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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 juin 1840

(Moniteur belge n°163 du 11 juin 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune donne communication des pièces adressées à la chambre.

« L’administration communale de Welle (Flandre orientale) demande une augmentation, aux frais de l’Etat, du traitement des desservants des succursales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur André, bourgmestre à Louette St-Pierre (Namur) réclame contre une décision du gouvernement, qui porte que l’inscription des enfants trouvés de l’hospice de Namur devait être faite à Namur et non dans la commune où ces individus reçoivent leur alimentation, quoique la loi dise le contraire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Pirson – Il vient d’être donné à la chambre communication d’une pétition dont l’objet est assez intéressant. Il s’agit d’une interprétation que le pétitionnaire demande de la loi sur la milice. Dans cette loi il est dit que le mineur doit être inscrit au lieu du domicile du tuteur, en principe général. En ce qui concerne les enfants trouvés, la loi dit qu’ils doivent être inscrits dans le lieu où est l’établissement ou la commune où ils reçoivent leur alimentation. L’hospice des enfants trouvés de Namur a un grand nombre d’enfants placés dans les communes. Après quelques années, ceux qui nourrissent ces enfants ne reçoivent plus d’indemnité de l’établissement, ils restent au compte de la famille qui les a nourris en qualité de domestiques ou comme fils de ces gens qui sont ordinairement pauvres. Aujourd’hui il s’élève une grande contestation entre les communes rurales de la province de Namur et l’établissement des enfants trouvés.

Namur réclame l’inscription des enfants qui sont dans les campagnes. C’est pour augmenter le nombre des personnes sur lesquelles doit tomber le sort ; mais les communes rurales où ces enfants reçoivent leur alimentation, alimentation qui souvent n’est pas payée par l’hospice, élèvent avec quelque raison la même prétention. A l’âge de 12 ans, l’hospice ne donne plus d’indemnité, les enfants restent pour le compte de la commune. Les enfants entrés dans leur dixième année ne sont plus des enfants, ils appartiennent à la commune où ils ont leur résidence.

Le gouverneur délégué de la province a décidé que ces enfants devaient être inscrits à Namur. La pétitionnaire demande une interprétation de la loi soit au corps législatif, soit au ministre chargé de l’exécution de la loi sur la milice.

Je voudrais que cette pétition lui fut renvoyée.

M. Brabant – Il faut avant qu’elle soit examinée par la commission des pétitions.

M. Pirson – C’est un objet assez important pour les communes rurales. Je demanderais bien un prompt rapport, mais je doute qu’il soit fait avant la fin de la session.

M. le président – M. Pirson demande qu’il soit fait sur la pétition un rapport le plus tôt que faire se pourra.

- Cette proposition est adoptée.

Naissance d'une fille du roi

Réception par le roi

M. le président – La députation que vous avez chargée de complimenter S.M. sur l’heureuse délivrance de la Reine a été admise au palais aujourd’hui à midi.

Voici comment la députation s’est exprimée :

« Sire,

« La chambre des représentants s’empresse de venir offrir à V.M. l’hommage de ses félicitations respectueuses à l’occasion de l’événement heureux qui, étant venu répandre des joies nouvelles dans le sein de la famille royale, satisfait aux vœux que nous ne cessons de former pour son bonheur et sa prospérité.

« La nation, Sire, n’oubliera jamais les sentiments généreux qui ont dirigé V.M. lorsqu’elle est venue s’associer à nos destinées dans les jours périlleux de notre régénération. Jalouse de perpétuer le souvenir de l’origine commune de son indépendance et de la dynastie de V.M., elle accueillera toujours avec les plus vives acclamations tout ce qui viendra accroître une illustre famille dont elle est fière, et que nous avons tant de motifs d’entourer de notre vénération et de nos plus franches et loyales affections. »

Sa Majesté a témoigné combien il lui était agréable de voir que la chambre des représentants avait constamment pris la plus vive part aux événements arrivés dans sa famille. Elle a exprimé également à la députation tout l’attachement que porte notre auguste Reine à la Belgique. Elle est entrée ensuite dans de longues considérations pour démontrer que les jeunes Princes hériteront de l’affection de leur père pour le pays qui les a vus naître.

Je me dispenserai, messieurs, de vous rendre un compte plus explicite des considérations auxquelles S.M. s’est livrée et qui témoignent de toute son dévouement à nos institutions ainsi que de sa sollicitude aux intérêts belges, je craindrais de les affaiblir en les analysant.

Projet de loi autorisant un emprunt de 82,000,000 francs

Discussion des articles

Article additionnel

M. de Mérode a déposé un article additionnel ainsi conçu :

« Afin d’accroître immédiatement lesdits revenus du royaume affectés en garantie du présent emprunt, les dix centimes additionnels supplémentaires sur les contributions foncière et personnel, sur les patentes, l’enregistrement, le greffe, les hypothèques et les successions seront perçus comme en 1839, pendant les six derniers mois de l’année 1840.

M. F. de Mérode – Messieurs, le ministre des finances vous a dit à la fin de l’exposé des motifs à l’appui du projet de loi que nous discutons les paroles que je vais vous rappeler et que voici :

« Il est évident que pour satisfaire au prescrit de l’article 4 de la loi du 29 décembre 1839, il faut considérer le budget des voies et moyens comme étant diminué d’un million. Je ne puis vous cacher, messieurs, qu’il est d’autres circonstances encore qui sont de nature à restreindre les ressources disponibles de 1840, des avances ayant été faites et des capitaux ayant été engagés vis-à-vis de plusieurs établissements jusqu’à concurrence d’une somme de 2 millions 500,000 francs, qui n’est point entrée dans les prévisions des budgets. D’après ce qui précède les voies et moyens qui se trouvent réellement à la disposition du gouvernement pour l’avenir sont inférieurs de près de 4,500,000 francs à ceux de l’exercice courant ; il est vrai qu’il existe au budget des dépenses de cet exercice une somme de 1,967,127 francs, figurant dans les développements comme charges extraordinaires, mais il est à observer qu’une partie de ces dépenses se reproduira d’année en année, et que le restant se trouvera probablement compensé par d’autres charges de même nature. D’un autre côté, les intérêts et l’amortissement de l’emprunt de 90 millions, dont plus de la moitié est déjà ou dépensée ou votée, donneront lieu à une augmentation de dépenses annuelles d’environ 4,200,000 francs, après déduction de 730,000 francs d’intérêts de la dette flottante. Ces deux résultats accusent donc une insuffisance relative de près de 9 millions en prenant pour terme de comparaison les budgets de 1840.

« C’est en présence d’un tel état de choses, messieurs, que nous allons nous trouver pour aborder l’exercice prochain. Cette insuffisance, nous devrons y pourvoir ; car il n’y a pas de bonne administration sans un équilibre complet de recettes et de dépenses. »

Ainsi, s’exprimait M. le ministre Mercier, le 13 mai dernier, et il avait grandement raison. Mais pour parvenir à cet indispensable équilibre, il ne faut pas perdre de temps et entrer dès aujourd’hui dans la voie qui peut nous y conduire. Nulle occasion n’est plus opportune que celle que fournit un énorme emprunt, et rien ne s’oppose à ce que nous adoptions immédiatement, pour les six derniers mois de 1840, le rétablissement des dix centimes additionnels supplémentaires, comme ils existaient en 1839. Ce sera une légère charge d’un vingtième sur l’année entière, elle produira néanmoins une somme de 2 millions qui n’est pas à négliger ; car les ruisseaux et les forts surtout font les rivières, puis les fleuves. Les grains se sont vendus à un haut prix cette année, et la récolte s’annonce bien ; il n’y a donc point de motifs pour ajourner entièrement les mesures propres à introduire un ordre sérieux dans nos finances. Si l’on s’y refuse maintenant pourquoi y consentirait-on plus tard ? Et ne ressemblerions-nous pas à ces pécheurs qui remettent toujours leur conversion au lendemain ; et la mort les surprend dans l’impénitence finale. Dès qu’il commencent au contraire à se corriger, l’amélioration successive se développe et porte de bons fruits.

