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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 28 mai 1844

(Moniteur belge n°150, du 29 mai 1844)

(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Parent, ex-colonel de volontaires, demande une indemnité ou une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les médecins, chirurgiens ou accoucheurs, établis à Alost, demandent l’abolition du droit de patente auquel sont assujettis ceux qui exercent l’une des branches de l’art de guérir. »

« Même demande des médecins, chirurgiens ou accoucheurs établis à Nivelles. »

- Sur la proposition de M. Rodenbach, renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les patentes.


« Le sieur Jean-Joseph Goblet, cultivateur à Neuchâteau, prie la chambre de voter les crédits nécessaires au payement des arriérés concernant l’agriculture et de rétablir le fonds d’agriculture. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les fabricants et débitants de tabac à Tongres présentent des observations contre le projet de loi sur les tabacs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Lambrechts, blessé de la révolution, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques distillateurs à Bruges présentent des observations contre la pétition des distillateurs agricoles, tendant à ce qu’il soit pris des mesures pour empêcher l’exagération des droits d’octroi, dont les produits de leur industrie se trouvent frappés à l’entrée des villes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Mathurin, aubergiste et ancien directeur des messageries à Bastogne, demande la remise d’une partie de la contribution à laquelle il est imposé du chef des chevaux et des postillons qui ont été à son service. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Messages du sénat faisant connaître l’adoption des projets de loi relatifs à la grande naturalisation de MM. Chapelié, Chazal, Collins et de Laroche-Blin, à deux crédits supplémentaires concernant le département de l’intérieur et celui de la marine, et au crédit provisoire concernant le département de la guerre, et annonçant qu’il ne sera pas donné suite à la demande de naturalisation des sieurs A.-L. de Buisson et P.-J. Baisse, parce que le premier est décédé et que le deuxième a déclaré ne pas persister dans sa demande.

- Pris pour notification.


Dépêche de M. le ministre de la justice accompagnant l’envoi de plusieurs demandes de naturalisation avec les renseignements y relatifs.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


Il est donné lecture de la lettre suivante à M. le président :

« Une maladie qui dure déjà pendant douze jours, ne me permet pas de prendre part aux délibérations de la chambre.

« Veuillez, M. le président, en exprimer mes vifs regrets à mes honorables collègues et agréer les nouvelles assurances de ma haute considération.

« (Signé) : de Foere

« Bruges, 27 mai 1844.

« A M. le président de la chambre des représentants à Bruxelles. »

Loi réduisant le taux de l'indemnité des examinateurs du jury d'examen universitaire

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - A l’occasion de la demande de crédit supplémentaire pour les jurys d’examen, sur laquelle vous avez statué dans votre dernière séance, on a renouvelé la réclamation déjà faite antérieurement sur le taux de ces indemnités. J’ai promis à l’une et à l’autre chambre qu’il serait présenté un projet de loi pour réduire le taux de ces indemnités.

Le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi rédigé dans ce but.

(Note du webmaster : Le Moniteur publie ensuite l’exposé des motifs et le projet de loi, qui ne sont pas repris dans la présente version numérisée.)

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Discussion du tableau des tarifs

Bois

M. le président. - La discussion continue sur l’article du tarit relatif aux bois sciés et non sciés, sur les amendements y relatifs présentés par M. Donny et de Corswarem et sur l’amendement suivant, présenté par M. d’Hoffschmidt (amendement publié au Moniteur et non repris dans la présente version numérisée.)

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, pour vous faire apprécier la portée de mon amendement, je crois d’abord devoir expliquer en quoi il diffère de la proposition du gouvernement et des autres propositions qui vous ont déjà été soumises.

La dernière proposition qui vous a été faite par le gouvernement établit une distinction d’abord entre les bois non sciés et les bois sciés. J’ai également adopté cette division. Mais cette proposition fait une autre distinction ; elle distingue entre les bois de pin et de sapin et les bois désignés sous la dénomination de autres bois. Cette nouvelle division, je l’ai crue inutile, parce que d’abord les autres bois (les bois connus sous cette dénomination), qui sont principalement le chêne, arrivent en Belgique, en bien moindre quantité que le pin et le sapin. Les importations en chêne n’équivalent pas au dixième des importations en pins et sapins du Nord.

Il est à remarquer aussi que l’importation des bois de sapin tend presque constamment à s’augmenter, tandis que l’importation des autres bois reste au moins stationnaire.

Ensuite, en admettant la distinction présentée par M. le ministre de l’intérieur, il en résulterait que les bois désignés sous le nom de autres bois paieraient un droit beaucoup plus élevé, proportion gardée, que les bois de pin et de sapin. Le bois de chêne nous arrive en presque totalité par les canaux et rivières. Le bois de chêne devrait donc payer non scié 5 fr., et scié 19 fr. par tonneau.

Il me semble donc inutile de faire cette distinction, d’autant plus que, d’après mon amendement, il y aurait déjà une différence assez sensible entre le droit que paieraient les importations par mer et celles par une autre voie. En effet, tandis que pour les importations par mer le droit serait de 2 fr. sous pavillon national et de 4 fr. sous pavillon étranger, il serait de 5 fr. sur les bois importés par terre ou par canaux ou rivières.

Je verrai, du reste, dans le cours de la discussion, s’il y aurait utilité à conserver la distinction faire par M. le ministre de l’intérieur.

Mais je crois que, dans le cas où elle serait reconnue nécessaire, il faudrait au moins que le droit fût, proportion gardée, plus élevé sur les pins et sapins du Nord car c’est contre ces importations qu’il nous est arrivé de nombreuses réclamations et non contre l’entrée des autres espèces de bois.

Quant aux chiffres que contient mon amendement, ils sont plus élevés que ceux de la proposition ministérielle, mais moins élevés que ceux de l’amendement de M. de Corswarem.

J’ai pris pour taux d’évaluation ceux indiqués dans nos états statistiques. J’ai donné au tonneau une valeur de 50 fr. pour le bois non scié et de 75 fr. pour le bois scié. D’après ces bases, la protection, d’après la proposition de M. le ministre de l’intérieur, équivaut, pour les importations par mer, par pavillon national, à un demi p. c.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’évaluation est trop forte.

M. Donny. - Certainement.

M. d’Hoffschmidt. - Cependant, c’est la même que dans la note qu’on nous a distribuée hier. Ainsi, quant au taux d’évaluation, je sais d’accord avec le gouvernement pour les bois non sciés.

Voici la comparaison entre les diverses propositions (successivement : propositions du gouvernement, de M. de Corswarem, de M. d’Hoffschmidt) :

Bois non sciés importés par mer sous pavillon national : 1/2 p. c., 13 p. c., 4 p. c.

Bois non sciés importés par mer sous pavillon étranger : 3 p. c., 15 p. c., 8 p. c..

Bois non sciés importés par canaux ou rivières : - , - , 10 p. c.

Bois sciés importés par mer, sous pavillon national : 8 p. c., 23 p. c., 12 p. c.

Bois sciés importés par mer, sous pavillon étranger : 11 1/3 p. c., 25 p. c., 15 p. c.

Bois sciés importés par canaux ou rivières : -, -, -.

Il est vrai que, d’après la note qu’on nous a distribuée hier, le droit équivaudrait à 11 1/2 p. c. par pavillon national, et 16 1/3 p. c. par pavillon étranger. Mais je ferai remarquer qu’il est impossible d’admettre la base de ce calcul. Cette base serait de 52 fr. par tonneau seulement de bois scié ; or, elle diffère des bases adoptées et dans les états statistiques et par votre commission d’industrie qui évaluent le bois scié à 75 fr. le tonneau. Si d’ailleurs le mètre cube en grume vaut 40 fr,, le tonneau ou le stère et demi scié vaut au moins 75 fr.

Malgré le droit différentiel que je propose, j’avoue que par les motifs qu’a parfaitement expliqués l’honorable M. Donny, je crois bien que la majeure partie des importations de bois continuera à nous être faite par la marine étrangère. Dès lors c’est le chiffre qui frappe sur le pavillon étranger qu’on doit principalement avoir en vue. Dans mon amendement il équivaut à 8 p. c. pour le bois non scié et à 15 p. c. pour le bois scié.

Je ne vous parlerai pas, messieurs, de l’amendement qui vous a été présenté par l’honorable M. Donny, parce que, comme les chiffres qu’il propose sont encore inferieurs à ceux du gouvernement, j’aime à croire qu’ils ont peu de chances de succès. Autant vaudrait, en effet, conserver le tarif tel qu’il existe.

Les chiffres de mon amendement ne sont pas aussi élevés que ceux de la commission d’industrie, en ce qui concerne les bois sciés, mais ils sont plus élevés pour les bois en grume.

Quant aux bois de 5 centimètres et moins d’épaisseur, le projet ministériel propose de les frapper d’un droit double. Je trouve, ainsi que l’honorable M. de Corswarem, que ce droit est trop élevé, et, par conséquent, je propose de les frapper seulement de 50 p. c. en sus des droits portés pour les bois d’une plus forte épaisseur.

L’honorable M. de Corswarem propose d’imposer le bois à la valeur ; le gouvernement est d’avis qu’il faut l’imposer par tonneau. Je me suis rangé ici de l’avis du gouvernement ; je crois qu’il y a un motif prédominant en faveur de l’imposition par tonneau ou d’après la dimension. Ce motif ; c’est qu’il y a là un encouragement à l’importation des bois de bonne qualité, parce que le bois de mauvaise qualité payerait un droit aussi élevé par tonneau que le bois de bonne qualité. C’est sans doute ce motif qui est cause qu’en France et en Angleterre on n’a pas adopté la valeur pour base du droit.

D’ailleurs, messieurs, comme le fait observer dans ce moment l’honorable M. Cogels, il y a de grandes difficultés, pour une matière telle que le bois, de constater à la douane la valeur des quantités qui sont importées ; adopter ce mode ce serait donc aggraver la difficulté des opérations douanières.

