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(page 117) Plusieurs membres du Congrès et une partie de la presse s'étaient prononcés à diverses reprises en faveur d'un prince indigène. L'idée de cette combinaison, qui s'était affaiblie par la mort du comte Frédéric de Mérode et que les candidatures des ducs de Nemours et de Leuchtenberg avaient complètement écartée, reparut avec une force nouvelle.
Les uns pensèrent dès lors à fixer définitivement la
couronne sur la tête du Régent (Note de A. Freson :
Le baron Surlet de Chokier
ne fut nommé régent que quelques jours après), en constituant
Je ne voyais aucune chance de faire accepter de telles candidatures dans l'intérieur, surtout par la noblesse belge, moins encore de les faire prendre au sérieux par l'extérieur, dont, à mon sens, on ne s'occupait pas assez; et cependant, après l'essai malheureux et si récent encore que nous venions de faire, on ne pouvait penser en ce moment à un prince étranger.
Je fus ainsi amené à songer au prince de Ligne. Deux de mes collègues, MM. Duval de Beaulieu et Nothomb, eurent la même pensée, et bientôt nous fûmes d'accord pour essayer d'une tentative auprès du prince.
Le prince de Ligne réunissait plusieurs conditions pour être candidat à la couronne belge.
Il était notre concitoyen. Sa famille était une des plus
anciennes, des plus illustres et des plus respectées de
La supériorité de notre candidat dans l'ordre aristocratique
était acceptée par la noblesse belge, qui n'eût pas aisément subi un plébéien,
moins encore peut-être un de ses égaux; il devait plaire au clergé comme chef
d'une maison connue pour professer ouvertement les dogmes catholiques. Ses
relations avec la famille impériale d'Autriche et avec plusieurs souverains de
l'Allemagne lui assuraient de bonnes dispositions auprès des cours du Nord. Sa
candidature n'avait rien d'hostile à
Pour l'obtenir, on pouvait compter d'abord sur le découragement profond dans lequel avait jeté le pays, la malheureuse expérience faite avec le duc de Nemours. On pouvait aussi raviver quelques souvenirs qui se rattachaient aux premiers jours de notre Révolution et qui étaient favorables au prince de Ligne.
Il s'était associé aux députations envoyées près des princes de la maison de Nassau pour traiter du redressement des griefs. On lui prêtait même dans ces circonstances une conduite et un langage qui lui avaient valu alors, une grande popularité; il devait avoir dit au prince d'Orange ou au prince Frédéric, menaçant de marcher sur Bruxelles dans le but de mettre fin à la révolte, que pour pénétrer ainsi dans la capitale il faudrait commencer par passer sur son corps.
On se rappelait, à la vérité, qu'une mission officielle lui ayant été offerte par les autorités révolutionnaires, il avait en la déclinant invoqué sa qualité de chambellan de l'Empereur d'Autriche. Mais on était disposé en ce moment à n'évoquer à son égard que les souvenirs favorables et à laisser les autres dans l'ombre. On concevait d'ailleurs que le prince se fut servi de ce moyen comme d'un prétexte pour ne point se commettre dans un ordre de choses qui pouvait encore n'être que précaire et on ne lui savait pas trop mauvais gré de cette réserve. Le prince avait des qualités qui plaisaient à la fois à l'aristocratie et aux masses; il était plein de franchise et d'affabilité, bon, généreux, distribuant des poignées de main aux membres les plus plébéiens du Gouvernement provisoire, avec une cordialité au moins égale a celle qu'il montrait envers les siens.
M. le comte Duval de Beaulieu, voisin de campagne et ami du prince, M. Nothomb et moi tombâmes aisément d'accord sur les considérations qui précèdent. Nous convînmes en (page 120) conséquence de faire immédiatement une démarche auprès du prince. Tout cela peut paraître étrange aujourd'hui, mais rien de plus naturel alors qu'une pareille démarche. Quand les bases d'une société politique ont été violemment secouées, quand on vient de renverser un gouvernement, quand on en a improvisé un nouveau et d'un caractère provisoire, les esprits acquièrent une grande hardiesse; chacun arrive alors avec ses idées et ses projets. C'est le moment des expérimentations politiques.
Les candidatures des ducs de Nemours et de Leuchtenberg avaient surgi au milieu de pareilles circonstances, à côté d'autres candidats qu'ils avaient effacés. Ces essais ayant échoué, il était naturel que chacun se mît à la recherche d'une autre solution, et comme on faisait alors des rois au scrutin, on partait un beau matin pour se mettre en quête d'un candidat à la couronne, comme on se mettait en route à d'autres époques, pour l'affaire la plus simple.
D'ailleurs, dans un tel moment, il ne suffisait pas de concevoir un plan; il fallait passer promptement à l'exécution. L'urgence était flagrante. J'ai dit le découragement profond des esprits après le stérile essai tenté auprès d'un prince de la maison d'Orléans. On comprendra combien, à la suite de cet échec, les espérances de la maison de Nassau et de ses partisans avaient dû renaître. On comprendra aussi combien le sentiment révolutionnaire devait se réveiller en présence de cette recrudescence orangiste, ouvertement favorisée alors par le commissaire anglais, Lord Ponsonby.
La situation était pleine de dangers et ne pouvait se
prolonger sans exposer
Il fallait donc penser et agir vite. Aussi peu de moments suffirent pour nous mettre d'accord, le comte Duval ,M. Nothomb et moi, sur la candidature du prince de Ligne et sur les moyens de donner de la consistance à cette combinaison.
Par une matinée du mois de (février) 1831, nous nous mimes
en route. Arrivés à Ath, nous descendîmes chez notre collègue M. le chevalier
de Rouillé; nous apprîmes de lui que le prince, que nous croyions à. Bel-Oeil, était au château du Rœulx,
résidence de son parent le prince de Croy-Solre.
Cette nouvelle fit sur le comte Duval une fâcheuse impression. Nous lui en
demandâmes la raison. « J'augure mal, répondit-il, de cette circonstance.
J'aurais désiré rencontrer le prince dans son château, seul, livré à lui-même,
et non dans la résidence d'un légitimiste français très prononcé, dont le
contact a pu modifier beaucoup les dispositions de son parent envers
Un peu découragés par cette réflexion, qui nous parut pleine de sens, nous nous remîmes néanmoins en route et arrivâmes vers le milieu de l'après-midi au château du Rœulx. Le comte Duval nous y devança de quelques minutes pour nous annoncer et essayer de bien disposer le prince. Dès que nous l'eûmes rejoint. le comte nous annonça que selon toute apparence ses prévisions n'étaient que trop fondées. Nous fûmes reçus par le prince avec cette politesse bienveillante qui le distingue, mais nous remarquâmes avec surprise que la princesse de Ligne, née comtesse (page 122) de Conflans, appartenant à une famille légitimiste française, et le prince de Croy restaient au salon, comme pour défendre le prince contre notre démarche. Celui-ci, évidemment influencé par son entourage, nous fit beaucoup d'objections; il nous demanda d'abord quels étaient nos projets, nos chances de succès, ce que nous savions des dispositions des cabinets étrangers envers la combinaison dont nous venions l'entretenir.
