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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 13 avril 1835

(Moniteur belge n°104 du 14 avril 1835 et Moniteur belge n°105 du 15 avril 1835)

(Moniteur belge n°104 du 14 avril 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les membres des conseils communaux et les principaux habitants des communes du canton de Bilsen demandent la construction d’une route se dirigeant de la ville de Tongres par Bilsen vers Maeseyk. »

« Le sieur P.-J. Vonnèche, premier assesseur de la commune de Celle, demande qu’il soit adopté une loi qui punisse la lacération des affiches des publications de mariage et des avis annonçant l’adjudication des travaux publics. »

« Les directeurs des polders de Borgerwert (St-Nicolas) demandent que la chambre adopte une loi qui permette au ministre de l’intérieur d’indemniser les propriétaires de ce polder. »

« L’administration communale de Luignes (Hainaut) propose des modifications aux lois sur la milice. »

« Le barreau de Mons adhère à la réclamation faite par le tribunal de cette ville tendante à obtenir une augmentation du personnel et à être placé dans la première classe. »

« Le bourgmestre de Moerzeke (Termonde) propose diverses modifications à la loi sur le jury. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.

Projet de loi relatif à l'instruction publique

Rapport de la section centrale

M. Dechamps, rapporteur, dépose sur le bureau son travail sur le projet de loi relatif à l’instruction publique.

- La chambre déterminera le jour où elle s’occupera de cette loi après les vacances de Pâques.

Motion d'ordre

Expulsion d'un étranger

M. Gendebien demande la parole pour une motion. - J’ai reçu, dit cet honorable membre, pendant la séance de samedi dernier, une lettre d’un réfugié italien ; je l’ai aussitôt communiquée aux ministres de l’intérieur et de la justice.

Le ministre de la justice a dit, à la fin de la séance, qu’il prendrait des informations. Je crois ne pouvoir me dispenser de donner lecture à la chambre de cette lettre qui n’est pas longue, et j’espère que les ministres donneront des explications.

« Monsieur,

« Un malheureux réfugié italien, réduit au désespoir, s’adresse à vous, homme et représentant du peuple, pour obtenir justice et pitié. Peu de mots suffiront pour vous faire connaître que je ne suis indigne ni de l’une ni de l’autre. Je n’énoncerai que des faits, vous ferez les réflexions.

« Agé de moins de 50 ans, fils d’un négociant estimé de Turin, je pris part aux efforts infructueux qui furent faits en 1831 pour délivrer l’Italie du joug autrichien. Obligé de m’exiler, réfugié en France, j’appris qu’une nouvelle tentative dans le même but se préparait en Suisse, et je me mis en route pour ce pays. Vous connaissez le résultat de cette tentative, vous savez aussi que le retour en France fut interdit à tous les réfugiés italiens ou polonais qui avaient quitté leurs dépôts pour y prendre part. On se battait encore alors en Portugal, les uns pour la liberté, disait-on, les autres pour le despotisme ; je résolus d’aller chercher un asile dans les rangs de la première ; mais, en arrivant, je trouvai la lutte terminée, Dieu sait en faveur de qui ! et je dus m’estimer heureux d’obtenir de M. le colonel Lecharlier, présentement à Bruxelles, une place gratuite sur le bâtiment qui ramenait la légion belge qu’il commandait.

Arrivé à Bruxelles, j’y trouvai quelques compatriotes qui me secoururent et qui s’occupaient de me chercher un emploi quelconque (je n’aurais reculé devant aucun travail qui m’eût eu rien de déshonorant), quand M. l’administrateur de la police m’enjoignit de partir pour la France, sous peine, si je n’obéissais volontairement, d’y être conduit par la gendarmerie. Il fallut obéir : je devais trouver mon passeport à Mons, et je l’y trouvai effectivement ; mais c’était une cruelle dérision et déception que ce passeport, puisqu’il n’était pas garanti par la plus importante des formalités, par la signature de l’ambassadeur de France. Aussi, après huit jours d’efforts pour percer la frontière française, fus-je obligé de revenir à Bruxelles.

« Je m’occupai, dès en arrivant, de faire régulariser mon retour forcé et mon séjour en cette ville ; et à cet effet, des personnes qui s’intéressaient à moi présentèrent une note à M. le ministre de l’intérieur ou à celui de la justice, je ne puis me rappeler auquel, mais je sais que tous deux promirent de s’occuper avec intérêt de mon affaire, Il était trop tard : la veille de la présentation de cette note j’avais été arrêté et incarcéré ; le surlendemain je cheminais de nouveau sur la route de France, escorté par des gendarmes et enchaîné, moi troisième, avec un Allemand et un Français, sans avoir pu pendant les jours de mon incarcération communiquer avec mes amis et recevoir leurs secours. J’étais au secret.

« Il me fut aussi impossible que la première fois de pénétrer en France. Je pris le parti désespéré de tâcher de gagner la Suisse par la Prusse. Par Charleroy, Namur, Liége et Verviers, j’arrivai à Aix-la-Chapelle : là je fus arrêté, retenu plusieurs jours en prison ; puis ramené par des gendarmes à la frontière belge, mais sans être lié, comme un malfaiteur. Au contraire, en prison et en route on eut pour moi des égards que j’étais loin d’attendre des Prussiens et qui contrastaient singulièrement avec le traitement que m’avait fait subir la police belge. Après des peines et des fatigues inouïes, je rentrai enfin dans Bruxelles ; j’attends, caché dans un asile où je ne peux rester sans compromettre ceux qui me l’ont accordé, que l’on veuille bien décider de mon sort.

« Dans le dessein d’éviter le bruit, une esclandre parlementaire peut-être, qui nuit toujours plus qu’il ne sert aux solliciteurs, j’ai, par de bienfaisants intermédiaires, fait part à MM. les ministre de la justice et de l’intérieur de ma position. Je ne demandais qu’une tolérance de séjour provisoire pour attendre des secours de ma famille. On n’a pu en obtenir que des réponses tout à fait vagues. Dans cette extrémité, j’ai dû me résoudre à m’adresser à la chambre des représentants, par votre organe, monsieur, et la prier de vouloir bien interpeller les ministres pour savoir les motifs de l’acharnement de la police belge contre moi, et la prier aussi, la chambre, de vouloir bien interposer son influence, son autorité pour m’obtenir le permis de séjour provisoire dont j’ai besoin. Dès que j’aurai reçu les secours que je demanderai à ma famille, quand je saurai si je peux donner une adresse où les recevoir et les attendre, j’irai chercher une terre plus hospitalière, ce qui ne doit pas être bien difficile à trouver.

« Bruxelles, 11 avril 1835.

« J’ai l’honneur de vous saluer,

« Charles Ladda. »

Messieurs, je n’ajouterai aucun commentaire à la lettre. Vous voyez que des démarches ont été faites près des ministres avant la première expulsion, qu’on en a fait depuis ; que samedi j’ai donné connaissance des lettres à deux ministres ; je n’ai pas reçu de réponse. Ce n’est qu’à toute extrémité, que j’ai rendu publiques les plaintes de cet honorable citoyen, dont nous partagerions le sort, si les efforts généreux de septembre n’avaient pas réussi et si les tentatives de mars avaient eu du succès. Je n’ajouterai pas un mot de plus ; je ne m’en sens pas capable.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Puisque l’honorable préopinant a fait intervenir mon nom dans les explications qu’il provoque, je dois déclarer que je n’ai aucune connaissance des faits rappelés dans la lettre dont on vient de donner lecture à la chambre. Une note a été remise concernant le sieur Lada ; je l’ai communiquée à mon honorable collègue le ministre de l’intérieur. Si la chambre veut des explications sur les faits allégués, c’est au ministre de l’intérieur qu’ils doivent être demandés.

M. de Brouckere. - Le ministre de l’intérieur viendra bientôt.

M. Jullien. - Je voudrais cependant savoir quelque chose de plus satisfaisant.

M. de Brouckere. - Quand le ministre de l’intérieur sera présent.

M. Jullien. - Eh bien, j’attendrai.

M. Gendebien. - Je voudrais que l’on avertît le ministre de l’intérieur ; il est au sénat. Il pourrait prétexter d’ignorance : je demande que l’on réclame sa présence.