Dans l’intérêt de notre marine nationale, j’ai adopté aussi, dans mon amendement, la proposition de l’honorable M. de Corswarem, qui tend à ce qu’il y ait une restitution pour les bois qui sont employés aux constructions maritimes. Seulement, l’honorable M. de Corswarem est d’avis de restituer les 9/10 du droit, et je propose de n’en restituer que les 3/4, parce que mes chiffres sont moins élevés que les siens.

M. de Haerne. - Je demande la parole.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, les droits que je vous propose sont-ils trop élevés ? Je ne le crois pas. Ils établissent à la vérité une augmentation considérable sur le tarif actuel. Mais la chambre doit ne pas oublier que les droits tels qu’ils sont portés au tarif actuel, sont en quelque sorte insignifiants. Il ne faut donc pas se former une opinion d’après l’augmentation qui aura lieu sur les droits actuels, mais il faut adopter un droit raisonnable, un droit qui soit efficace et dans l’intérêt du trésor et dans l’intérêt d’une protection sage et modérée de la production nationale.

En effet, messieurs, la proposition qui nous est faite sur les bois a plutôt un caractère industriel qu’un caractère qui se rapporte aux droits différentiels. Ainsi nous devons envisager dans cette question et l’intérêt du trésor d’une part, et l’intérêt de la production nationale d’autre part. Or, en présence du déficit qui existe dans nos finances, lorsque nous cherchons partout des ressources pour le trésor, il y a lieu de s’étonner que le bois étranger ait été en quelque sorte épargné, qu’il ait jusqu’à présent joui d’un privilège tout particulier, et l’on est encore plus surpris, lorsqu’on fait attention que ce produit étranger vient sur le marché du pays faire une concurrence redoutable aux produits indigènes.

Nos bois indigènes sont frappés d’un impôt élevé que les uns évaluent à 15 p. c., les autres à 20 et même 25 p. c. Mais je prends le moindre chiffre, celui de 15 p. c. N’est-il pas étrange que, lorsque nous avons besoin de ressources pour le trésor, quand nous frappons nos propriétés boisées d’un droit équivalant à 15 p. c., que les bois étrangers ne soient frappés que du droit de 1 p. c. pour le bois en grume, et du droit de 5 p. c. pour les bois sciés ?

Si on veut favoriser les constructions civiles, si l’on ne veut pas s’imposer ce qu’on appelle une matière première pour ces constructions, au moins il faut être équitable ; il faut aussi dégrever vos bois indigènes. Car si, d’une part, dans l’intérêt de ces constructions civiles, vous voulez épargner les bois étrangers, si vous ne voulez pas leur faire payer leur quote-part d’impôts en faveur du trésor public, pourquoi donc n’appliquez-vous pas aussi ce principe aux bois du pays ?

Dira-t-on que les propriétés boisées ne méritent pas protection ? Mais les propriétés boisées, en Belgique, occupent un cinquième de tout le territoire du royaume. Nous avons en Belgique 560,000 hectares de bois. En évaluant l’hectare à 1,000 fr., terme moyen, ces bois représenteraient une valeur de 560 millions de fr. J’espère que c’est là un intérêt qui mérite toute la sollicitude de la chambre.

A cet intérêt vient encore s’ajouter celui d’une industrie du pays, l’industrie du sciage, qui mérite aussi votre attention.

Il nous faut des bois étrangers, dit-on. Je suis parfaitement de cet avis. Je crois que ce serait une grande faute que de prohiber l’entrée des bois étrangers. Aussi la proposition que je fais n’empêchera-t-elle pas l’arrivage des bois étrangers. Seulement ces bois payeront leur quote-part dans les impôts et amèneront au trésor public une ressource considérable. Ils seront, en un mot, placés sur la même ligne que les bois du pays. Cette position n’aura sans doute rien d’injuste ni d’exorbitant.

Nous n’avons perçu, en 1842, qu’une somme de 154,207 fr. sur les bois importés en Belgique. Si mon amendement avait été en vigueur, on aurait perçu environ 450,000 fr. et si l’amendement de l’honorable M. Corswarem avait été en vigueur, en supposant que la même quantité de bois eût été importée en Belgique, nous aurions perçu près d’un million.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb). - Si l’on avait loyalement déclaré la valeur.

M. de Corswarem. - 650,000 fr.

M. d’Hoffschmidt. - Le droit proposé par l’honorable M. de Corswarem revient à environ 25 p. c. , terme moyen ; on a importé pour une valeur de près de 4 millions de francs, le droit perçu eût donc été d’un million de francs. Du reste, j’ai calculé le droit d’une autre manière et j’ai trouvé qu’avec cette proposition le droit perçu eut été de plus de 900,000 fr.

Je crois, messieurs, qu’un pareil droit serait trop élevé. C’est une des considérations pour lesquelles j’ai été porté à vous présenter mon amendement. Le droit qu’il tend à établir est tout au plus l’équivalent de l’impôt que paye au trésor le bois du pays. Or, messieurs, lorsque dans l’intérêt du trésor nous imposons des matières aussi utiles à la société, aussi utiles à la classe ouvrière que les grains, que la bière, que le sel même, je ne vois pas par quel étrange privilège le bois étranger serait épargné.

Je pense donc, messieurs, qu’il y a lien d’adopter mon amendement. Je crois qu’il reste dans des limites raisonnables et j’espère que la chambre trouvera qu’il n’y a rien d’exorbitant ni comme moyen de protection, ni comme moyen de revenu pour le trésor.

- L’amendement de M. d’Hoffschmidt est appuyé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dois appeler l’attention de la chambre sur un point qui domine toute la discussion. « Faut-il admettre une tarification à la valeur, ou une tarification à la dimension ? » Si nous étions fixés sur ce point, je crois que nous aurions déjà fait un grand pas vers la solution de la question.

Je pense, messieurs, qu’il faut admettre une tarification à la dimension et non une tarification à la valeur comme le propose l’honorable M. de Corswarem. Trois raisons principales m’engagent à persister dans cette opinion.

La première, c’est que la perception d’un droit à la valeur pour un objet comme le bois, ne donnerait qu’un taux vraiment nominal. Je pose en fait qu’en règle générale vous ne percevriez que la moitié de ce droit. (Interruption.) Je vais jusqu’à dire la moitié, à cause des grandes difficultés que présentent l’évaluation du bois pour les employés de la douane et la péremption en cas de fausse déclaration. Dès lors, tous les calculs que l’on fait sur le revenu probable d’un tarif même très élevé à la valeur deviennent singulièrement problématiques dans l’application.

Il y a d’ailleurs un autre fait qu’il ne faut pas perdre de vue, quand on veut juger l’avenir d’après le passé : c’est que dans le passé l’importation consistait principalement en bois sciés ; or votre tarif serait tel dans toutes les hypothèses que l’importation en bois sciés diminuera notablement.

Votre tarif à la valeur n’est donc qu’un tarif nominal qui crée de grandes difficultés pour la douane, et qui est au fond frustratoire pour le trésor.

La deuxième raison est celle-ci : Un tarif à la valeur pour cet objet, serait impolitique, vous auriez l’air de faire un tarif exorbitant ; les Etats qui vous envoient ces bois auraient le droit de vous dire que vous faites un tarif exorbitant. En vain, objecteriez-vous que dans l’application, ce tarif est réduit à la moitié, on ne vous croirait pas, on aurait le droit de ne pas vous croire ; on s’emparerait du texte de votre loi et on dirait que votre tarif est exorbitant.

Enfin une troisième raison vous a été indiquée par l’honorable M. d’Hoffschmidt, on s’est arrêté à une objection tout a fait secondaire, on dit : « Mais il est absurde de faire payer le même droit aux bois d’excellente qualité et aux bois médiocres ou de très mauvaise qualité. »

Cette objection n’est que secondaire, Admettre un droit à la valeur c’est accorder une prime à l’importation du bois de la plus mauvaise qualité, et c’est justement ce que nous ne voulons pas. De quoi se plaint-on ? Précisément de ce que notre tarif actuel est tel que le bois que nous recevons de l’étranger est généralement du mauvais bois. Eh bien, voulez-vous que le bois qu’on nous envoie de l’étranger, soit du bois de première qualité, exigez le même droit quelle que soit la qualité du bois.

Voilà, messieurs, trois raisons qui sont, selon moi, prédominantes pour nous engager à maintenir la tarification à la dimension.

On a supposé, toujours en prenant le tarif proposé par M. de Corswarem comme un tarif réel, on a supposé qu’il y a une grande différence entre ce tarif et celui que propose le gouvernement. Eh bien, cette différence n’est pas très grande, surtout pour la deuxième partie, bois sciés. J’avoue que, pour la première partie, il y a une différence, parce que l’on considère les bois non sciés comme une matière première et que l’on fait une distinction entre le sapin et les autres bois ; mais pour la deuxième partie, il n’y a pas une grande différence entre les deux tarifs.

D’après l’honorable M. de Corswarem, le bois scié ayant plus de 5 centimètres d’épaisseur payerait 23 p. c. indistinctement, que ce soit du bois de sapin ou du bois de chêne. D’après ma proposition le bois scié paierait, si c’est du bois de sapin, ayant plus de 5 centimètres d’épaisseur, 6 fr. par tonneau, c’est-à-dire, 11 p. c., et si du bois de chêne, le double, c’est-à-dire, 22 p. c. J’arrive donc en réalité à un chiffre même plus élevé que celui de l’honorable M. de Corswarem ; car je prétends que le droit de 23 fr. par 100 fr., que propose l’honorable membre, se réduira dans la perception à un droit de 11 à 12 p. c.

Veuillez, messieurs, continuer la comparaison entre les deux tarifs, pour chacun des articles, et ne pas perdre de vue que lorsque l’honorable M. de Corswarem propose 23 ou 55 fr. par 100 fr., c’est en réalité la moitié que l’on percevra.

