; on vous demande d’y renoncer pendant quatre ans, de donner à la nuance libérale de l’union, si vous le voulez, à l’opinion libérale, cette satisfaction, non pas qu’elle doive servir à elle seule, mais à tous les partis ; car tous les partis seront rangés sous la même loi.

A ceux qui comme nous, veulent la liberté d’enseignement, non pas le monopole de telle ou telle université, mais la liberté d’enseignement pour tout le monde, je dirai : La majorité nouvelle, si on lui a donné l’exemple de l’exagération, sera portée à le suivre, et en le suivant elle sera dans son droit, dans sa nature. Si, au contraire, on lui donne l’exemple de la modération et de la justice, elle continuera de marcher dans cette voie ; il dépendra aujourd’hui de vous de calmer cette opinion ou de l’irriter de plus en plus.

La proposition de M. le ministre de l'intérieur, la proposition du cabinet, si elle devait être repoussée, serait un nouveau ferment de discorde jeté dans la chambre, dans le pays, on ne croirait plus à un désir sincère de conciliation et d’union, lorsqu’on verrait qu’ayant, pour amener ce résultat, un acte si facile à poser, vous avez reculé, vous bornant à de belles paroles, à de stériles discours.

Vous voyez qu’à ce point de vue la question a perdu les proportions dans lesquelles l’honorable rapporteur de la section centrale a cherché à la renfermer. Je ne disconviens pas qu’il est certains principes qui peuvent se débattre de vous à nous, en passant par-dessus M. le rapporteur de la section centrale ; je comprends qu’à de tels débats il veuille rester étranger.

M. de La Coste, rapporteur. - Pourquoi cela ?

M. Rogier. - Je dis que je conçois que vous vouliez rester étranger à un débat entre les anciens unionistes belges. Je conçois que vous ayez renfermé la question dans de plus étroites limites. Je conçois qu’à nos yeux, aux yeux des membres de l’ancienne union, la question ait un autre caractère et d’autres proportions.

La conciliation est, dans mon esprit ; la conciliation est dans mon âme. Je crois qu’une occasion facile se présente d’essayer d’une conciliation. Mais prenez-y garde, ceci n’est pas un appel à la coalition ; ce n’est pas une tentative de renversement ministériel que je fais. Oh ! non, la question qui s’agite est en dehors des questions de cabinet ; elle est plus élevée et plus nationale.

Que le ministère, après avoir triomphé dans cette lutte reste au pouvoir, qu’il maintienne franchement et loyalement les principes de la constitution, quels que soient nos anciens griefs, nous pourrions renoncer à le combattre ; nous serions même heureux de soutenir un cabinet qui aurait fait acte d’indépendance, acte véritable de conciliation.

Je le répète donc, qu’on ne se méprenne pas sur la portée de mes paroles, je ne propose pas de faite un acte de coalition, Je conçois cependant les cabinets de coalition, comme je conçois les cabinets de parti.

Hier, un honorable membre, que je ne sais comment qualifier dans cette enceinte (car il n’a pas encire expliqué sa singulière position ; est-il ministre ? Est-il simple représentant ?) est venu jeter beaucoup de dédain sur les cabinets de parti. Eh bien, nous avons sous les yeux un spectacle bien édifiant qui donne au pays et à l’étranger une haute idée des cabinets de conciliation comme les entend l’honorable M. Dechamps. Le cabinet auquel il s’est associé n’est pas un cabinet de parti, a-t-il dit. Eh bien ! quel spectacle avons-nous sous les yeux ? Un cabinet de parti au moins eût été conséquent dans ses opinions, il n’eût pas abandonné le projet, en quelque sorte le lendemain du jour où il l’a présenté. Tous les ministres ensemble eussent donné l’exemple du courage et de l’union à tous leurs amis, à tous ceux qui le soutiennent, qui doivent les soutenir. Un cabinet de parti eût risqué son existence dans une telle question. Un cabinet de parti eût rendu ainsi du ressort à cette chambre qui en est totalement dépourvue. Il eût donné à une partie quelconque de cette chambre la confiance qui manque complètement aujourd’hui.

Voilà ce qu’eût pu faire un cabinet de parti !

Vous voyez ce qu’a fait le cabinet de conciliation auquel vous vous êtes associés. Je suis en droit de vous demander compte de votre conduite, car vous avez été dur pour nous.

M. le président. - J’engage l’honorable orateur a s’adresser à la chambre.

M. Rogier. - J’aurais le droit de demander à l’honorable membre au nom de qui il parle dans cette enceinte. Est-ce comme ministre ? Mais il n’a pas osé soutenir le projet que lui et ses collègues ont présenté de commun accord. Est-ce comme membre de la majorité, comme membre influent ? Mais où est l’influence de l’honorable membre qui, entré dans le cabinet prétendument pour y représenter une opinion puissante, n’a pas eu la force d’entraîner à sa suite un seul de ses collègues, pas un ! pas un !

Au nom de quelle opinion parle donc l’honorable membre ? Non comme ministre, ni comme membre de la majorité, il n’a le droit de parler haut dans cette enceinte. En vérité, la position qu’il s’est faire lui a donné une physionomie tellement mixte, tellement équivoque, tellement problématique, que ni amis, ni adversaires ne savent plus quelle place lui assigner ; et ce n’est pas quand on se trouve dans une situation aussi fausse, qu’il peut être permis de donner des leçons à ceux qui n’ont jamais accepté, qui n’accepteront jamais de pareille position à aucun prix !

En résumé, messieurs, et pour conclure, j’adopterai le projet du gouvernement. Je l’eus adopté, d’après les considérations que j’ai fais valoir, comme projet définitif ; je l’adopte comme projet provisoire, parce que j’espère qu’il réunira un plus grand nombre de voix, et qu’il est toujours utile qu’une pareille loi réunisse le plus grand nombre possible de suffrages possible.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - Je dois supposer que l’honorable membre a pris à tâche de diminuer les chances d’adoption du projet du gouvernement. Rien n’est plus propre que le langage qu’il vient de faire entendre, à diminuer ces chances. Les attaques dirigées contre moi sont au moins prématurées, et si je ne relève pas toutes ces attaques, c’est que je ne veux pas m’associer au système imprudent que l’honorable membre vient d’adopter.

Je ne me suis pas demandé, messieurs, si je faisais une concession à l’opposition libérale ; je me suis demandé si j’étais fidèle aux principes qui m’ont dirigé depuis quatorze ans dans toute ma carrière parlementaire et ministérielle, au pouvoir et hors du pouvoir. J’ai trouvé une question ouverte et j’ai cédé à la nécessité en indiquant un mode de solution conforme à mes opinions connues. J’ai fait, dans cette circonstance, messieurs, ce que j’ai fait, il y a deux ans, pour la loi communale et ce que l’honorable préopinant n’a pas fait alors. Il incrimine mon passé. Entend-il peut-être s’associer aux reproches qui m’ont été adressés au sujet de ce qu’on veut bien nommer des mesures réactionnaires contre les libertés communales ? Mais c’est avec ces grands mots qu’on a dénaturé depuis 8 jours la question qui vous est soumise. Vous ne devriez jamais parler de la loi communale (interruption), c’est le grand griefs de l’opposition libérale contre moi…

M. Delfosse. - Un des grands griefs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - C’est le plus grand.

Eh bien, l’honorable préopinant ne devrait jamais parler de ces prétendues mesures réactionnaires. (Interruption.) Quand il reviendra au pouvoir, je le défie de proposer la révocation de ces lois.

Je suis venu devant cette chambre défendre la prérogative royale, qu’alors vous aviez désertée. Croyez-vous peut-être que j’aie compté sur une réconciliation avec vous ? Pensez-vous qu’un pacte soit possible entre vous et moi ? Je le désire, mais n’y a-t-il pas eu d’autres occasions solennelles où je me suis trouvé d’accord avec vous sur la solution des grands problèmes politiques qui nous étaient livrés et dont nous avions désespéré ? Est-ce que nous nous sommes réconciliés le jour du vote de la loi sur l’instruction primaire ? Et vous croyez que j’aurais compté sur une réconciliation avec vous en cas de succès de la loi présentée ? mais, pourquoi donc, la réconciliation n’a-t-elle pas suivi le vote de la loi sur l’instruction primaire, succès que moi je regarde comme beaucoup plus éclatant que celui qui est demandé aujourd’hui ?

Nous n’avons pas, dit-on, soutenu le projet avec toute la vigueur nécessaire. Nous l’avons défendu avec loyauté, avec sincérité. On nous avait dit, d’abord : « Vous ne présenterez pas le projet. » Nous l’avons présenté. On avait dit ensuite : « Vous l’abandonnerez avant la discussion publique. » Nous ne l’avons pas abandonné. On a dit alors : « Vous ne la soumettrez pas à un vote », et aujourd’hui encore nous avons demandé qu’il fût soumis à un vote. (Agitation.)

Nous avons demandé qu’il fût soumis au vote le plus direct et cela par un excès de loyauté que cette fois encore, on a méconnue. Et que fallait-il donc ? L’honorable membre vient de le dire : « Il fallait en faire une question de cabinet. » Ainsi, d’une question toute de science, toute de morale, toute de conscience, il fallait en faire une question de cabinet. Et la question ainsi résolue, la moralité publique du pays, l’intelligence du pays, l’eussent-elles acceptée ? Il aurait fallu en faire une question de cabinet et compromettre tout le cours de la session ; il aurait fallu menacer, destituer même tout fonctionnaire public qui, obéissant aux inspirations de sa conscience, aurait voté contre le projet du gouvernement. Et c’est ainsi qu’on entend le gouvernement représentatif ! J’ai toujours repoussé cette dictature ministérielle, surtout appliquée à de semblables questions ; au banc ministériel, je proteste contre ce système, comme je protesterais hors du banc ministériel.

Une voix. - Et M. Delehaye ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - C’est là une affaire tout à fait en dehors de la chambre. Il s’agit ici de députés auxquels je m’adresse en leur laissant toute liberté, en faisant abstraction des fonctions qu’ils remplissent en dehors de la chambre. Il y a des précédents, messieurs, de destitutions de députés, mais ces précédents ne sont pas de moi, ils sont de l’honorable M. Lebeau qui vient de m’interrompre, et si l’honorable M. Delehaye siège ici comme ma victime extra-parlementaire, l’honorable M. Desmet y siège comme victime parlementaire de l’honorable membre.

M. Delfosse. - Vous avez fait une question de cabinet de l’affaire Vandersmissen.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - J’ai consenti à ce qu’on fît une question de cabinet de l’affaire Vandersmissen, mais comment cette question de cabinet a-t-elle été amenée ? Le ministère avait posé un acte que la chambre voulait blâmer.

Un mmebre. - Casser.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) - Soit, le ministère, par un excès de susceptibilité peut-être, mais par une susceptibilité honorable, un ministère a dit que si la chambre cassait cet acte il y verrait un blâme ; nous n’en avons pas voulu. S’agissait-il là d’une question de principe ? Non, il s’agissait d’un acte posé par le ministère que la chambre selon moi voulait blâmer. Récemment la même chose s’est passée en France, vous vous rappelez tous, messieurs, le désaveu fait par le ministère français, de la conduite du contre-amiral Dupetit-Thouart. Ce désaveu, le ministère français en a fait une question de cabinet et si la chambre avait blâmé ce désaveu, le ministère se serait retiré ; voilà, messieurs, comment se posent la plupart des questions de cabinet.

Je dis, messieurs, que le ministère eût été coupable aux yeux du pays, qu’il eût méconnu les véritable principes du gouvernement représentatif et les plus grands intérêts actuels s’il avait présenté la question du jury d’examen comme question de cabinet. D’abord, puisque la question lui était fatalement imposée, qu’il ne pouvait pas y échapper, pourquoi vouliez-vous qu’il subît aveuglément les conséquences de l’imprudence, ou, si vous le voulez, de l’excessive prudence de tous les ministères précédents, qui ont gardé la question ouverte ? En deuxième lieu parce que la question était d’un ordre tel qu’on aurait, je n’hésite pas à le dire, soulevé l’opinion publique par la prétention de résoudre cette question à l’aide d’une question de cabinet, cette solution n’aurait pas eu une véritable autorité morale aux yeux du pays. Si, dans cette circonstance, le gouvernement avait posé une question de cabinet, s’il avait dit aux fonctionnaires publics : vous voterez avec moi ou vous donnerez votre démission, il aurait fait naître une toute autre question, il aurait amené dans cette chambre la proposition de l’exclusion des fonctionnaires publics, de la déclaration d’incompatibilité entre les fonctions publiques et les fonctions parlementaires.

Nous avons abordé loyalement cette question ; nous l’avons défendue ; nous avons été secondés par des hommes qui ordinairement ne sont pas nos alliés. Nous attendons votre vote. Nous n’irons pas au-delà de ce que nous avons dit : ce n’est pas une question de cabinet que nous avons apportée.

J’ignore quel sera le sort du projet. Mais je n’ai jamais voulu qu’il pérît dans les coulisses. S’il ne doit pas être adopté, il faut que son rejet soit un acte public, qu’il soit, par un vote public, écarté du Bulletin officiel où nous voulions l’introduire.