Un des plus grands dangers du régime constitutionnel, surtout dans un pays restreint où tout le monde se connaît, c’est la crainte qu’ont les représentants d’être en butte à des reproches de la part des électeurs contribuables. Ceux-ci sont, à l’égard des emprunts, d’une admirable bonhomie. A peine s’en occupent-ils, parce que le mal qu’ils occasionnent ne se fait pas sentir immédiatement. Washington, dans une lettre à Lafayette lui écrivait : « Le défaut des gouvernements démocratiques, c’est que le peuple a besoin de sentir avant de juger, » c’est-à-dire qu’il ne reconnaît le mal qu’après une fâcheuse expérience de ses effets.

On nous a dit que nous étions loin de payer encore par tête, pour la dette publique, ce que payent les Français, les Hollandais, les Anglais ; mais c’est précisément en augmentant sans hésiter nos voies et moyens d’une manière modérée que nous continuerons à posséder sans trop de changement cet incontestable avantage. Songez aussi, messieurs, que si les Français payent plus que nous par tête pour la dette publique, ils ont, au moyen de douanes plus solides que les nôtres, des ressources que nous n’avons pas. Le monopole du tabac, par exemple, rapporte au fisc du royaume de France 60 millions. Comment pourrions-nous ici exploiter ce monopole, qui, dans la proportion des priseurs et fumeurs respectifs des deux pays, nous vaudrait au moins 8 millions. Croyez-moi, messieurs, sachez agir en véritables tuteurs de vos compatriotes ! Qu’ils payent leurs dépenses de communauté comme les bons pères de famille belges payent les frais de leur maison, c’est-à-dire au fur et à mesure de l’échéance de leurs dettes, qu’ils se gardent d’accumuler. Vos chemins de fer ne vous rapportent que 2 1/3 p.c. Vos emprunts reviendront à 4 ½, dit-on ; comblez donc cette différence de rente annuelle par quelque taxe ; car enfin, si vous tenez à rouler sur une large échelle à dix lieues à l’heure, personne ne peut croire que pour ce service extraordinaire il n’en coûte rien.

M. le ministre des finances vous a dit encore, que c’était un devoir pour le gouvernement comme pour la représentation nationale de pourvoir à l’insuffisance des voies et moyens signalée par lui-même ; qu’il espérait que vous joindriez vos efforts aux siens, afin d’atteindre ce but essentiel ; j’ai donc lieu de croire que ma proposition ne peut qu’être conforme à ses vœux ; car elle tend à leur donner un gage positif de réalisation, cette année même et sans difficulté. Quelques défenseurs de la propriété foncière diront peut-être qu’il ne faut pas qu’elle fournisse déjà son tribut. Messieurs, ce tribut, sans être lourd, sera d’un bon exemple pour amener sur d’autres bases, l’an prochain, un plus complet résultat. Et qu’on ne dise pas que le propriétaire ne supportera rien, mais seulement le fermier ; d’abord plusieurs cultivateurs moyens et petits sont eux-mêmes propriétaires.

Il est notoire, d’ailleurs, que si l’on supprime, diminue ou augmente l’impôt foncier, la valeur locative de la terre suivra dans leur ensemble les modifications fiscales. Je sais qu’on a indiqué comme moyen auquel on peut avoir recours, l’aliénation du peu qui nous reste de bois domaniaux. Il est évident, que c’est là encore une mesure dilatoire qui dévore, en pleine paix, les ressources de l'avenir, qui blesserait particulièrement, dans une province peu riche, de graves intérêts, et appauvrirait à jamais une notable partie de son sol. J’ai vu avec plaisir M. le ministre des finances se prononcer contre le mode d’équilibrer momentanément les recettes et les dépenses ; mais j’ai encore une raison pour le rejeter plus expressément ; car je ne partage pas l’opinion du ministre, quand il vous affirme, à propos de l’inquiétude qu’on pourrait concevoir, en voyant notre dette s’accroître d’un chiffre aussi élevé, que les circonstances dont elle est la suite ne se reproduiront plus.

Messieurs, l’arsenal des fléaux en contient toujours plus d’un en réserve. Espérons le bonheur ; mais sachons y prévoir des interruptions probables, et contentons-nous, selon la prière de l’Evangile, de manger notre pain quotidien, si nous ne voulons pas subir de rudes mécomptes. Déjà des terrains considérables, et souvent de première valeur en prairies, sont soustraits à l’agriculture, par l’emplacement des chemins de fer et de leurs énormes fossés ; ils sont soustraits aux impôts fonciers. Le capital engagé dans les rails peut être compromis par l’envahissement de l’étranger ou des troubles intérieurs. Ces dangers ne sont à craindre ni pour les canaux ni pour les routes ordinaires, dont les matériaux ne sauraient être un objet de convoitise et de spoliation.

Si ma proposition n’est pas admise, je voterai contre tout emprunt quelconque ; parce que je ne veux concourir ni peu ni beaucoup à tromper le pays, en lui laissant croire encore que les plus dispendieuses entreprises ne coûtent rien. Ma résolution sur ce point était la même sous le ministère précédent, et si tous ceux qui possèdent maintenant les portefeuilles les avaient obtenus de la manière la plus légitime, la plus droite, la plus conforme à mes convictions gouvernementales et morales, je ne serais ni plus ni moins complaisant et flexible. Pour des budgets insuffisants, je me suis contenté de m’abstenir ; pour un énorme emprunt contracté sans concours d’impôts nouveaux, mon vote, dût-il être seul, sera négatif ; plus tard certainement justice me sera rendue.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, les principes que j’ai émis dans l’exposé des motifs de la loi qui nous occupe, sont ceux du gouvernement, ce sont ceux qu’il désire faire prévaloir quand il aura à présenter les budgets des recettes et des dépenses. Mais nous pensions qu’il ne convient aucunement, au milieu d’un exercice de venir imposer des centimes additionnels uniformes sur la plupart des impôts, d’adopter une proposition qui n’est pas suffisamment mûrie. Si pour l’exercice prochain, nous sommes forcés de proposer une augmentation d’impôt, ce sera après mûre réflexion et après avoir bien examiné quels sont les impôts susceptibles d’augmentation ou de modification, et s’il est nécessaire, les impôts nouveaux qu’on pourrait éventuellement créer. Mais on ne peut pas à l’improviste et à tout hasard augmenter uniformément de 10 p.c. sur la majeure partie de nos impôts, ceux qui peuvent déjà être trop élevés comme ceux qui sont susceptibles de quelque augmentation.

Le gouvernement sera fidèle aux principes qu’il a exposés, mais il ne peut se rallier à la proposition qui est faite par l’honorable comte de Mérode (Aux voix ! aux voix !)

M. Eloy de Burdinne – Je suis d’avis que la proposition de l’honorable M. de Mérode doit être renvoyée au budget des voies et moyens de l’année prochaine.

Plusieurs voix – C’est ce qu’on demande.

M. Eloy de Burdinne – Alors, je renonce à la parole.

M. F. de Mérode – Si on ne juge pas à propos de discuter mon amendement, il est inutile que je le soutienne de nouveau. Le ministre des finances admet le système dilatoire. Si je suis seul de mon avis, je ne persisterai pas davantage dans ma proposition.

Il n’en est pas moins vrai que personne n’a répondu à mes arguments.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Le ministère ne se fait pas le champion du système dilatoire que lui attribue l’honorable préopinant, mais il repoussera toujours le système étourdi, le système casse-cou.

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole.

M. F. de Mérode – Je n’adopte pas de système étourdi, de système casse-cou. Ce n’est pas là une réfutation. C’est toujours la même manière de me répondre. On me dit : Vous êtes exalté et tout est fini.

