(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 462) (Présidence de M. de Gerlache)
La séance est ouverte à midi. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes :
Le baron de Haverskerke, à Bruxelles, dénonce au congrès le tribunal de première instance séant à Gand comme coupable de forfaiture.
M. Ropoll fils, lithographe, et M. Joseph Witdock, tous deux demeurant à Anvers, prient le congrès d'accepter la dédicace de deux lithographies qui sortiront de l'établissement du premier et qui représenteront le bombardement d'Anvers et les ruines de l'entrepôt.
La régence de la ville de Perwelz prie le congrès de faire supporter par l'État l'entretien des routes dans la traverse des villes.
Plusieurs habitants de Ruremonde font connaître l'état de gêne dans lequel se trouve, par suite de la fermeture prolongée de la Meuse, tout l'arrondissement de Ruremonde.
M. Heerbrant, à Wacken, demande une pension comme membre de la Légion d'honneur.
Quarante-deux habitants de Noduwez demandent la séparation de leur commune d'avec celle de Linsmeau.
M. Gustave de Baelen, de Liége, aujourd'hui maréchal des logis au service de France, prie le congrès de le réclamer auprès du ministère de France, afin qu'il puisse venir se battre pour sa patrie.
Des propriétaires de forges à Charleroy adressent au congrès des observations concernant les droits sur les fers.
Un grand nombre d'habitants d'Ulestraten (Limbourg) témoignent leurs craintes de retomber sous le joug de la Hollande. (J. F., 7 fév. et P. V.)
- Il est arrivé au bureau six pétitions relatives au choix du chef de l'État ; elles seront déposées au bureau des renseignements ; les autres pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. le comte de Baillet, député du district de Nivelles, informant M. le président que des affaires particulières le forcent à donner sa démission. (J. F., 7 fév. et P. V.)
- Pris pour notification. (P. V.)
La commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants élus par le Brabant est invitée à s'occuper de la vérification des pouvoirs du suppléant qui doit remplacer M. de Baillet. (P. V.)
M. Raikem fait le rapport de la section centrale sur le titre VIII du projet de constitution : Dispositions transitoires.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. (P. V.)
M. de Tiecken de Terhove propose d'ajouter au titre V : De la force publique, la disposition additionnelle suivante :
« Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions qu'en vertu d'un jugement. » (A.)
- Cette proposition est appuyée. (C., 7 fév.)
M. de Tiecken de Terhove – (page 463) Messieurs, quand, hier, on a commencé la discussion sur le titre V de la constitution qui traite de la force publique, beaucoup de membres ignoraient que ce titre était à l'ordre du jour ; d'autres pensent, et je suis de ce nombre, qu'il n'a pas été annoncé la veille ; peu de membres avaient apporté le rapport de la section centrale, et devaient donc discuter, approuver ou rejeter les articles sur une simple lecture ; peu étaient préparés pour cette discussion, sauf quelques honorables membres qui ont le talent de l'improvisation ; aussi a-t-elle marché si lestement qu'il semblait qu'on voulait prendre les articles d'emblée : c'était un mouvement continuel de levés et assis, tellement les articles se succédaient rapidement. J'aurais désiré réclamer une garantie pour les militaires de tous rangs, c'est un acte de justice ; mais je n'en ai pas trouvé le temps : comme on n'a pas voté sur l'ensemble du titre, ce qui cependant, dans nos usages parlementaires, est de règle, je pense pouvoir encore aujourd'hui revenir sur ce titre et faire ma proposition. Je ne touche pas aux articles adoptés ; c'est un nouvel article à ajouter au titre V, si l'assemblée ne s'y oppose pas, et je ne puis le supposer quand il s'agit d'un principe de justice, d'un droit.
La section dont j'ai eu l'honneur de faire partie avait adopté cette disposition à une grande majorité ; la section centrale a été d'un avis opposé, et par conséquent l'a rejetée, arguant à tort qu'une pareille disposition pourrait être contraire à la discipline, et favoriser plus ou moins l'insubordination ; elle a trouvé, dans la liberté de la presse et la responsabilité ministérielle, une sauvegarde contre les abus du pouvoir.
La section centrale, lors de son rapport du chapitre : Du pouvoir judiciaire, n'a sans doute pas trouvé cette sauvegarde suffisante puisque, article 76, elle a adopté le principe « qu'aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement ; » j'ai donc lieu de m'étonner qu'elle l'ait trouvée suffisante quand il s'est agi du militaire : je désirerais qu'elle voulût bien m'expliquer les motifs de cette contradiction.
Et qu'on ne vienne pas m'alléguer ici que cette disposition relâcherait la discipline : il ne s'agit pas de discipline, pour laquelle il existe des lois pénales, mais d'un droit, d'un droit sacré ; il faut une garantie aux braves qui se dévouent à la défense de la patrie, pour leurs honneurs, leurs grades, leurs traitements, leurs pensions. Comment, messieurs, ceux qui consacrent toute leur vie, toute leur existence au noble métier des armes, qui répandent leur sang, exposent leur vie pour la défense commune, pour l'honneur national, se verraient donc sans cesse exposés aux caprices de l'arbitraire, aux abus du pouvoir, et, après avoir suivi avec loyauté une carrière aussi périlleuse qu'honorable, après avoir versé leur sang, perdu leurs membres, leur santé, pourraient donc encore être exposés à voir leur existence compromise, et perdre les sacrifices de toute une vie consacrée à la défense de la patrie ! Non, messieurs, vous êtes trop justes, trop équitables pour ne pas consacrer cette disposition dans la constitution, et vous n'abandonnerez pas le sort de nos braves à la variation d'une loi ; vous ne ferez pas moins pour eux, qui méritent toute votre sollicitude, que pour les membres du pouvoir judiciaire. (U. B., 7 fév.)
M. le président – M. de Tiecken de Terhove semble me faire quelques reproches. Messieurs, vous savez que le président n'est que l'organe de l'assemblée, et, si vous allez vite, force est à votre président de marcher avec vous. (U. B.. 7 fév.)
M. Fleussu, rapporteur du titre V – La proposition de M. de Tiecken avait été faite par une section. La section centrale a cru devoir l'écarter, dans la crainte de favoriser l'insubordination, et dans les circonstances actuelles, pour que le gouvernement puisse retirer aux officiers incapables et indignes, la confiance qu'il leur a trop légèrement accordée. Les événements de Gand justifient les prévisions de la section centrale. (C.,7 fév.) (Note de bas de page : Le 2 février, le lieutenant-colonel Ernest Gregoire, à la tête d'une poignée d'hommes, était entré dans la ville de Gand pour faire une contre-révolution en faveur de la maison de Nassau. Déjà il avait envahi l'hôtel du gouverneur, M. le baron de Lamberts. Celui-ci lui refusa de proclamer le prince d'Orange ; aussitôt après, la bande de Grégoire fut dispersée à coups de mitraille par la petite troupe de pompiers accourue sous les ordres de son colonel, M. Van de Poele. A la suite de ces événements, le gouvernement provisoire publia la proclamation suivante : « Belges, un étranger que la révolution avait naturalisé parmi vous, et que vous aviez accueilli comme un frère, vient de répondre à votre confiance par une tentative de révolte !
« Le lieutenant-colonel Ernest Grégoire, à la tête d'une troupe d'hommes qu'il avait séduite, s'est porté sur Gand ; il voulait y proclamer un prince dont le peuple et le congrès national ont prononcé l'exclusion.
« Le courage des pompiers gantois et des chasseurs de Bruxelles, soutenu par la fidélité de la population et par l'énergie des chefs civils et militaires, a fait prompte justice de cette trahison.