Il y aurait eu faiblesse, si le gouvernement n’avait pas attendu la discussion publique, s’il n’avait pas été jusqu’au vote parlementaire ; Mais il n’y a pas eu de faiblesse à défendre un projet, à le suivre jusqu’au vote parlementaire. C’est au contraire se conformer à la loi du gouvernement représentatif. Nous n’irons pas au-delà ; nous avons dit jusqu’où nous irions, et toutes les accusations possibles du dedans et du dehors ne nous forcerons pas à dépasser ces limites.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, je ne veux pas jeter plus d’irritation encore dans ce débat. Mais l’honorable M. Rogier en m’interpellant directement ne me permet pas de garder le silence. L’honorable membre m’a reproché d’avoir prononcé, dans la séance d’hier, des paroles dures pour lui et pour ses amis. Messieurs, mon intention n’a nullement été de prononcer des paroles dures pour personne. La chambre, au contraire, me rendra le témoignage que le but du discours que j’ai prononcé hier, a été un but modération et de conciliation, et je ne comprends pas que l’honorable membre ait pu se tromper sur le sens de mes paroles.

Messieurs, je conçois que l’honorable M. Rogier, d’après les idées qu’il vient d’émettre, ne puis puisse se rendre compte de la position que j’ai prise. D’après l’honorable membre, si un cabinet homogène avait été aux affaires, ce cabinet aurait fait de la question qui nous occupe une question d’existence ministérielle, et aurait donné à la chambre l’énergie, le ressort, a-t-il dit, qui lui manque. On n’aurait pas vu, a-t-il ajouté, le spectacle que la chambre a maintenant sous les yeux.

D’après l’honorable M. Rogier, le projet de loi aurai été présenté non pas pour lui-même, non pas dans le but d’amener la formation d’un jury impartial et capable, mais dans un dessein purement politique ; il aurait été présenté dans l’intention de donner à un côté de cette chambre, à l’opposition libérale, des gages de réconciliation ; les membres du cabinet voulaient, par cette loi, se donner un cachet nouveau, une signification plus libérale.

Messieurs, je ne sais où l’honorable membre M. Rogier a puisé ces allégations contre lesquelles je proteste pour ma part.

Comment ! le cabinet aurait choisi, pour donner de tels gages à l’opposition, le lendemain même du vote du budget de l’intérieur, alors que l’opposition avait répudié le ministère avec tant de dédain, et que la majorité lui avait fait hommage de toutes ses voix. Et vous appellerez loyauté politique, la conduite d’un cabinet qui choisira le lendemain d’une tel vote, d’une telle manifestation, pour donner un soufflet à la majorité, et pour tendre la main à l’opposition qui l’avait répudiée et lui demander lâchement l’aumône d’une réconciliation sans dignité ! Messieurs, selon moi, on n’aurait jamais offert le spectacle d’une déloyauté politique plus grande, et je ne puis que répudier pour ma part le sens que l’honorable M. Rogier a voulu donner au projet de loi.

Messieurs, je puis le déclarer, le cabinet a présenté le projet de loi, comme un thème de discussion calme, comme une question scientifique, tel qu’il est expliqué dans l’exposé des motifs. Si la loi avait eu le but et le sens qu’on lui suppose, l’exposé des motifs de M. le ministre de l'intérieur et sa déclaration qu’il n’en faisait pas une question de cabinet auraient été de l’hypocrisie.

Si tel avait été le sens de la loi, l’honorable M. Rogier n’aurait pas dû alors s’étonner de ma retraite de ce ministère. Comment ! je serais entré dans un ministère mixte, y représentant une opinion considérable dans la chambre et dans le pays, et l’on peut croire que j’aurais consenti à y entrer et à y rester s’il était vrai que ce ministère eut conçu un projet aussi inqualifiable ? Mais, messieurs, dans la pensée de l’honorable M. Rogier, il devrait regarder ma retraite comme un acte de loyauté, et m’accorder à ce titre ses sympathies.

(Moniteur belge n°98, du 7 avril 1844) M. de Theux. - Messieurs, je dois d’abord dire quelques mots sur l’affaire du général Vandersmissen. Je suis obligé de m’en expliquer : M. le ministre de l'intérieur a dit qu’il considérait le vote émis par la chambre, en cette circonstance, comme un blâme pour le ministère d’alors ; je dois dire comment, moi, j’ai considéré ce vote ; il est évident qu’il ne constituait pas un blâme ; car une proposition de blâme ayant été présenté, elle a été retirée par son auteur, prévoyant qu’elle ne serait pas adoptée. Le vote de la chambre n’a eu d’autre objet que d’annuler en partie l’acte du cabinet, mais celui-ci, n’ayant pu accepter les conséquences de ce vote, a dû se retirer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Au fond, cela revient au même.

M. de Theux. - Messieurs, je regrette qu’une indisposition m’ait empêché de prendre part à la discussion générale ; cependant je désire présenter à la chambre quelques considérations, et je la prie de vouloir bien m’accorder son indulgence.

Messieurs, j’envisage le projet du gouvernement au point de vue scientifique, ainsi que le porte l’exposé des motifs. Je ne lui prête pas d’autre pensée. Cependant, je déclare que, s’il y avait eu une pensée de conciliation acceptable, j’en aurais félicité le gouvernement ; mais je ne puis pas considérer ce projet comme pouvant faire l’objet d’une conciliation, parce qu’à mon avis, ce serait aux dépens d’une liberté constitutionnelle. A ce point de vue, il m’est impossible d’accepter le projet du gouvernement comme mesure de conciliation.

Pour moi, messieurs, je trouve la liberté d’enseignement engagée dans ce débat. Mon opinion s’appuie sur l’histoire. De tout temps, les gouvernements, ont cherché à s’emparer de l’enseignement public, et plus particulièrement du haut enseignement.

Mais, dit-on, la responsabilité ministérielle vous servira de garantie.

Je réponds que cette assertion n’est pas compatible avec le système de notre constitution.

En effet, quelque grave que soit la responsabilité ministérielle en elle-même, quelque nécessaire qu’elle soit pour le maintien des libertés constitutionnelles, cependant le congrès n’a abandonné aucune liberté de quelque ordre que ce soit, à la seule responsabilité ministérielle. Si je le pouvais, je parcourrais tous les articles de la discussion, et je démontrerais à la dernière évidence que chaque liberté est entourée de nombreuses garanties, indépendamment de la responsabilité ministérielle.

J’ajouterai que cette responsabilité serait d’autant plus insuffisante ici, qu’elle ne pourrait être exercée qu’au moyen du contrôle des nominations du gouvernement. Ce contrôle devrait porter sur des questions de personnes, sur un personnel extrêmement nombreux, puisqu’il s’agit dans le projet de M. le ministre de l'intérieur, de huit sections du jury composées chacune de cinq membres ; ce serait donc un contrôle à exercer sur 40 personnes.

Et, messieurs, lorsque nous manifesterions l’intention d’exercer un contrôle, on nous objecterait d’abord l’inconvenance d’une semblable discussion, et, en second lieu, notre incapacité ; on nous ferait cette dernière objection avec d’autant plus de fondement que, si nous adoptons le projet du gouvernement, c’est que nous aurions reconnu notre incapacité de nommer un ou deux membres dans chaque jury.

Comment ! les chambres auraient déclaré qu’elles n’ont pas assez d’intelligence, assez de lumières, pour choisir un littérateur éminent, un jurisconsulte distingué comme membre d’un jury, et l’on prétend que les membres isolés auraient le pouvoir d’apprécier la composition de 8 sections du jury d’examen ! Vous voyez que nous serions condamnés au silence par notre propre vote. Dès lors disparaît la garantie de la responsabilité ministérielle.

M. le ministre de l’intérieur a senti lui-même que la responsabilité ministérielle était une garantie insuffisante, il a présenté une autre garantie, il a présenté un commencement de reconnaissance des universités libres, il a voulu assigner à chaque université un examinateur.

Quant au cinquième examinateur, comme le projet du gouvernement ne s’en explique pas, je suppose que l’intention de M. le ministre de l'intérieur est de le nommer en dehors des universités, et de le faire servir de garantie pour l’enseignement autre que celui qui est donné dans les universités de Belgique.

Mais, messieurs, ce système de la réduction des membres du jury à 5 est plein d’inconvénients. Lors de la discussion de 1835, l’honorable M. Dechamps a fait voir que, d’après un pareil système, vous invitez les établissements à se faire en quelque sorte une guerre sourde. Vous diriez à chaque établissement : Vous aurez votre délégué dans le jury ; vous diriez à ce délègue vous défendrez particulièrement les intérêts de votre établissement.

Dès lors ces jurys, ainsi composés, seraient involontairement exposés, par la seule influence de l’esprit de corps, à nuire à l’un ou à l’autre des établissements rivaux ; soit que la rivalité résulte des doctrines enseignées dans un établissement, soit qu’elle résulte des succès obtenus par l’institution, une rivalité de corps sera toujours à craindre.

D autre part, si le ministre voulait, au moyen du cinquième membre, faire prévaloir la supériorité des universités de l’Etat, il aurait les plus grandes facilités. Dans mon opinion, ce serait là le principal danger, car j’avoue que je ne redouterais en aucune manière la partialité du ministère en faveur de l’université libre ou de l’université de Louvain ; à mon avis, il y aurait à craindre, de la part du gouvernement, de la partialité en faveur des universités de l’Etat. Pourquoi ? Parce que le gouvernement est porté, par essence, à étendre son pouvoir, à s’emparer de l’enseignement. Pourquoi encore ? Parce que le ministère a un intérêt d’honneur, un intérêt de relations journalières à faire prévaloir ses propres établissements.

Il y a donc tout à craindre dans ce système. Je ne pousse pas les craintes à l’excès. Je ne pense pas que la partialité du gouvernement aille jusqu’à vouloir renverser les établissements libres ou l’un d’eux ; mais ce que je crains, c’est qu’il ne cherche à diminuer la valeur de ces établissements par une composition du jury secrètement hostile, et, dès lors, la liberté de l’enseignement est réellement compromise.

Qu’on n’établisse pas une distinction entre la liberté de l’enseignement et l’obtention des grades ; cette distinction est inadmissible. L’honorable M. Castiau a dit avec raison que, si l’on poussait le système de la liberté des opinions et de la liberté de l’enseignement jusqu’à ses dernières conséquences, il ne faudrait pas exiger de grade pour l’exercice de la profession d’avocat ou de médecin, vu les difficultés de constituer un jury qui ne se laisse influencer, dans ses jugements, par aucune considération étrangère à la science.

Et ici, veuillez-le remarquer, la libre profession d’avocat est intimement liée avec toutes nos libertés, car l’ordre des avocats est le défenseur naturel de tous les droits. Sous l’empire romain, lorsqu’on avait voulu empêcher l’interprétation des lois contrairement aux opinions du gouvernement, on avait voulu que les jurisconsultes se munissent d’une autorisation du gouvernement pour interpréter les lois ; mais ce système fut fortement combattu, et la liberté fut rendue aux jurisconsultes. Cependant c’était sous l’empire de cette liberté que des jurisconsultes très distingués, et qui font encore autorité, ont exerce leur profession.

Il est donc nécessaire que les grades soient délivrés avec impartialité pour assurer la liberté d’enseignement qui a été proclamée moins dans l’intérêt des professeurs pour qu’ils puissent faire partager leur opinion à leurs élèves, que dans l’intérêt des pères de famille, pour qu’ils puissent faire enseigner leurs enfants par des hommes de leur choix, par des hommes ayant leur confiance. Cette liberté serait compromise si elle ne trouvait pas dans le jury d’examen des garanties d’impartialité.

Je tiens compte de toutes les objections faites contre le projet de la section centrale. Je reconnais qu’il peut y avoir quelque chose de fondé dans ces objections, mais de tous les systèmes produits depuis 1830, c’est, à mon avis, celui qui présenté le plus de garanties d’impartialité. Les difficultés, l’honorable M. Castiau vous l’a dit, sont tellement graves dans notre droit public sur l’enseignement, qu’il est excessivement difficile de composer un jury, de manière que chaque intérêt puisse se déclarer entièrement satisfait, avoir une entière confiance, non seulement dans le présent, mais dans l’avenir, car on redoute les éventualités en pareille circonstance.

Je crois que nous devons donner la préférence au système de la section centrale, d’abord parce qu’il offre la division du pouvoir, et la division du pouvoir, dans notre ordre constitutionnel, est toujours la garantie la plus sûre du maintien de l’équilibre ; en second lieu, le système adopté en 1835 a cet autre avantage, que la nomination du jury n’est pas un acte d’une volonté instantanée, qu’il y a le temps de la réflexion ; la chambre ayant fait ses choix, si quelque intérêt ne se trouvait pas satisfait, il pourrait s’adresser au sénat ou au gouvernement.

Messieurs, comment pourrait-on penser que ces trois pouvoirs tiendraient assez peu de compte de leur dignité pour faire une conspiration contre la liberté d’enseignement, pour écraser un établissement ? Cela n’est pas possible. On m’objectera que la chambre des représentants n’a pas nommé titulaires des membres de l’université libre. On peut le considérer comme un tort, mais non comme la manifestation d’une volonté injuste de la part de la chambre ; je puis en administrer la preuve la plus certaine. Ayant eu à compléter le jury, j’ai pris un plus grand nombre de membres dans l’université libre, et j’ose affirmer que, ni en séance publique, ni en particulier, jamais aucun reproche ne m’a été adressé, parce que ces nominations n’étaient pas faites dans la même opinion que celles de la chambre. N’est-ce pas la preuve que non seulement la chambre, mais aucun membre n’a voulu l’exclusion de l’université libre du jury d’examen ? La chambre a fait ses nominations dans la pensée que le gouvernement compléterait les nominations dans un intérêt d’ensemble. Veuillez remarquer qu’un des motifs pour lesquels la chambre a persisté dans les mêmes nominations, c’est que la loi de 1835 permettait la permanence. Les choix une fois faits, il aurait paru injurieux pour les membres nommés à la première élection d’être écartés à la seconde. Les membres qui n’auraient pas été renommés auraient pu considérer cela comme une injure. Cet inconvénient ne se représentera plus, la loi établissant le roulement, il n’y aura plus d’injure pour aucun examinateur qui sera remplacé dans le jury. Je vais plus loin, le motif du roulement étant bien apprécié, il n’y a pas lieu de supposer qu’après l’intervalle exigé par la loi pour que les anciens membres puissent être renommés, la chambre revienne toujours à ses anciens choix, parce qu’elle pourra ne pas user de cette faculté sans craindre de blesser la susceptibilité des anciens titulaires.