Ici on dit que je présente un système étourdi, un système casse-cou. Démontrez que le système que je propose est étourdi, est casse-cou. C’est ce qu’on n’a pas fait ; c'est ce que n’a fait personne d’entre vous. Si vous me répondez, je me fait fort de répliquer et de vous réfuter par d’autres raisons.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Si M. de Mérode n’avait pas dit que le ministère adoptait un système dilatoire, ce qui signifie, dans l’opinion qu’on attache à ces mots, qu’il fuit les discussions sérieuses, qu’il les élude, je ne me serais pas servi d’une expression qui m’est échappée dans un moment de vivacité et qui n’est pas aussi parlementaire, que je voudrais que les expressions le fussent toujours. C’est à une provocation que j’ai cru répondre. Si je me suis servi d’une expression un peu vive, la chambre remarquera que ce n’est pas moi qui ai pris l’initiative.

M. Dubus (aîné) – L’explication que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères me détermine à renoncer à la parole. Je ne dirai qu’un mot, c’est que selon moi la proposition de M. de Mérode a un très bon côté. Mais elle vient, selon moi, un peu tard, et nous ne pourrions pas l’apprécier maintenant. Si on se faisait une loi de ne jamais voter d’emprunt qu’en votant les voies et moyens nécessaires pour en servir les intérêts, nous y regarderions de très près avant de voter un emprunt. Nous ne voterions pas 82 millions alors que 65 sont suffisants. Voilà le beau côté de la proposition. Mais je voterai contre parce qu’il serait impossible de l’apprécier.

M. le président – M. de Mérode retire-t-il sa proposition ?

M. F. de Mérode – Je ne ferai qu’une observation. Ma proposition ne s’applique pas à un objet inconnu, car ce que je propose a eu lieu pendant l’exercice de toute l’année dernière C’est donc une chose parfaitement connue. Ceux qui ne veulent pas adopter ma proposition ne peuvent pas la taxer d’avoir été faite à la légère.

M. le président – Vous la retirez ?

M. F. de Mérode – Je la retire, non pas parce que je crois qu’elle soit faite hors de temps opportun, mais il est inutile d’occuper plus longtemps la chambre, puisqu’on ne veut pas l’adopter. Je suis bien aise cependant de l’avoir faite, par les motifs exprimés par M. Dubus.

Amendement de M. Dumortier

M. le président – Nous passons à l’article additionnel proposé par M. Dumortier.

« Les rentes 4 p.c. formant l’encaisse de la société générale seront amorties.

« Une loi règlera cet amortissement. »

Cet amendement a été développé et appuyé hier.

- Il est mis aux voix et n’est pas adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président – L’ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif à la navigation transatlantique.

M. d’Huart – J’avais demandé qu’on voulût voter définitivement l’emprunt aujourd’hui. Nous pourrions ainsi en finir avec cette loi, sans cela, je vous prédis que quand on recommencera la discussion, elle sera encore très longue, et cela ne nous mènera à rien je demande qu’on veuille passer maintenant au second vote et à l’appel nominal.

M. Dubus (aîné) – J’appuie la motion de l'honorable M. d’Huart. Je crois que la chambre gagnera du temps à passer au second vote après l’importante et grave discussion à laquelle nous nous sommes livrés. Si un intervalle de plusieurs jours séparait les deux discussions, les impressions de la première seraient affaiblies, la discussion recommencerait et nous prendrait beaucoup de temps, tandis que maintenant nous avons l’espoir que cette seconde discussion ne sera pas longue ; d’autant plus que les amendements adoptés sont tous amendements auxquels le ministère s’est rallié.

M. Devaux – Je demande qu’il soit entendu que la discussion des bateaux à vapeur viendra immédiatement après celle de l’emprunt.

M. Mast de Vries – Je demande qu’on mette les crédits arriérés du département de la guerre entre les deux votes de la loi relative à la navigation transatlantique.

M. … - La loi des péages est à l’ordre du jour après les bateaux à vapeur ; c’est une loi indispensable ; si on veut que le chemin de fer rapporte, il faut donner au gouvernement l’autorisation de recevoir les péages.

- L’ordre du jour est fixé suivant les propositions faites.

M. le président – On va passer au second vote de la loi d’emprunt.

M. Fleussu – Beaucoup de membres désireraient faire connaître leur manière de voir sur la loi de l’emprunt. On ne s’attendait pas à la voir voter immédiatement. Il vaudrait mieux mettre le second vote à la fin de la séance et commencer la discussion de la loi relative aux bateaux à vapeur.

M. de Garcia – Il y aurait de l’inconvénient à procéder comme vient de l’indiquer l’honorable M. Fleussu, car quand arrêterez-vous la discussion qui va s’engager, pour vous occuper du second vote sur l’emprunt ? Sera-ce à 4, sera-ce à 5 heures ? C’est ce que vous ne pouvez déterminer, et ce qu’il est impossible de déterminer, puisqu’un orateur pourrait être engagé, et que son discours ne pourrait être soumis sans inconvénient.

Il vaut donc mieux s’occuper immédiatement du second vote sur le projet d’emprunt.

- La proposition de M. d’Huart tendant à ce que la chambre passe de suite au vote définitif du projet de loi relatif à l’emprunt est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi autorisant un emprunt de 82,000,000 francs

Second vote des articles

Article premier

L’article premier du projet de loi est définitivement adopté.

Article 2

La chambre passe à l’article 2.

M. Peeters – Messieurs, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire au commencement de cette discussion, malgré le zèle et les dispositions favorables que j’ai toujours montrés pour les travaux publics, je ne pourrai donner mon assentiment à la loi qui nous occupe.

Quoi, messieurs, dans le moment où vous venez de voter non seulement le « strict nécessaire » pour la construction des chemins de fer, comme vous l’avaient conseillé avec tant de raison plusieurs honorables orateurs, mais toute la somme demandée pour rendre au plus grand complet, et perfectionner même avec un peu de luxe tous les chemins de fer et stations de la Belgique, vous avez trouvé qu’une demande de dix millions, pour donner des routes et des canaux aux localités qui en ont toujours été privées, et qui sont restées en dehors du système des chemins de fer, était une demande exagérée et inopportune.

Exagérée, comme si au moment où l’on va dépenser 130 millions pour les chemins de fer, la partie distributive ne vous faisait pas un devoir d’accorder au moins dix millions pour les pays qui n’ont rien.

Inopportune ; mais, messieurs, le moment a-t-il jamais été plus opportun de faire un emprunt pour les canaux, que lorsqu’on en fait un si considérable, et qui, j’espère, sera le dernier pour les chemins de fer.

D’ailleurs, n’avais-je pas un antécédent favorable à invoquer ? la chambre n’a-t-elle pas voté simultanément, en 1836, un emprunt pour les routes pavées et pour les chemins de fer ?

Plusieurs honorables orateurs qui ont combattu mon amendement avant-hier soutenaient alors avec force la justice et l’équité d’une pareille demande, que le résultat à d’ailleurs entièrement justifiée.

Oui, messieurs, les rapports de M. le ministre des travaux publics doivent vous avoir convaincus qu’au moyen d’un emprunt de 8 millions et à l’aide des subsides des communes et des provinces, le gouvernement est parvenu à construire un nombre de routes considérable.

Si le même système avait été adopté pour les canaux, on aurait pu obtenir un résultat immense pour le pays par les dix millions que j’avais proposés.

Ici je trouve de mon devoir de vous faire remarquer que si on demande des subsides aux provinces et communes les plus favorisées par les constructions des routes et canaux, on aurait dû appliquer le même principe aux chemins de fer, pour ces constructions l’on fait des dépenses immenses, l’on parle de millions comme s’il en pleuvait, et l’on n’a exigé aucun subside de ceux qu’on favorisait tout particulièrement.

Je regrette amèrement que mes honorable collègues du Luxembourg n’aient pas mieux compris la portée de ma proposition, que pour leur province on aurait pu étendre aux routes pavées également ; je pense que si avant-hier la chambre m’eût permis de développer mon amendement, je serais parvenu à mieux me faire comprendre.

Mais, disait-on, la province d’Anvers n’est pas dans la même position que le Luxembourg, vous avez des chemins de fer, le Luxembourg n’en a pas, c’est pourquoi nous avons un titre spécial à faire valoir.