Nous lui dîmes aussitôt que nous n'avions mission de
personne, que nous n'avions pris conseil que de la situation du pays et de
notre sollicitude pour le succès de
Nous ajoutâmes que chacun reconnaissait que le Gouvernement provisoire était au terme de sa mission, que les esprits voulaient un pouvoir exécutif plus concentré, qui se rapprochât davantage de la forme adoptée par la nouvelle Constitution, en un mot qu'on voulait un chef unique, provisoire, en attendant qu'on pût faire choix du souverain; que les uns parlaient d'une régence et les autres d'une lieutenance générale; que nous étions partisans de cette dernière combinaison et que nous étions venus lui demander l'autorisation de le proposer pour lieutenant général du royaume.
Quant aux chances de succès, nous lui fîmes observer que l'un de nous ayant mis en avant la candidature du duc de Leuchtenberg, inconnu en Belgique et dont l'acceptation n'avait même jamais paru certaine, le prince avait réuni presque la majorité des suffrages et qu'il eût obtenu presque l'unanimité sans la concurrence d'un prince français; qu'un tel résultat attestait un besoin vivement senti de choisir un chef; que ces dispositions s'étaient beaucoup fortifiées encore par l'échec qu'on venait de subir.
Nous ajoutâmes que la proposition d'une régence ou d'une lieutenance générale ayant en ce moment de grandes chances de succès, son nom ne pouvait être mis en avant (page 123) sous de meilleurs auspices, que l'opinion s'y rallierait à l’instant ; nous lui dîmes que l'un de nos amis étant rédacteur du Courrier belge, le journal le plus répandu et le plus influent de l'époque, on pourrait y défendre la combinaison et donner ainsi le ton à la presse belge. Nous ne doutions pas en effet que le rédacteur en chef, M. Jottrand, notre collègue au Congrès, qui s'était toujours montré anti-français et jusque-là partisan de la monarchie et qui avait soutenu la candidature du duc de Leuchtenberg contre le duc de Nemours, qui voulait avant tout rester Belge et consolider l'indépendance nationale, ne se rallierait avec empressement à nos projets, bien que nous ne lui eussions fait aucune confidence à cet égard.
La princesse de Ligne, nous interrompant alors, s'écria que
nous conseillions au prince de s'emparer du bien d'autrui ; que ses
relations avec les membres de la famille royale ajouteraient encore à l'odieux
d'une telle spoliation; que nous avions tort de venir ainsi en désespoir de
cause tenter d'associer le prince aux vicissitudes de notre Révolution, Elle
continuait de s'exprimer avec vivacité et aigreur, lorsque le prince l'ayant
invitée au silence, nous demanda si au moins on ne pourrait pas lui laisser le
temps de consulter les grandes puissances. Nous répondîmes aussitôt qu'après la
déception dont nous venions d'être l'objet à Paris, le moment serait mal choisi
pour proposer de nouvelles négociations; qu’il y avait urgence à prendre un
parti; qu'en acceptant la lieutenance générale, le prince ne préjugeait rien
sur les résolutions à prendre ultérieurement; qu'il pourrait alors pressentir
les dispositions des cabinets auxquels il présenterait sa détermination comme
le moyen le plus assuré de maintenir l'ordre dans le pays. Nous terminâmes en
lui faisant observer que s'il y avait quelque danger à courir en acceptant nos
propositions, c'était là un moyen de popularité qui offrait les plus grandes
chances de succès, et qu'une fois proclamé lieutenant général de
Nous devons dire que notre illustre interlocuteur était fort ébranlé; malheureusement nous n'avions pas affaire à une duchesse de Bragance. La princesse de Ligne, qui paraissait exercer une grande influence sur son mari, se montra moins femme ambitieuse que légitimiste passionnée ou épouse craintive, et s'interposant de nouveau entre le prince et nous, l'engagea définitivement à refuser. Il persista, pour colorer son refus, à demander le temps nécessaire pour consulter les grandes puissances. Nous persistâmes à représenter ces délais comme impossibles et ce recours comme une atteinte à l'indépendance et à la dignité nationales, et nous nous séparâmes assez mécontents l'un de l'autre.
Nous ignorons si la détermination du prince de Ligne ne lui inspira jamais de regrets et s'il ne chercha pas à renouer une négociation analogue à celle que nous avions essayé d'ouvrir avec lui. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que pendant le séjour à Londres des commissaires envoyés par moi auprès du prince de Saxe-Cobourg pour pressentir les dispositions de S. A. R., dans le cas ou le Congrès l'appellerait au trône de Belgique, le prince de Talleyrand parla à plusieurs reprises à l'un de ces commissaires du prince, Ligne, faisant chaque fois l'éloge de ce personnage. L'impression que fit sur notre commissaire le langage de l'illustre diplomate fut que celui-ci semblait vouloir ramener l'idée de la candidature du prince. Les choses étaient trop avancées avec le prince de Saxe-Cobourg pour qu'il fût possible de donner suite aux idées de l'illustre diplomate.
J'avais fait au Congrès la proposition de nommer un lieutenant général, investi de presque tous les pouvoirs de royauté. Voici quelques-unes des raisons qui m'avaient dirigé.
Aucun sentiment de haine ou d'envie ne m’avait inspiré (page 125) cette résolution, et c'est bien à tort que quelques membres du Gouvernement provisoire m'ont attribué quelque chose de semblable.
Outre que je comptais dans le personnel du Gouvernement provisoire un de mes amis les plus chers, je crois avoir le droit de déclarer que je n'ai jamais puisé mes déterminations politiques dans des sympathies ou des antipathies personnelles. Ce n'est pas d'ailleurs de savoir haïr que m'ont parfois accusé les hommes qui me connaissent le mieux, mais bien 'plutôt d’un oubli trop facile des injures, des calomnies, des ingratitudes, des procédés odieux dont j'ai été souvent l'objet. Je n’éprouve aucun scrupule à parler ainsi de moi, car mes amis ont souvent qualifié devant moi cette disposition d'esprit comme de la faiblesse, comme une sorte d'insouciance, que comme un sentiment réel de générosité.
Mais le Gouvernement provisoire, excellent pour un époque de
crise, et dont la formation dans les journées de septembre avait été un acte de
courage et de patriotisme destiné à convertir une émeute en une révolution, le
Gouvernement provisoire, déjà affaibli par la retraite de M. de Potter, un peu
usé, comme cela arrive d'ordinaire, par plusieurs mois d'un pouvoir exercé dans
des circonstances ou le pouvoir s’use si vite, ne suffisait plus aux besoins du
pays. Il fallait un pouvoir nouveau, plus concentré, se rapprochant davantage
du pouvoir exécutif tel que
Le Gouvernement provisoire avait lui-même le sentiment de cette situation. M. Ch. Rogier m'en avait souvent entretenu : « Il faut autre chose, disait-il: à tort ou à raison, l'opinion le veut ainsi; nous sommes usés. Un pouvoir tel que le nôtre ne saurait être accepté que comme du provisoire. Or, un provisoire qui a duré quatre mois est bien vieux. C’est encore du provisoire que nous ferons, mais ce sera sous une autre forme qui permettra mieux à l'opinion de prendre patience et d'attendre du définitif. »
J’appris bientôt après, qu'au moment même où j'avais saisi
(page 126) le Congrès de ma proposition de nommer un lieutenant général, le
Gouvernement provisoire avait résolu de proposer la nomination d'un Régent. Ce
fut cette combinaison qui prévalut; deux candidats seulement divisèrent le
Congrès. Il ne nous fut pas difficile, à mes amis politiques et à moi de
prévoir que le baron Surlet de Chokier,
président de l'assemblée, aurait la majorité. Nous n'en résolûmes pas moins de
voter en faveur du comte Félix de Mérode, bien que nous n'eussions rien à
objecter contre le caractère de son concurrent. M. de Mérode, ancien membre du
Gouvernement provisoire, frère d'un des martyrs de notre régénération,
représentait mieux, à nos yeux, les principes de
Les concurrents à
Ce fut encore un beau jour que celui où l'on inaugura notre
libérale Constitution et le Régent de
Avec la promulgation de
Le premier cabinet du Régent dura environ six semaines (Note de A Freson : Il dur beaucoup moins de temps : du 26 février au 20 mars). Des dissidences d'opinions, chaque fois plus prononcées, en amenèrent la dissolution. Une singularité de l'époque, ce fut l’adjonction à ce ministère, comme président du conseil, de M. de Gerlache, sans attribution et sans traitement. Un président du conseil sans pouvoir et n'ayant pour faire face à cette haute position que le traitement de 5,000 francs dont il jouissait comme magistrat, est une de ces bizarreries qu'expliquent seules les époques de transition. Quels noms ensuite pour constituer une administration homogène que celui de M. de Gerlache, rapproché de ceux de MM. de Brouckere et Gendebien !