Pour le bois scié de 5 centimètres et moins, l’honorable M. de Corswarem propose 30 fr. par pavillon national, et 32 fr. par pavillon étranger. Eh bien, messieurs, c’est 15 fr. par pavillon national, et 16 fr. par pavillon étranger, qu’il faut lire. Voilà ce que deviendrait un tarif à la valeur dans l’application.

Je suppose, du reste, que l’honorable M. de Corswarem ne tient pas d’une manière absolue à ce que la tarification soit établie à la valeur ; il lui sera très facile de traduire son tarif à la valeur en un tarif à la dimension.

J’insiste donc sur un premier point, c’est qu’il faut une tarification à la dimension. Si vous établissez une tarification à la valeur, vous aurez un tarif purement nominal, vous ne percevrez que la demie du droit, en second lieu votre tarif paraîtra exorbitant et on s’emparera de la lettre de votre loi pour soutenir qu’elle est exorbitante ; en troisième lieu vous donnerez une prime à l’importation du bois de moindre qualité.

Un autre point, messieurs, se présente ensuite, c’est celui de savoir s’il faut faite une distinction entre le sapin et les autres bois ; si l’on ne fait pas cette distinction, alors on rentre soit dans la proposition primitive du gouvernement, soit dans l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt.

Nous sommes tous d’accord qu’il faut une distinction entre le bois scié et le bois non scié. C’est une troisième base sur laquelle nous aurons à nous prononcer. En attendant, messieurs, je crois que nous ferions bien de nous attacher à la première question : Faut-il une tarification à la dimension ? Je désirerais vivement entendre les explications que l’honorable M. de Corswarem donnera sans doute, soit qu’il maintienne sous ce rapport sa proposition, soit qu’il la modifie

M. le président. - Si j’ai bien compris M. le ministre, il voudrait que l’on examinât d’abord la question de savoir si le bois doit être tarifé à la valeur ou à la dimension. Si la chambre adoptait cette marche, j’accorderais la parole à M. de Corswarem. (Réclamations.)

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Comme M. de Corswarem est auteur d’un amendement, ne pourrait-on pas lui accorder immédiatement la parole ?

M. de Garcia. - La question soulevée par M. le ministre de l’intérieur rentre dans la question générale. Quant à moi, en parlant sur la question générale, j’examinerai la question indiquée par M. le ministre. Si cependant la chambre décidait que cette question sera détachée des autres, je ne m’y renfermerais pas. Je pense néanmoins qu’il est inutile d’ouvrir une discussion spéciale sur ce point.

M. Mast de Vries. - Messieurs, des pétitions nombreuses vous ont été adressées par la majeure partie des propriétaires de bois. Tous se sont plaints des prix peu élevés auxquels les bois se vendent aujourd’hui en Belgique, et des faibles droits que paient les bois étrangers à l’entrée dans le pays. Ces pétitions, messieurs, ont été renvoyées à la commission d’industrie, qui vous a soumis un travail et un tarif un peu plus élevé que le tarif primitif du gouvernement. Ce tarif, à mon avis, n’était pas trop élevé et j’aurais désiré le voir adopter.

Le gouvernement lui-même avait pensé que les doléances des propriétaires de bois n’étaient point exagérées, puisqu’il avait proposé un tarif dans le sens de celui de la commission d’industrie et qu’il a donné à l’appui de ce tarif des raisons extrêmement fortes. Voici, en effet, ce qu’il dit, entre autres, à la page 7 des développements :

« Bois non sciés (…)

« Même observation pour les bois sciés, page 9. »

Je croyais donc, messieurs, que le gouvernement avait parfaitement bien combiné son tarif, et je me faisais un véritable plaisir d’adopter cette proposition du gouvernement. Quel ne fut pas mon étonnement de voir le gouvernement changer tout à coup l’avis et nous proposer un tarif qui ne s’élevait qu’à la 1/2 de celui qu’il avait présenté d’abord.

Je n’ai pu me rendre compte de cette instabilité dans les propositions de M. le ministre de l’intérieur, que par les obsessions dont il aura été l’objet de la part des villes intéressées à voir continuer le système qui nous régit, c’est-à-dire de la part de nos ports de mer. En effet, messieurs, les deux orateurs qui ont défendu le nouveau projet du gouvernement, sont deux représentants, l’un du port d’Ostende, l’autre du port d’Anvers. Les ports d’Ostende et d’Anvers aiment beaucoup à voir exploiter les bois, mais ce ne sont pas précisément les bois de la Belgique ; ils aiment beaucoup mieux recevoir une cargaison de bois du Nord, quels qu’ils soient, que devoir exploiter les forêts du pays.

Il est vrai de dire que les ports d’Ostende et d’Anvers ont plus d’avantage par l’introduction d’une cargaison de bois du Nord qu’ils n’en ont par le commerce des bois de l’intérieur, cela peut expliquer les assertions des représentants de ces localités. J’ai entendu, messieurs, un de nos honorables collègues, représentant d’Anvers, nous dire : « Ce que vous voulez faire ne servira à rien, vous ne majorez pas assez le droit, le tarif que vous voulez établir n’aura aucune influence sur le prix des bois belges. » Mais, messieurs, lorsqu’il y a encombrement sur le marché, lorsqu’il y a plus de marchandises qu’il n’en faut pour la consommation, quel est l’effet de cet encombrement ? Evidemment c’est de faire baisser le prix de toutes les marchandises. Il en est du bois comme de tous les articles. Celui qui apporte au marché un surcroît de bois, doit tâcher de s’en défaire, et cela fait nécessairement baisser les prix de tous les bois en général.

Du reste, messieurs, s’il était vrai que le droit que nous demandons ne dût avoir aucune influence sur le prix du bois, il aurait toujours cet effet certain d’augmenter les revenus du trésor. Ainsi de deux choses l’une : ou l’importation du bois étranger restera ce qu’elle est, et alors il y aura augmentation dans les recettes du trésor ; ou bien cette importation diminuera, et alors les prix des bois indigènes s’en ressentiraient d une manière favorable.

Le même honorable membre a dit : « Si vous augmentez les droits sur les bois propres aux constructions navales, vous agirez contrairement au but de la loi, qui est de favoriser le développement de la marine nationale.» Je concevrais qu’il en fût ainsi s’il s’agissait d’une augmentation extrêmement forte, mais ce que nous demandons ne pourra nullement avoir ce résultat.

Nous devons, dans l’intérêt de notre marine, désirer voir construire des navires de 2 à 300 tonneaux. Eh bien, je veux faire la part aussi large qu’on le souhaite. Supposez qu’il entre dans un navire de cette grandeur 150 tonneaux de bois. D’après la proposition du gouvernement, il y aura des droits pour 150 tonneaux, à raison d’un franc 50 c. ; ainsi donc, de ce chef, 225 fr. de droits à payer. Or, aujourd’hui l’on paye, à raison de 60 c., 90 fr. ; il y a donc une différence de 135 fr., c’est-à-dire une différence d’un quart p. c. sur la valeur du navire. Vous voyez que cela ne peut avoir aucune influence sur nos constructions.

Une autre question, c’est que nous faisons de très grands sacrifices pour la Campine. On dit : Si vous voulez fertiliser la Campine, vous devez la semer en bois. Or, aujourd’hui la Campine ne peut produire les grands bois qu’on importe en Belgique : mais les bois qu’on introduit actuellement sur une grande échelle, ce sont les poutres qui viennent du Nord, lesquelles, débitées en petit bois comme gîtes, etc., empêchent qu’on ne vende cette espèce de bois dans la Campine. Il en résulte que les bois de sapin qui ont 30 ou 40 années d’existence, doivent être débités comme bois de chauffage pour les boulangeries. De là, une différence de 30 ou 40 p. c. sur le prix auquel on les vendait il y a 5 ou 6 ans.

On me dira peut-être que cela provient de la qualité du bois. Il n’en est rien. Le bois se vend à Anvers tellement à bon compte, qu’il est impossible de soutenir la concurrence à qualités égales.

Messieurs, la question des bois a une très grande importance. Mon intention n’est pas de la traiter ici, au point de vue de l’hygiène publique. Si nous continuons, comme nous devons en quelque sorte continuer, puisque les bois donnent des mauvais résultats, si nous continuons, dis-je, à déboiser les pays élevés, nous finirons par combler nos rivières. Lorsqu’il n’y aura plus de bois, les pluies entraîneront plus facilement les terres et matières légères dans les rivières. C’est là une question d’une immense portée, et sur laquelle la chambre ne peut s’entourer de trop de lumières.

Il faut donc, autant que possible, conserver les propriétés boisées en Belgique, et pour parvenir à ce but, il faut rendre les propriétés boisées assez productives, pour que les propriétaires trouvent leur intérêt à les conserver.

Je connais aujourd’hui dans la Campine des propriétés qu’on ne peut plus semer en sapins, parce que les frais sont trop considérables.

Toutes ces raisons me font désirer que le gouvernement retire la seconde proposition qu’il a faite. La question a une telle importance à mes yeux que, si M. le ministre de l’intérieur réussissait à faire passer sa seconde proposition, qui tend à réduire de moitié le droit qu’il avait proposé d’abord, je pourrais être force de voter contre la loi, malgré tout le désir que j’ai de voir terminer la question que nous discutons.

Je désire que les droits à établir sur les bois soient assez modérés, pour qu’on puisse les percevoir sans aucune restitution. Eh bien, le projet primitif du gouvernement me donne, sous ce rapport, tout apaisement. Ce point est modéré, le gouvernement le percevrait, et il n’y aurait pas de restitution pour les bois employés aux constructions.

