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d’intention
« Histoire
du Congrès national ou de la fondation de la monarchie belge », par Théodore
JUSTE
Bruxelles, Librairie polytechnique d’Aug. Decq, 1850, 2 tomes (1er tome : Livres I et II ; 2e tome : Livres III et IV)
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LIVRE
PREMIER. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE
CHAPITRE
XIII
Le protocole
du 7 février 1831 excluant les candidatures du duc de Nemours et du duc de
Leuchtenberg.
(page 260)
Ignorant l'arrêt irrévocable prononcé par les puissances et ne pouvant croire
que Louis-Philippe montrerait cette haute abnégation (page 261) dont l’histoire offre de si rares exemples, l'assemblée
nationale de Belgique se montra pleine de confiance, après le départ des
députés chargés d'offrir une seconde couronne à la maison d'Orléans. Du reste,
les premières lettres reçues par le comité diplomatique annonçaient que
l’acceptation n'était pas douteuse. Le Congrès consacra donc les séances qui
suivirent l'élection du duc de Nemours à l'achèvement de l'œuvre
constitutionnelle. Mais lorsque
Le 9 février au soir, lord Ponsonby remit au comité
diplomatique un protocole arrêté par la conférence de Londres, le 7, et conçu
dans les termes suivants :
« Protocole, n°15, de la conférence tenue au
Foreign-Om'ce , le 7 février 1831.
« Présents : les plénipotentiaires d'Autriche,
de France, de
« Le plénipotentiaire de France a ouvert la
conférence par une déclaration, portant que le gouvernement de S. M. le roi des
Français, regardant comme découlant de la teneur du protocole n°11, du 20
janvier 1831, la résolution, déjà antérieurement annoncée par le roi, de refuser
la souveraineté de
(page 262)
« Les plénipotentiaires ont décide que cette communication serait
consignée au présent protocole et ont pris ensuite en considération le cas où
la même offre de souveraineté serait faite au duc de Leuchtenberg. Ayant
unanimement reconnu que ce choix ne répondrait pas à un des principes posés
dans le protocole n°12 , du 27 janvier 1831, qui porte que le souverain de
Les
reproches adressés au comité diplomatique par suite du protocole du 7 février
1831
Dès le lendemain, 10 février, communication de ce
protocole fut demandée au Congrès par MM. Osy et Lebeau. M. Van de Weyer
répondit que les membres du comité diplomatique avaient été unanimement d'avis
qu'il fallait renvoyer à lord Ponsonby le nouveau protocole. « C'est aussi là
ce que nous avons fait, ajouta-t-il. Nous avons de plus déclaré à lord Ponsonby
que le Congrès, le comité diplomatique, le gouvernement provisoire, n'avaient à
recevoir des communications que de la députation belge à Paris. Le renvoi
immédiat du protocole me semble pleinement justifié par la décision du Congrès.
Le Congrès a élu le duc de Nemours ; le Congrès a envoyé une députation à Paris
pour offrir la couronne au fils de Louis-Philippe ; c'est donc de cette
députation seule que nous avons à recevoir une réponse, parce qu'elle seule
peut nous faire connaître officiellement la résolution de Louis-Philippe.
J'ajouterai que ces députés ont reçu des notes en quelque sorte officielles,
qui les engagent à n'ajouter aucune foi aux documents qui pourraient leur
arriver concernant l'acceptation ou le refus du cabinet français. Qu'on juge
par là de la croyance que mérite le protocole du 7 février, dont lord Ponsonby
est porteur. Que le Congrès attende donc (page
263) avec confiance la réponse de nos députés, et que, dans l'intervalle,
il se montre calme et ferme, afin de ne point répandre dans la nation une
inquiétude qui pourrait avoir les plus graves résultats. » Plusieurs membres,
peu satisfaits de cette explication, firent entendre que le comité diplomatique
n'avait pas agi avec toute la prudence désirable. « Je n'ai appuyé aujourd’hui
la demande de communication, dit M. Jottrand, qu'afin de savoir jusqu'à quel
point nos agents ont pu se laisser tromper dans la question relative au choix
du duc de Nemours. » — « On menace d'une terrible responsabilité, répondit M.
