(Moniteur belge n°179, du 11 décembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A une heure, un grand nombre de membres étant présents, M. Ch. Vilain XIIII demande que l’appel nominal soit fait.
Quelques minutes après, M. le président monte au fauteuil avec M. Dellafaille ; celui-ci fait l’appel nominal.
M. Verdussen. - M. Legrelle est compté au nombre des absents ; je demande qu’il n’en soit pas ainsi, car sa présence est nécessaire à Anvers.
M. le président. - M. Legrelle a d’ailleurs, ce me semble obtenu un congé illimité ; il ne sera pas porté sur la liste des absents.
M. Dellafaille lit le procès-verbal.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je demande la parole sur le procès-verbal et pour un rappel au règlement. Le procès-verbal porte que la séance a été ouverte à midi. Cela est inexact ; car la séance d’hier, comme celle d’aujourd’hui, a été ouverte à une heure. A ce propos, je ferai remarquer qu’un article du règlement veut que l’appel nominal soit fait à midi un quart. Le bureau semble croire qu’il faut la présence de la majorité pour faire l’appel nominal ; c’est une erreur. Le règlement a voulu que l’appel eût lieu à midi un quart pour constater quels sont, à cette heure-là, les membres présents et absents. A midi un quart nous étions en grand nombre dans la salle, et nous avons été obligés d’attendre trois quarts d’heure. Je demande que le règlement soit exécuté.
M. le président. - Si la chambre le désire, on fera l’appel nominal à midi un quart.
M. Ch. Vilain XIIII. - Il ne s’agit pas du désir de la chambre, mais de l’exécution du règlement.
M. le président. - Le bureau est toujours ici à midi un quart ; désormais l’appel nominal aura lieu à cette heure-là.
M. Dellafaille analyse quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
Le même lit une lettre de M. le ministre de l'intérieur, annonçant à la chambre que MM. les vicaires de Malines ont décidé qu’un Te Deum serait chanté le 16 de ce mois dans toutes les églises du diocèse, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du Roi, et pour remercier la Providence de la conclusion de la paix.
MM. Blargnies et Berger demandent un congé de 15 jours.
- Accordé.
M. Desmanet de Biesme annonce à la chambre qu’une maladie de son père l’oblige à s’absenter.
M. le président. - Le bureau a reçu une pétition anonyme évidemment ironique ; elle est signée « sans chagrin. » Faut-il la renvoyer à la commission ? (Non ! non !)
- La pétition sera anéantie.
M. le président. - Que veut-on décider relativement à la lettre de M. le ministre de l'intérieur ?
M. Ch. Vilain XIIII. - Messieurs, il n’y a pas de décision à prendre sur cette lettre. La liberté des cultes est garantie par la constitution. Des ministres d’un culte veulent faire célébrer un service en mémoire de tel ou tel événement : permis à eux. Mais la chambre ne peut prendre autrement que comme une notification la lettre qui lui annonce la célébration du service, et elle n’a rien à décider, à moins qu’un de ses membres ne fasse une proposition à cet égard.
M. le président. - M. Poschet fera une proposition.
M. Poschet. - Je la fais.
L’ordre du jour est le rapport de la commission des pétitions.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur, présente le rapport des pétitions suivantes :
« Le sieur J. Van Driessche, avocat à Gand, demande :
« 1° L’intercession de la chambre en faveur de Constant-Joseph Tricot, condamné par le conseil de guerre permanent de la Flandre orientale ;
« 2° La prompte révision des codes militaires ;
« Et 3° La suppression de la haute cour, son remplacement par un conseil de révision. »
Le Roi seul ayant le droit de faire grâce, la commission propose l’ordre du jour sur la première partie de la pétition ; elle conclut, pour les deux autres, au dépôt au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Jean Donnet, à Anvers, réclame la liquidation de sa créance de 34,002 fr. pour prime de construction de trois bâtiments maritimes. »
- La commission propose et la chambre ordonne le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Plusieurs négociants de Neufchâteau demandent que la route de Falmignoul à Beauraing soit immédiatement achevée, tout le commerce de Neufchâteau à Bruxelles et Anvers se faisant par cette route. »
« Plusieurs habitants de Lomprez sollicitent l’intervention de la chambre pour obtenir que la route de Falmignoul à Beauraing soit achevée avant l’hiver, et qu’en même temps on travaille à construire celle d’une lieue et demie entre Beauraing et Lomprez. »
La commission propose le renvoi de ces deux pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
(Moniteur belge n°180, du 12 décembre 1831) M. Pirson. - Messieurs, les travaux dont il est question dans les pétitions de Neufchâteau et de Sohiere s’exécutent ou doivent s’exécuter au beau milieu du district de Dinant, dont, dans d’autres circonstances, on a pris à tâche ici de vous faire connaître le commissaire, qui est un de vos collègues. Permettez-moi de vous dire ce que j’ai fait au sujet des routes de Neufchâteau et de Beauraing dans l’intérêt du trésor public, du commerce en général et des habitants du district de Dinant, en ma double qualité de commissaire et de député. Mes premières démarches se sont dirigées vers la députation des états provinciaux : elles ont été infructueuses. Je ne vous entretiendrai pas de ce petit incident, qui prouverait cependant que certaine influence a facilement dominé des hommes à courtes vues, peu travailleurs et ne connaissant pas les localités, tout en habitant la province. Comme membre du congrès, je me suis adressé au ministre de l’intérieur, d’accord avec M. Thorn, gouverneur du Luxembourg. Je vous dirai pourquoi je ne m’entendais pas avec M. le gouverneur de Namur.
Le ministre Sauvage accueillit nos observations ; nous concertâmes des mesures préliminaires qui devaient servir de base à des calculs positifs et fixer une détermination définitive. Nous changeâmes même, avec le chef du bureau des travaux publics, les termes de l’allocation dans le budget d’une somme de 144,000 fl., de manière à laisser au gouvernement la latitude de disposer de cette somme de la manière qui serait jugée la plus convenable aux intérêts du trésor et du commerce, sans nuire aux principes de la justice qui est due à un entrepreneur hollandais comme à un entrepreneur belge, et cela lorsque le résultat des mesures préliminaires serait connu.