Il me resté une dernière observation à faire ; elle concerne la manière de définir le bois en grume. M. le ministre de l’intérieur dit qu’on entend par bois en grume les bois qui sont équarris sur les deux côtés. Je crois que l’industrie pourra abuser de cette disposition. Il me semble que le bois en grume devrait être défini de cette manière : bois qui n’est pas équarri soit à la hache soit d’une autre manière.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La différence entre les deux propositions du gouvernement tient à la distinction entre le sapin et le chêne, distinction nouvelle qui nous est présentée et qui se trouve dans d’autres tarifs. Si on ne fait pas cette distinction, on est forcément ramené à la proposition primitive du gouvernement, Je désire donc qu’on démontre que cette distinction ne doit pas être faite ; c’est à cela qu’il faut s’attacher : faut-il ou non distinguer entre le sapin et les autres bois, c’est-à-dire entre le sapin et le chêne ?

M. de Garcia. - Messieurs, je me proposais de prendre la parole en faveur d’une protection modérée à accorder aux propriétés boisées de la Belgique. Après les observations que viennent de développer les honorables MM. d’Hoffschmidt et Mast de Vries, observations que je considère comme essentiellement justes et auxquelles je me rallie à tout égard, il me serait très difficile de présenter de nouvelles raisons. Cependant je dirai quelques mots.

Messieurs, nous sommes en présence de cinq propositions (y comprise celle qui a été déposée au commencement de cette séance, par l’honorable M. d’Hoffschmidt), en ce qui concerne le droit différentiel à établir sur le bois étranger.

Ainsi qu’on l’a constaté dans une séance précédente, il est évident que le droit différentiel dont est grevée cette matière, a aussi pour objet une protection pour la propriété boisée. Je dirai avec, l’honorable M. Mast de Vries qu’en présence de ce fait connu, j’ai été fort étonné de voir le gouvernement abandonner sa proposition primitive, pour descendre à une proposition qui réduit précisément de moitié le droit protecteur. Je me suis difficilement expliqué cette circonstance ; je me suis demandé si le gouvernement avait été menacé d’une députation monstre ; je veux croire qu’il n’en est pas ainsi ; mais, messieurs, il s’agit ici d’une matière qui avait été travaillée et étudiée d’avance, et dès lors la nouvelle proposition du gouvernement doit nous étonner.

Je dirai, avec l’honorable M. Mast de Vries, qu’après avoir entendu deux honorables députés, appartenant aux deux ports belges où se fait tout le commerce des bois étrangers, on peut se demander si les intérêts d’Anvers et d’Ostende n’ont pas été présentés au gouvernement à un point de vue tel que le gouvernement a été égaré ou a redouté les démarches que pourraient faire ces deux cités. Je veux croire que c’est la première supposition qui a dicté la conduite du ministère dans cette circonstance ; je n’ai pas l’habitude d’attaquer le gouvernement, en prêtant à ses actes des intentions peu dignes ; je ne changerai pas de conduite dans cette circonstance et je ne veux examiner et attaquer que ses actes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La question est simplement de savoir s’il faut faire une distinction entre les bois de sapin et les autres bois.

M. de Garcia. - La question ne se réduit pas à cela seulement ; et pour répondre de suite à M. le ministre, je dirai que, selon moi, il ne faut pas distinguer entre le chêne et le sapin, lorsqu’il s’agit de constructions navales. Alors il faut que le sapin, comme le chêne étranger, soit mis sur la même ligne. Les motifs de ma manière de voir, à cet égard, sont bien simples : je veux favoriser la navigation nationale, et je ne veux pas détruire d’une main ce que je veux édifier de l’autre. Une distinction dans l’hypothèse que je suppose, conduirait à ce résultat. Après les considérations qui ont été présentées par l’honorable M. Cogels, il est incontestable que, pour les constructions navales, le sapin est aussi nécessaire que le chêne.

Je rencontrerai maintenant quelques observations qui ont été faites dans notre dernière séance par les honorables MM. Cogels et Donny. Ces honorables membres ont demandé d’abord si c’était dans l’intérêt de la propriété boisée qu’on voulait un impôt protecteur ; je n’ai pas hésité à répondre : Oui.

« Vous demandez trop peu » ont ajouté ces honorables membres, ou au moins l’un d’eux. En vérité, messieurs, je ne sais ce qu’on doit admirer davantage dans cette objection : est-ce l’intérêt qu’on semble vouloir porter à la propriété boisée ? Est-ce la force de l’argumentation pour rejeter toute protection ? Quant à moi je n’admire l’objection sous aucun de ces rapports ; si mes honorables adversaires prennent si vivement à cœur l’intérêt des forêts du pays, je leur laisse le soin de présenter tel amendement qu’ils jugeront convenir pour les protéger plus efficacement que tous ceux qui nous sont soumis.

Pour moi, messieurs, je me contente d’une protection modérée. Je suis aussi partisan de la liberté commerciale ; mais je ne veux pas être dupe : je voudrais voir toutes les nations se poser dans ce système, j’y prêterais les mains avec acclamation. A ce point de vue, le gouvernement et la nation belge ont fait trop d avances infructueuses pour qu’ils persistent à les continuer.

« Est-ce dans l’intérêt de la propriété boisée, nous dit l’honorable M. Cogels, que vous demandez l’élévation du droit sur les bois étrangers ? C’est inutile, car votre propriété boisée disparaîtra de votre sol, quoi que vous fassiez ; la population augmente ; au lieu de bois, au lieu de chênes, vous aurez des hommes, vous aurez des populations. » Ce raisonnement est très faux. Je reconnais la spécialité de M. Cogels pour toutes les questions commerciales, mais il n’en est pas de même des questions relatives à la richesse nationale, agricoles et forestières. Si l’honorable membre connaissait comme moi les provinces de Namur et du Luxembourg, il saurait que le défrichement de nos forêts doit aboutir à faire des steppes de nos montagnes. (Interruption.)

Vous avez dit : Les forêts disparaîtront de votre sol, vous les protégez inutilement parce que la valeur des terres agricoles l’emporte sur celle des forêts. Cela est vrai dans l’état actuel des choses ; mais il y a beaucoup de terrains boisés qui ne peuvent être défrichés qu’au détriment de l’intérêt général. Comment concevoir une culture utile, un défrichement avantageux de terrains déclives, et fort en pente où terres et engrais sont incessamment enlevés par les eaux ? Les terres de ces petites rapides qu’on déboise sont enlevées dans les vallées avec les eaux qui y descendent en masse et causent des inondations. Le défrichement considérable qui s’est opéré dans le pays est peut-être la vraie cause des inondations, et de l’ensablement des voies navigables, dont on se plaint si souvent.

On accuse à tout instant le département des travaux publics de ne pas apporter assez de soin dans la surveillance des fleuves et des canaux ; jamais ce service n’a été l’objet de plus de soins et de plus de travail que de nos jours. Mais la superficie de notre sol n’a jamais été dans l’état où elle se trouve par suite des défrichements. C’est à cette cause, je pense, qu’on doit attribuer les accidents et les inconvénients qui excitent incessamment les plaintes du pays.

Il faut donc, dans un intérêt bien entendu, protéger la propriété boisée.

Il ne faut pas, par des mesures absolues, par des vexations, empêcher le défrichement. Il faut arriver à ce résultat par des principes et avec des idées sagement combinées. J’ai provoqué souvent la vente des forêts nationales. On a dit : Cette vente entraînera le défrichement. Non, messieurs, elle ne l’entraînera pas si vous maintenez le produit du bois en corrélation avec les autres produits du sol. Il faut conserver les forêts non par la prohibition du défrichement, ni par la détention dans les mains du gouvernement d’une nature de propriété qui n’aurait qu’a gagner, livrée à l’intérêt particulier ; mais par une protection sage accordée à ce produit du sol. De cette manière, vous pourrez atteindre le but que vous vous proposez sans devoir conserver toutes vos forêts nationales, forêts qui seront au surplus sans valeur réelle dans les mains de l’Etat comme dans celles des particuliers, si vous n’établissez une protection en faveur de cette partie du sol national.

Il résulte de ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire, qu’il faut protéger les produits des propriétés boisées, comme les autres produits de la Belgique, soit du sol soit de l’industrie.

L’honorable M. Cogels s’est demandé aussi quel avantage on se proposait de retirer de la protection qu’on réclame au point de vue financier. Répondant lui-même à sa question, il n’hésite pas à répondre qu’on n’en retirera aucune. Il tranche la question, mais il ne la résout pas ; et il sera facile de démontrer qu’il se trompe. A part la considération que la mesure demandée doit évidemment augmenter une partie de la richesse nationale, peut-on méconnaître qu’elle doit avoir une grande influence sur les revenus du trésor ? Vous devez faire une révision du cadastre dans un temps plus ou moins rapproché ; la loi vous en fait un devoir. Si vous vouliez faire cette révision et être justes, dans l’état actuel des choses, vous devriez réduire l’impôt foncier sur les bois de moitié. Quiconque connaît le produit actuel des forêts, ne peut contester ce fait. Ce fait étant constant, les conséquences ne peuvent être mises en doute, et la dernière de ces conséquences serait une perte pour le trésor public. L’honorable M. d’Hoffschmidt a évalué cette surcharge à 15 p.c. ; en prenant la proportion la plus basse, je pense que l’honorable membre est resté beaucoup au-dessous de la réalité. Si donc vous ne protégiez pas les produits des propriétés boisées, en révisant le cadastre, vous devriez dégrever ces propriétés et dès lors diminuer le revenu de l’Etat. Ce serait tout autre chose si tous les terrains pouvaient être utilement défrichés, car j’admets que les terres arables sont plus lucratives que les propriétés boisées. Mais il n’en est pas ainsi. Dans l’intérêt général, dans l’intérêt du trésor, il faut donc protéger efficacement les forêts du pays, prévenir par des mesures sages le défrichement irréfléchi, sons peine de voir convertir en steppes stériles le sol des pentes et des montagnes que recouvrent nos forêts.