On a dit que le système de la section centrale était à peu près le système de 1835. Il y a une différence essentielle ; il est le même quant au mode de nomination, mais le roulement et le tirage au sort y apportent un changement immense. On n’a plus la crainte de voir le même membre faire d’une manière permanente partie du jury. La chambre a la plus grande latitude, pour varier ses choix, en prenant dans les divers établissements, elle y est invitée par la loi. Les principaux inconvénients de la loi de 1835 disparaissent. Ils disparaissent mieux avec le projet de la section centrale qu’avec le projet du gouvernement. En effet, d’après le projet de la section centrale, la sortie se fait par le sort, ce qui établit l’inconnu le plus absolu, car personne ne peut prévoir quel membre sera désigne par le sort. D’après le projet du gouvernement, au contraire, il est facile de prévoir les membres qui devront être changés. En 1844, on nommerait cinq membres ; en 1845, deux ou trois de ces cinq membres devraient sortir, les membres nouveaux nommés en 1845 resteraient en 1846, le anciens sortiraient. Vous voyez que l’inconnu n’existe pas dans le projet du gouvernement, vu que le tirage au sort n’est pas possible.

Un autre inconvénient, que je trouve dans le projet du gouvernement, c’est de limiter les jurys à cinq membres. Cet inconvénient est extrêmement grave. M. le ministre de l’intérieur a signalé deux ou trois branches les moins importantes qui n’étaient pas représentées dans le jury. Je répondrai que, quand les branches principales sont représentées par sept membres, on ne peut pas supposer l’ignorance de branches secondaires de la part de sept membres éminents composant un jury. Quel résultat allez-vous avoir, les examinateurs étant moins nombreux ? Vous n’aurez plus qu’un interrogateur, qu’un juge sur les branches les plus importantes de l’enseignement ; tandis qu’aujourd’hui vous avez presque constamment un contrôle entre deux jurés pour les principales branches, soit sur les questions posées, soit sur les réponses faites par les élèves. Vous avez donc une garantie plus grande. M. le ministre pourra me répondre : puisque je consens à nommer cinq membres, je consentirai à en nommer sept ; mais alors je lui dirai que ma crainte de la partialité future du gouvernement augmente en proportion du nombre des membres du jury. En effet, combien n’est-il pas facile de déguiser la partialité dans un corps composé de sept membres ? D’autre part ce n’est pas une garantie d’impartialité que la représentation des quatre universités. Ainsi, de quelque manière qu’on envisage la question, on trouve infiniment plus de garantie dans le projet de la section centrale que dans celui du gouvernement.

Une dernière observation. On dit que les chambres sont des corps politiques ; que leurs choix sont publics et qu’ils peuvent le devenir davantage. On a souvent reproché aux chambres d’avoir voté des lois dans un esprit de parti ; on a reproché aussi au ministère cet esprit de parti, et malgré cela jamais un jury partial n’a été composé par le concours des chambres et du ministère. Ce passé ne peut-il pas être une garantie pour l’avenir, que les chambres et le gouvernement se respecteront trop pour tenter une coalition contre un établissement libre ? Il faudrait cette coalition de choix partiaux pour renverser un établissement. La seule crainte sérieuse, c’est que le gouvernement, s’il avait seul les nominations, ne puisse s’emparer à la longue de l’instruction publique. Les établissements de l’Etat n’ont d’ailleurs rien à redouter des propositions de la section centrale. J’ai défendu la liberté d’enseignement avec trop de persistance, soit avant la révolution, soit dans le sein du congrès, pour que je consente à l’abandonner au hasard de la volonté d’un ministre, volonté qui peut devenir puissante. Le congrès n’a pas voulu que les libertés publiques fussent placées sous la seule garantie de la responsabilité ministérielle, il a pensé que cette responsabilité, pendant un temps plus ou moins long, pouvait cesser d’exister.

Je fais une grande distinction entre l’enseignement primaire et l’enseignement universitaire. Dans l’enseignement primaire l’intervention du gouvernement n’a pas de grand danger ; si des établissements venaient à tomber, ils se relèveraient promptement. Quand il s’agit d’une université, c’est autre chose ; un pareil établissaient une fois tombé ne se relève pas.

Je ne veux plus répondre qu’un seul mot au discours de l’honorable M. Rogier. Il a parlé de mandements épiscopaux contre la presse comme indiquant une conspiration contre cette liberté. Cette observation pourrait être vraie si la constitution ne garantissait pas la liberté des opinions, la liberté des cultes. On est libre de ne tenir aucun compte de ces mandements, de les considérer comme des conseils ; à ce titre, des réclamations contre les abus de la presse ont été faites aussi d’autre part que de celle du clergé.

Je crois, messieurs, que la Revue Nationale, entre autres, a reconnu que la presse se livrait souvent à des écarts blâmables et même dangereux pour la société .Or cette publication n’est point suspecte à l’honorable préopinant.

Je termine ici, messieurs, mes observations.

S’il s’agissait d’un rapprochement qui pût se faire sans sacrifier en principe la liberté d’enseignement, j’applaudirais à la pensée de l’union ; mais je suis intimement convaincu que la liberté d’enseignement ne permet pas que nous abandonnions au gouvernement la nomination du jury d’examen, de juges qui peuvent interdire à la jeunesse toute carrière publique.

Je ne puis donc admettre la proposition du gouvernement, et je voterai pour le projet de la section centrale tel qu’il nous est présenté, à noms qu’il ne soit démontré dans la discussion que l’une ou l’autre de ses dispositions est susceptible de modification.

(Moniteur belge n°92, du 1er avril 1844) M. Osy. - Lorsque le projet de loi dont nous nous occupons a été présenté, je lui ai été favorable, étant frappé depuis plusieurs années, du peu d’intérêt que nous mettions au choix que nous avions à faire pour la formation du jury, sachant que dans une autre enceinte, c’était de même ; et effectivement, je crois, messieurs, ayant assez d’occupation, le temps ne nous permet pas de prendre des renseignements exacts pour faire de bons choix ; et sans blesser personne, je crois que nous pouvons dire que les choix se faisaient par 2 ou 3 personnes de chaque chambre, et vous sentez, d’après cela, qu’il est impossible que nous puissions faire des choix impartiaux, et qui ne soient pas politiques et pour représenter tous les établissements, et si les plaintes dans le pays ne sont pas plus grandes, je dois l’attribuer, comme l’a dit mon honorable voisin, M. le comte Vilain XIIII, parce que le gouvernement rétablissait la balance et ayant écouté avec la plus grande attention nos discussions depuis 8 jours, j’ai appris que les ministres qui se sont succédé depuis 1835, ont agi d’après le même principe d’impartialité, et d’aucun côté de la chambre, je n’ai entendu des plaintes contre les ministres de couleur bien différentes, comme ceux des honorables MM. de Theux, Rogier et Nothomb.

Pour moi, je suis persuadé que si nous voulons avoir de la stabilité et surtout de la tranquillité et éloigner autant qu’il dépend de nous, les questions irritantes et nous occuper finalement avec fruit des intérêts matériels du pays, nous devons trouver des moyens de fortifier l’action du gouvernement, et quand je pourrais le faire sans manquer à mon serment et rester dans les dispositions de la constitution, vous m’y trouverez toujours disposé ; et tout en regrettant ce que nous avons fait pour nos institutions communales et électorales, j’ai été dès le principe frappé de l’impossibilité du pouvoir de faire des choix libres parmi les chefs des administrations communales. J’ai voté cette loi par le même principe qu’aujourd’hui et M. le ministre de l'intérieur et plusieurs de mes amis pourront vous dire, si je n’ai pas parlé dans le même sens avant la présentation de la loi pour la nomination libre des bourgmestres et ma sanction à cette partie de la loi n’a été donnée que pour fortifier la couronne et donner la possibilité au gouvernement e ne pas se faire imposer la loi.

Pour moi en particulier toutes mes sympathies sont pour l’université de Louvain et si j’avais aujourd’hui des fils d’âge à leur faire faire les hautes études, je ne balancerais pas dans le choix à faire et je suis tellement persuadé que nous conserverons cet établissement, nonobstant la loi que nous demande le gouvernement que je ne doute pas que d’ici à quelques années, je retrouverai cet établissement florissant, lorsque je pourrai le faire fréquenter par mon fils.

Mais ces sympathies ne me font pas oublier que nous ne sommes pas ici pour un seul établissement, mais que nous représentons toute la nation, et étant frappé de la manière que se font les élections des deux chambres et trouvant le moyen de fortifier le pouvoir, je lui accorde avec grande confiance, ce qu’on nous demande surtout comme tous les raisonnements sont appuyés d’une expérience de 8 années et que mon honorable ami M. Fleussu vous a si bien démontré.

Je crains que le rejet de la loi que je prévois malheureusement, surtout de la manière qu’elle a été défendue par le ministère, fera du tort au pouvoir que je veux fortifier, car d’après toutes nos discussions, il restera dans le pays l’impression que nous nous en défions, et c’est toujours un très grand mal.

Je crois, messieurs, que nous pouvons hardiment dire que ceux qui voteront pour la loi sont les véritables conservateurs dans cette circonstance, et pour moi, je suis entièrement convaincu que si on avait regardé la loi sans arrière-pensée et avec plus de conciliation et de confiance dans le pouvoir exécutif, nous rendrions un grand service au pays qui a besoin de repos, tandis que maintenant l’esprit de part est réveillé plus que jamais, tant parmi nous que parmi les populations.

Je suis un ami sincère de la liberté de l’instruction, et comme nous pouvons surveiller le pouvoir, qui seul peut être responsable, je suis bien persuadé que le mode proposé est le leur, et j’aurais voulu leur voir une loi définitive, pour que ces questions irritantes ne puissent plus se reproduire, et qui sont très fâcheuses, car à tort ou à raison, on nous fera toujours le reproche qu’un seul parti du pays veut dominer et que nous oublions trop que nous sommes les députés de la nation et que, voulant la liberté, nous ne la voulons que pour une opinion, tandis que sincèrement je la veux pour tout le monde, seulement je veux armer le pouvoir de lois qui le mettent à même, à son tour, d’être juste et impartial pour tout le monde.

D’après ces considérations, vous voyez, messieurs, que je ne veux plus du provisoire et j’ai dû voter contre l’amendement de mon ami M. Cogels. Je ne veux pas du provisoire pour ne pas renouveler dans 4 ans ces fâcheux débats. Pour moi, je ne puis partager une pareille manière de voir, et dans toutes les circonstances je donnerai mon vote franchement et librement, mais après mûre réflexion ; car, comme je vous le disais en commençant, ma première impression a été favorable à la loi, mais voyant cette grande agitation et même la semi-retraite d’un ministre, je me suis demandé si je ne me trompais pas ; mais la discussion que j’ai suivie avec la plus grande attention me donne la conviction que ma première impression était la meilleure, et qu’en adoptant le projet du gouvernement et faisant du définitif, je crois rendre un service au pays, que je serai juste envers tout le monde et toutes les opinions, et certainement l’esprit de parti ne me guide pas.

Je regrette de ne plus voir au banc des ministres l’honorable M. Dechamps, mais je suis persuadé que, s’il avait combattu au conseil des ministres le projet comme il l’a fait hier, on n’aurait pas pu nous présenter la loi avant sa retraite ; il faut donc qu’il ait tardivement changé d’opinion, ce qui est toujours fâcheux, car le ministère aurait dû calculer, s’il avait chance d’adoption avant de jeter un pareil brandon de discorde.

C’est donc à lui ou aux ministres restant à voir de quel côté est l’imprudence, et si M. le ministre de l’intérieur abandonne son projet, comme je le crains, à juger de son attitude pendant les discussions, certainement sa considération, tant parmi nous que dans le public, n’augmentera pas, et comme nous le disions lors de la discussion de son budget, qu’il fait un grand mal au pays en restant au pouvoir sans être soutenu franchement par aucun parti de la chambre, nous verrons, après le résultat de cette nouvelle épreuve, s’il finira finalement, vouloir ouvrir les yeux ou s’il voudra rester au pouvoir, quand même. Pour moi, il aurait regagné ma confiance s’il avait montré plus de fermeté, et s’il était tombé avec honneur, tout en ajoutant s’il n’avait pas fait d’imprudence en présentant la loi, et s’il avait bien calculé ses chances de succès,

Avant de terminer, je dois expliquer le mot d’imprudence que je viens de prononcer.

Désirant la loi, cette imprudence ne s’entend que si effectivement lors de la présentation de la loi, tout le ministère n’avait pas été d’accord et si effectivement les réflexions de l’honorable M. Dechamps ne sont venues que tardivement ; dans ce cas j’avoue que le rejet de la loi que je crains, vient du ministre qui s’est retiré trop tard, aussi les ministres restant seraient moins coupables d’imprudence, mais je demande : n’aurions nous pas dû avoir à ce sujet des explications plus franches. Et, pour l’honneur des cinq ministres, j’espère encore que nous les obtiendrons. Car il est toujours grave pour le pouvoir de demander une prérogative si on ne lui accorde pas, ce serait une très grande faute des conseillers de la couronne. Pour moi au moins, je suis charmé, après mûre réflexion, pouvoir donner cette preuve de confiance.