Le président du conseil comprit bientôt la fausseté, le ridicule même de sa position et donna sa démission au bout de quelques jours; il conserva la présidence du Congrès national.
Pendant les quelques semaines que dura encore le premier
Ministère du Régent, le Gouvernement ne s'occupa guère de questions étrangères
à l'administration courante, si ce n'est qu'il négocia pour mettre à exécution
l'armistice conclu avec le souverain hollandais sous la médiation de
Je m'étais rendu à Liége pendant une vacance du Congres, et je me trouvais chez M. de Sauvage, gouverneur de la province, vers le 20 mars 1831, lorsqu'il reçut du Régent une lettre qui le mandait à Bruxelles.
D'après ce que je savais des divisions qui avaient éclaté entre les membres du cabinet, je ne doutais pas que M. de Sauvage ne fût appelé à composer une nouvelle administration. Nous nous entretînmes naturellement du but présumé de son voyage, et il me demanda de l'autoriser à me proposer pour un de ses collègues. Je déclinai cette offre, déclarant que je n'avais pas assez l'expérience des affaires publiques pour devenir ministre; que si toutefois il tenait à s'associer un homme de notre nuance d'opinion, je lui conseillais M. Devaux.
Quelques jours après les journaux publièrent la nomination
de M. de Sauvage au Ministère de l'Intérieur et le lendemain ils annonçaient
celle de M. Devaux comme Ministre des Affaires étrangères. M. Devaux, nommé à
son insu, se rendit immédiatement à Bruxelles pour déclarer que sa santé ne lui
permettait pas d'accepter les fonctions ministérielles. Les instances de M. de
Sauvage, celles de M. le Régent lui-même, ne purent vaincre sa résistance. MM.
Barthélemy et le colonel comte d'Hane de Steenhuyze venaient d'être nommés, l'un Ministre de
Ce dernier avait fini par accepter cette condition Tout semblait donc arrangé; bientôt cependant la combinaison (page 129) parut rompue. Le Régent refusa de nous laisser entrer ensemble au Ministère, M. Devaux et moi: « L'un ou l'autre, disait-il, mais pas tous les deux. J'aurais l'air d'avoir cédé le pistolet sur la gorge. »
Pour comprendre la répugnance du Régent, il faut se rappeler
que mon honorable ami et moi passions dans le Congrès pour les deux plus chauds
représentants de l'opinion anti-française. Nous devions cette réputation, fort
exagérée pourtant, à l'attitude que nous avions prise lors de la discussion sur
le choix du chef de l'État et à notre préférence pour le duc de Leuchtenberg sur le duc de Nemours. Le Régent, au
contraire, avait toujours montré les tendances les plus prononcées pour un
rapprochement avec
M. de Sauvage ayant à mon insu fait une nouvelle tentative, le Régent consentit à tenir le lendemain un conseil où la question serait de nouveau débattue et recevrait une solution définitive. J'exposai mes raisons. Je dis que je n'avais en aucune façon recherché le périlleux honneur de devenir ministre, au milieu de circonstances très graves ; que je ne demandais pas mieux que de voir le cabinet se former sans moi; que si on le composait dans les idées de M. de Sauvage, je le seconderais de tous mes moyens au sein du Congrès; mais que si on faisait un appel à mon .dévouement, je me croyais le droit d'en présenter les conditions; que si j'entrais au pouvoir j'y arriverais avec des idées très arrêtées sur la question du choix du chef de l'État, question qui me paraissait dominer de très haut toutes les autres par son urgence et par sa gravité; que sur cette question je connaissais l'accord qui régnait entre M. de Sauvage et moi, mais que les (page 130) autres ministres ne m'offriraient aucune garantie de ce genre et que l’entrée de M. Devaux pouvait seule donner à mon opinion l'importance que j'avais le droit d'exiger qu'elle eût dans le conseil. J'ajoutai que d'ailleurs j'avais placé depuis longtemps une grande confiance dans la raison de mon honorable ami, beaucoup moins prompt que moi dans ses résolutions, sachant mieux peser le pour et le contre d'une affaire, moins porté à s'en exagérer les chances, à s'en dissimuler les difficultés.
Les quatre ministres présents (M. de Brouckere seul de l'ancien cabinet continuait ses fonctions) ayant approuvé mes raisons, M. le Régent céda et fit avec loyauté le sacrifice de ses répugnances. Je pris la direction des Affaires étrangères; M. Devaux fut nommé Ministre sans portefeuille.
Depuis plusieurs jours Bruxelles était le théâtre de tristes
excès. J'ai déjà dit que le refus par le Roi des Français de la couronne
offerte à son fils avait réveillé les espérances de l'orangisme. Bientôt les
symptômes d'une vaste conspiration avaient éclaté. C'est surtout dans l'armée
qu'ils se manifestaient. La tentative du général Vander
Smissen vint depuis la mettre au grand jour et
l'échauffourée de Grégoire était encore récente. La formation soudaine de
l'Association patriotique, dont deux des anciens ministres devinrent en quelque
sorte les fondateurs, fut le produit de la réaction excitée aussitôt par ces
symptômes. Elle déclara que le but de sa formation était de concourir au
maintien de la déchéance de la maison de Nassau. Des discours énergiques furent
prononcés lors de la fondation de cette société et ne contribuèrent pas peu à
exalter les esprits, que des bruits de refus de serment au Régent par les chefs
de la garde civique et de l'armée exaltèrent au plus haut point. Le peuple
s'émut de nouveau comme en août et septembre 1830 et bientôt les maisons où
s'imprimaient les journaux orangistes et celles des partisans supposés de la
restauration tant à Bruxelles que dans les provinces furent saccagées, au
milieu de l'inaction presque générale de la garde civique dévouée à
(page 131) Nous avons eu occasion de rechercher les causes de ces désordres. Le Congres nomma une commission d'enquête pour en découvrir les auteurs et les livrer aux tribunaux. Il en est résulté la conviction générale que ces tristes scènes, alors comme toujours, furent l'effet d'une explosion de colère amenée par les imprudences du parti contre-révolutionnaire, bien plutôt que le résultat d'un dessein délibéré et arrêté. Quoi qu'il en soit et sans vouloir nullement justifier de pareils excès, nous devons, en narrateur exact, déclarer qu'à notre avis il est douteux que la conspiration orangiste, dont les symptômes étaient flagrants, eût aussi complètement avorté sans ces démonstrations et l'espèce de terreur qu'elles inspirèrent.