Oui, messieurs, la province d’Anvers peut avoir 6 à 7 lieues de chemins de fer que j’accepte pour son compte.

Mais a-t-on oublié que cette province, d’une étendue de 283 311 hectares, contenant une population de 360,180 habitants, et payant une contribution directe de trois millions neuf cent vingt-cinq francs par an, ne possède que 23 lieues de routes pavées et aucun canal fait par l’Etat ?

Citez-moi une seule province dans toute la Belgique, qui, en proportion de son étendue, de sa population, et du montant de ses contributions, est si mal partagée pour les travaux publics. Partout ailleurs vous trouverez plus que le double dans la même proportion ; aussi j’engage beaucoup M. le ministre des travaux publics de vouloir nous communiquer avec son budget de l’année prochaine un tableau par province, indiquant tous les canaux, routes pavées et chemins de fer appartenant à l’Etat. La chambre pourra juger alors avec connaissance de cause de l’équité des demandes qu’on pourrait faire par la suite.

Plusieurs honorables membres nous disent : « vous avez besoin de routes et de canaux dans la Campine et le Luxembourg, mais nous avons été trop loin pour les chemins de fer ; le pays est trop chargé, pour le moment on ne peut rien vous donner, il faut attendre. »

Singulièrement manière de raisonner ; si on a trop donné à ceux qui ont toujours été favorisés, il ne faut plus rien accorder à ceux qui ont toujours été oubliés, tout en avouant que leur demande est juste Que dirait-on d’un débiteur qui refuserait de payer, même un petit acompte, à un créancier légitime, sous prétexte qu’il aurait payé trop à un autre ? Je crois que les tribunaux en feraient bientôt justice.

Les habitants de la Campine et d’autres parties du pays encore, privés de tout bon moyen de communications, qui seront obligés de contribuer à combler le déficit du chemin de fer, qui paient leurs contributions et charges de l’Etat comme les autres, n’ont-ils pas un titre légal à faire valoir pour réclamer leur part dans les travaux publics et autres faveurs, et cependant ce titre légal, vous l’avez méconnu, vous avez été moins portés envers ces habitants que ne le seraient les juges ordinaires pour d’autres créanciers.

Je pourrais ici particulièrement ajouter pour l’arrondissement de Turnhout que cet arrondissement, outre les charges ordinaires, a été surtaxé de près d’un million dans les contributions foncières avant la péréquation cadastrale, surtaxe dont on ne lui tient aucun compte ; cet arrondissement n’a pas été aussi heureux que la province du Hainaut : cette province, ainsi qu’a bien voulu l’avouer l’honorable M. Dubus dans la séance d’avant-hier, a toujours été favorisée dans la contribution foncière avant la péréquation cadastrale ; et cependant vous la voyez actuellement sillonnée en tout sens de routes, canaux et chemins de fer.

Il faut attendre, me dit-on : comme si la Campine, qui a vu mesurer des routes et des canaux depuis un temps immémorial, dont les tracés figurent déjà sur les cartes géographiques faites il y a trente ans, n’avait déjà que trop longtemps attendu.

Quant à moi, je pense que le moment favorable pour les routes et canaux est passé, et qu’ils sont renvoyés aux calendes grecques. L’année prochaine, lorsque l’emprunt sera fait pour le chemin de fer, et que nous aurons besoin de nos ressources ordinaires pour satisfaire aux besoins, l’on sera encore moins disposé qu’aujourd’hui pour donner quelque chose à ceux qui n’ont rien : l’on sacrifie le faible au fort ; la justice distributive n’est plus qu’un vain mot dont on ne tient aucun compte, tandis que l’on « vole » très commodément, et à très bon marché, à travers nos plus belles provinces au moyen du chemin de fer, les Campinois seront toujours condamné à grimper dans le sable et dans la boue.

Depuis quelques jours seulement, un projet de navigation à vapeur a été présenté, l’on en presse la discussion, comme si le pays était en danger.

Qu’on se hâte d’établir des communications avec les pays lointains, ce qui sans doute peut être utile, mais qu’on mette au moins le même empressement pour des communications, non moins utiles dans l’intérieur du pays, promises depuis si longtemps et qu’on attend avec impatience.

Quant à moi, je dois protester contre une pareille manière de procéder, aucune projet, quel qu’utile qu’il puisse être, ne pourra plus obtenir mon assentiment avant qu’on ait rendu justice à mes commettants.

M. Demonceau, rapporteur – Ce n’est pas pour rentrer dans la discussion que j’ai demandé la parole ; c’est pour demander s’il a été consigné au procès-verbal que les 5 millions de bons du trésor, votés par un projet de loi qui est maintenant transmis au sénat, sont compris dans les 57 millions.

M. le président – Cela est consigné au procès-verbal dont il a été donné lecture à la chambre.

M. de Brouckere – L’honorable M. Peeters annonce l’intention de voter contre le projet de loi, qui tend à autoriser le gouvernement à faire un emprunt, non pas qu’il blâme le projet en lui-même, ni les dispositions qu’il renferme, mais parce qu’il trouve que justice n’a pas été rendue au district qu’il représente. M. Peeters a présenté un amendement tendant à augmenter l’emprunt d’une somme de 10 millions de francs qui seraient employés à construire des routes et canaux dans toutes les parties du pays qui ne jouissent pas du bienfait du chemin de fer. L’honorable M. Peeters semble croire (et même il le dit) que la chambre a repoussé sa proposition comme exagérée et comme inopportune. Je crois que c’est de sa part une erreur. Il est possible que quelques orateurs aient déclaré qu’ils envisageaient la proposition de M. Peeters comme réunissant ce double caractère ; mais la chambre, loin d’envisager la proposition de la même manière, a prouvé qu’elle l’envisageait tout autrement, puisqu’elle a décidé qu’elle serait renvoyée aux sections, et qu’elle ferait, de la part des sections, l’objet d’un mûr examen. L’honorable M. Peeters ne peut exiger que la chambre vote sans examen 10 millions. Cette somme est en quelque sorte fixée au hasard par l’honorable M. Peeters, puisqu’elle n’est appuyée d’aucun chiffre. La chambre n’a pas l’habitude de voter ainsi, et certainement tout ce qu’elle pouvait faire, dans les circonstances où elle est placée, c’était de décider que la proposition serait renvoyée aux sections, et qu’elle serait l’objet d’un prompt et sérieux examen.

M. Peeters a trouvé un nouveau grief contre la chambre dans cette circonstance, que quelques orateurs ont fait remarquer que les localités dont a parlé cet honorable membre ne se trouvaient pas dans les mêmes conditions que la province du Luxembourg. Ce que les orateurs ont dit est vrai. L’assertion de ces orateurs n’est pas vraie en ce sens que le Luxembourg n’a pas de chemin de fer, et qu’Anvers a un chemin de fer ; mais elle est vraie en ce sens que la loi de 1837 décrétait l’établissement d’un chemin de fer dans le Luxembourg. Aujourd’hui on reconnaît que ce chemin de fer ne peut s’exécuter. Mais il y a, en faveur du Luxembourg, un préjugé qui met la chambre dans la nécessité d’accorder une compensation au Luxembourg. Ce préjugé n’existe pas en faveur des pays dont a parlé M. Peeters. Ainsi, il y a une différence entre la position de ces pays et celle du Luxembourg. Mais il ne faut pas que M. Peeters en tire la conséquence que la chambre s’occupera des intérêts de sa province avec moins de sollicitude que de ceux du Luxembourg. Elle s’occupera des uns et des autres avec la même sollicitude, mais par des motifs différents.

