(Moniteur belge du 26 et 27 décembre 1838, n°361 et 362)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Les étudiants en sciences de l’université de Louvain adressent des observations sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur. »
« Le sieur E.-R.-N. Arntz, avocat et professeur de droit romain à l’université de Bruxelles, né en Prusse et habitant la Belgique depuis 1833, demande la naturalisation. »
- La demande en naturalisation est renvoyée à M. le ministre de la justice ; les autres demandes sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. F. de Mérode – M. le président, je demande la parole pour une motion d’ordre.
M. le président – Vous avez la parole.
M. F. de Mérode – Messieurs, au moment où les chambres françaises s’occupent de la rédaction d’une adresse qui doit avoir une influence si grande sur notre avenir, il importe de leur prouver que l’intégrité du territoire belge, conformément au statu quo existant depuis huit ans, peut être maintenue, sans exiger de la France des efforts extraordinaires et l’exposer au danger d’une guerre générale. Elle ne doit pas oublier, et nous non plus, qu’une ligne de forteresses imposante a été construite depuis 1815 sur notre frontière méridionale. Les murailles sont devenues inutiles pour le but qu’on leur avait assigné. Mais elles peuvent merveilleusement nous servir, afin d’en atteindre un autre, et certes il n’en fut jamais de plus légitimes, puisqu’il s’agit de soustraire 400 mille de nos compatriotes à un odieux partage que sept ans ont rendu tardif et plus injuste encore.
Malgré tout ce qui sera dit, aux tribunes de la chambre des pairs et de la chambre des députés, en faveur du traité des 24 articles, par ceux qui soutiendront sa validité actuelle, nonobstant les détails voulus par la Hollande et les puissances médiatrices, il est certain que si l’Angleterre eût été prête à appuyer les modifications que réclamait l’équité en faveur des populations limbourgeoises et luxembourgeoises, le ministère français n’aurait point hésité à demander ces modifications avec instance.
Messieurs, je suis loin d’attribuer au gouvernement du roi des Français peu de bienveillance pour la Belgique. Il a toujours, au contraire, donné de vifs témoignages de sympathie effective envers elle ; nous lui avons des obligations qu’en toute circonstance je m’empresserai de reconnaître hautement. S’il parait disposé à nous refuser ultérieurement son secours dans la question territoriale, ce n’est ni par un sentiment d’indifférence à notre égard, ni par scrupule de manquer à la foi des traités.
Ceux qui ont déclaré nuls les 18 articles le lendemain d’une rupture d’armistice déloyale, après l’avoir flétrie eux-mêmes, ceux qui ont laissé dormir pendant sept ans le traité du 15 novembre, ne pourraient reprocher à la France de manquer à ses obligations diplomatiquement contractées, parce qu’elle exigerait maintenant que le statu quo territorial fût respecté et rendu définitif au moyen de transactions pécuniaires offertes par nous à la Hollande.
Malheureusement l’Angleterre est en sécurité chez elle, entourée qu’elle est des eaux de l’Océan, et sans inquiétude de voir compromettre ses franchises par d’ambitieux voisins, se soucie peu de la liberté des autres pays. Plus d’un homme politique anglais professe l’opinion que la liberté est bonne pour la Grande-Bretagne et n’est point faite à l’image d’autres contrées. La France constitutionnelle, qui n’est pas une île, comprend mieux le principe de la solidarité entre les nations. Elle s’émeut à l’idée que des peuples plus faibles et qui la touchent de près vont subir un régime dont elle ne veut pas pour elle-même. Toutefois, elle craint d’user ses ressources et ses forces au dehors en les déployant d’une manière trop énergique et partant trop coûteuse.
Si nous voulons lui donner, en ce qui nous concerne, plus d’assurance, profitons, messieurs, de ces murailles réservées d’abord à un service bien différent. La France peut sans obstacle occuper des places qui semblent avoir été créées en garantie de notre émancipation, sous la sauve-garde de sa puissance : c’est là leur destination providentielle à mon sens.