Le matin même de notre installation, nous prenions les
mesures les plus propres à mettre un terme aux excès qui duraient depuis
quelques jours; il fut facile d'y parvenir, l'irritation s'étant beaucoup
calmée et la garde civique ayant consenti à intervenir. Le serment de fidélité
au Régent et d'obéissance a
M. Ch. Rogier, qui, avec le désintéressement dont il a donné tant de preuves, n'avait conservé en sortant du pouvoir que les modestes fonctions d'aide-de-camp du Régent, consentit, d'après nos instances, a se charger de la direction de la sûreté publique, vacante par la démission de M. Plaisant. Son énergie et ses excellentes dispositions ne contribuèrent pas peu, au rétablissement de l'ordre.
Après le refus du duc de Nemours et l'insuccès de notre
tentative auprès du prince de Ligne, quelques amis et moi, toujours convaincus
que le choix d'un chef définitif était la question la plus grave, la plus
urgente de la situation, que ce choix pouvait seul conjurer le triple danger
d'une restauration, d'une réunion à
Nous espérions, s'il ne déclinait pas d'abord les ouvertures qu'on pourrait lui faire, l'amener à une acceptation pure et simple et nous comprenions tous l'avantage qu'il y aurait à placer nos négociations sur la question des limites sous un patronage illustre et puissant, si vivement intéressé à notre cause.
A peine le nouveau cabinet fut-il installé que le Congrès reprit ses travaux. Après avoir exigé un rapport sur l'état des négociations et avoir voté quelques mesures financières, il se sépara de nouveau pour laisser au Ministère la liberté de s'occuper avec plus d'activité de la négociation nouvelle dont l'objet n'était déjà plus un secret.
A peine établi au bureau des Affaires étrangères, je m'empressai de voir lord Ponsonby et le général Belliard.
Le diplomate anglais, allant au devant de ma pensée, dit d'abord qu'il ne voulait plus me parler du prince d'Orange: « Il a risqué la partie, dit-il, et l'a perdue sans ressource. Pour réussir en pareille circonstance, il ne suffit pas d'être un bon soldat, il faut du caractère, de la résolution, et le prince vient de prouver de nouveau qu'il en manque complètement. Je vous l'abandonne donc. »
Je témoignai à S. S. combien j'étais heureux de la voir dans des dispositions qui s'accordaient si bien avec les vues qui (page 133) m'animaient et qui m'avaient fait accepter le fardeau des affaires. Je le priai de me dire franchement et sans détour si dans la négociation que j'allais entreprendre auprès du prince de Saxe-Cobourg, je pouvais compter sur sa coopération sincère; il me la promit formellement, et j'ai tout lieu de croire qu'il m'a tenu parole. Je vis aussi le général Belliard et j'en reçus l'assurance que son Gouvernement ne verrait pas avec déplaisir l'élection du prince de Saxe-Cobourg.
L'ancien Ministère avait donné à M. le comte d'Arschot, membre du Congrès et du Comité diplomatique et
homme d'esprit, la mission d'envoyé belge près
Deux de ces choix étaient ainsi motivés.
En général à l'étranger on croyait notre Révolution beaucoup
plus religieuse que politique, et grâce surtout à la presse orangiste, qui
avait dans presque tous les États de l'Europe un accès interdit aux journaux
belges, et qui dès lors jouissait du privilège de parler seule de nos affaires,
l'opinion publique était complètement égarée sur le caractère des événements de
septembre. En France même, ou nos journaux pénétraient, on était dans la plus
grande ignorance des causes et de la portée de
Ce fut donc avec une extrême surprise qu'on apprit au dehors que l'un des chefs de la noblesse catholique belge et un membre du clergé connu par son opposition au gouvernement déchu, consentaient à se rendre auprès d'un prince protestant, avec la mission de l'engager à accepter la couronne de Belgique si on déterminait le Congrès national à la lui offrir.
Cette solennelle profession de foi de tolérance mit fin à
beaucoup de calomnies, rendit désormais certaines épigrammes fort ridicules et
produisit généralement un bon effet sur l'opinion de l'étranger si indignement
égarée sur les sentiments de
J'avais chargé cette députation officieuse de pressentir les intentions de S. A. R. pour le cas ou le Congrès lui décernerait la couronne belge et de représenter au prince de quelle importance il était pour la popularité du nouveau roi que son avènement ne fût subordonné à aucun sacrifice territorial. Nos commissaires savaient du reste avec quelle insistance ils devaient revenir sur cette condition, qui n'était pas dictée par un simple intérêt matériel mais qui se rattachait à des sentiments d'humanité et de sympathie pour des populations que le roi Guillaume d'abord, puis les événements de 1830, avaient intimement associées à notre sort. J'ajoutai que le pays attachait à l'intégrité du territoire plus que de l'importance politique, l'idée d'un grand devoir et un sentiment d'honneur.
Les premières ouvertures faites par nos commissaires furent
bien accueillies par le prince : il ne s'était pas montré éloigné d'abord
de l'idée d'accepter la couronne belge. Mais, ainsi qu'il était facile de le
prévoir, la question des limites fut aussitôt mise en avant par lui. « Pour que
mon élection soit possible et qu'elle soit utile à votre cause, disait S. A.
R., (page 135) il faut qu'elle emporte la solution de vos difficultés
territoriales et financières; il faut que
J'engageai aussitôt nos commissaires à voir les membres de
Lord Palmerston se montra dès lors très bien disposé à nous
seconder; il était évident que les dispositions du cabinet anglais, si
défavorables à
Malgré la force des objections de S.A.R. contre toute
acceptation de la couronne belge avant un arrangement sur les questions
relatives aux limites et à la dette, je chargeai les commissaires d'insister
sur une acceptation immédiate et sans condition. En acceptant la couronne,
disais-je, sans sacrifice territorial, le nouveau Roi arrive en Belgique avec
toute sa popularité; il aura un titre pour négocier sur les différentes
questions dont
Si pour nous réconcilier avec l'Europe et amener la
reconnaissance de
Ces raisons, qui pouvaient être bonnes au point de vue
purement belge, n'avaient sans doute pas la même valeur aux yeux du prince à
qui on offrait, en échange d'une situation sûre et brillante, une position
pleine de difficultés et de périls, que S. A. R. appelait, peut-être avec
raison, des impossibilités. « Je ne craindrais pas une guerre avec
Faire des démarches au nom et dans l'intérêt de
Comprenant donc combien la position du prince était fausse, je résolus de faire cesser ce premier obstacle, et malgré sa persévérance à refuser de s'expliquer sur une résolution positive, réserve toute naturelle, je suggérai à des membres du Congrès l'idée de proposer son élection.