M. le ministre Sauvage se retira, et tout fut changé, je ne dirai pas pour favoriser un entrepreneur hollandais qui ne présente aucune garantie envers la Belgique, mais par paresse des bureaux, par vanité de certains fonctionnaires qui tiennent à leur places et ne veulent point prendre part à des projets qui n’ont point été conçus, et peut-être aussi pour des intérêts indirects.
Messieurs, pour bien expliquer tout cela, je suis obligé d’être un peu long ; mais la chose est assez intéressante pour réclamer votre attention. En effet, il s’agit d’une communication importante, depuis Anvers jusqu’à la Lorraine par eau, depuis Anvers jusqu’à Dinant lorsque le canal de Charleroi à Bruxelles sera en pleine activité, et, par terre, depuis Dinant jusqu’à Neufchâteau, d’une part, et jusqu’à Bouillon, d’autre part. Il n’y aura aucune augmentation de dépense pour le trésor, il suffit d’un petit déplacement de travaux. Jetez les yeux sur la carte, messieurs, et voyez la belle direction commerciale : on arrive par eau à Dinant. De Dinant à Givet, Charleville, la Meuse, et de plus une belle route existante. A Falmignoul, à une lieue de Dinant sur la route de Givet, un embranchement qui conduit à Beauraing ; cet embranchement (route provinciale) est actuellement en construction, il va être achevé. A Beauraing on rencontre l’ancienne route abandonnée depuis 40 ans ; on peut la rendre très bonne avec bien peu de dépense jusqu’à Poudromme, une demi-lieue.
A Poudromme la route aura deux branches : l’une vers Lomprez, une lieue et demie, où elle rejoindrait l’ancienne chaussée jusqu’à Neufchâteau, chaussée très praticable et à laquelle on ferait à la suite les redressements et les grosses réparations sollicitées par la province de Luxembourg, redressements, au reste, qui ne sont point d’une extrême urgence ; la second branche se dirigerait de Poudromme vers Bouillon ; là il y a route et vers Sedan et vers Carignan (France.)
Pour parvenir à ce grand but et faire ce qu’il y a de plus pressant, c’est une communication de Beauraing à Lomprez, sur une étendue de deux lieues : il y a doublement urgence depuis l’adoption des 24 articles. En effet, par suite de cette adoption, le marché d’Arlon, pour les grains, est tout à fait anéanti.
Il faudra que toutes les Ardennes, Neufchâteau, Saint-Hubert, Bouillon, qui s’approvisionnaient sur lesdits marchés, viennent vers Dinant et Namur. Ce pays sera bien malheureux, si manquant de subsistances pour six mois de l’année, il n’obtenait pas au moins une route de communication pour s’en procurer au loin.
Mais, dira-t-on, on travaille à cette communication ; une partie, en suivant une autre direction, est adjugée, et nous ne pouvons annuler cette adjudication : déjà deux cent mille florins sont dépensés. Cette somme sera donc perdue, si l’on abandonne les travaux.
Avant de répondre aux objections, permettez-moi, messieurs, quelques mots de censure sur la direction choisie. Pour raccourcir la route soi-disant d’une demi-lieue, on a pris cette direction à travers les plus hautes montagnes du pays, entre lesquelles, indépendamment de prolongements tortueux, il faut des remblais de 50 à 60 pieds de hauteur, plusieurs ponts sur des ruisseaux, et un grand pont sur la rivière de la Lesse, qui se précipite en véritable torrent, dans les temps de pluie et de fonte des neiges.
On a adjugé les travaux, dans la partie du centre, pour une somme de 387,000 mille florins : le gouvernement, trouvant la somme exorbitante, n’a pas voulu confirmer. Bref, l’ingénieur a fait des réductions de travaux, et on a trouvé un entrepreneur pour 328,000 florins. Cet entrepreneur a cherché à La Haye un bailleur de fonds qui, ayant fait des avances, a repris le marché de l’entrepreneur, qui s’était enfui antérieurement à la révolution, preuve qu’il ne s’attendait pas à de grands bénéfices.
La révolution a fait stater tous les travaux pendant l’hiver de 1830 à 1831. M. de Stassart, gouverneur de la province de Namur, a cru bien faire, et a réellement bien fait, de solliciter auprès du gouvernement provisoire des fonds pour donner de l’ouvrage aux ouvriers. Ces fonds ont été remis au chef directeur des travaux de la route de Neufchâteau, qui certainement, à cette époque, ne pouvait être en relation avec son principal qui se trouvait à La Haye. On travaillait donc en quelque sorte par régie, sans savoir ce qu’allait devenir l’entrepreneur. Cette circonstance paraît être le véritable motif pour lequel M. de Stassart tient à la continuation des travaux adjugés ; ce serait, selon lui, une contradiction d’avoir sollicité des fonds, qui seraient perdus si l’on abandonnait ces mêmes travaux. Du reste, il m’a avoué ne connaître aucunement les localités.
Pour savoir s’il y avait avantage à changer de direction, voici les mesures qui avaient été concertées avec le ministre. D’abord, refus de fonds jusqu’à nouvel ordre ; exiger du directeur des travaux une nouvelle adhésion de son principal et des garanties en Belgique ; lui faire une proposition de résiliation et demander ses conditions ; en attendant, faire, d’une part, les plans et adjudications des deux bouts de route, qui devaient réaccorder du côté de Dinant et de Neupont les travaux intermédiaires déjà adjugés ; d’autre part, et suivant la direction nouvelle que j’indiquais, faire les plans et adjudications du prolongement de la route de Beauraing, depuis Beauraing jusqu’à Sohière. Le gouvernement, se réservant toujours la confirmation de ces sortes d’adjudications, pouvait ainsi, avec connaissance de cause, choisir le côté le plus avantageux. Quant aux plans et frais d’adjudication, c’était un objet bien minime. N’est-on pas obligé de payer de gros traitements à tous ces ingénieurs, qui ne sont pas occupés un tiers de l’année ?
Après le ministère Sauvage, est venu le ministère Teichmann, inspecteur-général des ponts et chaussées, qui avait donné, comme inspecteur, son assentiment à toutes ces propositions, et qui, devenu ministre, n’en a rien fait. On a repris, mais bien faiblement, les travaux, au moment où, cessant mes fonctions au congrès, j’ai aussi cessé de suivre cette affaire au ministère.