« La peine suivra le crime, et cet odieux attentat est le dernier effort des ennemis de notre repos et de nos libertés.
« Belges, vos destinées sont sur le point d'être fixées : aussi calmes après la victoire que vous avez été courageux dans le combat, vous recevrez avec confiance la décision suprême du concrès national , et votre patriotisme saura le faire respecter.
« Bruxelles, le 5 février 1831.
« Baron VAN DEN LINDEN D 'HOOGHVORST, Comte FELIX DE MÉRODE, Ch. ROGIER, ALEX. GENDEBIEN, SYLVAIN VAN DE WEYER.» (J.F.,_(éY.))
M. de Robaulx – On ne peut laisser au pouvoir à venir le droit d'ôter aux braves qui ont versé leur sang pour la patrie, soit leurs grades, soit leurs pensions ; ce serait arbitraire. J'appuie la proposition. (U. B., 7 fév.)
M. Forgeur – (page 464) Il ne faut pas, parce que quelques fautes ont été commises dans les nominations, ne pas consacrer un principe qui est de toute justice. (J. B., 7 fév.)
M. Jottrand – Je me rallierai à l'article additionnel proposé par M. de Tiecken de Terhove en faveur des officiers de l'armée, s'il consent à substituer les mots : que de la manière déterminée par la loi, à ceux-ci : que par un jugement. Les grades et pensions des officiers de l'armée, y compris les volontaires, seront mieux garantis par cette disposition, et nous éviterons ainsi l'obligation de faire une loi particulière pour déterminer, sans délai, dans quel cas il y aura lieu à jugement contre les officiers de l'armée, et de quelle manière ces jugements devront être rendus. (C., 7 fév. et A.)
M. Fleussu regarde ce sous-amendement comme inutile et superflu. (J. F., 7 fév.)
M. Destouvelles veut qu'on demande au gouvernement provisoire si les nominations faites sont provisoires : dans ce cas, il ne peut appuyer la proposition. (J. F., 7 fév.)
M. Lebeau appuie l'amendement de M. Jottrand. Il peut être nécessaire de réviser la liste des pensions militaires et de les réduire. Certes, cela ne peut s'opérer en vertu d'un jugement. Il faut une loi pour effectuer cette réduction. Il pourrait également arriver qu'il fût nécessaire d'abaisser le chiffre de l'armée. Cela ne peut encore s'effectuer qu'en vertu d'une loi. (C., 7 fév.)
M. de Tiecken de Terhove se rallie au sous-amendement de M. Jottrand. (J. B., 7 fév.)
- L'article additionnel de M. de Tiecken de Terhove, amendé par M. Jottrand, est adopté et sera placé après l'article 7 du titre V. (P. V.)
M. Van Snick propose l'article suivant additionnel à la disposition finale du titre VI :
« Les pouvoirs constitutionnels n'existant que par la constitution, ils ne peuvent dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, en suspendre l'action. » (A.)
- Cette disposition est appuyée. (C., 7 fév.)
M. Van Snick la développe – Messieurs, l'idée de ma proposition n'est pas mienne ; je l'ai empruntée au grand écrivain, au publiciste distingué à la mort duquel nous avons naguère donné de si sincères regrets : et certes une disposition que Benjamin Constant a cru nécessaire d'insérer dans son projet de constitution ne peut manquer de vous paraître utile.
Vous le savez, messieurs, tous les pouvoirs qui se sont succédé en France ont tour à tour violé et suspendu les constitutions qui devaient régir immuablement ce pays, et ce, en invoquant chaque fois la grande loi : Salus populi suprema lex esto. Comme si le salut du peuple n'était pas toujours attaché à l'inflexible exécution des lois, et surtout de la loi fondamentale.
La proposition que je vous ai soumise, et sur le mérite de laquelle vous prononcerez, n'a d'autre objet que de prévenir ces infractions, ces suspensions et ces coups d'État, dont je viens de parler. Quant à la rédaction, je n'y tiens pas, elle n'est pas mon ouvrage ; c'est, comme j'ai eu l'honneur de le dire en commençant, une disposition constitutionnelle que j'ai prise tout entière dans Benjamin Constant. Si vous croyez devoir en modifier le texte, je me rends d'avance à toute rédaction que vous trouverez convenable. Ce à quoi j'attache surtout de l'importance, c'est à la voir faire partie de notre constitution. (U. B., 7 fév.)
M. de Robaulx – Une constitution ne peut être violée que par un coup d'État ou une révolution. Toute disposition prohibitive me paraît illusoire. (J. B., 7 fév.)
M. le baron Beyts – On pourrait cependant suspendre la constitution sous prétexte de l'améliorer, comme il est souvent arrivé. On pourrait dire :
« La constitution ne peut être suspendue sous aucun prétexte. » (J. B., 7 fév. et A.)
M. Raikem, rapporteur – (page 465) Le but de cet amendement est de prévenir qu'aucun pouvoir constitutionnel ne suspende la constitution ; je l'appuie. (J. F., 7 fév.)
M. Van Snick – Le but de la proposition est de prévenir ce qui est arrivé en France sous la république. On y a plus d'une fois suspendu la constitution dans plusieurs départements désignés dans une loi. Je me joins à l'amendement de M. Beyts. (J. B., 7 fév.)
M. Surmont de Volsberghe – Si on trouve bon de suspendre l'exécution par la loi, c'est que la majorité de la représentation nationale le veut. (J. B., 7 fév.)
M. Lebeau se prononce vivement pour l'adoption de l'amendement. Il ne faut, dit-il, négliger aucune garantie, et prévenir jusqu'à la possibilité d'une violation. Si la charte française avait contenu un semblable article, jamais les ministres de Charles X n'auraient pu trouver un prétexte pour suspendre la charte. (C., 7 fév.)
M. Jottrand demande qu'au lieu de : Sous aucun prétexte, on dise : sous aucun motif ; il fait observer que si l'on veut violer la constitution, on dira qu'il y a un motif et qu'il n'y a pas de prétexte. (C., et U. B., 7 fév.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII – En admettant l'amendement, on abolit l'article de je ne sais quel Code, qui permet la mise en état de siège des places fortes. (J. F., 7 fév.)
M. le baron Beyts propose la rédaction suivante :
« La constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie. » (A.)
- La disposition additionnelle ainsi rédigée est mise aux voix et adoptée, et forme l'article 6 du titre VI. (P. V.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du titre premier du projet de constitution : Du territoire et de ses divisions. (C., 7 fév.)
La discussion continue sur l'article premier, qui est ainsi conçu :
« Art. 1er. La Belgique est divisée en provinces.
« Ces provinces sont Anvers, le Brabant, le Hainaut, la Flandre orientale, la Flandre occidentale, Liége, le Limbourg, le Luxembourg, Namur, sauf les relations du Luxembourg avec la confédération germanique. » (A. C.)
M. Allard propose l'amendement suivant : « La Belgique est divisée en provinces.
« Ces provinces sont : Anvers, le Brabant, la Flandre occidentale, la Flandre orientale, le Hainaut, Liége, le Limbourg, le Luxembourg, sauf ses relations avec la confédération germanique, Namur et Tournay.
« L'étendue et les limites de cette dernière province seront fixées par la loi. » (A.)
M. Masbourg propose d'ajouter à l'article premier :
« La province de Hainaut, et celle de Luxembourg peuvent être divisées, s'il y a lieu, chacune en deux provinces. » (C., 1 fév.)
M. Du Bus propose le paragraphe additionnel suivant :
« Il appartient à la loi de diviser, s'il y a lieu, le territoire en un plus grand nombre de provinces. » (A.)
Cet amendement obtient la priorité. M. Du Bus le développe. (C., 1 fév.)