Enfin, messieurs, l’on nous a reproché de nous occuper dès aujourd’hui des bateaux à vapeur qui doivent établir des communications entre la Belgique et des pays éloignés, et de négliger les intérêts du pays lui-même, et des parties du royaume pour lesquelles on n’aurait rien fait jusqu’ici. On conviendra qu’il n’y a pas d’inconvénient à ajourner la discussion relative à la Campine, tandis qu’il y aurait un grand inconvénient à différer la loi spéciale aux bateaux à vapeur. Vous avez pu voir dans les journaux, qu’en France un projet de loi semblable a été présenté à la législature, et que la commission à laquelle il a été soumis, non seulement a adopté le projet à l’unanimité, mais l’a étendu ; je vous demande s’il ne serait pas ridicule à nous, qui avons à nous occuper du même objet, de l’ajourner de six ou sept mois ; mieux vaudrait déclarer qu’on ne veut pas de cette loi.

Je n’ai pas l’esprit de faire changer M. Peeters de résolution ; mais je serais heureux de le voir revenir de cette espèce de sentiment de mécontentement, parce que je crois que ce sentiment est injuste. Dans quelques mois il reconnaîtra qu’il s’est trop empressé de montrer cette espèce de mauvaise humeur, alors que la session prochaine on s’occupera sérieusement de sa proposition.

M. Dumortier – Il y a dans le mécontentement de M. Peeters quelque chose de juste et quelque chose d’injuste. Ce qu’il y a de juste, c’est l’absence ou la non application de fonds à des routes pour cette province ; la Campine devait avoir une part proportionnelle dans les fonds votés pour les routes ; et à cet égard l’honorable député de Turnhout a raison de se plaindre. Pourquoi la Campine manque-t-elle de routes ? C’est parce que le gouvernement a voulu faire diriger les routes vers un point militaire, c’est parce que le génie militaire a manifesté des craintes quand on a parlé d’établir des routes dans la Campine. Ce sont des raisons militaires qui ont empêché de s’occuper de la Campine. Mais l’honorable préopinant est injuste quand il oublie que les autres parties de la Belgique qui ont des routes les ont payées elles-mêmes ; encore aujourd’hui nos villes et nos provinces paient des dépenses dont le gouvernement perçoit les fruits.

Il ne faut pas croire, d’un autre côté, que les localités qui ont déjà des routes, n’en ont pas besoin de nouvelles. L’arrondissement de Tournay, par exemple, qui est plus considérable que la province de Namur, ne possédait qu’une route de 7 à 8 lieues ; et cependant la province de Hainaut est celle qui a le plus de routes.

L’honorable député voudrait que la chambre fît faire des canaux ; sa demande, à cet égard, est la conséquence de ce système que j’ai signalé récemment, et qui consiste à tout faire faire par l’Etat en un seul jour ; nous devons nous garder de nous abandonner à ce système, si nous ne voulons pas ruiner l’Etat. Dans l’origine de la révolution, c’était une grande question que celle de savoir s’il fallait exécuter les constructions par l’Etat ou par des associations : maintenant on perd de vue que les entreprises privées peuvent faire quelque chose, et je me lève pour protester contre cette tendance à tout faire faire par l’Etat. Dans la Campine, on veut un canal ; la province d’Anvers a pris l’initiative de ce travail ; d’un autre côté, une société s’est formée qui a demandé la concession du canal ; eh bien, pourquoi ne pas accorder la demande de cette société, et ne pas dispenser l’Etat de la dépense de 10 millions ? Il n’est pas encore dit que cette somme suffira pour l’exécution du canal.

Il est des localités qui demandent 60, 80 mille francs et qui ne peuvent obtenir ces sommes ; et il en serait d’autres qui obtiendraient 10 millions. C’est vraiment déraisonnable. Si votre canal est utile, l’intérêt privé s’en chargera ; s’il est inutile n’en chargez pas l’Etat ; vous le ruineriez.

Vous avez créé un corps des ponts et chaussées puissant et nombreux ; vous l’avez appelé à faire de grandes choses, et il les exécute ; croyez-vous que vous pourriez l’arrêter dans sa marche, après qu’il aura achevé le chemin de fer ? et si vous ne pouvez l’arrêter vous serez donc obligé d’entreprendre de nouvelles constructions qui compromettront davantage l’état financier du pays.

Indépendamment des chemins de fer décrétés, il y aura d’autres embranchements dont la nécessité se fera sentir : par exemple, il vous faudra peut-être un embranchement d’Anvers sur la Hollande, quand ce royaume aura exécuté ses chemins de fer. N’imposons pas tous les travaux à l’Etat ; laissons faire les localités et les sociétés particulières.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je ferai d’abord remarquer à l’honorable préopinant qu’il donne à la proposition de M. Peeters une portée qu’elle n’a pas ; M. Peeters ne demande pas 10 millions à la chambre pour la construction d’un canal dans la Campine ; il demande 10 millions pour les divers canaux à établir dans les contrées restées en dehors du chemin de fer.

Les besoins signalés par M. Peeters me sont connus ; ils ont été l’objet de ma sollicitude, alors que je m’occupais plus particulièrement de l’administration de la Campine, et mon honorable prédécesseur avait aussi porté son attention sur ce point ; un ingénieur a été chargé par lui d’étudier le système général d’irrigation et de canalisation pour la Campine ; j’ai pris la résolution de publier la première partie de son travail, et j’espère pourvoir le soumettre cette année encore aux conseils provinciaux ; il se pourrait alors que la chambre en fût saisie à la prochaine session.

J’ai dit, dans une séance précédente, que le système proposé par M. de Puydt avait un côté pratique très utile ; il a proposé d’appliquer à la canalisation le produit net des canaux, ainsi que l’on applique le produit des barrières aux routes ; ce produit pour 1839 est de 600,000 francs au moins ; j’estime que lorsque le canal de Terneuzen et celui de Maestricht à Bois-le-Duc seront en plein rapport, le produit net sera d’environ un million par année. Quoi qu’il en soit, ce produit est loin de représenter l’amortissement et les intérêts du capital engagé dans les canaux : cette observation n’est pas inutile pour la défense du chemin de fer qui, dit-on, ne se suffit pas à lui-même.

J’ai déjà fait observer qu’il se suffit plus à lui-même que les routes pavées ; eh bien, je dis que les canaux se suffisent encore moins à eux-mêmes que les routes pavées, car certainement un million de revenu net par année est loin de représenter l’intérêt des capitaux considérables qui ont été consacrées aux canaux. Il suffit de se rappeler quelles sommes ont été dépensées, sous le royaume des Pays-Bas, pour le canal de Pommeroeul à Antoing, ceux de Charleroy, de la Sambre, de Maestricht à Bois-le-Duc, et celui de (erratum, Moniteur belge n°164 du 12 juin 1840) Terneuzen.

M. Dumortier – Ils ont été faits par concession.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Ils n’ont pas tous été faits par concession ; d’ailleurs ceux qui ont été faits par concession ont été rachetés par l’État. Je répète donc que les canaux sont bien plus loin que le chemin de fer de se suffire à eux-mêmes.

Cependant, on ne peut se le dissimuler, les contrées connues sous le nom de Campine, tant dans la province de Limbourg que dans celle d’Anvers, sont au premier rang de celles qui ont droit à des constructions publiques, à des travaux de canalisation. Déjà, messieurs, une de ces deux provinces, celle d’Anvers, a fait des efforts, peut-être exagérés, pour arriver à un commencement d’exécution ; elle a consacré sur ses propres ressources une somme de près de 800,000 francs à la construction du canal de Lierre à Herenthals. La province de Limbourg elle-même avait voté une somme de 500,000 francs pour concourir à cette canalisation ; malheureusement les suites des événements politiques ne lui permettront sans doute pas d’effectuer l’emprunt qu’elle se proposait de faire pour l’exécution des travaux si utiles auxquels il était destiné.

Rappelez-vous, messieurs, que la province du Limbourg est une de celles qui ont le plus de droits à votre sollicitude particulière. Des compensations lui sont dues ; le traité a beaucoup resserré ses limites et ses ressources ; nous devons tâcher de lui rendre, par nos propres efforts, ce que le traité lui a enlevé ; c’est-à-dire, que nous devons tâcher de lui rendre une partie de son importance, de lui donner la plus grande prospérité possible.

C’est là, messieurs, la meilleure manière de compenser les pertes qu’elle a subies.