M. le président. - D’après une décision de la chambre on peut inviter le ministre à se rendre en séance ; ou bien on peut l’avertir officieusement que sa présence serait utile.

M. Gendebien. - N’importe dans quelle forme on le prévienne, pourvu qu’il soit certain que le message arrivera.

Projets de loi modifiant les crédits inscrits au budget du ministère de la guerre

Présentation des cinq projets par le ministre de la guerre

M. le ministre de la guerre (M. Evain) monte à la tribune et donne lecture du rapport suivant. - Messieurs, des cinq projets de loi que j’ai présentés au nom du gouvernement, et qui ont été soumis à l’examen de votre commission, deux d’entre eux n’ont pour objet qu’une simple rectification d’erreurs de chiffres dans l’indication des chapitres des budgets de 1834 et de 1835, et ne peuvent, ainsi que la commission l’a reconnu, rencontrer aucune opposition à leur adoption.

Le troisième projet de loi est relatif à un transfert de 15,000 fr. que je proposais au budget de 1833, en prélevant cette somme sur deux articles qui présentaient cette somme disponible et sans emploi, et en la reportant à un article dont la dépense avait dépassé son allocation.

La commission a pensé qu’il valait mieux ouvrir un crédit supplémentaire de cette somme, et je me suis rallié à cette proposition.

Cette allocation va me donner le moyen de clôturer définitivement le budget de 1833, sur lequel il restera disponible une somme de 75 à 80,000 fr.

Le quatrième projet de loi concerne le budget de l’exercice 1834 et a pour objet d’annuler au crédit de ce budget une somme de 2,140,000 fr. laissée sans emploi, et d’ouvrir un crédit supplémentaire de 40,000 fr. pour quatre articles dont l’allocation a été dépassée de cette somme.

Le rapport de la commission vous a fait connaître, messieurs, les motifs qui justifient cet excédant de dépenses sur les quatre articles dont il est question, et a reconnu qu’il était juste d’accorder ce supplément de crédit.

Il est d’autant plus nécessaire de régulariser cet excédant de dépenses que la cour des comptes a suspendu la liquidation des dépensés de ces articles, jusqu’à ce qu’il fût intervenu des dispositions légales qui permissent d’admettre ces dépenses en liquidation définitive.

J’espère, messieurs, qu’au moyen de cette simple régularisation, le budget de l’exercice 1834 pourra être entièrement soldé avant le 1er juillet prochain, et sa liquidation définitive arrêtée avant la fin de l’année courante, époque à laquelle l’exercice sera clôturé.

Le cinquième et dernier projet de loi est relatif au budget de l’exercice 1835, pour lequel j’ai demandé, en forme de compensation de la somme de 2,100,000 fr. définitivement annulée sur le budget de l’exercice précédent, un supplément de crédit de 1,640,000 fr. pour des dépenses qui n’avaient pas été prévues, ou du moins qui n’avaient pas été portées au budget réduit et tel qu’il avait été présenté dans le courant de novembre dernier.

J’ai donné à ce sujet, dans le rapport que j’ai eu l’honneur de vous faire le 11 mars dernier, toutes les explications relatives à ce supplément de dépenses, et j’ai fourni depuis à la commission les nouveaux renseignements qu’elle m’a demandés. La commission a reconnu que ces dépenses étaient utiles et nécessaires, et vous en propose l’allocation.

Je conçois, messieurs, que ce mode de crédit supplémentaires, successivement renouvelés en 1833, 1834 et 1835, peut vous paraître irrégulier, et, comme vous, je désire vivement que cette demande soit la dernière de ce genre que j’aie à vous présenter.

Mais tant que nos rapports politiques ne seront pas fixés avec la Hollande ; tant que cette puissance conservera son armée organisée sur le pied de guerre, cantonnée ou campée sur nos frontières, nous devrons également nous tenir en mesure contre tout événement possible et ne rien négliger pour que notre armée soit prête, en tout temps, à répondre à l’espoir du pays et aux sacrifices qu’il fait pour son entretien.

La marche qui me paraît la plus rationnelle, tant que nous resterons dans notre situation politique actuelle, serait de diviser en deux parties le budget du département de la guerre pour chaque exercice.

La première partie, qui serait soumise et discutée avant l’ouverture de l’exercice, ne renfermerait que les dépenses de l’administration générale, du service de santé, du matériel de l’artillerie et du génie,et les dépenses fixes de l’armée calculées au minimum de l’effectif à conserver sous les armes.

La seconde partie du budget ne serait présentée qu’au mois de mars et comprendrait les suppléments de dépenses jugées nécessaires pour l’augmentation de l’effectif, les remontes, les camps, et le montant des dépenses extraordinaires proposées pour l’année.

Car c’est à cette époque que l’on peut être plus pertinemment informé des dépenses extraordinaires qui doivent être faites, et que l’on est conséquemment en mesure d’en apprécier la nécessité et d’en fixer le montant.

Ainsi, messieurs, disparaîtrait la nécessité où s’est trouvé le gouvernement de vous faire, après le vote du budget, des demandes successives de crédits supplémentaires, pour assurer les divers services de l’armée ; et telle est la marche qu’il se propose de suivre pour établir les demandes de fonds pour l’exercice 1836.

J’adhérerais volontiers à la proposition faite par la commission de former un chapitre spécial pour les 80,000 fr. qu’elle propose d’allouer sous le n° 7, et de donner le n°8 au chapitre des dépenses extraordinaires et imprévues, si nos dépenses des trois premiers mois de l’année n’étaient déjà inscrites sur les registres-journaux et le grand livre de l’exercice courant, et s’il n’en était déjà de même aux registres tenus au trésor et à la cour des comptes.

Toutes les pièces de dépenses et de paiements sont timbrées de l’indication du chapitre auquel elles se rapportent, et ce serait jeter une grande perturbation dans la tenue des écritures du ministère, du trésor et de la cour des comptes, que de changer, à l’époque où nous nous trouvons, l’indication d’un chapitre.

Pour remplir, autant qu’il est en moi, le vœu émis par la commission, j’ai l’honneur de vous proposer de faire de cette allocation de 80,000 fr. un article 2 et spécial du chapitre VII, ce qui revient parfaitement au même, puisqu’il est également défendu d’outrepasser les allocations des articles, aussi bien que celles des chapitres.

J’ai, messieurs, une dernière observation à vous présenter. Dans la somme de 600,000 fr. demandée pour le service des camps, celle de 330,000 fr. est destinée aux frais matériels de l’établissement des camps, c’est-à-dire aux achats de tentes, qui pourront servir plusieurs années ; aux constructions de cuisines, de baraques pour écuries ; aux creusements de puits, etc.

La somme restante de 270,000 francs est destinée à couvrir :

1° La dépense résultant du supplément de solde accordé aux troupes en marche pour se rendre aux camps et revenir dans leurs garnisons.

2° Le supplément de dépenses résultant de la distribution des vivres de campagne aux troupes campées.

Les troupes en marche sont logées et nourries chez l’habitant qui reçoit 74 c. d’indemnité ; mais cette dépense est compensée, jusqu’à concurrence de 28 c. :

1° Par la retenue de 21 centimes qu’on exerce sur la solde des officiers et soldats.

2° Par le montant de la masse de pain de garnison, 13 centimes, à laquelle ils n’ont pas droit, lorsqu’ils sont en marche.

3° Par le montant de la masse de casernement, 4 centimes qui n’est pas allouée aux revues.

Ainsi l’excédant de dépense se réduit à 36 centimes par homme et par jour ; ce qui fait, d’après les calculs que j’ai établis et que j’ai fournis à la commission, la somme totale de fr. 72,324.

Les mêmes retenues ont lieu pour les troupes campées, et en supposant qu’on obtienne la ration des vivres de campagne au taux que j’ai fixé, l’excédant de dépense ne sera que de la somme de fr. 198,657

Faisant ensemble la somme totale de fr. 270,981.