Je demande donc que, dans le cas où la violation du territoire belge devrait être tentée par des forces supérieures employées à courber sous un joug dont ils ne veulent pas nos concitoyens du Luxembourg et du Limbourg, notre gouvernement, indépendamment des moyens de résistance qu’il opposera, invite aussitôt le gouvernement français à placer des garnisons dans toute la ligne de forteresses belges qui borde notre frontière du midi.
Si des puissances hostiles à notre nationalité envahissaient une partie de nos provinces, il serait convenable que par compensation nos alliés prissent les positions fortes que nous pouvons leur offrir, jusqu’à ce que l’atteinte arbitraire portée aux droits politiques de nos compatriotes cesse et qu’on leur permette d’en jouir en paix.
On m’objectera peut-être, messieurs, que cette mesure adoptée par la France serait une déclaration de guerre à plusieurs puissances européennes. Il n’en est rien, témoin l’occupation d’Ancône que les Français viennent d’évacuer après un long séjour, en même temps que les Autrichiens quittaient Bologne, sans qu’on ait échangé de part et d’autre un seul boulet. D’ailleurs, les puissances, divisées sur plusieurs points, n’attaqueront pas trente-deux millions d’hommes postés derrière une triple ligne de forteresses de premier ordre dont les nôtres formeraient l’avant-garde ; les coalitions comme celles de 1814 se forment pour le salut commun des nations et non point pour des entreprises d’agression que la morale réprouve loin de leur être favorable ; mais les cabinets des princes qui règnent sans limites à leur pouvoir, comprendront enfin, si la France le veut, qu’il est dangereux de violenter des populations inoffensives sous le canon des remparts où flotte le drapeau de juillet. Ils s’abstiendront de commettre un acte d’iniquité, et nous laisseront conclure avec la Hollande une paix conforme aux véritables besoins des deux pays.
M. de Renesse demande la parole pour appuyer la proposition faite par M. de Mérode.
M. Devaux – Mais la proposition de M. de Mérode n’est pas à l’ordre du jour ; quelle est sa proposition ?
M. F. de Mérode – On demande quelle est la conclusion de mon discours ; la voici : Le gouvernement n’a pas le droit de faire entrer des troupes étrangères sur notre territoire sans loi ; ma conclusion est de porter cette loi. Je ne présente pas la loi aujourd’hui ; cependant, si on le juge nécessaire, j’en déposerai immédiatement le projet sur le bureau de la chambre. Ma motion a pour but de mettre chacun à même d’apprécier l’importance de la proposition que je viens de faire.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, cet objet n’est pas à l’ordre du jour des travaux de la chambre. La proposition est de telle nature qu’elle devrait émaner du gouvernement s’il la juge utile. La manière dont elle est produite est en tout cas irrégulière ; on ne peut s’en occuper immédiatement.
M. de Renesse – Je demande la parole pour appuyer la proposition de M. de Mérode ; on ne peut me la refuser.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il résulte de ce que je viens de dire, que je demande que l’on passe à l’ordre du jour, et j’en fais la proposition formelle.
M. Dumortier – Messieurs, il n’est personne d’entre vous qui ne sente la nécessité d’investir, dans les circonstances actuelles, le gouvernement de tous les pouvoirs nécessaires à la défense de la patrie en cas de danger ; il n’est personne, j’en suis convaincu, qui reculerait devant les mesures indispensables en pareil cas ; mais, tout en approuvant les sentiments qui ont dicté les paroles de l’honorable comte de Mérode, je me permettrai de lui faire remarquer qu’il n’est pas nécessaire qu’une loi intervienne pour donner au gouvernement le pouvoir dont il veut l’investir ; une loi existe ; portée en 1831, elle autorise le gouvernement à réclamer l’intervention des armées étrangères pendant toute la durée de la guerre ; aussi la proposition de M. de Mérode est sans objet.
Quant à la mesure en elle-même, et à la publicité qu’on doit lui donner, elle mérite toute votre sollicitude. Il est fâcheux qu’elle vienne incidemment alors que nous avons à l’ordre du jour une question importante, celle du projet de loi relatif à la banque, dont le rapport est prêt.