M. Forgeur – La proposition de M. Allard tend à nous faire décider dès à présent une question pour laquelle nous avons besoin des éclaircissements du ministre des finances, du ministre de l'intérieur, et du gouverneur du Hainaut. Je pense qu'il faut l'abandonner à la législature et j'appuie l'amendement de M. Du Bus. (J. B., 1 fév.)
M. Jottrand – A l'appui de l'amendement de M. Du Bus, je ferai valoir une considération essentielle. On a beaucoup parlé, dans cette enceinte et au dehors, de la possibilité d'abolir plus tard les commissariats de district. Cette abolition serait impraticable dans des provinces aussi étendues et aussi peuplées que les deux Flandres par exemple. Ces deux provinces comptent ensemble quatorze cent mille habitants. Si vous voulez laisser à la législature la décision de la question de savoir si les commissariats de district peuvent être abolis, vous devez lui laisser aussi la faculté de diviser, sous le rapport administratif le territoire du royaume autrement qu'il ne l'est aujourd’hui. (C., 1 fév.)
- La proposition de M. Du Bus est adoptée, ainsi que l'article premier. (P. V.)
M. Allard et M. Masbourg retirent leurs amendements. (C., 7 fév.)
(page 466) « Art. 2. Les subdivisions des provinces, soit pour l'administration, soit pour la justice, ne peuvent être établies que par la loi.» (A. C.)
M. Lebeau – On pourrait en induire, en argumentant a contrario, qu'on ne pourrait pas établir de subdivisions pour d'autres objets ; par exemple pour la milice : Je propose donc cette rédaction :
« Les subdivisions des provinces ne peuvent être établies que par la loi. » (J. B., 7 fév.)
- L'article ainsi amendé est adopté. (P. V.)
« Art. 3. Les limites de l'État, des provinces et des communes ne peuvent être changées ou rectifiées qu’en vertu d'une loi. » (A. C.)
- Cet article est adopté sans changement. (P. V.)
M. Lebeau – Messieurs, nous avons posé à l'article 3, section 2, chapitre 1, titre III, le principe que les sénateurs seraient nommés pour un terme double de celui qui est déterminé pour les fonctions de député. Il me semble que le moment est venu de combler la lacune de l'article 3.
Je propose donc de remplacer cet article par le suivant : « Les sénateurs sont élus pour huit ans ; ils sont renouvelés par moitié tous les quatre ans, d'après l'ordre des séries déterminé par la loi électorale.
« En cas de dissolution, le sénat est renouvelé intégralement. »
- L'honorable membre développe son amendement. (C., 7 fév. et A.)
M. Forgeur l'appuie. (C.. 7 fév.)
- L'article proposé par M. Lebeau est mis aux voix et adopté. (P. V.)
On passe à la discussion de l'article 12 du titre II du projet de constitution, tel qu'il a été amendé par la section centrale ; en voici les termes :
« L'État ne peut intervenir dans la nomination et l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de pressé et de publication. » (P. V., et A. C.)
M. Le Grelle (page 467) s'oppose à ce que la discussion de l'article 12 ait lieu avant le retour de la députation, afin que tous les membres soient présents, vu l'importance de l'article. (Oh ! oh !) (U. B., 7 fév.)
M. Lecocq dit qu'il faut attendre que tous les membres soient présents. (Non ! non !) Ils viendront, messieurs, si l'on fixe un jour. (U. B., 7 fév.)
M. Lebeau – Il demande la discussion immédiate. (J. F., 7. fév.)
M. Forgeur – La question est d'un trop grand poids pour qu'on procède sans examen à la discussion ; je désire que tous les membres puissent y assister. (J. F., 7 fév.)
M. le comte Duval de Beaulieu demande que la discussion de l'article 12 soit remise jusqu'après le retour de la députation du congrès à Paris. (J. F., 7 fév.)
M. Van Snick désire que l'on fixe un jour pour cette discussion, et dit que les membres, avertis par les journaux, se rendront à leurs postes. (U. B., 7 fév.)
M. Alexandre Rodenbach veut faire fixer la discussion à lundi. (C'est trop tôt.) (U. B., 7 fév.)
M. Trentesaux croit qu'il faut attendre le retour de la députation. (Oh ! oh !) (U. B., 7 fév.)
M. Forgeur demande qu'on ajourne la discussion, ou que, si l'on y passe immédiatement, on se relâche un peu des exigences des deux côtés ; car cette question est d'une haute importance, et il est à désirer que l'on ne perde pas de vue l'état social où nous nous trouvons. (U. B., 7 fév.)
M. Alexandre Rodenbach – Si vous persistez à remettre de nouveau cette importante discussion, grand nombre de députés sont décidés à quitter Bruxelles dès aujourd'hui ; ce prompt départ apportera des obstacles à l'achèvement de notre pacte constitutionnel, qui n'exige plus que quelques jours de travail. (J. F., 7 fév.)
M. Charles Rogier – Nous avons pris l'engagement de terminer la constitution dans le plus bref délai ; procédons à la discussion de tous les articles, afin qu'elle soit achevée promptement. (J. F., 7 fév.)
M. le comte de Quarré et M. Raikem appuient le préopinant. (J. F., 7 fév.)
M. Du Bus – Il n'est pas douteux que l'article 12 n'ait produit un mauvais effet en Belgique. (Oh ! oh !) Je désire donc qu'on en renvoie la discussion à huitaine. (U. B., 7 fév.)
M. Jottrand répond à M. Dams. (U. B., 7 fév.)
M. le baron de Sécus (père) et M. Destouvelles prennent la parole. (E., 7 fév.)
- L'assemblée décide que la discussion de l'article 12 aura lieu immédiatement. (J. F., 7 fév.) (Note de bas de page : L’ouvrage d’HUYTTENS reprend en note un discours de l’abbé de Foere sur la question du mariage ; « ce discours a été présenté aux membres du congrès national, comme mémoire à consulter avant la discussion de l’article 12. » Ce mémoire n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
M. Forgeur (page 468) propose d’ajouter à la rédaction présentée par la section centrale une disposition ainsi conçue :
« Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu. » (A.)
(page 469) – Cet amendement est appuyé. (C. 7 fév.)
M. Lebeau appuie la proposition de M. Forgeur parce qu’elle lui parait réunir tout ce qu’il y a de bon et de sage dans les deux opinions. (U. B., 7 fév.)
M. l’abbé Joseph de Smet (page 470) demande le retranchement des mots : S’il y a lieu. (Oui ! oui ! Non ! non !) (U. B., 7 fév.)
M. Destouvelles – L’amendement de M. Forgeur ne me satisfait pas complètement ; la rédaction proposée nous laisse sous le coup de l’arrêté du 16 octobre du gouvernement provisoire. Je demande que l’arrêté soit d’abord rapporté. (U. B., 7 fév.)
M. le président – Vous n’avez pas bien compris l’article additionnel. (U. B., 7 fév.)
M. Destouvelles – Je me range à l’amendement, (page 471) s’il est entendu qu’il détruit l’arrêté du 16 octobre. (Oui ! oui !) Je demande alors que cela soit inséré au procès-verbal. (U. B., 7 fév.)
M. de Robaulx – Messieurs, lorsque j'ai porté la parole dans la première discussion sur l’article 12, je m'étais prononcé pour une séparation entière des affaires civiles et religieuses ; j'ai toujours pensé et je pense encore que l’on a exagéré les inconvénients que l'on prétend voir dans la possibilité de contracter le mariage religieux avant l'acte civil. Rien de ce que nous faisons n'est parfait, mais je suis très tranquille sur les prétendus abus.