Van de Weyer, quelques-uns d'entre nous qui, sous l'empire de leur conscience,
ont provoqué à l'élection du duc de Nemours... Mais nous ne redoutons point
l'investigation de notre conduite. Nous ne reculons devant aucune
responsabilité quelconque. Fort d'un dévouement de six mois, fort de la pureté
de mes intentions, je saurai repousser d'odieuses attaques et prouver que moi
aussi je suis homme d'honneur. » (On applaudit.) — « M. Van de Weyer a
certes eu le droit, dit M. Lebeau, de provoquer à la nomination du duc de
Nemours, et je suis loin de lui contester la sincérité de ses opinions ; mais
j'ai le droit, à mon tour, de penser que le comité diplomatique a été trompé,
ainsi que le gouvernement provisoire ; j'ai le droit de penser que tous deux
ont puisé les cléments de leur conviction dans une source suspecte et impure...
» — « On a dit, réplique M. Van de Weyer, que le comité diplomatique avait
puisé les éléments de sa conviction dans une source impure. Il nie semble,
messieurs, qu'une conviction qui a été partagée par la moitié de cette assemblée
ne peut reposer que sur des motifs respectables. » —Enfin, M. Nothomb
coupe court à ce débat en (Note de bas de page : Après avoir gardé
longtemps le silence sur les moyens qui avaient été employés pour rallier le
gouvernement provisoire à la candidature du duc de Nemours, M. Van de Weyer se
justifia eu les faisant connaître au Congrès dans la séance du Ier juin 1831. «
Lors de l'élection de M. le duc de Nemours, c'est moi, dit-il alors, qui ai
reçu les lettres confidentielles, c'est moi qui les ai communiquées, et ce
n'est pas sur la foi seule dé ces lettres que l’élection a été faite ; c'est
sur la déclaration de deux envoyés de France que M. le duc de Nemours
accepterait, que le Congrès a pris sa décision. J'ai eu foi dans les assurances
do M. le marquis de Lawoestine ; et, si j'ai gardé le silence, si je n'ai point
repoussé les accusations que l'on a faussement fait peser sur moi, c'est que je
n’ai pas voulu qu'elles retombassent sur une tête couronnée. ») (page 264) annonçant qu'il avait fait
partir un courrier pour Paris, à l'effet de réclamer des députés du Congrès et
de M. de Celles une réponse catégorique dans les deux fois vingt-quatre heures.
Les
incertitudes croissantes quant à l’acceptation de Louis-Philippe et les
premières propositions alternatives
Le Congrès reçut enfin, le 12, communication d'un
rapport émané de sa députation. C'était une dépêche de M. Surlet de Chokier,
datée de Paris, le 10 février. Il parlait d'abord des conférences que les
députés avaient eues avec M. le comte Sébastiani, et il ne dissimulait pas que
des difficultés graves, presque insurmontables, paraissaient s'élever au sujet
de l'acceptation. « Le plus grand obstacle, disait-il, est la crainte d'une
guerre générale que cette acceptation pourrait allumer, guerre devant laquelle
(page 266)
La lecture de cette dépêche avait été écoutée dans un douloureux silence.
Lorsqu'elle fut achevée, M. Lebeau déposa immédiatement une proposition ayant
pour objet la nomination d'un lieutenant général du royaume, chargé, en
attendant l'élection d'un roi, d'exercer les pouvoirs du chef de l'État, tels
qu'ils étaient déterminés et dans les formes prescrites par
Quant au comité diplomatique, après avoir reçu la
dépêche de M. Surlet de Chokier, il reporta son attention sur le prince de Capoue.