A cette époque, il restait de disponible sur le crédit de 145,000 florins alloué dans le budget, suivant la déclaration du chef de bureau du ministère, une somme de 129,000 florins. Je supposais que, pour réaccorder les deux routes, il faudrait une dépense de 80 à 100 mille florins dans le budget de 1832 ; en tout, une dépense au moins de 200 mille florins.
Par la direction de Beauraing, que j’indique et que le commerce demande, on arrivera au même point avec une dépense de 60,000 florins environ.
Voilà donc un bénéfice certain de 140,000 florins, sans compter celui d’entretien annuel d’une route et de ponts exposés à des dégradations énormes, qui s’élèveront peut-être bien à 5,000 florins de plus, ce qui représente un capital de plus de 100,000 florins.
Mais on a parlé d’indemnités envers l’entrepreneur, dont le marché serait résilié. Sachons à quoi elles se monteraient : d’abord je suis bien certain que, si l’on ne s’était pas mis en avant, l’entrepreneur n’aurait jamais recommencé ses travaux. Il fallait faire la jonction de Beauraing à Lomprez, et puis, si l’entrepreneur se présentait, lui payer, bien entendu, ses avances. Elles n’étaient pas énormes ; elles étaient, je crois, d’un 25ème, et, pour peu qu’on lui eût accordé de plus, il eût été fort content, car il s’attend, je crois, à perdre beaucoup. Reste à savoir maintenant quelle garantie le gouvernement aura contre cet étranger si le 1er mai 1833 il est en demeure.
Vous comprenez, messieurs, d’après la date que j’indique, que l’entrepreneur a jusqu’au 1er mai 1833 pour livrer ses travaux.
Quand finiront ceux de jonction des deux bouts qui ne sont pas encore adjugés, et pour lesquels il n’y a aucun fonds de fait ? Car je suppose bien qu’on ne contractera point de marché avant que la législature ait approuvé la dépense, comme faisait le précédent gouvernement, comme il a fait notamment dans le cas présent.
Ce ne sera donc qu’au budget de 1833 qu’il en sera question. Ainsi le commerce devra encore attendre 3 ans au moins, pour avoir la communication que, suivant l’autre plan, il aurait déjà, si, comme l’a dit quelqu’un, le ministère de l’intérieur n’avait été dans l’anarchie la plus complète.
Messieurs, j’ai parlé de bénéfice, mais ce n’est point un bénéfice d’argent que je veux, c’est un bénéfice d’utilité.
Puisque l’on croit pouvoir dépenser 200 ou 250,000 florins à la route de Neufchâteau, dans la partie de Dinant à Neupont, par Celles et Vignée, cessons de niveler des montagnes affreuses, cessons des travaux gigantesques, et prenons une direction facile, qui ne nous coûtera que 60,000 florins ; employons le reste vers Bouillon ou partout ailleurs, utilement, et non pour satisfaire des vanités ou des intérêts particuliers.
Messieurs, vous n’ignorez pas que les ingénieurs des ponts et chaussées forment un corps compact et une quasi-autorité qui repousse toute direction ou surveillance étrangère au corps. Ils exploitent à eux seuls toute la seule du roulage et une forte somme du budget. Il est temps de rompre cet esprit d’indépendance, et surtout de faire des économies sur un personnel qui coûte à l’Etat 175,000 florins.
Je ne sais si les deux pétitions de Neufchâteau et Lomprez arrivent assez à temps pour y être fait droit pour le trimestre actuel. J’en ai remis bien d’autres au ministère, contenant quantité de signatures des négociants et bourgmestres du district de Dinant ; mais l’influence du waterstaat a prévalu jusqu’à présent : quoi qu’il arrive, j’en demande le renvoi au ministre. Je termine en observant qu’on m’a attribué un article du journal l’Indépendant concernant la route de Neufchâteau ; cet article n’était point de moi. Toujours j’ai signé les miens, et ne m’en dédis pas après cette signature.
(Moniteur belge n°181, du 13 décembre 1831) M. d’Huart. - Messieurs, l’objet des deux pétitions dont il vient de vous être fait rapport étant relatif à un point de simple administration, vous trouverez peut-être que les réclamants auraient dû s’adresser au pouvoir exécutif plutôt qu’à la chambre, qui n’est guère compétente en pareille matière. Toutefois, je vous demanderai la permission de donner sur l’affaire dont il s’agit quelques renseignements que je ne crois pas inutiles, et qui serviront au moins à rectifier les faits allégués par les pétitionnaires ainsi que ceux que vient de vous exposer l’honorable préopinant.
La route de Dinant à Neufchâteau a, comme on sait, une lacune d’environ sept lieues entre la première de ces villes et le pont de Neupont dans la province de Luxembourg. Convaincu de la nécessité d’établir la communication entre ces deux points par une chaussée, le précédent gouvernement fit explorer le terrain par des ingénieurs, afin de s’assurer quelle était la direction la plus convenable ; des plans furent dressés, soumis au roi et approuvés par lui ; enfin, il fut décidé que la route aurait la direction suivante, contre laquelle réclament aujourd’hui les pétitionnaires :
De Dinant à Froideveau le projet se confond avec une portion de la route existante de Dinant à Givet, où il n’y a aucuns travaux à faire, longueur 2,000 m.
De Froideveau à Celles, longueur 8,000 m.
De Celles à la limite du Luxembourg, longueur 19,000 m.
Enfin, de ce pont au pont de Neupont, longueur 4,000 m.
En 1829, le gouvernement fit mettre en adjudication la portion de Celles à la limite du Luxembourg, et un entrepreneur se chargea d’en construire la route pour le mois de mai 1833, moyennant la somme de 328,000 florins.