J’ai une autre réponse à faire l’honorable M. Cogels qui vous a dit que l’Angleterre entrait dans un système contraire à celui que nous voulons établir. Il vous a dit que l’Angleterre avait réduit de moitié son droit différentiel sur les bois. Je n’ai pas l’avantage de connaître l’anglais et de pouvoir compulser les lois anglaises. Dans cet état, je dois me borner à adresser quelques demandes à l’honorable membre, me réservant de lui répondre ultérieurement. Je lui demanderai si la réduction tombe sur les bois du Nord comme sur ceux de l’Amérique. Je lui demanderai quel est le droit qu’on paye en Angleterre pour introduire les bois étrangers par pavillon national ou étranger. Je mets d’autant plus d’importance à la réponse de ces questions, que l’Angleterre peut avoir intérêt a faire une différence entre le bois d’Amérique et les bois du Nord, parce que la partie de l’Amérique où l’Angleterre prend ses bois est une colonie anglaise, est un marché exclusif pour elle, tandis que le Nord ne l’est pas. Au surplus, je ne sais pas jusqu’à quel point la marine nationale belge ne pourrait pas faire le commerce du bois avec l’Amérique, au moyen des droits différentiels. Vous êtes plus compétent que moi dans cette matière, c’est une question que je vous adresse. Mais comme nous voulons aller, à tout prix, sur le marché américain, pour y placer nos produits, ne pourrait-ce pas être un moyen ? Je le répète, je veux m’éclairer de vos connaissances ; je demande s’il n’y a aucune espèce d’espérance pour notre marine nationale d’aller chercher du bois en Amérique au lieu de recevoir des bois du Nord où nous ne portons rien, ou presque rien.

Il est un autre point de vue, sous lequel je dois envisager la question actuelle. Le but des droits différentiels est incontestablement de protéger nos produits industriels et les produits de notre sol.

On sait que la métallurgie est une des parties de notre industrie qui est le plus en souffrance ; on sait que la métallurgie fournit maintenant en fer un grand nombre d’objets qu’on faisait autrefois en bois. Je suis convaincu que bientôt le fer remplacera le bois dans la plupart des constructions civiles. Voulez-vous favoriser cette industrie ? Mais il ne faut pas laisser entrer avec un droit insignifiant le bois étranger employé à ces constructions.

Le fer est appelé à remplacer le bois dans mille circonstances, et son emploi doit se généraliser de plus en plus dans tout le pays. Or, si comme on l’a souvent proclamé, on veut protéger, on veut relever l’industrie métallurgique, il ne faut pas continuer à laisser entrer le bois étranger avec un droit insignifiant. Une conduite semblable ne serait nullement rationnelle. Il faut voir les choses et les principes de haut, il faut les voir sous tous les rapports, et surtout les coordonner à toutes fins.

D’après ces considérations et celles développées par l’honorable M. d’Hoffschmidt et Mast de Vries, j’adopterai le projet primitif du gouvernement, si toutefois il ne m’est démontré ultérieurement qu’on peut faire mieux. Dans tous les cas, je consentirai à l’assimilation du sapin au chêne employé aux constructions maritimes.

M. Verhaegen. - J’avais demandé la parole dans la dernière séance pour faire quelques observations sur la proposition en elle-même et je me bornerai à ces observations.

Ainsi qu’on l’a dit précédemment, c’est par exception que nous introduisons dans le projet de loi sur les droits différentiels une disposition concernant le tarif de douanes. Vous voulez protéger la propriété forestière ; vous voulez frapper de certains droits les bois étrangers. Eh bien, je ne m’opposerai pas à l’adoption de ce principe, si le droit n’est pas exagéré, car je veux protéger les produits du sol comme les produits de l’industrie du pays contre les produits du sol et de l’industrie de l’étranger. Mais le moment est venu, je pense, de nous occuper aussi d’un autre point qui a fixé naguère l’attention de la chambre, toutefois sans résultat.

Tout en voulant protéger la propriété forestière du pays contre l’introduction des bois étrangers, je ne voudrais pas continuer à protéger la propriété forestière à l’intérieur, au détriment de la masse des contribuables. Je m’explique : Lors de la discussion du budget des voies et moyens, j’ai appelé votre attention sur certaine loi par laquelle il a été déroge à la loi de frimaire an VII.

Les ventes des arbres sur pied étaient frappées par la loi de l’an VII d’un droit d’enregistrement de 2 1/2 p. c. Par une loi dont je ne me rappelle pas en ce moment la date, ce droit a été réduit à 1/2 p. c.

Nous avons fait des tentatives pour en revenir à la loi de l’an VII. La chambre avait même adopté un projet en ce sens ; mais ce projet (on en comprendra le motif) n’a pas été adopté par le sénat. Aujourd’hui, on demande une protection nouvelle pour la propriété forestière, C’est, en restant dans la position où nous sommes, ajouter un privilège à un privilège. Pourquoi donc ne saisirions nous pas cette occasion pour abroger une loi qui, d’après moi, est une injustice ? car avantager le riche propriétaire sous le rapport de l’impôt, c’est en définitive en faire retomber tout le poids sur le malheureux. C’est dans ce sens que, dans la discussion du budget des voies et moyens, j’ai eu l’honneur de présenter quelques observations critiques.

S’agit-il seulement de protéger les bois indigènes contre les bois étrangers ? Je le veux bien. Mais il n’est pas juste de maintenir une faveur extraordinaire au profit des propriétaires de bois, alors que nous frappons constamment des objets de première nécessité. Si l’on vient aujourd’hui nous demander pour la propriété foncière une faveur, pourquoi ne dirions-nous pas à ceux qui la demandent : « Nous sommes prêts à vous accorder cette faveur, mais c’est à la condition que nous reviendrons à la loi de frimaire an VII, ce qu’on aurait dû faire depuis longtemps.»

Dira-t-on que ce n’est pas le moment de nous occuper de dispositions de ce genre, puisqu’il ne s’agit maintenant que d’un projet de tarif de droits différentiels ? Mais alors il ne devrait pas être non plus question d’un article douanes. Vous faites une exception pour protéger la propriété foncière ; soit ; mais alors complétez votre œuvre ; soumettez la vente des arbres sur pied au même droit que toute espèce de ventes. Sinon on acceptera la faveur que vous faites à la propriété forestière, et la loi qui tendrait à faire revivre la loi de frimaire an VII, serait rejetée, comme déjà elle l’a été.

Pour moi, je le déclare en terminant, c’est à cette condition seule que je consentirai à admettre la protection demandée en faveur de la propriété forestière.

M. Desmet. - On s’éloigne bien, me paraît-il, de la question différentielle, telle qu’on a voulu nous la faire discuter ; nous examinons la question des bois sous le rapport de la tarification proprement dite. Mais j’ai toujours dit qu’il n’y avait pas moyen de faire un examen profond de la portée des droits différentiels sans en même temps embrasser toutes les questions de douane.

Quoique cependant on ne discute la question de l’entrée des bois étrangers que sous un seul point de vue, sous celui du tarif, il me semble qu’on pourrait très utilement la voir aussi sous le rapport du droit différentiel, sous le rapport commercial.

La proposition du gouvernement ne fait rien pour entraver le commerce. En effet, pour l’introduction des bois étrangers par mer et par pavillon étranger, le droit est tel que la proposition suppose que tout le bois ne sera pas introduit par pavillon national.

Ainsi, tout ce qui arrive à Ostende vient certainement par mer. A présent, je suppose que vous alliez chercher des bois à Dunkerque, à Rotterdam, en Angleterre, le pavillon national jouira de toute la faveur du faible droit. Je dis donc que la proposition du gouvernement et celle de M. Donny ne font rien à l’avantage du commerce national, à l’avantage des exportations des produits indigènes.

Cependant on pourrait faire quelque chose ; ce serait mettre la condition des arrivages directs, s’il y avait moyen d’exporter des produits nationaux vers la Norwége et la Suède. La condition d’exportation que nous avons demandée serait donc très utile. Si vous établissiez cette condition, les Suédois et les Norwégiens viendraient sur votre marché avec leurs bois, même s’il leur fallait exporter leurs produits. Il est constaté que la Suède et la Norwége nous importent pour quatre millions de bois, et que nous n’y exportons que pour un million et quelque cent mille francs. Quand on voit les articles que la Suède et la Norwége vont chercher en France et en Angleterre, on a la conviction que ces articles pourraient être pris chez nous, que la condition de l’exportation aurait ce résultat.

Voyez la liste des produits belges exportés en Suède et en Norwége, vous n’y trouverez ni tissus, ni bonneteries. Ce sont presque toutes matières premières ou produits naturels. Le sucre raffiné dont l’exportation s’élève à plus d’un demi-million et les cuirs tannés sont les principaux articles. Les autres articles sont insignifiants ; on n’exporte que pour 20,000 fr. de cristaux et de verres à vitres.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On exporte en Suède et en Norwége pour cent mille francs de tissus.

M. Desmet. - C’est peu de chose. Il est toujours vrai de dire qu’il n’y a dans nos exportations dans ces pays que deux articles importants : le cuir tanné et le sucre raffiné dont les exportations s’élèvent ensemble à 1 million.

Je dis que la condition d’exportation serait fort utile, quant au commerce de bois. Si elle était admise, il y aurait plus d’avantages pour nous à aller chercher des bois en France ou en Angleterre, qu’à recevoir les arrivages de la Norwége. Comment se font ces arrivages ? Ce sont les propriétaires eux-mêmes, ceux dont les propriétés sont à peine imposées, qui viennent faire concurrence aux propriétaires belges, lesquels payent de fortes contributions. Ces propriétaires n’ayant aucun intérêt à importer des produits manufacturés, il en résulte qu’aucun produit manufacturé ne sort du pays par cette voie. Qu’est-ce que le commerce gagne à cela ? Comment se fait la vente à Ostende ? Par commission. Les négociants d’Ostende ne sont là que commissionnaires ; il est vrai que l’on débite ces bois en détail, mais c’est en douzième main, et le commerce proprement dit n’y gagne rien ; il n’y a que la commission d’un petit tantième qui soit le seul profit.