Du reste, messieurs, je considère aussi comme très dangereux l’entraînement auquel pourraient céder les chambres et le gouvernement, en ce qui concerne les travaux publics.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de faire remarquer, relativement au chemin de fer, que l’entraînement n’est point venu du gouvernement. Gouvernement et chambres, nous devons nous tenir en garde contre de semblables impulsions ; mais il ne faut pas non plus, de peur d’un mal, tomber dans un pire ; il ne faut pas que la crainte de faire trop nous empêche de rien faire du tout. Il reste beaucoup à faire pour les routes pavées, quoique beaucoup ait été fait pour ce genre de communications, mais c’est surtout pour les canaux qu’il y a considérablement à faire, puisque depuis la révolution, rien n’a été fait pour la canalisation, si ce n’est la section du canal que je viens de citer et qui a été exécutée par la province d’Anvers.

M. Nothomb – Et les embranchements du canal de Charleroy ?

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Ils ont été faits par l’industrie particulière.

Ces questions, messieurs, viendront plus à propos lors de la discussion du budget des travaux publics de l’année prochaine. J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’un ingénieur, connu déjà par des travaux hydrauliques considérables, a été chargé par moi d’étudier toute la Belgique, sous le point de vue de la canalisation ; son rapport sera fait avec tout le soin que je suis en droit d’en attendre, et l’on peut être persuadé que, sans vouloir entrainer le pays dans des dépenses qui seraient au-dessus de ses forces, nous ferons tous nos efforts pour donner satisfaction aux besoins qui nous paraîtront légitimes ; et, je le répète, ceux qui ont été signalés par l’honorable préopinant me semblent devoir figurer en première ligne.

M. Mast de Vries – Je puis vous assurer, messieurs, que ce n’est pas sans examen que l’honorable M. Peeters a présenté sa demande d’un crédit de 10 millions, et je suis fort étonné de l’espèce de fin de non-recevoir que l’honorable M. Dumortier oppose à cette demande. « Si nous avons des routes, dit l’honorable membre, c’est que nous les avons payées nous-mêmes. » Mais avez-vous aussi payé le chemin de fer que vous avez et que n’a pas la Campine ? D’ailleurs, si vous avez construit des routes à vos frais, cela ne prouve qu’une seule chose, c’est que vos localités sont riches ; mais si vous devez attendre que la Campine construise des routes au moyen de ses propres fonds, il est fort à craindre que vous attendiez longtemps.

L’honorable M. Dumortier se contente de la position qui a été faite à son district. Je le crois volontiers, puisque l’embranchement de Tournay a été fait dans le seul but de rallier cette ville au chemin de fer. Cet embranchement est une impasse qui ne profite qu’à Tournay.

M. Dumortier – Et Anvers ?

M. Mast de Vries – La route en fer d’Anvers a pour objet de relier l’Escaut au Rhin ; ce n’est pas dans l’intérêt d’Anvers qu’il a été construit ; si la ville d’Anvers avait demandé un chemin de fer dans son seul intérêt, il est très probable qu’elle ne l’eût jamais obtenu, et vous eussiez été le premier à le refuser.

Vous allez, messieurs, voter un emprunt de 82 millions de francs ; au moyen de cet emprunt, le chemin de fer sera achevé ; toutes les localités qui en sont favorisées, et Tournay surtout, qui, comme je le disais tout à l’heure, a obtenu un embranchement qui n’est utile qu’aux seuls intérêts de cette ville ; toutes ces localités, dis-je, ont obtenu satisfaction, mais la Campine, on n’en s’en souvient pas, ou plutôt on ne s’en souvient que, lorsqu’il s’agit de guerre, pour l’accabler de logements militaires, pour la démoraliser par des envois de troupes.

Qu’on le sache bien, messieurs, la plupart des terrains de la Campine sont impropres à devenir des terres labourables, mais la Campine doit devenir un pays de bois ; on détruit partout les forêts, c’est dans la Campine qu’il faut les remplacer, mais pour cela il faut qu’elle ait des communications, il faut qu’elle ait des canaux, et elle a bien le droit d’en obtenir, car rien n’a été fait pour elle ; depuis la révolution, elle a été écrasée de logements militaires.

Il serait juste qu’à son tour elle fût dotée de voies de communication qui, en définitive, seraient dans l’intérêt général.

M. Dumortier – Je dois, messieurs, protester contre les reproches de l’honorable préopinant ; je n’ai nullement entendu m’opposer à ce que l’on favorisât l’établissement de communications dans la Campine ; j’ai été le premier à dire qu’il faut faire des routes dans la Campine ; mais remarquez bien, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Peeters va trop loin ; cet honorable membre vient nous demander une somme de 10 millions pour faire un canal dont une société particulière a sollicité la concession. Eh bien, messieurs, je ne veux pas que le pays soit entrainé dans de semblables dépenses.

On a parlé d’une embranchement du chemin de fer qui n’aurait d’autre but que de mettre la ville de Tournay en rapport avec le chemin de fer ; eh bien, messieurs, quand l’embranchement dont il s’agit n’aurait que ce seul but, l’établissement serait encore complètement justifié ; la loi sur les chemins de fer a voulu que tous les grands centres de population fussent reliés au railway ; pourquoi serait-il fait une exception à cette règle pour la seule ville de Tournay ? Serait-ce parce que Tournay est la sixième ville du royaume ?

Depuis la révolution, messieurs, la ville de Tournay a sacrifié au-delà d’un demi-million pour les routes pavées et pour le chemin de fer ; est-il une seule ville qui ait fait un aussi grand sacrifice ? Concourez dans une proportion semblable aux travaux que vous demandez, faites quelque chose de votre côté, et le pays viendra à votre secours, en un mot : aide-toi, et le ciel t’aidera.

M. Mast de Vries – Messieurs, si je porte intérêt à la Campine, c’est, je le répète, qu’elle n’a jamais rien obtenu. L’honorable M. Dumortier dit que la ville de Tournay a sacrifié un demi-million ; eh bien, la localité que j’habite en a fait, comparativement à son importance, de beaucoup plus importants.

Je le répète encore, si le pays dont parle l’honorable M. Dumortier a contribué à la construction de routes, c’est que ce pays est riche, et si l’on doit attendre que la Campine fasse des communications à ses propres frais, autant vaut dire qu’elle n’en aura jamais.

M. de Theux – S’il fallait attendre, messieurs, pour ouvrir un canal dans la Campine, que la province du Limbourg prît l’initiative, je dis que la Campine ne serait jamais canalisée. L’année dernière, le conseil provincial du Limbourg a adressé une pétition au Roi pour obtenir le canal de la Campine, dans laquelle il expose que la province manque absolument de ressources. Il est notoire, messieurs, que le Limbourg est fortement imposé en centimes additionnels et que la province ne possède point de propriétés productives, elle est donc absolument hors d’état d’entreprendre un travail aussi colossal que celui dont il s’agit.

Veuillez remarquer, messieurs, que si le Hainaut a pu faire plus que Limbourg pour les travaux publics, c’est que le Hainaut avait été beaucoup mieux partagé sous le gouvernement des Pays-Bas. Je ne citerai à cet égard qu’un seul exemple, mais il est frappant : La province du Hainaut a obtenu du gouvernement des Pays-Bas la concession gratuite du canal de Mons à Condé qui rapporte annuellement une somme très considérable ; la province du Limbourg au contraire a été grevée de l’entretien de la Meuse, qui ne rapporte presque rien. Voilà, messieurs, la différence qu’il y a entre la position de ces deux provinces.

Aujourd’hui, le Limbourg a perdu la plus grande partie de son commerce, par suite de sa séparation d’avec la Hollande, par suite de la position qu’occupe le Limbourg hollandais entre le Limbourg belge et l’Allemagne. Le Limbourg a considérablement perdu sous le rapport des intérêts matériels.

