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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 15 décembre 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à la circonscription cantonale de Nivelles (Tremouroux,
Mercier), à la police rurale (Dedecker)
et aux droits sur les sucres (Cogels)
2) Projet de loi accordant des crédits supplémentaires
au budget du département des travaux publics (Delfosse)
3) Projet de loi portant le budget du département de
la justice pour l’exercice 1848 (Lange)
4) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Vote
des budgets (Rogier, de Garcia,
d’Huart)
5) Projet de loi portant le budget du département de
l’intérieur pour l’exercice 1848. Discussion des articles.
a) Industrie des jeux à Spa (Lys, Rogier), milice (de Theux, (garde
civique) Rogier, Lebeau, Orban, de Theux, Rogier),
droits des légionnaires de l’Empire (de Garcia, Frère-Orban)
b) Agriculture. Ecole de médecine vétérinaire,
enseignement agricole (de Tornaco), encouragements à
l’agriculture (notamment amélioration des races bovines, sociétés agricoles,
exposition agricole) (David, Rogier,
(+haras de l’Etat), Faignart, de
Garcia, David), entretien de la voirie vicinale (Eenens), encouragements à l’agriculture (sociétés
agricoles, exposition agricole) (de Theux, Rogier), encouragements à l’agriculture (pratique et école
vétérinaire, enseignement agricole, droits sur les céréales, octrois communaux,
exposition agricole, ordre de Léopold, lutte contre les épizooties, subsides
pour les courses de chevaux) (Desaive), inspection
agricole (Pirmez), réplique générale (Rogier),
exposition agricole, enseignement agricole (de Garcia),
enseignement agricole (de Tornaco), encouragement à
la voirie vicinale, pratique vétérinaire (de Mérode),
haras de l’Etat, cavalerie de l’armée (du Roy de Blicquy),
pratique vétérinaire (de Theux), création d’une
inspection agricole (Orban, Rogier,
Orban, de Theux, Malou,
Rogier, Pirmez), subsides pour
les courses de chevaux (Rogier, Desaive)
c) industrie linière (T’Kint de
Nayer), travail des enfants dans les manufactures (Sigart),
industrie linière (Gilson), inspecteurs des affaires
d’industrie (Lebeau)
d) Instruction publique. Ecole française d’Athènes (Cans, Rogier, de
Theux), instruction des langues modernes, projet d’école commerciale (de Haerne), enseignement moyen (Nothomb,
Rogier, Nothomb), enseignement
primaire (Nothomb)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 278) M. A.
Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. Troye
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M.
A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs négociants, marchands et débitants de boissons distillées,.
à Neufchâteau, demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un
impôt de consommation sur les boissons distillées. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et
moyens.
_______________
« Plusieurs habitants de Quaedmechelen présentent des observations sur
la direction à donner à la route de Turnhout à Moll vers le Limbourg.
« Mêmes observations de plusieurs propriétaires et habitants à
Olmen. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
_______________
« Le secrétaire de la commune de
Melin demande une loi qui améliore la position des secrétaires communaux et qui
les admette à participer à la caisse de retraite des employés de l'Etat. »
- Renvoi au ministre de l'intérieur.
_______________
« Plusieurs habitants de Dochamps
prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession,
et toute augmentation de dépenses ou d'impôts qui lui serait proposée. »
« Même demande de plusieurs habitants d'Erneuville et de Malempré. »
- Renvoi à la section centrale du budget des voies et moyens, et dépôt
sur le bureau pendant la discussion de ce budget.
_______________
« Le sieur Schuermans, avocat à Bruxelles, prie la chambre
d'allouer au département de la guerre le crédit nécessaire à l'apurement des
créances arriérées de son client le sieur Bogaers. »
- Renvoi à la commission permanente des finances.
_______________
« Le sieur Dieghens, capitaine pensionné, prie la chambre de lui
faire obtenir le remboursement des retenues faites sur ses appointements. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Tubize
présente des observations contre le projet de loi qui supprime le premier
canton de justice de paix de Nivelles.
« Mêmes observations du conseil communal de Nivelles. »
M.
Tremouroux. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission de
circonscription cantonale.
M. Fallon.
- La commission a terminé son travail.
M.
Mercier. - Cette pétition renferme plusieurs allégués
nouveaux contre la détermination prise par la commission. Je désire donc que la
commission examine ces nouvelles considérations développées dans lu pétition et
modifie, s'il y a lieu, ses conclusions.
M. Fallon.
- Je ne m'oppose pas au renvoi..
- Ce renvoi est prononcé.
« Le conseil communal de Zele
demande de nouvelles dispositions législatives sur la police rurale. »
- Sur la proposition de M. Dedecker, renvoi à la commission des pétitions
avec demande d'un prompt rapport.
« Les sieurs Michel Loos et Foulon, vice-président et secrétaire de
l'association commerciale et industrielle d'Anvers, prient la chambre de ne pas
adopter la proposition de la section centrale pour le budget des (page 279) voies et moyens, qui réduit
la décharge de l'accise à l'exportation du sucre raffiné de la catégorie A. »
M. Cogels.
- Cette pétition contient des considérations fort intéressantes sur la question
des sucres. J'aurais demandé l'insertion au Moniteur ; mais puisque cette
insertion n'est plus ordonnée qu'après renvoi à la commission ou à la section
centrale, et vu la proximité de la discussion du budget des voies et moyens, je
demanderai le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion.
- Ce dépôt est ordonné.
PROJETS DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. le
ministre des finances (M. Veydt) présente
deux projets de loi de crédits supplémentaires concernant le département des
travaux publics, le premier de 187,162 fr. relatif aux exercices 1845 et
antérieurs, le deuxième de 163,652 fr., relatif à l'exercice 1846.
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation
de ces projets de loi, dont elle ordonne l'impression et la distribution.
M.
Delfosse. - Je crois qu'il conviendrait de renvoyer ces
projets de loi à la section centrale du budget des travaux publics. Cette
section est déjà en possession de toutes sortes de documents et de tableaux de
routes, qui seront peut-être nécessaires pour examiner ces dépenses. On a nommé
une section centrale pour le budget des travaux publics et une autre pour le
crédit supplémentaire de 1,300,000 fr. Il en résulte que les pièces doivent
être fournies en double. C'est un inconvénient, car cela retarde le travail. Je
propose donc le renvoi de ces deux projets de loi de crédits supplémentaires à
la section centrale du budget des travaux publics.
- Ce renvoi est prononcé.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA JUSTICE POUR 1848
M.
Lange, au nom de la section centrale qui a examiné le
projet de loi de budget du département de la justice, dépose le rapport sur ce
budget.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
_________________
M. le
président. - Le bureau a remplacé dans la commission
spéciale chargée de l'examen du projet de loi sur les conflits, MM. Fleussu et
Thyrion par MM. Van Huffel et Lebeau, et dans la section centrale chargée de
l'examen du projet de loi sur le cumul, M. de Langhe par M. Tielemans. Il a
complété cette section centrale par la nomination de M. Broquet comme
rapporteur de la sixième section qui n'en avait pas nommé.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le
président. - Je rappellerai que la chambre a fixé à vendredi
la nomination d'un commissaire pour la caisse d'amortissement, des dépôts et
consignations. Cet objet figurera en tête de l'ordre du jour.
La chambre est invitée à assister demain à un Te Deum. Après le Te Deum,
il y aura une cérémonie à laquelle beaucoup de députés désireront probablement
assister : c'est la distribution des médailles aux exposants de l'industrie.
A quelle heure la chambre veut-elle fixer sa séance de demain ?
Plusieurs
membres. - Il ne pourra pas y avoir séance.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Messieurs, il me sera impossible, ou au moins très difficile d'assister à la
séance de demain ; je dois nécessairement être présent à la cérémonie qui aura
lieu à l'entrepôt et qui durera probablement jusqu'à 3 ou 4 heures. Je
regretterais cependant que mon absence seule pût faire perdre un jour de
discussion à la chambre. Je crois que beaucoup de membres désirent assister à
la cérémonie... (Oui ! oui !) Ainsi,
ce n'est pas à cause de moi que la séance n'aura pas lieu demain.
Cela étant, messieurs, je demande que la chambre tâche de regagner cette
séance, soit par des séances du soir, soit en avançant de deux heures les
séances ordinaires. Si, vendredi, nous pouvions nous réunir à onze heures dans
une séance de cinq heures, nous pourrions achever beaucoup de besogne. Sinon je
devrai supplier la chambre de bien vouloir consacrer quelques séances du soir à
la discussion des budgets. Nous tenons beaucoup à ce que les budgets soient
votés avant le 1er janvier.
M. de Garcia. -
Messieurs, je désirerais que nous eussions des séances du soir ; car je tiens
aussi à ce que les budgets soient votés avant la fin de l'année. Ainsi, je ne
vois pas qu'il soit impossible d'avoir une séance demain soir. M. le ministre
de l'intérieur vous a déclaré que pour lui personnellement, il ne voudrait pas
faire manquer la séance, et, quant à nous personnellement, nous ne nous
fatiguerons pas beaucoup en assistant à une distribution de médailles.
Je désirerais donc que nous eussions demain une séance du soir.
Cependant si cela devait trop fatiguer M. le ministre de l'intérieur, je
retirerais ma proposition.
M.
d'Huart. - Je demanderai qu'on ne fixe l'ordre du jour
qu'à la fin de la séance. S'il arrivait que la discussion du budget de
l'intérieur fût terminée aujourd'hui, nous pourrions avoir demain une séance du
soir pour l'examen du budget des voies et moyens.
Messieurs, il faut bien le reconnaître, si la chambre ne hâte pas ses
travaux, si nous ne nous pressons pas dans l'examen des objets très urgents,
très importants, qui sont à l'ordre du jour, il ne nous sera pas possible, non
pas de finir le 23 décembre, mais pas même le 1er janvier.
Nous devons cependant faire tous nos efforts pour terminer les
différents travaux urgents qui concernent les budgets qu'il est dans l'intérêt
du pays de voter avant le 1er janvier.
Je crois utile de ne prendre une décision sur l'ordre du jour de demain
qu'à la fin de la séance, et j'en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR
L’EXERCICE 1848
Discussion des articles
Chapitre VII. - Fêtes nationales
Article unique
« Art. unique. Frais de
célébration des fêtes nationales : fr. 30,000. »
- Adopté.
Chapitre VIII. - Eaux de Spa
Article premier
« Art. 1. Traitement du
contrôleur des jeux : fr. 2,500. »
La section centrale propose de réduire le chiffre de cet article à 1,500
fr.
M. Lys.
- Messieurs, je crois qu'il n'y a pas seulement lieu de réduire le crédit à
1,500 francs, mais que tout l'article doit disparaître. Il ne s'agit pas ici
d'une charge du gouvernement : ce sont les actionnaires des jeux qui, dans tous
les cas, doivent payer le contrôleur des jeux. Il me suffira de quelques
explications pour le démontrer.
Vous savez, messieurs, que, depuis l'établissement des jeux à Spa, la
concession en a été accordée aux propriétaires des bâtiments dessinés à ces
jeux. C'est une concession du prince-évêque de Liège. Plus tard le gouvernement
hollandais a concédé ces jeux, par bail de 25 ans, aux mêmes actionnaires. Le
gouvernement belge a renouvelé ce bail l'année dernière pour 15 ans, toujours
en faveur des mêmes propriétaires, mais il y a mis pour condition que dans tous
les cas, y eût-il même perte, tous les frais quelconques seraient à la charge
des actionnaires, sans que le gouvernement doive jamais intervenir.
D'après les conditions du bail renouvelé l'année dernière, les frais du
contrôleur des jeux sont considérés comme une dépense qui est à la charge de
l'entreprise. Il y a même une somme pour la police de Spa. Ensuite un dividende
est prélevé sur les bénéfices en faveur de l'hospice de Saint-Charles ou des
pauvres de Spa.
Le gouvernement, dans aucun cas quelconque, n'est obligé de supporter
aucune perte. Il ne vient prendre sa part de moitié que dans les produits nets.
Comme président de l'administration nommée par le gouvernement j'ai eu sous les
yeux le budget de l'entreprise des jeux de Spa et il y a une somme de 80,000
fr. à payer par les actionnaires avant qu'ils ne puissent toucher aucun
bénéfice, et dans cette somme de 80,000 fr. s'en trouve une de 7,800 fr. sur
laquelle doivent être pris les 2,500 fr. qui sont portés ici par erreur au
budget.
Quant à l'appréciation de ce chiffre, si je n'envisageais que l'intérêt
des actionnaires, je pourrais le trouver trop élevé ; mais quand je considère
que ce contrôleur doit être choisi parmi les hommes jouissant d'une certaine
considération, que ce doit être un homme sur la probité et l'exactitude duquel
on puisse compter ; et quand je vois que le titulaire qui a été nommé par le
gouvernement remplit toutes ces conditions ; quand je considère, en outre,
qu'il s'agit, pendant six mois, d'assister aux assemblées de chaque jour, je ne
trouve plus que la somme de 2,500 fr. soit trop élevée ; car il faut remarquer
que ce fonctionnaire doit être présent aux assemblées journalières, depuis midi
jusqu'à 3 heures et depuis 5 heures du soir jusqu'à 1 heure du matin, et pour
cette surveillance il ne jouit tout au plus que d'un traitement de 416 fr. par
mois.
Ainsi, messieurs, la somme de 2,500 fr. ne
concerne pas le gouvernement ; elle ne le concerne qu'autant qu'il y a
bénéfice, et alors elle le concerne pour la moitié ; mais lorsqu'il y a perte,
le gouvernement n'y entre pour rien. S'il y avait perte, les actionnaires
perdraient une somme de 80,000 fr. qui est nécessaire pour faire face aux frais
de l'établissement. Je crois donc que M. le ministre de l'intérieur ne doit pas
hésiter à biffer du budget cette somme de 2,500 fr.
M. le
président. - M. Lys demande le retranchement de l'article
premier du chapitre VIII.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne
vois pas d'inconvénient à me rallier à cette proposition.
- Le retranchement de l'article premier du chapitre VIII est ordonné.
Article 2
« Art. 2 (qui devient l'article
unique du chapitre VIII). Frais de réparation des monuments de la commune de
Spa : fr. 2,000. »
- Adopté.
Chapitre IX. - Construction et restauration
d’hôtels provinciaux
Article unique
« Art. unique. Deuxième
tiers d'une somme de 400,000 fr., allouée par la loi du 18 mai 1845 pour
pourvoir aux dépenses des travaux nécessaires pour la restauration du palais de
Liège à l'effet d'y établir la demeure du gouverneur, ainsi que les bureaux de
son administration, et d'en faire le siège du conseil provincial : fr.
133,000. »
- Adopté.
Chapitre X. - Révision des listes électorales
Article unique
(page 280) « Art. unique. Frais d'exploits relatifs aux appels
interjetés d'office par les commissaires d’arrondissement en vertu de l'article
7 de la loi du 1er avril 1843, concernant la révision des listes électorales
pour l’élection des membres des chambres législatives et des conseils
provinciaux : fr. 500. »
- Adopté.
Chapitre XI. - Milice
Article premier
« Art. 1er. Frais
d’impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription : fr.
1,600. »
- Adopté.
Article 2
« Art. 2. Indemnités des
membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le
conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impressions et de voyage
pour la levée de la milice et pour l'inspection des miliciens semestriers.
Vacations des officiers de santé en matière de milice. Primes pour arrestation
de réfractaires : fr. 63,000 »
M. le
président. - La section centrale, de commun accord avec le
gouvernement, réduit le chiffre à 7,000 fr.
M. de Theux. -
Messieurs, je demande la parole uniquement pour demander à M. le ministre de
l'intérieur si son intention est de s'occuper de la révision des diverses lois
sur la milice nationale. Ce travail a été retardé, parce qu'on considérait
comme trop difficile la tâche de résoudre en même temps plusieurs questions
importantes qui avaient été soulevées.
Dans la dernière session, on a adopté un projet
de loi lequel décide les principales questions qui étaient controversées, et
qui apporte à la loi sur la milice les principales modifications dont
l'expérience avait indiqué la nécessité.