- La clôture de la discussion est demandée.

M. Eloy de Burdinne (contre la clôture). - Messieurs, j’aurais désiré profiter de mon tour de parole, non pas pour traiter des questions irritantes, mais pour engager la chambre à la conciliation ; j’aurais voulu parler en faveur de la proposition de l’honorable comte de Mérode.

J’aurais aussi désiré, messieurs, dire quelques mots sur un autre point. Je dois faire remarquer que deux fois mon nom a été prononcé dans cette discussion. J’aurais voulu expliquer et mou vote de 1835 et mon vote d’aujourd’hui.

Dans tous les cas, j’appuie fortement l’amendement de l’honorable comte de Mérode. Je le regarde comme un moyen de conciliation, et quand à moi, je ne désire que la conciliation.

M. de Foere. - L’honorable M. Rogier vient de lancer dans la discussion des accusations contre le haut clergé du pays. Déjà il avait été précédé dans cette voie par l’honorable M. Verhaegen. On n’y a point encore répondu, et, puisque ces accusations viennent d’être renouvelées, le pays pourrait prendre notre silence comme une impuissance de justifier le haut clergé.

M. de Mérode (contre la clôture). - Messieurs, je ne désire pas qu’on prolonge la discussion, mais plusieurs membres de cette chambre étaient absents quand j’ai développé les motifs à l’appui de mon amendement. L’honorable M. Eloy de Burdinne vous demande de pouvoir présenter quelques considérations en faveur de cet amendement, Je voudrais que les membres qui étaient absents au commencement de la séance, pussent entendre ces considérations.

M. Verhaegen (sur la clôture). - Messieurs, je ne comprends pas l’honorable M. de Foere. Il a parlé après moi et a fait un très long discours ; il a donc pu me répondre. Si cet honorable membre devait encore parler, j’insisterais pour avoir mon tour de parole. Mais je crois que cette discussion est assez avancée et que nous pouvons la clore.

M. de Foere. - Si je n’ai pas répondu à cette partie du discours de l’honorable M. Verhaegen, c’est que le discours que j’ai prononcé, dans une séance précédente, sur le fond même de cette discussion, était déjà assez étendu pour ne pas m’occuper des incidents de la question.

M. Rogier. - Je dois dire que je ne me suis pas livré à des accusations contre le haut clergé. J’ai signalé quelques actes comme ayant contribué à la rupture de l’union. Ce reproche n’était pas nouveau ; il avait été articulé à la fin de la session dernière par l’honorable M. Dumortier lui-même, et à cette époque l’honorable M. de Foere n’a pas songé à demander la parole pour relever le reproche.

M. de Foere. - M. Rogier admet qu’il a adressé des reproches au haut clergé. Il justifie ma réclamation. C’est à ces reproches que je désire répondre.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Il y a quatre systèmes en présence ; le premier est celui de l’honorable comte de Mérode ; le second, celui de l’honorable M. Delehaye, le troisième, celui de la section centrale ; le quatrième, celui du gouvernement.

La chambre désire-t-elle procéder par questions de principe ? (Oui ! oui !)

J’indiquerai les quatre questions qui résultent des quatre systèmes.

Première question : Remettra-t-on au roi la nomination de tous les membres du jury ? C’est le système du projet du gouvernement.

Deuxième question : Maintiendra-t-on l’intervention des chambres dans la nomination des membres du jury ? C’est le système de la section centrale.

Troisième question : Fera-t-on intervenir dans la nomination du jury le pouvoir royal communément avec les quatre universités, la cour de cassation, l’académie de médecine et l’académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles ? C’est le système de l’honorable M. Delehaye.

Quatrième question : La nomination des membres du jury aura-t-elle lieu par un délégué de la chambre et par un délégué du sénat concurremment avec le gouvernement ? C’est le système de l’honorable comte de Mérode.

Il reste à savoir laquelle de ces questions doit être mise la première aux voix. Je ferai remarquer qu’aux termes du règlement, la proposition principale est primée par les amendements. La proposition principale étant celle du gouvernement, je proposerai d’accorder la priorité à la deuxième question : « Maintiendra-t-on l’intervention des chambres dans la nomination des membres du jury d’examen ? »

M. Dumortier. - Je demande que les questions soient mises aux voix dans l’ordre indiqué par M. le président, c’est-à-dire que la première question soumise au vote soit celle-ci : « Le gouvernement aura-t-il la nomination exclusive des membres du jury d’examen ? » Il me paraît qu’on ne peut procéder autrement. Car le système du gouvernement est un système absolu et extrême ; et nous ne pouvons nous rallier à un autre système que lorsque celui-là aura été écarté.

M. Donny. - Messieurs, je pense que le plus simple serait de s’en rapporter à la marche tracée par le règlement. De cette manière on mettrait aux voix d’abord l’amendement de l’honorable M. Desmaisières, parce qu’il s’applique à tous les systèmes.

On mettrait en second lieu aux voix l’amendement de l’honorable M. Delehaye, parce que c’est celui qui s’écarte le plus du projet qui est en discussion. Viendrait ensuite l’amendement de l’honorable comte de Mérode et le mien qui ont la même portée. Viendrait enfin le projet de la section centrale qui est un amendement à celui du gouvernement ; celui-ci, si le projet de la section centrale n’était pas adopté, viendrait en dernier lieu.

Messieurs, si vous ne procédez pas de cette manière, si vous procédez par question de principes, il y aura dans l’assemblée des membres qui ne pourront voter librement, et je me trouverai dans ce cas ; car mon vote doit varier d’après l’ordre des questions : si vous procédez d’après le règlement et si l’amendement de l’honorable comte de Mérode est adopté ou si le mien l’est, je voterai en faveur du projet de la section centrale, ainsi amendé. Si, au contraire, vous procédez par questions de principes, et si vous me faites voter sur la question d’intervention des chambres, je me prononcerai contre cette intervention, attendu qu’un pareil vote peut me donner le système de la section centrale, qui ne peut me convenir, qu’autant qu’il soit amendé dans le sens des amendements dont je viens de parler.

M. Eloy de Burdinne. - M. le président vous a dit tout à l’heure qu’il fallait mettre d’abord aux voix la question de savoir si les chambres interviendraient dans la nomination des membres du jury d’examen. Je crois que cette question devrait être subdivisée. Quant à moi, de même qu’en 1835, je ne veux pas de l’intervention directe des chambres ; mais je consentirais à ce qu’elles intervinssent indirectement dans le sens de la proposition de l’honorable comte de Mérode. Vous voyez donc que si on pose la question dans les termes indiqués par M. le président, je devrai voter contre.

M. de Brouckere. - Messieurs, il résulte du débat auquel on s’est livré depuis huit jours, que deux grands systèmes sont en présence : le premier qui confère les nominations du jury exclusivement au gouvernement, le second qui laisse en partie ces nominations aux chambres. Tous les autres systèmes, messieurs, sont des systèmes mixtes.

Quel est notre point de départ ? C’est le projet du gouvernement. C’est sur ce projet qu’a roulé la discussion. Quelle est la proposition qui s’écarte le plus du projet du gouvernement ? c’est celle qui consacre le second système dont j’ai parlé, celle de la section centrale.

Voici donc comment nous devons procéder pour marcher d’une manière conforme à nos antécédents et à l’esprit du règlement. Il faut qu’on mette d’abord aux voix le système qui s’écarte le plus de celui qui a été le fondement de la discussion, et ce système est évidemment celui qui confère en partie aux chambres le droit de nomination du jury. Viendront ensuite les systèmes mixtes dont a parlé M. le président, et en dernier lieu, si tous ces amendements étaient rejetés, le système du gouvernement. Je demande donc qu’on commence par mettre aux voix la question de savoir si les chambres continueront à intervenir dans la nomination des membres du jury.

M. Malou. - Je pense, messieurs, que l’on est non recevable à invoquer les dispositions du règlement et même les usages de la chambre, lorsqu’on procède par questions de principes.

Lorsque vous avez en présence plusieurs systèmes, vous pouvez quelquefois, mais pas toujours, décider quel est celui qui s’écarte le plus de la question principale. Mais je pose en fait que si, en présence des divers systèmes qui ont été formulés, il s’agissait de décider quel est celui qui s’écarte le plus de la proposition principale, nous pourrions discuter une journée sans nous entendre.

Il est donc nécessaire de procéder dans cette discussion par questions de principes ; et lorsque l’on procède de cette manière, l’on doit mettre la première aux voix la question la plus absolue, la plus extrême.

Ainsi, d’après le règlement lui-même, ou plutôt d’après l’esprit du règlement, car j’y ai vainement cherché un disposition formelle sur ce point, la question qu’il faut poser maintenant est celle que la section centrale a elle même d’abord posée, « attribuera-t-on au gouvernement la nomination de tous les membres du jury d’examen ? »

M. Lebeau. - Je crois que, le règlement à la main, et en rapprochant du règlement un antécédent puisé précisément dans la discussion de 1835 sur la même loi, il n’y a aucun doute sur la manière de poser les questions.

Du reste, je ne sais si cette discussion à une grande importance ; je n’ai pris la parole que parce que je crois qu’on met en discussion le règlement lui-même.

Le règlement ne parle pas des questions de principe ; et si la chambre les a admises, ce n’est pas pour abroger le règlement, ce qu’elle n’aurait pu faire sans recourir aux formes indiquées pour y apporter des modifications ; mais c’est parce que la chambre a cru que les questions de principe étaient en parfaite harmonie avec l’esprit du règlement, et cela est très positif, il suffit de lire l’art. 24. Cet article dit : « Les amendements seront mis aux voix avant la proposition principale. »

Quel est ici l’amendement, et surtout l’amendement qui s’éloigne le plus complètement du système du gouvernement. C’est évidemment l’amendement de la section centrale. Maintenant au lieu de voter directement sur cet amendement, qu’allez-vous faire pour faciliter les opérations de la chambre ? Vous allez le voter sous la formule d’une question de principe ; et en agissant ainsi, vous êtes tout à fait dans l’esprit du règlement.

D’ailleurs, il y a, je le répète, un précédent ; c’est celui de 1835 précisément sur la même question et dans des circonstances presque identiques.

Du reste, je le répète, je ne sais si je n’ai pas même eu tort de prendre la parole sur cette question de priorité, parce que je n’y vois pas l’importance qu’on paraît y attacher.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne pense pas que personne de nous veuille modifier le texte du règlement, ni l’interpréter comme il ne doit pas l’être. Mais le règlement ne s’applique qu’aux articles qui se votent comme articles.

Si ce que vient de dire l’honorable préopinant était fondé, nous aurions, dès le commencement de cette séance, commencé par modifier le règlement. Car, qu’avons-nous fait ? Nous avons commencé par mettre aux voix la question de savoir si la loi serait temporaire. Or, la disposition que nous avons votée doit venir la dernière. Vous le voyez donc bien, nous avons déjà fait voir la différence qu’il y avait, quant au règlement, entre un vote sur une question de principe et un vote sur un article.

Messieurs, comme je l’ai déjà dit, le système de tous le plus absolu est celui du gouvernement. Il faut donc de toute nécessité que vous le mettiez le premier aux voix. Car, si ce système est écarté, manifestement alors nous saurons ce que nous devons voter, à quoi nous devons nous rallier, tandis que dans le système inverse nous ne saurions sur quoi voter.

M. de Brouckere. - Si nous avions discuté dans le vague, c’est-à-dire sans point de départ, si les différents systèmes dont nous nous sommes occupés avaient surgi pour ainsi dire simultanément, je concevrais qu’on suivît la marche indiquée par l’honorable M. Dumortier et qu’on mît d’abord aux voix le système le plus absolu. Mais ce n’est pas ainsi que nous avons procédé. Nous avons un point de départ, c’est le système du gouvernement. C’est de ce point de départ que sont venus les différents autres systèmes. Comment donc faut-il agir, pour agir régulièrement, logiquement ? Il faut commencer par mettre aux voix le système qui s’écarte le plus du point de départ.

Cela est tellement vrai, que je défie qu’on me cite un exemple où l’on a agi d’une manière différente.

L’honorable M. Malou dit qu’il en est ainsi, mais seulement quand on met aux voix la disposition elle-même, mais que le règlement n’est plus applicable quand on met aux voix les principes. Messieurs, chaque principe représente un amendement ou un système, ou une disposition formelle.

Un membre. - M. Malou n’insiste pas.

M. de Brouckere. - Si l’honorable M. Malou avait insisté, j’aurais demandé qu’on mît aux voix les propositions elles-mêmes. C’est uniquement pour faciliter les votes qu’on met aux voix des principes.

Je persiste donc à croire qu’il faut d’abord mettre aux voix le système de la section centrale. (La clôture ! La clôture !)

- La clôture sur la position des questions est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Quatre modes ont été indiqués.

M. Eloy de Burdinne a demandé que l’on mît aux voix d’abord la proposition de M. de Mérode, ensuite celle de M. Delehaye, en troisième lieu celle de la section centrale et en quatrième lieu celle du gouvernement.

Je mets cette proposition aux voix

- La proposition de M. Eloy de Burdinne n’est pas adoptée.