Je le répète, j’approuve les sentiments qui ont dicté les paroles de l’honorable membre ; je désire donc que le gouvernement ne recule devant aucun moyen de préserver le territoire ; mais une loi qui aura force pendant tout le temps de la guerre, rend superflue celle qui est demandée.
M. de Puydt – Nous allons avoir à nous occuper aujourd’hui d’un projet concernant la banque de Belgique ; la discussion de ce projet aura lieu à huis-clos ; je demande que tout débat sur la proposition de M. de Mérode soit ajournée au huis-clos ; c’est une question délicate sur laquelle il convient que nous n’ayons pas même l’air d’être en désaccord.
M. F. de Mérode – D’après les observations faites par M. Dumortier, je n’ai plus rien à désirer : si une loi existe en effet, ma proposition devient inutile ; mais il est bon qu’on connaisse nos intentions.
M. Gendebien – Dès l’instant que l’ordre du jour n’exclut pas la proposition faite par M. de Mérode, je n’ai plus rien à objecter. On déclare qu’il y a une loi ; il faut s’en assurer ; et après cette vérification, il y aura encore quelque chose à faire.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – D’après la déclaration de M. de Mérode, on n’a plus à s’occuper de sa proposition : passons donc à l’ordre du jour.
- On passe à l’objet à l’ordre du jour.
M. Devaux, rapporteur – Messieurs, la commission chargée de l’examen du projet de loi qui a pour but de mettre la banque de Belgique à même de reprendre ses paiements, a tâché, dans l’accomplissement de son mandat, de concilier la célérité que lui imposait le but même de la mesure proposée avec la nécessité de s’entourer des renseignements utiles qu’il était possible de recueillir dans un délai aussi court. A cet effet, dans les cinq séances qu’elle a eues depuis avant-hier, la commission s’est successivement mise en rapport avec M. le ministre des finances, avec les commissaires délégués par les créanciers, et avec les membres du conseil d’administration de la banque de Belgique.
Le premier soin a dû être de s’assurer du but précis de la mesure proposée et des effets qu’on en espère. Elle a reconnu que ce but pouvait se résumer dans les termes suivants : Mettre la banque de Belgique à même de payer, dans un bref délai, ce qu’elle doit ; de rembourser tous ses billets non encore rentrés, et d’arriver à ce résultat sans compromettre la position des établissements industriels qui lui doivent, en les forçant brusquement de faire face aux besoins de cette liquidation partielle.
Personne dans votre commission ne s’est dissimulé ce que l’intervention de l’état dans des affaires privées avait d’extraordinaire et de dangereux en thèse générale ; mais nous avons tous pensé que la situation, momentanément extraordinaire aussi, de la Belgique, légitimait suffisamment cette intervention, et lui ôtait le danger d’un précédent.
Pour nous convaincre que le but qu’on se proposait était réellement praticable, il nous a été soumis des tableaux détaillés de l’actif et du passif de la banque, tableaux dressés par l’administration de la banque et vérifiés par les mandataires de ses créanciers. Dans l’impossibilité de recourir nous-mêmes, faute de temps, aux livres de la banque et des établissements qu’elle a créés, nous avons interrogé les représentants des créanciers et l’administration de la banque elle-même, sur les divers éléments de ces calculs ; l’évaluation des ressources que l’on compte réaliser dans les trois mois, et qui, jointes au prêt à faire par le gouvernement, doivent dans ce délai servir au paiement des créances et au remboursement des billets, ne nous a paru, dans son ensemble, porter aucun caractère d’exagération ; si nous avons eu des doutes sur la possibilité de réaliser, sans inconvénient, en aussi peu de temps, quelques-unes des ressources indiquées, nous avons reconnu que, pour d’autres, la réalité pourrait aisément dépasser les prévisions. Ainsi, dans le délai du sursis, tous les créanciers de la banque, à l’exception d’un très petit nombre qui, liés d’intérêts à elle, s’engagent à attendre, seraient payés, et tous les billets remboursés sans qu’on exigeât des établissements industriels, débiteurs de la banque, des restitutions qui pourraient embarrasser leur situation.