On avait, dans les deux chambres, exprimé le désir qu'un travail de
révision fût fait. J'avais, quant à moi, accueilli ce vœu, et j'avais même
chargé le fonctionnaire supérieur qui a la milice dans ses attributions, de
s'occuper constamment de ce projet de révision. Si cette révision pouvait être
opérée, ce serait un grand bienfait pour les administrations et pour le public,
car il est aujourd'hui extrêmement difficile de consulter ces diverses lois qui
se modifient les unes les autres. Rien que ces lois soient composées de
nombreuses dispositions et que des difficultés se rattachent au travail de
révision dont je parle, ces difficultés ne sont pas cependant telles qu'elles
doivent faire renoncer au travail.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, la chambre est déjà saisie d'un très grand nombre de projets de lois
; ce n'est pas à dire pour cela que l'action du gouvernement doive se ralentir,
ni qu'elle doive s'abstenir d'examiner les lois nouvelles qu'il serait
important de soumettre à la chambre. La législation sur la milice est
certainement une de celles qui ont le plus besoin de révision. Aujourd'hui les
décisions les plus importantes qui touchent à la liberté, à l'existence même
des individus n'offrent pas de garanties suffisantes.
Il règne dans la jurisprudence des diverses députations une sorte
d'anarchie. Mon honorable ami M. Lebeau avait proposé de fixer cette
jurisprudence en déférant à la cour de cassation les décisions des députations
permanentes. Cette proposition n'a pas été examinée par la chambre. Il serait
certainement intéressant de pouvoir régler ce premier point. Quoi qu'il en
soit, la législation sur la milice est une de celles qui appellent le plus
impérieusement des réformes. Je ne veux pas prodiguer les promesses ; je me
borne à dire que le gouvernement continuera à étudier toute la législation sur
la milice.
Il importe que cet impôt, cette contribution personnelle soit établie
sur de meilleures bases, d'après une répartition plus équitable. Alors que le
moindre impôt en argent coûte tant de peine à obtenir, excite souvent de si
vives réclamations, il faut reconnaître que cet impôt de la milice, beaucoup
plus personnel que celui qui porte ce nom, l'impôt du service militaire, est en
général considéré comme une charge plus supportable que d'autres. Pourquoi ?
C'est qu'en fait, cette charge est supportée par la classe inférieure. C'est
sur cette classe que cette charge pèse principalement. Certainement, si nous
parvenions, en conservant les bases essentielles de notre organisation
militaire, à introduire quelque adoucissement dans ces lois de milice qui sont
très dures pour la classe inférieure, nous aurions rendu un grand services. Je
promets donc de faire examiner avec le plus grand soin les lois sur la milice ;
mais avant d'ajouter à l'arriéré considérable de lois qui restent à discuter
par la chambre, il faut que nous ayons épuisé cet arriéré, et je pense que pour
cela ce ne sera pas de trop de toute l'année 1848.
Je ne puis donc pas m'engager à déposer un projet
de loi dans le cours de cette session, car il courrait grand risque de ce
pouvoir être examiné. Mais la session prochaine ne se passera pas sans que vous
soyez saisis de la révision de cette loi importante.
Je ferai observer qu'un projet, de loi sur la garde civique a été déposé
le 1er mars 1845 ; et jusqu'ici la chambre ne s'est pas occupée de cette loi si
importante.
M. Lebeau.
- Messieurs, je n'ai pas beaucoup d'espoir de voir se réaliser le projet de
révision générale d'une loi. J'ai des prétentions beaucoup plus modestes. Je
désire que l'on procède d'abord à l'élimination de quelques, anomalies qui ont
été signalées par tout le monde.
L'honorable M. Nothomb et moi, et, si je ne me trompe, l’honorable M.
Orban, avons présenté des vues et même des propositions susceptibles, je pense,
d'une exécution assez rapide et assez facile ; car nous avons singulièrement
circonscrit les réformes que nous demandons. Ce sont simplement des lacunes que
nous proposons de combler.
Je demanderai donc à M. le président quel sort a
été fait à ces propositions. Je demanderai si elles ont été renvoyées à une
commission ; et pour le cas où elles n'auraient pas été renvoyées, je propose
que la chambre autorise le bureau à en nommer une immédiatement. L'essentiel
est de terminer nos digressions par une conclusion.
M. le
président. - Les propositions de modifications à la loi
sur, la milice ont été renvoyées à une commission spéciale composée de MM.
Lejeune, Veydt, de Roo, de Man d'Attenrode, Lebeau et Nothomb.
M. Lebeau.
- Je demande que la commission s'occupe le plus tôt possible de son travail.
M. Orban.
- Je crois avec l'honorable M. Lebeau que la révision complète des lois sur la
milice et leur discussion dans cette chambre doit présenter de grandes
difficultés ; toutefois ce n'est pas un motif pour écarter cette révision si
souvent réclamée. Mais ce doit être un avertissement pour M. le ministre
d'apporter un soin particulier à l'élaboration de ce projet.
Ainsi par exemple, messieurs, je ne pense pas
qu'il suffise, comme, vient de l'exprimer un honorable préopinant, d'en charger
le chef de cette branche de service au département de l'intérieur, quelles que
puissent être du reste ses lumières que je n'entends point contester. Il y a
pour cela un motif tout particulier, c'est que les lois sur la milice reçoivent
leurs principales applications dans les provinces et non pas à l'administration
centrale. C'est dans les administrations provinciales que se trouvent les
hommes pratiques qui connaissent les vices de cette loi et. les améliorations à
y apporter. Je me permettrai donc de donner à M. le ministre de l'intérieur le
conseil de nommer une commission composée de ces hommes spéciaux pour se livrer
au travail si important de la révision des lois sur la milice. Une pareille
élaboration et les garanties qu'elle offrirait font seule possible la
discussion par les chambres d'une loi de cette nature.
M. de Theux. - Lorsque
j'ai dit que j'avais chargé le directeur au département de l'intérieur, qui a
la milice dans ses attributions, de préparer un projet de coordination des lois
sur la milice, il était entendu que ce projet serait soumis à l'examen de
jurisconsultes, de manière à présenter à la chambre un travail aussi complet
que possible.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je
reconnais le chef de service de la milice au département de l'intérieur comme
très capable de préparer un projet de loi sur cette matière. Mais je ne dis pas
néanmoins que ce projet ne sera pas soumis à une réunion d'hommes expérimentés
et capables, non seulement jurisconsultes, mais administrateurs.
Je ne demande pas mieux que de m'entourer du concours d'hommes
d'expérience, de science, d'instruction. Quoi qu'on en dise, je continuerai à
marcher dans cette vote. Une loi sur la milice rentre dans la catégorie de
celles pour lesquelles le gouvernement doit s'éclairer des lumières d'hommes
instruits et capables. Sous ce rapport, le vœu de l'honorable M. Orban sera
probablement rempli.
- L'article 2 est adopté avec le chiffre de 7,000 fr.
Chapitre XII. - Garde civique
Article unique
« Art. unique. Frais de
voyage de l'inspecteur général de la garde civique, des aides de camp qui
l'accompagnent, et frais de bureau de l'état-major ; achat, réparations et
entretien des armes et équipements de la garde civique : fr.
20,000. »
- Adopté.
Chapitre XIII. - Récompenses honorifiques et
pécuniaires
Article unique
« Art unique. Médailles ou
récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage : fr.
8,200. »
- Adopté.
Chapitre XIV. - Légion d’honneur et croix de Fer
Article premier
« Art. 1er. Dotation en
faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la
fortune, et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de fer,
non pensionnés d'autre chef, peu favorisés delà fortune. Subsides à leurs
veuves et orphelins : fr. 90,000. »
A la demande de M. le ministre de l'intérieur la section centrale
propose de supprimer dans cet article les mots « non pensionnés d'autre
chef. »
M. de Garcia. - Le budget
actuel a été présenté par l'honorable comte de Theux. Malgré les réclamations
antérieures, il n'est pas dit un mot sur ce qu'il sera fait en faveur des
légionnaires. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il entre dans les
intentions du cabinet nouveau (page 281)
de faire justice à cette classe de citoyens honorables qui ont bien mérité de
leur patrie.
J'ai lieu d'espérer que le cabinet
actuel fera quelque chose pour ces anciens serviteurs du pays ; cet espoir est
d'autant plus fondé que, parmi les ministres actuels figure un homme qui a pris
la tâche honorable de défendre leurs droits en justice réglée. Il a même gagné
leur procès en première instance. Je désirerais savoir si le gouvernement
entend se pourvoir contre cette décision que je crois aussi fondée en droit
qu'en justice.
Ces explications, je les demande, parce que je crois qu'il est de
l'honneur, de la dignité du gouvernement de ne pas attendre une condamnation
définitive, pour récompenser des hommes qui, par des services incontestables,
avaient des droits acquis. Je prie donc le gouvernement de vouloir faire
connaître ses intentions sur cette question.
M.
le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban).
- Je n'ai pas besoin de dire combien sont vives mes sympathies pour les
légionnaires de l'Empire. J'ai eu l'honneur d'être chargé de leur défense
devant les tribunaux, mais cela même me place dans une situation exceptionnelle
au banc ministériel. On conçoit parfaitement que je ne puis pas continuer à
être l'organe de ces intérêts, que je ne puis pas me constituer en ce moment le
défenseur des anciens légionnaires soit dans les chambres, soit dans le
gouvernement. Ce n'est pas à moi, c'est à mes collègues qu'il appartient
d'apprécier la question que soulève cette affaire.
L'honorable M. de Garcia demande si le gouvernement a l'intention
d'appeler du jugement rendu par le tribunal de Liège, et qui condamne l'Etat.
L'appel a été formé depuis fort longtemps, et même avant la constitution du
nouveau cabinet. L'affaire est pendante devant la cour.
- L'article premier est adopté.
Article 2
« Art. 2. Subside au fonds
spécial des blessés de septembre : fr. 25,000. »
- Adopté.
Chapitre XV. – Ecole de médecine vétérinaire,
etc.
Article premier
« Art. 1er. Ecole de
médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat. Jury d'examen : fr.
153,500. »
M. de
Tornaco. - L'année dernière il vous a été présenté un
projet de loi sur l'enseignement agricole. J'ignore quelles sont les intentions
du gouvernement ; mais je me plais à croire qu'il donnera suite au projet qui
vous a été soumis, en y introduisant toutefois certaines modifications.
Messieurs, il ne faut pas se dissimuler que l'enseignement agricole est
la base fondamentale de toutes les améliorations à introduire dans notre
agriculture. Sans cet enseignement, messieurs, on pourra bien faire quelques
progrès, mais ce seront des progrès peu sensibles, des progrès qui ne seront
pas tels qu'on doit les désirer, dans la situation actuelle du pays.
Dernièrement, messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur a prononcé,
dans cette enceinte, un beau discours, un discours remarquable, un discours
excellent à l'occasion du subside de 500,000 francs qui nous était demandé pour
les Flandres. Dans ce discours, M. le ministre de l'intérieur a fixé
l'attention des cultivateurs sur beaucoup d'améliorations, il a parlé entre
autres de l'extension à donner à la culture maraîchère, et à la culture du lin.
Toutes les idées de M. le ministre étaient excellentes.
Mais je dois l'avouer, en entendant un aussi beau discours, j'éprouvais
un sentiment assez pénible, je me disais en moi-même : Voilà de bien bons
conseils, mais qui ne peuvent pas produire d'effet, attendu qu'ils sont
adressés à des gens qui ne les comprendront pas. C'était une excellente semence
jetée sur un terrain stérile.
Cet exemple, messieurs, je le cite pour bien faire comprendre à la
chambre de quelle importance est l'enseignement agricole. Tant que la chambre
n'aura pas voté cet enseignement, n'aura pas pourvu aux dépenses qu'il réclame,
on n'obtiendra pas d'améliorations notables dans l'agriculture, les meilleurs
avis, les meilleurs conseils seront donnés en pure perte.
Messieurs, il faut bien le dire, on a laissé les cultivateurs croupir
dans l'ignorance, dans le préjugé et dans la routine. On n'a rien fait pour eux
en ce qui concerne l'enseignement de leur art. On leur a demandé beaucoup
d'argent ; on leur a rendu peu de chose en compensation. Aussi qu'est-il arrivé
? Aujourd'hui votre commission de statistique déclare qu'il existe un déficit
dans les céréales, dans les produits de l'agriculture qui sont nécessaires à
l'alimentation de la nation. C'est là, messieurs, il faut bien le dire, un
triste résultat de l'imprévoyance administrative.
Depuis longtemps dans d'autres pays, on s'occupe d'enseignement
agricole, ou va au-devant des nécessités de l'époque ; et dans notre pays on a
complètement négligé cette question, on n'a pris aucune mesure pour faire faire
à l'agriculture les progrès que réclament les besoins réels, les besoins
matériels du pays.
J'espère, messieurs, que le gouvernement fixera son attention sérieuse
sur ce point, et je l'engage à ne pas s'en tenir au projet qui a été présenté.
Ce projet demande des modifications profondes. Il ne faut pas au pays, en
matière d'enseignement agricole, un établissement insignifiant et coûteux,
quelque espèce d'avorton, sur la viabilité et la prospérité duquel on ne peut
se faire illusion que quand on est aveuglé par un amour paternel exagéré ; il
faut au pays un institut où l'agriculture soit élevée au rang de science, au
niveau des autres industries du pays ; il nous faut un institut d'où sortent de
jeunes intelligences qui s'ouvrent une carrière nouvelle, répandent dans le
pays les lumières, les progrès agricoles de toute nature, les méthodes des
instruments nouveaux.
II faut, messieurs, que nous ayons un institut agricole, d'où sortent
des jeunes gens capables d'administrer, de régir des propriétés, propriétés de
particuliers, propriétés d'associations, propriétés du gouvernement ; des
jeunes gens qui soient capables de diriger des colonies agricoles, soit à
l'intérieur, soit à l'extérieur du pays. Et, soit dit en passant, messieurs,
nous sommes plus près de la nécessité de pareilles colonies qu'on ne le pense
généralement.
J'insiste donc auprès du gouvernement pour qu'il ne perde pas de vue,
cet intérêt important ; qu'il veuille bien songer que c'est une grande
question, une très grande question qu'il a à traiter. Je l'engage à revoir le
projet qui nous a été présenté l'année dernière, et sur lequel j'ai déjà eu
l'honneur de soumettre dans la précédente session quelques observations. Je
crois que ce projet doit être revu, et j'espère que le gouvernement, lorsqu'il
l'aura revu, se hâtera de le représenter à la chambre.
- L'article est mis aux voix et adopté.
Article 2
« Art. 2. Subside à la
société d'horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »
- Adopté.
Chapitre XVI - Agriculture
Discussion générale
M. David.
- J'admettrai toujours les dépenses utiles qui nous seront proposées pour
l'amélioration des diverses branches de l'agriculture, mais je me permettrai
aussi d'émettre mes vues quand il me semblera que des sommes moindres pourront
produire un même résultat.
C'est ainsi, messieurs, que le perfectionnement de nos races d'animaux
domestiques entraîne de très grands frais, sans que certaines localités du pays
puissent profiter des sacrifices faits par le gouvernement. Il est reconnu et
incontestable que nos diverses espèces bovines ne peuvent être améliorées par
la race de Durham, et dans une autre enceinte, au conseil provincial de Liégé,
j'ai émis une idée qui a été approuvée et qui a donné lieu à des mesures
conformes à ce que je demandais.
L'Ardenne, entre autres, par suite de la stérilité du sol et de l'âpreté
du climat, ne peut, pour le moment, régénérer son espèce bovine que par
l'espèce indigène même, et il me paraît qu'au lieu d'acheter à grands prix des
taureaux étrangers qu'il faut nourrir, soigner, et qu'une maladie peut
emporter, il serait plus économique d'accorder des primes aux propriétaires des
taureaux reconnus, par une commission spéciale, comme reproducteurs parfaits
pour les localités dans lesquelles ils doivent servir à l’amélioration de la
race ; les primes accordées de la sorte par le gouvernement tiendraient lieu du
prix de saillie réclamé aux cultivateurs qui ainsi l'obtiendraient
gratuitement.
Ces taureaux resteraient aux risques et périls des propriétaires dans
les étables de ceux-ci ; les achats de reproducteurs étrangers pourraient être
restreints, et les frais d'entretien, nourriture et artistes vétérinaires,
diminués. La même mesure pourrait être bonne pour la race chevaline également,
et je demanderai à M. le ministre de vouloir examiner cette question.