Il résulte de la situation des travaux qu’il en a été fait, jusqu’à ce jour, pour la somme de 199,000 fl. ; il resterait donc encore à en exécuter pour la somme de 129,000 fl. ; mais il y a eu économie d’une somme de 20,000 fl. par la réduction de quelques ouvrages, réduction consentie par l’entrepreneur ; il ne restera par conséquent plus à payer à celui-ci, pour l’achèvement de ladite porter de route, que 109,000 fl. A la vérité, ces 109,000 fl. ne sont pas encore sortis de la caisse du trésor ; mais il faut bien les considérer comme devant être soldés, puisqu’il existe un contrat public qui lie l’Etat envers l’entrepreneur. On dira sans doute qu’en cessant les travaux de commun accord avec l’adjudicataire, la somme pourrait être réservée ; mais on sait qu’ils ne le seraient que contre une indemnité presque équivalente au taux de l’adjudication, indemnité que ledit adjudicataire aurait, d’ailleurs, droit de prétendre en tout justice pour tout son matériel en chevaux, voitures, outils, engins, etc., qui deviendrait inutile si les travaux n’étaient pas continués ; pour tous les marchés qui ont été conclus avec des sous-traitants, marchés qui devraient être résiliés avec perte ; pour les découvertes de carrières ; pour tous les matériaux extraits, confectionnés ou non, à pied d’œuvre ou aux carrières, etc. Quant à cet entrepreneur, messieurs, dont on craint la responsabilité, il y a de bonnes et solvables cautions dans le pays.
La partie de Froideveau à Celles est évaluée, selon les devis estimatifs, à 50,000 fl.
La partie dans le Luxembourg est estimée à 40,000 fl.
Reste donc réellement à dépenser pour l’entier achèvement de la communication 90,000 fl.
Les pétitionnaires voudraient que l’on abandonnât tout ce qui a été fait, comme je viens de le dire, et que l’on joignît Dinant à Neupont par une autre direction qui serait la suivante :
De Dinant à Falmignoul, longueur 8,500 m.
De Falmignoul à Beauraing, longueur 12,500 m.
Enfin, de Beauraing à Neupont, 15,000 m.
Total, 36,000 m.
Comparant les distances, on voit que la direction contre laquelle on réclame à 3,000 mères ou 3/5 de lieues de moins que celle que l’on prétend lui substituer, différence considérable sur une longueur de 33,000 mètres.
Voyons maintenant quels seraient les avantages qu’il y aurait, sous le rapport de l’économie, en admettant le vœu des pétitionnaires.
Entre Dinant et Beauraing, la route qui s’établit aux frais de la province de Namur, pour correspondre avec le duché de Bouillon et le département des Ardennes (France), est sur le point d’être achevé, et l’on ne comptera aucuns frais pour cette partie du trajet.
De Beauraing à environ une demi-lieue vers Lomprez, la vieille route pourrait être conservée, sauf amélioration On évalue les travaux à y faire à 50,000 fl.
De ce point à l’entrée de Lomprez, à la rencontre de la vieille route, il existe une vieille route, tout serait à neuf sur une longueur d’une lieue et demie. On évalue la dépense à 60,000 fl.
De l’entrée dudit village à Neupont, sur la distance d’une lieue, il existe une ancienne route ; mais elle est beaucoup trop étroite dans la traversée de Lomprez ; il serait indispensable d’acquérir plusieurs propriétés bâties. De plus, la descente de Neupont, ayant, sur une très grande distance, une pente excessive qui s’élève jusqu’à 13 p. c., tandis que le maximum adopté dans les pays montagneux ne dépasse pas 7 p. c., devra être totalement abandonnée et remplacée par une direction nouvelle. On évalue tous ces travaux et entreprises, avec les réparations indispensables que devront recevoir les parties conservées à 25,000 fl.
Total de la dépense : 90,000 fl.
D’après ces divers calculs et au point où en sont venues les choses, il y aurait donc 90,000 fl. à dépenser dans l’une ou dans l’autre direction pour achever la communication ; par conséquent, nulle économie à obtenir dans un cas plutôt que dans l’autre.
J’ai déjà démontré qu’il y avait une longueur de 3,000 mètres de moins par le projet contre lequel on s’élève que par celui qu’on voudrait lui faire préférer ; je vais prouver maintenant que, sous le rapport de la facilité du roulage, il y aurait aussi de l’avantage à continuer ce qui est entrepris.
Sur la direction par Celles et Vignée, aucune pente ne dépasserait, selon les plans arrêtés, 7 p. c. d’inclinaison ; par Beauraing, au contraire, il existe sur la route provinciale entre Dinant et ce village, des pentes de 8, de 8 1/2, de 10 et jusqu’à 11 centimètres par mètre. Il est donc incontestable que la communication serait plus facile par le premier projet que par l’autre.
Les pétitionnaires, et l’honorable préopinant aussi, disent que le pays sera encore pendant plusieurs années privé de communication entre Dinant et Neupont, si l’on s’obstine à conserver la direction de Celles et Vignée ; mais ils sont dans la plus complète erreur à cet égard. La portion de Celles à la limite du Luxembourg est avancée aux deux tiers, et doit être, comme je l’ai dit, finie en 1833. Les devis des parties de Froideveau à Celles, et de la limite du Luxembourg au pont de Neupont, sont achevés, et l’on pourrait en entreprendre incontinent les travaux, qui sont totalement indépendant des autres. De Beauraing à Neupont, au contraire, il n’y a ni plan ni nivellement de faits, et il s’écoulerait évidemment plusieurs mois avant de les obtenir. Vous voyez donc qu’à cet égard on s’est encore grandement trompé.
Messieurs, la question de la route de Dinant à Neufchâteau a été longuement débattue sous le gouvernement hollandais. Alors, comme aujourd’hui, l’on savait qu’il en eût coûté moins par Beauraing que par Vignée. Cette dernière direction eût sans doute été adoptée, s’il se fût agi simplement d’ouvrir une route de Dinant à Neufchâteau ; mais la question a été envisagée sous un point de vue plus élevé.
La route de Falmignoul à Beauraing était d’une utilité indispensable ; elle devait coûter peu, être assez productive. Cette communication a été laissée aux états provinciaux, qui se sont empressés de la faire ouvrir à leurs frais. C’est une bonne opération, qui met en relation une grande partie des Ardennes avec la Meuse, Dinant et l’intérieur du pays ; car, au-delà de Beauraing, surtout vers Lomprez, le sol est tel que, pendant onze mois de l’année, les communications vicinales sont praticables. C’est entre Beauraing et Falmignoul que les difficultés existaient ; elles auront bien cessé.