Mais c’est au moyen des compensations établies, et de même que, lors du règlement du budget, il faut opérer un revirement semblable à celui qui vous fut proposé par l’honorable M. Brabant.

Ainsi, messieurs, pour compléter la mesure proposée, il faut diminuer les articles de la solde, de la masse du pain et de celle du casernement, du montant des sommes qui entrent en compensation avec la dépense des journées de marche et de séjour aux camps, afin d’enregistrer la totalité à l’article 16 de la troisième section du chapitre II, intitulé : Dépenses des cantonnements et des camps.

D’après ces explications, j’ai l’honneur de vous proposer, par forme d’amendement, une nouvelle rédaction de l’article 2 de ce projet de loi, et l’addition d’un troisième article.

L’article premier reste le même que dans le projet de la commission ; il est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le budget des dépenses du département de la guerre pour l’exercice 1835, fixé, par la loi du 31 décembre 1834, à la somme de 39,868,000 fr., est porté celle de 41,508,000 fr., par suite du crédit supplémentaire de 1,640,000 fr. accordé par la présente loi. »

« Art. 2. Cette somme de 1,600,000 fr. est répartie aux chapitres et articles ci-après indiqués :

« 600,000 fr. pour dépenses des camps à l’article 16 de la troisième section du chapitre II (Camps et cantonnements).

« 400,00 pour achats de chevaux de remonte, dont la dépense formera l’article 17 de la troisième section du chapitre II (Remontes).

« 560,000 pour travaux de fortifications à porter à l’article 2 du chapitre premier. (Matériel du génie).

« 80.000 pour indemnités temporaires, frais de représentation, frais de route et de séjour, formant l’article 2 du chapitre VII. »

« Art. 3. Le ministre de la guerre est autorisé à transférer à l’article 16 de la section 3 du chapitre II une somme de 762,000 francs, qui sera prélevée sur les articles suivants du budget, savoir :

« Chapitre II, section deuxième, article 2. Solde de l’infanterie, fr. 421,000

« Chapitre II, section troisième, article 6. Masse de casernement, fr. 80,000.

« Total, fr. 762,000. »

Cet article additionnel est réellement nécessaire pour me permettre de diminuer d’autant les allocations des dépenses aux trois articles indiqués, et pour en reporter le montant à celui qui doit supporter la totalité des dépenses résultant du cantonnement et du campement des troupes.

Le résultat des dépenses du premier trimestre de l’année que je viens de vérifier me donne que celles qui sont relatives à la solde des troupes et à leurs masses, sont toutes restées dans les limites fixées par le budget ; mais, en compulsant les registres de comptabilité, j’ai acquis la certitude que le nouveau mode adopté pour la classification de chacune des seize espèces de masses avait plus que triplé les écritures des registres-journaux, du grand-livre et des livres auxiliaires, et qu’il devait en être de même pour celles des intendants militaires, des payeurs, du trésor et de la cour des comptes.

L’administration intérieure des corps se ressent également de ce surcroît de besoin, et il deviendrait nécessaire d’augmenter le montant des frais de bureau si nous ne parvenons pas à simplifier la tenue des écritures.

C’est ce que je me propose de faire après l’expérience que nous donnera la gestion du premier semestre, tant pour le travail des revues trimestrielles, que pour celui de l’administration intérieure des corps de l’armée.

Je terminerai, messieurs, par vous donner l’assurance que, malgré ce surcroît de travail dans les bureaux d’administration et dans ceux des intendants militaires, l’ordre et la régularité s’y maintiennent, par un redoublement de zèle et d’assiduité.

Je suis actuellement en mesure de faire imprimer et distribuer aux chambres à l’époque du 1er mai prochain les comptes généraux et par corps de leur situation envers l’Etat pour trop perçu en 1831 et 1832, sur leur allocation, de la masse d’habillement, et du résultat des retenues et des versements volontaires qui ont mis les corps à même de s’acquitter de ce qu’ils redevaient à l’Etat.

Le montant de ces retenues et versements volontaires va être versé directement au trésor, et servira au complet de l’acquittement des dettes des corps envers l’Etat.

Je me rallie aux projets de loi que la section centrale vous a proposé, et je demande l’adoption de l’article additionnel que je présente.

M. de Brouckere. - Si j’ai bien compris M. le ministre de la guerre, il vient de proposer un article additionnel qui ne tend à rien moins qu’à demander un crédit de 700,000 francs. Ce ministre me fait un signe affirmatif ; mais je ne crois pas qu’il puisse nous faire discuter un pareil article, sans le soumettre aux investigations de la commission.

Je demande donc le renvoi de l’article additionnel à la commission. (Appuyé ! appuyé !)

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je ne demande réellement pas un centime de plus : il ne s’agit que d’un simple revirement de fonds, d’un transport devenu nécessaire depuis l’article introduit sur la proposition de M. Brabant, en décembre 1834, dans le budget de la guerre, et par lequel on a scindé toutes les masses relatives à la solde. Si la chambre se rappelle les motifs sur lesquels la proposition de M. Brabant était appuyée, elle n’aura pas besoin d’autres explications.

M. Jullien. - Rien n’est plus difficile à apprécier qu’une question de chiffres ; pour moi, je suis hors d’état de la voter maintenant, et j’appuie la demande faite par M. de Brouckere de renvoyer l’article additionnel à la commission.

M. de Puydt. - Il est très vrai de dire que l’article additionnel n’est pas relatif à un supplément de dépense. Il s’agit véritablement d’une transposition de chiffres. Cependant, quelque convaincu que je sois de l’exactitude de la demande, je crois qu’il est utile de renvoyer la demande à la commission, en la priant de faire un prompt rapport. (Aux voix ! aux voix !)

- M. Duvivier, vice-président, monte momentanément au fauteuil.

M. A. Rodenbach. - Il me semble qu’avec ces transferts d’un article à l’autre, on enfle beaucoup le budget de la guerre. Nous ne pouvons voter aujourd’hui sur ce chiffre de 700,000 fr. On nous demande en outre 80,000 fr. pour frais de représentation à MM. les généraux, et on les prend sur les dépenses imprévues ; cette manière de procéder ne me paraît pas bien régulière. Je voudrais que la commission examinât attentivement ces deux articles de la loi présentée.

M. Verdussen. - J’appuie tout à fait la proposition faite par M. de Brouckere. Il est impossible de saisir l’exactitude de détails qui ont des chiffres pour base ; cependant il est quatre projets que l’on pourrait discuter actuellement.

- M. Raikem remonte au fauteuil.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Des cinq projets que j’ai présentés, quatre ne présentent aucune difficulté. Le cinquième est relatif à un transfert sur le budget de 1835 ; la commission en comprendra facilement le mécanisme, et je demande moi-même, puisque l’on insiste, que le renvoi ait lieu.

La commission comprendra facilement les explications que j’ai à lui donner, et elle aura la preuve qu’il ne s’agit pas d’augmenter le budget d’un centime.

- La proposition faite par M. Verdussen de voter sur quatre des projets présentés par le ministre de la guerre est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi qui ouvre un crédit supplémentaire au budget de la guerre pour 1835

Vote de l'article unique et vote sur l'ensemble

M. le président. - Le premier projet présenté par M. le ministre de la guerre est ainsi conçu :

« Art. unique. La somme de 929,290 francs que le ministre de la guerre a été autorisé, par la loi du 31 décembre 1834, à transférer à l’article 16 de la section 3 du chapitre II du budget de l’exercice 1835, sera prise sur les articles 2, 3, 4 et 5 de la deuxième section, et sur les articles premier et 6 de la troisième section du même chapitre, savoir :

« Chapitre II, section 2.

« Art. 2. Solde d’infanterie, fr. 260,610

« Art. 3. Solde de cavalerie, fr. 107,310

« Art. 4. Solde de l’artillerie, fr. 107,310

« Art. 5. Solde du génie, fr. 38,325

« Section 5.

« Art. 1er. Masse de pain, fr. 317,915

« Art. 6. Casernement, fr. 97,820.