L’intérêt de la classe ouvrière étant une des principales considérations qui ont pu engager le gouvernement à vous proposer le projet de loi, la commission a dû s’enquérir si les sociétés formées sous le patronage de la banque de Belgique pourraient, à l’aide d’un pareil arrangement, continuer leurs travaux ; en d’autres termes, s’il leur suffisait que la banque n’usât pas de rigueur à leur égard comme créancière et si de nouvelles avances ne leur étaient pas indispensables. Le conseil d’administration de la banque nous a fait la déclaration verbale et écrite, que l’avenir des sociétés était assuré, pourvu qu’on pût payer aux unes le montant de leurs créances dans un temps plus ou moins rapproché, et accorder aux autres la faculté de rembourser leur dette par annuité. Ce conseil nous a communiqué en même temps le résultat d’une séance du 22 de ce mois, à laquelle toutes les sociétés étaient représentées par leur directeur et un ou plusieurs administrateurs ; d’après cette pièce les sociétés déclarent pouvoir toutes se passer d’avances ultérieures, à l’exception de deux ou trois d’entr’elles qui d’ailleurs peuvent ou aliéner, ou donner hypothèque, ou aviser à d’autres moyens de subvenir à tout ou partie de ses besoins. Dans tous les cas, les avances nécessaires ne s’élèveraient pas à une somme à laquelle il fût impossible de faire face au moyen du prêt proposé.
La commission, ayant fait ainsi tout ce que le temps a permis pour s’assurer de l’effet utile de la loi, a vu d’ailleurs qu’après cette liquidation partielle, la créance du gouvernement serait suffisamment garantie par l’actif de l’établissement et par les mesures d’exécution que le gouvernement sera autorité à prendre ; elle a l’honneur de vous proposer, à l’unanimité, l’adoption du projet de loi présenté, avec la rectification d’une erreur de chiffre et un simple changement de rédaction qui a pour but de préciser le sens de l’article premier, modifications auxquelles M. le ministre des finances s’est rallié.
M. le ministre des finances nous a donné communication des principales conditions auxquelles il lui parait que doit être subordonnée, par le gouvernement, l’exécution de la loi ; la commission, bien qu’elle n’ait aucune mission de délibérer sur des mesures d’exécution, a cru ne pas sortir des bornes de la mission de confiance qui lui était donnée, en communiquant à M. le ministre quelques observations que l’examen de ces conditions lui avait suggérées.
La commission n’a pas cru devoir vous proposer d’ajouter à un projet de loi tout spécial des mesures d’une portée plus étendue ; mais elle croit que la circonstance qui a donné lieu à la présentation du projet de loi doit avoir pour résultat d’appeler l’attention sérieuse du gouvernement et des chambres sur les précautions que nécessitent la création des sociétés par actions et l’émission des billets de banque.
Il est, messieurs, une considération sur laquelle M. le ministre des finances, et surtout les commissaires délégués par les créanciers de la banque, ont vivement insisté auprès de nous, c’est qu’une grande partie de l’efficacité de la mesure proposée consistera dans la promptitude de son adoption. De notre côté, nous vous demandons une discussion aussi rapprochée que possible.
Nous croyons devoir vous prévenir, messieurs, que tous les membres de la commission, jugeant qu’en pareille matière une discussion improvisée peut à tout instant se porter sur le terrain des noms propres et du crédit de tels ou tels établissements industriels, que l’effet d’une allégation même erronée, partie de cette enceinte peut suffire pour compromettre des réputations commerciales, ont résolu de réclamer, d’accord avec M. le ministre et conformément au règlement de la chambre, le comité secret pour cette discussion. La chambre se trouvera aussi de cette manière en meilleure position pour demander à M. le ministre des finances les renseignements qu’elle croirait nécessaires.
La commission propose de rédiger le projet de loi comme suit :
« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un crédit de deux millions six cent mille francs, qui sera employé à faciliter le paiement des billets et créances exigibles à charge de la société anonyme dite banque de Belgique.
« Cette somme sera comptée au fut et à mesure des besoins, à titre de prêt audit établissement, soit en bons du trésor, soit en numéraire, moyennant intérêt à 5 p.c.