La grande objection est que ce sont des matières premières. Cela est vrai sous certains rapports. Mais on n’a vraiment pas autant besoin qu’on le croit des bois de sapins du nord. Si vous n’employiez que la première qualité, je comprendrais qu’ils pussent vous être utiles. Mais on ne nous importe guère que des sapins de deuxième et de troisième qualité. La Campine produit des bois aussi bons. Si l’on continue de cultiver le mélèze comme aux environs de Bruges et dans d’autres localités, il est certain que nous aurons des sapins aussi bons que les bois du Nord.

Et, messieurs, quand de la manière dont l’importation des bois se fait aujourd’hui, que nos exportations n’y gagnent que peu, n’y a-t-il pas un grand motif pour protéger nos plantations et tâcher de nous mettre à même de nous passer du Nord pour le bois ? Ne pourrait-on pas, comme l’a dit M. de Garcia, remplacer les bois par le fer ? Je n’en doute aucunement, puisque déjà on le fait.

A l’avantage de qui est cette introduction de bois de qualité inférieure ? Est-ce à l’avantage de celui qui fait les bâtisses ? Non ; c’est au profit de la spéculation ; car, en employant des bois médiocres du Nord, on ne fait pas de bonnes constructions. Il y aurait avantage à remplacer le sapin par du bois de chêne, comme le fait le constructeur prudent, car il y a toujours danger d’employer les bois de sapin dans la bâtisse.

Messieurs, en ce qui concerne le bois de chêne dont vous avez besoin pour les constructions navales, certainement il n’y a pas de pays qui en produise de meilleur que la Belgique. Il n’y a qu’une exception, c’est pour les chênes courbes qui nous viennent du Rhin. C’est là, à la vérité, une matière que nous devons laisser entrer comme matière première. Mais pour les autres bois, surtout les planches dont nous avons besoin pour la construction des navires, certainement les produits de la Belgique sont meilleurs que ceux du Rhin, en ce qu’ils sont moins gras.

Comment, messieurs, nous arrivent les bois de chêne ? Ce n’est pas par arrivages directs, c’est la Hollande qui introduit chez nous les bois du Rhin ; aussi pour l’importation des bois de chêne qui nous arrivent du Haut-Rhin et par l’intermédiaire de la Hollande ou par cabotage et les eaux intérieures, le commerce n’en retire aucun avantage.

M. le ministre de l’intérieur nous a posé deux questions : celle de savoir s’il faut établir les droits à la valeur, et en second lieu, s’il faut faire une distinction entre le chêne et le sapin.

Messieurs, tout droit est établi sur la valeur ; mais il faut voir comment on doit le formuler.

Je crois que le droit sur le bois doit être établi à la dimension ou au poids. Il y a surtout une raison péremptoire pour moi ; ce sont surtout les mauvais bois qui font concurrence aux nôtres ; c’est donc ceux que nous devons principalement atteindre ; et vous y arriverez en établissant les droits à la quantité ou au poids.

Cependant, messieurs, tout en établissant des droits au tonneau, il faut examiner comment on doit le faire. On prend pour mesure le tonneau. Je crois que c’est un tort, et qu’on ferait beaucoup mieux d’établir le droit au volume.

M. Donny. - C’est ce qu’on fait.

M. Desmet. - Que fait-on aujourd’hui ? On s’assure de la capacité du navire, du nombre de tonneaux qu’il jauge, et on calcule l’importation d’après le cubage du navire. Je crois qu’en France on a eu recours à un mode plus efficace, c’est d’établir le droit au mètre cube. Le calcul de ce droit au poids n’offre aucune certitude, parce que les bois offrent beaucoup de variétés. C’est quelque chose d’incompréhensible que de vouloir établir le droit sur les bois au poids ou au tonneau ; je sais bien que dans l’usage on prend les dimensions, on prend la capacité ou le volume pour évaluer les tonneaux mais il reste toujours vrai que, quand vous parlez d’un tonneau, que vous envisagez une mesure au poids. C’est, comme ce que vous dites, que le tonneau de mer pèse 1,500 kil. ; il faut donc reconnaître que l’on ferait quelque chose de plus rationnel que d’employer le mètre cube ou le last.

D’ailleurs, on n’est pas bien d’accord sur la valeur du tonneau. On a demandé, à la dernière séance, à M. le ministre de l’intérieur, combien de kilogrammes pesait le tonneau. Il a répondu mille kilogrammes, tandis que le tonneau de mer est de 1,500 kil., un last et demi. Il faut donc savoir si c’est du tonneau de mer ou du tonneau ordinaire que l’on entend parler.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est du tonneau de mer.

M. Donny. - Et le tonneau de mer vaut un stère et demi. C’est une mesure de capacité.

M. Desmet. - La question est de savoir si vous vous contenterez du cubage du navire, ou si vous aurez recours au cubage hors du navire. Je crois, quant à moi, qu’il est plus rationnel de cuber le bois lorsqu’il est sorti du navire.

Quant à la seconde question qu’a soulevée M. le ministre, je répondrai que je ne pense pas qu’il y ait grande distinction à faire entre le bois de sapin et le bois de chêne.

Encore une fois, ce qu’il faut chercher à atteindre, c’est la valeur. Si le bois de chêne avait une valeur plus grande que le sapin, il faudrait établir une tarification différente ; mais le prix du bon sapin est aussi élevé que celui du chêne ; et dès lors il n’y a pas lieu d’établir une différence. C’est ce qu’on a senti en France, où les deux espèces de bois sont frappées des mêmes droits.

Messieurs, je dirai encore un mot du libellé. Je trouve le libellé des quatre propositions qu’on nous a présentées inexact. Pour pouvoir établir un bon libellé, il faut se rendre compte des catégories de bois qui entrent dans le pays.

Nous recevons trois catégories de bois. D’abord les bois que, par une expression inexacte, on appelle en grumes. On entend par là non seulement le bois non scié, mais qui a été équarri à la hache ; il est rare et très rare que des bois non équarris soient importés ; on le fait pour diminuer le volume du transport.

Il y a ensuite les madriers de l’épaisseur de 6 centimètres et plus. Les scieries à la mécanique aiment à avoir de grosses poutres. Il n’en est pas de même des scieries à bras qui emploient les madriers de moins de six centimètres. Ces derniers forment la troisième catégorie.

M. le ministre de l’intérieur dans sa proposition, parle des bois de cinq centimètres. Je crois que le chiffre de 6 centimètres est plus exact, et que les madriers que nous recevons sont en général de 6 centimètres. Je crois donc qu’on pourra formuler ainsi le libellé de la tarification.

Bois à construire de pin et de sapin brut ou simplement équarri à la hache.

Bois à construire sciés de plus de 6 centimètres d’épaisseur.

Idem sciés de moins de 6 centimètres d’épaisseur.

Idem de chênes courbes propres à la construction de navires.

Id. en grume ou sciés, mais de plus de 6 centimètres d’épaisseur,

Id. sciés et de moins de 6 centimètres d’épaisseur.

Messieurs je crois aussi que nous devons accorder une protection assez forte aux bois indigènes. Je ne parle pas ici en faveur des propriétaires seuls, mais aussi en faveur de la marine. Si un jour vient que la Belgique puisse avoir une marine et faire des constructions, elle ne doit pas compter sur le bois étranger, parce que les autres nations, qui se livrent aussi aux constructions, le conserveront pour elles. Il faut donc tâcher d’avoir des bois dans le pays, et, je le répète, la Belgique a à cet égard un grand avantage, car aucune nation du monde ne produit d’aussi bon bois de chêne qu’elle.

C’est donc en faveur de notre marine que nous devons conserver des bois. Et comment voulez-vous en conserver, si vous ne les protégez pas ? Comme on vous l’a dit, la concurrence se fait entre les propriétaires norwégiens et les propriétaires belges ; or ceux-ci paient de fortes contributions sur leurs bois, tandis que les propriétaires norwégiens ne paient presque rien.

Il faut donc protéger vos forêts et surtout la culture du chêne. Car il y a maintenant un grand vice dans les plantations : c’est qu’au lieu de planter des bois de chêne, on plante des bois tendres qui ne peuvent servir aux constructions ; il faut que nous fassions tout ce qui est possible pour que le propriétaire augmente la plantation de bois de chêne, et aussi que dans les terrains sablonneux, dans les terres à sapin, ou cultive la bonne espèce de sapin, le larix ou mélèze.

Messieurs, je devrais encore dire quelques mots en faveur du travail du sciage, mais il me semble que cette question est généralement bien comprise ; tout le monde est d’accord qu’il faut protéger ce travail et que les bois sciés doivent être imposés plus fortement que les bois bruts ; tout ce que je dois faire remarquer à ce sujet, c’est que les arrivages des bois sciés augmentent tous les ans.

M. Osy (pour une motion d’ordre). - L’honorable M. Cogels vous a dit les raisons pour lesquelles la commission d’enquête ne s’était pas occupée de l’art. bois dans son rapport. Effectivement, messieurs, voyez la statistique, tout le commerce des bois se fait par navires étrangers ; et comme pour les céréales, qui forment aussi un article très important qui ne nous arrive que par navires étrangers, on ne nous présente aucune disposition dans le projet en discussion ; je viens vous proposer d’en distraire l’art. bois et de prier M. le ministre de l’intérieur de nous présenter plus tard, comme pour les céréales, un projet de loi séparé.

Je demande que cette proposition soit mise aux voix ; si elle était rejetée, je reprendrais la parole pour dire quelques mots sur le projet en discussion.