Je ferai remarquer que la province du Hainaut a encore obtenu un immense avantage par l’acquisition qu’a faite le gouvernement de la Sambre canalisée, qui ne rapporte que très peu de chose comparativement au capital qui a été engagé ; la province du Hainaut est d’ailleurs largement partagée en chemins de fer, tandis que la Campine ne produite en aucune manière de cette grande entreprise, car l’embranchement de Saint-Trond n’est d’aucune utilité pour la Campine, tant qu’il ne sera pas continué jusqu’à Hasselt.

Je ne puis donc que l’associer à l’honorable membre qui a signalé la détresse de la Campine et l’impuissance où elle se trouve de faire de grands sacrifices pour une entreprise aussi considérable que la canalisation de ce pays.

M. d’Hoffschmidt – J’ai demandé la parole, messieurs, pour répondre à l’honorable M. Peeters qui a, à plusieurs reprises, engagé les députés du Luxembourg à se joindre à lui pour appuyer l’amendement qu’il a présenté. Nous n’avons pas répondu à cet appel de l’honorable membre, non que, pour ce qui me concerne au moins, je ne sois très porté pour tout ce qui peut favoriser la Campine dans les limites raisonnables. Je dirai même que quand un projet nous sera présenté à cet égard, si, comme j’en suis persuadé, ce projet se renferme dans de semblables limites ; je l’appuierai de tout mon pouvoir. Je trouve aussi que la Campine n’a rien ou à peu près rien obtenu depuis dix ans. Mais, messieurs, je dois en même temps faire observer qu’il y a pour le moment une grande différence entre la proposition de l'honorable M. Peeters et celle que nous avons faite. La proposition que nous avons faite était parfaitement opportune, parce que la loi que nous votons dans ce moment est une loi d’exécution de la loi du 26 mai 1837, qui a décrété des lignes de chemins de fer dans toutes les provinces.

Or, messieurs, l’on a voté des fonds pour terminer les lignes qui parcourent le Brabant, le Hainaut, les provinces de Liége et de Namur ; je ne sais pas pourquoi l’on a entièrement négligé celle que la loi avait mentionnée pour le Luxembourg.

Voilà le motif pour lequel nous avons présenté un amendement. Nous avons voulu qu’il y eût une discussion relativement à la promesse faite au Luxembourg par la loi du 26 mai 1837, de relier cette province au chemin de fer. Nous avons voulu rappeler aussi que, dans tout le cours de la discussion de cette loi, il avait été posé en fait que s’il était reconnu qu’il n’y avait pas lieu de donner un chemin de fer au Luxembourg, on lui accorderait une compensation.

Maintenant que l’on va faire un emprunt pour mener à fin la vaste entreprise des chemins de fer, pourquoi laisserait-on en dehors de la loi le Luxembourg ? Vous voyez donc que notre proposition était fort opportune, tandis que celle de l’honorable M. Peeters pouvait être parfaitement juste au fond, mais elle n’avait pas le mérite de l’à-propos, car les lois sur les chemins de fer n’ont pas parlé de canalisation. Voilà la différence qui existe entre les deux propositions, et voilà pourquoi nous ne nous sommes pas réunis à l’honorable M. Peeters.

Messieurs, si nous avons fait une proposition qui tend à retirer de la loi du 26 mai 1837 la disposition qui concerne le Luxembourg, ce n’est pas parce que l’impossibilité de l’exécution d’un chemin de fer dans cette contrée a été constatée, comme on l’a dit ; cette impossibilité n’a pas été constatée, et n’a pu l’être ; le chemin de fer serait possible à établir dans le Luxembourg, il serait aussi de la plus haute utilité pour cette province ; mais ce chemin serait aussi, nous en convenons, extrêmement coûteux à l’Etat.

Voilà pourquoi nous avons consenti à renoncer à l’exécution de la promesse faite au Luxembourg, en ce qui concerne l’établissement d’un chemin de fer. Mais quant à la compensation qui lui est due, à défaut de ce chemin de fer, je ne vois pas pourquoi nous y renoncerions : ne pas accorder cette compensation serait une injustice ; ce serait dire qu’une promesse faite par le pouvoir législatif n’a pas reçu son exécution : car c’est le pouvoir législatif tout entier qui a fait cette promesse au Luxembourg, et ce pouvoir se doit à lui-même de ne pas violer ses engagements.

Du reste, j’ai été pour ma part charmé d’entendre M. le ministre des travaux publics reconnaître, dans une de nos dernières séances, de la manière la plus formelle, qu’une compensation est due au Luxembourg, et qu’il en ferait l’objet de toute sa sollicitude. D’autres honorables orateurs ont également reconnu les droits du Luxembourg à cet égard.

J’ai aussi entendu avec plaisir donner l’assurance que notre proposition, renvoyée aux sections un peu trop lestement, il faut le dire, serait sérieusement examinée dans la session prochaine. Nous prenons acte de cet engagement et nous espérons bien que la session prochaine ne se passera pas sans qu’on examine mûrement notre proposition, sans que l’on reconnaisse qu’elle est loin d’être exagérée, et enfin sans qu’une loi n’y fasse droit. C’est ainsi, messieurs, que la promesse faite au Luxembourg par la loi du 26 mai 1837 ne sera pas faussée.

- Personne ne demandant plus la parole, l’article 2 est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

85 membres répondent à l’appel.

10 membres s’abstiennent.

63 répondent oui.

12 répondent non.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, Delehaye, de Man d’Attenrode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Dubois, Dumont, Duvivier, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Willmar et Zoude.

On répondu non : MM. Brabant, de Foere, de Langhe, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Desmet, Dubus (aîné), B. Dubus, Kervyn, Milcamps, Polfvliet et Ch. Vilain XIIII., Wallaert, Willmar, Zoude.

M. le président – Les membres qui se sont abstenus, sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître le motif de leur abstention.

M. de Garcia – Messieurs, dans toutes les circonstances je veux que la loi porte ses effets ; or, il y a des lois qui décrètent des chemins de fer, et des routes empierrées ; une partie de l’emprunt doit être consacrée à cet objet, et pour ce motif, je n’ai pas voulu voter contre la loi, d’autant plus que nous touchons au terme de la session et qu’il nous est impossible dès lors de faire maintenant une nouvelle loi. D’un autre côté, je n’ai pas voulu voter pour l’emprunt, parce que, selon moi, le chiffre de cet emprunt dépasse au moins de 20 millions la somme nécessaire aux besoins du service public. Je pensais que dans un avenir rapproché le gouvernement aurait des ressources suffisantes, et dans l’encaisse de la société générale et dans la vente des forêts domaniales, car je n’ai jamais été touché de ces arguments qu’on ne pouvait pas réaliser tout de suite ces valeurs. Qu’on liquide avec la société générale et qu’on vende les forêts domaniales, en créant un papier-monnaie pour le payement des bois, et le gouvernement aura de suite de l’argent.

M. le président – Vous rentrez dans la discussion.

M. de Garcia – Non, M. le président, je ne crois pas sortir des limites de mon droit.

Des membres – Si ! si !

M. de Garcia – Je prétends être dans l’exercice de mon droit, et ce droit consiste à développer les motifs pour lesquels je me suis abstenu. Je veux le faire, et je demande que la chambre décide si l’on pourra me laisser continuer.

Des voix – Parlez, parlez.

M. de Garcia – Je continue, messieurs ; ma pensée est que les affaires publiques doivent être dirigées avec la même sollicitude et la même économie que les affaires privées. Nous devons faire pour la chose publique, ce que ferait le bon père de famille pour ses affaires intérieures.

Or le citoyen prudent n’emprunte pas, lorsqu’il a devant lui des ressources suffisantes pour satisfaire à ses besoins ; il doit en être de même de l’Etat qui, dans le moment actuel, a des valeurs faciles à réaliser pour plus de vingt millions de francs, soit dans la liquidation avec la société générale, soit dans la vente des forêts nationales dont le revenu est insignifiant, et presqu’entièrement absorbé par les frais d’administration. (Nouvelles réclamations.)