Avant de terminer, j'adresserai encore un mot à
M. le ministre de l'intérieur. Il a, dans un de ses derniers discours, signalé
les bienfaits réalisés par les sociétés d'agriculture. Une somme spéciale est
demandée pour être distribuée en subsides aux diverses sociétés existantes ;
mais, messieurs, l'appel fait par M. le ministre sera entendu, et de nouvelles
sociétés surgiront ; je demanderai donc à M. le ministre quels fonds serviront
à subsidier ces nouvelles sociétés, et si ou comment, dans le cas où les
sociétés existantes viendraient à se fractionner, les subsides actuellement
accordés seraient répartis.
Il me paraît qu'un crédit éventuellement plus fort devrait être demandé.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, en me renfermant pour le moment dans le crédit proposé par mon honorable
prédécesseur au chapitre de l'agriculture, je ne puis pas dissimuler à la
chambre que probablement ce crédit sera insuffisant. Si nous voulons donner
plus de développement à cette partie importante du service, il sera
indispensable qu'une augmentation de crédit assez forte soit réclamée de cette
chambre. Mais je crois que c'est là une de ces dépenses reproductives qui
peuvent parfaitement se concilier avec l'intention bien arrêtée que nous avons
exprimée d'introduire toutes les économies sages qu'il nous sera possible de
faire dans les divers services qui nous sont confiés.
Messieurs, les dépenses faites pour l'agriculture ont cet avantage
spécial : c'est (je les suppose bien faites) de se reproduire en bénéfices
notables pour le pays, et sous ce rapport de telles dépenses méritent les
sympathies de la chambre.
On vient, messieurs, de me demander si je considérais le crédit qui
figure au budget pour encouragements à l'agriculture, si je le considérais
comme suffisant pour être réparti entre les différentes sociétés agricoles du
royaume. Non, messieurs, ce crédit ne sera pas suffisant, et je demanderai à la
chambre la permission de lui exposer quelques vues sur (page 282) les améliorations que je me propose d'introduire dans le
service agricole.
Je pense qu'il est loyal que la chambre soit prévenue de la dépense qui
pourrait en résulter, car si ces vues d'améliorations étaient combattues dans
cette enceinte, si je voyais que la chambre ne pense pas qu'il soit prudent de
s'y associer, je réfléchirais à ce que j'ai à faire, je verrais jusqu'à quel
point ces vues doivent se modifier.
Il y a, messieurs, des augmentations à demander du chef de la prochaine
exposition nationale des produits de l'agriculture.
Nous avons, messieurs, cette année, commencé par un essai, qui a réussi
au-delà de toute attente. Nous sommes parvenus, en quelques semaines, à appeler
à Bruxelles de toutes les parties du royaume, du fond des Flandres comme du
fond des Ardennes, tout ce que l'agriculture produit de plus remarquable. Cet
essai a donc parfaitement réussi et, je dois le dire, il a été très peu
coûteux, eu égard aux résultats obtenus. L'année prochaine nous nous proposons
d'instituer à Bruxelles une exposition plus complète encore. Cette année nous
nous étions bornés à appeler à l'exposition les produits agricoles proprement
dits, de crainte de ne pas réussir ; nous avons éliminé de l'exposition une
partie très importante, c'est-à-dire les chevaux et le bétail.
Or, messieurs, ce genre d'exhibition est tout aussi utile pour les
chevaux et pour le bétail que pour les fruits de la terre. Il faudra donc
l'année prochaine que l'exposition s'élargisse et qu'on y appelle tous les
produits quelconques. Il y aura donc de ce chef une dépense assez forte à
porter au budget, ou à demander par un crédit spécial ; mais je considère cette
dépense comme devant porter les meilleurs fruits.
Une exposition agricole restant à l'état d'exposition isolée ne suffira
point : il faut qu'elle se rattache à un système d'organisation complète. Déjà
dans beaucoup de districts agricoles, il existe des sociétés qui ont chaque
année des exhibitions s'étendant même au-delà du district. Ces sociétés ont
rendu des services ; il faut les encourager, il faut les faire naître là où
elles n'existent pas.
II faut encourager la création de ces sociétés qui dans leurs districts
doivent avoir ces premières exhibitions, préliminaires en quelque sorte, de la
grande exposition qui doit avoir lieu au centre du royaume. Eh bien ces
sociétés (et ici je réponds à l'honorable M. David), ces sociétés, pour vivre,
ont besoin de légers subsides, temporaires ou définitifs, suivant les
ressources qu'elles peuvent avoir. Je crois, messieurs, qu'il y a la plus
grande utilité à répandre dans tout le pays ces associations agricoles, mais le
crédit qui est actuellement porté au budget n'est pas suffisent pour atteindre
ce but.
Une institution, messieurs, qui manque également en agriculture et que
je considère comme indispensable, c'est une inspection agricole. En général,
messieurs, l'administration ne procédant que par correspondance, elle est
souvent impuissante, elle ignore elle-même ce qu'elle fait, elle n'apprécie pas
les résultats des mesures qu'elle prend ou qu'elle prescrit.
Beaucoup de services, beaucoup d'intérêts bien moins importants que ceux
de l'agriculture, sont administrés avec un luxe de personnel exagéré, suivant
moi, eu égard à leur importance ; l'agriculture, au contraire, est très peu
administrée et elle a besoin d'être administrée. Je crois que l'action
administrative, bien dirigée, en agriculture, peut produire les plus grands
effets. Comparez, messieurs, le service de l'agriculture à tous les autres
services, et vous verrez comment il se trouve abandonné en quelque sorte à
lui-même. Le gouvernement peut bien faire des discours, comme on l'a dit tout à
l'heure, il peut bien adresser des circulaires ; mais tout cela, messieurs,
avant de se réaliser en actes, en améliorations, tout cela doit passer par tant
de filières que la plupart du temps, tous les discours, toutes les circulaires
aboutissent à des résultats entièrement stériles ; il faut, en quelque sorte,
que l'œil et le bras du gouvernement puissent se porter dans les localités
mêmes, que l'œil puisse contrôler et les circulaires émanées du département de
l'intérieur, reçoivent leur exécution ; il faut qu'au besoin, le bras de
l'administration aille concourir aux actes qui ont été posés. Je considère
l'établissement d'une inspection agricole, d'une inspection agricole, active
comme une mesure des plus imposantes qui puissent être prises pour
l'administration de ce grand intérêt. Pour les ponts et chaussées, qui ne sont
qu'un moyen, en définitive, nous avons un personnel d'inspecteurs, d'ingénieurs
à tous les degrés, de sous-ingénieurs, de conducteurs, qui coûte chaque année
plus de 400,000 fr.
Des
membres. - Cinq cent mille francs !
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Les
prisons sont sans doute une branche importante de l'administration ; il est
important que les hommes que la justice humaine a privés de la liberté, soient
surveillés, reçoivent certains soins de l'administration ; mais, messieurs, il
y a à la tête des prisons une administration toute spéciale, un inspecteur
général, des directeurs des commissions, enfin un luxe de personnel immense
pour ce seul intérêt très restreint d'individus qui, après avoir commis des
fautes, des crimes, sont privés de la liberté. Le personnel des services
administratifs, en général, n'est pas proportionné à l'importance des intérêts
auxquels ils devraient s'appliquer.
Je suis frappé de l'espèce d'abandon où se trouve l'intérêt agricole. Je
sais fort bien que nous avons des fonctionnaires publics, des gouverneurs, des
commissaires de district qui peuvent s'occuper de ces intérêts ; mais à eux
seuls, il leur est impossible de se livrer à ces travaux de tous les jours
auxquels des fonctionnaires spéciaux pourraient se consacrer utilement. Quand
les gouverneurs, les commissaires d'arrondissement administrent, ils ont avec
eux, soit pour les prisons, soit pour les ponts et chaussées, un personnel
administratif nombreux et bien monté qui leur manque entièrement pour
l'agriculture.
Je sais qu'il existe des commissions d'agriculture ; mais ce sont des
fonctions gratuites, peu actives, confiées à des hommes qui sont de bonne
volonté sans doute, mais auxquels aucun ordre ne peut être donné, aucune
impulsion quotidienne ne peut être imprimée, attendu que ce sont des
fonctionnaires volontaires, bons à être consultés, mais dont, en général,
l'action est nécessairement limitée par leurs occupations personnelles, ou par
les occupations publiques qui peuvent leur incomber.
Voilà donc au point de vue administratif quelques-unes des mesures que
je me propose de prendre. Dès l'année prochaine, mon intention est de proposer
au Roi de décréter l'établissement d'une exposition publique complète des
produits de l'agriculture. A côté de cela, des encouragements seront donnés aux
sociétés agricoles, dans tous les districts agricoles, encouragements qui
consisteront en légers subsides ; ces sociétés agricoles (plusieurs existent
déjà) auront leur règlement, leurs expositions, où les produits agricoles
pourront recevoir des récompenses ; à la suite de ces expositions viendra
l'exposition générale où les vainqueurs pourront se mesurer entre eux.
L'établissement d'une inspection agricole se rattache à ces expositions.
Pour une seule branche d'agriculture, pour la branche des haras, nous dépensons
une somme de 125,000 francs ; nous avons pour cette seule branche : un
inspecteur général, un inspecteur adjoint, un directeur, des inspecteurs
provinciaux ; nous dépensons en personnel près de 60,000 fr. Il n'y a pas de
proportion entre ce qui se dépense pour toutes les autres branches de l'agriculture
et cette branche spéciale qui a, je le reconnais, son importance.
J'avertis donc la chambre que si je me contente pour le moment du
chiffre qui a été proposé par mon honorable prédécesseur, c'est en faisant mes
réserves pour l'avenir. Un crédit spécial devra être demandé. Je pense que
l'honorable M. de Theux aurait été amené lui-même à faire une pareille demande,
car le chiffre, tel qu'il est proposé actuellement, est insuffisant.
Je répète aussi que les dépenses que
j'annonce, je les concilie avec le système des économies sages auquel j'ai
déclaré que nous attacherions le plus grand prix. Mais de ce que nous voulons
introduire, le plus que nous pourrons, de sages économies dans les dépenses, il
ne s'ensuit pas que dans l'avenir, nous devions renoncer à proposer des
dépenses dont l'utilité aurait été démontrée au gouvernement. Pour faire de la
bonne administration, il faut de l'argent. L'important est que les dépenses
soient bien faites ; c'est qu'elles aboutissent à de notables améliorations ;
c'est qu'elles n'aillent pas s'éparpiller en une multitude de traitements ou
inutiles ou exagérés. Il faut que tous les fonctionnaires soient bien payés,
mais aussi qu'ils rendent tous des services réels et continus ; il ne faut pas
de sinécures.
M.
Faignart. - Messieurs, je crois devoir profiter de la
discussion du budget de l'intérieur pour soumettre au gouvernement quelques
observations relatives à l'amélioration de la race chevaline, pour laquelle
l'Etat fait des sacrifices qui ne me paraissent pas suffisamment compensés.
Je signalerai d'abord à M. le ministre la cause à laquelle j'attribue le
peu de succès obtenu par le croisement de l'espèce indigène avec les étalons
anglais achetés très cher et entretenus à grands frais par l'Etat.
Cette cause réside entièrement dans la manière d'opérer le croisement,
qui. jusqu'ici, a souvent été mal combiné, parce qu'il a été laissé à
l'appréciation des éleveurs, qui, il faut le reconnaître, n'ont pas tous les
connaissances nécessaires pour distinguer si une jument est susceptible de
produire un fruit utile.
Malheureusement, ces connaissances ne sont données qu'à un nombre très
restreint d'éleveurs, c'est-à-dire qu'il en est peu qui joignent la théorie à
la pratique, et soient par-là, à même de juger de la possibilité d'obtenir une
suffisante compensation des sacrifices que l'on s'impose en s'adonnant à
l'élève du cheval.
Je crois donc qu'il conviendrait de soumettre à une expertise annuelle
(comme cela se pratique pour les étalons de la race indigène), les juments que
l'on destine à la reproduction.
Cette innovation entraîne quelque dépense ; mais cette dépense, qui ne
pourrait être considérable, serait largement compensée par l'épargne des frais
qu'exige l'entretien d'étalons qui, à cause de leur grand âge, ne peuvent plus
être bons à la reproduction ; cette mesure produirait un bienfait inappréciable
que le pays serait bientôt appelé à recueillir ; on ne verrait plus ces chevaux
informes qui malheureusement sont en grand nombre, et parmi lesquels il n'est
presque pas possible d'en trouver de convenables pour le service de l'armée ;
ils ne sont pas plus propres à l'usage des particuliers, malgré les frais
énormes qui ont été faits pour les amener à l'âge où ils pourraient être
employés utilement.
Il résulte de ce qui précède que les fermiers ont suivi jusqu'ici une
mauvaise voie, en élevant des chevaux dont pour la plupart ils ne peuvent se
servir ni se défaire, que le découragement s'est emparé d'eux et qu'ils ne
veulent plus s'exposer à rendre infructueuses les dépenses considérables que
nécessite cette entreprise.
Cette mesure, sur laquelle j'appelle l'attention du gouvernement, aurait
à mes yeux l'avantage de procurer au pays une bonne partie des (page 283) chevaux dont on a besoin pour
la remonte de l'armée. Ces chevaux étant acclimatés en Belgique, on ne serait
pas exposé aux pertes qui résultent de la nécessité de se pourvoir à
l'étranger. Si une mesure comme celle que j'indique rencontrait une opposition
sérieuse, je conseillerais alors de supprimer le croisement, et d'améliorer
notre espèce par elle-même, j'ai la conviction intime que l'état de choses
actuel, au lieu de produire un bienfait pour le pays, conduirait à un mal
irréparable s'il était maintenu, c'est-à-dire à l'abâtardissement de la race
chevaline.
On m'objectera peut-être que, pour qu'une jument soit admise à la
saillie, elle doit avoir été préalablement visitée par un médecin vétérinaire ;
je répondrai à cela, que le vétérinaire n'est point appelé à constater qu'elle
réunit les qualités nécessaires pour donner un bon produit, mais seulement
qu'elle est en état de santé. Avec un certificat de cette espèce, la jument est
admise à la saillie, peu importe qu'elle doive donner un produit difforme ou
quelquefois même monstrueux.
Comme je viens d'avoir l'honneur de
vous le dire, les vétérinaires ne sont pas appelés à connaître des qualités
reproductives des juments présentées à leur examen, et le fussent-ils, je ne
trouverais pas assez de garantie dans cette manière de faire, pour mettre à
l'abri de mécomptes les personnes qui s'occupent de cette branche importante de
notre industrie agricole.
Je prie donc M. le ministre de l'intérieur qui a déjà donné des preuves
de sa sollicitude pour l'agriculture, de prendre en considération les observations
que je viens d'avoir l'honneur de présenter.
M. de Garcia. -
Messieurs, depuis plusieurs années, j'ai manifesté, dans cette enceinte, l'idée
que les expositions agricoles étaient une des mesures qui devaient produire le
plus de résultats heureux pour l'agriculture. Toute la difficulté, c'est
d'organiser ces expositions d'une manière parfaite. Cette organisation doit
établir tous les éléments nécessaires pour assurer la justice la plus parfaite
dans la distribution des récompenses et des encouragements.il faut que cette
organisation favorise également toutes les localités et que toutes les
localités puissent avec facilité apporter leurs produits.
Toute la difficulté de cette grande question réside donc dans
l'organisation des expositions. C'est à ce point de vue que je me permettrai de
présenter quelques considérations au gouvernement.
Une exposition uniquement ne réalisera jamais les grands avantages que
l'on veut obtenir. Je voudrais que l'exposition centrale, à faire dans la
capitale du pays, fût précédée d'expositions locales.
Ainsi, par exemple, le gouvernement établirait dans chaque district une
commission qui examinerait les produits de la localité, soit en céréales, soit
en animaux. Les produits les plus parfaits et les plus utiles seraient envoyés
avec un rapport à l'exposition centrale. De cette manière, je crois que
l'exposition centrale pourrait réunir, comme cela doit être, toutes les découvertes
et tous les perfectionnements opérés dans le pays.