M. d’Hoffschmidt. - J’ai demandé la parole pour faire observer à la chambre que la même proposition que celle que vient de présenter l’honorable M. Osy, a été discutée dans la dernière séance.

L’honorable M. Rogier avait aussi proposé de distraire l’article Bois du projet de loi sur les droits différentiels. Il s’est élevé un débat sur cette proposition, et M. le ministre de l’intérieur lui-même est venu demander la continuation de la discussion. L’honorable M. Rogier a retiré alors sa proposition.

Il me semble qu’il serait inutile de revenir aujourd’hui sur cette motion. Je crois que, quand la chambre a discuté pendant deux jours une question de ce genre, il serait étrange qu’on vînt l’ajourner. C’est au commencement d’une discussion qu’on doit faire des propositions semblables, et non lorsque la question a déjà été instruite, que des amendements ont été formulés et développés, et lorsque la discussion a duré pendant plusieurs séances.

Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à ce que l’art. Bois figure dans le projet de droits différentiels. il n’est pas constaté jusqu’à la dernière évidence que, par suite de la différence qui existera entre les droits pour les importations par pavillon national et les droits pour les importations par pavillon étranger, il ne résultera pas un avantage pour notre commerce maritime, et que les importations en bois par navires belges, n’augmenteront pas.

Je crois donc qu’il n’y a pas de motifs pour adopter l’ajournement qui vous est proposé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ajouterai à ce que vient de dire l’honorable préopinant que j’ai établi à la dernière séance qu’il y avait un rapport entre cet article, les droits différentiels et le système maritime en général.

Il y a en ce moment un régime différentiel pour l’entrée des bois en Belgique et même un régime différentiel très bizarre, car les provenances du Rhin, c’est-à-dire les chênes courbes, qui nous sont nécessaires pour les constructions navales, sont plus imposés que les autres provenances.

Je rappelle cette observation que j’ai faite à la chambre ; je la rappelle surtout parce qu’on s’obstine, et dans la chambre et au-dehors, à soutenir que nous voulons nuire aux constructions navales ; c’est le tarif actuel qui, en frappant les chênes courbes du Rhin, nuit aux constructions navales.

M. Huveners. - Je voulais faire observer, comme l’honorable M. d’Hoffschmidt, que la question de disjonction avait déjà été débattue dans la dernière séance.

M. Rogier. - Messieurs, dans une dernière séance, j’ai fait à l’article Bois quelques observations plutôt qu’une proposition formelle. J’ai fait remarquer que l’article Bois ne concernait nullement la question des droits différentiels, que le pavillon national n’y était pour rien, ne pouvait y être pour rien, à moins que l’on n’adoptât une protection tout fait exagérée, et encore, si l’on adoptait une protection exagérée, cette protection viendrait bientôt à cesser par la nécessité où serait le gouvernement d’assimiler le pavillon étranger au pavillon national. D’après les principes mêmes de la loi, les bois venant du pays de production, sons le pavillon du pays de production, doivent être admis dans nos ports aux mêmes conditions que ceux qui sont importés sous pavillon national. Dès lors la grande inégalité entre les deux pavillons viendrait à cesser, et le pavillon du Nord continuerait à battre le pavillon belge comme il bat le pavillon anglais et le pavillon français. Ainsi, messieurs, il est de toute évidence que les droits différentiels sont tout à fait étrangers à la question des bois.

J’ai dit, messieurs, qu’il y avait des inconvénients à introduire en quelque sorte une loi dans une loi, et voilà ce que nous faisons ; nous introduisons une loi particulière dans une loi générale. J’ai dit que dans l’intérêt même de la discussion, si nous voulons arriver à un résultat, il faudrait séparer la question des bois de la question des droits différentiels. En effet, la discussion de la question des bois ne fait que commencer, elle peut prendre une très grande extension ; si on la proportionne à son importance, à certains égards, elle a une portée presque aussi grande que celle des céréales. Prenez-y garde, si nous en venons à discuter à fond cette question, nous serons entraînés dans de très longs débats ; la question n’est pas aussi simple qu’on le pense ; rappelez-vous la loi des céréales qui vous a demandé trois semaines.

J’ai déclaré, messieurs, dans une séance précédente, que j’étais partisan d’un droit modéré en faveur du bois national ; cette déclaration, je la réitère, mais ce n’est pas à dire que je m’associerai aux propositions vraiment exagérées qui nous sont faites de divers côtés. Déjà la proposition du gouvernement est exagérée ; pour quelques espèces de bois elle décuple le droit existant. Eh bien, cette exagération du projet du gouvernement ne suffit pas encore. Il est curieux de suivre la progression des droits sur les bois et des prétentions des partisans de droits restrictifs. Sous le tarif de 1822, le tonneau de bois non scié payait 50 c., les planches, solives, poutres étaient frappées d’un droit de 6 p. c. Arrive la loi du 30 avril 1840, le droit de 50 p. c. par tonneau de bois non scié est porté à 60 c....

M. le président. - Vous entrez dans le fond de la question.

M. Rogier. - Je voudrais démontrer le plus brièvement possible comment la discussion pourra traîner en longueur, comment la discussion ne va pas aboutir aussi promptement qu’on le pense à un résultat ; je voudrais démontrer que l’exagération même des propositions qui nous sont faites, entraînera nécessairement une grande discussion, car il me semble que les auteurs de ces propositions y tiennent fortement ; un honorable membre vient même de déclarer que si la proposition à laquelle il tient n’est pas adoptée, il votera le rejet de la loi.

Voilà, messieurs, un des inconvénients qu’il y a à lier une loi spéciale à laquelle on attache de l’importance, à une loi générale à laquelle on attache aussi de l’importance. (Interruption.) L’honorable M. Mast de Vries a déclaré, je pense, qu’il serait amené à voter contre toute la loi, si la loi spéciale relative aux bois n’était pas adoptée.

M. Mast de Vries. - Si le chiffre primitif du gouvernement n’était pas adopté.

M. Rogier. - Il peut arriver aussi que des partisans d’un droit modéré repoussent la loi, si l’on y introduit des dispositions qui favorisent le bois indigène d’une manière tout à fait exagérée. De manière que la loi principale pourrait se trouver rejetée à cause d’une loi accessoire.

Voilà, messieurs, les raisons qui me portent à appuyer la proposition de l’honorable M. Osy. Je le répète, mes observations ne prennent pas du tout leur origine dans un sentiment hostile à l’industrie forestière ; je pense avoir donné dans cette enceinte assez de preuves de l’intérêt que je porte à cette industrie. Je rappellerai seulement, en passant, à la chambre, la discussion relative à la forêt de Soignes. Mais dans l’intérêt même de la loi sur les droits différentiels, nous devons en écarter des dispositions qui peuvent être un grand obstacle à son adoption. Or la disposition relative aux bois est de nature à compromettre toute la loi.

M. Cogels. - Je viens également appuyer la proposition de l’honorable M. Osy. J’ai déjà fait remarquer que la commission d’enquête n’a pas cru devoir comprendre dans son projet un droit sur les bois de construction du Nord, parce que, effectivement, les droits différentiels sont là complètement en dehors de la question. Les bois du Nord ne viennent que par navires du Nord et n’arriveront qu’à de rares exceptions par navires belges, parce que les navires que nous possédons ne sont pas propres au transport de ces bois, et que certainement nous n’irons pas en construire exclusivement pour une navigation qui se fait à un fret très modéré.

M. le ministre de l’intérieur, pour justifier l’introduction de l’article Bois dans le projet, a cité un droit différentiel qui existe, mais qui ne s’applique qu’aux provenances. Ce n’est pas là un véritable droit différentiel sous le rapport de la navigation. C’est un droit différentiel protecteur d’un article que l’on veut dégrever maintenant. Pourquoi ? Parce que effectivement le bois qui venait par le Rhin était un bois similaire à ceux que nous produisions nous-mêmes ; c’était principalement du bois de chêne, c’étaient des courbes dont on trouvait autrefois à se fournir dans nos forêts, mais qui n’y existent presque plus. Quant aux droits différentiels proprement dits, quant au système maritime, quant à la protection à accorder à notre commerce naval, certainement l’article dont nous nous occupons maintenant y est complètement étranger.

J’en appelle seulement à ce qui vient de se passer pendant une séance et demie que nous discutons cet article. A-t-il été question de la protection à accorder à notre pavillon, a-t-il été question de provenances ? Non, messieurs ; d’une part, il a été question de la protection à accorder, non pas au pavillon, mais aux propriétés boisées et aux sapinières ; d’autre part, il a été question des intérêts du trésor ; mais la question maritime n’a pas été tranchée ; il n’en a pas été dit un seul mot. Voilà, messieurs, le motif pour lequel j’appuierai la proposition de l’honorable M. Osy, non pas que je veuille ajourner indéfiniment la question, au contraire, je voudrais la voir discuter à fond, et c’est pour cela que j’aimerais mieux la voir discuter spécialement, isolément.

Ce n’est pas du tout que je redoute les conséquences de la discussion actuelle pour ce qui concerne les bois du nord ; je ne les redoute pas du tout, car si l’on parvenait à obtenir les droits exagérés que l’on demande, on n’aurait peut-être ni ces droits ni les droits différentiels ; on n’aurait pas la loi. Les deux questions seraient au moins fortement compromises, elles seraient compromises l’une par l’autre, et c’est précisément pour cela que je voudrais les isoler.

M. de Garcia. - Messieurs, dans une séance précédente l’honorable M. Rogier a fait une motion d’ordre, mais il n’a pas fait une proposition directe. La motion d’ordre de l’honorable M. Rogier n’a pas été perdue de vue, elle a donné lieu à réfléchir et je m’attendais à la proposition de l’honorable M. Osy, qui n’en est que la reproduction, Quant à moi, lorsqu’il s’est agi de la motion de l’honorable M. Rogier, j’ai fait remarquer que la question avait subi un degré d’instruction tel qu’elle pouvait être résolue dans le moment actuel.