La route de Dinant par Vignée, au contraire, devait rapporter peu, comparativement à la dépense. C’eût été une mauvaise spéculation d’argent. Le gouvernement seul pouvait entreprendre ce travail, parce que pour l’Etat il n’est pas indispensable qu’une nouvelle route rapporte 4 ou 6 p. c. des fonds qui y sont employés ; il suffit, pour ouvrir un nouveau débouché, qu’il traverse un pays qui doive en retirer de grands avantages sous le rapport du commerce et surtout de l’agriculture. Ce n’est pas exagérer que d’affirmer que la route de Dinant à Neupont par Vignée augmentera de cent florins par hectare la valeur de six lieues de longueur sur deux de largeur, ou 12 lieues carrées, ou trente mille hectares, ce qui produit une plus-value de trois millions de florins.
C’est sous ce rapport que la plupart des nouvelles communications à ouvrir dans les provinces de Liége, Namur et Luxembourg, doivent être considérées, notamment celle de Dinant à Neupont par Vignée, qui traverse un pays actuellement inabordable, désert, inculte, et qui, en moins de dix années, sera infailliblement peuplé et cultivé.
Il faut savoir comprendre ces choses-là, et se mettre au-dessus des petites intrigues qui s’ourdissent dans l’intérêt particulier, au détriment de l’intérêt général.
Messieurs, avant de finir, je dirai que les deux pétitions, dont je viens de réfuter les allégations, ne méritent point votre attention. Celle qui est signée par plusieurs négociants de Neufchâteau doit être considérée comme non avenue depuis la réception de la pièce arrivée à la chambre au commencement de la séance. Veuillez, je vous prie, en entendre la lecture. (L’orateur donne lecture d’une pétition qui demande qu’on continue les travaux par Vignée.)
La seconde pétition est présentée par les autorités municipales de deux communes qui se trouvent entre Beauraing et Neupont, et dont le territoire serait traversé par la route qu’elles sollicitent. C’est assez en dire, je pense, pour vous faire comprendre que la démarche n’est pas tout à fait désintéressée.
Je bornerai là mes observations, et vous laisserai juger, messieurs, s’il convient ou non de condamner les deux pétitions dont il s’agit à l’ordre du jour.
(Moniteur belge n°179, du 11 décembre 1831) M. Pirson. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. d’Huart. - Je n’ai rien dit de personnel.
M. Pirson. - Le préopinant a parlé d’intérêts personnels ; moi je n’en avais pas dit un mot, et j’aurais pu en parler cependant. On a dit que l’intérêt fait agir ceux qui demandent l’ouverture de cette route. Si on a voulu parler de moi, on a eu tort ; car je n’ai pas de propriétés de ce côté-là, tandis que, sur l’autre, M. le grand-maréchal du Palais a toutes les siennes, ainsi que M. l’ingénieur en chef M. d’Urbau.
M. d’Huart. - Je puis assurer à la chambre qu’il n’entre pas dans mes vues de faire de la personnalité contre qui que ce soit. Cependant, puisque M. Pirson a parlé de M. Urbau, je puis dire que cet ingénieur n’avait pas ses propriétés sur cette route quand elle a été ouverte.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les deux pétitions ont pour objet de demander l’achèvement de la route de Falmignoul à Beauraing. Cette route étant une route provinciale, c’est aux états provinciaux à décider ce qu’il est convenable de faire.
Quant à la route de Beauraing à Lomprez, le gouvernement n’a pas encore tous les renseignements nécessaires pour en apprécier l’utilité ; et, pour ce qui est de celle de Dinant à Neufchâteau, la dépense étant déjà à moitié faite, c’est une question grave que celle de savoir si on l’abandonnera. Cette question fera l’objet d’un mûr examen de notre part. Toutefois, et vu les réclamations qui s’élèvent, on ne délivrera plus de mandats pour les dépenses à la continuation, jusqu’à ce que la question ait été décidée.
M. Zoude lit un discours dans lequel il combat les calculs présentés par M. d’Huart, et appuie le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Pirson. - Je demande la parole. (Non ! non ! Aux voix ! aux voix !)
M. Barthélemy. - Je demande à faire une motion d’ordre. Messieurs, les questions dont il s’agit sont toutes des questions de faits qu’il nous est impossible de juger. Tout ce que vous ont dit les orateurs qui viennent de parler ne nous a rien appris, et tout ce qu’on vous dirait encore ne nous apprendrait pas davantage ; que la pétition soit renvoyée au ministre, car le gouvernement seul est capable de trancher la difficulté ; mais finissons-en ici, car sans cela nous allons discuter comme dans un marché aux pommes (hilarité générale) des questions de faits tout particuliers.
M. Pirson. - Messieurs, le préopinant a dit que le ministre, M. de Muelenaere, avait dit qu’un député avait écrit à l’entrepreneur de la route. Ce député, c’est moi, messieurs. Je ne sais pas comment la lettre est parvenue à M. le ministre ; mais ce que je sais, c’est qu’on m’écrivit, non en ma qualité de député, mais en ma qualité de commissaire de district, et on me dit que j’avais outrepassé mes pouvoirs. Je répondis que, voulant donner au gouvernement des renseignements précis, je croyais avoir le droit d’en demander moi-même comme bon me semblerait, et c’est ce que je crois encore. J’ai prouvé par ma réponse que les commissaires de district sont des hommes consciencieux, et non des instrument aveugles et serviles du pouvoir.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Trois habitants de Waereghem, arrondissement de Courtray, demandent que leur commune soit érigée en chef-lieu de canton. »
- Renvoi au ministre de la justice et dépôt au bureau des renseignements.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « François Poirson, propriétaire à Walcourt, se plaint de ce que le gouvernement provincial de Namur a rejeté, comme tardive, la déclaration qu’il a faite le 25 août, conformément à l’article 133 de la constitution. »
- La pétition est renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Nicolas Kellen expose que la privation de ses deux fils, qui sont sous les drapeaux de la garde civique à Bouillon, l’expose à la mendicité ; que d’ailleurs la séparation de sa commune d’avec la Belgique étant un fait accompli, selon lui, il prie la chambre d’ordonner le renvoi dans leurs foyers de ses deux garçons. »
D’après l’article 22 de la loi sur la garde civique, un des fils du pétitionnaire a droit d’être exempté du service ; le pétitionnaire n’a pour cela qu’à s’adresser au conseil de révision ; en conséquence, la commission propose l’ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Les bourgmestres et échevins de la ville de Durbuy prient la chambre de rapporter dans tout son entier la loi du 28 novembre 1818, et de faire payer par toutes les provinces les frais d’entretien des pauvres au dépôt de mendicité.