« Total, fr. 929,290. »

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Ce projet est absolument identique à celui que nous avons renvoyé à la commission.

- Le projet mis aux voix est adopté sans débat.

Soumis à l’appel nominal, il est adopté à l’unanimité des 58 membres présents.

Il sera transmis au sénat.

Projet de loi qui ratifie une loi antérieure sur le budget de la guerre de 1834

Vote de l'article unique et sur l'ensemble

M. le président. - Le deuxième projet est ainsi conçu :

« Article unique. La somme de trente mille francs, indiquée par erreur de chiffre à l’article 4 de la loi du 15 août 1834, n°635, comme devant être reportée au chapitre IV du budget du département de la guerre pour l’exercice 1834, est reportée au chapitre VII du budget susmentionné, auquel elle était primitivement destinée. »

- Ce projet ne donne lieu à aucune discussion et est adopté à l’appel nominal par les 56 membres présents.

Projet de loi qui autorise un transfert de crédit au budget de la guerre de 1835

Vote de l'article unique et sur l'ensemble

Le troisième projet de loi, modifié par la commission, est mis aux voix par appel nominal et est adopté par une majorité de 58 membres présents.

Projet de loi qui réduit de 2,140,000 fr. le budget de la guerre de 1834

Discussion des articles

M. le ministre de la guerre (M. Evain) propose à l’assemblée la discussion immédiate du quatrième projet.

Article premier

- L’assemblée décide qu’il y a lieu de passer immédiatement à la discussion de ce projet dont l’article premier est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le budget des dépenses du département de la guerre, pour l’année 1834, qui a été fixé par la loi du 15 août 1834 à la somme de 45,080,000 francs, est réduit à celle de 42,980,000 francs. »

M. Verdussen. - Je ferai observer que l’article premier ne concorde pas avec l’article 2. Par l’article 2, il est défalqué du budget de 1834, c’est-à-dire d’une somme de fr. 45,080,000, une somme de fr. 2,140,000. Il reste donc fr. 42.940,000 et non pas fr. 42,980,000, comme le porte le projet.

Je désirerais savoir d’où provient cette différence.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Elle résulte de l’allocation de 40,000 fr. qui est portée à l’article 3.

M. Verdussen. - Il serait plus logique de retrancher de l’article 2 les mots « en conséquence. »

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je consens volontiers à ce retranchement,

- L’article premier est adopté.

Article 2

M. le président. - L’article 2 est ainsi conçu :

« Il sera annulé une somme de 2,140,000 fr,, sur les crédits ouverts, aux articles ci-après indiqués, savoir :

« 18,000 sur l’article premier du chapitre II.

« 7,000 sur l’article 2.

« 4,000 sur l’article 3.

« 26,000 sur l’article 4.

« 512,000 sur l’article 6.

« 280,000 sur l’article 8.

« 940,000 sur l’article 9.

« 18,000 sur l’article 10.

« 48,000 sur l’article 3 du chapitre IV.

« 55,000 sur l’art. 4.

« 52,000 sur l’article unique du chapitre V.

« 35,000 sur l’article 2 du chapitre X.

« 78,000 sur l’article 3.

« 75,000 sur l’article 4.

« Total, fr. 2,140,000. »

- Il est mis aux voix et adopté.

Article 3

M. le président. - L’article 3 est ainsi conçu :

« Il est ouvert un supplément de crédit de la somme de 40,000 fr. aux quatre articles ci-après désignés du même budget :

« 2,000 fr. à l’article 5 du chapitre II.

« 36,000 à l’article 7.

« 400 à l’article 2 du chapitre VIII.

« 1,600 à l’article premier du chapitre X.

« Total, fr. 40,000. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Vote sur l'ensemble

L’ensemble du projet est adopté par l’unanimité des 64 membres qui ont répondu à l’appel nominal.

Projet de loi qui augmente de 1,560,000 fr. le budget de la guerre pour l’exercice 1835

Discussion générale

(Moniteur belge n°105 du 15 avril 1835) M. de Puydt. - Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajourner la discussion du cinquième projet. Le crédit supplémentaire que demande M. le ministre de la guerre ne pourra être imputé sur les mêmes fonds que celui qui fait l’objet de ce cinquième projet. Je ne pense pas que l’intention de M. le ministre soit de prélever le crédit qu’il demande sur l’exercice 1834. Comme la commission a été saisie d’une demande de crédit relative à l’exercice 1834, si on lui renvoie l’article nouveau de M. le ministre de la guerre, elle ne modifiera rien aux articles précédents. Il serait donc convenable de discuter immédiatement, sauf pour M. le ministre de la guerre à faire de son article additionnel un sixième projet séparé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est à remarquer en effet que l’article 3 du cinquième projet est indépendant des articles qui précèdent. Le nouvel article proposé par M. le ministre de la guerre consiste en un arrangement nouveau de crédits alloués à son budget pour l’exercice 1835. M. le ministre de la guerre devrait retirer son amendement (et je sais que son intention est de le faire) et en faire l’objet d’un projet spécial qui sera renvoyé à l’examen de la commission, comme la chambre l’a déjà décidé. Je suis donc d’avis comme l’honorable M. de Puydt qu’il y a lieu de discuter immédiatement le cinquième projet consistant en deux articles.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai été porté à présenter mon article additionnel par un désir de régularité. Cette mesure d’ordre est indépendante des deux premiers articles du sixième projet. Il sera toujours temps dans le courant de l’année de voter cet article additionnel, dont je ferai connaître l’indispensable nécessité lorsque la question sera soumise à la chambre.

Je déclare retirer mon amendement et me proposer d’en faire un projet séparé.

M. Jullien. - Je crois que beaucoup de personnes seront dans le même cas que moi. Il me serait impossible de saisir l’ensemble des cinq projets de loi présentés par M. le ministre de la guerre et surtout des éléments qui composent ce cinquième projet. Je me souviens bien que lorsque l’on a proposé d’ajourner la discussion de l’article additionnel présenté par M. le ministre de la guerre, on disait qu’il n’affectait en rien le quatrième projet.

Il semblait hors de doute que tout au moins le cinquième projet avait une liaison immédiate avec le sixième. J’appuyai M. le ministre de la guerre lui-même lorsqu’il s’est expliqué sur la convenance de discuter le quatrième projet, parce qu’il était lié au sixième. Mais il semble qu’il faudrait que le cinquième et le sixième fussent renvoyés à la commission. Avant de donner mon assentiment à ce que ce projet soit discuté immédiatement, je prendrai la liberté de demander à M. le ministre de la guerre si ce cinquième projet a quelque analogie avec le sixièème. Je voudrais savoir à quoi m’en tenir.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il n’y a que cinq projets ; les trois premiers n’ont d’autre objet que des rectifications d’erreurs de chiffres, et un transfert de 15,000 francs d’un article à l’autre ; le quatrième était relatif à l’annulation de 2,140,000 francs, et à un supplément de crédit de 40,000 francs. Ce que la chambre a voté consiste donc à annuler 2,140,000 francs et à m’accorder 40,000 francs.

Le cinquième projet consiste en deux articles tels qu’ils sont présentés par la commission. Le premier porte qu’il y aura un crédit supplémentaire de 1,640,000 francs ; et le second indique la répartition de cette somme. J’avais cru devoir par mesure d’ordre seulement ajouter un troisième article à ce projet pour faire opérer le revirement qui en est la conséquence. Mais je crois que je serai encore à temps, dans deux ou trois mois, de proposer l’adoption de cette mesure, et j’ai retiré ce troisième article du projet ; restent donc les deux seuls articles de la commission, et c’est sur ce projet de loi que je prie la chambre de prendre une délibération.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je remarque qu’il a échappé à M. le ministre de la guerre de répondre à l’honorable M. Jullien, qui désirait savoir si la somme de 80,000 fr. destinée aux émoluments extraordinaires des officiers-généraux de l’armée était portée dans le projet dont on demande actuellement la discussion sur ce point, je répondrai affirmativement. Ainsi que vient de vous le dire M. le ministre de la guerre, c’est seulement maintenant que nous sommes arrivés au projet où l’on vous demande de nouveaux crédits car, comme il vous l’a fait observer jusqu’à présent, il n’a été voté que des transpositions de chiffres et une annulation de crédits montant à 2,140,000 fr. Nous sommes arrivés, dis-je au moment de savoir s’il faut majorer le budget de la guerre pour 1835, et dans cette majoration sollicitée se trouve comprise la somme que M. Jullien se propose de combattre.