J'y réussi aisément, tant la candidature du prince avait fait de progrès dans l'opinion. La proposition suggérée par le Ministre et signée par quatre-vingt-quinze membres du Congrès fut déposée le 25 mai 1831. Favorablement accueillie dans les bureaux, elle fut mise à l'ordre du jour, et le 4 juin suivant, le prince Léopold fut élu roi des Belges par cent cinquante-deux suffrages. La discussion ne fut point passionnée. L’opposition, sauf quelques rares exceptions, n'était pas contraire au prince. C'est surtout contre la prévision d'un morcellement territorial qu'elle s'éleva, bien qu'on répondit que le choix du prince ne préjugeait rien à cet égard, qu'au contraire il pouvait, mieux que personne, si les résolutions des cinq cours n'étaient pas irrévocables, plaider la cause de l'intégrité territoriale.
La minorité, du reste, motiva son vote avec beaucoup de modération et de convenance et déclara que son opposition n'avait rien de personnel à l'illustre candidat.
Cette circonstance, non moins que l'imposante majorité qui s'était prononcée en sa faveur, flatta beaucoup le prince. Sa position ainsi régularisée et son titre pour s'intéresser à nos affaires étant devenu incontestable, le dévouement de S. A. R. à notre cause put désormais s'exercer ouvertement.
Le pays accueillit l'élection du Roi avec faveur, mais sans enthousiasme. On était plein de défiance depuis l'élection du duc de Nemours; on n'osait pas compter sur l'acceptation du prince.
Le Congrès nomma une députation de douze membres, pris dans
son sein, pour aller annoncer à S. A. R. la résolution qui l'appelait au trône
de
(page 138) J'envoyai au même instant à Londres MM. Devaux et
Nothomb, comme commissaires du Régent près de
Le nouveau Roi accueillit les députés et les commissaires
avec la plus grande affabilité et leur témoigna combien il était touché de
l'acte solennel qui lui déférait la couronne de Belgique; il exprima le regret
de ne pouvoir encore les recevoir officiellement et leur annonça qu'il allait
consacrer tous ses efforts à obtenir de
Ce fut plus particulièrement avec nos commissaires que Sa
Majesté examina les moyens d'obtenir de
Il faut lire dans le remarquable Essai historique de M. Nothomb les détails de cette négociation officieuse qui fut conduite avec autant de discrétion que de tact et d'habileté, et qui aboutit aux préliminaires de paix connus sous le nom des XVIII articles.
Cette nouvelle résolution ayant été arrêtée et communiquée
au prince par
Au jour marqué il reçut la députation et lui annonça qu'il
accepterait la couronne si le Congrès national croyait pouvoir (page 139)
adhérer aux nouvelles bases de séparation arrêtées par
Voici en quels termes le président du Congrès, M. de Gerlache, annonça au prince son élection comme Roi des Belges (voir Moniteur du 29 juin, séance du 28).
La députation du Congrès et les deux commissaires du Régent étant de retour à Bruxelles, je me disposai a faire en séance publique un rapport sur les négociations.
M. Ch. de Brouckere, mon collègue, voyant que les XVIII articles admettaient l'éventualité de quelques cessions de territoire dans la province de Limbourg dont il était l'un des représentants, offrit sa démission de Ministre des Finances et passa immédiatement dans l'opposition.
Voici le texte des XVIII articles (insérer).
Dès que j’eus pris connaissance de ce document, je me
confirmai dans l'idée que l'élection du nouveau Roi n'avait rien terminé; que
pour arriver a la consolidation du nouvel Etat belge, pour sauver
l'indépendance reconquise et assurer les résultats de
Je vis a l'instant que l'opposition serait ardente et
nombreuse; elle devait compter dans ses rang ceux qui, en (page 140) possession
du pouvoir, auraient pensé peut-être à la combinaison que j'avais amenée, mais
qui la condamnaient parce qu'elle n'était pas leur ouvrage; ceux qui s'étaient
prononcés pour la république; ceux qui désiraient une réunion à
Convaincu toutefois que le salut du pays était dans le
prompt avènement du Roi, et reconnaissant que sans l'adoption des bases de
séparation des deux fractions de l'ancien royaume des Pays-Bas, le Roi des
Belges ne serait reconnu par aucune puissance, que son élection deviendrait
nulle et caduque; convaincu en même temps qu'après cette dernière ressource, il
n'y avait plus pour
La répulsion d'ailleurs qu'avait excitée l'apparition de ces
préliminaires s'était un peu affaiblie, après un examen plus approfondi du
texte. Les dispositions relatives à la dette consacraient les principes que
nous avions toujours soutenus. Quant au territoire, l'article qui attribuait à
Je renvoie encore pour les détails de la négociation à l'Essai historique de M. Nothomb, chapitre XI; il prouve que j'étais parfaitement en droit de tenir alors le langage qu'on m'a si injustement reproché à propos du Luxembourg et de la dette, et que c'est sous les murs de Louvain et non à Bruxelles que (page 141) le sens des XVIII articles a été, sous ce rapport, altéré à nos dépens. C'est l'éternel vae victis !
Une stipulation beaucoup plus importante était celle qui concernait le Luxembourg.
Comme c'est surtout à propos du morcellement de cette province que j’ai été attaqué, je tiens à exposer les détails de la négociation qui avait pour but de la conserver intacte. On verra si j'ai eu raison de m'écrier en défendant les XVIII articles, que nous aurions le Luxembourg et que nous n'aurions pas la dette, et s'il y a eu justice et bonne foi à suspecter la sincérité et l'opportunité de ce langage (intercaler ici mes notes sur ce point) (Note de A. Freson : Je n’ai pas retrouvé ces notes dans les papiers de Joseph Lebeau).
La discussion des XVIII articles fut longue, vive, souvent orageuse. Après dix jours de débats passionnés, tumultueux, ces articles furent adoptés par cent vingt-six voix contre soixante-dix. On sait que le nombre total des membres du Congrès était de deux cents. M. Nothomb a rappelé un incident assez bizarre de cette discussion. Les XVIII articles furent adoptés, comme on l'a vu, par cent vingt-six voix et le Ministre qui les avait négociés et défendus obtint cent trente-sept voix pour faire partie de la députation chargée d'aller annoncer l'acceptation des XVIII articles au Roi et d'accompagner ce prince dans son voyage.
Ainsi onze opposants aux XVIII articles accordaient une marque de sympathie, de bienveillance, du moins, au Ministre contre lequel ils avaient voté.
Ceci prouve qu'il y avait des votes de position que le for intérieur désavouait. L'incident relevé par M. Nothomb me surprit d'autant moins que certains membres siégeant pour les provinces menacées de morcellement et qui venaient souvent me voir m'avaient confié que leur vœu était pour l'adoption des XVIII articles, mais que leur mandat leur paraissait ne pas comporter un vote approbatif. Ce fût (page 142) vainement que je combattis cette manière de considérer la mission de membre du Congrès belge. Je n'avais pas affaire seulement à des scrupules de conscience: la crainte d'une non-réélection à la nouvelle Législature exerçait aussi de l'influence sur l'esprit de quelques opposants. C'est là un des inconvénients du vote public, lequel en a moins cependant que le vote secret.