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
M. Seron. - Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, le gouvernement ne devrait pas se borner à examiner l’arrêté du 28 novembre 1818, mais il devrait supprimer tous les dépôts de mendicité. Il existe en Belgique plus d’un million d’hommes dans une constante indigence : avons-nous des locaux et des ressources suffisantes pour entretenir un aussi grand nombre de mendiants ? Au surplus, incarcérer un homme parce qu’il mendie me paraît un attentat à la liberté individuelle ; pareilles lois sont inconstitutionnelles. Je pense qu’il y a de l’inhumanité, je dirai même de la cruauté, à mettre en prison des vieillards et des infirmes, parce qu’ils demandent un morceau de pain.
Le philosophe qui s’avisera un jour d’écrire l’histoire de la barbarie des peuples civilisés ne manquera pas de matériaux.
D’après ces considérations, je demande le renvoi au ministre de l’intérieur, afin de prendre des mesures philanthropiques et d’examiner mûrement la question. Elle en vaut bien la peine. Il est parvenu à ma connaissance que dans la commune de Rumbeke, Flandre occidentale, une mendiante s’est permis un petit vol, afin qu’on la mît en prison ; elle évita par là d’entrer dans un dépôt de mendicité, où bien souvent les mendiants sont plus malheureux que dans les maisons de détention.
M. H. de Brouckere. - Je ferai remarquer d’abord que c’est à tort que le préopinant qualifie d’arrêté la disposition contre laquelle il s’élève. C’est une loi et non un arrêté. Il critique ensuite l’arrestation des gens qui sont trouvés mendiant, et qui n’ont pas des moyens d’existence, et il qualifie cette arrestation d’illégale ; cette arrestation n’a rien d’illégal, elle est faite au contraire en vertu de la loi. Quant aux dépôts de mendicité dont il critique la tenue, le préopinant est dans l’erreur. Ces dépôts sont parfaitement tenus ; je peux lui en donner l’assurance, car il y a peu de jours que j’ai visité le dépôt de la Cambre.
- Après une discussion sur les dépôts de mendicité, sur les avantages et les vices de la loi de 1818, et sur l’avantage et les inconvénients du système consacré par cette loi, tant à l’égard des pauvres qu’à l’égard des enfants trouvés, discussion à laquelle ont pris part M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux), M. Mary, M. Barthélemy, M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) et M. Pirson, qui tous ont appuyé le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, ce renvoi est ordonné.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « M. Ch. Berré, d’Anvers, réclame de la chambre son intervention pour obtenir l’exemption de son fil Jos. Constantin, qui appartient à la milice de 1829. »
- Renvoi à M. le ministre de la guerre.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Diepenbeek, à Bruxelles, réclame en faveur de son fils, milicien de 1831, et demande qu’il plaise à la chambre de vouloir mettre les dispositions de la loi du 8 janvier 1817 en harmonie avec la position dans laquelle se trouvent les miliciens qui ont droit à l’exemption du service. »
- Renvoi à M. le ministre de la guerre.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Plusieurs habitants d’Uccle se plaignent de ce que M. Coghen, ministre des finances, a joint à une propriété qu’il possède dans leur commune un chemin qu’ils prétendent être communal. »
Les pétitionnaires auraient dû s’adresser aux tribunaux ; en conséquence, la commission vous propose l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, mon nom étant signalé dans la pétition, la chambre me permettra de lui donner de courtes explications. Au commencement de 1830, je proposai à la commune d’Uccle d’acheter un chemin qui ne lui était pas nécessaire et qui était à ma convenance. Une enquête de commodo et incommodo fut faite, la vente fut approuvée, les formalités nécessaires en pareils cas furent remplies, et je fus mis en possession. J’ai payé cette propriété 7 ou 8 fois sa valeur ; et, en outre, j’ai fourni à la commune un autre chemin qui traverse 7 ou 8 arpents de ma propriété. Je ne comprends pas, je l’avoue, le but des pétitionnaires.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Six marchands de vins, à Mons, demandent que la chambre rapporte la loi du 31 mars 1828 sur les vins, promulguée dans l’intention de favoriser le commerce hollandais, et que le tarif des droits d’entrée par terre soit égal au tarif d’entrée par mer. »
La commission juge cette pétition digne de toute l’attention de la chambre ; elle en propose le renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
M. Pirson rappelle le projet de loi présenté au congrès par M. François, et ayant pour but de rendre égaux les droits payés à l’entrée des vins, soit qu’ils arrivassent par mer, soit qu’ils entrassent en Belgique par les frontières de France. Il soutient que l’inégalité du droit constitue une inconstitutionnalité, car elle crée un privilège en faveur des habitants voisins de le mer au préjudice de ceux qui en sont plus éloignés. Il demande que l’égalité du droit soit établie pour tous.
M. Seron. - J’ajouterai à ces observations que les eaux-de-vie qui peuvent venir par eau ne le peuvent pas par terre d’après la loi.
M. A. Rodenbach. - Je ne partage pas l’opinion du préopinant ; le temps n’est point encore venu de protéger mercantilement la France, qui s’obstine à repousser nos bestiaux et nos toiles en les imposant d’une taxe de douanes excessivement élevée. Depuis peu, la France a pris une mesure contraire à notre industrie, en faisant confectionner les fournitures de ses troupes en toile de coton. Un journal annonce aujourd’hui que le général Belliard a demandé à notre gouvernement des renseignements à l’effet de proposer des relations commerciales sur des bases larges, libérales, et nécessairement avantageuses aux deux pays.