Quant à l’article 3 présenté comme amendement et qui vient d’être retiré par M. le ministre de la guerre, ce n’est rien autre chose qu’une transposition de dépenses qui peut aussi bien se faire plus tard qu’aujourd’hui ; dès lors, cet article disparaissant je ne vois aucun motif qui s’oppose à la discussion du projet dont il s’agit ; car évidemment, si M. le ministre de la guerre n’avait pas présenté son article 3, personne n’eût songé à en retarder la discussion.

M. Verdussen. - Je ne doute aucunement que M. le ministre de la guerre n’ait été très fondé à faire cette demande, mais la chambre n’a pu saisir les raisons présentées sur une simple lecture, et il a été demandé un renvoi à la commission, pour mûrement examiner la question. Si l’amendement de M. le ministre de la guerre est rationnel et juste, je pense qu’il faut le comprendre dans la loi ; je demande donc encore le renvoi à la commission. On a remarqué dans le rapport de l’honorable M. de Puydt que ce n’était pas sur le budget de 1834 qu’on se proposait de prendre la somme de 600,000 fr., mais qu’il s’agissait d’un crédit nouveau. Si ce n’est pas un transfert d’un budget à un autre, je demande où sont les fonds auxquels M. le ministre fera face.

J’ai fait le relevé de toutes les dépenses et déjà le budget est dépassé de plus d’un million. Si la somme demandée devait encore y être ajoutée il y aurait près de 3 millions de déficit. Il faut y regarder à deux fois, et je pense qu’on ne saurait mettre trop de circonspection dans une circonstance pareille. Ainsi donc, je persiste à demander le renvoi à la commission.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La commission a examiné les deux seuls articles dont il s’agit en ce moment, et elle s’est convaincue, ainsi que l’honorable membre aurait pu le faire aussi par le rapport même de la commission, que la somme demandée n’était pas un transfert, mais une majoration réelle au budget de 1835.

L’honorable préopinant, abordant prématurément le fond, a demandé sur quelle ressource on pourra prendre la somme de 1,640,000 fr. Quand nous en serons arrivés à la discussion du projet, je dirai, si cela est nécessaire, comment le gouvernement se propose de faire face à cette dépense ; je ferai remarquer alors que ce n’est pas seulement 1,640,000 fr. qu’il faudra ajouter aux dépenses des budgets déjà votés, mais en outre trois millions et quatre cent mille francs demandés pour l’érection des forteresses, ce qui fera 5 millions de plus.

L’article 3, ainsi que je l’ai déjà répété, est indépendant des deux articles précédents, c’est une simple transposition qu’on sera toujours à temps de faire et qui est motivée, comme l’a déjà expliqué M. le ministre de la guerre, parce qu’il avait demandé des frais de cantonnement qui seront portés maintenant au titre des frais de campement, et parce que d’autres natures de dépenses encore devront être converties de la même façon.

J’oubliais de faire remarquer l’urgence de discuter ce projet immédiatement. Vous savez que la partie principale de cette somme de 1,640,000 fr. est destinée aux frais de remonte de la cavalerie ; c’est le moment de faire les achats de chevaux, et je pense que M. le ministre de la guerre a même déjà fixé l’époque de l’adjudication, dans la prévision que le crédit serait voté immédiatement par les chambres.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le président. - Je vais mettre aux voix si l’on s’occupera immédiatement de la discussion du cinquième projet.

- La chambre décide affirmativement la question.


La discussion est ouverte sur ce projet.

M. A. Rodenbach. - Je vois que maintenant on en revient au bon système, qui est celui d’établir des tentes pour l’exercice de notre armée. Je demande pourquoi on a fait la faute d’établir antérieurement des baraques qui, depuis, ont été vendues à vil prix. On aurait dû prévoir ce qui arriverait. Voilà plusieurs milliers de francs dans la poche des entrepreneurs.

Je demanderai à M. le ministre de la guerre si, comme il l’a annoncé, il a payé aux généraux de division 600 fr. et aux généraux de brigade 300 fr. pour frais de table. Il a pris ces fonds, dit-on, sur les dépenses imprévues ; il devrait les avoir pris sur le budget. Je désire qu’il s’explique catégoriquement là-dessus. Je crois que M. le ministre de la guerre a annoncé que les frais ne seraient pas payés quand il n’y aurait pas de droits. Comment fera-t-on disparaître les abus qui existent et qui sont nombreux ? Je demande donc une explication positive sur ce point.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il est vrai qu’en 1831 on commença à établir ce mode de campement ; qu’en 1832 et en 1833 on établit deux autres camps et qu’on a suivi le même mode employé au premier de construire des baraques ; cependant, le camp de Diest établi, le premier fut formé de planches tandis qu’on a employé pour les baraques des autres des revêtements en paille au lieu de planches jointives. Ces camps ont été établis à Schielde, à Beauwels et à Castiaux. Les deux premiers sont en assez bon état ; celui de Castiaux, qui avait été construit précipitamment, a été promptement détérioré, et on l’a vendu à vil prix, il est vrai.

Aujourd’hui j’ai jugé que comme notre position politique pouvait se prolonger, il était bien d’établir des tentes de la manière la plus convenable pour servir de camp d’instruction. J’ai donc passé des marchés éventuels pour les tentes, et j’ai pris des mesures pour qu’elles pussent durer longtemps.

Maintenant, pour en venir à l’indemnité des 600 fr. et 300 fr. pour les généraux de division et de brigade, je dirai que ces indemnités concernent non seulement les frais de représentation, mais encore les frais de table, de séjour et de voyage, attendu que ces officiers généraux n’ont droit à aucune indemnité dans les voyages où ils visitent et inspectent leurs troupes.

En France, cette indemnité est toujours accordée dans ce cas. Dans le royaume des Pays-Bas, cette indemnité était toujours accordée pour frais de table, de représentation et de voyage. J’ai cru devoir faire accorder ces indemnités sur les fonds des dépenses extraordinaires ; c’est sur ce chapitre que j’ai fait porter le paiement du premier trimestre de l’année courante, montant à 15,000 fr. environ. Comme je sais que cette indemnité a donné lieu des réclamations, j’ai pris des mesures pour les faire cesser, et j’ai en conséquence décidé que les généraux en congé ou absents de leur poste à l’armée n’auraient aucun droit à ces indemnités, qui ne seraient accordées qu’aux généraux résidant au centre des cantonnements de leurs troupes ou dans les quartiers-généraux qui leur sont assignés.

M. Jullien. - Il y a à peine quatre mois que nous avons voté le budget de, la guerre, et déjà on nous demande des crédits supplémentaires pour 1.640,000 fr. Cependant il est d’usage de ne recourir aux crédits supplémentaires que pour les dépenses qu’on n’avait pu prévoir ; voyons donc si celles dont il s’agit pouvaient ou non entrer dans les prévisions du chef du département de la guerre, et quelle est dans tous les cas la nécessité d’imposer cette nouvelle charge au pays.

On vous demande d’abord 600,000 fr. pour l’établissement de deux camps. Mais on devait savoir lors de la présentation du budget si on était dans l’intention d’établir ces camps ; et si on n’en a pas parlé, c’est sans doute que M. le ministre n’entrevoyait pas la nécessité de cette dépense. Je demanderai où est maintenant cette nécessité ? Jusqu’à une explication satisfaisante, je ne suis pas d’avis de tirer 600,000 fr. de la poche des contribuables pour établir des camps de plaisance.