« Il a fallu, écrivit-il le 12 février à M. de Celles, que nous eussions une
lueur d'espérance, pour éviter les fâcheux résultats d'une si déplorable
hésitation. Les assurances données pour le cas où le Congrès ferait choix du
prince de Naples produisent peu d'effet, tant que nous ne voyons pas d'une
manière officielle que cette élection nous garantirait en effet, les (page 267) avantages promis en ce qui
concerne nos limites, la dette, le Limbourg, la rive gauche de l'Escaut et le
grand-duché. On tiendrait beaucoup aussi à des déclarations officielles sur le
mariage du prince de Capoue avec une princesse, fille de Louis-Philippe, ainsi
que sur l'article de la résistance du roi des Français à tout projet de
restauration du prince d'Orange. »
L’irritation
du Congrès à cette nouvelle
Mais déjà il était trop tard pour éviter les
résultats que devaient inévitablement produire les hésitations du gouvernement
français. Elles annonçaient un refus humiliant pour la nation, et surtout pour
le Congrès dont on avait surpris la confiance ! L'irritation était générale, et
la polémique des journaux se ressentait de cette disposition menaçante des
esprits. «Sont-ce bien, disait le Courrier des Pays-Bas du 14 février, les
dépositaires de la gloire de Juillet, de la gloire de l'Empire, de
Déjà la veille, M. de Potter avait, dans une
pétition, engagé le Congrès à décréter la forme républicaine. Par suite du
refus certain de Louis-Philippe, il n'y avait plus, suivant M. de Potter, que
trois alternatives pour la révolution : le démembrement, le prince d'Orange ou
la république. Lecture de cette pétition ayant été donnée dans la séance du
« Le Congrès national décrète :
« I. La république est proclamée en Belgique.
« II. Le pouvoir exécutif est exercé par un
président belge, élu, à la majorité absolue, par les deux chambres réunies.
« III. Le
président est nommé pour trois ans; il est immédiatement rééligible.
« IV. La
première élection sera faite par le Congrès dans les trois jours à partir du
présent décret.
« V. Tous décrets ou dispositions contraires à la
présente sont rapportés. »
M. de Robaulx monte à la tribune pour développer sa
proposition ; mais aussitôt M. Legrelle demande la question préalable,
alléguant que cette proposition était contraire au décret par lequel le Congrès
avait proclamé que
Dévastation
de l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois et de l'archevêché de Paris ; effet
produit en Belgique par cet événement.
Le sort de
Le cabinet français était divisé. Une fraction, qui
trouvait dans le duc d'Orléans un appui énergique, penchait pour l'acceptation
; l'autre approuvait la politique plus prudente que le roi était décidé à
suivre. Presque tous les journaux conseillaient le refus : les organes du
mouvement pour ne pas augmenter la puissance de la nouvelle dynastie ; les
feuilles légitimistes par haine contre la branche cadette de la maison de
Bourbon ; les journaux doctrinaires par crainte de la guerre. L'élection à une
seule voix de majorité, les dangers de toute espèce qui environneraient le
gouvernement du jeune roi, menacé par les orangistes et par les adversaires de
la domination française, ces raisons et d'autres encore (page 270) étaient alléguées également pour déconseiller
l'acceptation. Quelques journaux cependant auraient voulu que le gouvernement
français bravât l'Europe, mais ce n'était pas tant l'avènement du duc de
Nemours qu'ils avaient en vue que la réunion pure et simple de
Pendant que la question belge occupait si vivement
le gouvernement et l'opinion publique en France, Paris était le théâtre
d'événements déplorables. Une réaction furieuse venait d'éclater contre les
légitimistes, qui avaient exaspéré le peuple par des manifestations
provocantes. Le 14 février, la vieille basilique de Saint-Germain-l'Auxerrois
avait été dévastée ; le
Ces scènes avaient eu un grand retentissement en
Belgique. Elles augmentèrent les anxiétés de ce grand nombre de catholiques,
qui considéraient presque comme une calamité pour leur religion l'avènement
d'un prince français; elles brisèrent aussi les dernières espérances du comité
diplomatique. En présence des hésitations de Louis-Philippe, quelques membres
du comité n'étaient pas éloignés, comme nous l'avons dit, de soutenir la
candidature du prince de Capoue. Mais, après la dernière tentative des
légitimistes, ils supposèrent que la nation française ne verrait plus sans
trouble un frère de la duchesse de Berry, un oncle du jeune duc de Bordeaux,
s'établir à Bruxelles et porter un sceptre qui pourrait protéger les exilés
d’Holyrood. Il fallut donc renoncer aussi à cette candidature, si
Louis-Philippe n'accordait pas le duc de Nemours aux vœux du Congrès.