Cette mesure sera évidemment propre à écarter tous les embarras et
toutes les dépenses inutiles résultant d'un envoi direct à l'exposition
centrale.
Faites-y attention, messieurs ; il faut faciliter la besogne autant que
possible ; car, au bout de quelques années, je le prédis, les expositions
seront complètement abandonnées, si par tous les moyens possibles on ne
facilite au producteur les voies pour faire connaître les résultats utiles de
ses travaux.
A ces conditions j'appuierai toujours les
expositions, que je considère comme les éléments les plus certains des progrès
en agriculture.
Il est un autre point que je veux toucher, c'est celui relatif à la
nature des récompenses que le gouvernement devrait accorder aux plus beaux
produits. Pour moi, je pense qu'au lieu de médailles, il faudrait donner des
instruments perfectionnés ou quelques animaux de races améliorées par les
soins, par les efforts et par les sacrifices du cultivateur. De cette manière,
en agissant avec intelligence, on parviendrait à rendre communes à tous les
découvertes de chacun, et la récompense deviendrait même une source de progrès.
Ces considérations bien simples, je les soumets au gouvernement en
l'invitant à vouloir les examiner. Je les crois utiles.
M. David. - Avant que la discussion de
cet article du budget ne soit épuisée, je reviens de nouveau sur ce que j'ai eu
l'honneur de dire tantôt ; et je demanderai à M. le ministre d'examiner
sérieusement si les achats de reproducteurs à l'étranger ne pourraient pas être
jusqu'à un certain point abandonnés pour être remplacés par une espèce de
location d'animaux types parfaits des diverses bonnes espèces du pays.
Une grande partie du royaume verrait, je pense, avec satisfaction qu'une
pareille mesure fût prise.
Je répondrai un mot à un honorable préopinant et lui dirai qu'il
suffirait pour que les croisements fussent opérés avec plus de discernement que
les gardes-étalons eussent les connaissances nécessaires et fussent autorisés à
refuser telle ou telle jument dont la conformation, etc. ne promettrait pas de
donner un bon produit avec tel ou tel étalon.
M. Eenens. - Je dois faire observer au
gouvernement que les intérêts de l'agriculture souffrent beaucoup dans la
province de Brabant à cause du petit nombre de routes pavées qu'on y rencontre.
La répartition du subside alloué pour la voirie vicinale indiquée dans les
annexes du budget de l'intérieur nous prouve que la province du Brabant n'a eu
qu'une part insignifiante dans ce subside. J'espère que la répartition se fera
à l'avenir de manière que le Brabant puisse compléter sa voirie vicinale.
Plusieurs membres ont signalé le mauvais état des fossés comme étant la
cause de la détérioration des routes. S'il en est ainsi, c'est que les
commissaires voyers s'acquittent mal de leurs fonctions. J'espère que
l’attention de M. le ministre se portera sur ce fait, et qu'au besoin il
remplacera les agents négligents par des agents plus soigneux.
M. de Theux. - A la
suite de la loi sur les défrichements, j'ai présenté un projet que je considère
comme le complément de cette loi ; je veux parler du projet de loi sur les
irrigations et l'écoulement des eaux. Je recommande l'examen de ce projet à la
section centrale, car je crois que l'examen dans les diverses sections est
terminé.
Je joindrai mes vœux à ceux émis par l'honorable M. de Tornaco
relativement à l'organisation de l'enseignement agricole, soit que le
gouvernement maintienne le projet que nous avons présenté à la dernière
session, soit qu'il y apporte des modifications.
M. le ministre de l'intérieur ne trouve pas suffisant le crédit demandé
pour encouragements à l'agriculture. Nous avons tâché de faire le meilleur
usage possible du crédit qui nous était alloué, et entre autres objets, en
accordant des subsides aux sociétés agricoles des diverses provinces, tout en
faisant sanctionner les règlements de ces sociétés par le gouvernement, en
demandant une part, du moins un droit d'inspection dans ces sociétés.
M. le ministre de l'intérieur attend de grands résultats des expositions
générales de produits agricoles ; nous verrons s'il parvient à leur donner une
organisation telle que des résultats positifs puissent en être obtenus.
Mais je pense aussi comme l'honorable M. de Garcia, que le grand vice
des expositions centrales, c'est que le public n'est pas à même de juger si les
produits exposés sont le résultat d'une culture exceptionnelle, d'objets choisis
entre mille qui ne peuvent servir de moyen de comparaison aux cultivateurs.
Sous ce rapport, il est évident que les expositions locales présentent un degré
d'utilité plus grand, car chacun est à même de vérifier jusqu'à quel point les
produits exposés peuvent être recommandés à l'agriculture, jusqu'à quel point
ces produits sont susceptibles d'une culture fructueuse, productive, ce qui est
difficile dans une exposition centrale.
Quant à l'exposition du bétail, des mesures ont
été prises pour des expositions locales. Je pense que là encore les expositions
locales présentent plus d'avantage qu'une exposition générale ; on saura dans
quelles conditions de pâturage et d'élevage le plus beau bétail a été produit.
Je me bornerai à ces simples observations. Au reste, M. le ministre de
l'intérieur fera une étude approfondie de l'organisation ; nous attendrons
avant de nous prononcer sur les conséquences qu'on peut en attendre.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
L'honorable M. de Garcia et l'honorable M. de Theux ont paru négliger une
partie du discours que je viens de prononcer.
L'honorable M. de Garcia a insisté sur la nécessité d'avoir des
expositions locales, l'honorable M. de Theux a fait la même observation.
J'avais consacré une partie de mon discours à démontrer la nécessité des
expositions locales. L'honorable M. de Theux pense que les expositions
centrales ne pourraient pas produire de grands résultats. D'abord nous ne
pouvons pas accepter la critique des expositions centrales ; celle qui a eu
lieu a été improvisée, de manière qu'il a été impossible de prendre les
précautions qu'on nous recommande.
L'année prochaine, on établira ces moyens de contrôle. Il est bien
entendu que le gouvernement ne recevra pas à Bruxelles le premier produit venu,
sans avoir fait constater dans la localité même, soit par les sociétés
agricoles soit par des commissaires spéciaux, l'origine des produits, les
conditions dans lesquelles ces produits ont été cultivés.
Ce sont là des précautions de détails, et il est bien entendu qu'elles
seront prises.
Je crois, messieurs, que sous ce rapport les observations qui viennent
d'être faites n'avaient pas un grand degré d'utilité, attendu que moi-même je
les avais produites.
L'honorable M. de Theux attache beaucoup de prix aux expositions locales
; il croit qu'elles sont beaucoup plus utiles que les expositions centrales. Je
ne puis partager sa manière de voir. Je crois que les expositions locales ont
leur utilité, et que les expositions centrales en ont une plus grande. Les
expositions locales ont une utilité locale ; les expositions centrales ont une
utilité générale ; et voici comment.
Lorsque vous réunissez sur un seul point d'un district agricole les
produits venus dans ce district, les cultivateurs n'en apprennent pas
grand-chose. Ils connaissent déjà à peu près tous les produits venus dans les
terrains qui environnent les leurs. Il savent dans quelles conditions ces
produits ont été cultivés, quelle est la nature du terrain, quels sont les
soins qui ont été donnés. Ils ne connaissent qu'un genre de produits.
Il faut au contraire faire sortir le cultivateur de sa localité, il faut
le mettre à même de comparer entre eux les produits des diverses parties du pays,
et voilà le grand résultat des expositions centrales. Des produits de tout le
royaume étant appelés à Bruxelles, il s'ensuit que le cultivateur ardennais
peut comparer ses produits avec ceux du cultivateur flamand, que le cultivateur
de la Hesbaye peut comparer ses produits avec ceux du cultivateur des Ardennes.
C'est par cette comparaison des produits que la lumière se fait, que le progrès
s'accomplit. Mais si vous tenez les cultivateurs enfermés chacun dans son (page 284) district, il n'y aura plus progrès
; les expositions seront un simple amusement qu'on pourra se procurer chacun
dans sa localité. Mais les éléments de comparaison manqueront ; car le progrès
ne peut venir que de la comparaison, et sous ce rapport il y a une utilité
immense, je m'étonne que l'honorable M. de Theux l'ait méconnu, à réunir sur un
point du royaume les différents produits de l'agriculture, et les cultivateurs
eux-mêmes.
Parlerai-je de la grande utilité morale qu'il y a à concentrer sur un
point du royaume à certaines époques les cultivateurs de tout le pays ? On les
engage par là à s'entretenir entre eux, à entamer ces relations ; il résulte de
ces relations entre le cultivateur flamand et le cultivateur wallon les
conséquences les plus heureuses, je ne dirai seulement pas pour l'esprit
national, mais aussi pour le développement des lumières agricoles.
Aujourd'hui quel est le mal qui travaille les campagnes ? C'est
l'isolement. Il faut les faire sortir de cet isolement. Il faut mettre les
cultivateurs en rapport avec les villes, il faut mettre les villes en rapport
avec les cultivateurs, il faut mettre, les cultivateurs en rapport entre eux.
II faut qu'ils se connaissent, qu'ils s'éclairent réciproquement, qu'ils se
disent comment ils sont parvenus dans telles circonstances à obtenir des
produits nouveaux, à introduire tels perfectionnements. Voilà comment la
lumière doit jaillir, comment le progrès doit se faire, et voilà comment
l'exposition agricole centrale est une grande école pratique d'enseignement
mutuel.
Nous la combinons, cette grande école d'enseignement mutuel avec les
expositions locales ; c'est bien entendu ; c'est ce que je me suis efforcé de
démontrer dans mon premier discours. Je m'attendais, je dois le dire, à
recevoir plus d'encouragement de mon honorable prédécesseur.
L'honorable M. de Theux a dit que je faisais de cette matière une étude
approfondie. Je n'ai pas parlé d'un examen approfondi à faire de cette matière
; nous sommes au-delà de la période d'examen et de théorie ; nous sommes entrés
dans la pratique ; nous avons fait un essai qui a merveilleusement réussi et
auquel le pays tout entier, je ne crains pas de le dire, a donné son adhésion.
Il ne s'agit donc plus maintenant d'étudier la
théorie, il s'agit de l'application. J'en ai fait une qui a réussi, qui a
produit les résultats les plus utiles et qui continuera à en produire. Ce fait
doit être continué ; cette institution doit être complétée par des institutions
locales que le gouvernement se propose d'encourager. Ces institutions locales
auront des expositions, auront leur cercle d'action, et ensuite elles aideront
au succès de l'exposition centrale. C'est ce qui est bien entendu.
Si, messieurs, d'autres objections ne sont pas faites, je me
considérerai comme moralement autorisé à mettre à exécution quelques-unes des
vues que je viens de soumettre à la chambre.
M.
Desaive. - Messieurs, si, à peine initié à vos débats,
je prends part à la discussion du budget de l'intérieur, et spécialement à celle
du chapitre qui concerne les affaires agricoles, c'est que je crois devoir
obéir à une conviction sincère. Je réclamerai un peu d'attention et beaucoup de
cette bienveillance qu'il est dans l'habitude de la chambre d'accorder à ceux
qui prennent la parole pour la première fois.
Je pense, messieurs, que nous avons un peu dérangé l'ordre de la
discussion, et que dès lors il me sera permis de présenter des considérations
générales. Je m'attendais à prendre la parole à propos des encouragements à
l'agriculture ; nous sommes arrivés au chapitre général de l'agriculture, et
c'est à ce sujet qu'on vous a parlé d'enseignement agricole.
J'aurais désiré dire quelques mots d'une institution spéciale qui coûte
fort cher au pays. Mais des considérations tout à fait personnelles
m'interdisent d'entrer à cet égard dans de longs développements. J’appellerai
seulement votre attention sur un fait : c'est que de toutes parts on réclame
des économies, Pour ma part, je suis disposé à les appuyer ; mais nous sommes à
côté d'un chapitre où il y a une grande prodigalité ; c'est celui qui est
relatif à l'école vétérinaire, où je vois figurer un chiffre de 153,500 fr.,
chiffre qui est resté stéréotypé depuis dix à douze ans.
Messieurs, je le déclare, pour que mes intentions ne soient pas
interprétées d'une manière défavorable, je ne demande pas qu'on réduise ce
chiffre. J'appelle seulement l'attention toute spéciale de M. le ministre de
l'intérieur sur l'utilité d'amener des réformes et des économies sur ce point.
Je crois, messieurs, que quand la Belgique a donné des diplômes à 285
vétérinaires, elle a voulu leur assurer 'des moyens de vivre ; mais pour leur
assurer des moyens de vivre, il ne faut pas en augmenter le nombre, alors
surtout que cette augmentation coûterait au pays une somme supérieure aux
services qu'il aurait le droit d'attendre des nouveaux titulaires.
On a réclamé longtemps un projet de loi sur l'organisation de la
médecine vétérinaire. Après plusieurs années, on a voulu satisfaire à cette
réclamation. Un projet a été présenté, je crois, l'année dernière. Dans ce
projet il sera sans doute question de la suppression de l'empirisme, et par
cette suppression on rendra un immense service au pays. Il y a, messieurs, plus
de deux mille empiriques en Belgique, et ces 2,000 empiriques ne sont pas pour
peu de chose dans le défaut de connaissances agricoles qu'on remarque dans les
campagnes. Car je crois qu'il est dans les obligations d'un vétérinaire
d'instruire les personnes avec lesquelles il est en rapport.
Le crédit pour l'école vétérinaire ayant été voté, je crois ne pas
devoir revenir sur cet objet.
Mais je pense qu'on pourrait utiliser d'une manière beaucoup plus utile
dans l'avenir, ce chiffre de 153,800 fr. La plupart des vétérinaires que nous
avons aujourd'hui, sont jeunes, vigoureux, pleins de santé et promettent une
longue vie et une utile carrière.
Je crois donc que quatre ou cinq nouveaux vétérinaires par année
suffiraient, et que pour le nombre des communes du pays, pour celui des animaux
qui s'y trouvent, un nombre de vétérinaires plus considérable que celui de 285
ne trouveraient pas à vivre honorablement du produit de leur pénible travail.
Or, savez-vous combien cinq vétérinaires par an coûteraient à la Belgique dans
l'état actuel du budget ? Ils coûteraient chacun 30,700 fr. Il faut convenir
que quels que soient les services qu'on en attende, la dépense est beaucoup
trop considérable et qu'il serait bien préférable de faire étudier 12 ou 15
vétérinaires dans une école étrangère et d'utiliser l'économie qui en résulterait
à des améliorations d'autre genre que le pays réclame depuis longtemps.
Je n'ai pas, messieurs, l'intention de porter atteinte à des droits
acquis ; loin de moi cette pensée. Mais je crois qu'on pourrait utiliser le
personnel actuel de l'école vétérinaire dans une institution agricole comme
celle qu'a demandée avant et mieux que moi l'honorable M. de Tornaco.
Je pense, après ce que vous a dit cet honorable membre, qu'il est
inutile d'insister sur l'utilité d'un enseignement agricole ; c'est un besoin
qui est senti non seulement par la chambre, mais par toutes les populations.
Je ne comprends pas qu'en Belgique, où l'on apprend tout, on ait oublié
un seul genre d'étude, c'est celle qui traite de la manière de nourrir les
hommes. Conçoit-on qu'en présence du besoin d'augmenter les subsistances on ne
voie pas figurer au budget un crédit pour un pareil enseignement ?
Du reste, M. le ministre de l'intérieur est convaincu de cette
nécessité, sur laquelle je n’ai pas besoin de m’appesantir plus longtemps.
L’honorable M. de Tornaco, dans la lucide exposition qu’il a donnée de
l’enseignement agricole, a négligé une chose, c'est la nécessité d'une
statistique agricole bien organisée, bien faite et vraie. Il n'en a jamais
existé en Belgique.
Vous avez pu en acquérir la preuve. On vient d'en essayer une, et le
lendemain du jour où les résultats en étaient publiés, l'errata l'emportait sur
le principal ; les réclamations venaient de toutes parts. Je n'en fais pas un
reproche à ceux qui ont été chargés de cette statistique, je sais que ce
résultat est dû à une précipitation trop grande. Mais une bonne statistique
agricole est de la plus grande nécessité et d'une extrême importance à une
époque surtout où il s'agit de connaître les véritables besoins de la Belgique.