Cependant, comme les membres de cette assemblée. les catholiques, qui ont le plus d'intérêt à conserver les principes de la liberté religieuse intacts, paraissent ne pas s'opposer à l'amendement qui, selon moi, y déroge, je ne serai pas plus exigeant qu'eux, et je m'y rallierai.
Je ne descendrai pas de cette tribune sans protester contre la manière dont on a interprété et rendu mes paroles lorsque j'ai prononcé un premier discours sur cette matière ; On a supposé, et les journaux ont répété que j'avais dit n'avoir aucune religion. Messieurs, vous avez entendu que je n'ai jamais tenu un pareil langage, qui ne serait d'ailleurs pas conforme à la vérité ; dans cette occasion je parlais pour la liberté complète des cultes ; j'ai cru devoir ajouter que mon opinion méritait d'autant mieux d'être prise en considération que j'appartiens, non pas à la fraction catholique de l'union belge, mais à la fraction libérale, ce qui m'a fait ajouter que j'étais philosophe avant d'être catholique, Mais, vous le savez, messieurs, jamais, je n'ai dit ni entendu dire que je n'avais pas de religion. (Marques générales d'assentiment dans l'assemblée.) (U. B., 7 fév.)
M. Charles Rogier veut la liberté générale ; l'article en discussion blesse la liberté religieuse, mais, par esprit de conciliation, il votera pour l'adoption. (U. B., 7 fév.)
M. Jottrand – Le préopinant a cru devoir motiver son vote sur ce célèbre article 12, qui est enfin mis aux voix. Je désire autant que personne voir se terminer les débats sur cet article, mais je dois déclarer que l'amendement de M. Forgeur n'aura pas mon assentiment. Plusieurs peuvent craindre d'admettre dans son entier un principe juste, parce qu'il peut avoir momentanément quelques conséquences nuisibles, Leur raisonnement aurait pu s'appliquer à bien d'autres articles de notre constitution qu'à cet article 12. Ils n'ont pas cru devoir alors faire valoir les motifs qu'ils élèvent aujourd'hui, Pour ma part, je ne veux pas encourir le reproche d'inconséquence. La séparation absolue des affaires civiles et des affaires religieuses me paraît utile, me paraît juste. Je voterai donc contre l'amendement de M. Forgeur. (C., 7 fév.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (U. B., 7 fév.)
La disposition additionnelle de M. Forgeur est adoptée. (P. V.)
M. le président – Je vais mettre aux voix l'article en entier. (C., 7 fév.)
M. le baron Beyts propose de retrancher la première disposition de l'article 12 et de laisser aux lois postérieures le soin de déterminer les relations avec le siège de Rome ; cet article, dit-il, est inutile, car on a consacré la liberté entière des cultes ; il est défectueux, car il abolit le concordat de 1801. (Hilarité.) (C., 7 fév.)
- Cet amendement n'est pas appuyé, (C., 7 fév.)
M. Forgeur demande l'adoption de l'article 12, comme formant une exception salutaire à la règle générale. (J. F. 7 fév.)
- La clôture est demandée de toutes parts. (J. B., 7 fév.)
M. Trentesaux propose de dire ; l'Etat n'a pas le droit, au lieu de : l'État ne peut. (C., 7 fév.)
M. Destriveaux appuie cet amendement, réfute les arguments de M. Beyts, étant convaincu que l'article ne préjudicie en rien au concordat, et qu'il n'est nullement hostile à la cour de Rome ; il ne faut être en hostilité avec aucune cour ! (U. B., 7 fév.)
M. le baron Beyts veut répondre. (La clôture ! la clôture !) (C., 7 fév.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (C., 7 fév.)
L'amendement de M. Trentesaux est également mis aux voix et adopté avec le premier paragraphe de l'article 12. (P. V.)
On met ensuite aux voix l'ensemble de l'article 12, dont voici les termes :
« L'État n'a pas le droit d'intervenir dans la nomination et l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.
« Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu. »
- Cet article est adopté. (Marques de satisfaction de la part de plusieurs membres.) (J. B., 7 fév. et P. V.)
- Sur la demande de M. Destouvelles, (page 472) on décide qu'il sera inséré au procès-verbal qu'en admettant la rédaction qui remplace l'article tel qu'il a été originairement présenté, l'assemblée entend que l'arrêté du gouvernement provisoire du 16 octobre 1830 est, en ce qui concerne la matière, considéré comme rapporté et non avenu. (P. V.)
On passe à l'article 16 du titre II (devenu article 17) dont la décision a été ajournée, cet article ayant été considéré comme se rattachant à l'article 12.
« Art. 16. Les Belges ont le droit de s'associer. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.
« Les associations ne peuvent être considérées comme personnes civiles, ni en exercer collectivement les droits, que lorsqu'elles auront été reconnues par une loi et en se conformant aux conditions que cette loi prescrit.
« Les associations constituées personnes civiles ne peuvent faire aucune acquisition à titre gratuit ou onéreux, qu'avec l'assentiment spécial du pouvoir législatif.
« Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux sociétés civiles ou commerciales ordinaires, lesquelles sont régies par les Codes civil et de commerce. » (P. V., et A. C.)
M. le baron de Pélichy van Huerne présente l'amendement suivant :
« Les Belges ont le droit de s'associer. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.
« Les associations se consacrant au soulagement de l'humanité souffrante, se feront reconnaître par la loi comme personnes civiles, seront autorisées à acquérir leurs habitations. et locaux qui pourront être nécessaires au but de l'association ; elles pourront de même posséder les biens immeubles ou rentes, qui leur seront dévolus, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux : ce à charge d'en donner connaissance au pouvoir législatif, qui statuera en cas qu'un tiers se trouvât lésé.
« Les associations se dévouant à l'éducation gratuite des indigents se feront reconnaître par la loi comme personnes civiles, seront autorisées à acquérir leurs habitations et locaux nécessaires au but de l'association. De plus elles pourront posséder en immeubles ou rentes jusqu'à la concurrence de 150 florins par an et par individu en forme d'alimentation. »
(Le reste de l'article comme dans le projet.) (A.)
M. Lebeau propose de remplacer les deux derniers paragraphes de l'article par une disposition ainsi conçue :
« La loi réglera l'ordre d'acquisition et de transmission des propriétés des associations, s’il y a lieu. » (A.)
M. Seron demande le retranchement de l’article (C., 7. fév.) (C., 7 fév.)
M. Van Meenen propose la suppression des trois derniers paragraphes de l'article 16. (A.)
M. l’abbé de Foere demande de remplacer cet article par la disposition suivante :
« Les Belges ont le droit de s'associer comme ils l'entendent. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.
« Les associations de bienfaisance pourront se constituer personnes civiles et en exercer collectivement les droits. Cependant, possédant, indépendamment de leurs locaux d'habitation, un revenu de fl. 200 par tête, elles ne pourront l'augmenter qu'avec l'assentiment du pouvoir législatif.
« Les autres associations pourront posséder, comme personnes civiles, leur local d'habitation.
« Les dispositions qui précèdent ne sont applicables ni aux associations qui importent leurs capitaux ou leurs revenus de l'étranger ; ni aux sociétés civiles et commerciales ordinaires, lesquelles sont régies par les Codes civil et de commerce. » (A.)
M. Le Grelle propose un amendement conçu en ces termes :
« Les Belges ont le droit de s'associer comme ils l'entendent. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.
« Pour que les associations soient considérées comme personnes civiles et pour qu'elles en exercent collectivement les droits, il suffit qu'elles fassent conster de leur existence au pouvoir exécutif, qui leur délivrera le certificat que cette formalité a été remplie. Cette formalité emporte le droit d'acquérir une habitation pour les associés, ou tel local qui pourra être nécessaire au but de l'association. Pour faire d'autres acquisitions de biens immeubles ou de rentes hypothéquées, à titre onéreux ou gratuit, les associations devront avoir l'assentiment spécial du pouvoir législatif. » (A.)