Malgré la véhémence des discours de l'opposition et la violence des journaux, qui presque tous repoussaient les préliminaires de paix, les XVIII articles furent accueillis avec faveur dans le pays. L'espérance revint dans les esprits et le calme se rétablit bientôt, comme cela arrive toujours après un résultat décisif, après un fait irrévocablement accompli. On aura une idée de la promptitude avec laquelle s'opéra ce revirement d'opinion par le fait suivant: huit jours avant l'adoption des XVIII articles, les esprits étaient tellement exaltés contre moi par les journaux et les discours de l'opposition que ma maison fut menacée de pillage et que, sur l'avis que m'en fit donner un adversaire loyal (M. Ch. de Brouckere), je jugeai prudent de faire déloger ma famille pendant la nuit qu'on semblait avoir choisie pour ces désordres. Ces projets, s'ils existèrent, furent déjoués par les mesures qu'adopta la police. Le lendemain du vote des XVIlI articles, le Ministre, naguère menacé de pillage, recevait des sérénades au milieu d'un immense concours de population, composé sans doute en grande partie des mêmes hommes qui huit jours auparavant le prenaient pour un traître!
Le public commença à s'occuper de l'arrivée prochaine du
Roi. Un reste de méfiance, résultat de mécomptes antérieurs, empêchait seul les
populations de se livrer sans réserve à la joie qu’un tel événement allait
bientôt causer. On avait tant entendu déclamer dans les derniers débats contre
la diplomatie, contre le machiavélisme de
La députation du Congrès partit immédiatement pour Londres.
Quelques jours avant mon départ, j'avais remis ma démission de Ministre dans les mains de M. le Régent.
J'avais été amené a cette résolution d'abord par une de ces exagérations de désintéressement qu'on peut trouver ridicules après coup, mais qui sont trop communes dans les temps de révolution, c'est-à-dire d'exaltation, pour paraître étranges, j'avais voulu surtout enlever a ceux qui combattaient les XVIII articles le texte d’un argument tout naturel consistant a rabaisser mes efforts pour en amener l'adoption aux proportions d'un ignoble calcul, d'une tentative de m'inféoder au pouvoir, de m'imposer en quelque sorte comme ministre au nouveau Roi, après le succès, comme récompense de la négociation que j'avais dirigée. Sa Majesté n'aurait guère pu, en composant son conseil, user d'une entière liberté d'action à mon égard. M. Devaux, qui n'était entré dans le Ministère que sur mes instances, se retira avec moi.
La députation du Congrès, composée de MM. le comte de Mérode, le baron d'Hooghvorst, de Muelenaere, Fleussu et Lebeau, fut d'abord reçue officieusement par le Roi. Sa Majesté, à qui nous peignîmes l'impatience que les Belges éprouvaient de la voir sur le sol national, nous apprit que déjà elle faisait ses dispositions et que dans peu de jours elle serait prête à quitter l'Angleterre. Le prince ajouta même en souriant qu'étant en train de déménager, il ne pouvait nous faire les honneurs de Londres, mais que la duchesse de Kent, sa sœur, le remplacerait. Le lendemain, en effet, nous fûmes invités à. dîner au palais de Kensington.
La duchesse nous reçut avec cette bienveillance et cette (page 144) grâce qu'ont pu apprécier ceux qui ont eu l'honneur de l'approcher. La princesse, depuis reine Victoria, traitée encore en enfant, ne parut qu'au dessert. Sa chevelure, qui déjà était celle d'une jeune fille, nous frappa par son abondance. De belles et soyeuses boucles blondes ornaient avec grâce un cou et des épaules d'une fraîcheur et d'une suavité qu'on ne voit que sous le soleil voilé de l'Angleterre. Pour paraître une charmante enfant, la princesse Victoria n'avait pas besoin du prestige des hautes destinées que déjà l'attente publique lui assignait.
Je revis à Londres lord Ponsonby.
« Je suis bien heureux de tout ce qui arrive, me dit-il; pour votre pays
d'abord, pour vous ensuite, » donnant à cette pensée une signification qui,
pour être dans les mœurs de l'Angleterre, ne me blessa pas moins. « Si j'avais
pensé à pareille chose, milord, répondis-je, je n'aurais jamais eu le courage
de braver l'impopularité momentanée de la cause que j'ai défendue. » Je le
remerciai du franc et loyal concours qu'il m'avait accordé. C'était justice. Ce
diplomate a été en Belgique l'objet des accusations les plus injustes. Envoyé
par
Chose bizarre ! pendant que1e noble lord était en Belgique
l'objet des accusations les plus passionnées,
Le meilleur moyen de consolider l'indépendance de
Au dîner offert par la duchesse de Kent à la députation belge, j'étais assis à côté d'une dame fort spirituelle qui voulut bien me faire la biographie de la plupart des convives - Qui est donc, lui dis-je, ce gros noireau marqué de petite vérole, aux cheveux abondants, crépus, laineux, à la voix rauque, au rire bruyant, aux manières de sergent-major ? - Celui-là, répondit mon interlocutrice, vous devriez bien le prendre pour en faire votre roi et nous laisser notre aimable Léopold. Je trouvais la plaisanterie d'assez mauvais goût; la dame s'en aperçut. - Ne vous scandalisez pas, dit-elle, s'il n'est de bonne mine, il est de très bonne maison et homme excellent. - Qui est-ce donc, lui dis-je, un peu impatienté ? - Ce n'est rien moins que l'empereur Don Pédro. Je regardai alors le personnage avec plus d'attention et je reconnus dans ses traits des signes d'intelligence et de bonté que mon cicérone, très ardente miguéliste, contestait vivement.
Nous nous mîmes en route pour Bruxelles de grand matin. Arrivés à Douvres, nous trouvâmes la garnison sous les armes et le nouveau Roi se vit l'objet d'honneurs qui se renouvelèrent sur toute la route. Embarqués sur un yacht de la maison royale anglaise, nous vîmes bientôt les côtes de France. Des que le bateau fut en vue d'un fort voisin de la côte de France, une salve qui en partit annonça que le Roi des Français faisait rendre au Roi des Belges les honneurs accordés aux têtes couronnées. Toute la population de Calais était sur les quais, les autorités en (page 147) tête. Léopold fut complimenté par le maire et par le général Belliard, arrivé le même jour de Paris avec notre ministre, M. Le Hon. Nous descendîmes à l'Hôtel Dessin, où, après avoir reçu les fonctionnaires, Sa Majesté dîna et admit à sa table la députation, les autorités civiles et militaires, le général Belliard et le ministre de Belgique à Paris.
Par les ordres du Roi, une immense table avait été dressée dans une des salles de l'hôtel pour les sous-officiers de la garnison et de la garde nationale. Les libations y furent sans doute fréquentes, car le bruit des toast, des colloques et d'une exubérante gaieté arrivait jusqu'à nous.
Le lendemain nous partîmes pour
Arrivés sur la frontière belge, le Roi fit arrêter sa voiture pour recevoir les félicitations des hauts fonctionnaires venus à sa rencontre et à la tête desquels se trouvaient M. le comte de Sauvage, Ministre de l'Intérieur, et le baron d' Hooghvorst, général en chef des gardes civiques du royaume. Cette première entrevue des autorités nationales et du nouveau Roi sur les bords de l'Océan, par un radieux soleil de juillet, en présence des autorités d'une nation voisine et amie, porta l'émotion dans tous les cœurs.
La première localité où le cortège royal s'arrêta fut la petite ville de Furnes; il est impossible de donner une idée de l'enthousiasme qui y accueillit le Roi. Jamais spectacle aussi touchant ne frappa mes yeux que l'expression de joie et de bonheur qui se peignait sur tous les visages. Rien d'officiel ni de factice dans cet accueil; tout y était vrai et spontané. Aucune instruction n'avait été donnée par le Gouvernement. Les populations avaient été livrées à elles-mêmes et firent mille fois mieux que les programmes officiels.