« Art. 2. Il est également ouvert au gouvernement un crédit de quatorze cent mille francs, à l’effet de solder, pour compte de la même société et moyennant sa garantie, les sommes qui seront réclamées par les personnes qui ont déposé des fonds aux caisses d’épargne instituées par ledit établissement ; ce deuxième prêt sera également productif de 5 p.c. d’intérêt.
« Art. 3. Le gouvernement règlera les conditions propres à assurer le meilleur emploi desdites somme, et il stipulera le temps et les garanties nécessaires pour leurs recouvrements.
« Art. 4. Pour faire face aux crédits susmentionnés, le gouvernement est à créer des bons du trésor jusqu’à concurrence d’une somme de quatre millions, aux conditions déterminées par la loi du 16 février 1833, n°157. »
Plusieurs membres – La discussion immédiate !
M. Lardinois – Il faut au moins que l’on ait le temps d’imprimer le rapport et de le distribuer ; nous ne le connaissons pas.
M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Vous aurez vu, par la fin du rapport de la commission que, de commun accord avec elle, nous demandons le comité secret pour procéder à l’examen de la grave question sur laquelle on vient de présenter le rapport. Je pense que, vu l’urgence, il y a lieu de nous former immédiatement en comité secret. Si, par suite des débats qui y naîtront, on juge qu’il faut renvoyer la délibération à un autre jour, ce que je ne crois pas qui puisse arriver, alors l’ajournement sera ordonné en connaissance de cause.
M. Lardinois – Il y a vraiment lieu de s’étonner de la proposition qui nous est faite et par la commission nommé par le bureau et par le ministre des finances. On veut discuter immédiatement un projet de loi dont la gravité et l’importance sont connues ; est-ce là une chose possible ? Vous venez d’entendre lecture du rapport ; vous avez pu juger de son étendue et de la hauteur des questions qu’il soulève ; nous devons l’examiner avec une certaine maturité ; nous avons besoin de compulser les pièces communiquées à la commission, afin d’en tirer des déductions ; il s’agit d’une loi qui pourrait être fatale au pays et à quelques hommes. Je demande l’impression du rapport, et sa discussion à demain si l’on veut une prompte discussion.
On veut que le projet soit discuté en comité secret ; je crois, messieurs…
M. Devaux – Vous ne pouvez vous y opposer.
M. le président – Quand 10 membres demandent le comité secret, il n’est au pouvoir de personne de l’empêcher.
M. Lardinois – Comment, il n’y aurait pas d’observation à faire sur le comité secret, quand il s’agit d’un projet qui peut exposer le trésor public, quand le crédit commercial et industriel réclame une discussion publique.
M. le président – Vous ne pouvez pas discuter contre la loi fondamentale.
M. Lardinois – La commission n’était composée que de 9 membres.
M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Le ministre fait 10.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Ce sera dans le sein du comité secret, lorsque l’on aura entendu les motifs que la commission n’a pas pu exposer publiquement, que l’on jugera s’il faut renvoyer la discussion à demain ; actuellement on ne peut décider si cette discussion doit être immédiate ou ajournée ; on ne peut que donner suite à la proposition faite par la commission et par M. le ministre des finances, et nous constituer en comité secret.
M. Lardinois – Ma proposition est d’imprimer le rapport aujourd’hui, et de discuter demain.
M. A. Rodenbach – Je ne m’oppose pas au comité secret ; mais en comité secret, comme en séance publique, je m’opposerai à ce que l’on discute immédiatement une proposition aussi grave. Il s’agit de quatre millions ; en définitive, qui les paiera ? Le peuple. Avant de le charger encore, je demande que nous ayons le temps de lire le rapport, et l’ajournement à demain.