Louis- Philippe
refuse officiellement la couronne de Belgique pour son fils duc de Nemours.
La résolution officielle du roi des Français allait
être connue. La députation belge avait été avertie qu'une audience solennelle
lui serait accordée, le 17 février, au Palais-Royal. Elle fut reçue au pied du
grand escalier par les aides de camp du roi, introduite dans la salle du trône,
et présentée au monarque par le ministre des affaires étrangères.
Louis-Philippe était sur son trône, debout et découvert, ayant à sa droite le
duc d'Orléans et à sa gauche le duc de Nemours. La reine, la princesse Adélaïde
et les autres membres de la famille royale, les ministres et les officiers du
palais étaient rangés autour du trône. M. Surlet de Chokier, président du
Congrès belge, s'adressa au roi en ces termes :
« SIRE,
« Organe légal du peuple belge, le Congrès
souverain, dans sa (page 272) séance
du 5 février, a élu et proclamé roi S. A. R. Louis-Charles-Philippe d'Orléans,
duc de Nemours, fils puîné de Votre Majesté, et nous a confié la mission
d'offrir la couronne à Son .Altesse Royale dans la personne de Votre Majesté,
son tuteur et son roi
« Cette élection, qu'ont accueillie les
acclamations d'un peuple libre, est un hommage rendu a la royauté populaire de
« Le pacte constitutionnel sur lequel repose la
couronne de
« Nous remettons en vos mains, sire, le décret
officiel de l'élection de S. A. R. le duc de Nemours, et une expédition de
l'acte constitutionnel arrêté par le Congrès. »
M. Surlet de Chokier, ayant donné lecture du décret
d'élection, s'avança vers le trône et remit au roi le discours qu'il venait de
prononcer, le décret et une expédition de
« MESSIEIRS,
« Le vœu que vous êtes chargés de m'apporter au nom
du (page 273) peuple belge, en me
présentant l'acte de l'élection que le Congrès national vient de faire de mon second
fils, le duc de Nemours, pour roi des Belges, me pénètre de sentiments dont je
vous demande d'être les organes auprès de votre généreuse nation. Je suis
profondément touché que mon dévouement constant à ma patrie vous ait inspiré ce
désir, et je m'enorgueillirai toujours qu'un de mes fils ait été l'objet de
votre choix. Si je n'écoutais que le penchant de mon cœur et ma disposition
bien sincère de déférer au vœu d'un peuple dont la paix et la prospérité sont
également chères et importantes à
« Mon premier devoir est de consulter avant tout
les intérêts de
(page 274)
« Que
« Dites à vos compatriotes que tels sont les vœux
que je forme pour eux, et qu'ils peuvent compter sur toute l'affection que je
leur porte. Ils me trouveront toujours empressé de la leur témoigner, et
d'entretenir avec eux ces relations d'amitié et de bon voisinage qui sont si
nécessaires à la prospérité des deux États. »
Les sentiments du père avaient cédé, mais non sans
combat, aux devoirs que s imposait le monarque. Des larmes roulaient dans tous
les yeux. Après avoir achevé son discours, Louis-Philippe descendit de son
trône et s'approcha des membres de la députation auxquels il adressa
successivement des paroles pleines de bienveillance et de bonté.
(page 275)
Le Congrès apprit le refus officiel de Louis-Philippe dans la séance du 21
février. En présence des membres de la députation revenus de Paris, il fut
donné lecture de la dépêche de M. Surlet de Chokier, renfermant le discours du
roi des Français. Cette lecture achevée, M. Surlet de Chokier monta lui-même à
la tribune et s'exprima en ces termes : « Quoique le but de notre mission n'ait
pu être rempli, j'ai pourtant la satisfaction de vous annoncer que notre
présence à Paris a ranimé la sympathie entre la nation belge et la nation
française. On nous a considérés et traités comme des frères, comme des hommes
qui ont combattu pour la même cause, celle de l’indépendance et de la liberté.