On voyait qu'à l'aspect de Léopold l'espérance et la sécurité succédaient à un profond découragement. Nous entendions s'écrier dans la foule: « Celui-là est bien à nous. Ce n'est pas (page 148) l'étranger qui l'impose et ce n'est pas pour l'étranger qu'il règnera. »
Je reconnus aussi dans ces populations des Flandres cet ancien culte de la puissance souveraine qu'elles surent toujours allier avec l'amour parfois turbulent de leurs franchises; je vis combien on eût fait violence aux mœurs, aux traditions du pays, si au lieu d'une monarchie on lui eût rendu une république, au lieu d'un prince qui lui rappelait ses comtes de Flandre et ses ducs de Brabant, on lui eût donné un président qui n'eût parlé ni à ses souvenirs, ni à son imagination et que personne n'eût compris. .
Nous fûmes tous frappés de la facilité avec laquelle Sa Majesté répondait aux discours des autorités. Ces réponses pleines de tact et d'affabilité augmentaient toujours l'enthousiasme que sa présence seule avait fait naître.
Pour moi, je l'avoue sincèrement, c'est les yeux vingt fois pleins de larmes, depuis Furnes jusqu'à Laeken, que je fis ce voyage. Ce n'est point toutefois la réception que le nouveau Roi reçut dans les villes qui excita le plus mon émotion; mais quand je voyais un curé de village, à cheveux blancs, au visage vénérable, venir saluer dans un prince luthérien le protecteur de l'indépendance belge, le restaurateur de notre vieille nationalité si longtemps perdue; ce mélange de patriotisme, qui se liait aux traditions du passé, et de tolérance, qui se rattachait aux principes libéraux de notre dernière révolution, me touchait profondément. Sans doute le spectacle de rentrée du Roi à Bruges et à Gand, magnifique, populaire, qui nous reportait aux temps de Philippe le Bon, de Marie de Bourgogne, d'Albert et Isabelle, contenait une grande puissance d'émotion; mais rien n'excita plus ma sensibilité que la vue de quelques cabanes éparses sur la grande route, dont les pauvres habitants avaient orné la façade de branches d'arbres, de guirlandes formées de quelques haillons lessivés à la hâte. Sur la porte de ces cabanes on voyait parfois une pauvre vieille en guenilles tenant un enfant demi-nu sur les bras et lui montrant le Roi, comme si l'aspect de (page 149) l'auguste personnage, précurseur de la paix, du calme, de la confiance et de la prospérité nationale, devait exercer une heureuse et sainte influence sur l'avenir du petit être placé sous son regard.
Le voyage du Roi fut un triomphe populaire jusqu'au palais de Laeken. Jamais je n'ai été témoin d'un spectacle plus attendrissant que celui de la joie populaire. Jamais l'aspect d'un souverain n'excita un enthousiasme plus sincère, plus spontané, plus général, plus éloigné de toute préparation, de toute excitation factice. Le bonheur était dans toutes les âmes. Les membres du Congrès qui quelques jours auparavant se montraient adversaires passionnés ne pouvaient se rencontrer dans les localités traversées par le cortège royal sans s'aborder en se serrant les mains et en s'embrassant, oubliant patriotiquement leurs querelles passées pour se rallier à celui que l'instinct des masses ainsi que la raison des hommes politiques rendue à elle-même proclamaient le consolidateur, sinon le sauveur de l'indépendance reconquise et des institutions libérales établies par la sagesse du Congrès.
Disons, pour être vrai, que les manières du nouveau Roi si puissantes de séduction, son accueil si affable, si bienveillant, son élocution toujours facile, ses réponses pleines de tact et qui attestaient fréquemment une rare connaissance de nos annales, contribuèrent beaucoup a ce résultat. Nous avons vu à Gand des fabricants connus comme orangistes, subjugués par le prestige qu'exerçait le prince sur tout ce qui l'approchait et lui faire les honneurs de leurs établissements comme s'ils avaient toujours été de chauds patriotes. En voyant avec quelle sollicitude éclairée le prince parlait de leurs souffrances, des moyens de les alléger, de son ferme désir d'y employer son influence personnelle et les forces de son Gouvernement, ils se dépouillaient comme par enchantement des préventions avec lesquelles ils l'avaient accueilli.
Nous arrivâmes à Laeken escortés de quelques centaines de voitures, d'une nombreuse cavalcade environnée de (page 150) milliers de piétons qui couvraient la route et faisaient la haie à plus de trois lieues en avant de Bruxelles jusqu'aux portes de la capitale. Nous trouvâmes au château beaucoup de membres du Congrès qui avaient quitté la séance du soir pour venir souhaiter la bienvenue au nouveau Roi. Je reconnus parmi mes collègues plusieurs des plus violents adversaires des XVIII articles et qui n'étaient pas des moins empressés autour de l'illustre voyageur.
Le Roi fut inauguré le 21 juillet 1831. Une journée superbe favorisa cette grande solennité nationale. Le Roi monta à cheval à la porte de Laeken et vint au pas jusqu'a la place Royale, suivi d'un brillant état-major, au milieu des bataillons de la garde civique et de la ligne qui faisaient la haie et le saluaient des plus vives acclamations.
Nous empruntons au Moniteur le compte rendu de cette belle et touchante cérémonie (ici le compte rendu) (Note de A. Freson : Ce compte-rendu n’a pas été copié).
Quelques jours après l'inauguration du Roi, MM. de Sauvage et Barthélemy se retirèrent du Ministère. Sa Majesté voulut bien me charger de lui composer un nouveau cabinet et insister pour que j'en fisse partie. J'acceptai cette mission en déclinant les offres qui m'étaient personnelles et motivant mon refus sur ma santé altérée par trois mois et demi de fatigues et d'émotions et sur la nécessité de laisser s'éteindre par ma retraite les haines qu'une lutte si passionnée et si récente encore avait soulevées contre moi.
Je pensai que l'arrivée du Roi devait être le signal d'une
réconciliation entre les diverses opinions qui s'étaient produites au Congrès
et ralliées à
Avec l'autorisation de Sa Majesté, j'offris le portefeuille des Finances a M. Osy, qui avait professé dans les premiers temps de son séjour au Congrès des opinions orangistes, mais qui depuis s'était ouvertement rallié â la candidature du prince de Saxe-Cobourg, avait fait l'éloge de Son Altesse (page 151) Royale, avait voté pour son élection et vivement défendu les XVIII articles. Il refusa et motiva son refus sur la nécessité de donner tous ses soins à sa maison de banque. Je fis ensuite des démarches auprès de M. Coghen qui, après beaucoup de difficultés, accepta les Finances.
J'eus plus de peine encore à décider M. Raikem à accepter le
portefeuille de
M. Raikem avait voté avec la minorité contre les XVIII articles.
J'offris le portefeuille des Affaires étrangères à M. de Muelenaere; défenseur chaleureux des XVIII articles; il fit aussi beaucoup de difficultés, mais je parvins à le décider.
Le cabinet se trouva donc ainsi constitué :
M. de Sauvage, à l'Intérieur;
M. Raikem, à
M. Coghen, aux Finances;
M. de Muelenaere, aux Affaires étrangères;
M. de Failly, à
Il paraissait difficile que M. de Sauvage, ami politique des anciens ministres, demeurât dans le conseil. Il comprit cette difficulté et ne tarda pas à prier Sa Majesté de vouloir bien accepter sa démission.