M. de Puydt – Je m’étonne vraiment, messieurs, qu’on invoque la gravité de la question pour s’opposer la discussion immédiate ; c’est précisément parce que la question est grave qu’il faut l’aborder sans le moindre retard ; il ne s’agit pas de l’intérêt de quelques particuliers, il s’agit du crédit public, et nous devons nous féliciter de ce que l’interruption des paiements de la banque de Belgique n’ait pas encore entraîné des faillites d’établissements particuliers ; mais ce dont nous avons à nous féliciter jusqu’ici, ne durerait peut-être pas toujours ; nous sommes à la fin de l’année, et chacun sait qu’à cette époque il y a toujours plus ou moins de gêne dans le commerce, même en temps ordinaires ; nous n’avons donc pas de moments à perdre si nous voulons que la catastrophe dont il s’agit n’entraîne pas de malheurs.
M. Lardinois – Messieurs, je trouve l’observation de l’honorable préopinant assez singulière : quoi ! lorsqu’une question est grave, c’est un motif pour la discuter tout de suite ! On dit qu’il s’agit du crédit public : eh bien, moi, je dis que le crédit public n’est nullement affecté par la chute de la banque de Belgique : le crédit public ne dépend pas d’un pareil établissement, il est fondé sur des bases beaucoup plus solides. Ce qui est affecté, messieurs, et ce qui réclame une discussion publique, c’est le crédit commercial et industriel ; je dis qu’il réclame une discussion publique, parce que c’est le seul moyen de ramener la confiance, c’est d’éclairer la question, c’est de la discuter au grand jour.
M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Il me paraît, messieurs, que du moment où le comité secret est demandé par 10 membres, il faut, aux termes du règlement, qu’il ait lieu immédiatement ; je demande que le règlement soit exécuté ; la chambre, après cela, jugera dans sa sagesse si la séance doit être reprise en public
M. le président – Il s’agit de savoir si le comité secret aura lieu immédiatement ; on a demandé l’ajournement à demain.
M. Gendebien – La seule question dont il s’agisse en ce moment, c’est celle de savoir si l’on se fermera en comité secret ; toutes es autres doivent rester ouvertes, même la question d’ajournement.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il est bien entendu que la question d’ajournement sera discutée dans le comité secret.
M. le président – La chambre se forme en comité secret.
- La séance publique est reprise à 5 heures et demie.
Les différents articles sont successivement mis aux voix et adoptés.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet qui est adopté à l’unanimité par les 56 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Brabant, Coghen, Corneli, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode,W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Lecreps, Lejeune, Meeus, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirson, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Smits, Trentesaux, Vandenhove, Verdussen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude et Raikem.
M. Lardinois – Personne plus que moi n’apprécie les vues généreuses et l’intention respectable qui ont dicté le projet de loi, il avait donc mon assentiment sous ce rapport ; mais comme la chambre a décidé l’urgence, que je n’ai pas eu le temps de consulter ni le rapport, ni les renseignements produits en comité secret, je ne suis pas à même de donner un vote avec une conviction intime, et je crains d’ailleurs que le gouvernement ne soit entraîné plus loin qu’il ne le croit, et que les résultats de loi ne soient funestes au trésor.
M. Manilius – Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Pirmez – Je me suis abstenu parce que je croyais les quatre millions nécessaires pour relever le crédit public, mais les raisons que j’ai données dans le comité secret, et que je ne peux dire en public, m’ont empêché de voter pour la loi ; j’espère que MM. les ministres éviteront l’écueil que j’ai signalé.
M. A. Rodenbach – Je me suis abstenu parce que je crois que la garantie donnée par la banque de Belgique n’est qu’une garantie morale, tandis qu’il faudrait une garantie matérielle. Dans toutes autres circonstances politiques j’aurais voté contre la loi.
M. Ullens – Je n’ai pas voulu voter contre la loi parce qu’il est juste et raisonnable que le gouvernement intervienne pour la caisse d’épargne qui est le trésor des malheureux, mais je n’ai pas pu donner un vote approbatif pour la somme de 2,600,000 francs destinée à faciliter les paiements des billets et créances exigibles à charge de la banque de Belgique, de crainte de poser un antécédent dangereux ; dans cette position j’ai dû m’abstenir.
- Sur la demande de M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères, le projet de loi sur les céréales est mis à l’ordre du jour avec les différents projets qui s’y trouvent déjà. La chambre prononcera ultérieurement sur la priorité.
La séance est levée à 6 heures moins un quart.