Tout porte à croire que la révolte des ouvriers en soie, de Lyon, a ouvert les yeux de la chambre française, qu’elle cherche à s’éclairer, et qu’elle abandonnera son système prohibitif, véritable cause de la détresse des ouvriers français ; car ce n’est qu’en 1822, époque où Saint-Cricq renforça son système prohibitif, que l’Allemagne et la Belgique adoptèrent des mesures de représailles. Ce fut sur les vins et sur les soieries que retombèrent les premiers coups de la vengeance.
M. Pirson. - Je sais très bien que, la France ayant mis un fort droit sur les bestiaux, par représailles, le roi Guillaume frappe les vins d’un très fort droit ; mais c’est nous, habitants des frontières, qu’il frappa en voulant user de représailles envers la France. Au surplus, si on ne veut pas favoriser la France en ce moment-ci, cela ne doit pas empêcher d’égaliser le droit ; qu’on frappe du droit payé à la frontière de tous les vins qui arrivent par mer, par là personne n’aura à se plaindre.
M. Dumortier. - Je suis tout à fait de l’avis du préopinant ; il faut frapper d’un droit égal l’entrée du vin, n’importe par où il arrive. Je conçois qu’il y aurait imprudence en ce moment-ci de favoriser la France, quand elle maintient au même taux son tarif sur nos toiles et nos bestiaux ; mais il est certain que l’injustice choquante qui existe par rapport aux droits sur les vins ne saurait subsister plus longtemps. Tous les Belges doivent être égaux devant la loi, et ils sont traités fort inégalement. En effet, un habitant de Mons voudra faire entrer des vins de Champagne, par exemple : il sera obligé de payer des droits exorbitants à l’entrée. Comment veut-on qu’il soutienne la concurrence avec un habitant de Courtray, qui n’aura payé que des droits bien moindres en faisant venir son vin par mer ? Cela est impossible. Je demande qu’on mette sur les vins le même droit partout, et que le tarif fixé pour les frontières de terre soit appliqué à l’entrée des vins arrivant par mer. J’y insiste d’autant plus que la fraude du vin n’étant pas facile, on peut le frapper d’un droit plus fort.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Maintenant, messieurs, que l’état du pays est fixé, on pourra s’occuper d’améliorer la situation intérieure. Déjà on fait la révision du tarif des douanes, et dans peu, j’espère, on vous présentera un travail qui satisfera tout le monde. (Bien ! bien !)
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Piérard, avocat à Thuin, signale à la chambre comme illégal et inconstitutionnel l’arrêté de M. le gouverneur du Hainaut, relatif au tirage pour le premier ban de la garde civique, et fournit des observations à l’appui. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gendebien. - Une pétition semblable lui a été renvoyée, il y a quelque temps ; il pourrait peut-être nous donner des explications à cet égard.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, aussitôt que la pétition dont le préopinant vient de parler me fut parvenue, elle fut adressée à M. le gouverneur de la province du Hainaut pour qu’il fournît des renseignements, et voici sa réponse :
Ici, l’orateur lit une lettre de M. le gouverneur, dans laquelle celui-ci explique l’embarras dans lequel il s’est trouvé pour le tirage au sort des compagnies qui devaient partir, le décret du congrès n’ayant rien prescrit à ce sujet ; il ajoute qu’il n’a procédé comme il l’a fait que parce que les chefs de légion eux-mêmes lui en avaient témoigné le désir, et que d’ailleurs ce mode lui a paru le plus équitable et celui qui prêtait le moins à l’arbitraire.
Cette pièce, ajoute M. le ministre, ne m’est parvenue qu’avant-hier. J’ai aussitôt examiné le décret du 15 avril, et j’ai vu qu’en effet ce décret ne décidait pas de quelle manière doit être tiré le sort. S’il s’agissait aujourd’hui de prescrire un mode de tirage, ce n’est certes pas celui de M. le gouverneur du Hainaut que je choisirais ; j’aimerais mieux que le tirage se fît par compagnie. Mais aujourd’hui tout est consommé, les gardes sont sous les armes. Ce serait porter dans les bataillons une perturbation complète que de revenir là-dessus. Mais si le cas se présentait de nouveau, je le répète, ce n’est pas ainsi que l’on procéderait.
M. Pirson. - Le renvoi proposé par la commission devient inutile, puisque M. le ministre interprète la loi comme nous.
M. Gendebien. - Lorsqu’il y a 15 jours, la question se présenta à la chambre, je pensais, à la simple lecture de la pétition, qu’il y avait inconstitutionnalité dans la manière dont avait procédé le gouverneur du Hainaut. J’insistai cependant sur l’embarras que devaient éprouver les gouverneurs, d’après le silence de la loi, et je dis que ce silence nous mettait dans la nécessité d’accorder un bill d’indemnité. Mais, pour qu’à l’avenir nous ne fussions pas obligés d’accorder encore des bills d’indemnité, je demandai à M. le ministre de l'intérieur qu’il nous présentât une loi pour régler le mode de tirage au sort. On n’a pas présenté ce projet, et nous voilà aussi peu avancés qu’auparavant. Je veux bien accorder un bill d’indemnité pour aujourd’hui encore, si la chambre le veut ; mais je déclare que je n’en accorderai plus à l’avenir. Qu’on ne mette pas plus longtemps les gouverneurs dans l’embarras et dans la nécessité de violer la constitution ou de laisser les lois inexécutées.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’aurai l’honneur de proposer tout à l’heure à la chambre un projet de loi pour autoriser le gouvernement à continuer la mobilisation de la garde civique. J’avais pensé d’abord à mettre dans ce projet une disposition pour régler le mode de tirage ; mais M. le ministre de la guerre m’a fait observer qu’il ne fallait pas priver le gouvernement de la faculté d’employer les compagnies les plus exercées. Quant à l’inconvénient signalé et qu’il s’est présenté dans le Hainaut, il ne se renouvellera plus, parce que des mesures seront prescrites pour que le tirage ait lieu autrement.