On a prétendu, à la vérité, que la proposition relative aux bois n’avait nul trait aux droits différentiels proprement dits. Je dois convenir que cela n’a pas directement trait aux droits différentiels, mais, comme vient de le dire M. le ministre de l’intérieur, la question des bois se rattache aux constructions navales.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Et à tout le système maritime.

M. de Garcia. - C’est très vrai. Il était donc impossible que le gouvernement, s’il veut réellement créer une marine nationale, ne fît pas une proposition relativement aux bois.

L’honorable M. Osy a dit également que la commission d’enquête ne s’est pas occupée des bois parce qu’ils n’ont rien de commun avec les droits différentiels.

Je crois que la commission s’est trompée sous ce rapport. On a ajouté que, pour la même raison, la commission d’enquête ne s’est pas occupée des céréales. Eh bien, je ne sais pas si la commission a encore bien vu à cet égard : nous allons chercher les grains étrangers dans les échelles du Levant, dans la mer Noire ou dans le Nord, il est évident que nous portons beaucoup d’objets aux échelles du Levant, que notre industrie y trouve un débouché, et je pense que si la question était mûrement examinée, on trouverait qu’il faut insérer dans la loi actuelle un droit différentiel sur les céréales qui nous viennent de la mer Noire, et sur les grains qui nous viennent du Nord.

Je crois qu’on aurait dû le faire, et l’exemple qu’invoque l’honorable M. Osy, en faveur de sa proposition, au lieu de militer pour la distraction de ce qui concerne le bois, me semble, au contraire, démontrer la nécessité de nous occuper aussi d’un droit différentiel sur les grains. Dans ma manière de voir, la commission d’enquête aurait dû s’occuper de cet objet, et en ne le faisant pas, elle a laissé une lacune dans son travail.

L’intérêt de la marine nationale, l’intérêt de l’industrie générale du pays exigeaient, je pense, l’établissement d’un droit différentiel sur les céréales du Nord et de la mer Noire, afin d’engager la marine nationale à se rendre aux échelles du Levant, où nous avons déjà des relations commerciales d’une haute importance, relations qui ne peuvent être mises en parallèle avec celles que nous avons vers le Nord.

Je n’en dirai pas davantage à cet égard ; malgré les considérations que je viens de présenter, je ne ferai aucune proposition dans le moment actuel. Je ne veux pas embarrasser la discussion, mais quant à la proposition relative aux bois, comme elle vous est soumise, comme elle a subi une instruction, je voterai le rejet de la proposition de l’honorable M. Osy.

On a dit qu’il n’y aurait pas grand inconvénient à l’adoption de cette proposition. Je conçois que, dans l’intérêt de ceux qui veulent toutes les autres parties de la loi, il n’y ait pas d’inconvénient à distraire de la loi l’article relatif aux bois ; mais l’ajournement de cet article aurait des inconvénients graves, pour ceux qui veulent une protection en faveur des bois indigènes, car si cette protection est écartée pour le moment, Dieu sait quand il pourra de nouveau en être question, et comment elle sera accueillie par ceux qui la combattent des aujourd’hui.

M. de Haerne. - Messieurs, je voulais seulement faire une observation, c’est que si l’article Bois n’entre pas directement dans le système des droits différentiels, d’après le tarif qui vous est soumis et les divers amendements qui sont maintenant en discussion, rien n’empêche cependant que cet article ne rentre réellement dans le système des droits différentiels, par suite d’amendements qui pourraient être présentés.

L’honorable M. Desmet a parlé dans ce sens. Non seulement il a dit que le pavillon national pourrait être favorisé, mais il a fait voir encore qu’on pourrait établir un droit différentiel, quant aux provenances directes des bois du Nord et quant aux provenances des entrepôts d’Europe. Cela se rattache donc à la question des droits différentiels. Je m’oppose, en conséquence, à la motion de l’honorable M. Osy.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je dois faire remarquer que les céréales figurent dans le projet de loi qui est soumis à la chambre, voyez l’article Grains. Quelques céréales qu’on reçoit par mer sont comprises dans le système des droits différentiels.

Une voix. - Pas le froment et le seigle.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si un membre propose d’aller plus loin, on examinera. Mais si l’on croit abréger la discussion par des motions d’ordre, on se trompe singulièrement. Si la discussion avait continué, nous aurions déjà entendu plusieurs orateurs.

Je persiste à soutenir qu’il était impossible de ne pas rattacher la question de l’entrée des bois du Nord et des bois du Rhin au système des droits différentiels. Il y a en ce moment un système de droits différentiels de provenance ; ce système que j’ai signalé et qui est absurde, à notre avis, nous le supprimons. Loin de frapper les bois courbes du Rhin, qui sont des bois de construction navale, nous les favorisons. Je dirai même que cet objet se rattache à tout le système maritime. Le système maritime est aujourd’hui tel qu’il compromet sans profit réel la propriété boisée dans le pays. Il était impossible qu’en examinant la question des bois, on ne vous signalât pas les vices du système maritime actuel. Vous voyez donc qu’il y a une connexité parfaite entre la question des bois du Nord et du Rhin, la question des droits différentiels et tout le système maritime.

Je demande que la discussion continue. (Aux voix ! aux voix !)

M. Dubus (aîné). - Messieurs, je pense que la motion qui est soumise à la chambre, n’aura pour effet que de lui faire perdre du temps. Nous étions arrivés au moment où la question commençait à s’éclaircir, Il s’agit d’une question qui a été instruite, sur laquelle nous avons un rapport de la commission d’industrie, et qui a fait l’objet de nos études depuis quelque temps. On veut maintenant que tout ce travail de la chambre devienne inutile, et doive être recommencé à une autre époque. Pour quel motif fait-on cette proposition ? Pour un motif extrêmement frivole. On prétend que cette question ne se rattache pas d’une manière intime aux droits différentiels. Je dis, moi, que si elle ne se rattache pas d’une manière intime, on ne peut nier cependant qu’elle n’y ait un très grand rapport.

On prétend qu’il ne peut être question ici de droits différentiels, parce que, quoi que vous fassiez, il est impossible que vous ôtiez aux propriétaires des bois du Nord le monopole du transport de leurs bois.

Mais il n’est pas seulement question ici des bois du Nord, il est encore question des bois, de quelque provenance que ce soit. M. le ministre de l’intérieur vous a fait remarquer dans la dernière séance qu’il peut vous arriver des bois non seulement du Nord, mais encore du Rhin ; qu’il peut vous en arriver des pays transatlantiques. Je crois que les propriétaires des bois du Nord n’ont pas le monopole du transport de ces bois-là.

Il y a donc déjà quelque chose à faire, au point de vue des droits différentiels, puisque les bois peuvent vous arriver de provenances diverses.

D’un autre côté, je suis à m’étonner qu’une pareille proposition soit faite, après que la discussion a révélé l’intention d’établir un droit protecteur qui favorise les propriétés boisées du pays.

Il paraît que cette intention de beaucoup de membres est telle qu’elle a effrayé certains députés qui craignent pour les ports de mer une diminution dans les importations des bois du Nord. Mais, messieurs, quand les importations des bois du Nord viendraient à diminuer, quel mal cela ferait-il aux ports de mer ? Ces députés conviennent eux-mêmes que la navigation du pays est complètement désintéressée dans la question. Ainsi la question ne peut intéresser les ports d’Ostende et d’Anvers que pour une minime commission sur les bois du Nord qui sont vendus dans ces deux ports. Et c’est devant un semblable intérêt que vous reculeriez, que vous renverriez à d’autres temps une discussion qui très probablement sera terminée dans la séance de demain ! Je pense que la chambre ne prendra pas un pareil parti ; elle gagnera du temps, en rejetant la motion.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On parle de l’intérêt de nos ports. Je dis, moi, qu’il est de l’intérêt de nos ports de voir corriger les vices de la législation actuelle. Cette législation favorise uniquement l’importation de bois de mauvaise qualité, et nos ports sont sans doute intéressés à ce qu’on ait en Belgique un marché de bois de première qualité.

- La motion de M. Osy est mise aux voix et n’est pas adoptée. En conséquence, la chambre décide que la question des bois ne sera pas séparée du projet de loi en discussion.

M. d’Hoffschmidt. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur s’il ne pourrait pas faire connaître séparément les quantités de sapin qui arrivent, soit par terre, soit par mer, et les quantités d’autres bois qui nous arrivent également, soit par terre, soit par mer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est impossible. On ne fait pas de distinction dans les statistiques commerciales. Je pense cependant que l’importation se compose en majeure partie de bois de sapin.

Je désirerais que M. de Corswarem pût donner quelques explications sur la question que j’ai faite tout à l’heure relativement à la tarification. Comme l’honorable M. Corswarem est auteur d’un amendement, peut-être entre-t-il dans ses intentions de traduire en un droit à la dimension le droit à la valeur qu’il propose ?

M. de Corswarem. - Messieurs, je suis parfaitement d’accord avec M. le ministre de l’intérieur. Si l’on admet un droit à la valeur, il est inutile le distinguer les essences. Si, au contraire, on admet le droit à la dimension, alors ou doit distinguer les essences, parce qu’elles diffèrent de valeur. Si le droit calculé à la valeur n’était qu’un droit nominal, cela ne remplirait pas nos intentions ; nous voulons un tarif réel. C’est dans ce but que nous proposons un amendement qui est la traduction du droit à la valeur en un droit à la dimension.

Avec le droit à la dimension que nous proposons, on n’importera plus de mauvais bois, parce qu’il devrait payer autant que le bois de bonne qualité.

- L’amendement de M. de Corswarem sera imprimé et distribué.

La chambre remet à demain la suite de la discussion.

La séance est levée à 4 heures et demie.