M. Zoude (de Namur) présente un amendement ainsi conçu :
« Les associations ne pourront être considérées comme personnes civiles, ni en exercer collectivement les droits.
« Les établissements de bienfaisance et de charité sont exceptés de cette disposition. La loi règlera l'acquisition et l'aliénation de leurs biens. » (A.)
M. de Robaulx propose de supprimer les mots : (page 473) que lorsqu'elles auront été reconnues, etc., jusques et inclus ceux : qu'avec l'assentiment spécial du pouvoir législatif. (A.)
- La priorité est accordée à la proposition de M. Seron. (C., 7 fév.)
M. Seron – Messieurs, en lisant l'article 25 du projet de constitution, ouvrage d'une commission qu'avait nommée le gouvernement provisoire, je me suis demandé si le besoin d'association est bien du siècle présent, et par quels symptômes on l'a vu se manifester ; ou, pour mieux dire, je me suis fait cette question : Est-il nécessaire (il faut trancher le mot) qu'il y ait aujourd'hui dans la Belgique des jésuites, des moines riches, pauvres, encapuchonnés, blancs, noirs, barbus ou non barbus, chaux ou déchaux ? Car j'ai vu dans cet article 25 le dessein de les rétablir.
J'avoue, messieurs, que je ne partage point, quant à leur utilité, les sentiments d'un honorable diplomate notre collègue, qui, à cette tribune même, a montré tant de sympathie pour les révérends pères capucins.
Il faut être juste, les premiers moines qui parurent dans l'Occident rendirent de véritables services au genre humain. Ils furent utiles à l'agriculture, parce qu'ils défrichèrent la terre de leurs propres mains ; à l'humanité, parce que, souvent, leurs cloîtres servirent d'asile au malheur ; à l'instruction, parce que l'ignorance était universelle et qu'ils étaient les seuls qui sussent lire ; à la religion qui, prêchée par eux, adoucit les mœurs sauvages et féroces de l'Europe.
Mais plus tard et quand ils se furent multipliés à l'infini, quels maux ne causèrent-ils pas à la société, à la morale, à la religion elle-même, par leur avidité, leur fanatisme, leurs disputes théologiques, leur dépravation et les guerres nombreuses qu' ils firent naître !
A quoi serviraient-ils aujourd'hui ? La religion a-t-elle besoin d'eux ? Ne peut-elle se soutenir sans leur secours ? sont-ils nécessaires au service des autels ? Les séminaires ne nous donnent-ils pas assez de prêtres ? Faut-il des dominicains dans un pays qui a toujours détesté l'inquisition ? Que ferions-nous des pères de la foi ? Notre commerce ne peut-il fleurir sans un révérend père Lavallette ? La morale publique est-elle en danger faute d'un révérend père Molina ? Est-il indispensable au bonheur du peuple que notre roi futur ait pour confesseur un révérend père Letellier ? Enfin, voulons-nous des missions ? mais on sait quels fruits on en a recueillis dans un pays voisin, et si nous devons regretter qu'elles n'aient pas franchi les frontières du nôtre.
Pauvres, les moines seront à la charge de la société, qui devra les nourrir. Ainsi la gueuserie redeviendra une profession ; vivant d'aumônes, ils offriront au peuple l'exemple dangereux et contagieux de la fainéantise ; au lieu qu'il faut lui apprendre sans cesse que le travail ennoblit l'homme et contribue à son bonheur, et qu'au contraire l'oisiveté, mère de tous les vices, le dégrade, l'avilit et le rend malheureux. Mais comment accorder l'existence des frères quêteurs avec les lois répressives de la mendicité, véritable lèpre du corps social ?
Que si les moines deviennent riches, ce sera encore aux dépens du public. Pour arriver à leur but, ils mettront en œuvre, au détriment des mœurs, les intrigues, les ruses, la fraude dont jadis leurs devanciers se servirent avec tant de succès. Ces donations arrachées à la faiblesse, par lesquelles, afin d'expier leurs fautes et de mériter le ciel, d'imprudents pères de famille dépouillèrent leurs propres enfants, quelles en seront les suites ? La diminution de la circulation, des mutations et des impôts et, à la longue, la concentration, dans un petit nombre de mains, d'une masse énorme de propriétés. Ces craintes ne sont-elles pas eu effet justifiées par tout ce qu'on a vu en France sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X ?
Cependant, si aujourd'hui les richesses sont plus également réparties ; si les lumières, les sciences, les arts, l'industrie ont reçu un immense développement ; si l'on trouve dans les masses une aisance et une instruction plus générales, moins de nécessiteux, moins de vices, moins de crimes ; si, en un mot, la condition de l'homme s'est améliorée, particulièrement en France et dans la Belgique, la cause n'en est-elle pas dans la division de la propriété ? et cette division n'a-t-elle pas elle-même sa source principale dans la suppression des moines suivie de la vente de leurs immenses possessions ? Pour sentir combien leur rétablissement serait funeste, il suffit donc de comparer le temps présent avec le temps où ils existaient encore en France et ici.
Je me trompe : il faut encore comparer la situation présente de ces deux pays, avec la situation présente de l'Espagne. La stérilité de son sol, la misère et l'esclavage du peuple qui l'habite, ne sont-ils pas dus à la présence des moines qui y pullulent, véritable vermine du corps social qui consomme sans produire et vit des sueurs d'un peuple qu'elle tient dans l'ignorance et l'abrutissement ?
Enfin, une corporation d'individus, soumis à (page 474) de certains vœux que la loi ne peut reconnaître, ayant un chef hors de la société civile, et, par cela même, contraire à la société civile, se composant de membres étrangers aux devoirs de la cité, indifférents à son bonheur, et formant ainsi une espèce d'État dans l'État ; une telle corporation, dis-je, me paraît antisociale. Dès lors, je ne vois pas comment nous pourrions en autoriser l'existence, ni comment, en la proscrivant, nous porterions atteinte aux grands principes de liberté qui doivent servir de fondement à l'édifice que nous construisons.
Le mal que j'appréhende ne serait pas chimérique, quand même l'article 16 du projet se bornerait à dire que « les Belges ont le droit de s'associer ; que ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive, et que les associations ne pourront être considérées comme personnes civiles, ni en exercer collectivement les droits. » Car alors les associations pourraient encore devenir de véritables corporations. Puis, quel serait l'objet d'une disposition ainsi restreinte ? Assurément elle ne satisferait pas ceux qui veulent une liberté illimitée pour tous ; qui la veulent illimitée, dis-je, bien qu'une telle liberté soit illusoire et incompatible avec l'état social, le seul pourtant qui convienne à la nature de l'homme et à sa constitution.
Mes commettants m'ont envoyé ici, non pas pour fonder des couvents, mais pour concourir à la formation de lois constitutionnelles qui soient en harmonie avec l'état de la civilisation et avec leurs besoins.
Je vote donc la suppression de l'article 16 dans toutes ses dispositions. (U. B., 7 fév.)