Le ministère, à son avènement, nous a parlé de la protection
intelligente qu'il se proposait d'accorder à l'agriculture, et à ce sujet il a
promis le retrait de la loi de 1834 sur les céréales. Je n'ai pas besoin de
vous faire de vaines protestations en faveur de l'agriculture ; elles seraient
superflues et elles n'ajouteraient rien aux convictions sincères qui m'animent.
Mais je crois que la protection à l'agriculture doit être intelligente, et que
ce n'est pas dans une échelle mobile et de nature par conséquent variable,
qu'on peut trouver une protection éclairée. Quand la question se présentera, je
me propose de vous en entretenir d'une manière plus étendue ; mais j'ai voulu
consigner que j'appuierai le gouvernement dans cette question d'une protection équitable
à accorder à l'agriculture.
Je pense que je pourrai vous démontrer alors que les intérêts des
propriétaires et des cultivateurs sont solidaires, et que jusqu'ici on les a
séparés, qu'on a toujours réclamé des protections pour une classe qui a droit
sans doute à toutes nos sympathies, celle des propriétaires, mais qu'on n'a pas
tenu compte de la classe plus nombreuse des mangeurs d'une part, et de ceux qui
cultivent le sol et le fécondent de leurs sueurs d'autre part.
Je crois que ce n'est pas dans des droits prohibitifs uniquement qu'il
faut chercher une protection pour l'agriculture. La protection ne peut être
utile que pour autant qu'elle stimule le producteur à faire mieux, et à
produire plus.
Car dans un pays où la population augmente, si vous n'augmentez pas la
masse des produits en raison de l'accroissement des habitants, si vous ne
cherchez pas à diminuer le prix des subsistances, vous obtenez ce que vous avez
: la misère ; et ce paupérisme effrayant peut avoir les conséquences les plus
graves sur le repos de la société.
Si je parle de l'agriculture d'une manière un peu libérale, ce n'est pas
que je demande qu'on la sacrifie, je demande pour elle des protections que vous
ne lui refuserez pas. Je demande d'abord pour l'agriculture une chose qui
déplaira peut-être aux grands propriétaires ; c'est une modification dans la
législation des baux. Il est absurde que celui qui travaille ne trouve pas la
juste récompense de ses efforts et que les produits de son travail et de ses
sueurs profitent à d'autres.
Je demande également l'abolition des droits d'octroi ou du moins leur
diminution. Car lorsque vous demandez aux pays étrangers de lever leurs
barrières aux produits belges, en établir à l'intérieur, c'est une anomalie
que, je ne puis m'expliquer ; surtout lorsque ces barrières intérieures sont
établies contre des produits qui servent à la nourriture des populations.
Depuis longtemps l'honorable M. de La Coste a appelé l'attention de la
chambre sur cette question. On nous a distribué à cet égard des rapports très
volumineux, tellement volumineux que je crains qu'on ne s'y perde.
(page 285) C'est un sujet qui
est digne de toute l'attention du gouvernement.
L'honorable ministre de l'intérieur vous a parlé des avantages de
l'exposition agricole.
Tout le pays a applaudi à cette heureuse idée ; et catholiques et
libéraux doivent se confondre quand il s'agit de l'agriculture. Car si la
Belgique est neutre, la question agricole doit aussi se débattre sur un terrain
neutre où tous doivent s'entendre et fraterniser.
Dans tout le pays, et j'ai quelques relations avec les cultivateurs, on
a applaudi à cette mesure utile d'une exposition agricole, et je verrais avec
douleur M. le ministre de l'intérieur rabattre de ses prétentions légitimes en
cette matière.
L'industrie doit ouvrir demain son palais pour donner des récompenses à
tous les industriels.
Il y a longtemps que nous réclamons pour l'agriculture les mêmes mesures
et enfin le jour est venu où nous recevons une légère satisfaction. Mais voilà
que, mû je ne sais pas quel esprit, on vient dire que c'est une parodie ; on
vient demander que la question de l'exposition agricole soit mise à l'étude.
L'honorable M. de Garcia dit, lui, qu' il est partisan des sociétés agricoles,
mais il ne veut pas de l'enseignement agricole.
M. de Garcia. - Je n'ai
pas dit cela. J'ai dit que je préférais les sociétés agricoles à l'enseignement
agricole.
M.
Desaive. - Eh bien, c'est tout simplement un
contre-sens. Si vous voulez des expositions sans répandre les connaissances,
c'est comme si vous demandiez à un aveugle d'apprécier un tableau. La première
chose, c'est l'enseignement et, vous aurez beau faire, nous l'obtiendrons.
Quant à moi, je serai heureux si je puis contribuer pour une faible part à
l'établir, si je puis contribuer pour ma 108ème part à doter la Belgique de
cette heureuse et féconde institution.
Mais, messieurs, si les cultivateurs éprouvent quelque satisfaction,
cette satisfaction sera mélangée de beaucoup d'amertume et de regrets. Ainsi
demain l'on distribuera des récompenses aux aristocrates, aux heureux qui ont
obtenu la médaille du premier mérite, mais il n'en sera pas de même du modeste
cultivateur qui n'a obtenu que la médaille de bronze, qui n'a pas obtenu la
médaille d'argent parce qu'il n'y en avait pas à gagner. Eh bien, j'ai vu de
ces cultivateurs qui considéraient la journée de demain comme le plus beau jour
de leur vie et qui sont dans la désolation parce qu'on les exclut d'une
cérémonie où, disaient-ils, ils allaient voir le Roi pour la première fois.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je
demande la parole.
M.
Desaive. - On aurait dû, je pense, distribuer à un
certain nombre d'agriculteurs, un stimulant plus fort, au moyen duquel on eût
provoqué plus d'émulation dans les campagnes, je veux parler de la décoration
de l’ordre de Léopold, quelle que soit la profusion avec laquelle on l'ait
répandu.
Les décorations que l'on a distribuées avec tant de générosité, dans les
pays étrangers par exemple, qu'il a fallu augmenter les sommes portées au
budget, ces décorations n'auront pas la moindre influence sur les agriculteurs
belges, et quand on décore d'anciens fonctionnaires, des soldats qui se sont
bien battus, on peut décorer aussi ceux qui, en définitive, procurent !a
nourriture à tous. Je crois que la croix de Léopold serait parfaitement placée
sur la poitrine de l'agriculteur qui, sans aucune espèce d'instruction, est
parvenu à créer des produits jugés dignes de l'admiration du pays.
Du reste, messieurs, les sympathies que M. le ministre de l'intérieur a
exprimées dans une séance précédente, pour l'agriculture, me sont un sûr garant
qu'il n'oubliera pas les cultivateurs dans la distribution de ces faveurs
auxquelles le public attache de l'importance.
Un encouragement que je désirerais également pour l'agriculture, c’est
le transport à prix réduit ou tout à fait gratuit, des engrais par le chemin de
fer de l'Etat. Je me bornerai à indiquer ce point. J'aurai l'occasion d'y
revenir.
J'ai été frappé aussi, messieurs, d'une anomalie que j'ai rencontrée
dans le budget. Je veux parler de la somme de 200,000 fr. consacrée à la
réparation des dommages résultant de l'abatage d'animaux, somme sur laquelle
103,000 fr. sont employés à rétribuer ceux qui doivent constater les maladies
épizootiques. Il faut convenir, messieurs, que pour peu qu'on augmentât cette
rétribution, il ne resterait rien pour les cultivateurs. C'est une institution
extrêmement vicieuse que celle qui consiste à établir des vétérinaires de deux
espèces, des vétérinaires du gouvernement et des vétérinaires qui n'ont pas la
même mission. Il résulte de là de graves abus, et j'engage fortement M. le
ministre de l'intérieur a étudier la question.
Je ne nommerai personne, mais je citerai quelques faits qui prouveront
combien les abus sont considérables. Un agriculteur a un animal malade ;
quelque confiance qu'il ait dans son vétérinaire ordinaire, il ne peut pas se
dispenser d'appeler le vétérinaire du gouvernement, sous peine d'être inhabile
à recevoir l'indemnité qui lui sera due en cas d'abattage. Je sais qu'une
modification a été apportée à cet état de choses, mais elle est extrêmement
récente. Eh bien, le vétérinaire du gouvernement est placé là entre son intérêt
et sa conscience ; sa conscience exige qu'il ménage les fonds de l'Etat, son
intérêt exige qu'il se mette bien avec le cultivateur, puisqu'il doit vivre de
son état. Or, messieurs, il n'arrive que trop souvent que ces hommes se
laissent aller à des complaisances coupables, et il est bien des animaux qui
ont été abattus, du chef desquels indemnité a été payée et qui cependant se
portent très bien.
Je pourrais, messieurs, citer beaucoup de faits de cette nature, mais je
ne veux incriminer personne ; je me borne à dire que les choses se passent de
telle manière qu'il en résulte un grand découragement chez les uns et beaucoup
d'intrigues, beaucoup d'actes coupables de la part des autres. Je crois qu'il
serait possible de faire un emploi beaucoup plus utile des fonds alloués au
budget.
L'honorable M. Faignart vous a dit, messieurs, qu'il était urgent
d’introduire des améliorations dans l'administration des haras. C’est aussi la
une institution très coûteuse, et puisque le vent de l'économie souffle dans
cette enceinte, j'engage fortement M. le ministre de l'intérieur d'opérer des
réductions notables sur cette partie de nos dépenses, que je considère comme
tout à fait inutile ; car je pose en fait que tous les chevaux belges produits
par le haras ne valent pas la moitié de la somme qu'on a dépensée pour en doter
le pays. Je reviendrai sur ce sujet.
Je n'en dirai pas davantage ; le crédit est voté ; on a été patient
depuis si longtemps, j'aurai la patience d'attendre encore pendant une année.
Mais un point sur lequel j'appelle l'attention sérieuse de la chambre et
au sujet duquel je lui soumettrai une proposition, c'est la nécessité de rayer
du budget les 30,000 fr. qui y figurent pour les courses.
Quoi ! messieurs, dans un moment où il y a des
milliers d'hommes qui meurent de faim dans les Flandres, il est quelques
gentilshommes qui ne craindront pas de tendre la main et de réclamer du budget
30,000 francs peur leurs plaisirs ! Le vote d'un pareil crédit me paraîtrait
incompréhensible, alors surtout qu'on le rapproche du refus de la chambre,
d'allouer 200,000 fr. de plus pour la voirie vicinale. Si les quelques
gentilshommes qui se partagent les 30,000 fr. veulent s'amuser, que ce soit aux
dépens de leur bourse, et non pas aux dépens de celle des contribuables. C'est
principalement sur cet objet que j'insiste auprès de la chambre, que je réclame
de son esprit d'économie, de ses sentiments d'humanité, la suppression du
crédit de 30,000 fr., destiné à un service inutile ; car les chevaux de course
sont des êtres aussi inutiles à l'agriculture que les jockeys qui les montent.
M. Pirmez.
- Messieurs, je ne pense pas qu'on doive conclure de cette discussion, comme en
a conclu M. le ministre de l'intérieur, que le gouvernement est autorisé à
faire des dépenses supérieures au chiffre. S'il en était ainsi, il me semble
que la chambre devrait être appelée à émettre un vote. (Interruption.)
Ainsi, il doit être bien entendu qu'en votant le crédit, nous
n'autorisons nullement M. le ministre de l'intérieure prendre des mesures qui
auraient pour résultat d'augmenter, dans le courant de l'exercice, le chiffre
que nous votons.
M. le ministre de l'intérieur nous a exposé quelques-unes de ses vues sur
l'agriculture ; il s'agit, entre autre dans son esprit, de la création de toute
une nouvelle catégorie de places, et particulièrement d'inspecteurs agricoles.
Je n'ai pas bien saisi ce que M. le ministre entend par ces inspecteurs, ni
quelles seraient leurs fonctions ; mais ce que j'ai parfaitement compris, c'est
qu'il s'agirait de fonctionnaires qui viendraient grossir la liste, déjà si
longue, d'individus prenant part au budget.
Je crois qu'avant de créer de nouvelles places, il nous faut examiner la
nature des attributions qui seront confiées aux individus que l'on appellera à
en jouir, et, jusqu'à présent, M. le ministre de l'intérieur ne nous a fourni
aucun renseignement sur la nature des fonctions d'inspecteurs d'agriculture.
On veut protéger l'agriculture ; eh bien, les hommes les plus compétents
dans cette matière, et entre autres, le dernier orateur qui a parlé, tous ont
démontré que les encouragements pécuniaires dont le gouvernement a pu disposer
en faveur de l'agriculture, n'avaient jamais produit de résultat. Ainsi,
l'honorable préopinant a dit qu'il y avait de grands abus, quant aux indemnités
que l'on accorde, du chef d'animaux abattus pour cause de maladie. Beaucoup
d'entre eux, dit-il, vivent encore. Il a dit encore que tout le produit des
haras ne valait pas la moitié de la somme que le gouvernement avait dépensée
pour cette branche du service.
Il est probable que si le gouvernement ne s'était
jamais mêlé de haras, les résultats qu'on a rait obtenus seraient infiniment
supérieurs à ceux auxquels on est parvenu, et ce qui est vrai pour les haras,
serait aussi vrai pour toutes les autres branches de l'agriculture.
En matière d'agriculture, comme en matière d'industrie, le plus grand
service que le gouvernement puisse rendre, c'est de ne pas se mêler de ces
choses. Lorsque le gouvernement se mêle d'une de ces choses, il en résulte une
infinité d'abus, on crée une foule de sinécures et, partant, de nouvelles
dépenses ; et ces dépenses doivent être payées par de nouveaux impôts que vous
êtes forcés de voter.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, l'honorable préopinant pense que j'ai parlé à la chambre de la
création d'une multitude déplaces ; je me suis élevé, au contraire, contre le
grand nombre de places actuellement existantes et qui pourraient être plus
utilement remplies. Je n'ai parlé que de la création de quelques inspecteurs
agricoles qui auront pour mission de contrôler l'usage des- crédits votés pour
l'agriculture.
Je ne veux pas entrer en discussion avec l'honorable préopinant sur les
doctrines qu'il professe dans cette enceinte. Sous ce rapport, nous avons deux
manières de voir entièrement opposées. L'honorable membre pose que le
gouvernement ne doit rien faire, qu'il gâte toutes les choses qu'il touche ;
voilà les termes crus dans lesquels l'honorable membre s'est exprimé.
Je crois, au contraire, que l'action du gouvernement représentatif (page 286)
responsable, éclairé, contrôlé par les lumières de la nation, peut produire les
meilleurs résultats pour le bien-être moral et matériel du pays.
Si le gouvernement doit être condamné à ne rien faire, alors, il faut
rayer tous les articles du budget, il faut aller plus loin, il ne faudrait pas
de gouvernement du tout. Ce serait la plus grande économie à introduire. Je
rends d'ailleurs hommage à la sincérité des opinions professées par l'honorable
préopinant.
L'honorable M. Desaive a adressé au gouvernement le reproche d'écarter
de la cérémonie de demain une catégorie d'agriculteurs. Sans vouloir anticiper
sur cette cérémonie à laquelle, pour le dire en passant, la chambre consentira
sans doute à assister, je dirai que l'exclusion dont a parlé l'honorable membre
n'est pas une exclusion. Il y a impossibilité matérielle de distribuer les
médailles de bronze au grand nombre d'industriels et de cultivateurs destinés à
en recevoir : 12 heures n'y suffiraient.
Voilà le seul motif pour lequel on ne peut remettre directement les
médailles de bronze ; elles seront envoyées à ceux qui les ont obtenues et
leurs noms seront proclamés.
On a pensé que ce serait une chose
heureuse que de réunir en une seule solennité les agriculteurs et les
industriels, les travailleurs des villes et les travailleurs des campagnes ; on
a pensé que cette grande réunion des industriels et des agriculteurs offrirait
des avantages qui compenseraient l'inconvénient de devoir éloigner de la
cérémonie certaines catégories d'exposants, celles qui n'obtenaient que des
médailles de bronze. L'année prochaine, comme l'agriculture aura une exposition
spéciale, la fête pour elle sera plus complète, personne ne sera écarté de la
cérémonie, tous les exposants qui se seront distingués pourront venir recevoir
personnellement la récompense qu'ils auront obtenue.