M. le président. - Le second mode est celui indiqué par M. Donny, qui a demandé qu’on mît d’abord aux voix l’amendement de M. Desmaisières.

- Ce mode est mis aux voix, il n’est pas adopté.

M. le président. - Le troisième mode a été indiqué par M. de Brouckere ; il consiste à voter d’abord sur la proposition de la section centrale formulée en question de principe et ensuite sur la proposition du gouvernement.

- La proposition de M. de Brouckere est mise aux voix, elle n’est pas adoptée.

M. le président. - Ainsi tous les autres modes étant rejetés, le quatrième est par cela même adopté. Il consiste à voter d’abord sur le projet du gouvernement formulé en question de principe.

M. Delehaye. - Messieurs, la chambre en déclarant qu’on mettrait d’abord aux voix la proposition du gouvernement, me met dans la nécessité de retirer ma proposition. En effet, messieurs, il pourrait se faire qu’après avoir aidé à faire rejeter la proposition du gouvernement, je continuerais involontairement à faire passer les conclusions de la section centrale, que j’ai déclarées être moins bonnes que la proposition du gouvernement. C’est pour ce motif que je retire ma proposition que personne n’a pu sérieusement combattre, puisqu’elle écartait tous les inconvénients que l’on avait signalés et dans la proposition de la section centrale et dans le projet du gouvernement.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur la question de savoir si l’on remettra au Roi la nomination exclusive des membres du jury d’examen.

92 membres sont présents.

42 répondent oui.

49 répondent non.

1 s’abstient

En conséquence, la proposition du gouvernement n’est pas adoptée.

Ont répondu oui :

MM. Cogels, Coghen, d’Anethan, David, de Baillet, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Renesse, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dumont, Duvivier, Fleussu, Goblet, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Mercier, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van Volxem, Verhaegen, Zoude et Liedts.

Ont répondu non :

MM. Brabant, Coppieters, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Nef, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghem, Vilain XIIII et Wallaert.

M. Castiau s’est abstenu.

M. Castiau déclare s’être abstenu par les considérations qu’il a présentées dans la discussion.

M. le président. - Nous passons maintenant à l’art. 1er du projet de la section centrale.

M. Lebeau. - Il faut d’abord voter sur le principe du projet de la section centrale.

M. le président. - Ce vote ferait double emploi avec celui qui vient d’être émis.

Un membre. - Cela n’est pas certain.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais si le projet de la section centrale était rejeté par ce deuxième vote de principe il n’y aurait pas de loi (interruption) ; mais il faut une loi, il faut un jury.

M. Donny. - Je demanderai dans le cas où le projet de la section centrale serait adopté ce que deviendront les divers amendements.

M. Devaux. - La chambre a décidé de quelle manière on voterait. Je demande que le mode adopté par la chambre soit suivi. Le projet du gouvernement a été repoussé par une majorité très faible. Il peut y avoir dans cette majorité quelques membres qui ne veulent ni du système du gouvernement, ni du système de la section centrale. Il faut donc mettre ce dernier système aux voix, comme on a mis aux voix le système du gouvernement. On a discuté, tout à l’heure, pendant une demi-heure pour savoir quelle marche on suivrait ; on en a adopté une, je demande que la décision de la chambre soit exécutée.

M. de Theux. - Tout à l’heure, messieurs, il y avait deux principes en présence : le principe de la nomination exclusive par le gouvernement, et le principe de l’intervention des chambres. On a écarté le principe de la nomination exclusive par le gouvernement ; il ne reste donc plus que le principe de l’intervention des chambres.

C’est à ce principe que se rattachent les divers amendements. Il faut donc voter en premier lieu sur ces amendements, car que signifieraient les amendements si le principe disparaissait ?

Mais, dit-on, il est des membres qui ne veulent ni de la nomination exclusive par le gouvernement, ni de l’intervention des chambres. Eh bien, messieurs, ces membres voteront contre l’ensemble de la loi.

La proposition de M. Devaux pourrait entraîner le rejet prématuré de la loi, il pourrait en résulter qu’on rejetât la loi sans en avoir voté aucune disposition. Je ne concevrais pas une semblable marche. Je comprends qu’on rejette une loi au vote définitif lorsqu’on est mécontent de l’ensemble des dispositions de cette loi, mais je ne comprends pas qu’on repousse le principe même d’une loi sans s’être prononcé d’abord sur ses différentes dispositions.

Je demande donc que l’on mette d’abord aux voix les divers amendements au projet de la section centrale.

M. de Mérode. - Je crois aussi, messieurs, que pour permettre à chacun de voter librement, il faut d’abord mettre aux voix les amendements. Ceux qui ne voudront pas du système de la section centrale, voteront contre l’ensemble de la loi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, quand j’ai dit qu’il fallait une loi, j’ai été interrompu par une exclamation partie du banc qui se trouve derrière le mien. Cependant, rien n’est plus vrai. Il ne suffit pas de dire : «Restons dans le statu quo ; » le statu quo c’est le néant ; depuis le 1er janvier dernier il n’y a plus de loi ; si donc le projet de la section centrale était rejeté comme l’a été celui du gouvernement, nous devrions proposer la prorogation pute et simple de l’ancien mode de nomination... .

Plusieurs membres. - Cela vaudrait mille fois mieux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je veux seulement que les faits soient bien connus. (Interruption.) Ceux qui nous ont accusés d’une extrême imprudence, lorsque nous avons présenté la loi voudraient donc voir reproduire la même question l’année prochaine, la tenir de nouveau en réserve pour le mois de mars prochain.

M. Devaux. - Il ne s’agit pas de renvoyer la question à l’année prochaine, il s’agit de décider la question soumise à la chambre. Je ne pense pas que M. le ministre de l’intérieur veuille nous forcer à adopter un système quelconque qui répugnerait à notre conscience. Vous avez discuté tout à l’heure sur la question de savoir quel système on suivrait ; quatre systèmes ont été mis sous nos yeux, et alors M. le ministre de l’intérieur n’a fait aucune objection. Maintenant que la chambre a adopté une marche, qu’elle a suivi cette marche pour le projet du gouvernement, je demande qu’elle la suive également pour le projet de la section centrale.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je veux bien, si l’on insiste, qu’on vote encore en commençant par l’amendement de M. de Mérode. (Interruption.) J’avais fait observer tout à l’heure qu’il fallait une loi, cette réflexion a été accueillie par des marques d’incrédulité, c’est pour ce motif que j’ai fait remarquer à la chambre qu’il ne s’agissait pas de rester dans le statu quo, que le statu quo c’était le néant ; de toutes les manières, il faudra une loi nouvelle.

M. Malou. - Messieurs, j’ai insisté tout à l’heure pour qu’on posât la première, la question que la chambre a décidée, mais je n’ai pas entendu qu’il fallût poser successivement les quatre questions de principe qui avaient été indiquées. Je n’ai demandé qu’une seule chose et la chambre n’a décidé qu’une seule chose, c’est qu’elle voterait sur le projet du gouvernement formulé en question de principe.

M. Dolez. - Messieurs, la proposition qui a été mise aux voix par M. le président ne comporte pas la moindre incertitude. Il a nettement indiqué que si l’on commençait par le projet du gouvernement, celui de la section centrale viendrait immédiatement après. Une décision formelle a été prise par la chambre, cette décision, la chambre doit la maintenir ; elle doit la maintenir sous peine de manquer à sa propre dignité. Je vais démontrer en deux mots quel était l’intérêt engagé tout à l’heure dans le débat sur la priorité. On voulait, en commençant par la proposition du gouvernement, réunir contre cette proposition les auteurs des divers amendements qui ont été présentés. Eh bien, la proposition du gouvernement a couru cette chance, elle a été repoussée par quelques voix, peut-être par celles des auteurs des amendements ; je demande que la proposition de la section centrale soit soumise à la même chance. Si la chambre agissait autrement, que dirait-on au-dehors ? On dirait qu’à côté des difficultés de la question, l’on a voulu placer la subtilité des votes ; on le dirait au-dehors comme j’ose le dire ici en face de mes collègues. Je convie donc la chambre de ne point se départir de la marche qu’elle a adoptée. Je la conjure de persévérer jusqu’au bout dans cette marche. Que la section centrale accepte pour son projet la chance que la majorité a imposée au projet du gouvernement.

M. Verhaegen. - Aux observations présentées par l’honorable M. Orts, je n’en ajouterai qu’une seule, et c’est une réponse directe à l’objection de l’honorable M. Malou. M. Malou a demandé que l’on suivît le mode qui a été adopté par la section centrale, il a demandé que l’on posât d’abord cette question : attribuera-ton au gouvernement la nomination de tous les membres du jury ? Eh bien, messieurs, la deuxième question posée par la section centrale, est celle-ci : maintiendra-t-on le mode actuel de nomination par les chambres, par le gouvernement ? Puisque l’honorable M. Malou a voulu que l’on suivît la marche tracée par la section centrale, et que sa proposition à été adoptée par la chambre, il y aurait l’injustice la plus révoltante à ne pas voter maintenant sur le principe du système de la section centrale ; ce serait revenir sur une décision prise, ce serait avoir deux poids et deux mesures.

M. de Mérode. - Quel est, messieurs, l’ordre qu’il faut adopter lorsqu’il y a une série de votes à émettre ? C’est l’ordre qui permet à chacun de se prononcer pour le système qui lui convient le mieux. (Interruption.) Il fallait bien tout à l’heure voter sur le système du gouvernement ; c’était le système le plus exclusif.

Il est clair qu’il ne reste plus que le système de la section centrale avec des modifications, J’ai proposé une de ces modifications ; je demande qu’on vote sur cet amendement avant de voter sur la proposition même.

M. d’Huart. - Je pense que le seul ordre logique et conforme à nos antécédents, c’est de voter sur les amendements proposés au système de la section centrale ; en effet, il y a des amendements à la proposition de la section centrale, tandis qu’il n’y avait pas d’amendements directs au projet du gouvernement. Voilà la grande différence. Du reste, puisqu’on semble croire qu’il y aurait plus de loyauté à voter d’abord sur la question de principe, je ne m’oppose pas du tout à ce qu’on procède de cette manière.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je voulais également faire observer qu’il ne fallait pas attacher une grande importance à cette manière de voter. Il ne m’est pas démontré que la proposition de la section centrale aurait de plus grandes chances de succès, si l’on procédait d’une autre manière. Cette question s’est déjà soulevée très souvent ; la marche à suivre pour le vote est sujette à beaucoup de doutes ; on ne peut établir des calculs certains.

M. de Theux. - L’ordre de vote que j’ai indiqué me paraissait le plus rationnel ; toutefois je ne m’opposerai pas à ce que l’on pose la question de l’intervention des chambres de la manière la plus générale. Du reste, je suis persuadé que cela ne changera pas un seul vote.

M. Malou. - Puisqu’on paraît maintenant être d’accord sur la question à mettre aux voix, je n’ajouterai qu’un mot, c’est que je ne me suis nullement mis en contradiction avec moi-même. J’ai demandé qu’on votât sur le principe de la nomination par le gouvernement seul, et l’on n’a pas décidé autre chose ; je n’ai pas proposé qu’on votât successivement sur les quatre questions, et quant aux accusations d’injustice révoltante et de subtilité des formes, je ne puis pas les accepter : nous voulons que chacun puisse voter loyalement.

M. Dolez. - Mes paroles ont été travesties, j’ai dit simplement et je répète que si la chambre suivait la marche qu’on lui indiquait, elle encourrait le reproche que j’ai signalé avec franchise.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la question suivante :

« Les chambres interviendront-elles dans la nomination des membres du jury ? »

Il est entendu que si cette question est résolue affirmativement, ce vote n’exclut pas la proposition de M. de Mérode (non ! non !), proposition qui viendrait en tous cas comme amendement à celle de la section centrale.

Des membres. - L’appel nominal.

- Il est procédé au vote par appel nominal.

91 membres ont répondu à l’appel nominal.

2 membres (MM. Donny et Cogels) se sont abstenus.

49 ont répondu oui.

40 ont répondu non.

En conséquence, l’assemblée décide que les chambres interviendront dans la nomination des membres du jury d’examen.

Ont répondu oui :

MM. de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Van den Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, Coppieters. Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer et de Nef.

Ont répondu non :

MM. de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Duvivier, Fleussu, Goblet, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Mercier, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van Volxem, Verhaegen, Zoude, Coghen, d’Anethan, David, de Baillet, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Renesse et Liedts.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Donny. - J’ai dit à plusieurs reprises que je n’approuvais pas le système de la section centrale, non amendé ; dans l’incertitude où j’étais, si le projet de la section centrale serait amendé ou non, j’ai dû m’abstenir.

M. Cogels. - Ayant voté pour l’intervention exclusive du gouvernement, je n’ai pas voulu me mettre en contradiction avec moi-même, et j’ai senti cependant qu’il fallait adopter nécessairement l’un ou l’autre système.

M. le président. - La chambre aborde l’article 1er du projet de la section centrale.

Cet article est ainsi conçu :

(L’orateur donne lecture de cet article.)

Je mets d’abord aux voix l’amendement de M. de Mérode.

- Cet amendement n’est pas adopté.

Le § 1er de l’art. 1er du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

Entre le § 1er et le second § vient l’amendement présenté par M. Donny.

- Cet amendement n’est pas adopté.

Comme il n’y a plus d’amendement sur l’art. 1er du projet de la section centrale, l’ensemble de l’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

(Note du webmaster : l'article 2 qui suit deviendra l'article 3 de la loi adoptée. L'article 2, pour sa part sera rédigé comme suit : "Le mode de nomination ne sera que provisoire et pour quatre ans". Il correspond à la proposition de Cogels, adoptée plus tôt dans la séance. Fin de la note.)