Je ne connais pas de pays au monde plus assuré contre les chances de la guerre que celui-ci, et dans lequel on fasse plus de frais en parades militaires. Je ne vous parlerai pas du traité de novembre qui nous a déclarés neutres à perpétuité ; il est permis de douter maintenant de cette neutralité, mais on ne doute pas du moins de la convention du 21 mai entre la France, l’Angleterre et la Hollande, et d’après cette convention nous sommes tout à fait placés hors de l’état de guerre et à l’abri d’un coup de main, à moins qu’on ne veuille supposer que la Hollande veuille violer un traité aussi solennel en face des deux grandes puissances de l’Europe. Pourquoi donc cette dépense de 600,000 fr. pour des tentes ou des baraques qui ne serviront plus à rien après la saison ?

Au deuxième article, on demande 560,000 fr. pour fortifications ; je prie la chambre de faire attention qu’il y a à peine quinze jours, il a été proposé un projet de loi, où il est demandé 3,350,000 fr. pour fortifications projetées entre l’Escaut et la Meuse ; le plan a été renvoyé à une commission, dont j’ai l’honneur d’être membre.

Voilà une dépense pour fortifications qui la première année sera de trois millions passés ; et cette dépense devra s’élever d’année en année jusqu’à concurrence de vingt millions. Je voudrais savoir si ces 560,000 francs se lient au plan qui a été soumis à la commission.

Le troisième article est de 80,000 francs pour frais de table et de représentation. Ici, j’en appelle aux souvenirs de la chambre, et je vous avoue que pour cette allocation de 80,000 francs, j’admire la longanimité de M. le ministre de la guerre, car elle suppose, ou bien qu’il doit être convaincu que l’indemnité est nécessaire au bien-être du service, ou bien qu’il cède à des exigences qu’il devrait repousser : dans les sections aussi bien que dans l’assemblée générale, on s’est toujours prononcé contre cette allocation ; vous n’avez pas oublié sans doute toutes les observations qui ont été faites à cet égard, et qui se renouvelleront encore aujourd’hui.

En thèse générale, quand un fonctionnaire a de gros appointements, c’est avec ses propres moyens qu’il doit fournir sa table ; cette règle doit être commune à l’officier général comme à tout fonctionnaire public de l’ordre civil. La plupart du temps vous accordez à ces officiers généraux des vivres de campagne aux portes de la capitale et alors que vous êtes en pleine paix ; voilà deux tables. Maintenant on veut leur donner, aux uns 600 fr., aux autres 300 fr. par mois pour la représentation : voilà trois tables ; et lorsque les trois quarts et demi des contribuables ont peine à en dresser une seule pour eux et leur famille, n’est-ce pas, je vous le demande, la plus inexcusable des prodigalités ? Ajoutez à cela des fourrages accordés à des chevaux qui souvent n’existent pas, et vous aurez la mesure des sacrifices qu’on impose au pays sans nécessité.

Mais, dit-on, c’est une indemnité temporaire ; c’est sous ce nouveau nom qu’on prétend la faire passer. Mais si elle est maintenant temporaire, quand nous sommes dans le calme le plus plat, pourrait-on me dire dans quel temps elle cessera de l’être ? Est-ce quand on sera menacé de la guerre ou qu’on entrera en campagne, que vous pourrez la supprimer ? N’est-il pas à craindre, au contraire, qu’on ne vous propose de l’augmenter alors qu’elle sera devenue nécessaire, puisque vous l’accorderiez quand elle ne l’est pas ? Voilà, messieurs, comment on marche de prodigalité en prodigalité.

On dit qu’il est bon que les officiers généraux connaissent les officiers sous leurs ordres ; que c’est en les invitant souvent à dîner qu’ils peuvent apprécier leurs divers caractères ; qu’à table les rapports de confiance s’établissent : je sais cela, c’est l’histoire de tous les dîners. (On rit.)

Mais si cela est utile pour les officiers généraux, pourquoi ne demandez-vous pas une indemnisé pour les colonels ? Le colonel ne doit-il pas aussi connaître les officiers auxquels il commande afin de pouvoir maintenir cet esprit d’union et de fraternité qui doit exister dans les corps ? Pour un colonel, son régiment, c’est sa famille, et je vous déclare que si on ne démontre la nécessité d’une indemnité de cette nature pour un officier général, je suis prêt à la voter pour un colonel.

Je sais qu’il y a des officiers généraux qui se feraient honneur de cette indemnité, mais il y en a d’autres aussi qui n’y trouveraient que le moyen d’augmenter leurs riches économies ; or, sommes-nous appelés ici pour disposer ainsi des deniers publics ?

Si le ministre de la guerre parvient à me démontrer que les 80,000 fr. sont nécessaires au bien du service, je les voterai ; hors cela je les rejetterai.

M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion de l’honorable préopinant. Il faut démontrer la nécessité de ces 80,000 fr. avant de les accorder.

La moitié de toutes les recettes du trésor sont épuisées par l’armée. Quand le peuple se soumet aux plus grands sacrifices, les généraux devraient se contenter des traitements élevés qu’ils reçoivent. A quoi bon donner cette indemnité, quand on sait que des généraux ne font aucuns frais pour leur table, et n’y reçoivent personne ? Des colonels m’ont même dit qu’ils étaient obligés de donner à dîner aux généraux.

Je le répète, il faut que le ministre nous démontre l’utilité de la somme demandée.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je suis étranger aux fonds dont il s’agit ; mais si j’insiste chaque année pour les obtenir, c’est qu’ils sont utiles ; c’est d’ailleurs que les règlements les accordent d’une manière formelle. Ce sont les règlements de 1814 et de 1815 qui donnent aux généraux commandant les troupes réunies une indemnité de 600 francs à ceux qui commandent une division ; de 300 francs, à ceux qui commandent une brigade.

Quand des officiers commandent des divisions ou des brigades réunies, ils ont beaucoup de domestiques, beaucoup de chevaux ; ils sont souvent obligés de changer de quartiers-généraux, et alors leur traitement sur le pied de paix ne peut suffire.

L’utilité de cette allocation a été sentie par la commission, et elle vous l’a fait connaître dans son rapport. J’ai fait plusieurs fois connaître mes idées à cet égard. Quoiqu’il en soit, mon plus fort argument est tiré des règlements.

M. A. Rodenbach. - Mais ce sont les ministres qui font les règlements ; quand ils sont mauvais, les ministres peuvent en faire d’autres. Ce sont d’ailleurs les règlements de Guillaume que l’on invoque ; et je ne vois pas dans tout cela une démonstration de l’utilité des 80,000 francs.

M. F. de Mérode. - Pour voter la somme demandée, je ne me fonderai pas sur les règlements que je ne connais pas parfaitement ; mais je m’appuierai sur une considération d’un autre genre.

J’ai entendu dire à tous les généraux qui commandent des troupes réunies que c’est une chose nécessaire pour eux de se trouver dans des rapports familiers avec les officiers qui sont sous leurs ordres, que c’est là une des choses les plus utiles au service. S’il y a des généraux qui n’emploient pas les sommes qui leur sont allouées dans l’intérêt du service, c’est au ministre de la guerre à les obliger de remplir leurs devoirs. Il pourrait, par exemple, leur refuser l’indemnité. Mais parce qu’il y a des généraux qui ne font pas ce qu’ils doivent faire, s’ensuit-il qu’il faille priver les autres des sommes utiles au bien du service ?

La preuve que cette indemnité est utile, c’est qu’elle est accordée en Hollande, en Prusse, en France : pourquoi refuserions-nous un subside qui est accordé partout ? Ce serait là une économie misérable. C’est parce que nous dépensons des sommes considérables pour avoir une année, qu’il faut rendre les dépenses profitables ; plus l’armée coûte cher, plus il faut éviter de manquer le but pour lequel elle est formée.

- La chambre ferme la discussion générale.

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - Avant de délibérer sur l’article premier, il faut évidemment discuter les divers paragraphes de l’article 2. (Adhésion générale).