Je tiens compte de toutes les observations qui se produisent ; je ne
peux pas répondre à toutes, mais j'en prends note et j'en ferai l'objet d'une
attention particulière. De toutes les observations faites sur les exposition,
aucune ne sera perdue de vue. Le comité supérieur d'agriculture est assemblé,
toutes les questions lui seront soumises, il pourra faire son profil des
observations produites dans celle enceinte.
M. de Garcia. - Suivant
M. le ministre de l'intérieur, je me serais donné une peine superflue en
faisant quelques observations relativement aux expositions, puisqu'elles
rentrent, dit-il, dans les vues qu'il a exposées.
Je me félicite de cette déclaration. Si je les ai présentées, c'est que
je n'avais pas compris M. le ministre. Dès lors je dois supposer qu'il partage
ma manière de voir, et qu'il entre dans sa pensée d'établir des expositions
locales à côté des expositions centrales. Je considère ce système comme devant
se combiner de manière qu'à l'exposition locale on fasse le triage des produits
les plus parfaits pour les envoyer à l'exposition centrale.
Ce point reconnu, il est entendu aussi, j'espère, que les expositions
locales, comme l'exposition centrale, seront dirigées par le gouvernement. Dans
ma manière de voir le but ne serait pas atteint si le gouvernement se bornait à
donner de légers subsides à des amateurs, à des sociétés particulières, les
moyens d'exécution d'une mesure semblable ne peuvent rencontrer des obstacles
sérieux.
Rien n'est plus facile que de charger une commission d'examiner les
produits présentés aux expositions locales. Les députations permanentes
pourraient au besoin désigner des personnes aptes à faire un examen convenable
des objets exposés.
Il me reste à dire un mot en réponse à l'honorable M. Desaive qui a
supposé que je ne voulais pas d'enseignement agricole. Je n'ai jamais exprimé
pareille idée.
J'ai dit que, dans ma manière de voir, les expositions agricoles
auraient une influence infiniment plus avantageuse sur les progrès de
l'agriculture que des établissements d'enseignement. Du reste, je me réserve
d'examiner l'enseignement agricole, lorsque nous aurons à discuter cette
matière.
L'honorable membre a voulu mettre en état de suspicion la sympathie que
je porte à l'agriculture. Je ne puis m'expliquer cette insinuation, à laquelle
je crois inutile de répondre.
Il a dit ensuite que, sans enseignement agricole, nul ne peut améliorer
ni juger les produits de notre culture. A ce point de vue, tous nous serions
des aveugles qui voudrions juger la beauté d'un tableau. Je demanderai comment
on a jugé les produits de l'exposition de cette année, auxquels on va décerner
des prix. L'honorable membre lui-même est une preuve qu'il ne faut pas
d'établissement d'enseignement agricole pour qu'on puisse acquérir des
connaissances en agriculture ; car il est fort expert, et nous n'avons jamais
eu d'établissement de ce genre en Belgique, et je ne sache pas qu'il ait été
faire son éducation en France ou en Allemagne. Il doit donc convenir que, sans
école spéciale, on peut cependant acquérir des connaissances agricoles.
Des expositions bien conçues
pousseront beaucoup plus aux études et aux essais agricoles que les écoles que
vous établiriez. Selon vous, il faudrait que le dernier citoyen fût initié aux
études de l'agriculture. Mais vous rendez-vous bien compte de l'état du peuple
? Ignorez-vous que la faiblesse de ses ressources lui permet à peine d'envoyer
ses enfants à l'école primaire qui est dans son village, et vous voulez que des
cultivateurs, dont l'honorable membre a peint la situation avec des couleurs si
vraies, puissent envoyer leurs enfants au loin à l'école d'agriculture ? C'est
une utopie pour la grande masse de nos populations.
M. de
Tornaco. - L'honorable préopinant vient de se récrier
contre la demande d'organiser l'enseignement agricole. Je ne puis laisser
passer sans réponse les dernières paroles qu'il a prononcées ; il vous a dit
que cet enseignement est une utopie. L'honorable membre s'est chargé lui-même
de prouver le contraire. Il a déjà été accusé d'inconséquence par un honorable
membre, je veux lui prouver de nouveau qu'il a été inconséquent. Il a dit qu'il
préférait les expositions à l'enseignement agricole. Je ne lui conteste ni ses
goûts, ni ses dispositions, ni ses opinions ; mais l'honorable membre n'aurait
pas dû ajouter qu'il voudrait que pour prix on accordât aux exposants des
instruments nouveaux, des produits nouveaux, des animaux de nouvelle race,
etc., Il ne s'est pas aperçu qu'il proposait
de donner des instruments nouveaux à des personnes qui ne pourraient pas s'en
servir, à des aveugles, comme a dit un honorable membre. Comment veut-il qu'un
cultivateur se serve d'un instrument nouveau s'il n'en connaît pas le maniement
? Comment veut-il qu'il apprécie l'utilité qu'on peut tirer d'une nouvelle race
de chevaux ou de bêtes bovines, s'il ne connaît pas la valeur, le mérite de ces
animaux. Il faut donc à côté de la pratique placer la théorie. Comme vous le
voyez, l'honorable M. de Garcia est tombé dans une grave inconséquence.
Il a dit aussi qu'il désirait que le
gouvernement organisât des expositions d'arrondissement ou de canton. Pour moi,
je m'oppose formellement à une organisation semblable ; j'y ferais une
opposition très vive car elle m'apparaît grosse d'inconvénients et même d'abus
graves ; elle serait la source d'une foule d'intrigues ; peut-être même
contribuerait-elle à favoriser la corruption, à lui donner des aliments. Je
désire que le gouvernement se tienne soigneusement à l'abri des opinions que
vient d'émettre l'honorable M. de Garcia.
M.
de Mérode. - Messieurs, lorsque j'ai voulu parler de
chemins vicinaux, on m'a remis au chapitre de l'agriculture. En effet,
messieurs, le facile transport des engrais sur les terres, et des récoltes dans
les granges, est un des premiers éléments de la mise en valeur des campagnes
généralement ; en effet, dans les pays où le sol est le plus fécond, il est
difficile à parcourir en temps de pluie ; il en résulte que le fermier est
obligé de nourrir un grand nombre d'animaux d'attelage qui travaillent à peine
la moitié de l'année. Lorsqu'au contraire les chemins agricoles sont empierrés
comme dans quelques communes, on peut, avec la moitié de ces mêmes attelages,
accomplir la même besogne ; et alors au lieu de nourrir une multitude d'animaux
de trait, on entretient plus de vaches laitières, plus de bétail à l'engrais.
Mais pour améliorer largement les chemins de campagne, il ne faut pas d'abord
ordinairement les empierrer dans toute leur longueur. Il faut choisir avec
intelligence les passages difficiles, les rendre bons où ils sont très mauvais,
et les laisser dans leur état naturel, là où ils sont viables par leur propre
fonds ; procédant toujours successivement ainsi de manière à mettre le tout en
bon eut à la longue, on obtiendrait d'importants avantages très prochainement.
Je ne crains pas de dire qu'avec ce que coûte un seul chemin de fer de
second ordre, on ferait dans presque tout le pays les plus profitables travaux,
et l'on serait surpris de l'excellent effet obtenu et de l'augmentation
considérable des produits. Dans la partie du district de Nivelles qui entoure
la ville de Wavre, il existe, par exemple, des montées sablonneuses très
roides, qui nécessitent, pour les franchir, d'incroyables efforts. Le pavage ou
l'empierrement de ces montées ne coûterait que très peu, comparativement aux
frais de revient d'une seule route tracée et exécutée avec toutes les
prétentions scientifiques des ingénieurs.
Cet objet mérite donc la plus grande attention des hommes de simple
pratique et sans prétentions.
Quant à la création d'inspecteurs de l'agriculture, je pense que déjà
l'inspection est beaucoup trop répandue partout.
Le budget paye des frais énormes pour cette
classe de fonctionnaires chargés de regarder faire les autres, et je n'aimerais
pas à la voir multiplier encore ; je ne pourrais admettre non plus la
suppression de ce qu'on appelle les empiriques. Car si le paysan, pour faire
traiter un animal de faible prix, était toujours obligé de recourir au
vétérinaire breveté, il dépenserait fort souvent plus que ne vaut l'animal même
qu'il veut guérir. Parmi les empiriques, il y a plus qu'on ne croit des hommes
d'expérience, qui savent parfaitement traiter les maladies les plus répandues
par des moyens économiques et qui n'obligent pas de recourir au pharmacien.
M. Duroy de
Blicquy. - Je ne viens pas prendre la parole dans cette discussion ; je
m'abstiendrai surtout d'entretenir la chambre dans ce moment des améliorations
que je crois nécessaire d'introduire dans l'administration du haras. Mais en
présence de certaines exagérations, je crois devoir signaler à l'assemblée
quelques faits qui répondent en grande partie aux opinions émises par quelques
préopinants qui ont prétendu que les croisements de races n'avaient amené aucun
bon résultat. Eh bien, malgré les fautes qui ont été commises, malgré le
mauvais vouloir de l'administration de la guerre, à certaines époques, il est
certain que les efforts de l'administration des haras ont amené un résultat
positif.
Messieurs, une commission qui a été chargée de faire choix de chevaux
pour la remonte de l'année, a parcouru le pays. 224 chevaux lui ont été
présentés. Sur ces 224 chevaux, elle en a admis 63, plus 10 pour le service de
l'artillerie, quoique ces chevaux fussent croisés.
Messieurs, je ne sais si vous savez que dès 1825, 200 officiers de notre
armée étaient déjà montés sur des chevaux indigènes ; un plus grand nombre ont
aujourd'hui de ces chevaux, et dans cette remonte de (page 287) 63 chevaux dont je vous parlais, 21 ont été
postérieurement choisis par des officiers. Ces chevaux de remonte ont été
achetés à des prix qui ne dépassent presque pas le prix des chevaux étrangers.
Ii ne peut donc plus y avoir de doute sur la bonne qualité des chevaux que
fournit le pays.
Je cite ces faits parce que le principal but qui a engagé le
gouvernement à faire des sacrifices pour le croisement des chevaux, a été de
nous affranchir de l'étranger pour la remonte de notre cavalerie. Les chiffres
que je viens de citer vous prouvent que les chevaux nécessaires à notre armée
peuvent être fournis en partie par l'industrie indigène. En effet, 224 chevaux,
je le répète, ont été présentés, et si un plus grand nombre n'a pas été acheté,
c'est parce que M. le ministre de la guerre avait cru devoir fixer un maximum
pour le nombre de chevaux à acheter. Ce maximum était de 64 ; 63 ont été
achetés. Je ne doute pas que si M. le ministre de la guerre était ici, il vous
dirait que le rapport de la commission a constaté des résultats très
favorables.
J'espère, messieurs, que l'espèce de reproche que j'ai fait à M. le
ministre de la guerre d'avoir fixé un maximum, je n'aurai plus à le reproduire
l'année prochaine, et qu'il comptera davantage sur les ressources du pays. Il
n'y a pas de doute que, plus encouragés, les élèves ne s'appliquent à produire
davantage.
J'ai eu pour but de répondre surtout à ce que vous a dit un honorable
préopinant que les croisements.
- La discussion sur le chapitre est close.
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Indemnités pour
bestiaux abattus : fr. 200,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Service vétérinaire. Conseil supérieur et commissions
provinciales d'agriculture : fr. 103,500. »
- Adopté.
Article 3
« Art. 3. Encouragements à
l'agriculture : fr. 325,000. »
M. le
président. - M. le ministre de l'intérieur diviser
l'article 3 en deux articles ainsi conçus :
« Art. 3. Encouragements à l'agriculture : fr. 292,800. »
« Art. 4. A. Frais des courses de chevaux du gouvernement et
subsides à des sociétés de courses : fr. 29,200 »
« B. Récompenses à allouer aux agents de la force publique qui se
distinguent par leur zèle à constater des délits de chasse : fr. 3,000.
La section centrale propose l'adoption de ces deux articles.
Je mets en discussion le nouvel article 3 : « Encouragements à
l'agriculture, 292,800 fr. »
M. de Theux. - Je n'ai
pas voulu prolonger la discussion générale ; mais je dois répondre à une
observation qui a été faite, qu'on ne s'était pas occupé de la suppression de
l'empirisme. Les anciens membres de cette chambre se rappelleront que, dans la
session dernière, un projet a été présenté sur la réorganisation de l'école
vétérinaire et la pratique de la médecine vétérinaire, et que dans cette loi il
a été pourvu à tout ce qu'on pouvait désirer contre les abus de l'empirisme.
M. Orban.
- Messieurs, j'avais demandé la parole, lorsque j'ai entendu M. le ministre de
l'intérieur déclarer que si aucune déclaration contraire n'était faite par la
chambre, il se croirait autorisé à réaliser tout ou partie des dépenses qu'il
avait énumérées dans son discours. C'est là, messieurs, une nouvelle manière de
disposer des ressources du trésor, de faire voter les chambres sans qu'elles
s'en doutent. Je ne sais pas, messieurs, s'il entre dans les vues de M. le
ministre de l'intérieur, d'introduire cette innovation dans les procédés de la
politique nouvelle.
J'entends M. le ministre dire, qu'il n'entend point s'écarter des
précédents. Il y a, messieurs, deux manières de violer les règles que le
gouvernement doit s'imposer à cet égard. La première, c'est de faire des
dépenses qui ne sont pas autorisées par les budgets. Mais il en existe une
seconde, c'est de poser des faits, de prendre des mesures qui rendent ces
dépenses indispensables et dépouillent la législature de sa liberté d'action.
C'est ce qui a lieu quand ou fait des nominations à des fonctions de création
nouvelle pour lesquelles le budget ne contient pas d'allocation.
J'ai entendu M. le ministre de l'intérieur, alors qu'il n'était pas au
banc des ministres, alors qu'il était à la tête de l'opposition, blâmer très
énergiquement un semblable abus. On avait créé, vous vous le rappelez, des
places d'inspecteur de l'instruction moyenne et du service sanitaire, et l'on
avait pourvu à ces emplois avant d'avoir obtenu des chambres les allocations
nécessaires. Cette manière de procéder a été considérée comme une violation des
prérogatives de la chambre. Elle a rencontré de la part de l'opposition, à
laquelle je me suis associé, j'aime à le rappeler ici, une énergique
réprobation.
En tous cas, messieurs, comme M. le ministre attend des réserves, je
m'associe à l'honorable M. Pirmez pour en faire de bien formelles. Quant à la
place d'inspecteur de l’agriculture, je considérerais cette création nouvelle,
je le déclare hautement, comme un non-sens et comme destinée à venir prendre
rang dans nos dépenses à venir parmi les plus inutiles. Il en existe déjà
beaucoup d'inutiles ; il n'y en aurai pas qui lèserait plus que celle-là.
Pour faire de cette affirmation la démonstration la plus complète, je
n'ai qu'à m'emparer des motifs donné par M. le ministre pour en établir
l'utilité.
Qu'a-t-il dit, en effet ? Nous avons une inspection des prisons, une
inspection des forêts ; une inspection des haras, et nous n'avons pas d’inspection
de l'agriculture.
II faut une inspection d'agriculture ; car en définitive l'agriculture
est une chose plus considérable que l'administration des prisons, que les
forêts, que les haras.
Eh mon Dieu ! messieurs, si nous avons une inspection des prisons, c'est
parce que nous avons des prisons à administrer, des fonctionnaires nombreux qui
sont chargés de cette branche du service. Si nous avons une inspection des
forêts, c'est parce qu'il y a des forêts qui appartiennent à l'Etat, des
fonctionnaires pour les administrer et que de ce chef il y a quelque chose à
inspecter, à surveiller. Enfin, si nous avons une inspection des haras, c'est
parce qu'une grande partie du fonds d'agriculture est employé à l'existence des
haras, qui demandent également une surveillance, une administration.
Mais, messieurs, pour justifier la création d'une inspection de
l'agriculture, il faudrait qu'il y eût une agriculture de l’Etat, et elle
n'existe pas encore que je sache. Comme le disait très spirituellement tout à
l'heure l'honorable comte de Mérode, l'inspecteur est un fonctionnaire chargé
de regarder faire les autres. Mais encore faudrait-il qu'il y eût ici des
fonctionnaires à regarder faire, et ces fonctionnaires agricoles, je ne les
connais pas plus que l'agriculture de l'Etat.