M. De Nef – Messieurs, l'article 16 du titre II, après avoir établi en principe que les associations sont permises, ajoute immédiatement : « qu'aucune association, constituée personne civile, ne peut faire d'acquisition à titre gratuit ou onéreux qu'avec l'assentiment du pouvoir législatif. » Je pense, messieurs, que cette restriction est conçue en termes trop généraux, et que c'est laisser constamment en question l'existence des associations que l'on a cependant voulu admettre en principe. En effet, messieurs, ne pourrait-il pas arriver que la majorité du pouvoir législatif fût par la suite entièrement opposée à tout esprit d'association ? et dès lors, si l'article reste tel qu'il est, rien ne sera si facile à cette majorité du pouvoir législatif que de faire tomber et rendre impossibles les associations qui auraient à peine commencé à s'établir. Il suffira pour cela, à cette majorité de refuser constamment son assentiment à toute action quelconque que voudrait faire une association, et quand même l'urgence et la nécessité en seraient clairement démontrées. Les associations, étant privées ainsi de tous moyens d'existence, devraient inévitablement finir par succomber.
Il est de règle que celui qui veut la fin veut aussi les moyens : Si donc vous voulez admettre en principe qu'il y ait des associations constituées personnes civiles, vous devez aussi admettre en principe ce qui est rigoureusement nécessaire pour leur existence ; or, d'après l'article du projet, c'est précisément le contraire, puisque tout y est abandonné d'une manière indéfinie à la volonté arbitraire du pouvoir législatif.
Je conviens, messieurs, que si l'intervention du pouvoir législatif n'était jamais requise, on pourrait craindre de voir les associations faire des acquisitions immodérées ; aussi mon observation ne tend pas à donner aux associations une liberté illimitée d'acquérir ; elle tend uniquement à leur assurer les moyens d'acquérir à concurrence de ce qui est strictement nécessaire à leur existence, et dès que cette existence se trouverait assurée par un revenu suffisant, par exemple 150 florins par associé, les associations ne pourraient plus faire aucune acquisition sans avoir obtenu l'assentiment du pouvoir législatif.
De cette manière l'existence des associations ne sera pas laissée en question ; et d'autre part on n'aura pas à craindre dans leur chef une accumulation de propriétés. Je propose donc d'ajouter au deuxième paragraphe de l'article 16 les mots suivants :
« Aussitôt que le revenu annuel de l'association aura atteint la somme de 150 florins par associé.» (U. B., 7 fév. Et A.)
M. Van Snick – Messieurs, l'Europe éclairée applaudit à la suppression des ordres religieux prononcée par l'assemblée constituante le 12 février 1790.
Les hommes les plus pieux s'accordèrent plus tard à reconnaître la sagesse de cette grande mesure législative.
Ils comprirent que la religion, sainement entendue, ne pouvait servir plus longtemps de prétexte au maintien de ces familles improductives et qui ne vivaient qu'aux dépens de toutes les autres. Ils se convainquirent enfin, par la réflexion, que celui qui, au premier âge du monde, avait dit à l'homme : Croissez et multipliez, n'avait pu voir avec déplaisir se fermer ces gouffres trop longtemps ouverts où allaient s'engloutir, avant de naître, les générations futures.
(page 475) Cependant, messieurs, malgré cet arrêt de la philosophie, sanctionné par le temps et la religion, la Belgique, mue par des idées de liberté qu'elle se fait un devoir d'appliquer indistinctement à tous les hommes, réhabilite pour ainsi dire, les capucins et les récollets, les moines blancs comme les moines noirs.
Elle les convie à venir, ensemble ou isolément, jouir des bienfaits de sa législation : phénomène moral, plus digne peut-être d'admiration que d'imitation.
Quoi qu'il en soit, messieurs, de notre bienveillance pour ces religieux de tous les ordres et de tous les costumes, on nous reproche de ne point faire assez pour eux ; on veut que nous laissions à la législature la faculté d'accorder à ces associations une personnification civile, au nom de laquelle ils exercent leurs droits.
J'avoue, messieurs, que je ne puis me rendre à cette exigence.
J'avoue que je ne puis concevoir un état , ni une existence civile dans une association qui, comme telle, n'a qu'un but tout spirituel et des opérations religieuses pour objet.
C'est ici, je pense, messieurs, le lieu d'appliquer le principe si souvent invoqué par ceux mêmes que je combats en ce moment : « que les matières religieuses restent étrangères à la loi civile, et que celle-ci, à son tour, doit leur être tout à fait indifférente, les méconnaître même, comme embrassant un ordre de choses hors de l'existence légale. »
La liberté individuelle du capucin, sera garantie, non comme capucin, mais comme citoyen. La loi ne voit et ne doit voir que cette qualité.
L'asile où plusieurs moines pourraient se trouver réunis, sera inviolable comme l'asile de tous autres individus, mais toujours comme citoyens. La loi ne connaît pas les moines : le moine est la personne religieuse. La loi civile ne la connaît pas ; c'est pour cela que nous nous accordons tous à dire que les moines, quand ils le trouveront bon, pourront se marier civilement, soit qu'ils aient quitté, soit qu'ils aient conservé le froc.
Ces principes, posés et reconnus, comment prétendre qu'une congrégation religieuse dont l'existence, comme telle, doit rester ignorée de la loi, reçoive cependant une personnification qui la rende apte à acquérir ? C'est vouloir des contradictions, des impossibilités.
Les capucins, les récollets, s'il nous en vient, pourront acquérir, soit individuellement, soit en commun, mais comme citoyens ; leurs acquisitions suivront le sort de tous les immeubles acquis par des particuliers.
Eh ! n'est-il pas étonnant qu'on ose aujourd'hui tenter le rétablissement des main-morte, c'est-à-dire l'immutabilité perpétuelle des propriétés dans leurs mains, cette cause universellement reconnue de l'appauvrissement des États !
On veut nous faire remonter les siècles, et nous faire annuler l'édit de Louis XV, de 1749, qui était venu rendre impossible toute acquisition aux gens de mainmorte.
Messieurs, lorsqu'il s'est agi du sénat, personne de nous ne s'est permis de parler de majorat, parce que nous savions tous que les idées que ce mot réveille auraient valu à l'institution elle-même une réprobation universelle. Mais comment aujourd'hui ceux-là mêmes qui n'auraient pas manqué de crier à l'anathème contre ce privilège antisocial osent-ils venir le réclamer en faveur des capucins et des récollets ? Au moins les partisans du majorat sénatorial auraient pu invoquer, pour soutenir leur thèse, les raisons d'État qui l’ont fait consacrer dans d'autres contrées ; mais je ne vois pas bien sur quelle raison d'État pourrait s'appuyer aujourd'hui le partisan des substitutions monacales.
Je dirai à mon tour à ces derniers ce qu'ils nous ont tant et si souvent dit eux-mêmes : « Soyez conséquents ; ne demandez pas d'exception, vous qui n'en avez pas voulu dans les articles 12 et 13. »
Qu'on ne nous oppose point, messieurs, l'intérêt de la religion. La religion n'a point besoin de ces auxiliaires : nos curés et nos desservants suffisent aux besoins des fidèles.
« Les moines, dit l'auteur du Génie du christianisme, ont presque toujours été les fauteurs, les propagateurs de la superstition, rarement de la véritable piété. »
Sans doute on ne les verrait plus chez nous, suivant l'expression du même auteur, capter des testaments, dépouiller les fils de l'héritage de leur père et nous fouler ensuite à leurs pieds. Les temps d'ignorance, de superstition et de démence sont heureusement passés.
Des hommes sont venus qui, après Fénélon, ont appris aux nations que la religion ne consistait pas dans la fainéantise, la vertu dans l'observance de certaines pratiques dont il ne revient rien à l'humanité ; ni la piété, dans la singularité des vêtements.
L'évangile du Samaritain a été leur texte ; et, ce flambeau à la main, ils ont fait succéder aux ténèbres de la superstition le jour brillant de la véritable religion.
(page 476) Mais, disent nos adversaires, vous reconnaissez des associations commerciales, des établissements de bienfaisance, et vous donnez aux uns comme aux autres la faculté d'acquérir sous le nom de l'être collectif qu'ils ont choisi.