M. le président – Vous dérogez aux usages de la chambre.

M. Dubus (aîné) – L’orateur a le droit de donner les motifs de son abstention.

M. de Garcia – Je n’en dirai pas davantage ; j’avais le droit de donner, et j’ai donné les motifs qui m’ont déterminé à m’abstenir ; et j’eusse voté contre la loi, si le temps nous eût resté pour la refaire.

M. Delfosse – Je n’ai pas voulu voter pour la loi parce que le chiffre de 82 millions me paraît trop élever ; j’ai dit pourquoi. Je n’ai pas voulu voter contre, parce que le rejet de la loi, dans son ensemble, eût mis le gouvernement dans l’impossibilité de marcher et eût affaibli un ministère que je désire voir fort.

M. Demonceau – J’ai fait tous mes efforts pour faire attribuer à la construction entière de tous les travaux d’utilité publique et surtout du chemin de fer, les sommes nécessaires pour son achèvement complet ; je ne pouvais voter contre la loi.

Mais la loi contient plusieurs dispositions qui n’ont pu avoir mon assentiment, et quoique celle à laquelle j’attachais de l’importance ait été tranchée par le vote d’hier dans un sens tel que la publicité et la concurrence, ainsi que je les entends, doivent être suivies par le gouvernement pour la négociation de l’emprunt, je ne puis voter pour.

M. Doignon – Je me suis abstenu parce que, d’un côté, le chiffre de l’emprunt m’a paru excessif et que, de l’autre, je ne voulais pas en votant contre la loi entraver l’achèvement du chemin de fer.

M. Dumortier – Je me suis abstenu parce que, d’un côté, je trouvais l’emprunt trop élevé et parce qu’il sera fait sans publicité et sans concurrence, conditions qui étaient capitales pour moi. J’aurais voté contre s’il n’avait pas été relatif à la construction d’une route en fer vers les électeurs qui m’ont donné mon mandat.

M. Peeters – J’étais fortement résolu à voter contre la loi pour des motifs que j’ai eu soin d’expliquer, mais les promesses que le gouvernement et plusieurs autres membres de la chambre nous ont faites à la fin de la discussion et dont je prends acte m’ont engagé à m’abstenir.

M. Scheyven – Je n’ai pas voulu voter pour la loi, parce que j’ai trouvé le chiffre de l’emprunt trop élevé. D’un autre côté, je n’ai pas voulu voter contre, parce qu’une partie des fonds était destinée à couvrir des dépenses votées par des lois antérieures.

M. Simons – Pour mettre le gouvernement à même de faire continuer les travaux des chemins de fer décrétés, un emprunt est devenu indispensable et même urgent ; ce fait est incontestable.

Bien qu’en 1834 je n’aie pas donné mon vote à cette entreprise, force m’est de subir la loi de la majorité et, par suite, je ne puis refuser au gouvernement les moyens d’exécution ; cette considération m’empêche de voter contre le projet.

Mais il n’est aussi impossible d’y donner mon vote approbatif, parce que, dans ma conviction, le chiffre de l'emprunt projeté dépasse évidemment les besoins du trésor, eu égard aux ressources certaines qu’il a déjà actuellement à sa disposition, et à celles non moins certaines qui seront le résultat d’une liquidation avec la société générale. Cette liquidation qui est très prochaine, fera entrer dans le trésor une partie des arriérés de deux redevances incontestables avant le moment que l’on devra faire usage d’une partie de l’emprunt pour les travaux à exécuter en 1841 et 1842.

En conséquence, placé dans l’alternative, en prenant part au vote, ou de devoir refuser au gouvernement les fonds qui lui son indispensables pour l’exécution des chemins de fer décrétés, ou de sanctionner un emprunt d’après moi trop élevé, et qui grèvera le pays inutilement, au moins en partie, je me trouve dans la nécessité de m’abstenir.

M. Ullens – Je désirais la réduction de l'emprunt dans des limites moins larges. Je désirais que les mots « publicité et concurrence » se trouvassent dans la loi ; ces deux désirs m’ont échappé. Voilà les motifs qui ne m’ont pas permis de voter pour le projet.

Cependant grand partisan des chemins de fer, alors qu’ils sont conduits avec sagesse et modération, je n’ai pu voter contre la loi.

M. Vandensteen – Je le déclare, je me suis abstenu parce que j’ai n’ai pu approuver le projet de loi qui porte le chiffre de l’emprunt à 82 millions, ne voulant par mon vote faire peser sur le pays une charge aussi énorme. Je me serais rallié volontiers au projet de la section centrale (62,000,000) dans ma pensée suffisant pleinement pour les besoins réclamés, surtout lorsqu’un avenir peu éloigné nous offre des ressources certaines.

Motion d'ordre

Exécution des travaux du chemin de fer

M. Demonceau – Aussi longtemps que nous avons eu à nous occuper de la loi d’emprunt, je me suis gardé d’adresser à M. le ministre des travaux publics une interpellation en ce qui concerne la ligne de chemin de fer de l’Escaut à la frontière prussienne. Maintenant que les fonds sont assurés, je pense qu’il est de mon devoir de demander à M. le ministre une explication sur une résolution prise par son honorable prédécesseur, en ce qui concerne cette ligne. Depuis le mois de mars dernier, le gouvernement a arrêté le tracé de la section du chemin de fer de Pepinster à la frontière de Prusse. Le prédécesseur de l’honorable ministre actuel avait promis qu’incessamment, il serait procédé à l’adjudication des travaux d’art et de terrassement de Pepinster à la frontière prussienne. Il était de la plus haute importance que ces travaux fussent mis en adjudication pour le printemps, afin qu’ils puissent être exécutés pendant la belle saison. Trois mois se sont écoulés depuis que cette promesse a été donnée. Jusqu’à ce jour, je n’en ai pas réclamé publiquement l’exécution, mais j’espère que M. le ministre des travaux publics pourra me dire s’il peut donner l’assurance qu’incessamment il sera procédé à cette adjudication. Je n’ai pas besoin d’insister sur une réponse qui doit être dans le sens de mes désirs, parce que M. le ministre des travaux publics est le premier qui a conçu la pensée d’unir l’Escaut au Rhin. Il concevra facilement que, si l’on continue à retarder l’adjudication des travaux dans cette partie si difficile du tracé du chemin de fer, nous serons en retard, et il pourra se faire que le chemin de fer rhénan atteindra la frontière belge, et que nous serons à peine à Verviers.

Comme il est de la plus haute importance pour le pays, particulièrement pour le district de Verviers, que la section de Liège à la frontière prussienne soit exécutée le plus tôt possible, je prie M. le ministre de nous dire s’il compte faire procéder à cette adjudication dans un bref délai.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je m’empresse de répondre à l’honorable préopinant que, d’après les renseignements que j’ai pris auprès de l’ingénieur-constructeur de la dernière section du chemin de fer vers la frontière de Prusse, le travail est en ce moment prêt, il ne peut plus donner lieu à une longue discussion ; que dès lors, j’espère être en mesure de faire procéder bientôt à l’adjudication dont, tout le premier, je sens l’importance et l’urgence.

L’honorable préopinant comprendra que, pendant ce mois qu’a duré la discussion de l’emprunt, il était impossible au gouvernement d’engager le pays dans de nouvelles dépenses, alors qu’il n’avait pas la certitude qu’elles seraient converties par la chambre. Aujourd’hui que la chambre des représentants, par son vote, a mis le gouvernement à même de procéder à l’exécution complète de tous les travaux, si le vote de la chambre reçoit, comme nous avons lieu de l’espérer, la sanction du sénat, le gouvernement serait sans excuse s’il ne poussait pas tous les travaux avec énergie et activité sur tous les points, puisqu’en définitive les fonds ont été faits pour que les travaux soient exécutés dans leur ensemble.

Du reste, je reconnais que la section signalée par l’honorable préopinant devra être entamée l’une des premières, attendu que c’est l’une de celles qui présentent le plus de difficultés.

Aucun effort ne sera épargné pour arriver à une exécution prompte et bonne de toutes les lignes.

M. Demonceau – Je me déclare satisfait de la réponse de M. le ministre des travaux publics.