« Art. 2. La loi du 27 mai 1837 continuera à sortir ses effets jusqu’à la fin de la deuxième session de 1844. »

M. de Foere. - Messieurs, plusieurs élèves des universités de Liége et de Louvain ont adressé une pétition à la chambre pour demander que la loi du 27 mai 1837 soit prorogée jusqu’à la fin de la cession de 1846.

Je pense, messieurs, qu’il serait équitable d’accueillir cette réclamation. Les élèves qui ont commencé leurs études universitaires depuis un an ou deux ont dû compter sur la prorogation de la loi du 27 mai 1837, ils ont dû prendre et ont pris en considération, pour régler leurs études, une prorogation ultérieure de cette loi.

Je ferai observer que la loi du 27 mai 1837 prorogeait elle-même pour deux ans une disposition transitoire de la loi de 1835 ; comme la prorogation que nous allons voter sera la dernière, il n’y a pas le moindre inconvénient à la voter pour deux ans ; le temps que le projet de la section centrale laisse aux élèves pour se mettre en mesure d’étudier toutes les matières sur lesquelles ils devaient être examinés aux termes de la loi de 1835, me paraît trop court.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne puis pas consentir à cette prorogation. Je trouve que l’on fait assez en prorogeant la loi du 27 mai 1837 jusqu’à la fin de la deuxième session de 1844. On a égard à la position des élèves en ce moment dans les universités, auxquels le temps manquerait pour être préparés à la fin de l’année 1844. Vous ne pouvez pas aller plus loin ou vous faites le procès à la loi de l’enseignement supérieur. C’est par une véritable inconséquence qu’on a continuellement prorogé la suspension de la loi organique de l’enseignement universitaire. Les cours, messieurs, sur lesquels on n’interrogerait pas, d’après le règlement de 1816 et sur lesquels on doit interroger aujourd’hui, quels sont-ils ? Vous allez juger s’ils sont inutiles ou non : c’est 1° le droit coutumier du pays ; 2° le droit commercial ; 3° la procédure civile ; 4° le droit administratif.

Je demande si ce sont là des cours inutiles pour les élèves en droit. Ce sont, selon moi, des cours indispensables. On ne dira pas que le droit commercial et la procédure civile soient inutiles ; le droit coutumier, on ne l’enseigne plus guère qu’en tenant compte des questions transitoires et cet enseignement est excessivement restreint. Il ne faut pas croire que ce soit sans nécessité qu’on ait compris ces matières dans le programme d’examen de la loi de 1835.

La première fois que cette demande a été faite, l’honorable M. de Theux était ministre, il a conclu au rejet ; on avait proposé un ajournement de six mois, on est arrivé à une année en déclarant qu’il était bien entendu que ce serait pour une seule année. Mais il est arrivé que chaque année on a ajouté cette prorogation à la prorogation de la loi sur le jury et que cet article a été voté sans examen.

M. Cogels. - Je regrette de devoir prendre la parole dans la discussion d’une question qui n’est pas de ma compétence. Il me serait difficile de dire quels sont les cours qu’il faut suivre pour passer un examen de doctorat en droit, mais je crois que les réclamations des élèves des universités sont fondées. S’il ne dépendait que de leur bonne volonté de pouvoir se préparer sur toutes les matières du programme de la loi de 1835, je dirai : N’accordons pas de prorogation. Mais si mes renseignements sont exacts, il y a plusieurs universités où les cours qu’on devrait suivre ne sont pas encore organisés, et ne pourront pas l’être d’une manière convenable pour l’année prochaine. Je crois que le droit coutumier notamment ne s’enseigne que dans une seule université. Dès lors, les élèves malgré leur bonne volonté, malgré leur zèle, seraient dans l’impossibilité de passer un examen sur cette matière. Il y a donc lieu d’accorder la prorogation demandée.

M. Dumortier. - Je ne puis partager l’opinion de l’honorable M. Delfosse, et c’est précisément dans l’intérêt des élèves que j’en agis ainsi ; parce qu’à mon avis c’est beaucoup de continuer encore un an les immenses matières qui occupent les intelligences des élèves. Je demande que cela ne puisse pas se prolonger davantage, dans l’intérêt des fortes études et dans l’intérêt des élèves. Il ne faut pas qu’ils puissent être interrogés sur 15 ou 20 matières. Il faut simplifier les matières. C’est ce que les jurys eux-mêmes ont demandé. Il existe des matières sur lesquelles on voudrait qu’on interrogeât les élèves, et qui ne sont pas enseignées dans les universités de l’Etat.

Il est un autre motif pour lequel je désire que la loi ne soit pas prorogée pendant un temps indéfini. Sous ce rapport, j’espère que j’aurai l’approbation de l’honorable M. Delfosse, je veux parler de réduire les indemnités du jury qui sont excessives. C’est là le plus grand grief contre la loi actuelle, car on ne s’est pas plaint de la partialité, mais ce sont les professeurs qui ne faisaient pas partie du jury, qui étaient fort peinés de voir qu’ils ne pouvaient pas toucher quatre ou cinq mille francs d’indemnité que touchaient leurs collègues. Là est le grand vice, là est la source des réclamations qui se sont élevées.

Il arrive que tel professeur touche en indemnité une somme plus forte que son traitement. Il faut donner une indemnité large aux examinateurs, mais l’expérience a démontré qu’on était allé au-delà des justes bornes que prescrivait l’économie des deniers de l’Etat.

Dans l’intérêt des élèves, comme dans celui du trésor public, je m’opposerai à l’amendement de M. Delfosse. Je pense que nous devons admettre l’article de la section centrale ; par là, nous satisfaisons à tous les besoins.

M. de Garcia. - Je conçois les observations de l’honorable M. Dumortier, je crois qu’il faudrait réduire le cadre des connaissances qu’on exige des élèves qui se présentent aux examens. Mais je ne puis admettre la proposition de M. Delfosse, d’accueillir la réclamation des élèves qui demandent à être dispensés de l’étude du code de commerce, du code de procédure, du droit coutumier et du droit administratif. On a observé que dans la plupart des universités il ne se trouvait pas de cours de ces matières. Cela m’étonne excessivement, car ce sont les matières les plus utiles et les plus pratiques. Si ces cours n’existent pas, le gouvernement devrait s’empresser de les établir.

Je comprends les réclamations des jeunes gens qui se sont adressés à la chambre ; j’ai suivi les cours de droit, et il faut convenir que les matières indiquées dans leurs réclamations sont les plus fastidieuses ; il est fort difficile de s’attacher aux cours de droit commercial, de procédure civile, de droit coutumier et de droit administratif, mais je regarde la connaissance de ces matières comme étant de première nécessité. Si on devait retrancher quelques matières du programme, ce ne seraient pas celles-là.

M. Delfosse. - M. le ministre de l’intérieur vient de nous dire que mon amendement fait le procès à la loi de 1835, si cela était vrai, cela serait vrai de la proposition de la section centrale qui propose aussi la prorogation de la loi de 1838, cela serait vrai des décisions successives par lesquelles la chambre a prorogé cette dernière loi.

Pourquoi, messieurs, la chambre a-t-elle dérogé provisoirement à la loi de 1835 ? C’est par des motifs d’équité qui existent encore et que j’invoque.

L’honorable M. Dumortier vient de combattre ma proposition par des considérations qui auraient dû l’engager au contraire à l’appuyer. L’honorable M. Dumortier veut la simplification des matières sur lesquelles les élèves doivent être examinés ; mais c’est justement ce que les élèves, dont j’appuie la pétition, demandent ; ils demandent qu’en attendant la loi désirée par l’honorable M. Dumortier qui simplifiera les matières, elles soient simplifiées pour deux ans, par une disposition transitoire. C’est là une demande que l’honorable M. Dumortier devrait appuyer pour être conséquent avec lui-même.

M. Dumortier. - J’avais cru qu’il s’agissait de la prorogation de la loi de 1835. Je suis d’accord avec l’honorable membre et j’appuie de grand cœur son amendement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je persiste à m’opposer à une prorogation plus longue que celle qui est proposée par le gouvernement et la section centrale. Je vous ai fait connaître quels sont les cours pour lesquels on demande une dispense.

Je regarde, messieurs, ces cours comme indispensables. Qui est-ce qui pourrait soutenir que l’étude du droit commercial, de la procédure civile et même du droit administratif est inutile ? Tous ces cours existent ; vous faites assez en prorogeant la dispense jusqu’à la fin de l’année ; je dis même que vous faites beaucoup et qu’à la rigueur vous ne devriez pas aller jusque-là, parce que le deuxième semestre d’études va seulement commencer après Pâques. Vous exemptez donc encore les élèves de fréquenter les cours que j’ai indiqués tout à l’heure pendant le deuxième semestre de cette année. Je dis que vous poussez l’équité extrêmement loin.

S’il y a autre chose à faire, il faut que ce soit directement et par une proposition formelle.

- La discussion est close.

M. Delfosse. - On me fait observer que je devrais, dans l’intérêt des élèves, proposer la prorogation de la loi jusqu’à la fin (erratum Moniteur belge n°94, du 3 avril 1844 :) de la seconde session de 1845. Je consens à cette modification

- L’amendement de M. Delfosse ainsi modifié est adopté.

Article 4

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai une observation à soumettre à la chambre, observation qui nécessite un article transitoire.

L’art. 44 de la loi sur l’enseignement supérieur porte : « Il y a annuellement deux sessions des jurys : L’une depuis le troisième mardi d’août jusqu’au 15 septembre ; l’autre à partir du mardi après le jour de Pâques. »

Messieurs, la nomination du jury devient impossible avant Pâques et la réunion fixée de plein droit au mardi après Pâques est également impossible. Il faudra donc, messieurs, insérer dans la loi une disposition additionnelle qui pourrait être ainsi conçue :

« La première session du jury de 1844 sera fixée par arrêté royal. »

M. de Foere (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je désire que l’ordre du jour soit maintenu tel que M. Nothomb l’a fixé plusieurs fois lui-même, et tel que chaque fois il a été adopté par la chambre. La discussion du rapport de l’enquête commerciale a été fixée à la première séance après les vacances de Pâques. Maintenant M. le ministre de l’intérieur veut reculer cette séance au 23 avril. Je crains bien qu’à cette époque je ne puisse prendre part à la discussion.

M. de Theux. - Messieurs la proposition faite par M. le ministre de l'intérieur a un bon côté ; mais je crains que le but qu’il se propose d’atteindre ne puisse se réaliser. Les vacances de Pâques des universités vont expirer avant que les chambres ne se réunissent de nouveau ; il n’y aurait donc pas de session à Pâques. Je préférerais, et je pense qu’on en a agi ainsi dans une autre circonstance, qu’on continuât, pour la session de Pâques seulement, les pouvoirs du jury actuel. Cela a peu d’importance, et au moins aucun élève ne souffrirait du retard.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que si le jury se réunit même le 5 mai prochain, cela suffira ; évidement d’ici là, il existera une loi, et cette loi aura reçu l’exécution qu’elle suppose.

Je ferai remarquer à l’honorable préopinant qu’il va fait naître une autre question, celle de savoir si l’on peut proroger les pouvoirs du jury. Je sais qu’on l’a fait une fois, mais on était dans des circonstances tout à fait extraordinaires.

M. Malou. - Messieurs, il me semble que M. le ministre de l’intérieur n’a pas bien lu le projet de la section centrale. Ce projet porte :

« Les nominations à faire par les chambres ont lieu un mois, au moins, avant l’ouverture de la première session du jury. Le tirage au sort se fait dans chaque chambre, quinze jours, au moins, avant ces nominations. »

Comment serait-il possible d’exécuter cette disposition ?

Je vous ferai aussi remarquer que, par la proposition de M. le ministre de l'intérieur, vous suspendriez les cours universitaires au moment où ils sont le plus actifs.

Je crois donc qu’il est impossible de ne pas proroger les pouvoirs du jury de l’année dernière, pour la première session de 1844. Vous remarquerez d’ailleurs que cette première session est presque insignifiante, que les élèves se présentent surtout aux examens, aux vacances de l’automne.

Je ne vois d’ailleurs aucun inconvénient à proroger pour une session les pouvoirs du jury de 1843.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - En ce cas il faut rédiger une nouvelle disposition.

M. Devaux. - Messieurs, la difficulté qui vous est soumise est une preuve frappante de l’aptitude des chambres à faire de l’administration. Il suffit qu’il leur prenne envie de s’ajourner pendant quinze jours, et l’exécution de la loi sur l’enseignement supérieur reste suspendue.

Il y aura encore ce grand avantage qu’une loi introduite, dit-on, pour amener le roulement parmi les membres du jury débutera par décréter provisoirement la permanence.

M. Malou. - D’abord, je pourrais répondre que les dispositions du projet ne sont plus en discussion. Mais, en second lieu, qu’est-ce que cette prorogation pour une session pour laquelle, je le répète, il ne se présente ordinairement que fort peu d‘élèves ?

L’objection de l’honorable M. Devaux porte, d’ailleurs, plus loin. Remarquez que le sénat a le droit d’amender la loi ; qu’ainsi elle peut nous revenir et qu’alors ni la nomination du jury par les chambres, ni la nomination par le gouvernement ne pourraient avoir lieu en temps utile.

M. le ministre de l’intérieur dit qu’il fait rédiger une nouvelle disposition ; s’il ne l’a pas faut, je la présenterai.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Veut-on admettre, la disposition transitoire adoptée en 1839. Elle serait ainsi conçue :

« Les pouvoirs du jury nommé en 1843 sont prorogés pour la première session de 1844.»