M. le président. - Le premier paragraphe de l’article 2 est ainsi conçu :

« 600,000 fr. pour dépenses de camps à l’article 16 de la troisième section du deuxième chapitre (cantonnements). »

M. le ministre de la guerre propose de dire ces mots : « camps et cantonnements. »

- Le premier paragraphe est adopté avec cette modification.


M. le président. - M. le ministre de la guerre propose la discussion du quatrième paragraphe avant celle des deuxième et troisième, Il est ainsi conçu :

« 400,000 fr. pour achat de chevaux de remonte dont la dépense formera l’article 17 de la troisième section du onzième chapitre (remontes). »

M. Nothomb. - J’ai lu dans le journal l’annonce d’une adjudication de 560 chevaux pour le 26 de ce mois, et j’y ai vu que les chevaux ardennais en sont exclus. Je suppose que M. le ministre de la guerre a des raisons très fortes pour motiver cette exclusion. Mais je désirerais qu’elles fussent connues. Cette exclusion a fait un très mauvais effet dans la province du Luxembourg. Nous avons reçu de nombreuses réclamations à cet égard. Je désirerais connaître les motifs de la décision de M. le ministre de la guerre et savoir s’il faut la considérer comme tellement générale qu’elle doive être appliquée à l’avenir dans toutes les circonstances semblables.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Il n’est question dans l’adjudication dont parle l’honorable M. Nothomb que d’acheter des chevaux pour la cavalerie. S’il s’était agi d’acheter des chevaux de trait, les provinces du Luxembourg, de Liège et de Namur, auraient fourni les chevaux de remonte.

En 1832, lorsqu’il fut question de faire une grande remonte pour la cavalerie, je fis passer des marchés pour l’achat de 600 chevaux des Ardennes pour les septièmes escadrons des régiments de chasseurs à cheval et des lanciers. Les rapports des inspecteurs de cavalerie et des chefs de corps s’accordèrent à les reconnaître propres à supporter la fatigue. Mais il fut reconnu qu’ils étaient de trop petite taille et d’une encolure telle qu’ils ne pouvaient être mis en rang. C’est ce qui fit qu’on les affecta à la remonte des septièmes escadrons qui servent aux transports de la correspondance. En 1833 il se présenta la nécessité de faire une remonte nouvelle. Il fut décidé que les chevaux seraient achetés en Danemarck.

En 1834, la même opération a eu lieu, et la même marche a été suivie.

Je sais bien que l’on a reconnu depuis que la race des chevaux ardennais s’était améliorée. Il s’est trouvé dans le Luxembourg des chevaux de taille pour notre cavalerie. Je me propose d’envoyer une personne sur les lieux, afin de voir s’il y a possibilité de faire des acquisitions.

Il faut que les chevaux aient tous la taille et la qualité voulues. Mais s’il est possible de le faire, j’y prêterai les mains ; je ne demande pas mieux.

M. Desmanet de Biesme. - J’engagerai certainement M. le ministre de la guerre à faire l’essai qu’il se propose de faire. Mais je sais qu’il ne sera pas possible de trouver dans le Luxembourg un grand nombre de chevaux propres au service de la cavalerie. Ils ont des défauts de conformation qui arrêteront la bonne volonté de M. le ministre. Mais, toutes les fois qu’on pourra en employer, j’engagerai M. le ministre à en saisir l’occasion. Ils ont sur les chevaux étrangers l’avantage d’être acclimatés. Cet avantage est très grand, puisque l’on peut voir, d’après la somme pétitionnée par M. le ministre, quelle mortalité il y a dans les chevaux de l’armée. J’ai fait des recherches sur la mortalité des chevaux du régiment des guides.

Je ferai remarquer à M. le ministre, abstraction faite de l’influence des locaux occupés par la cavalerie, que la mauvaise qualité des fourrages est une des principales causes de cette mortalité. Cependant, la récolte des foins qui s’est faite par un temps très sec l’année passée, rend impossible l’emploi de mauvais foin dans l’armée.

Il y a une autre raison. La ration de foin est trop forte : celle de paille ne l’est pas assez. L’on devrait exercer une grande sévérité dans le choix des fourrages. Car c’est de la qualité des fourrages que dépend le plus ou moins d’élévation du chiffre de la mortalité des chevaux de l’armée.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - 400,000 francs sont demandes pour l’achat de 720 chevaux de remonte. Le terme moyen de la perte annuelle des chevaux de cavalerie est d’un dixième. Il y a dans l’armée 9,000 chevaux de cavalerie. Nous sommes donc loin d’avoir atteint cette année la proportion moyenne. Notez bien que je ne fais pas entrer en ligne de compte les chevaux de trait attachés au service de l’artillerie et du train.

J’ai mis toute mon attention à faire surveiller la qualité des fourrages. Plusieurs fournisseurs qui se trouvaient en défaut ont été punis sévèrement. Lors de la passation du marché pour la fourniture des fourrages, pendant les six premiers mois de l’année, la paille était très rare. Comme on adjugea par nature de fourrage, la cherté de la paille aurait élevé hors de toute prévision la ration de fourrages. Ayant consulté des officiers de cavalerie, je décidai que la ration de paille serait diminuée d’un kilogramme et celle d’avoine augmentée d’un demi-kilogramme. J’ai obtenu ainsi une réduction de 11 cent. par ration. Mais malgré ce résultat la quantité de la ration de foin est restée invariable.

M. A. Rodenbach. - Il ne suffit pas que la qualité des fourrages soit bonne, il faut encore qu’il y ait la quantité. Je prie donc M. le ministre de la guerre de bien étudier les causes de la mortalité des chevaux dans notre armée.

Si c’étaient les particuliers qui eussent à les nourrir, il n’y aurait pas un seul cheval à réformer ; une telle différence provient sans aucun doute de l’insuffisance des rations données aux chevaux.

M. Watlet. - Comme mon honorable collègue M. Nothomb, j’ai été étonné de l’exclusion des chevaux des Ardennes prononcée par M. le ministre de la guerre, dans l’adjudication qui aura lieu le 26 de ce mois. J’en ai été d'autant plus étonné que lors de la discussion en section centrale du budget du département de la guerre, M. le ministre de la guerre, dont j’avais appelé l’attention sur cet objet, m’avait en quelque sorte promis qu’à la prochaine remonte l’exclusion des chevaux ardennais serait levée. Je dis à la prochaine remonte, car M. le ministre de la guerre ne croyait pas à cette époque qu’une remonte aurait lieu en 1835.

Aujourd’hui que M. le ministre a changé d’avis, ce n’est pas pour cette remonte-ci qu’il promet d’admettre les chevaux des Ardennes, mais il s’engage a en faire l’essai pour une remonte plus éloignée.

Il me semble que l’essai dont il parle a dû être fait depuis longtemps.

Dans les armées françaises, du temps de Napoléon, et il s’y connaissait un peu, c’était principalement les chevaux ardennais que l’on choisissait pour la cavalerie légère, et à tel point qu’on en excluait les autres. Les chevaux ardennais devaient être munis d’un certificat d’origine pour être admis en France.

Si je suis bien instruit, il y a deux raisons pour lesquelles on ne veut pas de chevaux ardennais, c’est qu’ils ont la tête mal faite et une vilaine encolure, et nos officiers-généraux veulent des chevaux de belle apparence ; si nos chevaux pêchent sur ce point, ils sont en revanche sobres et durs à la fatigue, et cela a tel point que presque tous les chevaux revenus de Russie étaient des chevaux ardennais ; les autres y étaient restés.

On devrait préférer la bonté à la beauté, car qu’importe un cheval fringant qui doit rester en route ! Une autre chose, c’est que les chevaux ardennais achetés il y a quelques années, étant entrés avec d’autres, quand il s’est agi de faire une grande manœuvre, les chevaux ne se trouvaient plus au pair : les uns étaient en avant, les autres en arrière. On devrait compléter les escadrons de chevaux ardennais ; alors ils ne seraient plus ni en avant, ni en arrière, ils seraient tous sur la même ligne. Il est vraiment déplorable de voir porter l’argent au dehors, et que la province du Luxembourg qui aucun débouché pour ses produits, soit encore frustrée de celui-là. J’insiste donc pour que M. le ministre de la guerre puisse prochainement faire droit à mes réclamations.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La question dont il s’agit, a été discutée au conseil des ministres, et là j’ai insisté autant qu’il était en moi pour que les chevaux du pays ne fussent pas exclus.