M. le ministre de l'intérieur a parlé des fonctionnaires qui s'occupent
maintenant de l'agriculture, des gouverneurs, des commissaires
d'arrondissement, et il vous a dit qu'on ne pouvait attendre d'eux les services
que cette branche d'administration pouvait réclamer : que ces fonctionnaires ne
pouvaient donner que des soins accessoires à l'agriculture.
Mais il avait oublié, et j'ai dû le lui rappeler, qu'il y a des
commissions gratuites qui sont chargées de cette branche du service, ce sont
les commissions d'agriculture. Je suis persuadé que les seuls services que le
gouvernement puisse attendre en cette matière, ces commissions sont à même de
les rendre mieux que personne.
En effet, que doit savoir le gouvernement ? Il
doit être renseigné à des époques déterminées, sur l'état des récoltes, sur
l'apparence qu'elles présentent pour prendre les mesures que pourrait
nécessiter l'approvisionnement du pays. Eh bien ! les commissions d'agriculture
sont seules à même de donner ces renseignements avec ensemble et exactitude
parce que les membres qui les composent se trouvent dans toutes les parties du
territoire, parce qu'eux-mêmes sont agriculteurs et propriétaires. Et lorsque
vous avez une organisation qui ne coûte rien à l'Etat, lorsque vous avez des agents,
des citoyens qui se chargent gratuitement d'un service public, qui le font avec
zèle et intelligence, vous viendrez leur substituer une nouvelle organisation
inutile et onéreuse au pays ! Je proteste pour ma part contre de pareilles vues
administratives et contre un semblable maniement des fonds du budget.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Quand une
inspection de l'agriculture aura été créée, je me charge, si elle est attaquée
dans cette enceinte, de la défendre. Comme je ne demande rien, en définitive,
au budget, je n'ai pas à exposer ici les services que l'inspection de
l'agriculture peut rendre.
Si la chambre ne veut pas que les sommes portées au budget pour
l'agriculture soient inutiles, il faut qu'il y ait un contrôle, il faut qu'on
puisse, sur les lieux mêmes, examiner si les mesures en vue desquelles des
dépenses sont faites, reçoivent une exécution convenable. Ainsi, messieurs, par
la loi sur le défrichement des bruyères vous avez autorisé le gouvernement à consacrer
une somme considérable à la fertilisation de terrains incultes ; aujourd'hui ce
service est sans surveillance. Croyez-vous qu'un fonctionnaire chargé de
contrôler les travaux de défrichement, de rendre compte au gouvernement de
l'effet produit par les premières opérations faites, croyez-vous que ce
fonctionnaire serait inutile ? Voilà un seul point de vue.
Autre exemple, le gouvernement décerne des encouragements pour
différentes cultures, ces cultures ne sont pas aujourd’hui surveillées
directement par un fonctionnaire spécial préposé au contrôle de l'emploi des
fonds qui leur sont affrétés. Eh bien, je dis que c'est là une lacune : ou les
inspecteurs sont inutiles en général, ou il faut les considérer comme très
utiles en agriculture.
Je crois avoir fait acte de bonne foi en exposant mes vues à la chambre,
mais je me considère comme parfaitement libre de les réaliser. Je suis libre
d'imputer sur les fonds de l'agriculture les dépenses que peut exiger
l'inspection agricole.
On veut attribuer aux commissions d'agriculture un rôle important qui ne
leur incombe pas. On veut charger ces commissions de l'inspection dont il
s'agit.
C'est là une utopie, c'est un non-sens, pour me servir de l'expression
un peu dure dont on s'est servi à mon égard.
Les membres des commissions d'agriculture ne sont pas en position de
s'acquitter de cette charge ; les commissions d'agriculture se composent de
propriétaires, de cultivateurs, qui viennent se réunir à certaines époques au
chef-lieu de la province, pour délibérer sur des questions données, mais qui ne
peuvent pas exercer cette surveillance active de tous les jours, que le
gouvernement est en droit de demander à des agents, qu'il salarie.
(page 288)
Il y aura, messieurs, beaucoup de travaux à surveiller dans les Flandres, et ma
responsabilité ne serait pas suffisamment garantie, si je n'avais à ma
disposition un fonctionnaire que je puisse, au besoin, envoyer sur les lieux
pour me rendre compte de l'emploi des fonds qui sont distribués.
Au surplus, messieurs, je connais mes devoirs envers la chambre, et je
n'introduirai pas d'irrégularité dans la manière de faire usage des crédits
alloués au budget ; mais je connais aussi mes droits, et comme il n'y a aucune
décision de la chambre qui interdise de pareilles dépenses, si, après un nouvel
examen je les considère comme utiles, je les imputerai sur les crédits votés.
M. Orban.
- Il est possible que la discussion de la mesure proposée par M. le ministre de
l'intérieur soit maintenant prématurée, et qu'elle vienne plus à propos quand
la mesure sera prise. Je ne prolongerai donc pas le débat sur ce point, mais il
est impossible de ne pas exprimer mon étonnement de voir M. le ministre de
l'intérieur persister dans une hérésie aussi manifeste que celle qu'il vient de
développer devant vous, et se mettre ainsi en contradiction avec ses propres
antécédents, dont le souvenir est si peu oublié.
A l'entendre, le gouvernement aurait le droit de créer des places avant
d'y pourvoir, avant que les chambres aient alloué les fonds nécessaires pour
les rétribuer. Cette prétention est énoncée sans détour et sans aucun respect
pour les manifestations nombreuses qui ont été faites en sens contraire dans
cette honorable assemblée et par M. le ministre lui-même
En serions-nous arrivés, messieurs, à ce point que ce qui était une
irrégularité, un abus à une époque antérieure, fût devenu régulier et licite,
parce que c'est M. Rogier qui siège au banc ministériel.
M. le ministre vient de dire que rien ne l'empêche de rétribuer des
inspecteurs de l'agriculture sur les fonds alloués au budget. Mais, messieurs,
ces fonds ont été demandés à la chambre pour des besoins connus, et désignés
pour des besoins spéciaux ; on a dit à la chambre : il faut tant pour indemnités du chef de la perte d'animaux abattus, tant pour les
commissions provinciales d'agriculture, tant pour les haras, et tous ces
besoins réunis exigent une somme de... qui ne pourrait être réduite sans
compromettre des services essentiels. Or, messieurs, il est bien évident que si
aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur prélevait sur cette somme les
traitements d'inspecteurs de l'agriculture, le crédit voté deviendrait
insuffisant et qu'il faudrait l'augmenter dans la proportion des sommes
distraites pour salarier les fonctions nouvelles. Ce serait par conséquent
anticiper sur le vote de la chambre, ou plutôt ce serait forcer ce vote ; ce
serait ravir à la chambre la liberté d'action dont doit être entièrement investie
lorsqu'il s'agit de voter les dépenses publiques.
J'aurais cru, messieurs, manquer à mes devoirs si je n'avais insisté sur
ces principes, protesté d'avance contre leur violation que l'on ne craint pas
de venir vous annoncer.
M. de Theux. -
Messieurs, je ne prolongerai pas la discussion, je veux seulement dire quelques
mots sur ce qui a eu lieu dans le passé. On aurait pu croire, d'après les
paroles de M. le ministre de l'intérieur, que, dans le passé, l'emploi des
fonds s'était fait sans surveillance. Je dois déclarer que la surveillance a
été complète en ce qui concerne le fonds des irrigations. Je ne crois pas
qu’aucune dépense ait été faite sans surveillance.
M. Malou. - Messieurs, dans une précédente
séance, on a adopté l'article 2 du chapitre premier du budget de l'intérieur,
portant que les traitements du personnel de l'administration centrale ne
peuvent être imputés sur aucune autre allocation que cet article 2. Il en
résulte que dans l'esprit de la chambre, et si je rappelais les discussions qui
ont fait introduire cette formule dans le budget, il en résulterait plus
évidemment encore que M. le ministre de l’intérieur ne peut pas créer de
nouveaux emplois lorsqu’il doit rétribuer les titulaires sur d’autres articles
du budget.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je dois
faire observer que cette règle invoquée par l’honorable M. Malou n’est pas du
tout suivie.
M. Malou.
- C’est la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Dans le budget proposé par l'administration dont l'honorable M. Malou faisait
partie, les traitements de beaucoup de fonctionnaires ont été imputés sur le
chiffre de l'agriculture. Il y a là des inspecteurs généraux, des directeurs,
des inspecteurs spéciaux ; et en vertu du même droit qu'avait eu le
gouvernement, de nommer des inspecteurs de haras, je pense être autorisé à
nommer un inspecteur de l'agriculture.
Il ne s'agit pas ici de fonctionnaires travaillant dans les bureaux de
l'administration centrale ; il s’agit de fonctionnaires de la même catégorie
que ceux qui ont été créés par mes prédécesseurs ; et si je demeure dans
les limites du crédit proposé à la chambre, je suis libre, encore une fois, de
faire ce que j’ai eu la loyauté d’annoncer. Ce n’est pas là une innovation,
encore moins une hérésie ; ce que j’ai annoncé est parfaitement régulier,
et je le ferai si, après un nouvel examen, il m’est démontré que l’institution
des fonctionnaires dont il s’agit est réellement utile.
M. Pirmez.
- Je ne peux laisser passer sans les combattre les prétentions de M. le
ministre de l'intérieur. Il résulterait de la théorie qu'il vient d'émettre que
le gouvernement aurait le droit de faire contourner tous les chiffres que vous
votez au budget en création de places nouvelles, et remarquez qu’avec votre
système sur les droits acquis ce serait une dépense que vous ne pourriez jamais
faire disparaître. Le fonctionnaire a une espèce d’action sur le trésor public
jusqu’à la fin de sa vie en vertu de notre loi des pensions. Si le ministre
avait jamais un droit aussi exorbitant (ce qui est impossible), il faudrait se
hâter de l'anéantir.
- L'article 3 est mis aux voix et adopté.
Article 4
« Art. 4. A. Frais de
courses de chevaux du gouvernement et subsides à des chevaux de courses :
fr. 29,200 ; B. Récompenses à allouer aux agents de !a force publique, qui
se distinguent par leur zèle à constater les délits de chasse : fr. 3,000.
Ensemble : fr. 32,200. »
MM. Desaive et Bricourt demandent la division de cet article et la
suppression des 29,200 fr. destinés aux courses de chevaux.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je vous
avoue, messieurs, que je ne m'attendais pas à voir surgir une semblable
proposition dans cette discussion. Il m’est impossible de l'admettre. Il faut,
messieurs, chercher à faire des économies, je le reconnais ; mais encore
faut-il y mettre de la réserve et de l'opportunité. Nous ne pouvons pas
détruire en une année ce que nous avons construit à grands frais depuis
plusieurs années. De cette façon le travail des chambres serait une espèce de
toile de Pénélope. Je suis tout ce qu'on peut dire contre les dépenses
occasionnées par les courses de chevaux ; mais il y a aussi beaucoup de bonnes
choses à dire en faveur des encouragements qui sont donnés à cette branche de
l'agriculture. Ce n'est pas parce que les classes riches s'occupent de courses
de chevaux que la chambre doit se montrer hostile à cette institution.
Je crois qu'il faut être juste envers tout le monde, qu'il faut chercher
à satisfaire tous les intérêts dans une certaine mesure, et je ne saurais, pour
ma part adhérer au langage tenu par l'honorable membre en ce qui concerne les
personnes qui s'occupent de courses de chevaux. C'est du luxe, dit-on ; mais,
messieurs, il faut aussi tenir compte des besoins du luxe, dans une société civilisée.
Je déplorerais le sort de la Belgique si l’on venait à y supprimer le luxe et
tout ce qui, par la richesse, s'élève au-dessus du niveau ordinaire.
Je le répète, messieurs, je ne m'attendais pas à ce qu'une pareille
proposition vînt à surgir.
Je considère les courses de chevaux comme entrées
aujourd'hui dans les nécessités administratives du pays. Beaucoup d'intérêts
d'ailleurs s'y rattachent ; beaucoup de villes mettent de l'importance à
présenter cet attrait aux étrangers. Je n'examine pas si la part du
gouvernement dans les dépenses est trop élevée, mais je dis que supprimer le
crédit ce serait rompre des engagements. Le gouvernement est lié vis-à-vis de
certaines sociétés ; ces sociétés, à leur tour, s'adressent également longtemps
à l'avance aux étrangers pour les
engager à prendre part aux courses
Je ne sais si l'allocation est trop élevée, mais je m'oppose de toutes
mes forces à ce qu'on supprime sans examen un crédit qui jusqu'ici n'avait pas
été sérieusement contesté. Je demande à l'honorable auteur de la proposition de
vouloir bien l'ajourner jusqu'au budget prochain, nous aurons alors le temps
d'examiner la question sous toutes ses faces.
M.
Desaive. - Messieurs, comme l’honorable ministre de
l’intérieur, j’accepte tout ce qu'il y a d utile à favoriser le luxe mais je
pense aussi qu’il est nécessaire de venir en aide à la misère. C’est cette
dernière considération qui nous avait guide dans notre proposition. Toutefois,
comme M. le ministre promet de faire de la question des courses de chevaux
l’objet de sérieuses considérations, et comme je ne veux pas enrayer le vote du
budget, je déclare retirer l’amendement, pour le reproduire en temps opportun.
Je persiste dans l’opinion qu’un cheval de course n’est pas un cheval utile, et
la preuve, c’est que malgré les dépenses considérables qu’on a faites
jusqu’ici, il est peut-être trois ou quatre chevaux de course qu’on peut citer
avec éloge. Ce sont là, je le répète, des plaisirs de gens riches ; ces
plaisirs, la nation ne doit pas les payer.
M. le
président. - L’amendement est retiré.
- L’article 4 est mis aux voix et adopté.
Chapitre XVII. - Industrie
Discussion générale sur le chapitre
M. le
président. - La discussion générale est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer.
- Messieurs, une partie du crédit de deux cent quinze mille francs porté à
l'article premier du chapitre XVII est destinée au perfectionnement de l'industrie
linière. J'appellerai l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la
nécessité de faire constater, au moyen d'expériences décisives, quels sont les
métiers dont le gouvernement doit propager l’emploi. Nous avons les métiers de
Pareit, de de Poorter et des métiers anglais. Il est évident qu’il faut
adopter, sans tenir compte d’un sentiment exagéré de nationalité, ceux qui
seront reconnus les plus parfaits sous le rapport de la régularité et de la
célérité du travail.
Le salaire de nos tisserands est, en général, insuffisant ; en leur don
nant le moyen d'augmenter la somme de leur travail, on viendra à leur de d'une
manière efficace et on les préparera à soutenir la concurrence (page 289) dont la mécanique les menace,
eux aussi, dans l'avenir. Du progrès du tissage dépend en grande partie le sort
de notre industrie linière. Dans la commune que j'habite et dans les environs,
on tisse encore à la main une certaine quantité de toiles de colon ; on a
modifié les anciens métiers en cherchant à imiter la mécanique, mais en
conservant le bras de l'homme comme moteur. On parvient ainsi à faire 30 à 35
aunes par jour, au lieu de 15 à 20 aunes que l'on faisait auparavant et que
font encore aujourd'hui les tisserands de toiles de lin qui suivent l'ancien
système.
Il ne suffit pas d'enseigner les bonnes méthodes dans les ateliers de
perfectionnement et de distribuer des métiers et des ustensiles ; il faut
instruire et éclairer par tous les moyens possibles, si l'on veut obtenir des
résultats d'un effet permanent. La création d'un bureau de renseignement, ou
plutôt d'un musée de l'industrie linière, dans la capitale des Flandres,
mettrait toutes les classes de fabricants et de négociants à même de voir, de
connaître les machines et les genres de tissus qui ont donné la supériorité à
nos rivaux et qui leur ont permis de nous supplanter après avoir été nos
imitateurs.
La distribution gratuite de notices en langue
flamande sur la culture du lin, sa préparation et sa mise en œuvre, sur la
fabrication des tissus qui conviennent pour l'exportation, activerait aussi une
réorganisation qui ne peut plus être différée. Les rapports de nos consuls et
d'autres documents officiels restent souvent presque inconnus, parce qu'il est
difficile d'aller les consulter au ministère ou aux greffes des chambres de
commerce où ils sont déposés.