- Cette disposition est mise aux voix et adoptée. Elle formera l’art. 4 de la loi.

Article 5

M. Brabant. - La disposition qui vient d’être adoptée comme art. 4, nécessite, me semble-t-il, une nouvelle disposition. Il est nécessaire de rendre la loi exécutoire le lendemain de sa promulgation. Aux termes d’une loi de 1831, les lois ne sont exécutoires que le onzième jour après leur promulgation ; de sorte que le onzième jour viendrait après le mardi de Pâques, en supposant que la loi fût prononcée le plus tôt possible.

M. le président. - L’art. 5 serait ainsi conçu :

« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Cet article est adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

La chambre décide qu’elle votera d’urgence sur l’ensemble du projet.

Il est procédé à l’appel nominal.

91 membres y répondent.

56 votent pour le projet.

33 votent contre.

2 s’abstiennent.

En conséquente le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont voté pour :

MM. de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Meer, d’Huart, Donny, Dubus, Dumortier, Duvivier, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Brabant, Cogels, Coppieters, d’Anethan. Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere. de Naeyer, de Nef.

Ont voté contre :

MM. de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Dumont Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Manilius, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion, Troye, Van Volxem. Verhaegen, David, de Baillet, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne et de Renesse.

Se sont abstenus :

MM. Eloy de Burdinne et de Mérode.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à en faire connaître les motifs.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, comme on a introduit dans la loi le principe de la participation directe des chambres à la nomination du jury d’examen, je n’ai pas voulu lui donner mon approbation. D’un autre côté, une loi était indispensable, j’ai donc dû m’abstenir.

M. le comte de Mérode. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à exécuter le réendiguement du poldre de Lillo

Discussion générale

M. le président. - L’ordre du jour appelle en second lieu la suite de la discussion du projet de loi relatif au rendiguement du poldre de Lillo. (Réclamations.)

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Certainement, messieurs, il faut faire droit à notre ordre du jour. Je prie la chambre de rester réunie ; je ne veux pas lui parler le ses devoirs ; je ne pourrais supposer qu’elle veuille se séparer dès à présent.

On peut soutenir que la rédaction première du gouvernement, combinée avec l’amendement qu’à présenté l’honorable M. Malou renforcé de l’article additionnel, proposé par l’honorable M. Dumortier, suffit pour rassurer tous les esprits et donner la conviction que le gouvernement n’abandonnera pas la question du concours des propriétaires. Il vous rendra compte des démarches qu’il aura faites. C’est tout ce qu’a demandé l’honorable M. Rogier, et c’est tout ce qui résulte de la rédaction, telle qu’elle est maintenant conçue.

Je prierai M. le président de donner lecture du projet en y ajoutant l’amendement de M. Malou et l’article additionnel de l’honorable M. Dumortier.

- M. Vilain XIIII remplace M. Liedts au fauteuil.

M. le président. - Le projet du gouvernement est ainsi conçu :

« Le rendiguement du poldre de Lillo sera exécuté aux frais de l’Etat. »

M. Malou a proposé d’ajouter à cet article du projet la réserve suivante :

« Sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires, s’il y a lieu. »

M. Dumortier a proposé la disposition additionnelle suivante :

« Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer des propriétaires, par suite des réserves apportées aux lois relatives aux rendiguements des poldres. »

M. Rogier propose de rédiger le projet comme suit :

« Le gouvernement est autorisé à exécuter le rendiguement du poldre de Lillo. »

M. Huveners a proposé la rédaction suivante :

« Article unique. Le rendiguement du polder de Lillo sera exécuté par l’Etat. Un tiers de la dépense incombera à l’Etat et les deux autres tiers seront supportes par l’association du polder de Lillo. »

M. Lys propose une rédaction nouvelle de son amendement ; elle est ainsi conçue :

« Les propriétaires de terrains endigués contribueront pour un tiers aux dépenses faites par l’Etat pour le rendiguement.

« Le gouvernement est autorisé à prendre à sa charge la quote-part des propriétaires qui justifieront que leur position de fortune mérite cette faveur. »

M. Rogier. - J’avais présenté mon amendement dans le but d’abréger la discussion. Lorsque je l’ai proposé, la chambre était sur le point de commencer un débat plus long et j’espérais que ma proposition, par sa grande simplicité, pourrait être votée immédiatement.

Si aujourd’hui la chambre veut reprendre la discussion relative au concours des propriétaires, ma proposition vient à tomber ; si au contraire cette discussion est encore ajournée, ma proposition sera maintenue.

M. Huveners. - Messieurs, je ne rentrerai pas dans la discussion, la chambre n’y est pas disposée. J’avais demandé la parole pour modifier mon amendement.

L’honorable M. Lys a fait au sien une modification à peu près dans le sens que je voulais donner à mon amendement ; c’est d’exempter de tout concours les propriétaires nécessiteux ou ceux qui ne se trouveraient dans une position assez favorable pour contribuer à la dépense, j’admets une pareille restriction à mon amendement ; car mon principal but, en attaquant le projet du gouvernement, a été de faire concourir les propriétaires aisés, parce qu’il y avait justice et équité à exiger d’eux un pareil concours.

Messieurs, pour prévenir toute discussion ultérieure, j’admettrais volontiers l’amendement de l’honorable M. Rogier, si on voulait y ajouter : « sauf à régler le concours des propriétaires par une loi. »

M. Lys. - Messieurs, vous voyez que j’ai considérablement modifié l’amendement que j’avais proposé.

Il a été reconnu, par toutes les pièces qui ont été produites par le gouvernement à l’appui de son projet, qu’en strict droit il n’était rien dû aux propriétaires du poldre de Lillo. On a seulement dit que vous deviez faire pour les 300 hectares qui restent à endiguer ce que vous aviez fait pour les poldres déjà rendigués.

On nous a aussi fortement intéressés en faveur des malheureux qui souffrent depuis tant d’années. Je partage ces sentiments de commisération qu’on doit avoir pour ces malheureux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crains, messieurs, que les souvenirs de la première discussion ne se soient plus ou moins effacés ; je demande à la chambre la permission de lui rappeler en peu de mots l’état de la question.

Il y a un premier point sur lequel nous semblons tous être d’accord, c’est la nécessité actuelle du rendiguement du poldre de Lillo. C’est là un point qui est en dehors de toute discussion. Cette nécessité est devenue moins onéreuse pour l’Etat, depuis qu’il a été fait une soumission par suite de laquelle nous ne demandons plus que la moitié de la somme que les travaux paraissaient devoir exiger d’après toutes les estimations faites jusqu’à présent.

Le deuxième point, sur lequel nous ne sommes pas d’accord, est celui-ci : Exigera-t-on un concours des propriétaires ? se bornera-t-on à dire dans la loi qu’on fait toutes réserves à l’égard de ce concours, comme on l’a fait dans toutes les lois précédentes, ou bien fera-t-on cette fois plus qu’on n’a fait jusqu’ici, déterminera-t-on la quotité de ce concours, comme le proposent les honorables MM. Lys et Huveners ? Je dis, messieurs, qu’il est impossible de statuer en ce moment sur ce deuxième point, la question de principe n’est pas suffisamment éclaircie, et si elle l’était, il y aurait encore une question de fait, une question de quotité sur laquelle il est impossible de se fixer maintenant.

Ainsi, d’une part nous reconnaissons l’urgence du rendiguement du poldre de Lillo. Nous reconnaissons qu’on ne peut pas différer de mettre le gouvernement à même de faire les contrats nécessaires pour arriver à ce rendiguement.

Faut-il faire une réserve l’égard du concours des propriétaires ? Je crois que ceux même qui pensent que des propriétaires ne doivent rien, consentent néanmoins à ce que la question du concours soit ultérieurement examinée. Eh bien, je crois que c’est tout ce qu’on peut exiger maintenant. Je crois qu’il suffit que la question reste sauve.

Je ne doute point de la sincérité de ceux qui ont déposé des amendements tendant à régler dès à présent le concours les propriétaires, loin de moi un semblable doute. Mais qu’il me soit cependant permis de dire que si l’on insistait sur l’adoption de ces amendements, on rendrait en ce moment toute décision impossible.

Je crois donc, messieurs, que les honorables membres qui veulent dès à présent déterminer la forme et la mesure du concours des propriétaires, que ces honorables membres vont trop loin. Je crois qu’ils doivent opter avec vous entre les deux formules dont je vais parler.

On pourrait d’abord adopter la rédaction du projet primitif du gouvernement avec l’amendement indiqué par l’honorable M. Malou et la disposition additionnelle de l’honorable M. Dumortier. Dans ce cas le projet serait ainsi conçu :

« Le rendiguement du polder de Lillo sera exécuté aux frais de l’Etat sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires, s’il y a lieu. » (C’est le paragraphe de M. Malou.)

« Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer des propriétaires, par suite des réserves apportées aux lois relatives au rendiguement des polders. » (Disposition additionnelle proposée par M. Dumortier.)

Je crois, messieurs, que l’honorable M. Dumortier a eu raison de dire que si l’on veut exercer un recours contre les propriétaires dont les terres ne sont pas encore rendiguées, à plus forte raison faut-il examiner s il n’y a pas lieu d’exercer le même recours contre ceux dont les terres ont été rendiguées depuis plusieurs années et qui sont par conséquent rentrés depuis plus longtemps dans la jouissance de leurs propriétés.

Je crois, messieurs, qu’en adoptant la rédaction que je viens d’indiquer, on ferait droit à tout ce qui a été demande relativement au concours des propriétaires.

Mais veut-on une rédaction encore moins compromettante ? Est-on effrayé des expressions absolues : « Le rendiguement sera exécuté aux frais de l’Etat » ? En ce cas on pourrait admettre la proposition de M. Rogier en la complétant. On pourrait dire :

« Le gouvernement est autorisé à exécuter le rendiguement du polder de Lillo, sauf à régler ultérieurement par une loi le concours des propriétaires, s’il y a lieu.»

M. Rodenbach. - Il faut supprimer : « s’il y a lieu. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous ne pouvez pas décréter le principe. Vous ne pouvez que faire une réserve. Si vous supprimez les expressions : « s’il y a lieu, » toute la question serait résolue.

Vous pourriez de plus ajouter l’article additionnel de M. Dumortier. Alors le gouvernement serait tenu à présenter une loi ou à dire pourquoi il n’en présente pas une. Il serait tenu de vous rendre compte de ce qu’il a fait, de ce qu’il se propose de faire ou de ce qu’il croit impossible de faire, par suite des réserves insérées dans toutes les lois précédentes. C’est là, messieurs, tout ce que vous pouvez exiger en ce moment ; si vous voulez davantage, vous mettez le gouvernement et la chambre dans l’impossibilité de faire quelque chose.

M. Dumortier. - Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter a pour but de faire rentrer le trésor dans une partie des sommes qui lui reviennent du chef des rendiguements des poldres, et je suis convaincu que si l’amendement est exécuté comme il doit l’être, nous pourrons faire le rendiguement dont il s’agit maintenant, sans aucune charge pour le pays.

Nous avons dépensé 6 millions pour le rendiguement des polders. Nous avons considérablement amélioré la situation des polders en général : tel poldre qui auparavant n’avait qu’une seule digue en a maintenant plusieurs ; tel poldre qui n’avait qu’une digue mal construite, a maintenant des digues très bien conditionnées. (Interruption.) Si je suis dans l’erreur, qu’on me le démontre. Je déclare que si mon amendement ne devait rien produire au trésor, mon but ne serait pas atteint, et si tel devait en être le résultat, je le retirerais à l’instant même, car il ne serait plus qu’une mystification et je ne veux ni être mystifié ni mystifier les autres.

Je dis que les poldres ont été considérablement améliorés, que par les travaux qui ont été exécutés ils se trouvent maintenant à l’abri des événements auxquels ils étaient autrefois exposés (interruption). Vous avez d’abord fortifié considérablement la grande digue qui enveloppe tout le poldre de Lillo. ; vous avez ensuite construit à l’intérieur de ce polder une digue circulaire qui double la sécurité des propriétés situées en arrière de cette digue, vous avez dépensé à cela des sommes considérables, niais vous avez en même temps augmenté de beaucoup la valeur des propriétés dont il s’agit.

Dans un pareil état de choses, n’est-il pas juste de faire sortir leurs effets aux réserves que vous avez introduites dans les lois, en vertu desquelles on a donné cette plus-value aux propriétés situées dans les poldres ?

Je maintiens donc mon amendement et je l’entends dans ce sens qu’il doit assurer au trésor le recouvrement d’une partie des sommes dépensées pour divers rendiguemens qui ont été effectuées. Lorsqu’on a dit dans les lois précédentes : « Sauf recours contre les propriétaires, s’il y a lieu, » on a bien entendu que le gouvernement ferait un rapport sur la question de ce recours. Il faut que le gouvernement fasse ce rapport, et la solution de la question ne saurait être douteuse, car il est incontestable que les propriétés situées dans les poldres ont été considérablement améliorée.

Pour produire cette amélioration, nous avons dépensé 6 millions ; si nous faisions seulement rembourser aux propriétaires le douzième de cette somme, nous aurions déjà le demi-million qui nous est demandé aujourd’hui. Ce serait bien peu de chose pour les intéressés, et nous effectuerions ainsi le rendiguement dont il s’agit, sans imposer de nouveaux sacrifices au trésor.