Quant à notre indépendance, dans tous les entretiens que nous avons eus, soit
avec les ministres de Louis-Philippe, soit avec d'autres grands personnages,
soit avec Sa Majesté elle-même, nous avons fait connaître la ferme résolution
où nous sommes de ne jamais consentir à perdre cette indépendance pour laquelle
la nation belge a si vaillamment combattu dans les journées de septembre. De
plus, nous avons été reçus comme souverains indépendants, comme les
représentants d'un peuple allié ; nous avons été comblés de marques d'amitié
par le roi, par la famille royale, par toutes les personnes qui sont admises à
son conseil ou dans son intimité, et ces marques d'affection s'adressaient non
seulement à nous, mais à la nation belge tout entière. Le roi, surtout,
messieurs, nous a exprimé, à différentes reprises, tout l'intérêt qu il porte à
la cause belge, qu'il considère comme la sienne. Il nous a assuré que nous
pouvions toujours compter sur sa protection et son appui, et en parlant ainsi,
Sa Majesté était l'organe de toute la nation française. Lorsque nous prîmes
congé de Louis-Philippe, il s'approcha de moi, me prit par la main et me dit :
M. Surlet, c'est à la nation belge que je donne la main ; dites-lui, à voire
retour, qu'elle compte sur moi, et (page
276) que je
l'engage surtout à rester unie. Et nous sentions combien les circonstances nous
faisaient une nécessité d’être unis. L'union fait notre force. Si jamais nous
perdions de vue ce principe conservateur, il faudrait nous attendre à être
envahis, morcelés, démembrés. Pour prévenir tant de désastres, je vous réitère,
messieurs, la prière de continuer à veiller, avec un zèle toujours égal, au
maintien de nos libertés et des lois qui les garantissent, et de ne point vous
dissoudre avant d'avoir assuré et d'avoir assis sur des bases stables la
prospérité de la patrie. » Des applaudissements unanimes accueillirent cette
patriotique allocution.
Le
gouvernement provisoire propose d'instituer une régence et démarches
entreprises auprès du prince de Ligne
Immédiatement après, le gouvernement provisoire fit
donner lecture d'une proposition tendant à nommer un pouvoir exécutif dans les
termes de
Mais avant d'établir cette nouvelle autorité, qui
devait être également temporaire, il convenait sans doute de rechercher s'il ne
se présentait point de combinaisons plus favorables à l'affermissement immédiat
de la nationalité belge.
On se rappelle que plusieurs membres du Congrès et
une partie de la presse s'étaient prononcés, à diverses reprises, en faveur
d'un prince indigène. Cette opinion, qui s'était affaiblie par la mort du comte
Frédéric de Mérode, et que les candidatures des ducs de Nemours et de
Leuchtenberg avait complément écartée, reparut avec une force nouvelle après le
refus de Louis-Philippe. MM. Lebeau , Nothomb et Duval de Beaulieu eurent
presque en même temps la pensée de placer le prince de Ligne à la tête de
l'Etat. Il importait de prendre sans retard une résolution. L'essai malheureux
que l'on venait de faire a Paris avait jeté le découragement dans tous les
esprits, et il avait eu pour résultat de (page
277) faire renaître les espérances des partisans de la maison de Nassau.