Pourquoi ne pas étendre vos exceptions jusqu'aux associations religieuses ?
Je leur répondrai d'abord qu'en supposant que ce soient là des exceptions, elles ont été commandées par l'intérêt public, et qu'il ne faut jamais étendre les exceptions sans une nécessité évidente. Or la nécessité d'une pareille exception en faveur des associations religieuses vous sera toujours contestée.
Mais peut-il y avoir lieu ou raison à comparer des établissements de bienfaisance ou de commerce aux corporations religieuses ?
Les premiers ont pour objet des opérations tout humaines, toutes matérielles, toutes terrestres, dont les résultats agissent et réagissent à chaque instant sur la condition civile des citoyens.
Les seconds, au contraire, sont de véritables entreprises religieuses (si je puis me servir de ce mot), dont les opérations toutes spirituelles, sans rapport avec la condition des hommes ici-bas, n'ont pour objet que les éventualités des peines ou des récompenses de l'autre monde.
Il n'y a donc, comme j'ai eu l'honneur de le dire, aucun rapprochement à faire entre les uns et les autres établissements, ni quant à leurs opérations ; ni quant à leurs résultats, ni quant à leur objet.
Je crois avoir, par ce peu de mots, réduit la question à sa plus simple expression, et avoir suffisamment motivé mon vote pour la suppression des trois derniers paragraphes de l'article 16. Je remettrai sur le bureau ma proposition dans ce sens, à moins qu'un honorable membre ne veuille bien se charger de l'initiative. (U. B., 7 fév.)
M. le baron Beyts – Je veux formellement la suppression de cet article ; je n'ai pas mon travail ici, je ne m'attendais pas à la discussion. Il est inutile de dire dans la constitution qu'on peut s'associer : personne ne conteste ce droit ; mais on veut aller plus loin. On veut des associations privilégiées. Est-ce bien là se conformer aux idées du siècle ? En rétablissant les moines, nous rétrogradons de cinq cents ans. Voulons-nous rendre notre constitution, si belle, si pure, la risée de l'Europe ?... Les couvents de femmes vont venir après cela, et vous en connaissez les inconvénients.
- L'orateur parle des édits de Marie-Therèse, des moines qui portaient la croix dans une main et le sabre dans l'autre ; il excite l'hilarité de l'assemblée. Il fait aussi mention de la mort civile de M. Beyts, et termine en disant qu'il n'avalera pas toutes les pilules qu'on veut lui faire avaler.) (On rit. ) (J. F., 7 fév.)
M. le baron de Sécus (père) monte à la tribune. (Profond silence).
Messieurs, il est de droit naturel que plusieurs personnes puissent se réunir, soit simplement pour vivre en commun dans une même habitation en convenant, de leur plein gré, de la règle qu'elles veulent se prescrire dans leur réunion ; soit pour exercer ensemble des actes quelconques qui ne sont pas défendus par les lois, et qui ne troublent ni l'ordre ni la morale publique. Aucune autorité n'a le droit de l'empêcher ni même de s'ingérer dans le régime intérieur de semblables associations.
Ainsi des personnes bienfaisantes se réuniraient dans un vaste local pour y recevoir et donner des soins à des vieillards, à des infirmes, à des orphelins, nul n'a le droit de les entraver ; et c'est un des torts des agents de l'ancien gouvernement d'avoir tenté de le faire.
Mais ces associations n'ont aucun caractère de stabilité ; elles ne peuvent donc produire qu'un bien éphémère ; aucun des associés n'est lié qu'autant qu'il le veut bien ; il peut s'en retirer à sa volonté.
Les associations peuvent acquérir, parce que ceux qui les composent sont personnes civiles, mais ce n'est qu'au profit de tous et chacun des associés pour sa part, et au moins, à la mort de chacun d'eux, il en faut faire raison à ses héritiers ou à ses légataires.
Il a existé une association célèbre réunie dans un but à la fois religieux et littéraire, c'est la congrégation de Saint-Maur ; elle a enrichi nos bibliothèques d'ouvrages savants et volumineux, dont la plupart excédaient les forces d'un seul homme et qui ne pouvaient être le fruit que de recherches suivies et longtemps continuées. De bonne foi tout ce bien eût-il été possible, si cette congrégation n'eût pas eu en elle-même un principe de stabilité ?
Il ne s'agit point ici seulement d'associations religieuses, ainsi il ne faut pas s'effrayer ; il s'agit de toute réunion de personnes pour un but quelconque d'utilité publique. Ces réunions peuvent avoir lieu ou par la volonté libre des personnes qui se réunissent, ou elles peuvent être provoquées par des fondations.
Pour que pareille association, quelle que soit son origine, acquière ce principe de stabilité qui lui permette d'opérer un bien stable dont les effets (page 477) soient plus utiles, parce qu'ils sont permanents, il faut que la loi la reconnaisse personne civile, et qu'en telle qualité elle soit déclarée habile à exercer les droits qui lui sont octroyés par la loi qui leur confère telle qualité, comme l'exerce tout citoyen qui jouit de ses droits civils. Si elle a le droit de posséder, elle possède tant qu'elle existe et indépendamment des membres qui la composent. Ces personnes se renouvellent sans altérer en rien l'existence de l'association.
Les membres qui composent ces associations peuvent avoir et conserver des droits particuliers et les exercer indépendamment de ceux de l'association dont ils font partie.
Ce que j'observe ici relativement aux associations et à leur reconnaissance comme personnes civiles est déjà mis en pratique pour les fondations, telles que les hospices et fabriques d'églises qui sont régies par des administrations ; il pourrait en être de même d'autres établissements, tels qu'universités, collèges, académies.
L'article en discussion ne parle que d'associations ; mais des établissements d'utilité publique peuvent aussi se former par des fondations : c'est une réflexion que je livre aux méditations de l'assemblée sans me permettre aucune proposition.
L'utilité de semblables établissements qui, par une dotation suffisante, existent par eux-mêmes, ne sont point à charge au trésor public et sont ainsi à l'abri et de la mobilité des opinions et des caprices de ceux qui gouvernent, ne saurait être contestée ; je citerai en preuve la célèbre université de Louvain ; son indépendance lui a fait traverser plusieurs siècles ; elle est sortie victorieuse de la persécution de Joseph II et elle n'a péri que dans le gouffre qui a tout englouti.
Je pense donc qu'il faut favoriser et les associations et les fondations, quand il en résulte une utilité publique ; il faut pourvoir à ce que le but qu'elles se proposent soit accompli d'une manière stable ; il faut que la loi qui statue sur leur érection en personne civile leur en donne les moyens. Je n'ai nulle pensée de ressusciter des corporations riches et dotées au delà de ce qui est nécessaire à l'accomplissement de leur but ; ce serait détruire au lieu d'édifier ; la richesse attiédirait le zèle et arrêterait le bien que ces associations peuvent produire. Il faut donc qu'on se borne à l'acquisition du local dans lequel elles veulent s'établir et à la somme de revenus strictement nécessaire pour qu'elles ne dépendent point, pour continuer à exister, du plus ou du moins de générosité des citoyens. .
J'ai ouï énoncer la crainte de revoir une masse de propriétés retomber en mainmorte et sortir ainsi et du commerce et de la circulation. Mais il est très facile de prévenir ces inconvénients dans la loi qui les reconnaît personnes civiles, en bornant leur droit d'acquérir aux biens meubles en tout ou en partie.