Quelques jours après l'inauguration du Roi, je vins reprendre à Liège l'exercice de mes fonctions d'avocat général. Sa Majesté ne tarda pas à venir visiter cette résidence; elle y arriva le …. août (Note de A. Freson : Le 1er août) 1831 et descendit chez M. le (page 152) baron Van den Steen, quoique ce personnage n'eût alors aucun caractère public (C'est en 1832 seulement qu'il fut nommé gouverneur de la province de Liège).
Le ... août (Note de A. Freson : Le 2 août), dans la soirée, je reçus de l'aide de camp de service l'invitation de me rendre immédiatement auprès de Sa Majesté: « Voyez, me dit le Roi, ce qui m'arrive pour ma bienvenue; » et en même temps le Roi me remettait une lettre du général Chassé, adressée au commandant militaire de la ville d'Anvers, qui s'était empressé de l'envoyer à Liège; elle annonçait la reprise prochaine des hostilités.
En me faisant cette communication, le Roi avait conservé ce calme, ce sang-froid qui ne l'abandonnèrent pas un seul instant dans le cours de la malheureuse campagne qui allait bientôt s'ouvrir: « Encore, dit-il, si j'avais pu consacrer quelques mois à l'organisation de l'armée, je ne craindrais pas la lutte. Peut-être faudrait-il s'en féliciter: l'armée et le pays s'attacheraient, par un succès, à leur nationalité naissante et au chef qui aurait combattu à leur tête; mais être pris ainsi au dépourvu, cela est malheureux!
« Que pensez-vous, me dit Sa Majesté, de l'état de
l'armée? La croyez-vous capable de soutenir le choc de l'ennemi, de se battre
en plaine? » (Note de A. Freson : D'après la
copie, le Roi aurait ajouté: « On m'écrit de Bruxelles qu'on peut attendre
beaucoup de nos troupes »). Je dis franchement ma manière de penser au Roi
(Note de Lebeau : On comprend que je n'ai nullement la prétention de
reproduire le texte de cet entretien ou de tout autre; j'en donne l'à peu près,
la substance): « Sire, l'armée ne manque ni d'ardeur, ni de courage. La garde
civique est animée d'un vif sentiment national; mais je ne puis cacher à Votre
Majesté que, malgré les efforts louables et persévérants des divers officiers
supérieurs qui ont dirigé le Département de
« - Votre conclusion? »
« - Ma conclusion, Sire, est qu'il faut à l'instant même expédier des estafettes à Paris et à Londres pour demander l'exécution des engagements contractés par ces deux puissances : la garantie de notre neutralité stipulée dans les XVIII articles. »
« - Il m’en coûte de recourir à ce moyen; j'aurais aimé à conduire notre armée au-devant des Hollandais. Un succès militaire produirait sur nos soldats et sur le pays tout entier l'impression la plus favorable à la nationalité et a la dynastie ; mais je crois comme vous que ce serait jouer là un gros jeu; comment faire? Je suis ici sans ministre! »
« - Sire, je me charge d'écrire a MM. Le Hon et Van de Weyer. Je suis sûr que ces Messieurs, en présence de la gravité des circonstances, ne s'arrêteront pas a l'absence d'une signature ministérielle et qu'ils engageront sans hésiter leur responsabilité personnelle. Si vos ministres à Bruxelles reculaient devant la détermination que je conseille a Votre Majesté, supposition que je ne saurais admettre, je prendrai la responsabilité de ce conseil en rentrant (page 154) jusqu'au terme de cette crise dans le cabinet en telle qualité qu'il vous plaira. »
« - Écrivez donc. De mon côté, je vais écrire au Roi des Français et en Angleterre. »
Une heure après cet entretien deux estafettes parties de Liège couraient à franc étrier vers Londres et Paris.
On sait quel fut le résultat de ces démarches. Le Ministère Périer, qui, au début de la session, venait d'essuyer un
échec et avait offert sa démission, la retira immédiatement et prit à l'instant
la résolution d'envoyer à marches forcées une armée en Belgique. Un Moniteur
extraordinaire annonça ces deux événements à
Sa Majesté m'invita à l'accompagner à Bruxelles et désira
que je fisse partie de son conseil. Les ministres, qui (page 155) approuvèrent
hautement les démarches faites à Londres et à Paris, avaient, de leur côté,
exprimé le désir que je devinsse leur collègue. Je ne crus pas, eu égard aux
circonstances, pouvoir refuser mon concours et j'entrai dans le cabinet comme
ministre sans portefeuille. J'y demeurai jusqu'à la retraite de l’armée
hollandaise, époque ou je crus pouvoir me retirer. Le cabinet venait de subir
une nouvelle modification. M. de Brouckere, qui avait passé quelques jours au
Département de l'Intérieur, vacant par le départ de M. de Sauvage, prit
définitivement le portefeuille de
M. Teichman, inspecteur général des ponts et chaussées, devint Ministre de l'Intérieur ad intérim.
J'avais eu l'honneur d'accompagner Sa Majesté à Anvers, où, par un noble mouvement, elle se rendit des son retour de Liége et où elle coucha le soir même du jour ou expirait l’armistice dénoncé par le général Chassé. Cette démarche, cette association à nos nouveaux périls fit sur la population d’Anvers, pleine d'anxiété, d'épouvante, un effet indicible qui se répandit aussitôt dans tout le pays.
D'Anvers nous nous rendîmes à Malines, puis à Louvain, où l'approche de l'ennemi engagea Sa Majesté il établir son quartier général. Le Roi, dont le courage et le calme ne se démentirent pas un instant, s'occupa (dans la copie : s’occupait sans relâche, avec le général Goblet et quelques autres officiers) activement du rassemblement et de la marche des troupes. Des instructions partaient à chaque moment de Louvain pour les chefs des corps. Chaque fois qu'il y avait une communication importante à faire au conseil, je me rendais à Bruxelles. J'y étais lorsque arrivèrent les premiers régiments de l'armée française ayant à leur tète le duc d'Orléans et le duc de Nemours. J'appris en même temps que la route de Louvain était interceptée et qu'il m'était impossible d'y retourner. J'attendis à (page 156) Bruxelles l'issue d'une lutte dont le dénouement ne me parut pas un instant douteux des que je connus l'entrée de l'armée française sur notre territoire.
Je renvoie aux publications contemporaines pour les détails
de cette courte et déplorable campagne. Je dois dire cependant, pour rendre
hommage a la vérité, que personne ne déploya, d'après nos vives et continuelles
instances, plus de zèle, d'activité et de dévouement pour organiser l'armée,
que mes deux collègues successivement Ministres de
L'armée hollandaise, qui avait occupé Louvain et qui
menaçait la capitale, s'arrêta des que le prince d'Orange, qui la commandait,
apprit l'arrivée en Belgique d'une armée française. Bientôt une suspension
d'armes fut signée entre les chefs des deux armées et l'ennemi quitta notre
territoire. On sait que peu de temps après les cinq puissances, constituées en
conférence, arrêtèrent les bases d'un traité entre
Les XVIII articles transformés en vingt-quatre dispositions
nouvelles devinrent le traité du 15 novembre 1831, connu sous le titre des XXIV
articles. Par ce dernier traité les cinq grandes puissances reconnurent
formellement l'indépendance de