L'armée, que le choix d'un souverain eût soutenue, était activement travaillée
par des émissaires ; les grandes villes, centres d industrie ou de commerce,
penchaient de nouveau, les unes pour la réunion à
Il était bien naturel que, dans cette crise, on
songeât au chef d'une des plus anciennes et des plus illustres familles de
Après s'être mis d'accord sur les moyens de donner
de la consistance à la nouvelle combinaison, M. Lebeau et ses deux collègues
résolurent de se rendre au château de Bel-OEil, pour faire une tentative auprès
du prince de Ligne. Arrivés à Ath , ils apprirent que le prince, qu'ils
croyaient à Bel-OEil, se trouvait au château du Rœulx, résidence de son parent,
le prince de Croy-Solre. Cette nouvelle fit sur le comte Duval une fâcheuse
impression. «— J'augure mal, dit-il, de cette circonstance. J'aurais désiré
rencontrer le prince dans son château, seul, livre à lui-même, et non dans la
résidence d'un légitimiste français très prononcé, dont le contact a pu
modifier beaucoup les dispositions de son parent envers la révolution belge, et
dont la présence gênera d'ailleurs nos communications. »
Cependant les trois membres du Congrès se remirent
en route et arrivèrent vers le milieu de l'après-midi au château du Rœulx. Le
comte Duval, voisin de campagne du prince de Ligne, les y devança de quelques
minutes pour annoncer ses collègues et essayer de bien disposer le prince. Dès
que MM. Lebeau et Nothomb eurent rejoint le comte Duval, celui-ci leur annonça
que, selon toute apparence, ses prévisions n'étaient que trop fondées Ils
furent reculs par le prince avec cette politesse bienveillante qui le distingue
; mais ils remarquèrent avec surprise que la (page 279) princesse de Ligne, née comtesse de Conflans, appartenant
à une famille légitimiste française, et M. de Croy restaient au salon, comme
pour défendre le prince contre la démarche des députés belges. Le prince
demanda d'abord aux députés quels étaient leurs projets, leurs chances de
succès, ce qu'ils savaient des dispositions des cabinets étrangers envers la
combinaison dont ils venaient l'entretenir. Les députés lui dirent aussitôt
qu'ils n'avaient mission de personne, qu'ils n'avaient pris conseil que de la
situation du pays et de leur sollicitude pour le triomphe de la révolution et
pour la consolidation de l'indépendance belge, si heureusement recouvrée. Ils
ajoutèrent que chacun reconnaissait que le gouvernement provisoire était au
terme de sa mission ; que les esprits voulaient un pouvoir exécutif plus
concentré ; qu'on réclamait un chef unique provisoire, en attendant qu'on pût
faire choix d'un souverain; que les uns parlaient d'une régence et les autres
d'une lieutenance générale ; qu'ils étaient partisans de cette dernière
combinaison, et qu'ils venaient demander au prince l'autorisation de le
proposer pour lieutenant général du royaume. Quant aux chances de succès, ils
firent observer que M. Lebeau ayant mis en avant la candidature du duc de
Leuchtenberg, inconnu en Belgique, ce candidat avait réuni presque la majorité
des suffrages, et qu'il eût obtenu presque l'unanimité sans la concurrence d'un
prince français ; qu'un tel résultat attestait un besoin vivement senti de
choisir un chef, et que ces dispositions s'étaient beaucoup fortifiées encore
par l'échec qu'on venait de subir. Les députés dirent aussi que la proposition
d'une régence ou d'une lieutenance générale ayant été accueillie favorablement,
le nom du prince ne pouvait être mis en avant sous de meilleurs auspices, et
qu'ils avaient tout lieu de croire que l'opinion s'y rallierait à l'instant,
Le prince demanda si, au moins, on ne pourrait pas
lui laisser le temps de consulter les grandes puissances. Les députés
répondirent (page 280) qu'après la
déception dont le Congrès venait d'être l'objet à Paris, le moment serait mal
choisi pour proposer de nouvelles négociations ; qu'il y avait urgence à
prendre un parti ; qu'en acceptant la lieutenance générale, le prince ne
préjugeait rien sur la résolution à prendre ultérieurement, qu'il pourrait
alors pressentir les dispositions des cabinets auxquels il présenterait sa
détermination comme le moyen le plus assuré de maintenir l'ordre dans le pays.
Ils terminèrent en lui faisant observer que s'il y avait quelque danger à
courir, c'était là un moyen de popularité qui offrait la plus brillante
perspective ; qu'une fois proclamé lieutenant général de