M. Gendebien. - Il résulte de ce que vient de dire M. le ministre que l’on ne pourrait pas confier au sort le soin de désigner les compagnies ; car les plus exercées seront toujours obligés de partir ; mais c’est tuer l’émulation, c’est punir le zèle et l’activité pour récompenser la négligence. C’est encourager les négligents à le devenir davantage, car on ne voudra pas s’instruire de peur d’être obligé de partir. Si c’est ainsi que les ministres entendent la chose, je les plains ; mais je plains encore plus la nation d’être administrée par de tels hommes.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ce que vient de dire le préopinant mérite une réponse. Vous tuez, dit-il, l’émulation, vous récompensez la négligence. Non, messieurs, nous ne récompensons pas la négligence ; car ce n’est pas par un caprice que l’on a été forcé d’agir ainsi, mais par la force des circonstances. Des compagnies étaient plus instruites que les autres, parce que, n’ayant pas des armes pour tout le monde, on n’a pu en donner qu’à quelques-uns ; et ceux-là, naturellement, étaient plus instruits. Fallait-il, quand l’ennemi était à nos portes, nous priver, sous prétexte d’équité, de ces hommes qui pouvaient être utiles à l’instant, pour ne prendre que des hommes incapables de servir ? Non sans doute. Voilà la cause de ce qui a été fait. Mais à l’avenir, le gouvernement ayant des armes pour tout le monde, les choses se feront d’une manière plus équitable.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Messieurs, les observations de M. Gendebien seraient justes, prises d’une manière absolue ; mais elles sont loin de l’être quand on ne veut pas faire abstraction des circonstances. D’abord, il est certain que la loi sur la garde civique est défectueuse en bien des points, et qu’elle doit être révisée. Mais, si l’on veut être équitable, ce n’est pas par compagnies que l’on doit tirer au sort, c’est par homme ; il n’y a que cette seule manière de ne faire injustice à personne. La loi pourrait devra le régler ainsi pour l’avenir ; mais, dans les circonstances où nous nous sommes trouvés, des armes ayant été distribuées aux uns et pas aux autres, il a fallu prendre les hommes les plus instruits. Chacun sent la raison qui nous y a déterminés, et il serait ridicule de prétendre que le gouvernement a été injuste. Il lui fallait un certain nombre d’hommes ; il les a pris là où ils étaient. Le besoin était pressant. Il ne faut pas penser que le gouvernement soit injuste pour le plaisir de l’être. Que lui importe, en effet, que ce soit tel individu ou tel autre qui parte ! L’essentiel pour lui est d’avoir les hommes doit il a besoin.
M. Destouvelles. - Une vérité résulte évidemment de la discussion, c’est qu’il y a lacune dans la loi, et qu’il est urgent d’y remédier par une autre loi.
M. Gendebien fait remarquer qu’il a consenti à donner un bill d’indemnité pour le passé, vu les circonstances ; mais il demande qu’on fasse une loi pour que les choses ne se passent plus ainsi à l’avenir.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Treize raffineurs de sucre, à Gand, réclament : 1° contre l’arrêté du 4 février dernier, permettant le transit des sucres étrangers en Belgique, et signalent les abus qui en résultent ; et 2° demandent la révocation de cet arrêté et quelques modifications à l’article 35 de la loi sur les sucres.
- Renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Walt, à Sclayn, énumère les services qu’il a rendus à la cause de la révolution, réclame de ce chef quelques avances faites par lui, et attend la récompense de ses services. »
- Renvoi au ministre de la guerre.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Van Bfervliet, à Cortemarck, réclame : 1° la médaille qui avait été promise sous l’ancien gouvernement aux chirurgiens et médecins pour vaccination gratuite ; 2° dans une deuxième pétition, le même propose que l’autorité fasse afficher et publier dans tout le royaume les lois et mesures de police sanitaire, avec quelques instructions pour se préserver du choléra. »
- La chambre passe à l’ordre du jour.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le sieur Quanonne Goudeman, commissionnaire de roulage à Gand, adresse un mémoire à la chambre, où il signale un abus relatif au droit d’exportation sur le fil de lin écru. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
M. A. Rodenbach. - J’appuie d’autant plus le renvoi, que je viens d’apprendre que les Anglais accaparent les trois quarts du lin qui se trouve en Belgique. Dans le district de Courtray, un Anglais en a acheté à lui seul pour 80,000 florins, et il a dit que bientôt, grâce à leurs mécaniques, ses compatriotes vendraient la toile à 30 p. c. de moins que les Belges. J’ai appris aussi que déjà l’Angleterre fournit à l’Espagne les toiles dites de Brabant à 12 p. c. au-dessous du prix auquel on pourrait les fournir en Belgique. Cela provient de la facilité que l’on trouve à l’exportation. Les lins ne paient que 4 p. c. à la sortie ; c’est trop peu. Je suis partisan de la liberté du commerce ; mais il faut prendre garde, avec un système trop généreux, de ne pas ruiner notre industrie au profit de l’Angleterre.
M. F. de Mérode. - Il me semble que le meilleur moyen, pour cela, serait d’introduire dans notre pays des machines anglaises. (Rire et agitation.)
- Le renvoi proposé par la commission est ordonné.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Le major B. de Valenthiennes supplie la chambre, vu l’intention de M. le ministre de la guerre de ne pas faire droit à ses réclamations, de lui faire payer ses appointements arriérés du 25 août à ce jour, avec invitation à M. le ministre de la guerre de le mettre en activité ou en disponibilité, étant breveté par le décret du régent du 12 avril 1831.
On vient de me remettre, de la part de M. le ministre de la guerre, dit M. le rapporteur, un mémoire explicatif que voilà : il est très volumineux, et je n’ai pas eu le temps de le communiquer à la commission. Je demande que la chambre veuille bien ajourner le rapport de la pétition à huitaine.
M. Gendebien. - Je suis loin de provoquer une discussion séance tenante : je sais que la question est délicate et mérite un mûr examen, mais je ne pense pas qu’il faille renvoyer à un si long délai. Les pétitionnaires ont faim, et il est juste qu’ils sachent bientôt si on leur accordera ou non le pain qu’ils ont mérité en combattant pour la liberté. Je demande le renvoi à demain.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Les communes de Wanzeel, Hofstude, Baveghem, Meldert, Impe, Lede, Smetade et Erpe, district d’Alost, demandent que, lors de la nouvelle organisation judiciaire, il soit établi un tribunal de première instance dans la ville d’Alost. »
La commission demande et la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
La séance est levée à quatre heures.