En autorisant l'acquisition de biens meubles, on ne fait que permettre de faire publiquement ce qui peut toujours l'être en secret. Qui peut empêcher une association quelconque de recevoir les sommes de la main à la main, d'acheter des obligations au porteur, de se les transmettre en secret ? Ira-t-on établir des inquisitions toujours odieuses, souvent vexatoires, qui donnent aux actes du gouvernement, même conformes aux lois, un vernis de tyrannie, parce qu'elles contrarient l'opinion ? Ce serait un remède pire que le mal.
Il est bien à réfléchir que des établissements d'utilité publique qui résulteraient d'associations ou de fondations tourneraient pour la plupart à la décharge du trésor public. Ainsi, sous ce rapport, cette cause se présente sous un aspect avantageux.
Le grand principe admis aujourd'hui est liberté en tout et pour tous ; il me semble qu'on peut aussi le réclamer en faveur des associations. (J. F., 7 fév.)
M. Lebeau – Je propose la suppression de tous les paragraphes qui suivent l'énonciation du principe. Il est des associations que l'on ne peut empêcher d'être, mais il n'est pas nécessaire de les réunir en personnes civiles. En Angleterre vous avez la société biblique, institution moitié civile, moitié religieuse, qui exerce une grande influence. Je rappellerai encore les sœurs de la charité qui ont bravé les plus grands dangers à Barcelone. Je ferai observer en outre que les hospices sont des personnes civiles, et cependant vous êtes obligés de faire exception en leur faveur, de leur laisser accumuler des biens de mainmorte. Nous pouvons sans danger laisser à la législature le soin de prendre des précautions ; nous devons lui croire quelque bon sens. (Appuyé.) (U. B., 7 fév.)
M. de Robaulx est à la tribune. Il s'engage une discussion pour savoir s'il aura le droit de parler ; interrompu à plusieurs reprises, il quitte la tribune sans avoir pu se faire entendre. (U. B., 7 fév.)
M. Alexandre Rodenbach – Je demande la parole pour réfuter quelques assertions avancées par mon honorable collègue M. Van Snick. Chateaubriand n'a point lancé contre les associations les brocards que le préopinant vient de citer. Si j'ai bonne mémoire, l'auteur du Génie du Christianisme (page 478) rapporte, dans son ouvrage, que les corporations religieuses ont rendu d'éminents services à la civilisation, aux lettres, et surtout à l'agriculture ; que l'Europe leur est redevable de plus de la moitié de ses terres cultivées et que c'est encore aux associations que nous devons les premiers grands chemins. Je dirai aussi aux honorables orateurs MM. Beyts et Seron, que les capucins sont bons à quelque chose, en 1831, puisqu'ils se sont joints au mouvement général de la Pologne, et que leur capuchon et leur longue barbe ne lés empêchent pas, en ce moment, de faire des barricades et de travailler aux fortifications. (Hilarité générale.) (J, F., 7 fév.)
- Des voix – La clôture ! la clôture ! (C., 7 fév.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (C., 7 fév.) (Note de bas de page : « Cette résolution de l’assemblée empêcha M. Eugène de Smet de prononcer le discours qu’il avait préparé. » Cet discours est repris dans l’ouvrage de Huyttens)
La suppression totale de l'article proposée par M. Seron est mise aux voix et rejetée. (P. V.)
Celle des trois derniers paragraphes de l'article, demandée par M. Van Meenen, est adoptée. (P. V.)
La disposition initiale de l'article 16 est ensuite mise aux voix et adoptée.
On passe à l'article 8 du titre IV : Des finances, dont la discussion a été ajournée dans la séance du 27 janvier 1831. Cet article est conçu en ces termes :
« Les traitements, pensions et autres avantages, de quelque nature que ce soit, dont jouissent actuellement les différents cultes et leurs ministres, leur sont garantis.
« Il pourra être alloué, par la loi, un traitement aux ministres qui n'en ont point, ou un supplément à ceux dont le traitement est insuffisant. » (J. F., 7 fév. et A. C.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt propose d'ajouter au paragraphe premier les mots : .
« Sauf la réduction ou la répartition qui pourra être faite de ces traitements, pendant la prochaine session des chambres. » (C., 1 fév.)
- Cet amendement est appuyé. (J. F., 7 fév.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt – Mon amendement a pour but de laisser à M. Charles de Brouckere le temps de préparer ses observations. (J. B., 7 fév.)
M. le baron de Sécus (père) parle en faveur de l'article ; le traitement doit être à la charge de l'État, cela est de droit strict. (J. B., 7 fév.)
M. Claus fait quelques observations, et propose un amendement qui a pour but de laisser à la loi le soin de déterminer les traitements du clergé. (C., 7 fév.)
M. le baron Beyts – Un décret de l'assemblée constituante, qui date d'avant la réunion (page 479) de la Belgique à la France a supprimé les dîmes et a établi la contribution foncière. Les Belges et leur clergé ont été enveloppés dans un malheur commun ; ceux-là ne doivent donc à ce dernier aucune indemnité de ce chef. D'un autre côté, le clergé en général n'était pas propriétaire, mais chaque corporation possédait pour soi. Il n'a donc pas de prétentions générales à former. Comme traitement, je ne considère pas si l'indemnité est bien ou mal répartie, ce n'est pas notre affaire ; la législature l'examinera ; ce n'est pas une assemblée constituante qui doit s'en occuper. (J. B., 7 fév.)
M. Lebeau – J'appuie l'amendement de M. de Theux. Le curé de campagne a à peine le nécessaire et ne peut se livrer à aucun acte de bienfaisance. Leurs droits ne sont pas absolument les mêmes que ceux des fonctionnaires publics. Ils reçoivent un traitement et à titre des services qu'ils rendent et à titre d'indemnité. Le décret de l'assemblée constituante porte « : Les biens du clergé appartiennent à la nation. Les indemnités seront réglées par la loi. » Avec l'amendement de M. Claus, vous assimilez les curés aux fonctionnaires publics, et vous rendez leur existence incertaine. Il faut donc remettre à la prochaine législature le soin d'y pourvoir. (J. B ; 7 fév.)
M. Forgeur – Il serait dangereux d'admettre l'article tel qu'il est proposé ; ce serait interdire à la législature la faculté de faire des économies dans les traitements du clergé, ce serait établir en faveur de ce dernier un privilège dans la constitution. (J. B., 7 fév.)
M. Le Bègue – Dans une séance précédente on a dit qu'un évêque avait 13,000 florins : c'est parce qu'il est à la tête de deux diocèses ; comment fera-t-on solder le deuxième évêché ? Je crois qu'il faut abandonner la question à la législature. (J. B., 7 fév.)
M. Lebeau – Je propose d'ajouter :
« En aucun cas les traitements des curés et desservants de campagne ne peuvent être réduits au-dessous du taux actuel. » (C., 7 fév.)
M. Charles Lecocq – Cela ne doit point être stipulé ; il suffit de garantir les traitements ; il est évident qu'ils ne peuvent être réduits, sinon la disposition de l'article serait illusoire. (J. F., 7 fév.)
M. Gendebien M. Gendebien – Ils sont garantis comme les autres dettes de l'État, (J. B.. 7 fév.)
M. Destouvelles présente l'amendement suivant :
« Les traitements et pensions des ministres de tous les cultes sont à la charge de l'Etat. Les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. » (A.)
M. Forgeur – D'après cet amendement nous devrions payer les ministres d'un culte quelconque, jusqu'aux saint-simoniens. Je propose le remplacement des mots : de tous les cultes, par ceux-ci : des cultes. (J. B.. 7 fév.)
M. Seron demande que les pensions soient garanties. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 7 fév.)
- La proposition de M. Destouvelles, amendée par M. Forgeur, est adoptée et remplace l'article 8. (P. V.)
La séance est levée à cinq heures. (P. V.)