M. Sigart. -
Messieurs, une enquête a été instituée par le gouvernement, sur le travail des
enfants dans les manufactures et sur les industries insalubres ; les procès-verbaux
de cette enquête ont été distribués aux membres de la chambre, et pour mon
compte, j'ai lu ce travail avec un grand intérêt. Mais cela ne suffit pas ; et
je suppose que M. le ministre de l'intérieur se propose d'en tirer quelques
conclusions, qu'il élabore quelque projet de loi. On s'est beaucoup occupé dans
cette séance même d'améliorations pour la race bovine, ovine et même porcine ;
il n'est pas possible d'oublier la race humaine qui s'abâtardit dans
l'exercice, non surveillé, de certaines industries.
M. Gilson.
- Messieurs, à l'occasion du crédit de 500,000 fr. qui a été voté ces jours
derniers, j'ai fait des réserves quant à l'emploi que doit recevoir la partie
de cette somme destinée à l'industrie linière. Je ne puis me dispenser de
prendre de nouveau la parole aujourd'hui. Quelques jours nous séparent à peine
de l'exercice 1848 ; nous allons donc immédiatement employer la somme destinée
avenir au secours des Flandres. Je renouvelle ici l'expression de toutes les
sympathies que j'ai manifestée en faveur des Flandres ; mais je ne puis me
dissimuler qu’il est de la plus haute importance de modifier le système qui a
été suivi jusqu’ici, si nous voulons arriver au résultat que nous cherchons à
obtenir.
Ce qu’il faut particulièrement, messieurs, c’est la transformation du
tissage, en ce sens que l’ouvrier ne peut pas travailler isolément, je l’ai
déjà dit : il faut qu’il travaille sous la direction d’un maître.
Or, où puis-je recueillir des renseignements sur ce qui s’est fait, sur
ce qui se fera ? La section centrale n’a produit qu’un seul
document : c’est le tableau de l’emploi de la somme qui a été distribuée
en 1846 ; j’ignore ce qui a été fait pour 1847, j’ignore également les
vues que l’on a pour 1848.
Eh bien, en présence du seul document dont nous soyons en possession, je
dois faire mes réserves formelles ; car, si quelques-unes des sommes qu’on
a allouées sur le budget de 1846 ont eu une destination noble, généreuse, je
dois dire que la distribution des fonds en général a été faite dans de fausses
voies, et non pas dans les voies d’avenir, dans les voies favorables à
l’industrie linière que l’on veut ramener à son état primitif de prospérité.
- La discussion général sur le chapitre XVII est
close.
M. le
président. - Dans la discussion générale, M. Lebeau avait
fait une proposition, tendant à faire un article spécial pour les inspecteurs
des affaires d’industrie.
M. Lebeau.
- Messieurs, pour ne pas allonger nos débats, je ne reproduirai pas cette
proposition. Toutefois j'appellerai l'attention du gouvernement sur ce fait,
que dans plusieurs de nos budgets, on trouve encore confondus en un seul
article des dépenses de personnel et de matériel. Il est désirable que pour le
budget prochain ces irrégularités ne se reproduisent plus. Quand la chambre
vote un crédit pour un service, il est utile qu’elle connaisse la part affectée
au personnel, et celle affectée au matériel.
Articles 1 à 3
« Art. 1er. Encouragements à l'industrie :
« Dépenses ordinaires : fr. 65,000.
« Dépenses extraordinaires : fr. 150,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à
l'industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n°6, sur les fonds
provenant des droits de brevets ; publication de brevets ; frais
d'administration (personnel et matériel) : fr. 17,300. »
- Adopté.
__________________
« Art. 3. Musée de l'industrie nationale : fr. 40,000. »
- Adopté.
Chapitre XVIII. - Instruction publique
Discussion générale sur le chapitre
M. Cans.
- Messieurs, lors de la discussion du budget de l'intérieur de l'année
dernière, j'ai eu occasion d'appeler l'attention du gouvernement sur
l'établissement d'une école française à Athènes, destinée à perfectionner
l'étude de la langue grecque. M. le ministre de l'intérieur m'a fait l'honneur
de me répondre qu'il avait été au-devant de mes désirs, qu'il s'était entendu
avec le ministre de l'instruction publique de France et que rien ne
s'opposerait à l'admission d'élèves belges dans l'établissement français. Comme
je ne vois aucune augmentation de chiffre au chapitre qui concerne
l'instruction publique, je ne sais si dans l'allocation du budget on trouverait
les moyens de faire les frais de l'envoi d'élèves belges à l'institution
française à Athènes. Je prie M. le ministre de vouloir bien s'expliquer sur ce
point.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je crois
que l'envoi de quelques jeunes gens en Grèce serait une chose fort
intéressante, fort utile même au point de vue archéologique et littéraire. Mais
j'ai deux observations à faire. L'entretien et les frais de route par chaque
élève envoyé en Grèce s'élèvent par année à 6 ou 7 mille fr. C'est une somme
considérable. Il serait impossible de songer à appliquer une pareille direction
à plusieurs élèves ; ce serait faire des dépenses hors de proportion avec les
autres affectations du budget. En supposant que nous puissions admettre le
principe, il y aurait un autre obstacle, ce serait l'insuffisance actuelle du
crédit.
Le crédit pour les lettres et les sciences est totalement épuisé pour
1847.
A mon entrée au pouvoir, j'ai été débarrassé du
soin de chercher les applications de ce crédit. Il se trouve entièrement
épuisé, pour 1847, il est très fortement engagé pour 1848, sans parler de 1849
; de manière qu'il me serait très difficile de me déterminer dès maintenant à
envoyer en Grèce plusieurs élèves au moyen de l'allocation qui figure au
budget. Je pense que l'envoi d'un élève serait utile, mais aller au-delà, je ne
le pourrais pas, les limites du budget s'y opposeraient. Je crois en outre que
des raisons de saine économie s'y opposeraient également. J'ai entretenu mon
honorable ami, M. Cans, de cet objet. Si je puis donner suite aux bonnes
intentions exprimées par mon honorable prédécesseur, je le ferai, car il y a
une sorte d'engagement moral envers le gouvernement français à qui on a demandé
cette faveur et qui a accueilli la demande avec bienveillance. Ne pas y donner
suite ce serait en quelque sorte manquer de procédés vis-à-vis d'un
gouvernement étranger qui s'est prêté de bonne grâce à la démarche qu'on a
faite auprès de lui.
M. de Theux. -
L'honorable M. Cans avait demandé l'année dernière qu'on sollicitât l'admission
de jeunes Belges dans l'établissement formé en Grèce, sous les auspices de la
France, pour se perfectionner dans l’étude de la langue grecque. Je ne puis
dire qu'une chose, c'est que cette affaire a été traitée à Paris avec le
ministre des affaires étrangères, qu'elle n'était pas arrivée à maturité quand
le budget a été présenté, car il a été confectionné au mois de février et
présenté en mars.
En lui répondant, l'honorable ministre
de l'intérieur a fait observer que le fonds des lettres et sciences était
épuisé lors de son arrivée au pouvoir. Je ne pense pas que ce soit par forme de
reproche qu'il ait fait cette observation, car je ferai remarquer que, dans
cette partie, on fait droit aux demandes quand elles sont fondées, qu'on ne
l'emploie pas mois pas mois ; les imputations sur les exercices suivants sont
également conformes aux précédents ; souvent j'ai eu des engagements pris pour
plusieurs années ; cela se conçoit, car il y a des souscriptions à des ouvrages
qui doivent être faits en plusieurs années. Je ne crois pas avoir dévié des
précédents posés par les administrations précédentes.
M. de
Haerne. - L’étude des langues modernes au point de vue
commercial est une question très importante qui peut avoir de très bons
résultats, lorsque cette étude se fait sur une échelle large et nationale. Je
crois entre autres la connaissance du
grec moderne peut être très utile. Je ne conteste pas non plus l'avantage qu'il
y aurait à envoyer des sujets à Athènes pour y apprendre cette langue, car la
prononciation du grec moderne est assez difficile et diffère entièrement de
celle qu'on est convenu de donner au grec ancien, que chaque peuple prononce à
sa manière et plus ou moins d'après l'accent de sa propre langue. Mais il est
d'autres langues aussi et même plus utiles que le grec moderne au point de vue
commercial ; je ne parlerai ni de la langue anglaise ni de la langue allemande
qui ont une importance toute spéciale pour notre pays, à raison de sa
situation.
Mais il y a en Belgique assez d'établissements où on enseigne ces
langues. et il est inutile que le gouvernement s'en occupe. Je n'en dirai pas
autant d'une autre langue vivante et commerciale dont l'utilité ne sera pas
contestée dans cette chambre, je veux parler de la langue espagnole. cette
langue, de même que la portugaise, qui en est un dialecte, n'est pas seulement
utile pour les relations avec l'Espagne et le Portugal, mais aussi pour celles
que nous avons et que nous pourrons contracter encore avec l'Amérique. Je
voudrais surtout que les langues commerciales s'enseignassent d'une manière
toute pratique, c'est-à-dire, en initiant les élèves au commerce spécial du
pays dont ils apprendraient la langue. Sous ce rapport vous voyez que la
question offre un intérêt très sérieux.
Je crois, messieurs, que pour répandre la connaissance des langues
modernes, du grec moderne, de l'espagnol et d'autres langues également utiles,
le gouvernement ferait chose très avantageuse en donnant suite à son projet
d'organisation d'une école commerciale, institution dont il a déjà été
plusieurs fois question dans les feuilles, et même, je crois, dans cette
chambre.
Je pense qu'alors on pourrait fonder dans cet établissement une chaire
de grec moderne. Rien n'empêcherait de faire venir de la Grèce un professeur
capable d'enseigner cette langue pour les principes aussi bien que pour la
prononciation ; ou bien, si on le préfère, on pourrait envoyer des élèves
intelligents à Athènes pour y étudier la langue au point de vue pratique. Ces
jeunes gens, à leur retour, seraient chargés de l'enseignement. Une école
commerciale organisée comme je viens de l'indiquer sommairement, et fondée sur
un grand pied, servirait à former une pépinière de jeunes gens, qui, à l'instar
de ceux d'Allemagne ^t d'autres pays, iraient fonder dans les divers pays, et
surtout dans les pays transatlantiques, des établissements de commerce
étroitement liés à la mère patrie.
- La discussion sur le chapitre est close.
Enseignement supérieur
Articles 1 à 3
« Art. 1er. - A. Traitement
des fonctionnaires et employés des deux universités de l'État : fr.
505,000.
« B. Bourses : fr. 36,000. »
« C. Matériel des deux universités : fr. 90,800. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Frais des jurys d'examen pour les grades
académiques : fr. 92,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 3. Dépenses du concours universitaire : fr.
15,000. »
- Adopté.
Enseignement moyen
Article 4
« Art. 4. Frais d'inspection
des athénées et des collèges. Partie des dépenses du concours : fr.
10,000. »
- Adopté.
« Art. 5. A. Subsides annuels aux établissements d'enseignement
moyen et partie des frais du concours, etc. : fr. 169,500.
« B. Subsides annuels aux établissements d'enseignement industriel
(écoles de Gand, Verviers, etc.), autres que les écoles des arts et métiers et
les ateliers d'apprentissage : fr. 30,500.
« Ensemble : fr. 200,000. »
M. le
président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé de
majorer ce chiffre de 10,000 fr. La section centrale adopte cette augmentation.
M. Nothomb.
- Messieurs, je me permettrai de demander à M. le ministre de l'intérieur si
les 10,000 francs réclamés comme subvention pour l'athénée de Gand sont
accordés à cet établissement sans condition. Je vais m'expliquer plus
clairement.
L'honorable M. Rogier, aujourd'hui ministre de l'intérieur, a fait en
1841 une circulaire qui porte la date du 31 mars, d'après laquelle les
établissements d'enseignement moyen qui reçoivent des subsides de l'Etat
doivent se soumettre à trois conditions ; la première, c'est de participer au
concours ; la seconde, de soumettre au gouvernement le budget de l'établissement,
et en troisième lieu de se soumettre à l'inspection.
J'ai un motif tout particulier pour faire cette
question à mon honorable successeur, quoique ce ne soit pas mon successeur
immédiat. J'ai refusé à la ville de Gand la subvention de 10,000 francs, parce
que le conseil communal est le seul dans le pays qui n'ait pas adhéré à la
circulaire du 31 mars 1841. Si aujourd'hui le conseil communal de Gand adhère à
cette circulaire, je trouve très juste qu'on lui restitue en quelque sorte
l'ancienne subvention.
Mais de mon côté il m'importait de constater que si à partir de 1841
l'athénée de Gand n'a pas reçu son subside, ce n'est pas à moi qu'il faut s'en
prendre. C'est l'unique but de ma question,
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- L'honorable M. Nothomb ne peut pas mettre en doute que le subside ne sera
accordé à la ville de Gand que comme il l'a été à toutes les autres communes,
c'est-à-dire sous la réserve que l'administration de Gand se soumettra à ma
circulaire de 1841. Cela ne peut pas faire de doute.
J'ignore par quelles circonstances le conseil communal de la ville de
Gand n'a pas fait sous l'administration de l'honorable M. Nothomb ce qu'elle a
fait sous une administration postérieure, mais la vérité est qu'elle accepte
aujourd'hui les conditions auxquelles le gouvernement a subordonné l'allocation
du subside.
M. Nothomb.
- Les motifs pour lesquels le conseil communal de Gand n'avait, pas cru devoir
adhérer à la circulaire du 31 mars, ce sont des scrupules de légalité. Il a
pensé qu'en y adhérant il aliénerait, contrairement aux dispositions de la loi
communale, quelques-uns de ses droits, notamment en ce qui concerne le budget.
Il a dit : Le budget de l'athénée fait partie du budget de la ville. Or, la loi
communale n'autorise pas le gouvernement à s'occuper du budget de la ville de
Gand.
C'est là, autant que ma mémoire me le rappelle, le motif principal du
refus du conseil communal de Gand. J'apprends avec plaisir que ses scrupules de
légalité ont cessé.
- Le chiffre de 210,000 francs est adopté.
Article 6
« Art. 6. Indemnités aux professeurs démissionnés des athénées et des
collèges : fr. 5,000. »
- Adopté.
Enseignement primaire
M. Nothomb.
- Messieurs, je ne demande pas mieux que de voir voter le budget de
l'intérieur. Vous concevez cependant qu'il m'est extrêmement difficile de
garder le silence, en présence des allocations relatives à l'instruction
primaire.
Il y a un an, le rapport de l'honorable M. de Theux, sur l'exécution
qu'a reçue la loi organique de l'instruction primaire était déposé, mais non
imprimé. J'ai été ajourné à cette époque par l'honorable M. Rogier à la
discussion des crédits supplémentaires. Les crédits supplémentaires ont été
votés sans qu'aucune discussion fût possible. Le rapport est imprimé ; je me
trouve donc en quelque sorte ajourné à la discussion actuelle. Je fais part ici
à mon successeur lui-même et à la chambre de mon embarras. Je désire soumettre
à la chambre quelques observations.
Plusieurs
membres. - A vendredi.
D’autres
membres. - Parlez !
M. le
président. - Je consulterai la chambre sur la question de
savoir si elle veut continuer la séance.
- La chambre décide que la séance sera remise.
M. le
président. - D'après ce que j'ai cru apercevoir au
commencement de la séance, la chambre n'est pas disposée à se réunir demain. (Non ! non ! vendredi !)
M. Osy.
- Je suis chargé par l'honorable M. Delfosse, président de la section centrale
du budget des travaux publics, de vous prier de ne pas ouvrir la séance de
vendredi avant une heure. Nous sommes tellement arriérés dans l'examen de ce
budget que si nous ne pouvons pas nous réunir de 11 heures à 1 heure, il nous
sera impossible de faire le rapport avant la fin de l'année.
Plusieurs
membres. - A ce soit !
M. de Theux. - Plusieurs
membres ont déjà quitté la salle, et décider qu'il y aura séance ce soir, ce ne
serait peut-être pas convenable.
Je propose à la chambre de se réunir vendredi à l'heure du règlement.
Alors bien certainement le budget de l'intérieur pourra être voté dans cette
séance.
- La chambre consultée décide qu'elle se réunira vendredi à midi.
La séance est levée à 4 heures 3/4.