M. le ministre de la guerre nous a fait voir des rapports émanés des chefs de corps qui sont en opposition à l’admission des chevaux du pays et notamment des chevaux ardennais. Ces messieurs prétendent qu’introduire ces chevaux dans la cavalerie ce serait lui nuire, qu’il vaudrait même mieux ne pas l’augmenter.

On a formé en 1832 des escadrons d’éclaireurs tous montés de chevaux ardennais ; ces escadrons sont complets, il n’y a pas lieu d’en augmenter le nombre. Cependant, d’après les instances que j’ai faites auprès du ministre de la guerre, il m’a dit que dans le nombre des chevaux de chasseurs portés au détail à 160, il en tirerait des provinces de Liége, de Namur et de Luxembourg.

J’ai dû me rendre aux raisons que m’a données mon collègue qui a mis toute la bonne volonté possible. Je ne crois pas inutile d’ajouter que je n’avais pas seulement pour mobile dans mes instances les chevaux du pays, j’avais encore en vue les intérêts du trésor, but que je me proposerai toujours car les chevaux achetés hors du pays nous reviennent au-delà de 500 francs, quand ils nous sont livrés, tandis que les nôtres ne reviennent pas à 400 francs.

Je pense donc que, relativement à l’achat des chevaux, il faut s’en rapporter à M. le ministre de la guerre, qui fera en sorte d’admettre tous les chevaux qui pourront être admis convenablement dans les escadrons ; car nous ne pouvons exiger qu’on fasse de mauvais escadrons pour utiliser quelques chevaux du pays. Ce serait contre l’intérêt général, et l’intérêt général est une raison qui domine tout.

M. Nothomb. - Mon intention n’est pas d’insister davantage, j’engage seulement M. le ministre de la guerre à prendre de nouveaux renseignements afin de ne pas mécontenter une ou plusieurs provinces. Il existe des documents précieux dans un rapport fait par M. Thorn, ancien gouverneur du Luxembourg, pour une question analogue à celle-ci. M. le ministre de la guerre trouvera dans ce rapport d’excellents raisonnements à opposer à ceux qui jusqu’à présent ont demandé l’exclusion de ces chevaux.

Je vois, d’après le rapport de l’honorable M. de Puydt, que la remonte projetée s’élève à 720 chevaux, Je voudrais savoir si ce sont des chevaux de trait ou de selle ; je demanderais, si ce sont des chevaux de trait, qu’ils fussent pris dans le pays pour les raisons que je viens de donner tout à l’heure.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les 240 chevaux destinés à l’artillerie de campagne ne sont nullement des chevaux de trait. Ils sont destinés à former les quatre compagnies d’artillerie à cheval ; j’en ai formé deux les années précédentes ; une troisième est en formation et va incessamment entrer en ligne. Quant à la quatrième, elle sera organisée quand nous aurons acheté des chevaux ; ainsi il ne s’agit pas de chevaux de trait, mais de chevaux de selle.

- L’article en discussion est mis aux voix et adopté.


« Art. 2. 560,000 fr., pour travaux de fortifications. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. 80,000 fr., pour indemnité temporaire, frais de table, etc. »

- Rejeté.

L’ensemble de l’article montant à 1,560,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Article premier

On passe ensuite à l’article premier du projet de loi. Cet article est mis aux voix et adopté.

Second vote et vote sur l’ensemble

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quoique le gouvernement ne trouve pas précisément qu’il y ait urgence telle qu’il faille voter immédiatement, comme nous savons que la chambre désire s’ajourner comme c’est d’usage, nous pensons qu’elle ne trouvera pas d’inconvénient à procéder à ce vote.

- La chambre consultée adopte la proposition d’urgence. Il est en conséquence procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi,

Elle est adoptée à l’unanimité des 57 membres présents.

M. F. de Mérode s’abstient de prendre part à la délibération et en expose les motifs en ces termes. - Je m’abstiens de voter parce que le crédit accordé par la chambre est incomplet. Il fallait accorder les 80,000 fr.

Je ne veux pas, comme on dit vulgairement, gâter une omelette pour la moitié d’un œuf. (Hilarité générale.)

M. Vergauwen. - A propos de frais de table l’omelette n’est pas mal trouvée. (On rit.)

Loi concernant le renouvellement de la moitié des membres des chambres législatives

Tirage des séries

M. le président. - Le tirage au sort des provinces qui doivent procéder cette année au renouvellement partiel de la chambre, est à l’ordre du jour ; veut-on s’en occuper. (Oui ! Oui ! oui !) Vous savez que la loi sur le renouvellement partiel a été promulguée le 10 de ce mois, et qu’elle est exécutoire dès le lendemain de sa promulgation. (Oui ! oui !)

Il a été fait, par un de messieurs les secrétaires, deux billets de formes pareilles, dont la plicature est la même, et sur chacun desquels une série de provinces est écrite conformément à la loi.

On va mettre ces deux billets dans une urne. Un des membres de cette assemblée que le sort désignera, en choisira un, et c’est celui qu’il aura pris qui contiendra la série des provinces qui auront à procéder à de nouvelles élections, Veut-on qu’il en soit ainsi ? (Oui ! Oui !)

M. Dumortier. - Il serait peut-être plus régulier de mettre les billets dans des étuis. (Non ! non ! dans l’urne cela suffit !)

M. le président. - M. Dumortier fait-il une proposition formelle ?

M. Dumortier. - On dit non ; cela m’est indifférent.

- Tous les noms des membres de la chambre sont écrits sur des billets renfermés dans des étuis, qui sont eux-mêmes renfermés dans un sac ; le sac est présenté à M. le président : l’étui qu’il en tire contient le nom de M. Lardinois.

Cet honorable membre monte à la tribune ; il prend dans l’urne, placée sur le bureau, l’un des billets qu’elle renferme, et le remet à M. le président.

- De toutes parts, à M. le président. - Lisez ! lisez ! lisez !

M. le président proclame le résultat du tirage des séries par la voie du sort.

La première série se composera des provinces de la Flandre orientale, de Hainaut, de Liège et du Limbourg.

La deuxième, des provinces d’Anvers, du Brabant, de la Flandre occidentale, de Namur et du Luxembourg.

Motion d'ordre

Expulsion d'un étranger

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’ai pris lecture de la lettre adressée à l’honorable M. Gendebien par un réfugié qui se plaint d’avoir été en butte aux vexations de la police belge. Je ne puis donner aucune explication à la chambre sur les griefs qui sont détaillés dans cette lettre. J’ignore complètement les faits. Cependant je dirai qu’ayant reçu de la part d’un individu une demande relative au sieur Ladda, je priai M. l’administrateur de la sûreté publique de me donner des renseignements à cet égard. M. l’administrateur, dans la dernière conférence que j’ai eue avec lui, avait perdu de vue l’affaire du sieur Ladda. Je lui ai assigné à demain pour me rendre compte de tout ce qui s’est passé. Je ferai connaître ultérieurement le résultat des détails qu’il m’aura communiqués.

M. Gendebien. - Vous voyez le cas que l’on fait de la liberté individuelle. Voilà un malheureux proscrit que l’on force à entrer en France, qui, lorsqu’il est repoussé par tous les gouvernements voisins, est obligé de se cacher pour n’être pas expulsé de notre pays. Et lorsqu’il en demande justice, l’on ne se souvient plus de lui. Il ne vaut pas la peine que l’on s’en occupe.

J’attendrai les renseignements que M. le ministre a demandés. J’espère qu’il n’oubliera pas de les insérer au Moniteur, puisque la chambre va s’ajourner. S’il oubliait sa promesse, je la lui rappellerais par la voie de la presse.

- La chambre s’ajourne au 28 avril prochain.

La séance est levée à 4 heures et demie.