M. le président. - Voici la rédaction proposée par M. le ministre de l’intérieur :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à exécuter le rendiguement du polder de Lillo, sauf a régler ultérieurement par une loi le concours des propriétaire, s’il y a lieu. »

« Art. 2. Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer des propriétaires par suite des réserves apportées aux lois relatives aux rendiguements des poldres. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je demande à faire une réflexion sur la proposition de l’honorable M. Dumortier. Ces observations me jettent dans une espèce d’embarras ; je ne puis pas dire dès à présent que j’y adhère sans réserve ; je ne puis pas non plus les combattre, car alors les propriétaires dont on exigerait le concours s’empareraient de l’opinion du gouvernement pour justifier leur refus de concours. Je crois que la chambre peut, sans inconvénient, adopter la réserve telle que je l’ai formulée. Il est évident que le gouvernement devra présenter un rapport détaillé sur tout ce qui aura été fait. S’il est d’avis que le concours ne doit pas être exige, il dira pourquoi ; s’il est d’un avis contraire, il dira également pourquoi. S’il ne présente pas un projet de loi pour régler le concours, l’un ou l’autre membre pourra user de son initiative, et la chambre prononcera. Dans tous les cas le gouvernement sera tenu de vous saisir de la question.

M. Mast de Vries. - Je pense, messieurs, que les propriétaires ne sont nullement obligés d’intervenir dans les frais de rendiguement du polder de Lillo. Cependant je me rallie entièrement à la proposition faite par M. le ministre de l’intérieur, qui laisse la question entière. Si j’avais à donner en ce moment les raisons qui prouvent que le concours n’est pas obligatoire, j’en donnerais beaucoup. Je citerais, par exemple, ce qui a eu lieu lorsque les poldres ont été inondés sous le gouvernement français ; deux fois la ville d’Anvers a été assiégée, deux fois les poldres ont été inondés par suite de ces sièges, et chaque fois le rendiguement a été effectué sans qu’on ait exigé aucun concours des propriétaires. Ces deux événements qui ont eu lieu de nos jours, me semblent trancher la question.

M. de Brouckere. - C’est toujours une chose très fâcheuse de devoir scinder une discussion, car lorsque la discussion est reprise, on a plus ou moins perdu de vue ce qui a été dit dans les premiers débats.

Les impressions qu’on avait reçues me semblent effacées chez beaucoup de personnes. C’est ainsi qu’aujourd’hui nous discutons encore une fois, comme si les propriétaires des poldres étaient seuls en jeu. Or lors de la discussion de samedi dernier, M. le ministre des travaux publics a démontré à la dernière évidence que l’intérêt des propriétaires n’était en quelque sorte qu’une question secondaire, et que l’intérêt dominant était celui de la défense du pays, de la navigabilité du plus beau de nos fleuves.

Messieurs, il me semble, d’après la proposition que M. le ministre de l’intérieur vient de formuler, qu’il ne peut plus y avoir entre nous qu’une dissidence d’opinion. Nous sommes en effet d’accord sur un point, c’est qu’il y a urgence à rendiguer le poldre de Lillo, et que l’on pourra, et que l’on devra aussi examiner dans la session prochaine, par qui et dans quelle proportion les frais de ce rendiguement devront être supportés.

Je dois maintenant rectifier un fait, l’honorable M. Dumortier est tombé dans une erreur qu’il reconnaîtra lui-même, quand je lui aurai donné quelques explications sur l’état des lieux.

L’on a fait, en effet, une digue circulaire autour du fort de Lillo ; l’honorable M. Dumortier en tire la conséquence, que la situation des propriétaires sera sensiblement améliorée par ce poldre, et pourquoi ? Parce que, selon lui, la plupart d’entre eux, au lieu d’une digue, en ont deux. Cela serait parfaitement vrai, si la digue circulaire qu’on a faite, avait pour base la totalité de la digue de mer, mais il n’en est pas ainsi, la digne circulaire n’a pour base qu’un quart ou un cinquième de cette digue. De manière que la position des propriétaires n’est guère améliorée : ils n’ont pour se défendre sur la plus grande partie du poldre qu’une seule digue, comme cela était autrefois.

Messieurs, d’après ce que je viens de dire, je pense qu’il est inutile d’examiner pour le moment les amendements qu’on a présentés ; sans cela, il me serait facile de prouver que ces amendements, tel qu’ils sont formulés, ne sont pas acceptables. En effet, quel est le but que se proposent les auteurs de ces amendements ? C’est de décider dès aujourd’hui dans quelle proportion les propriétaires devront contribuer. Je demanderai d’abord, de quels propriétaires parlez-vous ? Parlez-vous des propriétaires de toutes les terres du poldre ? Mais toutes ces terres ne sont pas en question ; une grande partie du poldre est en ce moment rendiguée. Ce n’est donc pas lorsqu’il s’agit de rendiguer une très petite partie qu’il faut examiner s’il est nécessaire d’imposer une charge aux autres propriétaires. Voulez-vous parler uniquement des 300 hectares qu’il est question de rendiguer ? Mais je trouve que vous soignez très mal les intérêts du trésor, car s’il doit peser une responsabilité pécuniaire sur les propriétaires du poldre, elle doit être étendue à tous les propriétaires des terres qui font partie du poldre de Lillo.

Je tire de là une conséquence bien simple et bien logique : que le moment n’est pas opportun pour examiner si et dans quelle proportion les propriétaires du poldre doivent contribuer dans les frais de la digue qu’il s’agit de réparer.

Je le répète donc, adoptons aujourd’hui le principe du rendiguement ; il y a urgence ; et pour peu que le vote fût différé, il serait impossible de faire ce rendiguement dans la campagne qui va s’ouvrir. Admettons, en conséquence, le principe ; admettons-en un second, c’est que, dans le cours de la session prochaine, nous examinerons à fond la question de savoir si et jusqu’à quel point les propriétaires du poldre doivent intervenir dans les frais. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - La proposition de M. le ministre de l’intérieur comprenant les amendements de MM. Malou, Dumortier et Rogier, nous ne sommes plus en présence que de l’amendement de M. Lys et de l’amendement de M. Huveners.

L’amendement présenté par M. Huveners est ainsi conçu

« Art. unique. Le rendiguement du polder de Lillo sera exécuté par l’Etat. Un tiers de la dépense incombera à l’Etat et les deux autres tiers seront supportés par l’association du polder de Lillo. »

- Cet amendement, s’éloignant le plus de la proposition du gouvernement, est d’abord mis aux voix, il n’est pas adopté.

M. le président. - Je vais mettre maintenant aux voix le sous-amendement présenté par M. Lys. Ce sous-amendement est ainsi conçu :

« Tout propriétaire de plus de cinq hectares payera à l’Etat un tiers de la valeur vénale de la propriété, après le rendiguement ; cette quotité sera payée par cinquième, d’année en année, après l’achèvement des travaux relatif au rendiguement. »

M. Lys. - La nouvelle proposition de M. le ministre de l’intérieur remplissant en quelque sorte le but que j’ai voulu atteindre, je déclare retirer mon amendement.

M. le président. - La proposition de M. le ministre de l’intérieur se compose de deux articles ; l’art. 1er est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à exécuter le rendiguement du polder de Lillo, sauf a régler ultérieurement par une loi le concours des propriétaire, s’il y a lieu. »

M. Desmet. - Je demande qu’on mette séparément aux voix les mots s’il y a lieu.

- Les mots s’il y a lieu sont mis aux voix et adoptés.

L’ensemble de l’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer des propriétaires par suite des réserves apportées aux lois relatives aux rendiguements des poldres. »

- Adopté.

Article 3

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - propose un article 3 nouveau.

« Art. 3. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

M. le président. - Le gouvernement ayant lui-même proposé les changements apportés au projet de loi, nous allons passer à l’appel nominal pour le vote sur l’ensemble de la loi.

M. de Roo. - Avant de voter, je désire savoir si le gouvernement doit présenter un projet de loi pour régler le concours des propriétaires.

M. le président donne une nouvelle lecture de l’art. 2 du projet.

Vote sur l'ensemble du projet

- Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

64 répondent à l’appel.

53 répondent oui ;

6 répondent non ;

5 s’abstiennent.

Ont répondu oui :

MM. de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, Donny, Dumortier. Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Henot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Lys, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirson, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Smits, Thyrion, Van Cutsem, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Cogels. Coghen, d’Anethan, David, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Florisone, de Haerne, de la Coste, Delfosse, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, et Vilain XIIII.

Ont répondu non :

MM. Huveners, Jonet, Sigart, Vanden Eynde, Coppieters, de Corswarem.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention

M. Desmet. - Je reconnais l’urgente nécessité de fermer la rupture de Lillo et de rétablir l’écluse ; on aurait dû faire ces ouvrages depuis longtemps et ce n’est pas la faute de la chambre s’ils ne l’ont pas été. Mais je ne pouvais voter les articles du projet tels que le ministre de l’intérieur les avait amendés. Ne connaissant pas la portée exacte des mots s’il y a lieu, je ne savais pas si avec ces mots le gouvernement pouvait s’abstenir de saisir les chambres de la question du concours des propriétaires dans la dépense des travaux à faire et déjà faits aux polders. En tous cas, j’espère que le gouvernement ne s’abstiendra pas de cette obligation, car le ministre doit savoir qu’il compromet étrangement le trésor national en faisant exécuter continuellement des travaux aux polders aux frais de Etat, tandis qu’ils sont incontestablement une charge des wateringues des polders.

M. de Tornaco. - Une indisposition m’ayant empêché d’assister à plusieurs séances de la semaine dernière et notamment à celle où la loi dont il s’agit a été discutée, je me suis abstenu.

M. Rodenbach. - Je me suis abstenu pour les motifs exprimés par M. Desmet.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, je n’ai pas dit non, parce que je n’ai voulu me refuser à l’exécution d’un travail urgent.

Je n’ai pas dit oui, parce que les mots adoptés par la chambre, s’il y a lieu, semblent mettre en doute l’existence obligatoire de la loi de 1811, qui règle cette matière, je me suis en conséquence abstenu.

M. de Naeyer. - Voici les motifs de mon abstention. Le projet de loi s’appuie sur des considérations d’humanité qui ont trop d’empire sur moi pour qu’il me fût permis d’émettre un vote formellement défavorable à ce projet. J’ai d’ailleurs reconnu que des intérêts généraux d’un très haute gravité sont engagés dans la question ; mais il m’a été impossible de me convaincre que le principe si juste de l’intervention des propriétaires intéresses serait suffisamment garanti par les dispositions que la chambre vient d’adopter ; il est, d’ailleurs, à remarquer que des sommes très considérables ont déjà été dépensées, pour réparer les pertes qui peuvent avoir été causées dans certaines localités par les événements de la révolution, tandis qu’on n’a rien fait jusqu’ici dans d’autres localités, pour réparer le tort qui leur a été causé par la construction des chemins de fer ; or je veux l’équité, mais je la veux pour tout le monde. Ces deux derniers motifs m’ont empêché de voter pour le projet de loi.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous avons maintenant les projets de loi de grande naturalisation.

Plusieurs membres. - Après Pâques.

M. de Mérode. - Il ne faut qu’un moment pour voter ces projets. Il ne faut pas nous séparer sans le faire.

- Beaucoup de membres quittent leurs bancs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense d’après nos usages qu’il entre dans les désirs de la chambre de s’ajourner. Notre intention était de proposer de le faire au 16 avril, mais nous craignons que la session du sénat ne finisse pas la semaine prochaine et que le sénat revienne le mardi de Pâques comme cela est déjà arrivé. Il serait impossible alors que le gouvernement fût complètement préparé pour la grande question qui doit nous occuper à notre rentrée.

Un membre. - Et la loi des tabacs ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le rapport n’est pas déposé. J’ai remarqué que généralement, plus on veut se hâter, moins on fait. Je demande d’abord pour les membres de la chambre et pour le gouvernement un ajournement au 23 avril. Je crois qu’il est bien entendu que tout le monde se trouvera de retour à cette époque. Nous pourrons être très bien préparés pour l’ordre du jour qui est fixé : La discussion de conclusions des la commission d’enquête.

M. Dumortier. - Il est temps d’en finir avec la loi des tabacs, dans l’intérêt du commerce et surtout de l’agriculture. J’espère que la chambre fera bonne justice de cette loi, mais encore faut-il qu’elle la fasse. Je demande que la section centrale soit invitée à faire imprimer son rapport pendant la vacance et à nous l’envoyer à domicile.

M. de Corswarem. - La section centrale n’a pas encore examiné le 1er article du projet de loi, il lui est donc impossible de déposer son rapport.

M. de Foere. - Comme il est très probable que le 23 je ne pourrai pas assister à la séance, que la discussion des conclusions de la commission d’enquête soit fixée au 16 avril jour de la rentrée. Depuis deux mois le gouvernement a eu le temps de se préparer à cette discussion.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La question reste fixée à l’ordre du jour comme premier objet au retour des vacances de Pâques. A quel jour fixons-nous ce retour ? au 23. On raisonne comme si les ministres n’avaient rien à faire comme ministres, et comme s’il n’y avait pas de sénat.

- La proposition de M. le ministre de l’intérieur de s’ajourner au 23 avril est adoptée.

M. Desmet (pour une motion d’ordre). - Je demanderai si le rapport de M. Zoude sur la partie industrielle de l’enquête sera envoyé à domicile aux membres de la chambre.

M. Zoude. - Oui, si la chambre le décide.

- La chambre consultée décide que le rapport de M. Zoude sera envoyé à domicile aux membres de la chambre.

La séance est levée à 4 heures.